CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’heure est aux dictionnaires d’auteurs. La fortune éditoriale que connaît le « genre » depuis une dizaine d’années méritait qu’on s’y arrête : dans ce nouveau « Débat critique », qui remplace la traditionnelle rubrique des comptes rendus, Jean Pruvost et François Gaudin, croisant le point de vue de l’usager et celui du concepteur de dictionnaires, décrivent et analysent les caractéristiques structurelles de cette forme, dont les principes et les visées appellent le questionnement.

2Le 26 septembre 2018 s’est ainsi tenue à Paris II une journée d’études consacrée à ce nouvel objet éditorial qu’est le « dictionnaire d’écrivain » (« Les dictionnaires d’écrivain : formes, enjeux, processus »). Sous la responsabilité d’Yves Jeanneret et de Jean-Baptiste Legavre, on y interrogeait la « forme médiatique d’une patrimonialisation de la littérature » en même temps que la construction de la figure de l’auteur, tout en cherchant à identifier le destinataire de ces dictionnaires – savant ou non, selon la nature et l’éditeur du projet lui-même [1].

3Le dictionnaire d’écrivain manifeste un évident renouvellement des pratiques encyclopédiques anciennes : d’une grande diversité (les dictionnaires d’écrivains qui paraissent chez les éditeurs Champion et Garnier ne visent pas le même public que les Dictionnaires amoureux de…, collection phare créée en 2000 chez Plon, où Proust côtoie d’Ormesson, le vin, le cinéma et le rugby) et donc de nature fort différente, ces ouvrages sont à l’évidence des entreprises rentables, lors même que leur coût, du moins dans l’édition savante, est élevé : leur multiplication le prouve, tout comme la situation de concurrence qui s’établit involontairement entre certains d’entre eux (outre les trois dictionnaires sur Flaubert, on pourrait évoquer la situation de George Sand à laquelle Perrin et Champion ont consacré un dictionnaire).

4Formes de patrimonialisation, ces entreprises confirment d’abord un panthéon littéraire : le dictionnaire canonise un auteur – voire donc, pour certains d’entre eux, le sur-canonise. On pourrait à ce titre rapprocher l’effet produit, en termes de reconnaissance, par un dictionnaire d’auteur de celui que produit la consécration de l’album de la Pléiade [2]. Le dictionnaire adopte soit une perspective informative et pédagogique destinée à faire connaître l’œuvre d’un auteur (c’est le cas du projet du Dictionnaire Romain Rolland sous la responsabilité d’Yves Jeanneret), soit une perspective synthétique (ainsi le Dictionnaire Flaubert paru chez Champion sous la direction de Gisèle Séginger a fait appel aux spécialistes de Flaubert auxquels toute latitude était laissée pour traiter de telle ou telle entrée, charge à eux de proposer cependant un état de la question). C’est que peut-être dans le premier cas, le dictionnaire vient réparer un oubli, rendre sa place à un écrivain. George Sand, dont l’éviction du canon littéraire est ancienne et avait déjà été examinée par Naomi Schor dans un important article [3], pouvait en un sens d’autant plus inspirer des entreprises encyclopédiques que son œuvre avait été injustement amputée – ou effacée au profit de la biographie de l’autrice. Naomi Schor avait ainsi mis au jour la sélection opérée dans les romans sandiens par la Troisième République dans la construction d’une certaine image de la France rurale, cantonnant ainsi Sand dans le domaine d’une littérature naïve et destinée à la jeunesse. On pourrait en dire autant du très récent Dictionnaire Alphonse Daudet, publié chez Champion sous la responsabilité d’Anne-Simone Dufief, Gabrielle Melison-Hirchwald et Roger Ripoll, qui vient aussi confirmer la légitimité d’un écrivain – auquel la collection de la Pléiade, à cette époque moins accueillante qu’aujourd’hui, avait ouvert ses portes au mitan des années 1980.

5La présentation même des ouvrages est parlante : ainsi est affichée ou non la dimension collective de l’entreprise. Les pages d’ouverture des Dictionnaire Flaubert (Champion, 2017) et Sartre (même éditeur, 2013) dressent la liste des contributeurs, dans le premier cas assortie du nom de la coordinatrice de l’ensemble et de la composition du comité scientifique ; celle du Dictionnaire André Gide indique le nom des deux coordinateurs du volume (Garnier, 2011). C’est induire des pratiques et formes d’auctorialité différentes, qui ne relèvent sans doute pas des auteurs des dictionnaires eux-mêmes mais de la maquette adoptée par l’éditeur. On peut d’ailleurs supposer qu’un éditeur s’emparant à son tour (à la suite d’un autre) de l’objet se situe par rapport à la concurrence et fait donc des choix de présentation qui diffèrent et signifient typographiquement la différence de nature – pas nécessairement patente par ailleurs – de son projet. En tout état de cause, ces choix mettent en avant soit la responsabilité des directeurs d’ouvrages, soit le nombre de contributeurs sollicités.

6L’objectif revendiqué par les auteurs de dictionnaires est en tout cas toujours de faire un état des connaissances. On y verra volontiers le grand retour du positivisme. À l’évidence, ce nouveau genre de la critique littéraire qu’est le dictionnaire d’écrivain témoigne du reflux de l’effervescence théorique : il s’agit d’abord d’emmagasiner des savoirs et de les dispenser aux lecteurs sous la forme d’une somme. Lorsqu’on engage des bilans, c’est qu’on a le sentiment que tout est dit – approche mélancolique de l’objet – ou – avec plus d’entrain – qu’il s’agit de faire le point, d’exposer un « état actuel des connaissances » (selon les termes de Jeanyves Guérin dans la présentation du Dictionnaire Camus). Le dictionnaire d’écrivain présente des « documents », une documentation dont il fixe la signification et qu’il constitue en monument ou peut n’être que la photographie d’un chantier, à un moment T. Certains d’ailleurs semblent à la fois monumentaliser leur auteur (c’est le cas du Dictionnaire Flaubert de G. Séginger précité) et vouloir, pour éviter ce risque de monumentalisation, lui restituer, par le biais d’un site qui viendra compléter et enrichir l’ouvrage publié, du mouvement, une possible évolution du savoir sur l’auteur : le monument peut ainsi connaître une mue quasi-permanente au gré de ses actualisations successives.

7Le dictionnaire est en effet pour le lecteur – amateur, passionné ou chercheur – un univers de références qu’il consultera en fonction de ses recherches et questionnements. Comme tout dictionnaire, il suit un ordre alphabétique et présente des synthèses de longueur variable dont les sujets reflètent des choix, une lecture de l’œuvre avec ses orientations et ses partis pris. L’existence de plusieurs dictionnaires pour certains écrivains permet ainsi de dessiner plusieurs Flaubert ou plusieurs George Sand, preuve de la liberté qui préside à chacune de ces entreprises.

8Car qui dirige des dictionnaires ? Des spécialistes reconnus d’un écrivain. Quelles sont les procédures de recrutement des contributeurs ? Elles sont fonction de l’expertise dans tel ou tel champ relatif à l’œuvre de l’écrivain. Comment sont choisies les notices à rédiger ? On peut supposer deux fonctionnements antithétiques : un directeur de dictionnaire liste les notices et sollicite des contributeurs pour les rédiger ; une équipe est constituée pour réfléchir ensemble, sous l’égide d’un ou plusieurs responsables, aux notices qu’il convient de traiter et se charge de les répartir. L’élaboration d’un dictionnaire d’écrivain est un laboratoire, un terrain d’expérimentations, une aventure dont témoignent les coordinateurs que nous avons interrogés.

9Le lecteur, lui, ne peut manquer de s’interroger : les dictionnaires d’auteurs valent-ils en soi, construisent-ils un monde, le tableau achevé d’un univers ou n’ont-ils de sens qu’à renvoyer aux œuvres et à la vie de l’auteur ? A-t-on affaire à une « œuvre » cohérente, harmonieuse, ou à un poudroiement d’éclairages hétérogènes ? Il arrive que le dictionnaire d’écrivain, visant l’épuisement de son sujet mais forcément incomplet (qui n’a joué à en repérer les entrées manquantes ?), témoigne d’un « paradoxe précieux » : il « familiarise, acclimate et dépayse, fait divaguer : il affermit le savoir et ébranle l’imagination [4]. » Espace de sens fluide, à plusieurs dimensions, n’est-il pas alors l’image de ce réseau sans fin de significations qu’est une œuvre, qu’est une vie ?

Jean Pruvost - Dictionnaires consacrés aux auteurs : approche structurelle

10Deux méthodes ont ma préférence pour aborder un sujet aussi délicat et polymorphe.

11La première, la plus sûre, consisterait à écrire un livre entier sur le sujet, un ouvrage de la dimension d’une thèse, en essayant de rassembler, animé d’une volonté d’exhaustivité – certes toujours utopique – tous les documents pertinents permettant de comprendre la genèse du phénomène, de décrire la situation contemporaine, et de se projeter vers l’avenir. On le comprend d’emblée, rassembler tous les dictionnaires répondant au domaine concerné, même si ma collection personnelle comporte plus de dix mille dictionnaires, a quelque chose du bénédictin. Radiographier en effet ne serait-ce que la soixantaine de dictionnaires entrant précisément dans le sujet et occupant quatre de mes étagères, en regrettant de ne pas regrouper la totalité du corpus, supposerait pour le moins quelques semestres à y consacrer. Ajoutons que pour qu’une telle étude ne soit pas faussée, il faudrait aussi passer à l’étamine les corpus similaires dans les autres pays, permettant de mesurer ainsi l’ampleur nationale ou internationale du phénomène. Faute de temps, ce ne sera donc pas la méthode ici choisie. Aussi sera-t-il seulement question d’une « approche » du phénomène éditorial et culturel qui nous intéresse. Vivement cependant.

