CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’association arts/sciences est une caractéristique de l’imagerie scientifique qui se déploie à partir de la Renaissance. En astronomie, celle-ci revêt cependant une dimension particulière, liée à la spécificité du statut des images qui prévaut dans cette discipline. En effet, si l’observation et la réalisation de croquis font partie du quotidien des astronomes, l’essentiel de leur activité réside cependant davantage dans la mesure des positions des astres que dans la saisie des phénomènes célestes. Cette prévalence se renforce avec la forte mathématisation de l’astronomie qu’apporte la mécanique céleste à la fin du xviiie siècle, mais sans empêcher pour autant le développement parallèle d’une astronomie d’observation minoritaire, qui stimule dans le dernier tiers du xixe siècle l’essor d’une astrophysique demandeuse et pourvoyeuse d’images.

2Pour ces raisons, les compétences des dessinateurs et peintres scientifiques capables, à l’aide d’instruments de plus en plus puissants, de donner visibilité à des objets lointains intéressent l’astronomie. Mais au moment de la « divergence arts/science [1] » c’est l’imagerie scientifique elle-même qui connait des mutations décrites par Lorraine Daston et Peter Galison : l’ancienne imagerie naturaliste, prise en charge par des artistes, est concurrencée par une nouvelle d’objectivité scientifique qui promeut des moyens de saisie mécanique et favorise notamment l’utilisation de la photographie [2]. Comme celle-ci n’est pas véritablement efficace avant l’utilisation du gélatino-bromure d’argent, dans les années 1880, la nouvelle demande d’images ouvre paradoxalement une fenêtre à des formes artistiques traditionnelles d’imagerie scientifique.

3Investis dans des activités scientifiques et liés à la science professionnelle, ces artistes demeurent cependant cantonnés à sa périphérie. Ils peuvent être pour cela abordés comme des amateurs de science mais restent difficiles à saisir comme groupe. La collecte de leurs productions est en revanche plus facile parce que celles-ci sont fréquemment conservées, et permet de les mettre en lumière. L’article s’intéresse à trois auteurs d’images novatrices de la lune : John Russell (actif entre la fin du xviiie et le début du xixsiècle), Étienne Léopold Trouvelot (1850-1895) et Lucien Rudaux (1890-entre-deux-guerres). Au-delà de la singularité des cas individuels, la confrontation des parcours de ces artistes de générations différentes, l’analyse de leurs compétences et de leur position dans le champ du savoir, sont susceptibles d’éclairer certains aspects des métamorphoses de l’amateurisme liés au mouvement de professionnalisation des sciences mais aussi plus généralement à des évolutions sociales. Il permet, à terme, de mettre en évidence trois étapes dans l’histoire de l’amateurisme en astronomie.

John Russell (1745-1806), ou le monde de l’amateurisme aristocratique

Figure 1

John Russell, Cartes de la lune, d'après ses dessins originaux, mesurés avec un micromètre, Paris, 1840, édition française du Lunar planispheres de 1805-1806 ©Bnf.

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John Russell, Cartes de la lune, d'après ses dessins originaux, mesurés avec un micromètre, Paris, 1840, édition française du Lunar planispheres de 1805-1806 ©Bnf.

L’image de gauche, carte de la lune, figure une pleine lune vue de la Terre. La seconde est une carte des reliefs lunaires « recevant les rayons du soleil obliquement. Il s’ensuit que cette image (quoique vraie de toutes les parties de la lune successivement) n’est dans aucun temps, et à cause de la figure sphérique de cette planète ne peut être une représentation simultanée de la lune entière ». Russell procède ainsi de la même manière que les cartographes qui appliquent un ombrage conventionnel sur les cartes topographiques et réalise une première carte des reliefs lunaires.

4Le premier cas, celui de John Russell [fig. 1], peut fournir une situation de départ : celle d’un artiste amateur de science en lien avec les mondes aristocratiques [3]. C’est un peintre de cour britannique reconnu. Il est membre de l’Académie de peinture et se fait connaître par ses portraits au pastel, une activité dont il tire ses revenus et qui le place parallèlement au contact des élites anglaises [4]. Cette proximité paraît favorable au développement de pratiques amatrices de haut niveau.

5Russell rencontre l’astronomie dans les années 1760, à l’occasion de la réalisation du portrait de l’astronome William Herschel à Bath. De cette rencontre nait une amitié durable qui se fonde en partie sur l’observation astronomique. Herschel est lui aussi un artiste : musicien militaire, puis compositeur et organiste originaire du Hanovre et réfugié en Angleterre. Dans les années 1770, il commence à explorer le ciel à l’aide de télescopes qu’il construit avec sa sœur Caroline, les plus puissants du temps [5], grâce auxquels il découvre la planète Uranus en 1781. Il devient alors astronome pensionné par roi. À la fin du xviiie siècle, les Herschel font partie des quelques astronomes observateurs qui fondent leur savoir sur l’observation télescopique d’étoiles, de nébuleuses qu’ils commencent à cataloguer, ou de la lune où William croit discerner la présence de volcans [6]. Au contact d’Herschel, Russell concentre son intérêt sur la Lune, à laquelle il va consacrer une quarantaine d’années de sa vie pour produire des portraits, des gravures et des globes lunaires. Ce travail au long cours qui repose sur la connaissance intime de l’objet incessamment observé et dessiné par l’artiste, qui améliore ainsi sa capacité à créer des figures mimétiques, se conforme à la tradition de l’imagerie naturaliste.

