CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Certains intellectuels et artistes homosexuels de la France fin-de-siècle rompent avec les codes de la « monstruosité » qu’un xixe siècle hygiéniste et moraliste a établis en parlant, ainsi que Michel Foucault a pu le montrer [1], de leurs semblables avec les termes successivement mis en usage de « pédérastes » ou d’« invertis ». De leur nombre, compte un auteur aujourd’hui méconnu du nom d’Achille Bécasse (1868-1936), dit « Essebac », dont la figure mineure présente l’intérêt majeur de se distancier d’une histoire des homosexualités « appesantie […] par les figures de proue telles celles de Wilde, Cocteau, Gide, etc.[2] ». Si ce n’est par l’intermédiaire d’une « biog-anthologie [3] » confidentielle et rédigée par Jean-Claude Féray, la postérité ne conserve en mémoire que peu d’informations sur la vie de cet écrivain. Or, il semblerait qu’elles soient partiellement consignées dans la première œuvre plus ou moins autobiographique qu’il ait publiée : récit de voyage en Italie paru chez Chamerot et Renouard en 1898, Partenza… vers la Beauté ! témoigne en effet d’une sensibilité personnelle et d’une dimension homoérotique. Par une écriture qualifiable de géopoétique, voire de « géo-photographique », et semblable à celle des récits « photo-illustrés », ce texte intermédial offre à lire une image originale, sinon valorisante, des amours masculines à la Belle Époque. Cette « énonciation paradoxale [4] », dont Éric Bordas encourage en 2013 l’étude, fait l’objet de cet article inédit : hormis les pages qu’y consacre Romain Courapied dans sa thèse de doctorat [5], rares sont les travaux en littérature dont l’intérêt porte sur l’œuvre essebacien, tout intéressant qu’il est. Dans une approche intermédiatique que favorise l’« interdisciplinarité [6] » des études de genre et de la géocritique, il s’agit en l’occurrence d’étudier les discours culturels et artistiques – y compris littéraires et photographiques – qui disposent l’auteur à projeter les amours « pédérastiques » dans une Italie dont il reconfigure originalement l’espace-temps.

L’homosexualité au regard de l’appareil médico-légal

2Le xixe siècle français s’inscrit au cœur des mutations qui touchent l’ensemble de la société européenne : placé dès 1789 sous le signe des révolutions, il essuie les conséquences de bouleversements socio-économiques dont le discours culturel et artistique est à la fois le produit et le reflet. Or, dès l’époque du tournant des Lumières – différente des autres « fins de siècle [7] » par les fortes transformations politiques qui s’y opèrent – le sexe fait l’objet d’un « éréthisme discursif généralisé [8] ». Ce dernier répond à l’avènement d’une classe bourgeoise qui, par la construction d’un « savoir-pouvoir [9] » sur le sexe, élabore ce que Michel Foucault nomme le « dispositif de sexualité [10] ». Impérialiste, la bourgeoisie peut grâce à lui se forger « un corps spécifique, un corps de classe avec une santé, une hygiène, une descendance, une race [11] ». Ses acteurs médico-légaux rabattent à cette fin la sexualité sur la cellule familiale, lieu privilégié de la re-production, dont ils excluent, en tant qu’« entrepreneurs de morale [12] », les pratiques non reproductives, jugées nocives, qu’ils apprennent à connaître pour les contrôler. De cette « chasse nouvelle aux sexualités périphériques », naissent une « incorporation des perversions et une spécification nouvelle des individus[13] » : ainsi s’écrit en France, comme l’expose Thierry Pastorello [14], la fable moderne de ce que la fin du xixe siècle appelle l’« homosexualité [15] ».

3Bien qu’innocenté à partir de 1791 par le code pénal révolutionnaire [16], le sodomite, autrefois « coupable devant Dieu », se change progressivement en l’homosexuel, « criminel contre la société, pervers et dégénéré [17] », déclare Régis Revenin. Incarné dans la première moitié du xixe par la figure du pédéraste, il devient la cible de la rhétorique bourgeoise contre l’atteinte aux bonnes mœurs : bouc-émissaire des désordres sociaux, il détruit la famille, favorise la délinquance et propage la syphilis [18]. En 1857, « la pédérastie est l’école à laquelle se forment les plus habiles et les plus audacieux criminels [19] », résume Ambroise Tardieu. Subordonnant la médecine à la justice, le médecin légiste enquête sur les crimes et les abus sexuels en examinant sur le corps du prévenu les marques physiologiques de pratiques pédérastiques. Dès la Monarchie de Juillet, s’opère alors la construction « socio-corporelle » de l’homosexuel, qu’avalise notamment en France, dans le dernier tiers du siècle, la médecine aliéniste et psychiatrique [20]. Influencés par les théories de l’hérédité-dégénérescence, Jean-Martin Charcot et Valentin Magnan décrivent, en 1882, l’« inversion du sens génital [21] ». Doué d’une âme de femme dans un corps d’homme, l’inverti se caractérise principalement par son efféminement et devient par là d’autant plus « repérable [22] ». Dans la lignée des sciences physiognomoniques, auxquelles souscrivent, par exemple, les descriptions romanesques d’un Honoré de Balzac ou les planches photographiques d’un Cesare Lombroso, sa corruption morale se lit sur le corps de l’homosexuel, communément malade ou criminel. Comme le roman réaliste avant elle [23], « la photographie […] nous révèle aussi la fréquence de l’aspect féminin chez quelques voleurs et chez les pédérastes [24] », assure éloquemment le criminologue italien. Or, Essebac semble originalement contrecarrer la production de ces discours écrits et visuels en offrant au lecteur un récit introspectif qui, sans absolument se départir des clichés bourgeois, participe à la fin du xixe siècle à renouveler les représentations littéraires et photographiques de l’homosexualité [fig. 1].

