CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis 2002, l’Angola peut enfin recueillir les dividendes de la paix après plus de trente ans de guerre sanglante. Ce pays est désormais considéré comme un poids lourd en termes économiques et politiques en Afrique, notamment en Afrique australe. En effet, l’Angola est un des plus grands producteurs de pétrole d’Afrique et il fait partie désormais du groupe de pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure selon la Banque mondiale. Pour autant, les indicateurs de pauvreté sont alarmants. Dans le domaine de la santé, l’espérance de vie atteint 52 ans à la naissance [1], des épidémies de choléra frappent régulièrement le pays et l’Angola est le pays avec le deuxième taux plus élevé de mortalité des enfants de moins de cinq ans [2]. Pourtant, les organisations non gouvernementales (ONG) de développement en sont quasiment absentes. Parallèlement, un nouveau phénomène prend de plus en plus d’importance : les projets financés et/ou mis en place sous l’égide des politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE), notamment pétrolières. Quelles en sont les conséquences en termes de développement ? Quel modèle de santé publique en découle ?

2Après la présentation du contexte dans lequel cette recherche prend place, nous ébaucherons une classification des projets de RSE et analyserons en quoi ils diffèrent des projets menés par les ONG. Puis nous interrogerons les différences avec des acteurs similaires, c’est-à-dire le philanthrocapitalisme et les ONG. Enfin, nous étudierons le modèle de régime de santé globale proposé par de tels programmes pour en considérer les conséquences sur le modèle de santé publique adopté en Angola.

3Les recherches sur lesquelles s’appuie cet article ont démarré en 2008. Nous avions mené alors un entretien collectif avec les deux responsables d’un département de responsabilité sociale au siège d’une entreprise pétrolière à Luanda et plusieurs autres entretiens, formels ou informels, avec des responsables d’ONG internationales, à Luanda et à Huambo. La problématique de la responsabilité sociale des entreprises pétrolières comme nouvel acteur du développement, même si elle n’était pas le sujet principal de notre recherche à l’époque, nous semblait un phénomène marginal amené à prendre plus d’importance dans le futur. Par la suite, des entretiens ont été réalisés avec des responsables, actuels ou passés, de départements de responsabilité sociale d’entreprises pétrolières travaillant au siège européen.

4En septembre et octobre 2012, nous avons conduit une enquête de terrain sur cette thématique en Angola. De nouveaux entretiens ont été menés, à Luanda et dans les provinces de Huíla et de Cunene, avec des responsables de départements de responsabilité sociale de compagnies pétrolières [3], des responsables d’ONG dont certains projets étaient ou ont été financés par des entreprises pétrolières et des responsables de l’administration locale. Une analyse des rapports de responsabilité sociale ainsi que de diverses publications, notamment celles publiées à destination du personnel de l’entreprise en Angola, a aussi été conduite. Il faut souligner que la participation des entreprises pétrolières au développement reste un sujet sensible, même s’il nous a semblé bénéficier d’une relative ouverture du terrain au fil des années, notamment avec les responsables des départements en charge de la responsabilité sociale des entreprises.

L’Angola, une économie en plein envol, une population qui reste à terre

5L’Angola a connu une guerre civile de plus de trente ans, de 1975 à 2002 [4]. Tout de suite après l’indépendance, en 1976, le gouvernement adopte une politique économique de type marxiste (Soares de Oliveira, 2007). La loi n°3/76 de 1976 met en place « l’économie de résistance » dont les principes visent à reprendre en main l’appareil productif au travers d’une planification centrale (Ennes Ferreira, 2002). Même la loi sur l’investissement étranger n°10/79 de 1979 encadre de manière restrictive la participation de capitaux étrangers à l’économie angolaise. Elle sera modifiée en 1988 pour une loi plus souple [5]. À la fin des années 1980, la crise économique et sociale du pays, couplée au délitement du bloc de l’Est, incite le gouvernement à modifier l’orientation économique du pays. Le programme d’assainissement économique et financier (le SEF), en 1987, en marque la première étape, suivie par le programme de récupération économique (PRE), en 1989, et le programme d’action du gouvernement (PAG), en 1990. Elle est renforcée, en 1988, par certaines lois dont la loi des activités économiques n°10/88, la loi de bases générales des entreprises étatiques n°11/88, la loi de planification n°12/88 et par l’instauration d’une économie de marché officialisée lors du deuxième congrès extraordinaire du MPLA (Movimento Popular de Libertação de Angola — Mouvement populaire de libération de l’Angola, parti au pouvoir depuis l’indépendance) en avril 1991 (Ennes Ferreira, 1995). Une autre loi concomitante à ces réformes économiques mais touchant le domaine politique est la révision partielle de la Constitution, loi n°12/91 de 1991 abandonnant le système de parti unique et légalisant les partis politiques (Ennes Ferreira, 2002). Les élections multipartistes de 1992 jouent également un rôle dans le changement de cap de l’Angola. Pour autant, le secteur pétrolier a toujours été traité à part des autres secteurs économiques et a il bénéficié d’un traitement de faveur pendant ces années de politique socialiste. Il faut se souvenir que le choc pétrolier a eu lieu en 1973, deux ans avant l’indépendance de l’Angola. Le pétrole est alors apparu comme une ressource stratégique et une source fiable de devises pour le gouvernement, dans le contexte d’une guerre à financer et d’une économie moribonde [6]. C’est ainsi que, malgré les lois restreignant l’investissement étranger, les compagnies pétrolières, même américaines, ont pu continuer leurs activités. Depuis 1993, la libéralisation de l’économie s’est encore renforcée, mais l’État joue toujours un rôle important et, en règle générale, il est compliqué d’investir en Angola à l’exception pérenne et notable des entreprises pétrolières (Bertelsmann, 2012). À noter que les réformes légales qui ont eu lieu en 1991-1992 ont aussi mené à la création d’organisations nationales, prémisses d’une société civile qui reste limitée (Hilhorst et Serrano, 2010).

6Depuis l’indépendance, les entreprises pétrolières jouent un rôle de premier plan dans l’économie angolaise. Le pétrole a largement financé le MPLA durant la guerre civile (Le Billion, 2001) et contribue actuellement à hauteur de 40 % au PIB (African Economic Outlook, 2016). Les vœux de diversification économique sont pour l’instant restés pieux (African Economic Outlook, 2016). Sonangol, contrôlée depuis juin 2016 par Isabella Dos Santos, la fille du Président Dos Santos, est au cœur du système mis en place par le gouvernement angolais pour contrôler et maximiser les bénéfices à tirer du pétrole.

