CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1« Il s’est passé dans l’année qui vient de s’écouler un fait considérable. Je ne dis pas qu’il soit le plus important, mais il est l’un des plus importants, ou plutôt l’un des plus symptomatiques. Dans un banquet commémoratif de la révolution de Février, un toast a été porté au dieu Pan, oui, au dieu Pan, par un de ces jeunes gens qu’on peut qualifier d’instruits et d’intelligents [1]. » Nous sommes en janvier 1852 et c’est Baudelaire qui écrit dans La Semaine théâtrale. Bien sûr, le « fait considérable » n’est pas le toast porté, toast grec, toast païen, toast à la Banville, à la Gautier, à la Leconte de Lisle, mais bien le Coup d’État du 2 décembre 1851, perpétré un mois plus tôt, et qui signe, entre autres, le deuil de l’esprit de février 1848 dont Baudelaire, enthousiaste, a écrit la légende dans sa notice sur Pierre Dupont [2]. Pour Baudelaire, l’acte de décès de la jeune République, c’est la satire d’un toast démocratique transformé par les partisans de l’Art pour l’Art : le « toast », cette forme de circonstance, qui mêle la poésie à l’éloquence, dont tous s’emparent au cours de la décennie qui précède, des banquets typographes autour de la revue ouvrière L’Atelier, en passant par le banquet communiste de Belleville, le 1er juillet 1840 [3], jusqu’aux députés qui militaient en faveur de la Réforme et dont Lamartine a été un des chefs de file [4]. Tous ces toasts de résistance avaient pour mission de rendre nécessaire l’élargissement du « pays légal » au « pays réel », selon la terminologie de l’époque, en d’autres termes de rendre indispensable, soit l’extension du suffrage censitaire, soit l’instauration du suffrage universel.

2L’histoire littéraire a retenu de ce texte satirique sur l’école païenne la prise de position aiguë de Baudelaire contre « le goût immodéré de la forme » qui pousse à « des désordres monstrueux et inconnus » et qui conduit à faire disparaître « les notions du juste et du vrai [5] ». Elle a aussi retenu que cette prise de position n’a pas duré longtemps en tournant Baudelaire en figure agissante de l’autonomisation du champ littéraire. En tant que père de la modernité lyrique, jamais Baudelaire n’a été fortement associé à la défense de la poésie de circonstance dont relève la forme du toast [6].

3En janvier 1852, Baudelaire se moque d’un toast païen qui singe une forme qui fut aussi populaire qu’élitiste, qui fut aussi ignorante que savante. Ce toast nie aussi le paysage de Paris bouleversé par le 2 décembre : « La ville est sens dessus dessous. Les boutiques se ferment. Les femmes font à la hâte leurs provisions, les rues se dépavent, tous les cœurs sont serrés par l’angoisse d’un grand événement. Le pavé sera prochainement inondé de sang [7]. » En négation de ce « Tableau parisien » affligé par le Coup d’État, les païens amoureux du beau conçoivent la nature selon les « séductions de l’art physique », si bien qu’ils dénaturent la forme du toast. Baudelaire s’insurge contre cette dénaturation qui prend toutes les allures d’une « récupération esthétique », celle-là même dont Gérard Genette écrit qu’elle signe la modernité : tous les textes sont susceptibles de voir leur sens et leur dimension pragmatique se résorber et s’abolir en spectacle [8].

4Cependant, cette récupération peut s’interpréter aussi comme une preuve de la vitalité et de la puissance d’antan de la forme-toast, une puissance et une vitalité aujourd’hui oubliées. Des harangues, des vers, étaient adressés à un auditoire toujours assimilé à une collectivité plus élargie : la collectivité du peuple, d’un peuple en mal de souveraineté politique, qui se désignait sous le terme de « parti démocratique ». Cette collectivité élargie trouvait en la circonstance et la forme du toast le lieu rituel d’une occupation lyrique collective, comme un chant mélique porté par un barde dont l’identité importait moins que la ferveur lyrique que son poème engageait chez tous sur le moment présent. Elle incarnait autant une appartenance qu’un horizon d’action accompagné d’un faisceau de convictions, aussi ses individus les plus radicaux ont-ils rejoint sans états d’âme les barricades insurgées en février 1848. Qu’allait devenir cette forme-toast qui assurait la circulation des espoirs démocratique, une fois le 2 décembre advenu ? Désormais que les partisans républicains, les ouvriers qui dépavent, les femmes, qui font dans la hâte et l’inquiétude leurs provisions angoissées, ne font plus partie du personnel toléré de la discussion publique, à quelle collectivité, en vue de quels idéaux, les toasts allaient-ils pouvoir être prononcés ? À mesure que la poésie lyrique se marginalise, le renouveau de la forme-toast sera porté par les poètes qui reformuleront la fraternité démocratique des années 1830-1840 en fraternité lyrique, pour qu’une autre puissance, une autre vitalité – comme un autre timbre – sonnent.