6Ses premières esquisses datent de 1764. À partir de 1785, les séries d’observations se systématisent autour d’un projet cohérent : comprendre « le jeu complexe des ombres solaires sur la surface en mouvement », « rendre visibles les phénomènes de la lune [7] », et en saisir les impressions (« feelings »). À partir de ce travail préparatoire, Russell réalise des portraits lunaires de grand format, au pastel, dont le plus remarquable est une lune gibbeuse croissante de 1,32 sur 1,5 mètre – le plus grand du temps – ce qui suppose une maîtrise fine des détails (1795). La démarche consiste à saisir l’apparence de l’objet dans sa totalité et à la restituer en un format réduit qui la rende entièrement accessible à l’entendement, un procédé cognitif d’artiste, fondamentalement différent de la méthode scientifique qui privilégie au contraire la décomposition du réel en unités élémentaires [8].

7À ce premier travail, Russell ajoute un diptyque imprimé [fig. 1] qui juxtapose une pleine lune et une carte des reliefs lunaires [9], c’est-à-dire une image mimétique et une synthèse visuelle d’observations multiples qui, écrit-il, « quoique vraie n’est dans aucun tems (sic) [10] ». Russell démontre ainsi le cheminement d’une réflexion exigeante sur la nature de l’image scientifique.

8Le dernier volet de sa production mobilise des compétences de mécanicien au service de la réalisation de plusieurs globes lunaires qui sont les plus anciens actuellement conservés (1797) [11]. Cette visualisation en trois dimensions repose sur un minutieux travail préalable de triangulation de la surface du satellite et de catalogage topographique. Il mobilise les techniques astronomiques de mesures, effectuées à l’aide d’un petit télescope équipé d’un micromètre. Russell produit des données scientifiques mais dans un objectif de figuration qui se démarque de l’astronomie. De même, le deuxième globe, qu’il nomme Selenographia, est-il animé par une mécanique qui reproduit les librations – les mouvements – de la lune par rapport à la Terre, à la manière des automates très à la mode à la fin du xviiie siècle.

9Les réalisations de Russell sont des objets rares dont les usages sociaux permettent de préciser les finalités. Les portraits lunaires ont longtemps été exposés dans les espaces de réception de l’Observatoire Radcliffe d’Oxford, ce qui traduit bien la position singulière de leur auteur, à l’intérieur mais en marge des observatoires et des pratiques savantes qu’ils privilégient. Les globes mécaniques, eux, ont fait l’objet d’une petite production dont on a conservé quelques exemplaires : en plus de ceux conservés à la British Library, et au musée des sciences d’Oxford, certains ont été vendus (ou offerts) à des mécènes de la haute aristocratie, comme le comte de Gales à l’occasion des visites du Russell portraitiste, ou le comte d’Exeter en 1799.

10Russell est donc un artiste professionnel et un amateur de science qui produit grâce à ses compétences artistiques et scientifiques de haut niveau des objets d’un raffinement extrême, capables d’enrichir les collections aristocratiques. Son cas atteste la pérennité d’une tradition savante naturaliste tant que survit le monde social aristocratique qui l’accueille. On peut ainsi le rapprocher de celui de Julius Grimm qui réalise en 1888 et en 1895 deux portraits lunaires offerts au Grand-duc Frédéric Ier de Bade [12].

11Sans mettre en question la réalité de la libido sciendi de Russell, ni les apports cognitifs de son travail, on peut suggérer qu’une telle pratique scientifique amatrice rend possible la requalification de compétences artistiques, en partie alimentaires, en éléments de distinction sociale, chez un acteur situé au contact des mondes aristocratiques. Ceux-ci imposent en retour le plus haut niveau d’exigence en termes d’intensité du travail, de raffinement et de singularité des objets produits et de désintéressement économique. Suivant ce modèle aristocratique d’amateurisme, le désintéressement apparaît en effet comme une valeur essentielle, condition de reconnaissance et moyen d’intégration par la science à la sociabilité des élites. Ces conceptions font référence au moins jusqu’en 1914, en particulier chez les bourgeois qui cherchent à fusionner avec les anciennes élites, qu’Allan Chapman a désignées comme de « grands amateurs [13] », à un moment où nait parallèlement un nouvel amateurisme d’extension sociale plus large.

Étienne Léopold Trouvelot (1827-1895), un amateur en quête de professionnalisation [14]

Figure 2

Plinius - Janv 4th  6h00 PM”, Annals of the Astronomical Observatory of Harvard College, vol. VIII, Results of Observations, William Cranch Bond, George Phillips Bond, Joseph Winkock, Boston, Ginn and Heath, 1877, planche 18, détail ©Bnf.

