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Inscrire la « révolution » numérique dans l’évolution structurelle de l’agriculture

1Depuis les années 1950, l’agriculture a connu de fortes mutations et les évolutions techniques ont participé de manière majeure à ces évolutions. Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’agrochimie et la mécanisation ont participé à augmenter significativement la production agricole européenne malgré une forte baisse de la démographie agricole. La numérisation de l’agriculture apparait aujourd’hui d’une certaine manière comme la poursuite d’un processus de mécanisation engagé depuis plus de soixante-dix ans. Alors que certains auteurs parlent volontiers de révolution, voire de disruption, laissant penser à une rupture rapide dans l’outillage technologique et à des transformations profondes du secteur agricole, on observe au contraire que la numérisation de l’agriculture est un processus qui prend ses racines tout au long du vingtième siècle ! La mise en chiffres des activités agricoles a par exemple été organisée et standardisée pour l’amélioration génétique du cheptel laitier. Des syndicats sont en charge de la pesée et de l’analyse régulière du lait des vaches contrôlées, ils sont une trentaine dans les années 1930 et prennent leur essor dans les années 1960. C’est un premier acte de numérisation et d’agrégation de données à des fins d’amélioration génétique du cheptel. La numérisation artisanale est un acte très fréquent en agriculture : il s’agit de noter le niveau des précipitations et d’en garder trace sur les calendriers de fabricants d’aliments, de renseigner les registres techniques ou administratifs, de noter les doses d’engrais sur carnet. Et tous ces écrits, nombreux, souvent codés, constituent des actes communs de numérisation de l’agriculture. Aujourd’hui cette numérisation se développe sur des supports nouveaux, connectés ( photo 1 ). Ce qui amène certains auteurs à envisager « le numérique » comme une innovation de rupture tient à deux évolutions déterminantes : le développement de l’électronique et de la robotique qui, depuis une trentaine d’années ont introduit des équipements de type ordinateurs de process et des capteurs sur les exploitations ; et le développement des technologies de communication et de partage de l’information. Le multiplexage permet de mieux partager l’information entre les équipements. Ainsi, la collecte de données n’est plus le seul acte de l’agriculteur et cela participe d’un accroissement exponentiel de la donnée collectée, partagée et traitée (Pillaud, 2015 ; Laborde, 2012).

2Ainsi, nous proposons de considérer la numérisation de l’agriculture non pas comme l’avènement d’une nouvelle ère qui, en remplaçant les outils techniques, les façons de communiquer et d’être en lien, et pourquoi pas les professionnels, ferait table rase d’une ancienne agriculture... mais plutôt comme une transition qui s’inscrit dans une histoire professionnelle, qui la prolonge et la modèle. Ce faisant, nous proposons de questionner les enjeux et les effets de cette numérisation en lien avec les dynamiques culturelles, économiques, sociales, ou réglementaires qui, elles aussi, participent des mutations contemporaines de l’agriculture.

1. Ordinateurs et téléphonie portable... les outils numériques sont de plus en plus utilisés par les agriculteurs pour leur travail

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1. Ordinateurs et téléphonie portable... les outils numériques sont de plus en plus utilisés par les agriculteurs pour leur travail

3 Or l’agriculture européenne traverse aujourd’hui une crise structurelle malgré la mise en œuvre d’une politique agricole européenne qui représente plus de 40 % du budget de l’Union européenne. Les agriculteurs doivent continuer à produire, mais en maitrisant les coûts de production et en limitant l’impact de l’activité sur l’environnement. Cette injonction à la triple performance technique, économique et environnementale est d’autant plus difficile à tenir dans un contexte d’accroissement de l’incertitude et du risque : incertitude liée aux évolutions techniques qu’ils mettent en œuvre sur leurs exploitations, risques climatiques ou liés à l’instabilité des marchés. Dans le même temps, le nombre d’actifs en agriculture continue de diminuer, et ceux qui restent aspirent à réduire la pénibilité du travail. L’amélioration de la productivité et des conditions de travail deviennent ainsi des enjeux de premier plan. Enfin, citoyens et consommateurs revendiquent une évolution de leurs rapports aux agriculteurs et aux produits alimentaires pour une plus grande prise en compte de leurs points de vue dans l’orientation de l’agriculture, pour plus de transparence et de traçabilité.