Arago et Proudhon

5Dans l’ensemble de la production des toasts qui précède ce renouveau lyrique à venir, deux toasts singuliers préparent la remobilisation de la forme. Le premier toast est porté par Étienne Arago (le frère de François Arago). En 1848, Étienne Arago profite d’un toast Aux Beaux-Arts et à la littérature du peuple pour ébaucher une contre-histoire de la poésie fondée sur la résistance au pouvoir. Dans son toast, il cite longuement des vers d’Aubigné pour fustiger les écrivains qui ne prennent pas position pour la réforme démocratique [9]. « L’esprit de liberté et d’opposition, l’esprit frondeur, l’esprit français dans les arts et dans la littérature remonte à nos premiers livres, à nos premiers poèmes, à nos plus anciennes chansons [10]. » Étienne Arago procède à un enrôlement démocratique militant de la poésie et des poètes. Cet enrôlement témoigne de la plasticité du toast qui s’adresse autant à l’assemblée présente qu’à une collectivité élargie, transhistorique, de poètes et d’artistes : le premier jalon, peut-être, d’une transformation moderniste du toast dont la dimension réflexive se logera ensuite remarquablement dans le rite même de l’adresse en vers faite à une assemblée de poètes.

6Le second toast singulier est un toast porté par Proudhon. Un toast mi-didactique, mi-apocalyptique, un toast imprimé, qui consacre, en tant que genre imprimé, la forme initialement orale du toast. Ce toast vaut pour la forme chrétienne sociale prophétique qu’il adopte en son cœur, en laquelle, à rebours, se trouve perceptible le canevas du poème « L’Étranger », un des petits poèmes en prose dont la source est peut-être Paroles d’un croyant de Lamennais, ouvrage qui a accommodé avec art le prêche à la contestation [11] :

7

Citoyens, j’en jure par le Christ et par nos pères ? La justice a sonné sa quatrième heure, et malheur à ceux qui ne l’ont point entendue !
– Révolution de 1848, comment te nommes-tu ?
– Je me nomme le Droit au travail !
– Quel est ton drapeau ?
– L’Association !
– Ta devise ?
– L’Égalité devant la fortune !
– Où nous mènes-tu ?
– À la Fraternité !
– Salut à toi, Révolution ! je te servirai comme j’ai servi Dieu, comme j’ai servi la Philosophie et la Liberté, de tout mon cœur, de toute mon âme, de toute mon intelligence et de tout mon courage, et n’aurai point d’autre souveraine et d’autre règle que toi !
Ainsi la Révolution, après avoir été tour à tour religieuse, philosophique, politique, est devenue économique. Et comme toutes ses devancières, ce n’est rien de moins qu’une contradiction au passé, une sorte de renversement de l’ordre établi qu’elle nous apporte ! Sans ce revirement complet de principes et de croyances, il n’y a pas de révolution, il n’y a que mystification. Continuons à interroger l’histoire, citoyens.

8La méditation à visée eschatologique en forme de toast chez Proudhon repose sur une réflexion profonde dont l’objet est la condamnation de la lyrique romantique. Cette dernière, selon Proudhon, n’est pas capable d’effectuer la description matérielle, sensible, industrielle, d’un monde dont le fonctionnement a conduit à la disparition des véritables mœurs lyriques [12]. Le refus de la tribune, de tous les modes d’accommodation sociaux de la parole et de l’écriture, est le propre de Proudhon, et pourtant, il n’hésite pas à écrire un « toast à la révolution », c’est-à-dire à se ressaisir de cette forme en vogue qu’est le toast pour parler à tous. Avec Proudhon, le toast porte aussi en lui une dimension critique : en le détournant en vignette didactique pensée en regard d’un questionnement du lyrisme, Proudhon cherche une voie pour inventer une parole à dimension sociale qui ne refuse pas l’adresse à un auditoire de lecteurs réels sans pourtant s’aliéner au modèle de la tribune. Sans doute l’enjeu du toast de Proudhon est-il lisible par le biais du motif du « familier ». Le tutoiement à la Révolution qui marque le toast, l’ambition affirmée de parler dans les marges de la parole institutionnelle, font basculer le genre dans une langue du « proche » absente initialement des toasts en résistance. Les Frères en sédition et/ou en révolution sont ceux-là mêmes qui se tutoient dans une sociabilité qui tient simultanément de la contestation collective et de l’affirmation d’une souveraineté fraternelle : la forme (pauvre) du tutoiement dans « L’Étranger » de Baudelaire parle dans cette direction aussi, peut-être. Dans ce tutoiement, on peut déceler le désir d’une symétrie de statuts en mesure, seule, de rendre possible l’exercice d’une véritable fraternité.