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Plinius - Janv 4th  6h00 PM”, Annals of the Astronomical Observatory of Harvard College, vol. VIII, Results of Observations, William Cranch Bond, George Phillips Bond, Joseph Winkock, Boston, Ginn and Heath, 1877, planche 18, détail ©Bnf.

12Comme Russell, Léopold Étienne Trouvelot [fig. 2] évolue entre arts et sciences mais cinquante ans plus tard, dans un monde social et savant très différent de celui de son prédécesseur, qui s’étend en outre dans l’espace atlantique. La société postrévolutionnaire voit en effet s’affirmer un monde d’ouvriers producteurs d’images – dessinateurs, peintres, graveurs ou lithographes – détenteurs de compétences transférables vers des pratiques scientifiques, ce qui explique la présence de dessinateurs et peintres scientifiques amateurs plus nombreux et d’extraction plus modeste. Dans le même temps, la structuration des institutions scientifiques professionnelles qui s’accélère dans la seconde moitié du xixe siècle fait des observatoires d’État des lieux pourvoyeurs de savoirs, de moyens techniques mais aussi de reconnaissance et parfois de revenus, qui polarisent certaines activités amatrices. Ils expliquent l’apparition d’un nouveau rôle possible pour les artistes amateurs d’astronomie : celui de petite-main d’observatoire et même exceptionnellement de savant professionnel. Plusieurs parcours d’artistes structurés par ce rapport neuf à la science des professionnels ont ainsi pu être identifiés [15]. Étienne Léopold Trouvelot est l’un d’entre eux.

13Né en 1827, il est le fils de Jean-Baptiste Trouvelot, instituteur à Guyancourt dans l’Aisne [16]. La première phase de sa vie est mal connue jusqu’à son apparition dans les archives de la répression des résistances au coup d’État du 2 décembre 1851, où il figure comme « lithographe à Vouziers » et comme individu « dangereux » condamné à la surveillance, ce qui explique sans doute son exil aux États-Unis [17]. Il réapparaît à Harvard autour de 1855. En exil, son métier de lithographe est une ressource précieuse pour gagner sa vie, d’autant que Boston est un centre important en matière de production d’images. Le contexte américain rend de plus possible une intégration à la bourgeoisie locale qui aurait probablement été plus difficile en France pour un ouvrier, même très qualifié. L’amateurisme qu’il développe en parallèle contribue d’une certaine manière à concilier ces deux objectifs en partie antagonistes.

14Il place ainsi d’abord ses compétences de producteur d’images au service de l’inventaire naturaliste de l’espace nord-américain en cours pour réaliser le plus souvent des lithographies sur pierre, imprimées ensuite dans les grands ateliers de Boston, comme ceux de J. Mayer and Co, A. Meisel ou John Henry Bufford [18]. Trouvelot est ainsi membre de la Boston Society for Natural History, ce qui lui permet d’entrer en contact avec des naturalistes des colleges d’Harvard, en particulier avec le zoologiste Alexander Agassiz, le fils du suisse Louis Agassiz arrivé aux États-Unis en 1849, dont l’entregent est très important. Il réalise ainsi des planches en couleur, de larves, œufs et papillons pour l’entomologiste Samuel H. Scudder, à la fin des années 1860 [19]. S’il avoue à Scudder que son « pinceau est la seule ressource de [s]a famille », il affirme également qu’il prend plaisir à dessiner les insectes et qu’il serait « particulièrement heureux si [s]on maigre talent d’artiste pouvait aider à produire un travail de référence », dont Scudder serait fier [20] : une manifestation très stéréotypée d’amour de la science faite d’humilité et de désintéressement. Même s’il est rémunéré pour cela, Trouvelot trouve ainsi le moyen de faire de ses dessins scientifiques d’après la nature une activité de loisir plus exigeante et valorisable que ce qu’il appelle son « regular business[21] ». Car, en plus du dessin entomologique, Trouvelot pratique l’élevage des vers à soie, une activité interrompue en 1868 ou 1869 par une célèbre bévue : il laisse échapper des spécimens d’une variété de Bombyx importée d’Europe, résistante et vorace, et se trouve à l’origine d’un processus massif de déforestation du nord-est des États-Unis, actuellement non résolu [22]. On peut supposer que cet accident est la cause de l’abandon de l’élevage et de la réorientation disciplinaire du dessinateur, vers la cartographie d’abord, au service d’un élève d’Agassiz, Nathaniel S. Shaler pour qui il dessine plusieurs cartes des États-Unis [23], puis vers l’astronomie.

15C’est en astronomie qu’il développe des projets d’imagerie scientifique d’envergure. Comme en entomologie, on trouve d’abord une pratique d’observation individuelle probablement ancienne, avec un petit télescope de six pouces, sur laquelle on sait peu de choses. Il réalise d’autre part des dessins astronomiques pour les institutions de très haut niveau du Havard College, qui se fondent sur des observations au foyer des grands instruments de l’observatoire d’Harvard, puis du US Naval Observatory de Washington. Il se livre enfin à la commercialisation plus rémunératrice de certains travaux sur le marché de la lithographie d’art.