7Pendant la guerre, la présence des ONG d’urgence a été extrêmement forte, notamment à partir de 1992, date de la reprise du conflit après des élections dont le résultat a été contesté par l’UNITA (União Nacional para a Independência Total de Angola — Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola). L’Angola a été le seul pays dans lequel toutes les sections opérationnelles de Médecins sans frontières (MSF) ont été présentes en même temps, ce qui est un indicateur, anecdotique mais révélateur, de l’ampleur de la catastrophe humanitaire qu’a connu le pays. À cette époque, les ONG internationales mettaient en place leurs propres programmes ou en sous-traitaient certains aspects ou la totalité à des ONG locales [7]. Elles assuraient la distribution de biens essentiels ainsi que l’accès aux services de base dont, notamment, la santé, à une grande partie de la population puisque de fait, le pays était à l’époque divisé entre les zones tenues par les forces gouvernementales et celles tenues par l’UNITA (Christoplos, 1998). À partir de 2003, mais plus nettement en 2005, l’activité humanitaire se réduit au profit d’actions de développement et de réinsertion des groupes vulnérables (anciens réfugiés, anciens déplacés internes, soldats démobilisés, etc.) dans la société (MINARS, 2008). Il est compliqué de trouver des chiffres fiables sur les ONG présentes en Angola : certaines ne sont pas enregistrées car elles agissent au travers de correspondants locaux et celles qui sont enregistrées ne sont pas toujours actives. En 2008, on comptait 563 ONG selon l’UTCAH (448 nationales et 115 internationales) (MINARS, 2008).

8Les ONG de développement ne se sont jamais emparées du marché que constituait le développement de l’Angola et ce, malgré les énormes besoins que l’on peut voir dans certains bairros (quartiers) de la capitale mais également et surtout dans les provinces, notamment dans les municipios (localités) autres que ceux des capitales de province. Malgré son apparente richesse [8], le pays reste l’un des plus pauvres selon le classement de l’indice de développement humain : au 149e rang sur 187 pays [9]. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette situation. Tout d’abord, le coût de la vie en Angola, particulièrement à Luanda, est tellement élevé que les ONG peuvent difficilement supporter et justifier ces coûts dans leur budget vis-à-vis des donateurs [10]. De plus, l’Angola est considéré comme un pays ayant suffisamment de ressources propres pour pouvoir mettre en place ses propres projets de développement. Le fait d’être un pays producteur de pétrole explique la réticence des bailleurs de fonds d’y financer des projets de développement, ce qui nous a été confirmé à de nombreuses reprises lors d’entretiens avec des responsables d’ONG internationales. Enfin, la crise économique implique une réduction des fonds alloués pour le développement et une redistribution vers les pays et les secteurs les plus nécessiteux (Hilhorst et Serrano, 2010). La question du refus de la présence d’ONG par le gouvernement angolais, pour des raisons d’image, se pose également. Celui-ci met un point d’honneur à considérer que la guerre est finie et appartient au passé, il ne souhaite pas que l’Angola soit considéré comme un pays en développement et préfère faire appel à des entreprises de construction chinoises et portugaises pour construire et réhabiliter les infrastructures, plutôt qu’à des ONG. Ainsi, la disparition des deux organismes de liaison entre les ONG que sont le CONGA (Comité das ONG em Angola — Comité des ONG en Angola) et le FONGA (Forum das ONG Angolanas — Forum des ONG angolaises) est significative. Ces deux forums permettaient la liaison entre les ONG internationales pour le premier et les ONG nationales pour le second et ils furent très actifs lors de la phase d’urgence, alors que de nombreuses ONG notamment nationales ou locales y étaient impliquées. Le tissu associatif angolais semblait alors suffisamment solide pour perdurer lors de la phase de développement. Cela n’a pas été le cas. N’ont survécu que les ONG historiques telles que ADRA (Acção para o Desenvolvimento Rural e Ambiente — Action pour le développement rural et l’environnement) [11] ou Development Workshop[12], aidées par la localisation de leur siège à Luanda, ce qui leur permet de rencontrer facilement les décideurs, qu’ils soient politiques ou financiers, et de faire connaître leur action. Une ONG dont le siège est en province aura des difficultés à se faire connaître d’éventuels bailleurs de fonds. Comme l’a souligné un responsable d’un bureau d’une ONG internationale, les responsables des départements de RSE se déplacent rarement en province pour prospecter d’éventuels partenaires [13].

9La prise en compte des actions mises en place sous l’égide de la RSE est incontournable pour qui souhaite comprendre, agir ou encore étudier les politiques de développement en Afrique, au niveau national comme international. Plusieurs raisons expliquent cela, qui découlent de tendances socio-économiques globales. Le marché africain prend de plus en plus d’importance pour les multinationales et ce, à plusieurs niveaux. En ce qui concerne certaines ressources tout d’abord, notamment énergifères : depuis la guerre du Golfe, la production en terres africaines est considérée plus sûre et moins sujette aux aléas politiques qu’au Proche et Moyen-Orient (Frynas et Paulo, 2007). En conséquence, de plus en plus d’entreprises investissent sur ce continent ce qui résulte en un déploiement plus grand de leurs politiques et programmes de RSE. De plus, l’émergence d’une classe moyenne africaine (Darbon et Toulabor, 2014) a créé de nouveaux débouchés pour nombre d’entreprises qui souhaitent développer ce marché prometteur. Ces consommateurs sont citoyens de pays dans lesquels une majorité de la population reste pauvre : avoir une politique de RSE conséquente (et visible) pour ces multinationales constitue un avantage marketing pour atteindre ces éventuels consommateurs. Enfin, l’apparition de nouveaux acteurs qui sont devenus des bailleurs de fonds de plus en plus importants a permis aux entreprises de pénétrer le monde du développement avec des gens parlant le même langage. Les PPP (partenariats public-privé) mais aussi de nombreuses organisations philanthropiques qualifiées de « philanthrocapitalistes » telles que la Bill and Melinda Gates Fondation sont devenus des partenaires incontournables. Les départements de RSE partagent avec eux un même univers culturel, un même langage, une même manière de travailler, ce qui facilite leur entrée dans le champ du développement.