12La seconde méthode pourrait être conduite de manière logique en partant du relevé des paramètres en jeu, en essayant d’en décrire toutes les caractéristiques possibles, aussi bien celles existantes que celles qui ne sont pas mises en œuvre, en les associant ensuite pour imaginer les combinaisons possibles pour aboutir à un « dictionnaire » ayant pour thème un « auteur » considéré comme relevant de la littérature. C’est la solution que nous avons choisie, avec ses failles innombrables : l’oubli d’un paramètre ou sa description lacunaire, la méconnaissance d’un ouvrage correspondant à l’une des combinaisons imaginées, enfin, ou peut-être même préalablement la définition inexacte des paramètres fondateurs de l’équation : qu’appelle-t-on « dictionnaire », « auteur » et même « éditeur » ? Voilà qui renforce le caractère dangereux d’une approche.

13Il y a par ailleurs une ambiguïté, celle-là même des critiques qui jaugent l’œuvre littéraire sans être eux-mêmes passés par la création, ignorant en définitive l’expérience vécue par tout auteur d’un dictionnaire, avec ses espoirs, les obstacles et les limites qu’il rencontre au moment de l’élaboration du projet. Il va de soi que j’ai mieux compris ce à quoi correspondait un dictionnaire alphabétique de la langue française après en avoir dirigé et rédigé quelques-uns. Or, je n’ai jamais tenté l’aventure d’un dictionnaire consacré à un auteur et mon regard sera donc externe. Prenons néanmoins ce risque, avec pour mince justification le fait qu’émergent forcément d’une pareille observation quelques éléments pouvant se révéler pertinents.

14Enfin, éviter la comparaison souvent stérile entre les maisons d’édition qui ont chacune leur lot de réussites et d’échecs, qu’ils soient d’ordre commercial ou d’ordre qualitatif, ou bien cumulés, fait aussi partie d’une conduite à tenir. Un dictionnaire de peu d’intérêt peut en effet bénéficier d’un joli succès commercial, servi par une bonne diffusion, un prix attractif et une conjoncture heureuse ; un autre de grande qualité intellectuelle peut être mal diffusé, coûter fort cher, ne pas intéresser les médias, être publié au cours d’une période où les contemporains ne sont pas disposés à recevoir l’ouvrage. On sait tous que la qualité d’une œuvre ne se juge pas à l’aune commerciale et que tout jugement est par ailleurs à situer dans un contexte qui, d’hier à demain, varie parfois considérablement. « L’insoutenable légèreté de l’être » de papier ou numérique existe.

15Ces quelques précautions étant prises, tentons cette approche du « dictionnaire » consacré à un « auteur », Flaubert, Sand, Voltaire, Yourcenar, etc. Et ceci étant posé, faut-il y inclure les dictionnaires dévolus à un courant littéraire, à une période, à une région, à un pays appréhendé par la littérature ? C’est ainsi qu’à peine ouvert, le sujet peut déjà susciter des divergences… Nous ne prendrons cependant ici en compte que les dictionnaires spécifiquement dédiés à un auteur, en considérant que ce type de dictionnaires constitue à lui seul un genre à part. Enfin, pour faciliter le discours, on nous pardonnera d’avoir choisi délibérément le masculin neutre sans avoir à dédoubler systématiquement chaque mention par le féminin et le masculin d’auteur, d’écrivain, d’éditeur, etc.

16Un auteur et une œuvre, un spécialiste, un projet de dictionnaire, un éditeur, un lecteur : ce sont d’évidence des éléments clefs pour un dictionnaire consacré à un auteur, et ce faisant des paramètres qui n’ont rien de simples et sont sujets à de multiples variantes et débats. Sans omettre un paramètre d’importance, le temps qui s’écoule.

L’auteur lexicographié et l’œuvre

17Génétiquement, doivent d’abord exister un auteur et son œuvre avec, cela va sans dire, des premières interrogations sur la définition d’un auteur en littérature et d’une œuvre, à commencer crûment par le fait que l’auteur soit ou non encore vivant au moment de l’élaboration du dictionnaire. La simple observation du corpus en notre possession semble attester d’un choix manifeste : les dictionnaires d’auteurs supposent que l’écrivain « lexicographié » soit disparu pour bénéficier d’une œuvre complète, même si çà et là resurgit, après le recensement supposé complet de l’œuvre, un texte posthume.

18Cela étant, et c’est ici le directeur éditorial de la maison Honoré Champion qui s’exprime, il nous est arrivé qu’on nous propose un dictionnaire portant sur la vie et l’œuvre d’un auteur reconnu mais toujours vivant, cette dernière remarque ayant quelque chose d’indécent, on en convient. C’est en l’occurrence l’éditeur qui prit la décision de ne pas donner suite au projet, en raison du caractère éphémère d’un tel dictionnaire, l’œuvre n’étant pas achevée, et la notion même de dictionnaire supposant un ensemble bien cerné.

19Pour être parfaitement honnête, se posent aussi des problèmes de légitimité et de contestations juridiques qui peuvent être embarrassants. Un éditeur hésite lorsque la publication d’un ouvrage, a fortiori d’un « dictionnaire » qui résonne souvent avec l’idée d’une étude faisant autorité, peut se prêter à polémiques perturbantes. Avouons qu’il est confortable pour un éditeur que l’auteur et son œuvre soient par ailleurs situés dans le domaine public, accessible à tous, sans ayants-droit parfois plus attachés à leurs bénéfices possibles qu’à la valorisation de l’œuvre elle-même. On ne donnera pas d’exemples, mais il y a des auteurs disparus depuis peu mais si encadrés par leurs ayants-droit qu’obtenir ne serait-ce qu’une photo de l’auteur passe par des droits exorbitants ou même un véto pur et simple. Ayant rédigé un dictionnaire de citations que je ne souhaitais pas limiter aux écrivains disparus, en y incluant même quelques paroles de chansons d’auteurs-compositeurs de talent, je dus retirer une cinquantaine de pages audit ouvrage tant les droits d’auteurs pour deux ou trois vers de telle ou telle chanson étaient disproportionnés et inacceptables pour un éditeur.

20La possibilité d’un dictionnaire ayant pour sujet un auteur vivant existe néanmoins et d’une certaine manière, un tel dictionnaire peut alors constituer un rapport d’étape, tout en représentant une consécration à laquelle aspirent quelques auteurs. Un tel dictionnaire prend alors une tournure particulière : le rédacteur ou les rédacteurs du dictionnaire soumettront-ils leur ouvrage à l’auteur et le consulteront-ils en cours d’élaboration ? Ou bien encore adopteront-ils un point de vue totalement externe ? Rien n’interdit toutes les formules, avec leur lot d’interprétations. Quant à l’éditeur, force choix sont possibles dans le traitement commercial et promotionnel de cette expérience, heureuse ou malheureuse. Il va de soi néanmoins que le mot même de dictionnaire conférant une sorte de référence culturelle pertinente et non éphémère au sujet traité perd ici en partie de son sens, l’ordre alphabétique en restant l’alibi.

21Un autre problème surgit avec la notion d’auteur et d’œuvre en littérature. Quelles limites donner à la littérature et indirectement à la notion d’auteur ? Limites larges ou strictes ? Ainsi, choisir pour auteurs Jules Verne, Brassens, Léo Ferré, Hergé, peut paraître discutable pour certains : ces personnalités ne font en effet généralement pas l’objet de cours universitaires, l’un des critères externes admis. Nonobstant, beaucoup, dont je fais partie, ne considèrent pas leur œuvre comme mineure ou dérisoire. L’éditeur et le public peuvent ici avoir des points de vue communs ou divergents, soit en termes de genre, considérant que la science-fiction, la chanson, la bande dessinée sont peu ou prou des genres à part éloignés de la littérature, hors du domaine des lettres, soit d’ordre qualitatif, en minorant la qualité de leur œuvre. Les limites restent, quoi qu’il en soit, toujours affaire d’interprétation : tel qui admettra le talent littéraire de Ferré ou de Brassens niera celui d’Alain Souchon ou de Cabrel.

22Reconnaissons pourtant que l’Académie française a élu sans hésiter Jean-Loup Dabadie parmi les siens et que son œuvre écrite, qui passe par le roman, le cinéma, le théâtre, la chanson comme parolier prolifique de Serge Reggiani, Régine, Polnareff, Mireille Mathieu, Claude François, Barbara, Dalida, Juliette Gréco, Petula Clark, Julien Clerc, Johnny Hallyday, Sacha Distel, est marquée par la plus grande ouverture.

