CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Commentant en 1833 Obermann, George Sand se réjouit de constater qu’« un poétique sentiment de la nature rappelle à la tranquille majesté de l’élégie » l’« ergoteur voltairien » qu’est encore trop souvent Senancour. Cette remarque montre que si une œuvre en prose peut hériter de l’élégie, c’est à ses yeux par la reprise d’un ton, qui conjugue grandeur et sérénité. Pour elle, le meilleur d’Obermann est dans les lettres où « le déchirement du cœur » est « adouci et comme attendri par la rêveuse contemplation de la nature » : ainsi en va-t-il dans la « grave et adorable oraison sur les fleurs champêtres » qui permet au narrateur de « ferme[r] doucement le livre où s’ensevelissent ses rêves, ses illusions et ses douleurs ». S’il est question de souffrance intense et de déception dans ces passages redevables de l’élégie qui tiennent du bilan au soir d’une vie, la douceur s’impose pour moduler cette fin, grâce à la consolation qu’apporte la nature, propice à la rêverie extatique. Le sujet qui s’y livre se distingue par son aptitude à ressentir fortement les impressions venues du monde et à y puiser un « sentiment exquis de la poésie » qui s’élève à la « grandeur de la méditation religieuse et solitaire ».
De ce commentaire très riche d’Obermann par Sand on peut dégager les traits spécifiques de ce qui est alors considéré comme l’héritage de l’élégie, ou du moins, de ce qui donne à une œuvre une coloration élégiaque. On comprend que cette tonalité provient d’abord pour Sand d’une attitude philosophique adoptée lors de retours réflexifs sur la vie, tout particulièrement au moment de la quitter…

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Prenant exemple sur la lecture d’Obermann de Senancour par George Sand, l’article s’attache à retrouver l’héritage de l’élégie dans plusieurs récits de la première moitié du xixe siècle, qui ont pour point commun de naître dans un contexte de deuil toujours soigneusement mis en scène. Il sonde les modalités de l’inscription de la méditation sur l’amour, sur la temporalité, sur la mémoire, sur la vanité que proposent ces récits, dans lesquels la plainte s’enracine dans l’expérience autobiographique et s’alimente des violences de l’Histoire. Il mesure la portée consolatrice et didactique de ces histoires imprégnées de pathétique, et il examine le devenir de cette veine dans des œuvres non dénuées de dimension métapoétique, qui cherchent à concilier l’élégiaque avec d’autres registres.

Fabienne Bercegol
(Université de Toulouse)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2022
https://doi.org/10.3917/rom.196.0038
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