10La politique d’« angolanisation » du secteur pétrolier a été décidée par le gouvernement en 1982 (World Bank, 2003). Deux volets sont essentiels à analyser dans le cadre de cet article : l’obligation faite aux entreprises d’embaucher un certain pourcentage d’Angolais et l’obligation faite aux entreprises de réinvestir un certain pourcentage de leurs profits dans des projets sociaux. Ces obligations sont inscrites dans la loi des activités pétrolières n°20/82 de 1982 et dans la loi des activités pétrolières n°10/04 de 2004 [14]. Les pourcentages sont définis en fonction de la production Bpd (barrel per day, baril par jour) [15]. Outre le fait que les compagnies pétrolières soient devenues des acteurs incontournables de la scène du développement en Angola [16] par le biais de ce dernier aspect d’« angolanisation » du secteur pétrolier, d’autres conséquences plus inattendues sont apparues. De nombreux cadres du secteur associatif se sont faits débaucher afin de travailler dans le domaine de la responsabilité sociale. Formés lors de la phase d’urgence par les ONG internationales, et donc pleinement et immédiatement opérationnels dans un contexte où la main d’œuvre qualifiée est rare, ces transfuges ont aidé à atteindre le quota imposé d’Angolais. Ce phénomène a été renforcé par le soudain délitement du tissu associatif expliqué plus haut, par l’attrait d’un poste stable aux conditions avantageuses et par la perspective d’avoir les moyens nécessaires pour accomplir leur mission. Les conditions financières et de travail sont attractives et les budgets à disposition sont non seulement importants mais surtout garantis puisqu’il s’agit là d’une obligation de dépense de l’entreprise. Les opportunités d’emploi et les conditions de travail offertes ont initié un mouvement de va-et-vient du personnel qualifié entre les différents acteurs de la scène du développement, qui a peu à voir avec une « idéologie », tout du moins une identification à l’employeur, dont on pourrait penser qu’elle anime les salariés du secteur (Baaz, 2005). Comme souligné auparavant, la participation des compagnies pétrolières au développement du pays est souvent dépeinte comme anecdotique, voire hypocrite : l’objectif serait uniquement d’acheter la paix sociale. Les premiers et plus virulents critiques en sont souvent les ONG qui travaillent sur le même terrain. On pourrait penser que les employés prennent position par rapport à ce débat en choisissant de travailler pour l’un ou l’autre de ces acteurs. Il n’en est rien et les carrières se font au gré des opportunités.

Les projets de responsabilité sociale des entreprises dans la politique de santé nationale angolaise

11Le domaine de la santé a été particulièrement affecté par la guerre. La colonisation avait laissé un système de santé relativement moderne dans les centres urbains, mais épars et peu efficace sur le reste du territoire. Les entreprises — notamment les grandes exploitations agricoles mais aussi Diamang, la compagnie diamantifère, ou la Companhia do Caminho de Ferro de Benguela (Compagnie du chemin de fer de Benguela) exploitant la ligne de chemins de fers entre Lobito et Luau, à l’est du pays —, établies dans des endroits reculés d’Angola, se chargeaient des soins de santé de leurs travailleurs et de leurs familles. Cette pratique est souvent considérée comme l’ancêtre de la RSE. Pendant la guerre civile, le fossé entre les infrastructures rurales et urbaines n’a cessé de se creuser, les rares financements étant majoritairement dirigés vers les hôpitaux et les centres de santé localisés en zones urbaines. Le personnel de santé était majoritairement peu entraîné, la grande majorité du personnel de santé qualifié ayant quitté le pays ou du moins la profession. Les médecins cubains ou soviétiques avaient massivement quitté le pays entre 1990 et 1991 suite au retrait des troupes cubaines (conséquence des Accords de New-York signés en 1988), d’une part [17], et au renoncement officiel du MPLA à la doctrine marxiste-léniniste en 1990, d’autre part. Une autre caractéristique du système de santé angolais de cette période est son morcellement tant en ce qui concerne les programmes, dont certains sont largement favorisés par les agences d’aide car vus comme prioritaires quand d’autres sont totalement délaissés, qu’en termes géographiques avec l’isolement croissant de certaines provinces ou de municipios, livrés à eux-mêmes et devant improviser pour pallier la désorganisation de plus en plus handicapante du système de santé national. L’accès aux soins de santé, notamment primaires et de prévention comme la vaccination ou les soins maternels, a été compromis par la faiblesse du réseau et de ses capacités.

12La courte période de paix connue entre 1991 et 1992 attira un très grand nombre d’expatriés et d’agences d’aide souhaitant préparer la période postguerre. Mais l’échec de la signature de l’accord de paix en 1991 et la contestation du résultat des élections présidentielles et législatives de 1992 par l’UNITA conduisirent à la reprise de la guerre. Les centres urbains furent durement touchés par l’escalade de la violence due à la reprise du conflit et les centres de santé furent particulièrement visés (Pavignani et Colombo, 2001). Les services de santé, limités aux zones tenues par le gouvernement, furent réduits à leur plus simple expression. Le suivi, ainsi que la conception et l’implémentation des politiques de santé, sont alors laissés aux mains des acteurs externes, c’est-à-dire soit les ONG internationales, soit les agences des Nations-Unies. Leurs tentatives pour revitaliser le secteur de la santé, et spécialement cette partie délaissée par le ministère en charge, furent sans succès. Cette période connue comme « sans guerre ni paix » impliqua un désengagement des acteurs tant nationaux qu’externes du secteur de la santé. Les rares ressources financières disponibles furent mal gérées et ne permirent pas l’acquisition de biens consommables ou la maintenance des bâtiments dans l’optique de préserver au moins les quelques reliquats encore en état de fonctionnement. Les salaires rarement ou non payés n’incitèrent pas le personnel de santé à s’investir. Celui-ci fit payer des soins normalement gratuits ou chercha un emploi complémentaire ou de substitut pour subvenir à ses besoins. Les zones tenues par l’UNITA connaissaient une situation équivalente. Les infrastructures, raisonnablement entretenues quand elles étaient destinées aux militaires, étaient ailleurs en piteux état et le personnel peu qualifié.

13En résumé, presque trente années de guerre ont laissé un pays avec des infrastructures en piètre état, un personnel de santé peu qualifié et une politique de santé chaotique, brouillonne, rarement appliquée sur le terrain et ne permettant pas une bonne intégration du territoire. Depuis 2001, le gouvernement angolais cherche, d’une part, à décentraliser le système de santé pour donner plus d’autonomie aux niveaux municipal et provincial afin de renforcer l’accès aux soins de santé primaire et, d’autre part, à sortir du modèle hérité de la guerre dans lequel l’hôpital joue un rôle central. Les objectifs de la politique de santé pour 2012-2017 visent à renforcer ces grandes lignes en favorisant le financement des soins de santé primaire, en augmentant la couverture géographique du réseau sanitaire, en mettant en place des normes de qualité (USAID, 2010) et en permettant au secteur privé de complémenter les services offerts par le secteur public [18].