16Dans les années 1850, le Harvard College Observatory (HCO) est un lieu pionnier en matière de production d’images astronomiques, en particulier d’astrophotographie. On y réalise les premières photographies lunaires à la fin des années 1840. Le parcours de Trouvelot montre néanmoins une capacité de résistance du dessin naturaliste en ce domaine. Celui-ci se fait d’abord connaître par des pastels de phénomènes astronomiques réalisés à l’œil nu : une pluie de météorites (nov. 1868) et plusieurs aurores boréales (début 1870), qui impressionnent par leur précision. Il entre ainsi en contact avec Joseph Winlock, directeur de l’observatoire d’Harvard et membre de Boston Society for Natural History, qui en 1872, sollicite Trouvelot pour réaliser un programme iconographique complexe : « représenter, aussi près que possible, les objets les plus intéressants du ciel, vus grâce aux puissants instruments de l’Observatoire [24] ». Le premier volet porte sur la représentation des taches et des protubérances solaires, ce qui implique une observation régulière du soleil qu’il mène en 1873-74. Le second est une série de portraits d’astres. Ces dessins s’appuient dans les deux cas sur des observations personnelles et sur des photographies, notamment des détails photographiques d’éclipses qui permettent de saisir les détails des protubérances solaires. Trouvelot assume l’ensemble du processus de mise en images : la réalisation de plusieurs milliers de croquis, les dessins de synthèse au pastel, les plaques lithographiques et les lithographies elles-mêmes.

17Les archives d’Harvard conservent la trace comptable de son passage entre 1872 et 1876 puisqu’il est rémunéré pour ces travaux : entre 50 et 60 $ la planche astronomique pour les Annals of Harvard College Observatory, ce qui revient à 6,75 $ par jour de travail [25], soit le salaire d’un ouvrier américain très qualifié [26].

18La série se compose de trente-quatre lithographies : des gros plans de cratères lunaires très novateurs, les planètes et le soleil, des nébuleuses et des spectres d’étoiles [27]. Une série complète est publiée dans les deux volumes de 1877 des prestigieuses Annals of the Astronomical Observatory of Harvard college[28]. Trouvelot publie parallèlement plusieurs articles décrivant ses observations dans les Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences, publication de la prestigieuse institution dont il devient membre, mais aussi dans Nature, Science ou Scientific American.

19La série d’images astronomiques, dont les fac-similés ornent encore en 2019 les murs des laboratoires du HCO, lui apporte ainsi une véritable reconnaissance publique. Elles sont diffusées dans les institutions scientifiques américaines et françaises, jusqu’à l’Académie des sciences de Paris qui lui attribue le prix Valz en 1879 [29]. Au-delà, il expose certaines planches en 1874 au salon de la Massachusetts charitable mechanic association[30], puis en 1876 à l’United States Centenial Exhibition de Philadelphie, dans la section « Éducation et science du Massachusetts ».

20Mais surtout, et c’est plus neuf, il parvient à valoriser ses images comme auteur, en dépit de la vente préalable des droits au Harvard College. À un moment où l’intérêt social pour l’astronomie dépasse les seuls cercles scientifiques et où la chromophotographie est en vogue aux États Unis, il parvient à publier chez un éditeur new-yorkais réputé, Scribner, un ouvrage d’astronomie illustré par quinze de ses lithographies : The Trouvelot Astronomical Drawings Manual (1882) [31]. Le titre dit le rayonnement de son auteur. C’est alors le lithographe professionnel et même l’artiste qui prend le pas sur l’amateur de science pour monnayer ses images scientifiques au moment où il rencontre la reconnaissance publique. Cette opération, peu conforme aux pratiques de la bourgeoisie intellectuelle de Boston tout autant qu’au statut des employés des observatoires, lui vaut une nouvelle rupture, cette fois avec ses activités astronomiques américaines. Elle sanctionne pourtant l’ascension de la petite main vers l’artiste et le savant puisque Trouvelot regagne alors la France de la IIIe République triomphante qui lui ouvre les portes des institutions les plus prestigieuses.

21À son retour Trouvelot est en effet recruté en 1882 comme astronome d’État à l’Observatoire d’astrophysique de Meudon, fait exceptionnel pour un non docteur. La phase ultime de sa carrière est, comme les précédentes, entachée de conflits assez bien documentés. Une campagne de presse dans La libre parole d’abord dénonce les persécutions dont il aurait été victime, puis en 1895 un long rapport du directeur de l’Observatoire, Jules Janssen, pour le ministère justifie l’action menée vis-à-vis de Trouvelot [32]. Il est possible de trouver la cause des dissensions non pas dans l’inactivité de Trouvelot, puisque celui-ci publie vingt-deux notes dans les Compte rendu de l’Académie des sciences (imagerie astronomique, travaux de photographies d’étincelles électriques [33]), mais dans l’inadéquation croissante de ses compétences à la discipline scientifique exigeante des observatoires d’État [34]. La réalité de ses activités demeure en effet mieux accueillie dans le cadre amateur qui se structure au même moment, autour de Camille Flammarion puis dans la Société astronomique de France fondée en 1887, que dans le cadre professionnel. Il publie ainsi des travaux dans L’Astronomie à partir de 1883, notamment des textes sur le soleil ou la vie martienne, une hypothèse importante pour ces amateurs en rupture avec l’astronomie professionnelle [35].