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Figure 1. Cesare Lombroso, « Planche XI », dans ouvr. cité, vol. II, np. © BnF

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Figure 1. Cesare Lombroso, « Planche XI », dans ouvr. cité, vol. II, np. © BnF

« Dans la planche XI, nous trouvons les N. 1, 2, 3, 4, et 5, coupables de crime contre les mœurs. Le N. 1 qui viola et prostitua tous ses enfants ; les autres, pédérastes passifs (Allemands) ; le N. 5 est la reproduction du N, 4 [sic], mais vêtu en femme », ibid., p. 10.

Un « départ » au croisement de l’autobiographie…

5Confirmant l’idée qu’à la fin du siècle des homosexuels parviennent à se définir autrement qu’en termes pathologiques, Essebac reprend la plume aux précédents experts médico-légaux pour décrire une homosexualité qui lui serait plus ou moins personnelle. Celle-ci transparaîtrait, à défaut d’informations biographiques, non seulement dans ses romans « paidérastique[s] » à succès, comme Dédé, Luc ou L’Élu[25], dont les intrigues sont en général celles d’amours masculines entre enfants et jeunes adolescents, mais aussi dans Partenza… vers la Beauté ! [fig. 2]. Se rapprochant en particulier, en tant qu’« égo-géographie [26] », du genre autobiographique, ce récit de voyage à la première personne donnerait encore plus justement « au lecteur la possibilité d’entendre une voix, de suivre une expérience racontée dans la perspective du vécu ». Ainsi définirait-il, à l’instar des autobiographies homosexuelles étudiées en 1987 par Philippe Lejeune, « un espace possible à l’identification [27] ». Comme le prouvent certains récits de cas, il semblerait d’ailleurs que de jeunes invertis soient à la fin du xixe siècle de grands amateurs de l’œuvre essebacien [28].

6Récit composite entre imaginaire et réalité, dont la forme se rapproche de celle du « journal [29] » intime, Partenza… vers la Beauté ! retrace, à la manière des voyages sentimentaux à l’anglaise [30], le « pèlerinage [31] » d’un Parisien de vingt-trois ans depuis Marseille jusqu’au sud de la péninsule italienne. Fervent des mondes gréco-romains, le « je » autodiégétique décrit sur le mode de l’ekphrasis les curiosités physiques – artistiques ou archéologiques – et morales qu’il observe au cours d’un itinéraire similaire au Grand Tour. Outre les dédicaces à sa famille en tête des chapitres IX (« À mon frère André »), XII (« À mon frère Maurice ») et XV (« À ma mère [32] »), aucun indice ne permet clairement d’associer la voix du narrateur fictif à celle de l’auteur réel. « Fruit de son imagination [33] » ou non, le récit subjectif d’Essebac procèderait malgré tout de ce que Daniel-Henri Pageaux définit comme « l’écriture spatialisée d’un moi ». Communiant avec les paysages transalpins de la fin du xixe siècle, l’écrivain, comme ses contemporains d’outre-Manche [34], y trouve apparemment un lieu propice à l’« expression plus ou moins nette d’un mythe personnel [35] » : celui-ci serait en l’occurrence celui d’un « Olympe charnel [36] » ou d’une Arcadie homoérotique. « Chronotope [37] » singulier, l’Italie, en particulier méridionale, et sa baie de Naples ressusciteraient « la vie antique [38] » et deviendraient, partant, favorables à l’« exaltation des vices infâmes et des plus attirantes débauches [39] ». Parmi les ruines et les fresques d’une Pompéi « d’où s’élève encore une haleine de concupiscence [40] », se réveillent aux yeux du voyageur essebacien d’anciennes nuits païennes au cours desquelles s’est notamment offerte « aux maîtres heureux la virilité naissante, mais éprouvée déjà des esclaves adolescents [41] ». Façonnée par des « récits fondateurs, légendaires et mythiques [42] », dont font entre autres partie, relatées par Suétone [43], les « débauches fastueuses de Tibère à Caprée [44] », l’Italie du sud, à laquelle s’est jadis étendue la « Grande-Grèce [45] », permet à l’auteur-narrateur, sensible aux amours pédérastiques, la figuration du ganymède et de l’échanson. Au nombre des discours qui l’y disposent, il faudrait ajouter un libertinage photographique qui semble à l’époque concourir à la création d’un Mezzogiorno non seulement comme espace imagologique, mais aussi comme « espace vécu [46] », en termes de géocritique. Parce que « les images construisent les identités et les représentations de soi [47] », les photographies homoérotiques de Wilhelm von Gloeden et de Wilhelm von Pluschow [48], dont Roger Peyrefitte montre qu’elles ont historiquement fait de la Sicile « un pays de cocagne [49] », auraient elles-mêmes influencé l’imaginaire géographique d’Essebac.