14La situation sanitaire en Angola reste déplorable et reflète non seulement les conditions socio-économiques pitoyables dans lesquelles vivent la majorité des Angolais mais surtout, en premier lieu, les manquements du système de santé étatique : personnel peu qualifié, infrastructures en mauvais état et bondées (notamment celles en charge des soins de santé primaire), manque d’argent pour acheter les médicaments de base et suivi peu efficace des patients (UNICEF, 2015). Des cas de choléra — maladie contagieuse mais facile à traiter et qui se développe dans un environnement où les besoins en eau propre et en assainissement ne sont pas assurés —, sont régulièrement répertoriés depuis 2006. Une épidémie de fièvre jaune s’est déclarée en décembre 2015 à Viana (province de Luanda) et n’a depuis cessé de se propager dans le reste du pays et les pays avoisinants. Les maladies diarrhéiques, les maladies infectieuses respiratoires et le paludisme, pathologies facilement évitables pour un coût modique, sont les principales causes de mortalité prématurée [19], notamment des enfants [20].

15La reconstruction du système de santé, dans ses différentes dimensions, est donc un enjeu d’importance pour le pays. Ça l’est d’autant plus pour le gouvernement que ce dernier souhaite rejoindre, pour des raisons tant politiques qu’économiques, le groupe des pays à revenu intermédiaire [21]. Le gouvernement ne consacre que 5 % de son budget à la santé, loin des 15 % que l’Angola s’est promis d’atteindre en adoptant la Déclaration de Ouagadougou en 2008. Par ailleurs, dans le Plano de Desenvolvimento Nacional 2013-2017 (Plan de développement national 2013-2017), le secteur privé est reconnu comme moteur de la croissance et du développement du pays, et le secteur pétrolier comme partenaire à part entière par l’entremise d’ « opportunités de coopération innovatrices » [22]. Les projets sous l’égide de la RSE semblent ainsi intégrés dans la stratégie de développement économique choisie par le gouvernement angolais.

16Les projets de responsabilité sociale des entreprises pétrolières en matière de santé peuvent être classés en trois catégories. Chacune révèle une facette du modèle de santé publique qu’ils mettent en place. Historiquement, la responsabilité sociale s’exerçait en faveur de groupes (souvent nommés « communautés ») partageant une proximité géographique ou un lien contractuel avec l’entreprise, c’est-à-dire les personnes vivant près des installations de l’entreprise ou les travailleurs de l’entreprise et leurs familles, sans distinction de genre ou de statut à l’intérieur de ces groupes. Les programmes des RSE ciblent désormais certains groupes de personnes en fonction de leur vulnérabilité supposée sans qu’ils aient obligatoirement un lien géographique ou contractuel avec l’entreprise. C’est d’autant plus évident en Angola que l’exploitation du pétrole se fait off-shore : même si certaines compagnies ont concentré ou continuent de concentrer leurs activités de RSE sur les régions proches des zones d’exploitation (c’est-à-dire Soyo pour Total et Cabinda pour Chevron), le champ d’action de la RSE s’élargit et couvre le pays entier. Le premier type de projets a ainsi pour cible les groupes considérés comme vulnérables dans l’imaginaire de l’industrie internationale du développement, c’est-à-dire les femmes et les enfants, et dont la fonction est de représenter le « Tiers-Monde » et de faire appel à notre part d’« humanité » afin de nous sensibiliser aux échecs et aux enjeux du développement et des droits humains. La vulnérabilité de ces populations va de pair avec une certaine « innocence » : elles sont considérées comme les victimes par excellence de tous les maux dont on considère l’Afrique affectée — maladies, guerres, famines — (Dogra, 2011). Dans ce cas de figure, la santé publique est envisagée de manière parcellaire. Ce choix corrobore la vision actuelle de l’OMS qui souhaite mesurer son action à l’aune de ses effets sur les femmes et les Africains [23], deux groupes considérés comme ayant les besoins les plus importants en matière de santé. Les femmes sont vues comme moteur de développement car elles prennent les décisions en matière de santé dans leurs familles. Mener des campagnes et des actions en leur direction est ainsi particulièrement intéressant : en ciblant ce groupe particulier, les effets en termes d’amélioration de la santé publique se font ressentir dans toute la société. Le ciblage de groupes particuliers de la population par les programmes de RSE envers un certain type de population ne s’explique donc pas seulement par des raisons d’image mais s’inscrit dans une certaine vision de la santé publique où il ne s’agit pas de garantir « l’accès à tous » mais bien plus « de meilleurs résultats à une majorité de la population ». Pas de saupoudrage mais une action localisée, focalisée et rentable, c’est-à-dire dont le retour sur investissement, qu’il soit financier, humain ou technique, est considéré comme suffisamment fructueux.

17Le second groupe de projets cible des maladies infectieuses, essentiellement le sida et le paludisme, considérées comme les plus importants fléaux sur ce continent (Michira, 2002), que cette conception soit avérée vraie ou non [24]. Les projets sont généralement financés au travers de PPP. Une citation tirée du site Internet NetsforLife est très explicite à ce sujet : « In the energy industry we operate under the belief that “If you can’t measure it, you can’t manage it.” We apply the same principle to malaria and believe we can make the fight against this disease as integrated and efficient as our business operations through systematic and standardized measures of performance » (« Dans l’industrie énergétique, nous agissons en croyant que “si tu ne peux pas le mesurer, tu ne peux pas le gérer”. Nous appliquons le même principe au paludisme et croyons que l’on peut rendre le combat contre cette maladie aussi intégré et efficace que notre business à travers des mesures de performance systématiques et standardisées »). La santé publique est envisagée comme un ensemble de maladies à guérir ou à prévenir et, plus précisément, comme une série de taux à améliorer, et non plus de manière globale, par exemple en termes d’accès aux soins notamment préventifs. Cela permet aussi d’évaluer plus rapidement et simplement le coût et les bénéfices apportés en termes de santé et de développement, et de pouvoir ensuite comparer avec des initiatives similaires (Packard, 1997), c’est-à-dire, en conséquence, d’améliorer et de faciliter la gestion. Ce deuxième groupe de projets de RSE s’aligne aussi sur la position de l’OMS en matière de santé publique. L’OMS a favorisé cette approche dans les années 1980 après le succès remporté par le programme de lutte contre la variole qui a conduit à son éradication, mais aussi à cause des coupes budgétaires de l’administration américaine (Chorev, 2012). Les campagnes de masse restent un moyen d’action privilégié en santé publique : campagnes de vaccination, de chimio-prévention contre le paludisme ou encore campagnes médiatiques promouvant certaines pratiques même si désormais, l’OMS a adopté une approche conjuguant politique verticale et politique horizontale. [25]