4Ce qui caractérise donc la numérisation de l’agriculture est d’abord une tension entre des temporalités différentes : celle longue des mutations économiques et sociales de l’agriculture et des rapports des citoyens à leur alimentation ; et celle plus rapide des innovations technologiques. Cela amène un contexte relativement inédit pour ce secteur professionnel de développement foisonnant d’offres de services et d’outils nouveaux, présentés comme des promesses de réponses aux enjeux économiques, écologiques et sociaux qui ont installé l’agriculture depuis plusieurs années dans un contexte de crise.

À l’échelle des exploitations, le numérique accompagne la transformation du travail en agriculture

5L’amélioration des conditions de travail ou l’accroissement de la productivité du travail sont les premières motivations à l’acquisition de dispositifs numériques. Dans le cadre des enquêtes conduites entre 2016 et 2017 auprès d’une diversité d’agriculteurs (arboriculteurs, éleveurs, maraîchers, viticulteurs…), ces derniers nous disent investir dans des robots, dans des outils de gestion ou de surveillance pour gagner du temps, pour améliorer le confort de travail (Bethuel et al., 2017; Brossillon et al., 2015; Kesri, 2016). Rien d’étonnant dans un contexte où d’une part la productivité du travail ne cesse de croitre, et où d’autre part les agriculteurs, de mieux en mieux insérés dans la société via leurs conjoints, leurs enfants ou leurs voisins, comparent leur rythme de travail à celui d’autres actifs. Ils aspirent aujourd’hui à conquérir des rythmes de vie et de travail plus vivables (Hervieu et Purseigle, 2013). Pour autant, l’adoption de dispositifs numériques pour le travail sur l’exploitation reste l’objet de questionnements et de débats importants parmi les agriculteurs. Par exemple, certains agriculteurs jugent que les outils de surveillance à distance (des chaleurs ou des mises bas) permettent un travail plus souple, alors que d’autres jugent qu’ils sont une forme d’envahissement de tous les temps de la vie des agriculteurs, quand des alertes continues vous amènent à ne plus déconnecter. Certains producteurs investissent dans des dispositifs numériques en fin de carrière, considérant que ces équipements rendent le métier plus attractif pour de futurs agriculteurs, quand d’autres dénoncent le remplacement du travail humain par des machines, comme une façon d’accélérer la décroissance du nombre d’agriculteurs. Enfin, certains agriculteurs constatent que leurs équipements numériques permettent d’augmenter leur capacité de diagnostic et de fiabiliser leurs décisions, quand d’autres interrogent l’avenir du savoir de l’agriculteur : va-t-on vers un métier de simple exécutant ne nécessitant plus la sensibilité ou le savoir humain ?

6Ces divergences de jugements traduisent d’une part le fait que les dispositifs numériques peuvent avoir des effets ambivalents sur le travail (Hostiou et al., 2014), et d’autre part des différences de conceptions du métier et ce faisant des dispositifs numériques parmi les agriculteurs (voir le focus de Caroline Mazaud pages xx de ce même numéro).

7 Au plan économique, la numérisation des activités peut jouer sur la compétitivité des exploitations et des filières. Des études menées dans différents secteurs agricoles et sur différentes filières montrent que l’introduction de technologies numériques peut, dans certaines conditions, améliorer la compétitivité des exploitations et simultanément les amener à consommer moins d’intrants. Le gain de compétitivité escompté dépend néanmoins du niveau d’investissement effectué et de la modulation des coûts variables réalisée (dépendant des prix de marché des intrants et des volumes économisés).

8Nous observons de manière générale que ce mouvement de numérisation accentue le processus de long terme de substitution capital – travail observé dans l’agriculture. L’exemple du robot de traite illustre par exemple ce processus. Au-delà, le développement des objets connectés est perçu comme utile pour maitriser l’usage des consommations intermédiaires et maitriser les coûts de production. Les outils relatifs à l’agriculture de précision pour les cultures s’inscrivent dans ce schéma technique et économique.