22Avec Trouvelot, la peinture scientifique permet de distinguer une étape de l’amateurisme en astronomie, marquée à la fois par l’affirmation des institutions scientifiques professionnelles qui polarisent l’activité savante, et par l’affirmation dans les années 1880 des moyens de sa contestation, nichés dans la divulgation des sciences qui permet l’émergence d’un marché éditorial et de positions alternatives promues notamment par la Société astronomique de France.

Lucien Rudaux et l’opportunité de la vulgarisation

Figure 3

Lucien Rudaux, « Les paysages de la Lune », La Nature, 1912, p. 85-88 ©CNUM

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Lucien Rudaux, « Les paysages de la Lune », La Nature, 1912, p. 85-88 ©CNUM

23Avec la publication de ses lithographies, Étienne Trouvelot permet de pointer l’émergence d’un nouveau débouché pour les artistes amateurs de sciences, celui de la vulgarisation scientifique. Lucien Rudaux, né une cinquantaine d’années plus tard, systématise cette nouvelle position qui fait des images scientifiques un instrument de médiation entre la science professionnelle et de nouveaux publics plus nombreux.

24Rudaux s’est formé à la peinture auprès de son père Edmond, peintre renommé passé par l’École de Barbizon, primé à plusieurs reprises au Salon, graveur et illustrateur pour des auteurs célèbres comme Hugo, Loti ou Nerval. Edmond s’intéresse également à la photographie qu’il enseigne à ses fils. Du point de vue social, Lucien Rudaux appartient à une bourgeoisie intellectuelle, installée dans la Manche à Donville-les-Bains en raison des problèmes de santé de son père, mais dont les liens avec les réseaux parisiens sont maintenus et sans doute favorisés par la proximité de la station balnéaire de Granville.

25Lucien Rudaux est également, dès l’adolescence, un amateur d’astronomie. Il acquiert sa première lunette à l’âge de 14 ans et construit à 20 ans un observatoire astronomique dans le jardin de la maison familiale, où il développe une pratique régulière d’observation [36]. Il se présente ainsi comme le « fondateur et directeur de l’observatoire de Donville [37] ». Dans son parcours, le nouveau berceau de l’amateurisme en astronomie qu’est la Société astronomique de France joue un rôle important. Rudaux y adhère en 1892, ce qui lui permet d’accéder aux grands instruments de l’observatoire de Juvisy-sur-Orge. Il écrit très tôt dans le périodique de la société, puis devient à partir de 1894 l’illustrateur de Camille Flammarion. À partir de 1902, il collabore comme « artiste et rédacteur scientifique » à des périodiques de vulgarisation scientifique, comme La Nature ou L’Illustration[38]. En 1908, il publie Comment étudier les astres[39], premier ouvrage d’une longue série, et commence à donner des conférences avec projections astronomiques.

26Fort de sa double compétence art/science amateure, il mène une carrière de peintre astronomique novateur. Des travaux récents d’histoire de l’art ont ainsi montré son importance, et dans une moindre mesure celle de Trouvelot, dans l’émergence de ce qu’on appelle au xxe siècle le Space Art, des vues de l’espace en deux ou trois dimensions, parfois de décors spatiaux destinés par exemple au cinéma, et dans la définition des « codes définitifs de l’art spatial [comme] panoramas réalistes et vraisemblables [40] ».

27En effet, Rudaux initie de nouvelles visualisations spatiales respectueuses des données astronomiques, dont la plus novatrice est la figuration de paysages spatiaux. L’œil et la main du peintre ne sont plus uniquement mis au service d’un rapprochement télescopique mais opèrent un double déplacement, rendu possible par le jeu de son imagination : un décentrement et une horizontalisation du regard. En 1912, il applique à l’espace lunaire ses compétences d’artiste formé à la peinture de la nature [fig. 3] — la mesure chiffrée des distances, le calcul des pentes à partir d’un profil à l’échelle — et parvient à restituer par l’image la perception qu’aurait un spectateur foulant le sol lunaire : vue en perspective, regard rasant, proportion dans les formes, horizon, place du ciel, absence de gradation dans les ombres et de toutes les déformations de couleurs liées sur la Terre à la présence d’une atmosphère. Il peut ainsi identifier des formes topographiques caractéristiques de la lune comme le Mur-Droit, qu’il décrit comme une « immense et brusque dénivellation, se prolongeant sur 100 km, fuyant bien au-delà de l’horizon ! […qui] doit nous donner l’impression la plus profonde du caractère disloqué du sol lunaire [41] ».