Baudelaire et Dupont

9Dans cette perspective, au cours des années 1845-1851 qui précèdent, il paraît presque naturel que se réinvente la chanson militante en tant que forme cousine du toast – à la manière d’une composition qui rassemble certains traits propres aux toasts, d’autres traits propres aux chansons à boire du type « Trinquons ! » de Béranger, ainsi que des caractéristiques propres aux hymnes politiques à la légitimité bien établie comme La Marseillaise[13]. Cette réinvention est l’œuvre de Pierre Dupont en 1846 avec son « Chant des ouvriers » qui fut considéré par tous comme la « Marseillaise de Février » et qui, sur le modèle de Béranger – selon le réquisitoire du procureur général au procès de Béranger – fait chanter « une Muse des chants populaires qui devient une des fureurs de nos discordes civiles [14] ».

10« Buvons à l’indépendance du monde ! », tel est le refrain de ce « Chant des ouvriers », dont Baudelaire écrit qu’il fut comme « un mot d’ordre maçonnique » au cours de la Révolution de Février [15]. La forme fraternelle du tutoiement conduit jusqu’à un « nous » qui avère une réalité énonciative de la collectivité élargie du peuple. Si ce refrain est chanté, c’est bien que la Fraternité existe, d’autant plus qu’en février 1848, on trinque autant en vue d’un horizon utopique que pour faire mot d’ordre. Du moins, sur ce sujet, il faut croire Baudelaire sur parole [16] :

11

Il viendra un temps où les accents de cette Marseillaise du travail circuleront comme un mot d’ordre maçonnique, et où l’exilé, l’abandonné, le voyageur perdu, soit sous le ciel dévorant des tropiques, soit dans les déserts de neige, quand il entendra cette forte mélodie parfumer l’air de sa senteur originelle,
Nous dont la lampe le matin
Au clairon du coq se rallume,
Nous tous qu’un salaire incertain
Ramène avant l’aube à l’enclume
pourra dire : je n’ai plus rien à craindre, je suis en France ! La Révolution de Février activa cette floraison impatiente et augmenta les vibrations de la corde populaire ; tous les malheurs et toutes les espérances de la Révolution firent écho dans la poésie de Pierre Dupont.

12La forme réelle qui prévaut en matière de toast et de fraternité est la forme du chœur populaire. Baudelaire conserve la mention du « mot d’ordre maçonnique », comme chez George Sand [17] : ce terme tisse un écho mémoriel des banquets démocratiques jusqu’aux assemblées singulières ouvrières, et même jusqu’aux barricades. La chanson militante démocratise en quelque sorte la forme-toast destinée à faire consonner lyrique populaire, ritualité commune, et fraternité en acte. Paradoxalement, cette démocratisation s’opère au moyen d’une élévation du genre léger de la chanson à celui de la tribune politique.

13Proudhon et Dupont adaptent le toast à ce que leur commande la circonstance historique : la notule didactique pour Proudhon, la chanson à boire à visée séditieuse pour Dupont. Dans les paroles du « Chant des ouvriers » de 1846, le breuvage est chargé sémantiquement des traits de la Marseillaise : le sang impur qui abreuve les sillons est désormais celui des pauvres qui « coule impétueux dans [les] veines », qui « coule sur le monde », et c’est ce sang qui coule et qu’on regagne, en chantant qu’il faut boire à l’indépendance du monde [18]. D’accompagnement rituel du toast, le vin s’est transformé en sang de la misère, qui appelle à un sang versé possible à l’avenir.

14Chez Baudelaire, on ne porte pas beaucoup de toasts : le modèle de la chanson à boire domine plutôt, en dépit du calembour bière (à boire)/bière (des morts) dans « Le tir et le cimetière », petit poème en prose, et ce calembour peut aussi s’entendre comme un toast silencieux aux morts : « Et il entra, but un verre de bière en face des tombes, et fuma lentement un cigare [19]. » Dans « L’Âme du vin », un poème ancien, le vin chante directement. Il chante « un chant plein de lumière et de fraternité » qui est, plus tard, prosé dans « Du Vin et du Haschich » [20] :

15

Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité ! »

16En écho au « Chant des ouvriers », comment lire la chanson à boire ressaisie par Baudelaire ? Possiblement écrit en 1843, le poème est imprimé en juin 1850 [21]. C’est le vin qui parle à un homme unique, ce qui implique un drastique amincissement de la collectivité du peuple désormais réduit à une figure solitaire. En sus du calembour, le « vers toi/je pousse » sonne comme une reformulation pauvre de toutes les introductions de toasts qui se sont déversées en quantités industrielles dans la presse à partir de 1830. Baudelaire est le premier qui fait porter le toast par la voix de l’alcool même, renversement qui transforme le medium festif en source lyrique. Le vin figurait par accompagnement métaphorique la circulation du toast parmi les convives des banquets démocratiques. Désormais, il assume la parole. Celui qui buvait en levant le verre, en parlant ou en chantant, est désormais celui qui écoute le chant : l’auditeur ou le lecteur.