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Figure 2. Achille Essebac, Partenza… vers la Beauté !

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Figure 2. Achille Essebac, Partenza… vers la Beauté !

3e édition, Paris, Ambert, coll. « Ivoire », 1903 [1898], np., avec une photographie de Whilelm von Gloeden, Garçon avec une flûte de Pan, vers 1895, Paris.
collection Texbraun. © BnF

… et de la photographie

8Explicitement nourries par ses lectures, dont il cite les extraits d’un Virgile, d’un Leconte de Lisle ou d’un Jean Lorrain, et par ses flâneries dans les rues ou dans les musées d’Italie, dont il décrit les peintures d’un Giovanni Antonio Bazzi, les rêveries de l’écrivain pérégrin, lorsqu’elles évoquent d’attirants ragazzi, s’inspireraient en outre des œuvres de von Gloeden et de von Plüschow. Amateurs passés maîtres dans l’art d’une photographie « pictorialiste [50] » par leurs mises en scène, ces deux photographes allemands proposent des portraits et des tableaux vivants d’une Antiquité ranimée dans les paysages de Rome, Naples ou de Taormine, que rencontre précisément le voyageur de Partenza… vers la Beauté ! Quoiqu’assez variées, leurs photographies représentent souvent de jeunes hommes à la plastique praxitélienne, dont l’hellénisation permet, en contournant la censure, l’expression codée d’un désir homosexuel. Leurs modèles sont ainsi décrits par l’auteur-narrateur du récit :

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Éphèbes entièrement nus ou drapés, avec quel art ! dans la blancheur de vêtements antiques soulevés par de jeunes bras aux gestes d’une grâce absolue, chaussés de sandales de cuir ou de cnémides qui soulignent la perfection des jambes, couronnés de feuillages ou bien les boucles noires des cheveux simplement contenues dans un bandeau de laine blanche, ce sont les types merveilleux d’une race extrêmement élégante, et j’écrirais volontiers divine, tellement, dans tous les purs reliefs de leurs corps, s’épanouit l’inépuisable splendeur des marbres grecs [51].

10« Une sensualité lyrique semble traverser tous ces corps dénudés et c’est bien un regard désirant qui a été enregistré avec l’art et la poésie pour prétextes [52] », reconnaît Francis Moulinat. Inventeurs avant la lettre d’une iconographie gay, les deux artistes prennent pour cadre l’Italie selon des critères non seulement géohistoriques, mais également écopolitiques. Rappelant la « thèse projective [53] » d’Edward Saïd, Stefania Arcara [54] explique comment le sud italien, dont la pauvreté est à l’époque associée à une sexualité débridée, voire homosexuelle, servirait de repoussoir aux États-Nations nord-européens, dont l’« hétérosexualité [55] » constitue alors l’un des axes de construction. Empreintes d’une esthétique néoclassique et colonialiste, les compositions presque orientalistes du baron de Gloeden connaissent un succès international, dont témoigne leur publication dans une revue comme The Studio[56], qui plus est sous l’Empire victorien et dans les cercles d’écrivains uranistes [57] [fig. 3].

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Figure 3. Whilelm von Gloeden, Deux adolescents devant une colonne, vers 1900, Francfort

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Figure 3. Whilelm von Gloeden, Deux adolescents devant une colonne, vers 1900, Francfort

collection Hans Schickedanz

12Plus ou moins fiables, différents indices révèlent la connaissance qu’Essebac a de ces photographies et de la valeur indicielle – le « ça-a-été [58] » barthésien – qu’il leur reconnaît. L’affirme d’abord L’Exilé de Capri, biographie romancée de la vie de Jacques d’Adelswärd-Fersen, publiée en 1959 par Peyrefitte. Essebac y permet en effet à son ami Fersen de « se procurer les photographies du baron de Taormina [59] », dont le lecteur apprend qu’elles servent en France « d’inspiration et d’enseigne à une certaine littérature [60] ». En témoignent ensuite les clins d’œil, explicites ou non, que l’œuvre essebacien réserve lui-même à ces clichés homoérotiques. Outre la photographie sur la première de couverture aux rééditions de Partenza… vers la Beauté !, l’auteur-narrateur propose plusieurs ekphrasis photographiques inspirées des productions allemandes. « Ce sont des études de modèles prises sur nature, un peu partout, particulièrement à Rome, à Naples et à Taormine », écrit-il en traversant la via Sistina, « la rue des marchands de photographies dont la consommation est grande [61] ». Le récit de L’Élu, troisième roman pédérastique de l’écrivain, resserre de surcroît ses intrigues amoureuses autour de l’atelier photographique du professeur Peterson, figure librement inspirée d’un von Plüschow, opérant également à Rome [62]. Il faut enfin relever une esthétique commune aux photographes allemands dans l’illustration du nu masculin par l’auteur français. Historien de l’art vers lequel les commentateurs d’Essebac, dont Féray, se sont en général peu tournés, Johann Joachim Winckelmann, théoricien du néoclassicisme, influencerait tant les œuvres de von Gloeden et de von Plüschow que celle de l’écrivain [63] : le dévoile en effet leur même idéalisation des jeunes éphèbes italiens.