18Enfin, le troisième type de projets est révélateur de la singularité de l’action des entreprises pétrolières dans le domaine de la responsabilité sociale. Ce sont des projets qui remplissent une fonction négligée autrement par les acteurs classiques du développement. Ils ont un fort contenu technique et réclament des compétences spécifiques maîtrisées par le personnel des entreprises pétrolières du fait de la haute technicité de ce secteur. Leur conception provient de la conviction que les techniques nécessaires pour la conduite des affaires dans le domaine pétrolier sont transposables dans le domaine du développement. Comme l’a souligné le responsable du département des affaires publiques d’Esso [26], Exxon-Mobil est une entreprise de 25 000 ingénieurs sur 82 000 employés recevant régulièrement l’Edison Award qui récompense les innovations industrielles. Pour lui, il est donc logique que l’entreprise utilise ces compétences lorsqu’elle met en place des projets de développement. Certains projets prennent en charge la formation de techniciens afin d’assurer la maintenance des appareils de radiologie ou assurent la sécurité sanitaire de la chaîne du froid nécessaire au transport et à la conservation des produits sanguins [27]. En conséquence, ils favorisent la diffusion de produits et de services à haut contenu technologique. Ce type de programme ne s’insère pas facilement dans l’agenda des ONG car ce sont des projets pointus réclamant une expertise technique particulière mais aussi une certaine appétence. Ce sont des projets « de niche » qui peuvent pousser à repenser les politiques de santé publique en Afrique et à s’intéresser à des aspects plus techniques mais tout aussi primordiaux pour un bon fonctionnement.

19Ces trois groupes de projets partagent un point commun : l’idée que l’efficacité de l’action est primordiale mais surtout que celle-ci ne peut être mesurée que par des chiffres, et qu’il faut rendre l’action mesurable ainsi. Les ressources affectées, qu’elles soient financières, humaines ou technologiques, se doivent d’atteindre leur objectif le plus rationnellement possible d’une manière « contrôlable », ce qui est exprimé clairement en anglais par le mot « accountable », rendant à la fois l’idée de gestion et de responsabilité. Cette « culture de l’objectivité » (Porter, 1995) n’est pas la seule pratique culturelle que les départements de RSE des entreprises pétrolières importent, la haute valeur accordée à la technique et à sa capacité à résoudre les problèmes est également traduite dans les programmes mis en place. Si les deux premiers types de projets ne différent pas tellement de ceux des ONG et s’insèrent dans la vision politique de la santé publique de l’OMS, le troisième groupe de projets constitue en revanche une nouveauté notable dans les programmes de santé financés dans le cadre de l’aide privée au développement. En effet, les ONG s’emparent rarement de projets demandant une valeur ajoutée technique aussi forte. Les entreprises pétrolières cherchent à utiliser et à mettre en avant leur apport spécifique par rapport aux acteurs « classiques ». Ils ne se contentent pas de dupliquer des programmes déjà existants mais cherchent à valoriser leurs compétences particulières pour élaborer des programmes répondant à des besoins pointus. Alors que les politiques de santé publique sont départagées entre « vertical » et « horizontal », les projets de RSE introduisent une nouvelle dimension dans la manière dont les interventions sanitaires sont pensées : ils s’attachent à identifier et à débloquer les goulots d’étranglement qui entravent le bon fonctionnement des programmes et qui, une fois éliminés, permettront une meilleure fluidité dans l’approvisionnement ou l’utilisation des services sanitaires.

Philanthrocapitalisme, ONG et RSE, quelles différences ?

20L’industrie du développement a été marquée ces dernières années par des changements radicaux, tant en termes de diversification des sources de financement que de l’apparition de nouveaux acteurs (Richey et Ponte, 2014). Un nouveau secteur s’est notamment développé, dénommé « philanthrocapitaliste » car mettant en œuvre les méthodes capitalistes pour atteindre des objectifs philanthropiques. Nous ne considérons pas les départements de RSE comme appartenant à ce secteur, bien qu’ils se situent aussi à la frontière du développement et du monde des affaires, ni au secteur des ONG, bien que ces départements soient aussi dédiés au développement et sans but lucratif, car leur insertion dans l’environnement particulier de l’entreprise, modèle certaines de leurs actions, comme observé plus haut en ce qui concerne les projets. Ainsi, analyser comment les départements de RSE se positionnent par rapport à d’autres acteurs de la scène du développement permet de mettre en avant leurs particularités et, par là même, les innovations qu’ils apportent à l’industrie du développement, à la fois en termes de reconfiguration des relations entre acteurs et en termes de projets.

21Le positionnement par rapport à l’État est un élément-clé pour caractériser les différences entre les différents acteurs. Tout d’abord, les ONG se sont habituées à faire « sans » l’État, voire « contre » lui. Comme le souligne Fassin (2007), l’action des ONG a souvent pris place dans le contexte des politiques d’ajustement structurel, tentant de combler les failles de l’État. Cela a été également le cas en Angola durant la guerre où elles ont pris en charge l’accès à la nourriture et à la santé pour une grande partie de la population, le gouvernement n’étant pas en mesure de le faire ou ne le souhaitant pas (Chaulia, 2006). Le philanthrocapitalisme, à l’instar de la RSE, estime que les méthodes de management utilisées dans le secteur privé lucratif sont les mieux à même d’améliorer l’efficacité des programmes et des politiques de développement, et d’en mesurer la portée par des objectifs chiffrables et chiffrés, mais aussi que les donateurs sont les mieux placés pour évaluer les besoins des populations-cibles. Mais le philanthrocapitalisme n’hésite pas à se confronter à l’État et aux politiques que celui-ci met en place car le jugeant inapte à répondre aux besoins de sa population (McGoey, 2014) [28]. Au contraire, les entreprises pétrolières ne peuvent pas se le permettre puisque l’État angolais est leur partenaire principal par l’entremise de Sonangol : les départements de RSE ne peuvent pas se mettre en porte-à-faux par rapport au reste de l’entreprise.