17De ce double renversement, que faut-il conclure de la métamorphose du toast en poème ? Des coordonnées initiales du toast démocratique demeure l’adresse. En revanche, l’objet (la Liberté, la Fraternité…) disparaît. Il disparaît logiquement puisque le vin fait advenir la promesse du toast dans l’énonciation du chant même : en bouleversant les contraintes du réel, en brisant le cadenas du monde, en d’autres termes, en dynamitant le cadre de misère. Aucunement nécessaire, chez Baudelaire, de boire au nom de « l’Indépendance du monde » – comme dans le « Chant des ouvriers » de Dupont – puisque cette dernière advient dans le cours du chant grâce à l’alcool. Le toast métamorphosé de Baudelaire s’avère comme doué de superpouvoirs lyriques en mesure d’établir un principe de résistance simultanément plus chimérique et plus concret que tous les toasts du monde. Cependant, c’est aussi un toast de solitude. Il ne conquiert sa toute-puissance qu’en abdiquant de la souveraineté d’un peuple élargi. Le règne de la fraternité démocratique s’est dématérialisé en fraternité qui lie indissolublement le lecteur à son double et le poète à ses lecteurs : bref, en fraternité lyrique, plus immatérielle encore que celle qui était portée par les promesses de démocratie toastées avant le 2 décembre. Baudelaire radicalise ainsi la croyance démocratique en une fraternité à venir en la transformant en acte lyrique qui vaut pour soi (le chant de la bouteille) et aussi en en faisant une chimère possible de l’ivrognerie. On peut alors, peut-être, rétroactivement, depuis Baudelaire, réinterpréter avec mélancolie les toasts démocratiques d’antan, ceux qui ont été portés avant 48 : au moyen de ces toasts de résistance, ce qui s’est échangé, ce qui s’est offert, effectivement, réellement, entre militants et opposants démocratiques, à l’époque, c’est peut-être seulement la croyance en une chimère, et puis rien d’autre, si l’on en croit la situation politique effective après juin 1848 [22] ?

Lamartine et Musset

18Avant Baudelaire, Lamartine et Musset avaient déjà réfléchi sur la ténuité lyrique du toast. Dans « La Nuit de décembre », le poète porte un toast à « un convive vêtu de noir,/Qui [lui] ressemblait comme un frère [23] ». Lieu commun de la mondanité, le toast de « La Nuit de décembre » est aussi une critique de la mondanité. L’harmonie brouillée, mise en abyme de l’échange trivial porté par le toast, tourne l’attention sur l’interlocution lyrique et sa transcendance mélancolique [24].

19En réponse à un énième toast démocratique reçu en 1847, Lamartine, lui, finit par déclarer que devant l’avalanche de toasts en cours, mieux vaut user du silence pour répondre, inaugurant ainsi le genre singleton du toast en prose vierge [25] ! Mais peut-être était-il attendu que la forme bavarde et mondaine du toast s’inverse en signe d’une harmonie par l’absence, par le silence, et par la distance ?

Mallarmé et Verlaine

20« Salut » de Mallarmé est adressé à une assemblée constituée de poètes dans le cadre d’un banquet de la Plume, le 9 février 1893 : « Salut : ce sonnet, en levant le verre, récemment à un banquet de la Plume avec l’honneur d’y présider », décrit Mallarmé en 1898 dans sa Bibliographie[26]. Thibaudet analyse chez Valéry et Mallarmé cette nouvelle dynamique lyrique du toast en affirmant que les poètes, désormais, savent « doter d’une radiation infinie la substance imperceptible d’un petit poème presque sans sujet [27] ». Et il ajoute : « Souvenez-vous de ce simple Toast de Mallarmé, à ce banquet de poètes, toast qui, presque sans mots, plante son drapeau sur tant d’espaces [28]. »

21

Une ivresse belle m’engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut
Solitude, récif, étoile
À n’importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile [29].