L’image esth/éthique d’une pédérastie néopaïenne

13Tandis qu’elle s’appuie sur une photographie reconnue mondialement et permettant aux précédents photographes d’exprimer leur désir homosexuel, l’œuvre d’Essebac s’inscrit en outre dans la continuité de courants artistiques et littéraires favorables en France à l’expression d’une « éphébophilie [64] ». Abstraction faite d’une littérature de voyage surexploitée depuis le romantisme, le symbolisme fin-de-siècle, encore proche d’un Parnasse lislien dont l’écrivain reproduit « Les Poèmes antiques[65] » et le goût de la sculpture classique, influence largement Partenza… vers la Beauté ! Parce qu’ils refusent la réalité contemporaine, « celle de la bourgeoisie et du positivisme triomphant », explique Laurence Brogniez, « les artistes de la génération symboliste, durant le dernier tiers du siècle, vont fébrilement se tourner vers un ailleurs pétri de rêves, de légendes et de mythes [66] ». Une large production artistique de la fin du xixe siècle participe ainsi de ce que les critiques contemporains ont pu décrire sous le nom d’une « Renaissance païenne [67] » qui, si elle questionne ordinairement la représentation du nu et de la sexualité féminines [68], ne permet pas moins, comme l’affiche le récit d’Essebac, d’interroger le nu masculin et l’homosexualité. « Et peut-être trouvera-t-on que vraiment j’ai bien dédaigné les autels des Vénus innombrables, pour déposer trop fidèlement sur les parvis des temples d’Antinoüs et d’Apollon, la branche de myrte nouée de bandelettes [69] », conclut-il symboliquement. Investie d’un érotisme platonicien hérité des remarques de Winckelmann sur la statuaire antique, la figure de l’éphèbe adolescent, alors à la mode dans les milieux homosexuels de la Belle Époque [70] – comme l’avère le scandale des « messes noires [71] » du baron de Fersen, répond à ces nouveaux questionnements.

14« La fortune de l’Italie est inséparable du sort de la Beauté dont elle est mère [72] », allègue Essebac en exergue de Partenza… vers la Beauté ! Pour l’auteur – ou Gabriele D’Annunzio dont il cite Le Feu[73] –, comme pour Winckelmann, la découverte du « beau », dont l’essence réside dans l’art et l’imitation des Anciens, n’est envisageable qu’à travers l’exploration des œuvres classiques qu’offre à voir « le voyage d’Italie [74] ». Bien plus, la « Beauté » que promet le titre du récit de voyage, expression même de la virilité [75], demeure l’apanage d’un nu masculin exaltant les « valeur[s] héroïque[s] [76] ». Souscrivant au principe winckelmannien selon lequel « les plus grandes beautés se trouvent principalement dans les statues d’homme [77] », le voyageur essebacien répugne à la « provocante et impure vision » de telle Vénus Callipyge, y préférant « la radieuse et saine nudité [78] » du Mercure au repos. Travestissant à l’instar de Winckelmann le corps masculin en objet de désir, rôle traditionnellement assigné aux femmes [79], Essebac s’efforce toutefois à « concilier l’aspect dominant du masculin et la possibilité, pour l’homme, d’être objet désiré, donc de subir le désir d’un autre [80] ». Efféminée par une ondoyance éphémère, la « race [81] » de l’éphèbe, « enfant assoupli » à « la transformation virile et prochaine [82] », répond à son interrogation tout en réfutant les théories médicales d’un efféminement héréditaire et dégénérescent puisqu’elle lui permet d’actualiser la virilité des hommes qu’il investit érotiquement. Classiquement considérée, dans le cadre de l’éphébie ou de l’éducation du jeune homme, comme une exaltation de « l’andreia », l’éthique pédérastique permet en effet à l’« éromène », échappant encore aux obligations sexuelles de l’adulte viril, d’être aimé d’un « éraste [83] » plus âgé, auquel le voyageur essebacien peut être identifié. Aussi favorise-t-elle l’expression d’une « Jeunesse [84] » dont Winckelmann écrit qu’elle incarne « tous les caractères de la beauté [85] » et dont l’auteur-narrateur confie qu’elle efface les affres du temps. Subjugué par l’immortalité des arts, ce dernier a d’ailleurs tôt confondu le Saint-Sébastien de Bazzi ou la statuaire éphébique avec quelque adolescent qu’il rencontre sur son trajet pour Naples et « dont l’image semble ciselée dans le marbre, comme les statues antiques des éphèbes autrefois divinisés pour la radieuse perfection de leur forme » :

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Son délicat visage aux lignes harmonieuses est d’une régularité souveraine ; tout est jeunesse dans la douceur des lèvres, dans les courbes mutines des sourcils, son cou est fin, le contour de ses épaules est précieux et flexible, son teint pâle donne un air de suprême élégance et de distinction rare à sa personne ; les boucles de sa chevelure ambrée, d’une finesse féminine, caressent doucement le front le plus spirituel du monde ; enfin la sensualité de ses yeux rieurs, aux larges prunelles mobiles d’un brun roux chaud et rayé d’or, éclairent l’obscurité troublante des vers de Virgile, le Virgile amoureux et tendre des Bucoliques : Formosum pastor Corydon ardebat Alexim [86]