22Les ONG permettaient de faire entendre une voix alternative au regard de l’histoire du conflit angolais. Les ONG, comme nous l’avons déjà souligné, ont été présentes en Angola tout au long de la guerre en accédant à des zones dans lesquelles le gouvernement ne pénétrait pas. Elles ont par ailleurs souvent dénoncé ses manquements et tenté d’alerter l’opinion publique sur la situation désastreuse dans laquelle se trouvait la population angolaise. Elles en sont devenues les tenantes de la mémoire institutionnelle au travers de rapports de mission, rapports de debriefing, transmission orale entre les travailleurs, notamment dans les zones où le gouvernement n’était pas présent. Elles connaissaient les personnes, les institutions locales, les associations et groupements communautaires locaux, leur histoire et leurs histoires. Une fois parties et alors que leur place est prise par ces nouveaux acteurs, le risque est grand de voir se réécrire l’histoire au profit des vainqueurs. Le passé est perdu et les critiques vis-à-vis du gouvernement se font plus faibles, voire inexistantes. De plus, les départements de RSE ont rarement, sinon jamais, de liens avec des ONG au rôle différent telles que les ONG de plaidoyer. La conception des projets des ONG sur le terrain se nourrit aussi des liens que celles-ci entretiennent avec des associations dont l’approche des problématiques de développement est différente. Ce n’est pas le cas pour les départements de RSE dont on a vu qu’ils étaient isolés des autres acteurs du développement au niveau national et dont l’intégration dans le paysage du développement au niveau international n’est pas (encore ?) effective. Ils dialoguent essentiellement avec leurs propres partenaires au niveau local dans le cadre de projets existants ou à venir [29]. Une responsable d’une ONG œuvrant dans le domaine de la santé [30] m’a expliqué comment elle avait été contactée par Total à travers sa responsable de Luanda afin de les rencontrer à Ondjiva (Cunene) [31]. Le département de la RSE de Total souhaitait financer un projet de santé rurale dans cette région. Lors d’un voyage de quelques jours, ils ont rencontré plusieurs partenaires potentiels à Ondjiva avec le responsable provincial de la DPS, qui ont présenté des propositions de projets éventuels. Celui qui convenait le mieux aux critères du département de RSE de Total a été sélectionné.

23D’autres caractéristiques sont propres aux projets de RSE. Certaines campagnes sont lancées dans plusieurs pays, non pas en fonction de leur proximité géographique avec l’Angola mais parce que la compagnie y est implantée. Par exemple, Exxon finance le PPP NetsforLife en Angola et au Nigéria. De même, Chevron a distribué des fonds à travers le Global Fund to fight AIDS, Tuberculosis and Malaria pour certains pays africains : l’Angola, le Nigéria et l’Afrique du Sud. La dénationalisation des programmes de santé est déjà une tendance à l’œuvre, notamment du fait de l’OMS qui met en œuvre ses campagnes de vaccination en Angola, en Namibie et en RDC (République Démocratique du Congo) mais ces trois pays sont avoisinants. Les importants mouvements de population entre eux étant des facteurs de propagation des maladies, la conception de programmes de santé à l’échelle régionale se justifie pleinement. Les raisons poussant les compagnies pétrolières à lancer des projets de santé sur plusieurs pays qui ne sont pas adjacents ne sont pas d’ordre sanitaire. L’entreprise finance et met en place des projets de développement dans les pays où elle a une activité d’exploitation et de production du pétrole. Cela reste le critère déterminant au-delà de toute autre considération de santé publique, et mène à une reconfiguration totale du projet de santé globale tel que pensé par les acteurs « traditionnels » [32] mais aussi les organisations philanthrocapitalistes.

24La justification de l’utilisation des fonds accordés revêt une importance primordiale. Elle l’était évidemment déjà pour les ONG mais cette exigence est ici le prétexte à un formatage aux règles du management entrepreneurial, voire à une certaine forme de gouvernance telle que peut l’être le philanthrocapitalisme. Elle est censée conduire, puisque reposant sur des méthodes considérées comme « scientifiques », à une professionnalisation et à une amélioration de la performance des ONG. Comme l’explique un responsable du département de RSE d’une grande entreprise pétrolière œuvrant en Angola [33], « on signe un accord avec eux dans lequel on définit les règles du jeu, et nous, combien on va financer, et elles, ce qu’elles vont devoir faire pour justifier le financement. (…) Cela les oblige à se professionnaliser. Des gens qui au départ sont des gens dévoués, dédiés à leur sujet mais n’avaient pas de méthode ». Nous avons déjà souligné l’importance que le chiffrage des pratiques et des résultats est une constante dans les projets de développement mis en place sous l’égide de la RSE. L’emploi de mots techniques (justification des fonds, efficacité, méthode) et non plus politiques (capacitation des communautés, responsabilisation des femmes, etc.) (Dahl, 2008) permet aussi de les faire rentrer dans cette culture organisationnelle spécifique.

25En résumé, plusieurs caractéristiques distinguent les projets de RSE des entreprises pétrolières en Angola des autres projets d’acteurs du développement « traditionnels ». Ce sont des projets techniques, par opposition à des projets qui, mettant l’accent sur la formation et la mobilisation sociale, sont plus politiques. Leurs résultats doivent être facilement mesurables et quantifiables afin de suivre les progrès réalisés mais aussi afin d’assurer une certaine emprise sur les personnes qui mettent en place le projet en les disciplinant et les formatant. Cette standardisation des données de mesure des résultats des projets affecte la production des connaissances dans le champ du développement. C’est le premier effet de cette adhésion au modèle entrepreneurial. Le second effet concerne la gouvernance : les relations de pouvoir entre les agences de développement mais aussi entre les individus sont modifiées. La prédominance de cette technologie remodèle les relations de pouvoir en faisant primer la culture de l’expertise. Comme Merry (2011) l’a souligné, les indicateurs et statistiques sont une « technologie politique », il n’est donc pas suffisant de constater que le modèle entrepreneurial fait entrer l’industrie du développement dans une culture où la technique prévaut sans reconnaître la dimension politique de ce changement. Les choix dans le domaine de la santé publique, pour les projets concernés, donnent lieu à un régime de santé globale spécifique, comme nous allons le voir.

Les conséquences des projets de responsabilité sociale des entreprises sur le modèle de santé publique angolais

26Lakoff (2010) propose de définir les différents régimes de santé globale selon deux critères : d’une part, les éléments normatifs et techniques développés pour gérer les pathologies et, d’autre part, la vision de l’ordre social qui se joue et les moyens à déployer pour la mettre en œuvre. Ces deux éléments permettent de caractériser les différents régimes de santé globale mais il nous semble important d’y intégrer les pratiques discursives, tout autant cruciales dans la définition de ces différents régimes. Elles sont étroitement liées aux techniques employées et à l’ordre social envisagé ainsi qu’aux relations de pouvoir qui se redéfinissent à la fois sur le terrain mais aussi entre les centres décisionnels, et entre les centres opérationnels et les centres décisionnels, ce qui reconfigure profondément la carte d’action.