22Une promesse de fraternité advient toujours au moyen d’une circulation effective de la parole entre les membres poètes de l’assemblée. Ensuite, avec le passage à l’impression et à la publication, le pacte lyrique peut se renouveler, avec nous tous, les lecteurs, comme ultime incarnation de la collectivité élargie. Comme la queue d’une longue comète de tradition de banquets de résistance et de chansons séditieuses, le toast lyrique accommoderait pour de nouveaux temps, de nouvelles mœurs lyriques et sociales, l’expérience démocratique de la fraternité, en dépit de l’effacement des circonstances historiques et/ou mondaines.

23« Salut » de Mallarmé conserverait souterrainement l’apostrophe lyrique des anciens banquets, leur utopie sociale, leur croyance politique en une possibilité de l’avenir pour une minorité en résistance, en l’assemblant avec la possibilité d’une langue poétique qui ne renie rien de sa recherche formelle. Le poème est placé en exergue du recueil publié en 1899. Il perd alors son étiquette de « toast » en échange d’un italique qui le distingue. Il gagne aussi une position privilégiée : celle de l’envoi aux lecteurs qui joue comme une traductibilité éditoriale et poétique possible de l’appartenance au genre du toast [30]. L’ironie subtile consiste à commencer le recueil par le mot « rien », mot qui, phonétiquement, est l’accomplissement moderne de res, rei, qui désigne aussi en latin le bien (ce que l’on possède), la chose, la circonstance, et l’événement. Elle invite à pister la littéralité de la circonstance du toast dans le poème : le vers/verre (v1), la coupe/coupe de champagne (v2 + v7), l’écume/mousse du champagne (v1), le toast/porter ce salut (v11). Il y a aussi l’argot « boire une toile » à redécouvrir sous le dernier vers : « Le blanc souci de notre toile. » Lecture possible : le vers ne s’écrit pas, reste vierge, n’imprime pas, si l’on peut dire, si on ne voit en lui que la « coupe », à savoir, soit 1) sa nature artificielle de mètre : par extension, l’invention poétique, soit 2) sa dimension pragmatique : par extension, son appartenance au régime commun de la langue qu’est celui du toast.

24Selon nous : rien ne peut engager le lecteur à trancher entre l’hypothèse de lecture 1 et l’hypothèse de lecture 2 [31]. Il faut maintenir l’équivoque (les rimes équivoquées s’égrènent tout le long du poème : vers/envers/divers/hivers), c’est-à-dire la conjonction qui est faite entre le régime circonstanciel fraternel du toast (qui n’est pas un régime de performance mais un régime de tribune, Mallarmé ne performe pas, il adresse un toast) et le régime lyrique de la modernité du poème publié en recueil, si on veut éviter la noyade des sirènes [32]. Pour le dire grossièrement : le vers, c’est aussi le verre. L’italique qui isole le poème des autres poèmes du recueil signifie justement ce statut singulier de « poème toasté ». Antérieurement, les rimailleries étaient mises au service du toast, désormais, c’est le toast qui est mis au service de la métaphysique du poème. L’utopie lyrique du toast est là.

25Au banquet de la Plume du 15 décembre 1892, un an auparavant, Mallarmé portait un toast « au nom de Leconte de Lisle ». « …Remercions-le qu’il ait, avec bonté, désignant pour y porter sa parole un humble admirateur, conservé à notre fête ainsi – superbe, vénérable, chère l’intégrité de sa Présence [33]. » « L’intégrité de sa Présence ». « La Présence », pour être intègre, doit être toute, de la sociabilité fraternelle du banquet à l’adresse du poème même. Mallarmé a aussi porté un toast-poème à M. Rousselot, directeur du collège Rollin, et sinon, il a aussi déclamé une petite brochette de toasts en prose [34].

26« Solitude, récif, étoile » : difficile, en regard rétrospectif et anachronique, de ne pas embrasser dans cette adresse lyrique, grande, cosmique, existentielle, qui bute sur les concrétudes et des obstacles, l’ensemble des collectivités élargies qui furent convoquées – toast après toast – au cours du long xixe siècle, ces collectivités démocratiques qui ont cru aux « étoiles », sont restées dans la « solitude », et/ou se sont fracassées sur les « récifs ». La force du toast lyrique est de s’adresser aussi bien aux convives en présence que de donner chair lyrique à une promesse de façon beaucoup plus extensive, sans cesse possiblement réactivée par la lecture, alors que le toast démocratique, lui, s’étiole, une fois, presque, la circonstance évanouie, la publication de presse oubliée. Pour autant, il n’est nullement question ici de faire de Mallarmé un « Camarade Mallarmé » qui, à la manière d’un Mallarmé de Tel Quel, des Temps modernes, ou encore un Mallarmé relu par Jacques Derrida, ferait miroiter un passé relu à la lumière d’un présent militant, mais seulement de constater que la permanence d’une forme, dans ses transformations mêmes, peut autoriser en poésie le questionnement de la circonstance démocratique [35].