16La citation latine tirée des Bucoliques de Virgile révèle au lecteur l’imaginaire autrement pastoral et champêtre auquel a trait l’érotique essebacienne. Déjà dépeinte en 1876 dans l’églogue intitulée L’Après-midi d’un faune par Stéphane Mallarmé, la figure du faune, semblable par sa fonction absolutrice à celle de l’éphèbe, connaît également dans le texte d’Essebac une certaine fortune. Elle y peut être de bronze, comme c’est le cas de la statuette de la Maison du Faune à Pompéi, ou de chair et d’os, comme l’incarne le paysan rencontré près du village de Cassino. Au « visage d’un faune », ce personnage « naturel », d’une « barbe inculte [87] » et dont les « traits rudes et tailladés » contrastent paradoxalement avec la « mignonne sveltesse [88] » des jeunes adolescents n’apparaît pourtant pas dépourvu de « beauté [89] » aux yeux du voyageur essebacien. Expression winckelmanienne du « beau viril et naturel à ses différents degrés [90] », le faune, abreuvant la « saoûlerie du paganisme [91] », est encore dans la littérature fin-de-siècle volontiers associé à « la célébration du phallus et des rites de la fertilité [92] ». Saturée d’un érotisme sui generis par l’auteur-narrateur, la beauté faunesque permettrait à son tour de rendre à l’état naturel un désir homosexuel en principe infertile, contraire à la virilité et d’ordinaire admis comme contre-nature.

17Défendue dans Partenza… vers la Beauté ! au prix d’une esthétique proprement qualifiable de « néopaïenne », l’homosexualité présente une image métamorphosée. « Je ne vois pas les tares et ne ferai même pas aux mânes des grands disparus l’injure de prétendre excuser des mœurs conformes à l’ordre des choses en un temps où le culte de la chair surpassait tous les autres [93] », confie le voyageur. À l’instar des grivoiseries de la collection érotique qu’il observe au Musée archéologique de Naples, il dévoile grâce aux descriptions d’un récit sensuel « la possibilité de faire accepter les pires dérèglements en les plaçant sous l’égide intangible de l’art et de la beauté [94] ». S’appropriant des discours artistiques dominants, Essebac figure sa libido et parvient à la transfigurer. S’opposant de surcroît à la prose homophobe d’une médecine-légale selon laquelle l’homosexualité correspondrait nécessairement à une inversion des rôles sexuels, il décrit grâce à la pédérastie antique des amours homosexuelles qui ne soient pas forcément le fait d’efféminés mais bien d’hommes virils – ou sur le point de le devenir. S’éloignant en cela d’un Jean Lorrain, dont la réflexion fondamentale révèle une critique des rôles de genre [95], Essebac rejoint la pensée militante d’un Georges Hérelle ou, comme le souligne Romain Courapied [96], d’un Marc-André Raffalovich, pour lequel « il existe sans publicité des hommes virils attirés par les hommes virils [97] ». Sa participation au dixième numéro de la revue Akademos[98], première revue homosexuelle française dirigée par le baron de Fersen, accrédite d’ailleurs l’engagement d’Essebac. Dans Partenza… vers la beauté !, il n’empêche pourtant qu’il mette, volontairement ou non, les ethnotypes au service de l’homosexualité et qu’en déconstruisant en aval le corps de l’homosexuel, il participe en amont à la construction d’un corps « racisé », soit du bel éphèbe italien.

Un cliché ethnotypé au service de l’homosexualité

18« Le regard occidental sur les autres n’a cessé d’être méprisant que pour se faire esthétique [99] », déclare Marc Augé dans son Génie du paganisme. À la lecture du récit, le type de l’éphèbe, dont « la misère, joliment, brave la laideur [100] », résulte en partie d’une esthétisation de l’indigence italienne et napolitaine. « J’ai eu tort peut-être de croire aux souffrances, à la misère ; n’est-ce pas voulu, n’est-ce pas la monnaie qui paie l’insouciance et les joies de la far niente[101] ? », confesse un auteur-narrateur au départ affligé par la médiocrité des conditions de vie d’un sud italien sans industries. « À peine se réveillent-ils pour “manger macaroni” [102] », écrit-il des Napolitains, dont il associe rapidement la pauvreté au désœuvrement. À leur oisiveté, s’adjoindrait une lascivité des mœurs qui, si elle est partiellement justifiée par la mendicité ou la prostitution auxquelles ils se livrent réellement [103], s’inscrit surtout en miroir de la moralité française. « Pour l’Europe du xixe siècle, avec son « embourgeoisement » croissant, […] l’Orient est un lieu où l’on peut chercher l’expérience sexuelle inaccessible [104] », explique Saïd : l’illustre entre autres l’imaginaire flaubertien dont la Salammbô semble connue du voyageur essebacien [105]. Or, sous sa plume, Capri et Ischia deviennent par métonymie « les portes somptueuses ouvertes sur l’Orient de blancheur », tandis que Naples incarne « déjà cette fière indolence et cette beauté des grandes cités orientales assises tranquilles au fond des golfes d’azur [106] ». En observateur extérieur et passionné, l’écrivain porte sur une Italie dès lors orientalisée un regard subjectif, « monolithique » et propice à la construction de « stéréotypes » ou d’« ethnotypes [107] » dont fait partie la figure éphébique. Comme en témoignent la marchandisation des mannequins photographiques et l’attrait occasionnel du voyageur pour le proxénétisme, l’éromène italien, tel qu’il est idéalisé, voire objectivé par Winckelmann et par Essebac, incarnerait aux yeux des érastes français un « inférieur social et sexuel [108] », produit d’un rapport, sinon colonial, en partie prostitutionnel.