23C’est la définition d’homme de lettres qui est ici en cause : Brassens et Jean-Loup Dabadie en sont à mes yeux, mais d’autres le discuteront sans remettre en cause leur talent. Ainsi, au moment où va paraître un Dictionnaire Brassens dans la maison que je dirige, vais-je installer le dictionnaire sur les rayons dévolus à la chanson ou bien sur ceux réservés aux lettres ? Je choisirai probablement d’installer un exemplaire dans chaque rayon…

24Quant à Clemenceau, De Gaulle ou Mitterrand qui font aussi l’objet de dictionnaires, dans la mesure où d’aucuns les considèrent comme des hommes de lettres, sont-ils à insérer dans la catégorie des auteurs ? Clemenceau peut surprendre mais ce serait oublier ses traductions de John Stuart Mill, son bilinguisme français-anglais et sa plume remarquée. Le débat peut être ouvert…

25D’évidence, pour l’heure, en ce qui concerne les dictionnaires relevant de travaux d’érudition, place est faite presque exclusivement aux auteurs inscrits dans la tradition littéraire. Ainsi, en en oubliant forcément, et en ne prenant pas en compte Clemenceau, De Gaulle et Mitterrand, voici dans l’ordre alphabétique, de manière rapide, les auteurs bénéficiant d’un dictionnaire que je retrouve sur mes étagères, sachant que certains de ces écrivains bénéficient parfois d’un dictionnaire distinct dans plusieurs maisons d’édition : Apollinaire, Aragon, Audiberti, Balzac, Beckett, Breton, Camus, Céline, Char, Chateaubriand, Claude Simon, Colette, Daudet, Diderot, d’Ormesson, Dumas, Flaubert, Genet, Gide, Giono, Giraudoux, Goldoni, Hugo, Ionesco, Malraux, Mauriac, Montaigne, Proust, Rimbaud, Ronsard, Rousseau, Sand, Sartre, Shakespeare, Simenon, Saint-John Perse, Stendhal, Tolkien, Verne, Voltaire, Yourcenar.

26Une telle liste, sommaire, fait au reste déjà apparaître avec Goldoni, de langues vénitienne, italienne et française, le genre spécifique des auteurs plurilingues, sans oublier les auteurs de langues étrangères mais relevant d’une culture si internationale qu’ils peuvent faire aussi l’objet de dictionnaires français, l’exemple type étant celui de Shakespeare ou de Tolkien, avec plusieurs dictionnaires y correspondant, dont un Dictionnaire amoureux pour Shakespeare.

27Enfin, s’agissant de dictionnaires consacrés à une personnalité littéraire échappant à la norme, un autre type de dictionnaire est à prendre en compte, celui constitué d’extraits de leur œuvre. Par exemple, publié en 2015, le Dico Dard, avec les textes réunis par André Chalmin et une préface d’Erik Orsenna, en se souvenant que Frédéric Dard fut parfois comparé à Rabelais et fit l’objet de colloques à la Sorbonne. Ou, plus délicat à appréhender du côté des lettres, le Dictionnaire Coluche publié en 2011, avec plus de cinq mille entrées, correspondant à son existence et à ses propos. L’évoquer ici peut paraître iconoclaste mais où classerions-nous un Dictionnaire Raymond Devos ? Là encore, la frontière est parfois mince entre l’homme de lettres et l’humoriste.

28Dans ce même esprit d’un dictionnaire constitué d’extraits de l’œuvre d’un auteur, en définitive assez proche d’un dictionnaire de citations, n’étaient la taille des extraits et leur choix destiné à éclairer l’auteur et l’œuvre, viennent par exemple deux ouvrages de Pierre Assouline consacrés l’un à Simenon et l’autre à Proust, tous deux intitulés Autodictionnaire, l’Autodictionnaire Simenon étant paru en 2009 et l’Autodictionnaire Proust en 2011. Nous disposons dans cette même veine d’un Lexique de la langue de J. de La Fontaine publié en 1927, et s’inscrivant dans la collection « Les Grands écrivains de la France ». Classés dans l’ordre alphabétique des thèmes, ces extraits très nombreux répartis sur deux tomes et environ mille pages peuvent indéniablement être en partie consultés à la manière d’un « autodictionnaire » avant la lettre.

29Enfin, insérés aussi dans ma bibliothèque, ils sont nombreux les dictionnaires de littérature, généraux ou spécialisés, comme le Dictionnaire des pièces de théâtre françaises du xxe siècle, le Dictionnaire des auteurs classiques, le Dictionnaire du dadaïsme, le Dictionnaire des lettres françaises, le Dictionnaire encyclopédique du théâtre, le Robert des grands écrivains de langue française, parmi une cinquantaine d’autres ouvrages.

Celles et ceux qui sont aux commandes du dictionnaire

30On peut en vérité distinguer de nombreux cas de figure, en commençant par le nombre d’auteurs requis pour le dictionnaire.

31Soit une seule personne rédige le dictionnaire, et c’est par exemple le Dictionnaire de Hugo chez Larousse, publié en 1969, rédigé par un spécialiste, normalien, Félix Longaud. Cette façon de procéder paraît bien être la première de toutes et elle perdure dans diverses maisons d’édition : citons par exemple en 1991 chez Balland, par Claude Jeancolas, le Dictionnaire Rimbaud, ou en 2006 chez Pygmalion, le Dictionnaire Jules Verne, ou encore, en 2010, aux éditions du CNRS le Dictionnaire Flaubert par Jean-Benoît Guinot. Ou, dans un autre registre, par Jean-Marie Rouart, le Dictionnaire amoureux de Jean d’Ormesson paru en 2019. Il s’agit parfois aussi d’une équipe réduite à deux personnes, un couple d’érudits, par exemple en 2014, chez Perrin, le Dictionnaire de George Sand, par Claire et Laurent Greisalmer.

32De plus en plus fréquemment, il faut cependant compter sur toute une équipe travaillant sous la direction d’une ou deux personnes, généralement pas plus de trois, les directeurs du dictionnaire. Tous sont forcément spécialistes de l’auteur choisi ou d’un aspect de sa vie ou de son œuvre. Il s’agit alors d’une équipe de type universitaire ou s’y assimilant, avec dès le départ une nomenclature à définir, puis un partage des tâches avec des délais fixés pour la remise des manuscrits. Au préalable, mais nous y reviendrons, un contact reste en principe nécessaire avec l’éditeur pour fixer ensemble notamment le nombre de signes de l’ouvrage.

33Cette pratique est à l’origine de la plupart des grands dictionnaires consacrés à un écrivain à la fin du xxe siècle et au début du xxie siècle. On peut citer, entre trente autres, le Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau sous la direction de Raymond Trousson et de Frédéric S. Eigeldinger, en 1996, ou le Dictionnaire de Stendhal, sous la direction d’Yves Ansel, Philippe Berthier et Michael Nerlich, en 2003. Ou encore en 2004 le Dictionnaire Marcel Proust, sous la direction d’Annick Bouillaguet et Brian G. Rogers, ou tout récemment celui consacré à Mauriac paru en 2019 sous la direction de Caroline Casseville et Jean Touzot. Les équipes réunies autour des directeurs sont très étoffées : ainsi pour le Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, ce sont soixante-quatre spécialistes qui ont travaillé auprès des deux directeurs, trente-cinq pour le Dictionnaire de Proust et soixante-dix pour le Dictionnaire François Mauriac.

34Les spécialistes écrivant sur un auteur sont aussi à prendre en compte en fonction de leur propre notoriété. Lorsque cette notoriété est universitaire, elle donne au dictionnaire une tournure savante qui confine à la référence indispensable. Lorsque le spécialiste est une personnalité littéraire, par exemple Jean-Marie Rouart pour Jean d’Ormesson, il offre alors au dictionnaire un regard particulier et en somme une double valeur testimoniale : celle propre aux informations apportées, parfois connotées par la fréquentation passée de l’auteur, et celle propre à la personne de renom et d’opinion rédigeant le dictionnaire. Le lecteur est alors à l’affût de ce que le rédacteur révèle au passage de lui-même.

35Enfin, quel que soit le dictionnaire, il est nécessairement daté et reflète les savoirs et les représentations d’une époque. Un dictionnaire sur Victor Hugo rédigé dans les années 1960 n’offre pas le même regard qu’un dictionnaire publié en 2020.

36Une toute dernière remarque semble devoir être faite. Rappelons tout d’abord, à titre analogique, qu’il ne peut y avoir de dictionnaire de langue tant que la langue n’est pas dans ses grands traits fixés et il est donc naturel que nos trois grands dictionnaires monolingues, celui de Pierre Richelet en 1680, celui d’Antoine Furetière en 1690 et la première édition du Dictionnaire de l’Académie française en 1694, soient nés à la fin du xviie siècle, au moment où la langue française n’était plus en gestation mais dans la situation d’une langue forte soumise aux évolutions naturelles de toute langue accomplie. Peut-être en va-t-il de même d’un dictionnaire dévolu à un auteur : n’émerge vraiment un cortège de spécialistes pour en proposer un dictionnaire que lorsque l’œuvre dudit auteur est nourrie de force travaux qui l’ont déjà défini de manière suffisante.

Les éditeurs

37Plusieurs situations sont observables. La première est celle qui consiste pour l’éditeur à lancer un projet de dictionnaires consacré à un écrivain, avec éventuellement la possibilité d’ouvrir une collection ; auquel cas, après avoir bien étudié la commercialisation possible de l’ouvrage, sont menées ensuite différentes démarches pour trouver le ou les spécialistes qui pourront conduire à son terme le dictionnaire. C’est sans doute ce qui s’est produit pour le Dictionnaire de Balzac et le Dictionnaire de Victor Hugo, publiés respectivement en 1969 et 1970 chez Larousse, dans un format identique et bien identifié, la collection intitulée « Littérature française ».

38Dans le cadre de mon expérience personnelle chez Honoré Champion, c’est presque toujours à l’initiative du spécialiste d’un auteur ou d’un directeur de collection que nous est venue la proposition d’un dictionnaire. Et nous ne recevons jamais, depuis vingt ans, d’autres propositions que collectives, entendons celles d’un ou plusieurs directeurs associant une équipe de spécialistes au dictionnaire programmé. À dire vrai, pour un éditeur rien n’est plus simple qu’un ou deux rédacteurs travaillant sur un auteur : il suffit alors d’établir un contrat en fonction des droits d’auteurs habituels, et d’espérer que le délai mentionné sur le contrat soit tenu.