28De même, Lucien Rudaux réalise entre science et fiction des paysages plus prospectifs des autres planètes qui anticipent sur la conquête spatiale. Comme Russell puis Trouvelot, il propose de figurer ce que les instruments ne peuvent pas montrer en dépit de leurs performances croissantes : le très lointain, inaccessible aux télescopes les plus puissants, ou le regard décentré par rapport à la Terre. La publication en 1937 de son ouvrage très illustré, Les Autres mondes[42], marque un aboutissement de ce travail, alors qu’il participe la même année à la création du Palais de la Découverte pour la section « astronomie ». Son action entérine l’institutionnalisation d’une nouvelle position de médiateur liée à l’extension des publics et aux nouveaux usages qu’elle fournit aux images de l’espace.

Conclusion

29Les trois cas abordés ici permettent d’illustrer certaines dynamiques de l’amateurisme, autour de compétences artistiques transférables vers les sciences, dans un contexte scientifique et social en renouvellement. Ils mettent en évidence à la fois des constantes : 1) la capacité de ces artistes amateurs de science à interagir avec l’astronomie professionnelle et à apporter leur contribution singulière sur un « objet frontière [43] » comme la Lune ; 2) leur contribution à la reconfiguration permanente des mondes amateurs ; 3) leur désir de tirer un profit cognitif mais aussi social et économique de ces interactions, sous des formes en grande partie déterminées par les contextes sociaux et scientifiques. Abordées par ces acteurs, la distribution et la production des savoirs se montrent ainsi prises dans des dynamiques complexes. On peut schématiquement distinguer trois moments lors desquels se configurent de manière singulière des formes spécifiques de savoirs scientifiques et artistiques, inscrits socialement et épistémologiquement, des logiques de reconnaissance sociale ou des possibilités économiques.

30Le premier, illustré par le cas de John Russell, est caractéristique d’une société aristocratique où la légitimité des savoirs appartient à une élite d’amateurs de science et d’art, capable de concurrencer des structures professionnelles, qui existent déjà en astronomie, et de financer des objets indissociablement savants et artistiques soumis à un régime d’absolue singularité et de faible divulgation. Ils inspirent les grands amateurs du xixe siècle qui calquent certains de leurs comportements sur ce modèle aristocratique.

31Une soixantaine d’années plus tard, à l’époque d’Étienne Trouvelot, le monde a changé. L’astronomie professionnelle constitue l’instance de reconnaissance qui polarise l’attention des dessinateurs de talent, d’origine sociale fréquemment plus modeste. Pour ces derniers, les compétences artistiques et scientifiques sont un moyen d’intégrer les institutions professionnelles. Néanmoins, les méthodes des artistes trouvent à terme peu de convergence avec la nouvelle discipline d’observatoire qui repose sur l’objectivité et la neutralité d’images sérielles, et non plus la belle image « d’après la nature » synthétique et idéalisée, objet d’émerveillement, qu’ils privilégient encore [44].

32Le parcours de Rudaux offre une troisième possibilité d’action déterminée par l’émergence d’un marché de la vulgarisation scientifique qui permet davantage d’autonomie à l’égard de l’astronomie professionnelle, tant du point de vue économique que cognitif. Son savoir s’est forgé dans un cadre amateur, il appartient à une société astronomique qui développe des conceptions alternatives sur la vie extraterrestre. Il s’insère dans un espace médiatique et ludique qui divulgue des représentations prospectives neuves de l’espace pour un public nombreux intéressé par la découverte de l’espace.

33La comparaison de ces trois artistes scientifiques met ainsi en évidence la dynamique de reconfiguration permanente du positionnement amateur face au développement d’une astronomie professionnelle d’observatoire de plus en plus exigeante sur la rigueur de la méthode scientifique d’une part, et d’autre part face à la démocratisation de la libido sciendi pourvoyeuse de nouveaux publics pour une littérature scientifique de vulgarisation et de nouvelles pratiques scientifiques amatrices enracinées dans les classes moyennes [45]. Elle montre aussi la résistante d’approches savantes mais non scientifiques, au sens des normes qu’impose la science professionnelle, dans l’analyse du monde.