19Dans les dernières décennies du siècle, explique Patricia Marcoz, de nombreux homosexuels émigrent vers le Mezzogiorno pour sa « permissivité sexuelle [109] » : en atteste, en 1890, le premier séjour qu’y passe Georges Hérelle [110]. Si les photographies de von Gloeden et de von Plüschow motivent en général le départ des uranistes allemands et anglo-saxons, le récit d’Essebac paraît en particulier conduire à celui de leurs homologues français, ajoute Féray. Comme le prouve en 1904 l’exil de Fersen à Capri, ceux-ci voient désormais en Italie un « Eldorado [111] » jusqu’alors en majorité circonscrit aux colonies nord-africaines. À l’époque de « l’émergence d’une visibilité du désir unisexuel [112] », ces flux migratoires montrent combien la littérature homoérotique est performative, voire « géopoiétique [113] », puisqu’elle construit des espaces d’identification sexuelle. Exploitant l’univers fantasmatique des éphèbes italiens, Partenza… vers la Beauté ! concourrait à faire de l’Italie un « objet de consommation touristique [114] ». Répondant aux logiques de sexe, de race et de classe qui sous-tendent une Troisième République bourgeoise, le récit d’Essebac entretient une relation d’attraction-répulsion avec le discours dominant. Aussi convient-il de relativiser l’« anticonformisme » ou l’« audace [115] » à l’égard des codes culturels et artistiques qu’attribue parfois hâtivement la critique actuelle à l’œuvre de l’auteur.

20À terme, il ne s’agit pourtant pas de renier l’indépendance d’esprit d’un Essebac, ni même d’engager une chasse aux sorcières en l’accusant injustement d’un racisme à l’époque généralisé. Détricotant les relations de pouvoir intriquées dans le texte, cet article résume plutôt quelques-unes des ressources discursives pouvant être investies par un écrivain français de la fin du xixe siècle pour avouer, sinon revendiquer, un désir homosexuel en général méprisé par l’Église, l’État et le nouveau corps médical. Comme celle des photographes qui l’ont précédé, la démarche de l’auteur consiste finalement à dégager l’« homosexualité » des discours juridico-scientifiques dont elle est née pour l’inscrire et la sublimer sous le signe d’un art imprégné d’Antiquité. Ainsi empreint-il Partenza… vers la Beauté ! d’une esthétique néoclassique dont la résurgence romanesque n’est généralement pas, « entre 1870 et 1920 [116] », un cas isolé. Un poème intitulé « Paganisme [117] », que publie Fersen en 1902, révèle précisément la vogue d’une veine littéraire néopaïenne dans les milieux homosexuels de la Belle époque, explicitement amateurs de quelque « joli petit faune de fresque [118] ». Arrachées à la décadence d’une France fin-de-siècle pour regagner l’éminence des mondes gréco-romains, les amours masculines sont rachetées au prix d’un culte rendu à la nature et ne sont plus nécessairement la conséquence d’une dégénérescence ou d’un efféminement. Régénérées, voire re-virilisées par les vertus du voyage en Italie, celles-ci ne trahiraient pas seulement la « misogynie [119] », mais aussi l’« ethnotypie » – ou peut-être même le « nationalisme [120] » – de l’époque, en ce qu’elles sont bon gré mal gré projetées dans un espace-temps que les empires coloniaux leur jugent eux-mêmes favorable. Gravant dans le marbre la figure de l’éphèbe, Essebac aura cependant contribué à la gloire d’un personnage qui permet encore aujourd’hui, notamment dans le cinéma LGBTQI +, d’illustrer, voire d’interroger différemment l’homosexualité. Intemporelle, la grâce éphébique cristalliserait en partie l’expression des peurs et des désirs d’une sexualité largement réprimée par la modernité.