39Par expérience, ce n’est jamais le cas et il est presque impossible de programmer précisément la taille du dictionnaire, le nombre de contributeurs et sa date de parution. Si généralement le nombre de directeurs du dictionnaire est clairement établi dès le départ et ne change que très rarement, s’agissant du nombre de contributeurs et du nombre de signes annoncés, il reste presque systématique qu’ils soient augmentés de manière plus que sensible. Par exemple, et on pourrait multiplier les occurrences, est prévu à une date donnée un volume d’un million de signes avec un ou deux directeurs du dictionnaire, vingt ou trente collaborateurs annoncés, et un délai de rédaction de cinq ans, tout cela étant retenu par l’éditeur comme une base fiable avec la souplesse possible de quelques réajustements. Les années passent, on attend le manuscrit. Celui-ci arrive et, la surprise est de taille, on se retrouve avec trois millions de signes, ce qui suppose d’emblée deux volumes au lieu d’un, changeant donc complètement la diffusion et le prix. Et dans le sillage, on découvre qu’en définitive il y a soixante collaborateurs, ce qui rend impossible, sous peine de faillite, les accords de départ. Enfin un ouvrage remis non pas au bout de cinq ans mais de dix ans change totalement de contexte, dépassant parfois au passage une date anniversaire, importante pour la commercialisation de l’ouvrage.

40Le problème reste que souvent les rédacteurs associés au projet sont éloignés de ces contingences matérielles et ne perçoivent pas qu’il y a un hiatus insurmontable en termes financiers quand toutes les proportions sont doublées par rapport aux propositions de départ, hélas non consignées dans le contrat à l’exception de la date de remise jamais tenue. En même temps, la réputation d’une maison d’édition, l’estime portée aux savants, la compréhension de ce qu’est une œuvre intellectuelle forcément de longue haleine incitent bien sûr à ne pas abandonner le projet une fois que le manuscrit nous est remis.

41D’un côté, des chercheurs habités par l’œuvre et donnant le meilleur de leur savoir, de l’autre, un éditeur le plus souvent clairement informé que peu de temps avant la remise du manuscrit, en comptant lui-même le nombre de signes. Il nous arrive ainsi de passer d’un volume prévu à trois volumes ce qui évidemment détruit toute la dynamique commerciale imaginée à l’origine et prive parfois le dictionnaire de tout avenir commercial. Il reste l’honneur d’avoir publié un ouvrage de référence. On peut comprendre ainsi que la déception est grande lorsque, par exemple pour un dictionnaire entrant dans cette catégorie, nous pâtissons d’un article déplaisant sur une maison qui ne respecterait pas les rédacteurs d’un dictionnaire, alors même qu’est programmée sa livraison informatique gratuite sur Internet au bout de deux ans.

42Quant aux subventions, elles sont plus que nécessaires. J’ai le souvenir d’un ouvrage pour lequel, au-delà de tous les exemplaires de presse et de ceux réservés aux directeurs, on avait promis un exemplaire à chaque contributeur, ce qui constituait un très gros effort car ils étaient très nombreux et le nombre d’ouvrages à donner plus important que prévu. On a seulement oublié que les contributeurs se trouvaient pour un bon nombre à l’étranger et c’est ainsi que toutes les subventions sont parties dans les envois postaux. Envoyer deux ou trois volumes, pesants, aux États-Unis ou au Japon n’est pas gratuit…

43Cela étant, il y a de la fierté à honorer un auteur de notre patrimoine littéraire par un travail collectif si savant et utile et, faut-il le souligner, à quelques rédacteurs près, dont la mauvaise humeur tient le plus souvent à la méconnaissance du dérapage dans le nombre de signes et de contributeurs, au-delà du retard dans la publication par rapport au projet initialement présenté, c’est toujours au moment de la réception de l’ouvrage une satisfaction vive que d’avoir fait naître tous ensemble une somme aussi remarquable d’informations.

44Reste le rêve de l’éditeur, contraint à un prix élevé pour ne pas être déficitaire, de voir l’auteur installé au programme d’un grand concours et permettre ainsi le passage de l’ouvrage dans la collection de poche : ce fut le cas par exemple pour Proust et Flaubert. On comprend aussi ici que si cette publication en poche était imaginée dès le lancement du projet, voir arriver l’ouvrage achevé avec deux fois plus de signes qu’annoncés, peut rendre impossible cette parution.

45On retiendra cependant l’essentiel : le passage à la postérité d’un dictionnaire majeur, résultant des forces conjuguées des meilleurs spécialistes du moment où le dictionnaire est conçu, un moment qui, quoi qu’il en soit, s’inscrit dans l’histoire littéraire marquante.

Le type de dictionnaire

46Il en va des dictionnaires dévolus à un auteur comme des dictionnaires réservés aux faits de langue ou aux faits encyclopédiques. Ils obéissent à un modèle choisi au préalable et s’inscrivent dans une typologie.

47En matière lexicographique, on distingue tout d’abord les classements formels des classements sémantiques. Les classements dits formels sont ceux relevant de la simple application de l’ordre alphabétique, qu’il s’agisse des mots pour un dictionnaire de langue, ou des thèmes ou informations pour un dictionnaire d’auteur. Ainsi, on choisit en fonction des informations recensées sur l’auteur et l’œuvre un certain nombre d’entrées, l’ensemble des entrées définissant la nomenclature du dictionnaire. Ces entrées font l’objet d’articles confiés à tel ou tel, et lorsque tous les articles sont remis, toutes les entrées sont mises dans l’ordre alphabétique. Il n’est pas rare, bien sûr, qu’on ajoute un article, ou qu’on décide de fondre en un seul article deux articles de contenu proche, en les regroupant sous une même entrée, mais quoi qu’il en soit l’ordre alphabétique garantit la possibilité de toujours pouvoir situer au bon endroit l’article. C’est le caractère éminemment pratique de l’ordre alphabétique.

48Par ailleurs, comme dans presque tous les dictionnaires, il peut y avoir des entrées insérées dans la nomenclature sans articles mais renvoyant à d’autres articles. Le nombre d’entrées peut de fait varier en fonction de deux orientations, extensive ou intensive : une nomenclature riche indique qu’on a affaire à un dictionnaire extensif, qui peut supposer des articles moins longs mais nombreux et mieux ciblés que ceux correspondant à une nomenclature restreinte. Les dictionnaires à nomenclature moindre offrent en revanche de longs articles, de plus large empan. Ce sont alors des dictionnaires de type intensif.

49Pour donner un ordre d’idées, la nomenclature dépasse le plus souvent 500 entrées, et des dictionnaires comme ceux ayant pour objet Rousseau ou Mauriac, dépassent 700 entrées. Un nombre important d’entrées reste d’évidence une richesse pour un dictionnaire. Le premier réflexe du chercheur consiste alors souvent à se reporter à la table des entrées en fin d’ouvrage, pour bénéficier immédiatement d’un aperçu des articles qu’il va pouvoir choisir de consulter prioritairement.

50Un autre classement est possible, le classement dit sémantique, celui propre par exemple aux dictionnaires idéologiques ou analogiques quand il s’agit de la langue française. En matière de dictionnaires portant sur un auteur, c’est le cas d’ouvrages où sont choisis quatre ou cinq grands thèmes, ou davantage encore, sous lesquels sont ensuite rangées alphabétiquement différentes entrées. Il s’agit là presque toujours de dictionnaires intensifs, de longs articles et peu, voire aucun, se référant à un fait isolé. Il en va ainsi aussi de certaines encyclopédies où l’on divise le savoir en grandes thématiques, regroupant des informations prenant la forme de synthèses.

51Je l’avoue : je ne pousse jamais dans cette direction, qui suppose, pour aider le lecteur dans sa recherche, l’ajout en fin ou en début d’ouvrage d’un index précis, détaillé, qui permette de retrouver telle ou telle information difficile à dénicher dans les articles de synthèse. Au reste, dans le dictionnaire de nature formelle, alphabétique de la première à la dernière page il reste toujours facile au dernier moment d’ajouter un petit article auquel on n’avait pas songé initialement. Ainsi dans le Dictionnaire Mauriac, j’ai apprécié les articles consacrés à Johnny Hallyday et à Brigitte Bardot, qui ont fait l’objet de développements surprenants par François Mauriac, avec un changement manifeste de point de vue au fil des décennies. S’il est facile au dernier instant de glisser dans un ensemble de plus de 700 articles un article supplémentaire parce qu’on constate qu’un point très particulier éclaire l’œuvre de l’auteur, c’est assurément plus difficile dans des articles de fond, insérés dans des thèmes qui, peu ou prou, définissent un filet sémantique n’acceptant pas toujours une petite maille de plus.

52Par ailleurs, statistiquement, la consultation des dictionnaires par les lecteurs va systématiquement au plus simple : la recherche d’un mot, d’une entrée, à son ordre alphabétique. Cela tient à la fois la loi de l’économie et au fait que personne, pour ainsi dire, ne lit hélas la préface et le mode d’emploi d’un dictionnaire. Proposer au lecteur un dictionnaire thématique, c’est lui imposer une réflexion préalable pour comprendre l’architecture de l’ouvrage qui ne correspondra pas forcément aux grands thèmes qu’il aurait lui-même choisis. Si on ne discute pas l’ordre alphabétique, on peut en revanche remettre en cause le choix d’un plan d’ouvrage. Aussi ne s’étonnera-t-on pas de ne jamais voir offert en livre de poche ce type de dictionnaire. Il ne s’adresse qu’aux spécialistes. On ne niera pas pour autant qu’un dictionnaire thématique représente forcément aussi une somme essentielle d’informations, avec un moyen de les atteindre et un bel effort d’interprétation. Et qu’il s’agit donc bien d’un dictionnaire.