9Dans les entreprises de transformation de produits agro-alimentaires, le numérique permet d’optimiser des process de production. Comme d’autres secteurs industriels, les transformateurs agro-alimentaires s’inscrivent dans la numérisation des processus industriels et dans la démarche « d’usine du futur ». Comme dans l’agriculture, au plan industriel l’intérêt du numérique est dans ce cas de pouvoir concilier des objectifs économiques de maitrise des coûts et environnementaux.

Les media socio-numériques : une reconfiguration possible des dynamiques collectives en agriculture ?

10Les agriculteurs sont des indépendants, dont les deux tiers travaillent au sein d’exploitations individuelles, le plus souvent seuls, et un tiers dans des exploitations pluripersonnelles au sein de petits collectifs de travail. En moyenne les exploitations comptent l’équivalent d’1,5 travailleurs (exploitants et salariés) (Allaire et Maigné, 2017; Courleux et al., 2017). Pour autant, les agriculteurs ne travaillent pas isolément les uns des autres. Ils sont inscrits dans des relations sociales denses entre eux, qui structurent les dynamiques professionnelles. Ces collectifs professionnels, institués ou non, remplissent quatre fonctions principales : représenter, coopérer, produire de la connaissance et renforcer les liens entre agriculteurs. L’agriculture est ainsi un secteur professionnel qui s’est doté depuis plus d’un siècle d’un nombre important d’organisations, qui mobilisent aujourd’hui encore la majorité des agriculteurs et qui disposent d’un pouvoir important.

11Mais ces collectifs d’agriculteurs sont aujourd’hui transformés sous l’effet de trois dynamiques. D’abord, les métiers de l’agriculture sont de plus en plus diversifiés : selon les spécialisations productives, selon les systèmes et modes de production, selon le développement ou non d’activités de vente, de transformation, d’accueil… Beaucoup d’agriculteurs ne considèrent plus partager le même métier et s’inscrivent dans des collectifs plus spécialisés, et parfois concurrents. Ensuite, les agriculteurs sont devenus moins nombreux dans l’espace rural, plus dispersés. De ce fait, leurs relations sont de moins en moins des relations de voisinage proche, les réseaux s’étendent spatialement. Enfin, les agriculteurs sont amenés à interagir davantage avec des acteurs plus diversifiés hors de l’entre soi professionnel, qu’ils soient élus locaux, voisins, citoyens engagés ou consommateurs. Ces trois dynamiques aboutissent à un contexte sociologique marqué par une forme de foisonnement et de déstabilisation des structures traditionnelles de sociabilités professionnelles. Le développement des usages d’internet et des media socio-numériques en agriculture s’inscrit dans ce contexte singulier.

12Ces nouveaux outils sociaux apparaissent comme des opportunités pour renforcer les fonctions de représentation, de coopération, de solidarité et de production de connaissances traditionnellement jouées par les réseaux informels ou les organisations professionnelles. Ils semblent en outre proposer des supports nouveaux de relations en mesure de palier certaines difficultés contemporaines ou de répondre à des enjeux nouveaux, comme par exemple de renforcer des liens sociaux rendus plus difficiles par l’éloignement géographiques ou de faciliter l’implication d’agriculteurs dans l’espace public et médiatique pour interagir au-delà de la sphère professionnelle…

Qu’en est-il dans les faits ?

13Près de la moitié des agriculteurs déclarent mobiliser des media socio-numériques pour leur travail en 2017 (Gentilleau, 2017). Alors que l’agriculture est l’objet de débats dans l’espace public, les media socio-numériques comme YouTube ou Twitter sont saisis par des agriculteurs pour prendre part à ces débats sans l’intermédiation classique de leurs syndicats. Dans un contexte marqué par la diversification des cultures techniques en agriculture et par une plus grande dispersion géographique des agriculteurs, ces media participent à renforcer des dynamiques collectives fondées sur la proximité technique plus que géographique. Ces groupes numériques échangent publiquement sur des forums, des microblogs (Twitter) et formalisent ce faisant des connaissances techniques accessibles largement. Cela se traduit par une inflexion de la structuration spatiale et temporelle des interactions, par la formation d’écosystèmes informationnels alimentés entre pairs, qui publicisent la diversité des approches techniques en agriculture(Daniel et al., 2019).