27En se basant sur cette définition, nous constatons que les actions de la RSE mettent en place certains éléments définissant de manière singulière la santé globale, éléments se distinguant de ceux mis en place par le philanthrocapitalisme ou par les ONG. En ce qui concerne les facteurs techniques et normatifs, les projets de RSE ciblent plus particulièrement les pathologies dont certains groupes vus comme « vulnérables » sont victimes et qui sont considérés, à tort ou à raison, comme particulièrement dramatiques pour le continent africain. Ils mettent aussi en place des projets à haute valeur technologique qui déstabilisent la vision de l’OMS de la santé publique, celle-ci répondant sur le plan médical aux problèmes sanitaires, en offrant des solutions techniques à ces mêmes problèmes. Ils visent à maintenir l’ordre social en place en soutenant les institutions gouvernementales, et non en renforçant l’État qui sort affaibli par la corruption d’institutions gouvernementales ou par l’absence de moyens d’action financiers ou décisionnels. Cette distinction est cruciale car la prise en charge de prérogatives normalement dévolues à l’État est aussi un moyen de l’affaiblir. Les procédés discursifs utilisés découlent directement de la terminologie entrepreneuriale et participent aussi d’un certain projet sociétal en imposant le modèle néo-libéral. Il est surtout intéressant de noter la nouvelle signification donnée ici à la « globalité ». De par la spécificité du fondement de la RSE, ce qui est « global » n’est plus défini en fonction de l’appréhension d’une solution pour des défis sanitaires qui ne tiendrait pas compte des frontières, mais par les pays dans lesquels l’entreprise opère. C’est une nouvelle cartographie des interventions sanitaires qui se dessine.

28Les conséquences sur le modèle de santé publique angolais adopté sont multiples. Des groupes spécifiques sont ciblés et certaines maladies concentrent une grande partie des moyens mis en œuvre. Cela s’insère dans le cadre d’une certaine vision prônée par l’OMS, il y a ainsi peu de chances qu’une vision alternative de la santé publique émerge avec ces acteurs. Les ONG, devenues simples techniciennes, et qui proposent leurs projets à ces bailleurs de fonds, risquent également de ne pas prendre de risques, préférant assurer leur financement avec des projets dont elles savent qu’ils seront financés, plutôt que d’innover.

29Pourtant, la participation des ONG internationales au processus de développement de l’Angola reste certainement en deçà des besoins de la population et de leurs capacités à agir dans ce pays, mais les départements de RSE exportent avec eux une certaine conception de la santé publique et une autre manière de travailler. Ce processus d’adaptation peut se jouer dans les deux sens, par le biais du personnel travaillant dans ces deux entités. L’habitus créé par la prolifération des ONG internationales d’urgence lors de la guerre en est modifié, accentué en cela par le délitement du tissu associatif national et local. Un problème majeur handicape également le processus de développement en Angola : non pas tant le manque de financement que la difficulté à trouver des personnes qualifiées pour assurer l’encadrement. En effet, la santé mais aussi l’éducation sont des domaines qui ont énormément souffert de la guerre. Peu de jeunes ont pu recevoir une formation poussée et sont en mesure d’assurer des fonctions d’encadrement. De plus, comme nous l’avons déjà remarqué, la politique d’ « angolanisation » du gouvernement a été suivie d’une fuite des cerveaux vers les entreprises pétrolières au détriment d’autres secteurs économiques y compris le secteur associatif. En conséquence, le personnel qualifié circule entre les différents acteurs de la scène du développement. La situation économique de l’Angola, fortement tributaire des prix du pétrole, n’est pas en mesure de changer la donne. Les revenus gouvernementaux sont en chute libre depuis l’actuelle crise du pétrole et la santé n’est pas une priorité. La santé publique angolaise va dépendre pendant encore quelques temps de participants extérieurs, ce qui est même acté par le ministère de la Santé dans son programme pour la période 2012-2017. La crise épidémiologique que traverse le pays depuis décembre 2015, due à une épidémie de fièvre jaune, a mis en lumière la faiblesse du système national sur plusieurs points : manque de moyens financiers, logistiques et médicaux, manque de données fiables empêchant la réactivité des autorités sanitaires, personnel peu qualifié et couverture vaccinale faible. Il est intéressant de noter qu’à cette occasion, les partenaires « traditionnels » ont permis une relative maîtrise de la situation à travers la réactivation de mécanismes en place pendant les phases d’urgence qu’a connu l’Angola, notamment lors des crises de choléra.

Conclusion

30Le contexte angolais est spécifique dans le sens où il combine à la fois les caractéristiques d’un pays peinant à se reconstruire après une longue guerre civile, avec les caractéristiques d’un pays ayant les ressources suffisantes pour son développement. De plus, le gouvernement a délibérément fait le choix du secteur privé lucratif pour remplacer ses prérogatives. L’Angola reste néanmoins symptomatique des profondes modifications que la privatisation de l’industrie du développement fait peser non seulement sur les acteurs « traditionnels » mais aussi, plus globalement, sur les politiques mises en place et les solutions adoptées. Les compagnies pétrolières, au travers de leurs départements de RSE, sont devenues des acteurs incontournables sur la scène du développement angolais et leur implication ne peut pas être analysée sous le seul angle d’une opération de relations publiques pour redorer leur image. En introduisant les ONG à la culture entrepreneuriale, le paysage du développement angolais en est durablement modifié. En mettant l’accent en matière de santé publique sur certains types de projets, ceux avec une forte composante technique, le paysage de la santé angolaise est transformé et un nouveau régime de santé globale est proposé. Au final, c’est la façon de penser la santé publique qui en est profondément influencée.

31Liens d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

L’auteur souhaite remercier les deux relecteurs anonymes pour leurs précieux commentaires et suggestions de lecture.
Le travail de terrain nécessaire à cet article a été financé au travers du projet de recherche collectif PTDC/AFR/108615/2008 “Genéro e pluralismo terapêutico : acesso das mulheres ao sector da saúde privado em África” par la Fundação para a Ciência e a Tecnologia (Ministério da Educação e Ciência, Portugal)