53Chaque maison d’édition a ses habitudes, ses pratiques, ses souhaits, mais il faut sans doute rappeler que ce sont les spécialistes qui ont prioritairement la parole et c’est bien ainsi. Si le « dictionnaire d’auteur » est devenu un genre par le nombre même d’ouvrages l’illustrant, ce n’est pas un fait éditorial, c’est un fait littéraire et paralittéraire. Les spécialistes ont perçu combien le dictionnaire, par son information fragmentée, poussait tantôt vers diverses analyses jamais faites, tantôt vers la mise en avant de faits pouvant relever du détail mais se révélant à la réflexion significatifs.

54Pour reprendre l’exemple de Brigitte Bardot ou de Johnny Halliday, constater que Mauriac change de point de vue au fil du temps et que le sujet l’intéresse au point de développer ses points de vue, est forcément intéressant. Le dictionnaire a aussi ce mérite : il oblige pour chaque thème traité à ne pas se contenter de l’opinion d’un moment de la vie de l’auteur mais à les mettre en rapport avec sa possible évolution tout au long de son existence. Enfin, on peut être surpris de constater par exemple qu’un article puisse être proposé sur des concepts latents qui ne s’illustreront que plus tard dans un mot précis. Dénicher un article sur l’écologie ou le numérique chez un auteur tel que Mauriac qui ne pouvait pas même en connaître et le développement et le mot, et qui pourtant s’en montrait un pionnier sans le savoir, voilà qui se prête à un article de dictionnaire inattendu et utile. Il en va de même par exemple de la gastronomie ou des couleurs, pour ne prendre que des exemples qui m’ont touché : quelles sont les couleurs récurrentes et mises en avant par un auteur ? De quelle couleur sont les habits de ses personnages ? Quels sont les plats constamment présentés au cours des repas ? Tout n’est certes pas pertinent dans une radiographie, mais le spécialiste qui constate des récurrences ou des absences anormales dans l’œuvre ou la vie de l’auteur, est très à l’aise pour ouvrir un article de dictionnaire auquel initialement personne n’avait pensé. Rédiger un dictionnaire, c’est aussi lever des pistes de recherche inattendues.

Le public de lecteurs

55Il faut le reconnaître, le livre et la culture littéraire naguère omniprésents ont considérablement souffert du développement massif et gratuit sur les supports numériques de toutes sortes de loisirs, jeux vidéo, échanges d’informations plus ou moins dérisoires et éphémères sur les réseaux sociaux, accès pour ainsi dire sans limites aux chansons, aux chaînes de radio et de télévision. En bref, les œuvres littéraires et leurs auteurs sont confrontés à une concurrence écrasante, celle notamment de force vedettes médiatiques offrant à tout va sur Internet leurs prestations. Or la lecture exige du temps, l’information sur un auteur suppose qu’on l’ait lu. De fait, le temps « long » est devenu chose rare pour le grand public. Tout comme l’achat d’un livre qui ne soit pas un roman policier ou un ouvrage à sensation. Quant au numérique, il est associé dans l’esprit de beaucoup à ce qui est gratuit, à la manière de Wikipédia. Et, faut-il le dire, les articles gratuitement offerts et intéressants sur la toile ne manquent pas.

56Plus que jamais, les enseignants doivent fournir d’immenses efforts pour attirer au-delà de leurs heures de cours un jeune public vers la lecture de ce qui fait notre littérature. Le constat est simple : l’heure est aux textes très courts et aux images sonores auxquels sont soumises à toute heure du jour les jeunes générations, qui, pour beaucoup, ont perdu le goût spontané de la lecture d’œuvres longues, celles qui font naître l’envie de mieux connaître les auteurs.

57Au bout du chemin, l’éditeur ne trouve pas le grand public avec un dictionnaire d’auteur, même s’il s’agit de Victor Hugo ou de Zola. De là, des publications de petit tirage et, en conséquence, des prix assez élevés. De là aussi, la sensation de rester dans un créneau et une poche de résistance : celle de l’érudition, avec un public de spécialistes et de personnes cultivées.

58En fait, le Dictionnaire d’un auteur ne cherche pas son public, il est là s’imposant comme un phare dans le paysage littéraire ou comme un havre. On le consulte, on ne le lit que bien rarement de part en part. Et c’est là toute sa grandeur : c’est un bouquet offert dans nos bibliothèques particulières ou institutionnelles, toujours prêt à délivrer son parfum de savoir. S’il signe peut-être la fin d’un parcours, il ouvre aussi de nouveaux espoirs.

François Gaudin - La littérature en alphabets : les dictionnaires, les auteurs et les dictionnaires d’auteurs

« L’accueil favorable, que le Public fait tous les jours aux Dictionnaires, nous fait espérer le même succès pour le Dictionnaire Littéraire que nous lui présentons. Nous osons même dire que celui-ci le mérite à plus juste titre [5]. »

Introduction

59La notion de dictionnaire littéraire ne remonte pas à la plus haute Antiquité. Si l’on adopte une position nominaliste, on considérera que ce genre fut inauguré en 1768 par le Dictionnaire littéraire, extrait des meilleurs auteurs anciens et modernes, publié sous le voile de l’anonyme, à Liège. Ce repère peut sembler raisonnable. En ce temps-là, les Lettres avaient déjà donné au monde nombre d’auteurs susceptibles de demeurer dans les mémoires et méritant qu’on leur consacrât des études érudites. Cet ouvrage se présentait en trois tomes assez équilibrés (A-K, 500 p., L-Q 454 p., R-V 418 p.) Il n’était pas incomplet pour autant : on mêlait I et J, U et V, encore mal distingués, et l’on n’éprouvait pas alors le besoin d’utiliser les initiales W, X, Y ou Z pour disserter sur les œuvres littéraires. Les temps ont bien changé et notre clavier alphabétique comporte vingt-six touches que notre fibre égalitaire nous pousse à utiliser toutes. Ajoutons que la liste terminale des « Articles omis » comporte une longue notice Dictionnaire… Ce qui prouve que, de longue date, les rédacteurs de dictionnaires ne privilégient pas la réflexion préalable sur le genre qu’ils abordent.

60L’apparition de cet ouvrage témoignait de l’émergence d’un lectorat désireux de disposer d’un ensemble d’informations fiables et aisément consultables. Le développement de l’enseignement et l’institutionnalisation de la littérature allaient stabiliser ce public potentiel et en accroître le nombre. Le genre inventé sous les Lumières allait faire florès et la descendance de cet ouvrage né sous X serait abondante.

Les produits d’une histoire

61Ce premier ouvrage s’ouvrait par un Avertissement dont les premières lignes, citées ci-dessus, ne détonneraient pas dans nombre de ses successeurs. Tout cela pour dire qu’en s’intéressant à des dictionnaires littéraires du xxie siècle, on se situe dans une histoire longue de plus de deux siècles. Toute nouvelle production doit donc se situer par rapport à une tradition. Et ce n’est pas la seule contrainte que doit affronter tout nouvel auteur.

62Longtemps consacrés à un ensemble d’auteurs formant ce qui est socialement reçu comme « Littérature » par un jeu complexe de légitimation, ces recueils ont vu leurs contenus se modifier à la fin du xxe siècle. Ils se sont diversifiés ; on a vu apparaître des dictionnaires de traducteurs, des œuvres traduites, d’autres consacrés à des courants comme le romantisme, à des thèmes comme la nuit, à des genres même caducs.

63Parmi cet ensemble, un type se distingue, celui des recueils consacrés à un objet étroitement limité : un auteur. C’est l’un des phénomènes majeurs dans l’évolution de ce champ. C’est à ceux-là que nous allons nous intéresser.

64Leur vogue est récente. Elle date de la fin du xxe siècle. Mais elle connut des précurseurs. Ainsi, après la seconde guerre mondiale, Henri Martineau, le médecin, libraire et poète, publie aux éditions de sa revue et de sa librairie, Le Divan, un Petit Dictionnaire stendhalien[6]. Une première collection, lancée trop tôt, annonça cette vogue, celle des Dictionnaire des idées dans les œuvres de… (Beauvoir, Malraux, Proust…), chez Mouton, dans la seconde moitié des années 1960. Ensuite, Félix Longaud usa de son autorité pour imposer que la collection des « Dictionnaires de l’homme du xxe siècle » puisse accueillir un petit Dictionnaire de Balzac[7], honneur partagé par le seul Victor Hugo [8]. Quelques années plus tard, l’éditeur Nizet proposait aux lecteurs Le Dictionnaire de Flaubert ou le rire d’Emma Bovary, d’André Vial.

65Mais c’est dans les années 1990 que la mode s’imposa, notamment grâce à Raymond Trousson qui donna, chez Hachette puis Honoré Champion, des dictionnaires consacrés à Voltaire [9], en 1994, Rousseau [10], en 1996, et Diderot [11], en 1999. La vogue était lancée. Les concours de l’enseignement ont favorisé son essor [12].

66Regardons la dernière décennie, en posant quelques jalons sans chercher l’exhaustivité. En 2011, on honora ainsi Samuel Beckett ; en 2014, on consacra des dictionnaires à Victor Hugo et Jean Genet ; René Char fut alphabétisé l’année suivante ; en 2018, on se souvint de Jean Giraudoux par nomenclature interposée [13]

67Cet engouement éditorial du monde de l’érudition pour la forme lexicographique fut contemporain du succès d’une collection destinée au grand public, créée en 2000, par Jean-Claude Simoën, chez Plon, celle des Dictionnaire amoureux. Elle s’inscrit dans le champ de cette étude car on y trouve des Dictionnaire amoureux consacrés à Alexandre Dumas, Stendhal et Marcel Proust.