14Ainsi, ces media numériques apparaissent comme des outils « répondant » à des enjeux contemporains d’évolution des modes d’interaction entre agriculteurs et entre eux et des tiers. Mais ce faisant, ils questionnent le rôle des organisations professionnelles agricoles qui participent depuis le dix-neuvième siècle à des processus d’intermédiation entre agriculteurs et entre eux et la puissance publique, entre eux et la société civile, structurant de manière profonde les dynamiques collectives de coopération et de représentation (Le Guen, 2008). Les media socio-numériques permettent le développement de collectifs en dehors de ces cadres institués, à la gouvernance plus informelle. Certains y voient une forme de désintermédiation des dynamiques collectives. Mais les modérateurs et contributeurs de forums, les porteurs de plateformes numériques ou les leaders d’opinion sur Twitter constituent de nouvelles figures d’intermédiaires qui gagneraient à être mieux qualifiées pour saisir l’émergence (ou non) de nouvelles formes de structuration sociale de la profession agricole.

Économie de la donnée et transformation des filières agroalimentaires

15 Enfin, nous proposons d’explorer un troisième domaine d’évolution en lien avec la numérisation de l’agriculture : celui des configurations de filières. On assiste en effet à un triple mouvement : d’entrée de nouveaux acteurs professionnels, d’approfondissement des relations de filière autour de l’organisation de la transmission de l’information de production, et enfin, de reconfiguration des acteurs économiques (partenariales, concentration).Le développement des technologies numériques agricoles ouvre le champ à de nombreux et nouveaux acteurs. La collecte, le traitement, et dans certains cas la valorisation de la donnée agricole et agroalimentaire, se développent à partir de technologies nouvelles, génèrent des activités nouvelles (notamment de conception et de développement d’équipement de captation, de maintenance de ces équipements électroniques, d’organisation de la donnée, d’analyse de données…). Cela s’accompagne de la création d’entreprises, les start-up, et de nouvelles formes de division du travail qui pourraient venir percuter les modèles existants. Ces nouveaux acteurs qui arrivent dans ce champ « agriculture et numérique » sont plutôt issus du secteur numérique et l’agriculture est un champs d’application de leur technologie. Ils sont, comme dans le secteur numérique en général très majoritairement des hommes. Les principales difficultés qu’ils rencontrent portent sur la levée de fonds, la capitalisation nécessaire au développement de leur activité. Pour leur développement, ils s’appuient sur les structures d’initiatives publiques ou privées qui accompagnent les start-up de manière générale (les technopoles, les incubateurs de grandes entreprises – ex. : Village By CA). À un certain stade de développement, les capitaux des filières agricoles ou agro-alimentaires peuvent être mobilisés sous différentes formes, induisant des degrés variés de partenariat ou d’intégration.

16 La deuxième évolution notable relative à la numérisation de l’agriculture concerne l’approfondissement des relations de filière autour de l’organisation de la transmission de l’information de production. La traçabilité représente un enjeu majeur de gestion des risques sanitaires qui s’est imposé dans les filières agricoles depuis plus de vingt ans. Cet enjeu se double aujourd’hui d’une injonction à la transparence des modes de production et de transformation adressée par les consommateurs. Des technologies comme la block-chain permettent d’outiller d’une façon différente les dispositifs de traçabilité et de transparence. C’est par exemple ce que met en place Provenance, entreprise londonienne, qui travaille avec les fournisseurs, les marques et les organismes de certification pour permettre à chaque produit de disposer d’un enregistrement ouvert et sécurisé de sa fabrication et de son trajet. La technologie block-chain à la base de ce service permet aux producteurs d’apporter la preuve de la durabilité de leurs ingrédients, de leur qualité et/ou de leur accès à un marché donné (https://www.provenance.org). C’est une technologie fondée sur un réseau pair-à-pair qui permet donc le développement de nouvelles structures d’organisations, éliminant la figure de l’intermédiaire, et qui permettent à des individus de se coordonner de façon décentralisée. D’un point de vue juridique, cependant, étant donné le manque d’une autorité centrale, la block-chain soulève des problématiques essentielles en termes de régulation et de responsabilité (De Filippi, 2018).