27Dans un préambule à un ensemble de « pièces purement cordiales » intitulé Dédicaces, dont font partie les deux toasts « Toast à distance » et « À Germain Nouveau », Verlaine affirme que « l’auteur voulait ceci très borné, un peu fermé même, et il s’est astreint à un cadre minuscule [36] ». Des mots très durs ont été prononcés contre ce Verlaine-là, ce Verlaine « cordial » qui « parle sous lui », mais il revient peut-être aux changements de perspectives d’être en mesure de questionner les normes de valeur en cours [37]. Que les poèmes se réduisent désormais à des Dédicaces implique un déplacement de l’attention vers les poètes mêmes auxquels les envois font signe. Les poètes sont les compagnons passés ou à venir avec lesquels ont été échangés ou s’échangeront des toasts. Le poème fait signe soit vers un toast à venir (« Toast à distance », dernier vers), soit vers un toast passé (« À Germain Nouveau », les deux tercets). Les deux toasts verlainiens ont aussi en commun de décrire avec une précision pittoresque le contexte du toast : en tant que lecteurs, nous sommes conviés dans le cercle lyrique formé, écrit par des toasts qui tostent en souvenir et en avenir de toast. Tout cela se boit ou se lit « sans soif », car il s’agit de poèmes aussi simples et pauvres que l’échange de toast est en soi une forme, simple et pauvre de cordialité. À la fin de sa vie, Verlaine vivait régulièrement au café en compagnie d’une population des bas-fonds qui semblait très peu lyrique à tous ses collègues-poètes coiffés de chapeaux haut-de-forme. Ernest Raynaud témoigne de cette manière : « C’est aux terrassiers de Verlaine que je pensais, le soir de l’inauguration de son monument, à ce banquet où trois cents intellectuels se livraient à un charivari forcené, jetaient leurs assiettes à la tête des récitants et se refusaient même à entendre ses vers, et la comparaison n’était pas à leur désavantage [38]. » La collectivité lyrique est parfois plus fragile à construire entre poètes qu’entre terrassiers dans les estaminets : une manière de suggérer que le toast lyrique doit beaucoup, aussi, concrètement, au paysage de sociabilité sans lequel il n’existerait tout simplement pas.

28« Salut » est adressé « À n’importe ce qui valut/Le blanc souci de notre toile ». Le poète, celui qui toste, se déclare « sur la poupe », tandis que ceux auxquels il s’adresse sont situés sur « l’avant fastueux ». L’inversion des hiérarchies entre le poète et son assemblée lyrique court-circuite la verticalité tribunicienne des exercices de représentation démocratique qui avaient lieu au cours des banquets des années 1830-1840, en même temps qu’elle en reconduit les tentatives anciennes advenues mais, cette fois, sur un mode fusionnel. Car tous finissent par peupler la forme du poème : « Nous naviguons, ô mes divers/Amis. » Et, ici, il n’est pas question de surévaluer la communauté lyrique par rapport à la communauté démocratique mais de comprendre comment, en passant de la harangue au poème, le toast, se lyriquant, se délyrique de l’ancienne lyrique aussi, au sens où il quitte la forme tribunicienne et délaisse les structurations de l’éloquence, pour jouer un nouvel acte de la lyrique démocratique.