Des dictionnaires d’éditeurs

68Les ouvrages récents auxquels nous nous intéressons sont produits par quelques éditeurs dont certains se sont spécialisés dans ce genre. Les éditions Honoré Champion (Dictionnaire Flaubert, Dictionnaire Marcel Proust, Dictionnaire George Sand) œuvrent depuis 1874 dans l’édition d’érudition en sciences humaines. Elles ont été récemment rejointes sur ce marché par les Classiques Garnier (Dictionnaire Michel de Montaigne, Dictionnaire Gide), entreprise rachetée en 2008 par les éditions Champion Électronique France.

69J’ai réservé à Plon (Dictionnaire amoureux de Marcel Proust) une place à part, car cet éditeur a obtenu un vif succès en lançant sa collection des « Dictionnaires amoureux », aux thématiques disparates, l’accueil de ces volumes étant assuré par la notoriété des signataires, d’Albert Algoud ou Hervé Bourges à Christian Barbier ou Alain Rey… La production du CNRS (Dictionnaire Gustave Flaubert) en la matière – récente elle aussi – est plus discrète mais nous aurons à examiner si l’excellence associée à ce label permet de distinguer sa production de celles provenant du secteur privé. À côté, on trouve également les Éditions Atlande (Dictionnaire Rousseau), fondées en mai 1996, et les éditions Pygmalion, département de Flammarion, qui ont publié quelques dictionnaires très divers dont un consacré à Jules Verne.

70Ces dictionnaires sont donc produits pour l’essentiel par un nombre limité d’éditeurs dont la réputation sert de caution dans le monde des bibliothèques et le milieu académique. Et il existe des passages de l’un à l’autre : par exemple, le Dictionnaire de Michel de Montaigne, qui fut publié, en 2004, chez Champion, sous la direction de Philippe Desan, reparaît dans une édition augmentée, en 2016, chez Classiques Garnier, le livre III des Essais étant au programme de l’agrégation de lettres 2017.

Un marché particulier

71Il est assez singulier de repérer cette efflorescence d’ouvrages coûteux durant une période caractérisée par une crise de la vente des livres, par une raréfaction de la lecture savante et par le développement de ressources numériques, souvent gratuites.

72L’édition savante se caractérise en fait par une relative indépendance du marché, ce qui explique que certains dictionnaires occupent deux volumes et rassemblent des dizaines de collaborateurs – on peut dépasser la centaine, chiffre qui correspond d’ordinaire à des entreprises proprement encyclopédiques. Le modèle économique, qui singularise les maisons les plus actives dans ce secteur, repose sur des publications de référence vendues à un prix élevé, ce qui permet d’obtenir un seuil de rentabilité assez bas et d’équilibrer les comptes avec un nombre moyen de ventes assez modeste.

73Ces livres savants sont subventionnés par des institutions (laboratoires, universités, départements, régions, Centre national du livre…) et achetés, principalement, par des bibliothèques publiques, tant en France qu’à l’étranger. Les auteurs, le plus souvent issus de la recherche et de l’enseignement, peuvent être rémunérés en droits d’auteur, mais ils le sont aussi symboliquement par la reconnaissance attachée à ce type de publications. Et l’on peut penser que, parmi les effets favorisant ce type de publications, la montée en puissance de l’évaluation de la recherche a joué un rôle, même inconsciemment. C’est dire l’importance que l’image de marque des éditeurs – car ils fonctionnent bien comme des marques – occupe dans l’ensemble des paramètres sur lesquels repose leur équilibre financier, la confiance conférée par la qualité jouant un rôle déterminant.

Le corpus

74Il semblait utile d’expliciter le contexte de ces productions pour en mieux comprendre les singularités. Les analyses proposées dans le cadre de cette courte contribution n’ont pas de caractère évaluatif et ne portent pas sur le fond. Elles cherchent à comprendre et à expliciter le fonctionnement et les caractéristiques de ces recueils. Elles portent sur un corpus limité. Les ouvrages examinés sont consacrés à des auteurs français des xvie, xixe et xxe siècles, Montaigne, Dumas, Flaubert et Proust. Ils ont été publiés au xxisiècle par des éditeurs français. Nous ne prendrons pas en compte la dimension électronique, certains étant publiés sous deux formes.

75Nous les examinerons selon cinq critères : leur présentation matérielle, leurs auteurs, leur macrostructure, leur nomenclature et leur microstructure. Ces trois dernières notions étant usuelles pour comparer des dictionnaires de langue, il est nécessaire d’expliciter ici l’utilisation que nous en ferons. Par macrostructure, on désigne l’organisation générale d’un ouvrage, son programme de description, son adaptation supposée à un public visé. Ce programme inclut le choix des entrées, leur nature, leur nombre, leur ensemble formant la nomenclature. Enfin, microstructure renvoie à la liste maximale des informations que l’on propose sous chaque entrée, ce programme étant unifié et récurrent. Ainsi, tel dictionnaire de langue indiquera toujours la catégorie grammaticale de l’entrée mais ne renverra qu’en cas de besoin à des synonymes.

Jules Verne

76Si certains dictionnaires (celui consacré à André Gide, par exemple, aux Classiques Garnier) sont le résultat d’un travail collectif (un groupe de collaborateurs sous la direction d’un ou de plusieurs chercheurs), il est aussi des dictionnaires rédigés par des hommes seuls. Celui qu’a consacré François Angelier à Jules Verne est de ceux-là [14]. La méthode en est présentée de façon goûtue : « effectuer une quatrième pression à froid. De ce qui est condensation de résumé, synthèse de l’essentiel, dire encore la quintessence, tirer l’élixir sans nuire à la saveur » (p. 8). Quant à l’objectif, il s’agit d’inviter le lecteur à embarquer sur le Transvernien, « omnibus qui compte quelques centaines d’arrêts ».

77Tous les dictionnaires littéraires ne sont pas académiques et il faut s’en réjouir. Cela marque que l’appétit de lecture ne se cultive pas dans la seule perspective de passer des concours. Ici la bibliographie est courte : six ouvrages, trois revues, deux biographies, quatre dictionnaires.

78Les choix macrostructurels sont centrés sur l’œuvre. Les noms propres cités, personnages ou lieux, sont présents dans les textes de Verne : Abd-el-Kader, Aden, Afrique – qui occupe dix pages –, New York… On rencontre ainsi Eugène Turpin, chimiste, Tom Turner, contremaître de l’Albatros, Achille Tatius, astronome romain, Ann Radcliffe, romancière britannique… Fiction et réalité dialoguent en liberté. On croise la population des romans, qui abonde en figures marquantes, sans qu’elle envahisse les colonnes de l’ouvrage : le fameux Phileas Fogg du Tour du monde en quatre-vingts jours a droit à moins d’une page. On rencontre également des personnages liés à la famille de Verne, ainsi Thérèse Taton, dite Dugazon, maîtresse du fils rebelle, Michel Verne, auquel est également consacrée une intéressante notice.

79Les œuvres sont traitées en détail. Le Voyage au centre de la terre a droit à trois pages, Vingt mille lieues sous les mers à six. On découvre les titres provisoires des textes, leurs diverses versions, leurs adaptations au cinéma, en bandes dessinées, etc.

80L’auteur traite un certain nombre de thèmes récurrents : les accidents, l’aérostation, la photographie, les navires, l’excentricité (des personnages, pas de Verne !), la musique (dans les œuvres analysées) mais aussi l’Angleterre, l’anthropophagie, le mariage, la question des races, celle des classes… Il nous offre une chronologie de la vie de l’homme Jules Verne qui, par ailleurs, est assez peu présent, effacé derrière son œuvre. C’est celle-ci qui d’ailleurs intéresse les commentateurs, et ces derniers ne sont pas absents de l’ouvrage puisque l’on peut rencontrer Roland Barthes.

81La microstructure ne prévoit que des renvois qui conduisent vers les seules œuvres. La circulation du lecteur au sein de l’ouvrage n’est pas recherchée, ce qui ne permet pas de rentabiliser l’information.

Michel de Montaigne

82Pour la seconde édition de son Dictionnaire de Michel de Montaigne[15], parue chez Classiques Garnier, Philippe Desan aura coordonné le travail de 120 collaborateurs. Par rapport à la première édition publiée par Honoré Champion en 2004, il gagne 20 % d’entrées, l’ensemble étant signé par des rédacteurs de quatorze nationalités. Le dictionnaire lui-même occupe 1203 des 1260 pages du volume.

83Cet ouvrage, à la typographie un peu moins aérée que celui de Gide de la même collection, est d’une lisibilité moyenne. Le choix de placer des traits verticaux entre les colonnes s’avère moins concluant que l’idée ne le laisserait penser. La typographie de ce type d’ouvrages a fait l’objet de progrès depuis trente ans et sa prise en compte améliorerait l’ergonomie de ces recueils – raisonnement qui serait surtout valable si l’on se souciait de leur destin commercial.

84L’ambition du directeur est claire. Selon lui, cette somme des études montaigniennes « se devait d’intégrer la biographie de l’auteur et de ses proches, de faire le point sur l’histoire éditoriale de l’œuvre, de fournir une image de sa réception mondiale et, enfin, de recenser les concepts les plus importants des Essais » (p. 10).