Notes

  • [1]
    Pierre-Yves Lacour, « De la divergence art/science. L’image naturaliste entre 1720 et 1820 », dans Écrire les sciences. Études sur le xviiie siècle, Martial Guédron et Isabelle Laboulais (dir.), 2015, vol. 42, n° spécial, p. 193-207.
  • [2]
    Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivité, Dijon, Les presses du réel, 2015.
  • [3]
    Charlotte Guichard a décrit ce premier modèle d’amateurs ou de connaisseurs, arbitres du goût et de la légitimité des savoirs, susceptibles aussi de financer des pratiques savantes ; Les Amateurs d’art à Paris au xviiie siècle, Paris, Champ Vallon, 2008.
  • [4]
    Camille Dorange, « John Russell (1745-1806) et la France », The British Art Journal, vol. X, n° 3, printemps 2009, p. 145-159 ; Will F. Ryan, « John Russell, R. A. and Early Lunar Mapping », Smithsonian Journal of History, 1 1 (1996), p. 27-48.
  • [5]
    Michael Hoskin, Discoveres of the universe : William and Caroline Herschel, Princeton University Press, Princeton, 2011.
  • [6]
    William Herschel, « Compte rendu de trois volcans sur la lune », Philosophical Transactions, 1787.
  • [7]
    John Russell, A description of the Planispheres, London, 1809, p. 1.
  • [8]
    C’est ainsi que Claude Lévi-Strauss oppose le « mode de connaissance » des artistes à celui des scientifiques : La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, notamment p. 21-35.
  • [9]
    The Lunar Planispheres, engraved by J. Russell, from his original drawings. With a description, William Russell, (Artist) London, 1809, publié en France en 1840 : John Russell, Carte de la lune gravée par John Russell d’après ses dessins (sic) originaux mesurés… avec un micromètre, 1840, éd. franç. de Lunar planispheres de 1805-1806 ©Bnf
  • [10]
    Cette figure est en effet d’abord une image mentale produite par l’imagination du peintre.
  • [11]
    A Globe representing the visible surface of the Moon, constructed from triangles measured with a micrometer, London, 1797.
  • [12]
    Der Mond, 1895, Museum der Universität Tübingen MUT. Ernst Seidl, Philipp Sudmann, Frank Duerr, Der Himmel, Wunschbild und Weltver StändniS, Museum der Universität MUT, Eberhard Karls Universität Tübingen, 2011.
  • [13]
    Allan Chapman, The Victorian amateur astronomer : independent astronomical research in Britain, 1820-1920, Chichester, 1998. Pour un exemple, voir Laurence Guignard, « Le “tourment lunaire” de Jules Pierrot-Deseilligny. Pratiques amateurs d’observation astronomique », Romantisme, 2014/4, p. 65-78.
  • [14]
    Je remercie l’ANR AmateurS. Amateurs en sciences (1850-1950) : Une histoire par en bas, qui m’a permis de financer les recherches menées à Harvard.
  • [15]
    Laurence Guignard, Les Images de la Lune. Archéologie d’un objet céleste, volume inédit d’HDR soutenu le 18 octobre 2018 à l’Université d’Aix en Provence. Les cas identifiés sont Charles Bulard (voir Laurence Guignard, « Illustrer la lune : un exemple de divulgation d’un corpus d’images scientifiques dans la presse de vulgarisation », Hélène Campaignolle, Ségolène Le Men, Marianne Simon-Oikawa (dir.), Illustrer !, édition en ligne Textimage, septembre 2020) et Jean Chacornac (voir Volny Fages, « L’affaire Chacornac, ascension et stigmatisation d’un astronome d’État », Gesnerus, 73/2016).
  • [16]
    AD Aisne, 5Mi0382 – 1823-1842, Jean-Baptiste Trouvelot, 22 ans en 1827, instituteur à Guyancourt (Aisne).
  • [17]
    Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier (Université de Bourgogne/CNRS), mis en ligne le 27 août 2013. http://poursuivis-decembre-1851.fr/index.php?page=fiches/notice&individu=52699&liste=recherche_nom_Trouvelot - Procès-verbal de la commission mixte de la Marne, 1851 – SHD, 7 J 74.
  • [18]
    Il est ainsi répertorié comme « illustrateur et peintre » par Claus Nissen, Die Zoologische buchillustrationf, A. Hiersemann, Stuttgart, 1975-78 ; Ann Shelby Blum, Picturing Nature : American Nineteenth-Century Zoological Illustration, Princeton, Princeton University Press, 1993.
  • [19]
    Samuel Scudder, Butterflies of the eastern United States and Canada with special special reference to New England, Cambridge, 1889, 3 vol, imp. couleur par Thos Sinclaire & Son avec 12 pierres.
  • [20]
    Idem. « My pencil being my only resource to support my family […] I take pleasure in drawing insects and in the case I should particularly be pleased if my fuble [sic] talent as an artist could help you in producing a standard work of which you could be proud ».
  • [21]
    Idem.
  • [22]
    Michael G. Pogue, Paul W. Schaefer, A review of selected species of Lymantria Hübner [1819]. Including three new species (Lepidoptera Noctuidae : Lymantriinae) from subtropical and temperate regions of Asia, some potentially invasive to North America, Forest Health Technology Enterprise Team Technology Transfer, May 2007.
  • [23]
    Par exemple N. S. Shaler (dir.), Map of North America : to illustrate Facts of Geographical Distribution, Kentucky Geological Survey, 1876, lith. Augustus Meisel, Cambridge University Press, dessinée par Trouvelot.
  • [24]