Notes

  • [1]
    Charles Baudelaire, « L’École païenne », dans Œuvres complètes, édition par Claude Pichois, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, p. 44-49, p. 44.
  • [2]
    Idem, p. 26-36.
  • [3]
    Jean-Jacques Pillot, « Premier banquet communiste [1840] », dans Les Socialistes avant Marx, Paris, F. Maspero, t. II, p. 210-232.
  • [4]
    Cet article constitue le second volet d’une enquête menée sur la forme-toast au cours du long xixe siècle, enquête initiée en perspective du colloque organisé par Guillaume Peureux et Alain Vaillant sur la « Poétique historique de la poésie de circonstance » à l’université Paris-Nanterre en novembre 2018. Que les organisateurs de cet événement soient ici chaleureusement remerciés pour leur invitation.
  • [5]
    Charles Baudelaire, ouvr. cité, t. I, p. 48.
  • [6]
    Claude Millet a fait la radiographie de ce rejet moderne de la circonstance en poésie. Claude Millet, « Avant-propos. Circonstance : L’entre-deux lyrique », dans La Circonstance lyrique, Claude Millet (dir.), Bruxelles, PIE Peter Lang, 2011, p. 11-28.
  • [7]
    Charles Baudelaire, ouvr. cité, t. I, p. 46.
  • [8]
    Ibid., p. 47. Gérard Genette, « Introduction à l’Architexte », dans Fiction et diction, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points-essais », 2004, p. 107.
  • [9]
    Étienne Arago, « Aux Beaux-Arts et à la littérature du peuple », dans Lille, Dijon, Chalon. Banquets démocratiques, recueillis et publiés par Jules Gouache, Paris, Bureaux de la Réforme, 1848, p. 31-35.
  • [10]
    Étienne Arago, ibid., p. 32.
  • [11]
    Pierre-Joseph Proudhon, « Toast à la révolution », dans Idées révolutionnaires : les Malthusiens, programme révolutionnaire, la réaction, question étrangère, la présidence, argument de la Montagne, le terme, toast à la révolution, etc., préface par Alfred Darimon, IIe série 1848 septembre-décembre, Paris, Garnier Frères, 1849, p. 255-266, p. 256.
  • [12]
    Dominique Dupart, « Le Rouet est silencieux dans la vallée : Lamartine, Proudhon, Flaubert et Marx », Revue Textuel, revue de l’UFR « Lettres, arts, cinéma » de l’Université Paris-Diderot, septembre 2017, p. 23-41.
  • [13]
    Pierre-Jean Béranger, « Trinquons ! », dans Œuvres complètes, Paris, H. Fournier, 1839, t. I, p. 129. Tout le long du xixe siècle, le toast a aussi accompagné un nombre étonnant de chansons à boire dans les cénacles de poètes – celui du Caveau est le plus connu –, des poètes, petits ou grands, souvent petits, qui ornaient leurs vers de mirliton d’hommages licencieux et/ou galants au sein d’une sociabilité fermée. Sur les chansons à boire et les toasts chantés du Caveau : voir Marie-Véronique Gauthier, « Sociétés chantantes et grivoiserie au xixe siècle », Amours et société, Romantisme, Paris, Armand Colin, 1990, n° 68, p. 75-86.
  • [14]
    Pierre-Jean de Béranger, « Procès faits aux chansons de Béranger », dans ouvr. cité, t. III, p. 173-264, p. 178. Point de vue identique, même si euphémisé, qui fut défendu par Sainte-Beuve quand il se penche sur cette pièce de Dupont en avril 1851. Charles-Augustin Sainte-Beuve, « Hégésippe Moreau et Pierre Dupont », Causeries du lundi, 3e éd. revue et corrigée, Paris, Garnier Frères, 1859, lundi 21 avril 1851, t. IV, p. 51-75, p. 71-72. Texte édité et disponible sur le site OBVIL Sorbonne université.
  • [15]
    Charles Baudelaire, « Pierre Dupont » [1851], dans L’Art romantique, Paris, Calmann-Lévy, 1885, t. III, p. 191-206, p. 200.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Dans La Comtesse de Rudolstadt, George Sand décrit au présent un banquet d’Invisibles maçonniques au sein duquel « on ne portait jamais la coupe aux lèvres sans invoquer quelque noble idée, quelques généreux sentiments ou quelque auguste patronage ». (George Sand, Consuelo. La Comtesse de Rudolstadt, Damien Zanone (éd.), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2004, p. 1102.)
  • [18]
    Pierre Dupont, « Le Chant des ouvriers » [1846], dans Chants et Chansons, Paris, Houssiaux, 1855, t. I, p. 29-31. « Avec le refrain de cette chanson si populaire durant la révolution de 1848, le toast traditionnel du Caveau change d’enjeu : il est désormais porté vers un public universel (« Buvons à l’indépendance du monde »). S’opère un échange entre la bachique libation de vin et celle du sang des ouvriers, tout aussi vermeil. L’amour n’y est plus érotique mais éthique. » (Stéphane Hirschi, « Avant-propos », dans Chanson. L’Art de fixer l’air du temps : de Béranger à Mano Solo, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, 2008, p. 123-128, p. 125.) Voir aussi : Hélène Auzemery, « Discours sur la chanson de 1860 à 1914 », dans Les Frontières improbables de la chanson, Stéphane Hirschi (dir.), Actes des rencontres internationales organisées par CAMELIA, Centre d’analyse du message littéraire et artistique, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 2001, p. 59-76.
  • [19]
    Pour lire une analyse critique du poème ainsi qu’un état des lieux bibliographiques à son sujet : Patrick Labarthe, Baudelaire et la tradition de l’allégorie, Genève, Droz, 1999, p. 211-219.
  • [20]
    Charles Baudelaire, L’Âme du vin, Du vin et du haschisch, ouvr. cité, t. I, p. 105 et t. II, p. 380.
  • [21]
    Sur la datation du poème, voir la notice de Claude Pichois, éd. citée, p. 1045.
  • [22]
    Sur l’offrande lyrique, voir Jean-Nicolas Illouz, « Préface », dans L’Offrande lyrique, Paris, Hermann Éditeurs, 2009, p. 7-9, p. 9. Sur l’exhibition de la convention lyrique donnant lieu à une poétique critique, voir Jean-Nicolas Illouz, « Mallarmé, “à une tombe ou à un bonbon” : éthique et poétique du don (à propos des Loisirs de la poste et autres Récréations postales) », dans ouvr. cité, p. 221-240, p. 231.
  • [23]
    Alfred de Musset, « La Nuit de décembre », dans Poésies nouvelles (1836-1852), Paris, Charpentier, 1857, p. 52.
  • [24]
    Une piste explorée elle aussi par le narrateur d’À l’ombre des jeunes filles en fleur, qui use de la métaphore du toast pour détailler avec raffinement l’exercice de communion négative qu’est devenue désormais sa correspondance amoureuse avec Gilberte. Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleur [1919], Paris, Gallimard, III, Première partie, p. 42, 43 et 47.
  • [25]
    Alphonse de Lamartine, Toast porté par M. de Lamartine dans la réunion, à Monceau, de MM. les commissaires au banquet de Mâcon [Extrait du Bien public du 20 juillet 1847], Mâcon, Robert, 1847.
  • [26]
    Stéphane Mallarmé, « Bibliographie » [1898], Nouvelle Revue Française, Paris, Gallimard, 1914, p. 161.
  • [27]
    Albert Thibaudet, Paul Valéry, Paris, Grasset, coll. « Les Cahiers verts », 1923, p. 157.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Stéphane Mallarmé, Salut [1893], Poésies, dans Œuvres complètes, édition par Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, t. I, p. 4.
  • [30]
    Lire à ce sujet la note 1 de Bertrand Marchal, éd. citée, t. I, p. 1146.
  • [31]
    Pascal Durand, Mallarmé, Du sens des formes au sens des formalités, Paris, Seuil, coll. « Liber », 2008, p. 228-231, p. 229.
  • [32]
    Selon Vincent Kaufmann, le poème impliquerait la contestation de la circonstance qui le fonde, si bien que le poème pose comme règle sa propre transgression. Vincent Kaufmann, Le Livre et ses adresses, Mallarmé, Ponge, Valéry, Blanchot, Paris, Méridien Klincksieck, 1986, p. 44-52, p. 48 et p. 52.
  • [33]
    Stéphane Mallarmé, « Toast au nom de Leconte de Lisle » [1892], dans Œuvres complètes, éd. citée, 2003, t. II, p. 686.
  • [34]
    Ibid., t. I, p. 1312 et t. II, p. 685, 687, 688, 690.
  • [35]
    Jean-François Hamel, Camarade Mallarmé. Une politique de la lecture, Paris, Les Éditions de Minuit, 2014, p. 118, 119 et 128.
  • [36]
    Ibid., p. 551.
  • [37]
    Ibid., p. 549-550.
  • [38]
    Ernest Raynaud, « Une soirée chez Paul Verlaine », dans La Mêlée symboliste : portraits et souvenirs. II. 1890-1900, Paris, La Renaissance du livre, coll. « Bibliothèque internationale de la critique. Lettres et arts », p. 18-33, p. 32.
Français