Notes

  • [1]
    Michel Foucault, « Cours du 22 janvier 1975 », dans Les Anormaux : cours au Collège de France. 1974-1975, Paris, Seuil-Gallimard, coll. « Hautes études », 1999, p. 51-74.
  • [2]
    Patrick Cardon, Discours littéraires et scientifiques fin-de-siècle : autour de Marc-André Raffalovich, Paris, Orizons, coll. « Homosexualités », 2007, p. 299.
  • [3]
    Jean-Claude Féray, Achille Essebac, romancier du désir, Paris, Quintes-feuilles, 2008, p. 7.
  • [4]
    Éric Bordas, « Introduction. Comment en parlait-on ? », Romantisme, n° 159, 2013, p. 16.
  • [5]
    Romain Courapied, « Modélisation fictionnelle – Achille Essebac : la misogynie au service de l’amitié idyllique », dans Le Traitement esthétique de l’homosexualité dans les œuvres décadentes face au système médical et légal : accords et désaccords sur une éthique de la sexualité, Rennes, Université de Rennes 2, 2014, p. 185-201.
  • [6]
    Bertrand Westphal, La Géocritique : réel, fiction, espace, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », 2007, p. 195.
  • [7]
    Roland Mortier, « La transition du xviiie au xixe siècle », Dix-huitième siècle, n° 14, 1982, p. 7.
  • [8]
    Michel Foucault, Histoire de la sexualité, 1994 [1976], Paris, Gallimard, coll. « Tel », vol. I, p. 45.
  • [9]
    Ibid., p. 93.
  • [10]
    Ibid., p. 166.
  • [11]
    Ibid., p. 164.
  • [12]
    Howard S. Becker, Outsiders : études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, coll. « Observations », 1985 [1963], p. 171-188.
  • [13]
    Michel Foucault, ouvr. cité, 1994, p. 58.
  • [14]
    Pour une protohistoire des homosexualités au tournant des Lumières, voir Thierry Pastorello, Sodome à Paris : protohistoire de l’homosexualité masculine fin xviiie-milieu xixe siècle, Paris, Université Paris Diderot-Paris VII, 2009, 529 p.
  • [15]
    Éric Bordas, art. cité, p. 3-5.
  • [16]
    Maurice Lever, Les Bûchers de Sodome : histoire des « infâmes », Paris, Fayard, 1996 [1985], p. 397.
  • [17]
    Régis Revenin, Homosexualité et prostitution masculines à Paris : 1870-1918, Paris, l’Harmattan, 2005, p. 150.
  • [18]
    Thierry Pastorello, « Stigmatisation et identification des pratiques homosexuelles masculines à travers des membres des classes populaires parisiennes au cours de la première partie du xixe siècle », L’Atelier du Centre de recherches historiques, n° 8, 2011, mis en ligne le 23 avril 2011, consulté le 26 novembre 2018 [http://journals.openedition.org/acrh/3808].
  • [19]
    Ambroise Tardieu, Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs, Paris, Baillière, 1857, p. 120.
  • [20]
    Pour un aperçu sommaire des théories savantes sur l’homosexualité dans la seconde moitié du xixe siècle, voir Régis Revenin, « Conceptions et théories savantes de l’homosexualité masculine en France, de la Monarchie de Juillet à la première guerre mondiale », Revue d’Histoire des sciences humaines, n° 17, 2007, p. 23-45.
  • [21]
    Jean-Martin Charcot et Valentin Magnan, « Inversion du sens génital », dans Jean-Martin Charcot (dir.), Archives de Neurologie, Paris, Bureaux du progrès médical, 1882, vol. III, p. 53-60 et p. 296-322.
  • [22]
    Régis Revenin, « Homosexualité et virilité », dans Alain Corbin et al. (dir.), Histoire de la virilité, Paris, Seuil, coll. « L’univers historique », 2011, vol. II, p. 383 et p. 389.
  • [23]
    Nous pensons à la physionomie des hanches de Lucien de Rubempré, anti-héros des Illusions perdues (voir Jacques Noiray (éd.), « préface », dans Honoré de Balzac, Illusions perdues, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2013 [1837-1843], p. 33).
  • [24]
    Cesare Lombroso, L’Homme criminel : criminel-né, fou moral, épileptique, Paris, Alcan, 1887 [1876], vol. I, p. 254.
  • [25]
    Jean-Claude Féray, ouvr. cité, p. 24 et p. 65 : après Partenza… vers la Beauté !, de nombreux romans sont écrits par l’auteur, dont les plus célèbres sont Dédé (1901), Luc (1902) et L’Élu (1902).
  • [26]
    Daniel-Henri Pageaux, « De la géocritique à la géosymbolique. Regards sur un champ interdisciplinaire : littérature générale et comparée et géographie », dans Bertrand Westphal (dir.), La Géocritique mode d’emploi, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2000, p. 141.
  • [27]
    Philippe Lejeune, « Autobiographie et homosexualité en France au xixe siècle », Romantisme, n° 56, 1987, p. 85.
  • [28]
    William A. Peniston et Nancy Erber, Queer Lifes : Men’s Autobiography from Nineteenth-Century France, Université du Nebraska, Lincoln-Londres, 2007, p. 117.
  • [29]
    Achille Essebac [Henri Louis Achille Bécasse], Partenza… vers la Beauté !, 3e édition, Paris, Ambert, coll. « Ivoire », 1903 [1898], p. 278.
  • [30]
    Sur l’influence de la littérature de voyage ou, plus spécialement, du voyage sentimental sur Partenza… vers la Beauté !, voir Jean-Claude Féray, ouvr. cité, p. 32-33 et Alain Montandon, « Introduction », dans Laurence Sterne, Voyage sentimental, Paris, Classiques Garnier, coll. « Classiques jaunes », 2017 [1768], p. 57-59.
  • [31]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 147 et p. 217.
  • [32]
    Ibid., p. 76, p. 147 et p. 217 (voir sur ce point Jean-Claude Féray, ouvr. cité, p. 27).