85Le monde de Montaigne est essentiellement celui d’un livre, de son auteur et de ses proches. En témoigne le fait que les éditions des Essais occupent près de seize pages et que l’on en réserve près de sept à La Boétie. Les informations biographiques et matérielles occupent la place que réclame leur importance pour le fondement d’interprétations motivées.

86Du point de vue de la macrostructure, cet ouvrage se présente un peu comme le dictionnaire du monde de Montaigne, écrivain mais aussi diplomate, magistrat, maire de Bordeaux, voyageur. Ainsi, les noms propres ne sont abordés qu’à travers l’œuvre de Montaigne. L’encyclopédisme est limité à une approche littéraire du monde. Aucun mot n’est considéré pour lui-même. C’est un choix très cohérent mais qui peut dérouter si l’on recherche des renseignements complémentaires. Ainsi, d’Amyot, on nous dit qu’une « rapide allusion » permet de savoir que Montaigne le « connaissait personnellement ». On nous apprend que lorsqu’il se rend à Bordeaux, l’écrivain « rencontre les obstacles d’un voyageur ordinaire ». Aulu-Gelle n’est envisagé qu’à travers le prix qu’y attache l’auteur des Essais

87La nomenclature est donc déterminée par ce choix. L’équipe a choisi également de privilégier les développements au détriment du contact direct avec l’œuvre à laquelle on n’accède que par le truchement du commentaire savant. Les citations de Montaigne ne sont présentes que dans les notices, lesquelles reposent sur le meilleur de la recherche érudite internationale.

88Les pistes de lecture foisonnent grâce à la centaine de plumes réunies. On détaille, à travers plusieurs notices, le voyage à Rome, on s’intéresse en détail à la sociabilité de Montaigne, aux personnes qui forment ses réseaux sociaux et politiques. Ses multiples références culturelles sont analysées. Le lecteur découvre la réception dans plusieurs champs culturels et les diverses appropriations de cette œuvre universelle.

89Deux index de noms propres accompagnent le texte, l’un allant jusqu’à Montaigne, l’autre incluant les personnes qui lui sont postérieures. Les notices offrent des indications de sources (codées de façon chiffrée), des renvois permettant de naviguer et des bibliographies.

Gustave Flaubert

90Si le bovarysme touche les épouses de province, le flaubertisme a atteint à juste titre nombre d’érudits et d’universitaires. Le cent-cinquantenaire du procès de Madame Bovary et la préparation de concours aidant, le précurseur du roman moderne s’est vu consacrer la même année, chez deux maisons concurrentes, Classiques Garnier et Honoré Champion, deux dictionnaires de référence [16] qui viennent compléter l’imposant corpus des études flaubertiennes dont les manifestations internautiques connaissent un vrai succès [17]. Mais comme il sera question de ces ouvrages dans les colonnes de la revue, nous avons choisi d’examiner un dictionnaire très différent, paru deux ans avant les deux sommes de 2017 et réalisé en solitaire, celui de Jean-Benoît Guinot [18]. Son signataire n’est pas un universitaire mais un érudit, libraire à Strasbourg, et collaborateur de l’édition dans la Pléiade de la Correspondance de l’ermite de Croisset.

91Paru au CNRS, cet ouvrage, riche de 1 500 entrées, témoigne d’un choix macrostructurel original, puisqu’il est centré sur les textes en proposant aux lecteurs un contact direct avec les œuvres de l’auteur célébré. Les pages de deux colonnes, d’une bonne lisibilité, offrent de très nombreuses citations qui constituent à elles seules le contenu de certains articles. La saveur de l’ouvrage s’en trouve grandement renforcée. Mais bien sûr Flaubert ferait fi de cet avis si l’on en croit cet extrait : « Méprise tous ces drôles. À quoi bon s’inquiéter de ce que les merles piaillent » (à Louise Colet, p. 83). Ce Dictionnaire Flaubert révèle au lecteur les thèmes récurrents, qu’il ordonne et met en perspective. Il s’autorise des notices plus abondantes que d’autres, mais sans excès. Même les œuvres ne donnent pas lieu à des notices fleuves. Toute la famille Flaubert n’occupe pas plus de douze pages. Louise Colet a droit à sept. De très courtes citations côtoient ces développements. La notice « Fil » se limite à deux lignes : « Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame. »

92Le choix des notices ne relève pas de la seule préoccupation académique et l’on retrouve trace des aspects réjouissants du personnage. On passe ainsi de la masse à Maupassant puis de la médecine que pratiquait son père à la latrine. Le choix d’entrées fidèles à la diversité, ou la complexité, de Flaubert comme aux excès de son caractère permet de savourer cette flânerie qui fait voyager le lecteur entre les aventures de l’auteur, les facettes de l’œuvre et le savoir sur cet auteur et sur cette œuvre. On découvre ainsi les 69 surnoms que Flaubert s’attribuait pour ses divers correspondants. On peut aussi relire certains passages célèbres, notamment la scène du fiacre. Mais les citations ne se limitent pas à l’auteur alphabétisé et celles qui sont signées de tiers permettent d’attester des faits, de découvrir des points de vue, des opinions – des frères Goncourt, par exemple – et des anecdotes.

93Le plaisir de lecture ne dispense pas de la réflexion méthodologique, et des corrélats servent à circuler dans le corps de l’ouvrage, comme les renvois analogiques d’un dictionnaire de langue. Le choix de la signature unique permet d’obtenir un résultat d’une belle cohérence et d’une homogénéité que l’originalité des choix renforce.

94Les nombreuses références bibliographiques (486) font l’objet de renvois numérotés. Les lecteurs disposent pour s’orienter dans le parcours de vie de Flaubert d’une chronologie de trente pages qu’accompagne un index thématique de huit pages.

Dumas

95Claude Schopp est connu comme l’homme-Dumas. Il ne pouvait pas nous priver d’un dictionnaire consacré à son mentor ; les éditions du CNRS l’ont accueilli dans un volume agrémenté d’un portrait de l’auteur célébré, ce qui est peu fréquent [19]. Seul, Schopp a rassemblé « sous la bannière de leur initiale », les hommes et les femmes que l’écrivain a connus, les œuvres qu’il a produites, les personnages qu’il a inventés, les thèmes qui l’ont occupé en quelque 1 300 entrées.

96C’est un ouvrage de solitaire – encore un – qui n’oublie pas les collaborateurs de son maître, ni ses influences ou ses amitiés. Il ambitionne de s’adresser à un public assez large, ce qu’illustre le choix d’Alain Decaux pour préfacier. La nomenclature accueille les lieux (Afrique du Nord, Albanie, Château de Monte-Cristo), les personnes (Edmond About, Mme Abel, H. C. Andersen), les œuvres même méconnues (L’Alchimiste, Ali-Pacha). Les personnages aussi sont alphabétisés (d’Artagnan) et les loisirs de Dumas ne sont pas oubliés (armes, cuisine, bals). Les personnes sont présentées pour elles-mêmes et pas à travers le seul filtre de leur relation avec Dumas (Anquetil, Étienne Arago, Belle Kreilsamer, Maurice Lachâtre).

97La vie trépidante de Dumas, son statut d’ogre des lettres, le succès international de ses œuvres rendent la lecture de ce livre attrayante et l’on se plonge sans réticence dans les riches heures du romantisme et les épisodes de ce parcours aux multiples rebondissements.

98La conception de l’ouvrage le situe dans une orientation plus dirigée vers le partage de l’enthousiasme que vers l’érudition. Il est difficile ici de sortir de la consultation car la microstructure ne propose pas de bibliographie et l’on ne peut pas circuler d’un mot à l’autre puisque la macrostructure prévoit très peu de renvois, par exemple aux Cahiers Alexandre Dumas, que dirige l’auteur – l’homme-Dumas, vous dis-je !

Proust

99Les concours de l’enseignement ont sans doute facilité les projets de dictionnaires consacrés à Marcel Proust. Sa notoriété, le nombre de ses admirateurs, la place distinctive qu’il occupe dans le patrimoine littéraire appelaient des sommes à lui consacrées. Nous examinerons une nouvelle fois deux recueils différents, un ouvrage d’érudition [20] et un autre destiné au grand public [21]. Signalons à cette occasion que, désormais, les choix d’auteurs pour les concours ne doivent plus favoriser de façon excessive un seul éditeur que son offre bibliographique mettrait en position dominante. L’édiction de cette règle laisse supposer que des conflits d’intérêts aient pu voir le jour mais elle s’applique dans un monde où, désormais, les cohortes de candidats et acheteurs potentiels se sont sévèrement réduites. Mais quittons ces préoccupations ancillaires pour revenir au monde aristocratique que dissèque Marcel Proust.

100Ouvert par une préface d’Antoine Compagnon, l’ouvrage dirigé par Annick Bouillaguet et Brian G. Rogers, paru en 2004 [22] et honoré du Prix Émile Faguet de l’Académie française en 2005, offrait ensuite une liste des collaborateurs, une note des éditeurs et une chronologie de quatre pages. En fin de volume, on trouvait une liste des personnages secondaires de À la recherche du temps perdu et une liste des notices. Le texte du dictionnaire proprement dit occupe 1 060 pages sur 1 098.

101Les éditeurs ont opté pour une maquette à deux colonnes mais, grâce à une typographie mieux aboutie, la lisibilité est bien meilleure que celle du Dictionnaire Gide. Ils se sont fixé comme objectif de « réunir en un seul volume la somme des connaissances actuelles sur Proust et son œuvre » (p. 10), ce en quoi ils ne se distinguent guère de leurs collègues. La somme en question a réuni les concours de trente-sept collaborateurs, représentant neuf pays. L’érudition littéraire au xxie siècle ne connaît décidément pas de frontières et ce type d’ouvrages permet de mesurer l’intérêt que notre patrimoine suscite à travers l’espace.