Notes

  • [*]
    Virginie Tallio, anthropologue, Makerere Institute of Social Research, Makerere University, Ouganda ; LAM - Les Afriques dans le Monde, Sciences-Po Bordeaux, France ; Centro de Estudos Internacionais, Instituto Universitário de Lisboa, Portugal ; virginie.tallio@gmail.com
  • [1]
    OMS, The Global Health Observatory : http://apps.who.int/gho/data/node.main.688?lang=en
  • [2]
  • [3]
    Qui travaillent soit au niveau local (Angola) soit au siège des entreprises (France).
  • [4]
    L’Angola a connu trois guerres à la suite, la première d’indépendance (1961-1974) puis de décolonisation (1974-1975) et enfin une guerre civile (1975-2002). Nous nous intéressons uniquement à la dernière pour les besoins de l’article. Se reporter à Chabal (2002), Chabal et Vidal (2007) et Messiant (2008) pour une analyse du contexte politique postcolonial.
  • [5]
    Loi n°13/88.
  • [6]
    Pour le rôle incontournable de l’entreprise pétrolière para-étatique Sonangol dans le secteur pétrolier et dans le reste de l’économie angolaise, se reporter à Soares de Oliveira (2007).
  • [7]
    Entretien responsab le UTCA H (Unidade Técnica par a a Coordina ção da Assistência Humanitária — Unité techniqu e pou r la coordination de l’assistance humanitaire), Lubango, octobre 2012.
  • [8]
    Le pays a un PIB de 4 102 $/habitant, soit 3 676 euros/habitant. Source : Banque mondiale, 2016.
  • [9]
    PNUD : http://www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/hdr/2014-humandevelopment-report/
  • [10]
    Cela nous a été affirmé lors de plusieurs rencontres informelles avec des responsables d’ONG internationales, notamment en 2008, qui se demandaient s’ils allaient continuer à avoir les moyens financiers pour rester.
  • [11]
    Cette ONG, établie depuis 1990, tient un rôle central au sein de la microscopique société civile angolaise. Ses projets au départ essentiellement tournés vers le développement rural et la promotion de la paix, cherchent désormais de manière plus générale à garantir un développement démocratique, écologique et soutenable avec toujours une forte composante rurale.
  • [12]
    Cette ONG établie depuis 1981 est la plus ancienne en Angola. Elle s’occupe principalement de développer des projets autour de l’habitat, notamment urbain, et d’appuyer le gouvernement dans le processus de décentralisation.
  • [13]
    Entretien responsable ONG, Lubango, septembre 2012.
  • [14]
    Pour plus d’information sur la politique de « contenu local » suivi par le gouvernement angolais, on pourra se reporter à Ovadia (2012).
  • [15]
    Unité de mesure standard dans l’industrie pétrolière, représentant le nombre de barils produits en une journée. Dans ce cas, il indique le nombre de barils qu’une compagnie est autorisée à extraire par jour et qui est indiqué dans le PSA (Production Sharing Agreement — Accord de partage de production). Le pourcentage d’Angolais à intégrer dans la force de travail de l’entreprise est négocié entreprise par entreprise et indiqué dans le PSA établi entre chaque entreprise et la Sonangol. Le montant à investir dans les projets de développement est de un million de dollars par an pour chaque 100 000 Bpd.
  • [16]
    D’autres entreprises comme les banques financent aussi de nombreux projets mais notre recherche a porté uniquement sur les entreprises pétrolières.
  • [17]
    Le personnel militaire et civil a quitté le pays à cette époque mais il faut noter que Cuba est toujours un grand pourvoyeur de coopérants dans le domaine de l’éducation et de la santé et que leur présence ne cesse de grandir, au moins depuis 2007 (Hatsky, 2012).
  • [18]
  • [19]
    Global Burden of Diseases, Angola, 2016 ; http://www.healthdata.org/angola
  • [20]
    UNICEF, 2015.
  • [21]
    Angopop, 14 février 2014, « UN adopts resolution on Angola middle income graduation ».
  • [22]
  • [23]
    Allocution de Margaret Chan, directrice générale, devant le personnel de l’OMS lors de sa prise de fonction, 4 janvier 2007.
  • [24]
    Pour avoir une idée du sur-diagnostic du paludisme chez les enfants de moins de 5 ans à Luanda, voir http://www.pmi.gov/countries/profiles/malaria_luanda.html
  • [25]
  • [26]
    Entretien responsable Affaires publiques ESSO, janvier 2008, Luanda.
  • [27]
    Voir le Safe Blood Africa Project qui couvre l’Angola, la Guinée Équatoriale et le Nigéria.
  • [28]
    Nous ne remettons pas en cause l’analyse proposée par McGoey concernant le rôle effectif de l’État dans le philanthrocapitalisme mais parlons ici de l’image que ce dernier souhaite en donner et sur laquelle il fonde sa légitimité.
  • [29]
    MAERSK avait mis en place en 2012 un Forum de Responsabilidade Social Corporativa das Empresas Petrolíferas em Angola regroupant Odebrecht, Total, BP, Chevron, ConocoPhilips, Esso Angola, Petrobras, Statoil, ENI, Sonangol et MAERSK Oil mais ses activités sont très sporadiques, voire inexistantes.
  • [30]
    Entretien responsable ONG, Ondjiva, octobre 2012.
  • [31]
    Ondjiva est la capitale de la province du Cunene, situé au sud de l’Angola.
  • [32]
    Nous utilisons ici et dans la suite de l’article la définition donnée par Richey et Ponte (2014).
  • [33]
    Entretien responsable RSE, janvier 2011, Paris.
Français

La guerre civile qui a déchiré l’Angola pendant plus de trente ans s’est arrêtée en 2002. Les infrastructures et les systèmes éducatif et sanitaire sont à reconstruire ; les besoins sont énormes notamment en province. Pour autant, les ONG (organisations non gouvernementales) internationales de développement pour lesquelles l’Angola aurait pu constituer un marché juteux en sont absentes. Ce sont les entreprises pétrolières qui, au travers de leurs départements de responsabilité sociale, mettent en place ou financent de nombreux projets de développement. L’apparition de ces nouveaux acteurs a certaines conséquences sur le modèle de développement proposé. Nous nous focaliserons sur l’exemple de la santé publique et verrons comment le modèle de santé publique mis en place en Angola est influencé par ces nouveaux acteurs.

Mots-clés

  • Angola
  • responsabilité sociale des entreprises
  • santé publique
  • développement
  • compagnies pétrolières
Español

La responsabilidad social empresarial (RSE) : modelo de salud pública o sistema de salud global? El ejemplo de las compañías petroleras en Angola

La guerra civil que desgarró Angola por más de treinta años se detuvo en el 2002. Las infraestructuras y los sistemas educativos y de salud deben ser reconstruidos ; las necesidades son inmensas, especialmente en las provincias. Sin embargo, las ONG internacionales de desarrollo para las cuales Angola podría haber sido un lucrativo mercado se encuentran ausentes. Son las compañías petroleras las que, a través de sus departamentos de responsabilidad social, elaboran y financian numerosos proyectos de desarrollo. El surgimiento de estos nuevos actores sobre el escenario del desarrollo tiene determinadas consecuencias sobre el modelo de desarrollo que se propone. Nos centraremos en el ejemplo de la salud pública y veremos como el modelo de salud pública implementado en Angola se ve influenciado por estos nuevos actores.

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Virginie Tallio [*]
  • [*]
    Virginie Tallio, anthropologue, Makerere Institute of Social Research, Makerere University, Ouganda ; LAM - Les Afriques dans le Monde, Sciences-Po Bordeaux, France ; Centro de Estudos Internacionais, Instituto Universitário de Lisboa, Portugal ; virginie.tallio@gmail.com
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/09/2017
https://doi.org/10.3917/sss.353.0081
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour John Libbey Eurotext © John Libbey Eurotext. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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