CAIRN.INFO : Matières à réflexion

« L’élégie et le roman dominent aujourd’hui la poésie dramatique », constate avec ironie Gustave Planche au lendemain du succès de Chatterton. Cette pointe désigne l’estompement des frontières entre les genres lyriques, dramatiques et romanesques, phénomène observé bien avant les succès du drame des années 1830. À l’âge romantique cependant, dans le sillage des théories de Diderot sur le drame bourgeois, le temps est révolu où la stricte hiérarchie des formes était soumise à un canon figé. L’écriture dramatique est désormais le lieu d’une rencontre possible entre les genres et les tonalités, sans pour autant qu’il faille réduire la dramaturgie romantique au « mélange des genres » ou à la partition du sublime et du grotesque. Le théâtre romantique absorbe ainsi le lyrisme de formes poétiques anciennes : celui de l’ode et de l’épopée, mais également de l’élégie, qui fait entendre sa « voix plaintive » et son lyrisme mezzo voce. En l’occurrence, il s’agit moins d’acclimater au théâtre les structures d’un sous-genre lyrique que d’introduire dans les dialogues les accents propres à l’élégie – une telle innutrition suppose donc d’intégrer les éléments de prosodie propres à l’élégie dans le théâtre en vers, et d’inscrire sa topique dans le théâtre en prose. L’élégiaque participe ainsi pleinement à l’émotion que procure le spectacle romantique.
Dans son Histoire du vers français, Georges Lote rappelait déjà que l’élégie est « essentiellement un genre mélancolique et modéré, où s’exhalent des émotions personnelles…

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Quelle place l’élégie et l’élégiaque occupent-ils dans le théâtre romantique ? À l’heure où les genres de la poésie alluvionnent ceux du théâtre, la circulation de l’élégie dans les pièces du répertoire romantique participe d’un fructueux dialogue esthétique. Cet article étudie la manière dont l’élégiaque contribue à l’émotion que procure le spectacle romantique. Les traces élégiaques participent en effet de la qualité sensible d’une œuvre dramatique, structurant également la caractérisation des personnages. Mais à l’inverse, la prétendue féminité qu’on associe à l’élégie peut se muer en un défaut, les émotions prenant le pas sur le « drame » et la conduite de l’action.

Sylvain Ledda
(Université de Rouen-Normandie – Cérédi)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2022
https://doi.org/10.3917/rom.196.0067
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