    Annals of the astronomical observatory of Harvard college, Vol. VIII : Results of observations made or directed by William Cranch Bond, AM George Phillips Bond, AM and Joseph Winlock AM, Boston Ginn and Heath, Part II : Astronomical Engravings of the Moon, Planets, etc., Boston, 1877, p. 3.
  • [25]
    Harvard Archive Library, UAV 630.10 Box 17 : HCO. Copies of drafts and memoranda relating to Observatory Funds May 1866-August 1874, p. 58.
  • [26]
    Émile Levasseur, « L’ouvrier américain », Journal de la société statistique de Paris, tome 38 (1897), p. 6-11.
  • [27]
    Étienne Léopold Trouvelot, Astronomical Sketches taken at the Harvard College Observatory, 1872-18, 1872- [1873], 34 leaves, 34 cm. [http://id.lib.harvard.edu/aleph/006400283/catalog] Voir The New York public library Digital Collections : https://digitalcollections.nypl.org/collections/the-trouvelot-astronomical-drawings-atlas?keywords=trouvelot#/?tab=about.
  • [28]
    Annals of the astronomical observatory of Harvard College, vol. VIII, ibid., p. 2.
  • [29]
    Journal official de la République française, 7 mars 1880, p. 2743 : il est récompensé « pour ses travaux descriptifs considérables sur Mars, Jupiter, Saturne ».
  • [30]
    « The great Nebulae in the Constellation of Orion drawn from nature with the Cambridge telescope, and fifteen smaller drawings », Catalogue of Oil-Paintings, Water-Colors, Engravings, Sculpture, Bronzes, Ceramics, Architectural, Mechanical and Art-school Drawings, Chromos, Lithographs, Photographs and Heliotypes, comprising sections three and four or the Art exposition, of the twelfth Exhibition of the Massachusetts Charitable Mechanic Association, Boston, 1874.
  • [31]
    Ibid. L’ouvrage n’a pas été publié en France mais les pastels originaux ont été retrouvés à l’observatoire de Meudon par le Groupe Patrimoine de l’observatoire de Meudon. Voir Françoise Launay, « Trouvelot à Meudon : une « affaire » et huit pastels », L’Astronomie, octobre 2003, p. 453-61.
  • [32]
    AN. F17 3745, Dossier Observatoires, Meudon.
  • [33]
    Marie-Sophie Corcy, « Le journal La Nature et la constitution de la collection de photographie scientifique du Conservatoire des arts et métiers », Cahiers du musée des arts et métiers, 2009/18.
  • [34]
    Idem. Le rapport de Janssen mentionne les vingt-deux publications qui portent en partie sur la photographie d’éclairs.
  • [35]
    Murs énigmatiques observés à la surface de la lune, Gauthier-Villars, 1885, 14 p. ; « Éruptions solaires observées du 1er juin au 30 novembre 1892 », L’Astronomie, 1893.
  • [36]
    De la terre aux étoiles. Lucien Rudaux (1874-1947) illustrateur et photographe donvillais, livret de l’exposition organisée par Sophie Poirier-Haudebert et Jérémy Halais, aux Archives départementales de la Manche du 17 décembre 2010 au 30 avril 2011.
  • [37]
    Archives nationales, base Léonore, 19800035/1394/61147
  • [38]
    Idem. Dans le dossier de légion d’honneur il se présente comme « astronome et publiciste scientifique ».
  • [39]
    Paris, Masson, 1908.
  • [40]
    Elsa de Smet, Voir l’espace. Astronomie et science Populaire, Presses universitaires de Strasbourg, 2019, p. 162 ; Ron Miller, The Art of the Space. The History of Space Art, from the Earliest Visions to the Graphics of the Modern Era, Zenith Press, 2014.
  • [41]
    Lucien Rudaux, « Paysages lunaires », La Nature, 1912, p. 88.
  • [42]
    Sur les autres mondes, Larousse, Paris, 1937.
  • [43]
    Susan Leigh Star, James R. Griesemer, « Institutional Ecology,’Translation’and Boundary Objects : Amateurs and Professionals in Berkeley’s Museum of Bertebrate Zoology », Social Studies of Science, août 1989, 1907-39.
  • [44]
    Sur cette opposition, voir Vinciane Despret, « Un dualisme bien utile », Les passions cognitives ­ — Revue d’anthropologie des connaissances, 2009/3.
  • [45]
    Laurence Guignard, Volny Fages (dir.), Libido sciendi (1840-1900) – Revue d’histoire du XIXe siècle, 2018/2.
Français

L’article s’intéresse à trois artistes qui ont initié des formes scientifiques novatrices de figuration de la lune : John Russell (actif entre la fin du xviiie siècle et le début du xixe), Étienne Léopold Trouvelot (1850-1895) et Lucien Rudaux (1890-entre-deux-guerres). Exerçant comme artistes professionnels aux marges des institutions astronomiques professionnelles, ils forment une catégorie d’amateurs de sciences. La confrontation de leurs parcours, l’analyse de leurs compétences et de leur position dans le champ du savoir, est ainsi susceptible d’éclairer à la fois certains aspects des métamorphoses de l’amateurisme liés aux transformations des contextes sociaux et scientifiques de l’astronomie professionnelle et la place qu’y conservent les artistes, mais aussi leur rôle dans l’élaboration de savoirs singuliers aux limites des arts et des sciences.

Laurence Guignard
(Université Paris-Est-Créteil, CRHEC, F-94010 Creteil, France ANR Amateurs en science (1850-1950) : une histoire par en bas)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2020
https://doi.org/10.3917/rom.190.0026
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