Forme lyrique de circonstance, le toast a connu une grande fécondité au cours du xixe siècle, une fécondité partisane, collective, à visée démocratique ou en support de propagande. Quand les temps démocratiques s’interrompent en 1851, la forme-toast se métamorphose en poème. Peut-être alors, conserve-t-elle en son lieu des traces de sa pratique mondaine et militante révolue comme medium de fraternité, hypothèse qui suppose de relire les toasts de Mallarmé et Verlaine, les variations autour des chansons à boire de Baudelaire, en les inscrivant dans une nouvelle filiation, celle du Chant des ouvriers de Pierre Dupont ou encore du « Toast à la Révolution » écrit par Proudhon à la suite de la révolution de 1848.

English

As an occasional lyrical form, the toast proved itself very productive throughout the 19th century, with a partisan, collective productivity usually aiming for democracy or supporting some form of propaganda. When 1851 put a stop to democracy, the toast took on the shape of a poem. Does it not from then on maintain at times traces of the worldly and militant practices it used to have ? Such a hypothesis requires re-reading Mallarmé’s and Verlaine’s toasts, and Baudelaire’s variations on drinking songs, as heirs to a new ancestry, that of Pierre Dupont’s Chant des ouvriers or of Proudhon’s « Toast to the Revolution », written in the aftermath of the 1848 revolution.

Dominique Dupart
(Université de Lille)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 22/01/2020
https://doi.org/10.3917/rom.186.0099
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