102La Recherche, puisqu’on la surnomme ainsi – fait significatif – fournit la matière des trois premiers articles – onze pages qui posent d’emblée l’importance du roman dans la production de Marcel Proust et dans l’imaginaire collectif cultivé. Les notices sont toutes accompagnées de bibliographies détaillées, parfois divisées en rubriques, par exemple : éditions récentes, histoire de la publication, critique, etc. Ce qui rend inutile, aux yeux des auteurs, l’insertion d’une bibliographie générale. Ce choix confère au dictionnaire un aspect nettement encyclopédique. Les références multipliées étant sans doute en partie redondantes – on ne parle quand même que de Proust –, leur regroupement aurait économisé une place précieuse. Le confort ménagé par une reliure soignée vise à faciliter une lecture érudite à laquelle une rubrique terminale « voir » permet de s’échapper vers d’autres pages.

103L’autre volume, signé par Enthoven père et fils, appartient à la collection des « Dictionnaires amoureux ». Il se présente matériellement de façon très différente. Une couverture illustrée, une reliure souple, une typographie aérée en font un objet agréable à manier et facile à lire. L’insertion de vignettes, signées par un collaborateur régulier de cette collection, contribue à l’agrément général.

104Sans tourner le dos au savoir, l’ouvrage n’est pas de caractère universitaire. Il se revendique « partial, incomplet, désinvolte, moqueur, amoureux » (p. 13). Le programme ne se limite pas à des notices juxtaposées, des renvois en caractères gras permettent des rebonds de lecture. Le contact direct est favorisé par de nombreuses citations, parfois longues, et pouvant constituer à elles seules la matière d’articles (Avenir, Double de l’). Si nombre de thèmes sont partagés par les deux nomenclatures, certaines de l’Enthoven ne se retrouvent pas chez Annick Bouillaguet et Brian G. Rogers : kabbale, nez, palimpseste, sucre ou… Skype. La bibliographie terminale propose neuf pages de références, ce qui n’est pas mince pour un ouvrage de ce type.

Des livres à lire ou à consulter ?

105Finalement, il est assez inattendu de constater que les ouvrages de notre échantillon qui se rapprochent le plus, du point de vue de l’agrément de lecture, sont ceux publiés par Plon et par le CNRS. Les deux ouvrages du vaisseau-amiral de la recherche française se caractérisent par une reliure soignée et confortable. Même si elle se limite à la seule couverture, la présence d’une illustration les démarque des autres ouvrages dont le choix de l’austérité visuelle n’est pas motivé par des raisons économiques. L’apport d’une information sûre et actualisée n’est pas incompatible avec un resserrement des textes, un dictionnaire n’ayant pas, à nos yeux, vocation à rassembler des monographies encyclopédiques. Le contact direct avec les œuvres, qu’autorisent les citations, permet d’ouvrir la gamme des lecteurs potentiels. Les renvois, les chronologies, les bibliographies, toutes les annexes utiles favorisent la multiplicité des parcours de lecture par lesquels chacun construit son réseau de connaissances.

106En une période où les concours d’enseignement créent une émulation éditoriale moindre, le sérieux du contenu de ces ouvrages de référence pourrait être maintenu en laissant de la place pour des aménagements favorisant la convivialité de la lecture. Les temps ne sont plus où les techniques rendaient les couleurs coûteuses à imprimer et les illustrations difficiles à insérer. Il semble que des réflexions sur les programmes macrostructurels gagneraient à être menées, de façon collective sans doute, peut-être au sein des maisons d’édition. La cohérence des collections, la lisibilité des ouvrages et la rentabilité de leur contenu y gagneraient. Notamment en vue du basculement vers les supports informatiques, car l’hypertexte n’est au fond qu’un système de renvois généralisé.

Envoi

107Pour ne pas conclure cette balade au pays des dictionnaires littéraires, nous devons avouer notre étonnement, après avoir accepté la proposition de Romantisme d’examiner de tels ouvrages, en découvrant le nombre de recueils parus récemment. Leur diversité laisse penser qu’une analyse quantitative et qualitative reste à mener, moins pour jauger les productions que pour donner des repères à ceux qui chercheront à produire d’autres volumes, au fur et à mesure que les écrivains du passé seront redécouverts et que les vivants décéderont. Les choix matériels en termes de pagination, de nombre de volumes, voire de nombre d’auteurs doivent être mis en avant et éclairés. Plus les ambitions sont grandes, plus les critères de lisibilité, d’accessibilité et de circulation à l’intérieur du texte doivent être pris en compte. Nous pensons également que le plaisir de lecture et l’érudition ne sont pas incompatibles et qu’ils gagneraient à se rencontrer plus souvent. Le caractère collectif, souvent indispensable, des ouvrages savants s’avère très exigeant pour les éditeurs, ce terme devant être pris dans ses deux sens, scientifique et commercial.

108Resterait à entreprendre, même sur une durée relativement courte, une étude relevant de l’histoire culturelle des dictionnaires qui s’intéresse aux textes en les replaçant dans l’histoire du genre et dans leurs contextes de production et de réception. Il faudrait y insérer la dimension électronique car ce secteur éditorial est bouleversé par la dématérialisation. Le foisonnement de la production y incite, la qualité des ouvrages déjà produits y encourage.

109J’ai plaisir à remercier mes collègues Jean-Claude Arnould, François Bessire, Laurent Gosselin, Yvan Leclerc et Jean Pruvost, ainsi que ma fidèle relectrice, Françoise Guérard.

Notes

  • [1]
    Cette présentation est largement redevable d’échanges avec Yves Jeanneret et écrite en complicité avec ses réflexions. Qu’il trouve ici l’expression de notre chaleureuse gratitude.
  • [2]
    Voir la thèse de Marcela Scibiorska récemment soutenue à l’Université de Leuven : « Les Albums de la Pléiade. Histoire et analyse discursive d’une collection patrimoniale », sous la direction de Dominique Maingueneau et David Martens.
  • [3]
    Naomi Schor, « Idealism in the novel : recanonizing Sand », Yale French Studies, 75, 1988, p. 56-73.
  • [4]
    Roland Barthes, « Préface du Dictionnaire Hachette », Œuvres complètes, t. III, 1974-1980, Éric Marty (éd.), Paris, Seuil, 1995, p. 1228.
  • [5]
    Avertissement, n. p., dans Dictionnaire littéraire, extrait des meilleurs auteurs anciens et modernes, 3 tomes, Liège, Chez les Libraires associés, 1768.
  • [6]
    Henri Martineau, Petit Dictionnaire stendhalien, Paris, Le Divan, 1948.
  • [7]
    Félix Longaud, Dictionnaire de Balzac, Paris, Larousse, coll. « Les Dictionnaires de l’homme du xxe siècle », 1969.
  • [8]
    Philippe Adrien Van Tieghem, Dictionnaire de Victor Hugo, Paris, Larousse, coll. « Les Dictionnaires de l’homme du xxe siècle », 1969.
  • [9]
    Jacques Lemaire, Raymond Trousson et Jeroom Vercruysse (dir.), Dictionnaire Voltaire, Paris, Hachette, 1994.
  • [10]
    Raymond Trousson et Frédéric S. Eigeldinger (dir.), Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Honoré Champion, 1996.
  • [11]
    Roland Mortier et Raymond Trousson (dir.), Dictionnaire de Diderot, Paris, Honoré Champion, 1999.
  • [12]
    On dépasse le chiffre de 75 000 candidats présents environ entre 1995 et 2007, tous concours confondus, cf. DEEP, L’Attractivité des concours de recrutement des enseignants du second degré public : une étude rétrospective, Note d’information n° 24, juin 2014.
  • [13]
    André Job et Sylviane Coyault, avec la coll. de Pierre d’Almeida (dir.), Dictionnaire Jean Giraudoux, Paris, Honoré Champion, 2018, 2 vol.
  • [14]
    François Angelier, Dictionnaire Jules Verne. Mémoire, personnages, lieux, œuvres, Paris, Pygmalion, 2006.
  • [15]
    Philippe Desan, Dictionnaire de Michel de Montaigne, Paris, Classiques Garnier, 2007.
  • [16]
    Éric Le Calvez (dir.), Dictionnaire Gustave Flaubert, Paris, Classiques Garnier, 2017 ; et Gisèle Séginger (dir.), Dictionnaire Flaubert, Paris, Honoré Champion, 2 vol., 2017.
  • [17]
    https://flaubert.univ-rouen.fr/.
  • [18]
    Jean-Benoît Guinot, Dictionnaire Flaubert, Paris, CNRS Éditions, 2010.
  • [19]
    Claude Schopp, Dictionnaire Alexandre Dumas, Paris, CNRS Éditions, 2010.
  • [20]
    Annick Bouillaguet et Brian G. Rogers (dir.), Dictionnaire Marcel Proust, préf. d’Antoine Compagnon, Paris, Honoré Champion, 2004.
  • [21]
    Jean-Paul et Raphaël Enthoven, Dictionnaire amoureux de Marcel Proust, dessins d’Alain Bouldouyre, Paris, Plon, 2013.
  • [22]
    Il est à noter que cet ouvrage a connu en 2014, en vue du concours de l’agrégation, une nouvelle édition revue et corrigée.
Éléonore Reverzy
Jacques-David Ebguy
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/01/2020
https://doi.org/10.3917/rom.186.0129
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...