17 En outre, le partage des données devient un enjeu majeur pour les entreprises du secteur agricole et agroalimentaire. Outre les implications d’ores et déjà évoquées relatives aux enjeux de traçabilité et de transparence, l’accès aux données, notamment de production, apparait comme une ressource pour développer des connaissances et services nouveaux d’optimisation des techniques de production. Les entreprises de conseil en élevage par exemple développent des partenariats institués à l’échelle de grandes régions pour investir dans des outils de captation de données, en équiper les éleveurs suivis et pour ainsi constituer des bases de données à la fois plus riches (diversité des données) et plus larges (nombre d’exploitations) dans la perspective de fournir un service d’optimisation des pratiques d’élevage fondé sur des connaissances nouvelles (Thin, 2017). D’autres initiatives émergent qui cherchent à structurer ou à contribuer à un open data agricole (Open Food Facts, API-AGRO, voir l’article de T. Haezebrouck et al., pages xx de ce même numéro). Mais la transmission de données plus globalement dans les filières se heurte à des questions de gouvernance entre les opérateurs des filières (agriculteurs, organisations professionnelles, transformateurs, distributeurs) (Bournigal, 2016). Les débats portés dans le cadre des états généraux de l’alimentation sur la formation des prix et la répartition de la valeur ajoutée illustrent ces freins réels de nature plus économique que technique.

18 Ces évolutions prennent corps dans un contexte agricole d’ores et déjà marqué par une double dynamique d’ouverture sociale des métiers de l’agriculture, qui recrutent de plus en plus leurs professionnels hors du « milieu » agricole, et de concentration des acteurs des filières. Ainsi, là encore, moins qu’une situation de disruption, nous proposons d’interroger ces évolutions comme l’approfondissement et l’accélération de processus plus profonds de transformation des mondes agricoles.

Conclusion

19La numérisation de l’agriculture engage ce secteur dans un régime d’innovation : une profusion d’offres technologiques sont proposées aux acteurs des filières agricoles. Ces offres sont autant de promesses de réponses à des difficultés structurelles que rencontrent les acteurs des filières (relatives par exemple à l’écologisation de l’agriculture ou à l’amélioration des conditions de travail) qu’il s’agit d’évaluer en tant que tel. Mais à la suite d’Alain Loute, nous proposons de ne pas nous limiter à une vision « instrumentale » de la technique qui n’en questionnerait que son usage et ses effets techniques, mais de prendre en compte la transformation spatiale et temporelle de nos milieux d’action qu’elle induit (Loute, 2018). Ainsi, les sciences sociales sont interpelées pour rendre compte de cette transformation sur trois plans :

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  • celui des acteurs, qui renvoie aux processus d’inclusion et d’exclusion, de diversification des professionnels ;
  • celui des pratiques professionnelles et de leurs effets, qui interroge en particulier les évolutions des métiers, des pratiques professionnelles, des modèles économiques des entreprises du secteur ;
  • et enfin, celui des configurations organisationnelles et sociales pour lesquelles la numérisation de l’agriculture bouscule les formes traditionnelles d’intermédiation entre producteurs, entre eux et des tiers, entre acteurs des filières.

Français

Resume

La numérisation de l’agriculture renvoie au développement d’une diversité d’outils mobilisés dans le cadre des activités agricoles et agroalimentaires. Si, comme différentes contributions le suggèrent, ces outils promettent de répondre à des enjeux techniques multiples, ils transforment également les métiers, les filières, les formes de coordination entre acteurs. L’ambition de cet article est de proposer une grille de questionnement de ce processus de numérisation du point de vue de l’économie et de la sociologie.

English

Abstract

The digitisation of agriculture refers to the development of a diversity of tools used in agricultural and agri-food activities. While, as various contributions suggest, these tools promise to respond to multiple technical challenges, they also transform professions, sectors and forms of coordination between actors. The aim of this article is to propose a grid for questioning this digitisation process from the point of view of economics and sociology.

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Bertille Thareau
École Supérieure d’Agricultures Angers, UBL, Unité de recherche LARESS, Chaire Mutations Agricoles
b.thareau@groupe-esa.com
Karine Daniel
École Supérieure d’Agricultures Angers, UBL, Unité de recherche LARESS, Chaire Mutations Agricoles
k.daniel@groupe-esa.com
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 30/10/2019
https://doi.org/10.3917/set.029.0044
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) © Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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