  • [33]
    Roger Peyrefitte, L’Exilé de Capri, Paris, Flammarion, 1959, p. 61.
  • [34]
    Voir Stefania Arcara, « Hellenic transgressions, homosexual politics : Wilde, Symonds and Sicily », Studies in travel Writing, n° 16, 2012, p. 135-147.
  • [35]
    Daniel-Henri Pageaux, ouvr. cité, p. 141.
  • [36]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 152.
  • [37]
    Mikhaïl Bahktine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1978, p. 237.
  • [38]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 131.
  • [39]
    Ibid., p. 136.
  • [40]
    Ibid., p. 135.
  • [41]
    Ibid., p. 134.
  • [42]
    Yves Clavaron, Le Génie de l’Italie : géographie littéraire de l’Italie à partir des littératures américaine, britannique et française, Saint-Denis, Connaissances et savoirs, 2017 [2006], p. 26.
  • [43]
    Henri Ailloud (éd.), Vies des douze Césars, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Université de France », 1932, p. xlii-xliv.
  • [44]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 166.
  • [45]
    Ibid., p. 92.
  • [46]
    Bertrand Westphal, ouvr. cité, p. 128.
  • [47]
    Francis Moulinat, « Les Amours grecques : homosexualité et représentations, du Léonidas de Jacques-Louis David (1799-1814) au Swimming Hole de Thomas Eakins », Romantisme, n° 159, 2013, p. 73.
  • [48]
    Sur la vie et l’œuvre des photographes, voir Peter Weiermair, « L’Arcadie de Whilelm von Gloeden : réflexions sur l’histoire d’une passion », dans Whilelm von Gloeden, Cologne, Taschen, 1994, p. 6-15.
  • [49]
    Roger Peyrefitte, ouvr. cité, p. 149-150.
  • [50]
    Charles Leslie, Whilelm von Gloeden Photographer, New York, Soho photographic Publishers, 1977, p. 68.
  • [51]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 195.
  • [52]
    Francis Moulinat, art. cité, p. 81.
  • [53]
    Claude Reichler, « Pourquoi les pigeons voyagent : remarques sur les fonctions du récit de voyage », Versants : revue suisse des littératures romanes, n° 50, 2005, p. 25.
  • [54]
    Stefania Arcara, art. cité, p. 136.
  • [55]
    Jasbir K. Puar, Homonationalisme : la politique queer après le 11 septembre, Paris, Amsterdam, 2012 [2007], p. 24.
  • [56]
    Joseph Gleeson White, « The Nude in Photography : with some Studies taken in the Open Air », The Studio : An illustrated Magazine of Fine and applied Art, n° 3, 1893, p. 103-108.
  • [57]
    Stefania Arcara, art. cité, p. 137-138.
  • [58]
    Roland Barthes, La Chambre claire : note sur la photographie, Paris, Gallimard-Seuil, coll. « Cahiers du cinéma », 1980, p. 120.
  • [59]
    Roger Peyrefitte, ouvr. cité, 1959, p. 61.
  • [60]
    Ibid., p. 149-150.
  • [61]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 194.
  • [62]
    Roger Peyrefitte, Les Amours singulières, Paris, Flammarion, coll. « Le livre de poche », 1965 [1949], p. 122-123.
  • [63]
    Sur la dimension homoérotique de l’esthétique winckelmanienne et de son influence sur les arts, en particulier en Allemagne, voir Robert Aldrich, « Winckelmann et Platten », The Seduction of the Mediterranean : Writing, Art and Homosexual Fantasy, Londres-New York, Routledge, 1993, p. 41-68.
  • [64]
    Régis Revenin, ouvr. cité, p. 71.
  • [65]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 137.
  • [66]
    Laurence Brogniez, « Nymphes, dryades et autres femmes perchées : métamorphose d’un mythe au xixe siècle », dans Musée Rops (dir.), Arbre(s), Oostkamp, Stichting Kunstboek, 2009, p. 68.
  • [67]
    Léo Thévenin, La Renaissance païenne : étude sur Lévy-Dhürmer, Paris, Vanier, 1898, p. 6.
  • [68]
    Mireille Dottin-Orsini, Cette femme qu’ils disent fatale, Paris, Grasset, 1993, p. 113.
  • [69]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 278.
  • [70]
    Régis Revenin, ouvr. cité, 2005, p. 71.
  • [71]
    Roger Peyrefitte, ouvr. cité, 1959, p. 100.
  • [72]
    Achille Essebac, ouvr. cité, np.
  • [73]
    Gabriele D’Annunzio, Le Feu, Paris, Crès, coll. « Les maîtres du livre », 1919 [1900], vol. I, p. 168.
  • [74]
    Johann Joachim Winckelmann, « Réflexions sur le Sentiment du Beau dans les Ouvrages de l’Art, & sur les moyens de l’acquérir », dans Recueil de différentes pièces sur les arts, Paris, Barrois l’aîné, 1786 [1769], p. 258.
  • [75]
    Sylvain Venayre, « Les valeurs viriles du voyage », dans Alain Corbin et al. (dir.), ouvr. cité, vol. II, p. 308.
  • [76]
    Shawn McCutcheon, « Un pédéraste érudit : masculinité et homoérotisme chez Johann Joachim Winckelmann », Cahiers d’histoire, n° 32, 2013, p. 134.
  • [77]
    Johann Joachim Winckelmann, ouvr. cité, p. 244.
  • [78]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 148.
  • [79]
    Michel Foucault, ouvr. cité, vol. II, 1997 [1984], p. 53-71.
  • [80]
    Shawn McCutcheon, ouvr. cité, p. 140.
  • [81]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 195.
  • [82]
    Ibid., p. 150.
  • [83]
    Maurice Sartre, « Virilités grecques », dans Alain Corbin et al. (dir.), ouvr. cité, vol. I, p. 45-55.
  • [84]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 279.
  • [85]
    Johann Joachim Winckelmann, Histoire de l’art chez les Anciens, Paris, Saillant, 1766 [1764], vol. I, p. 253.
  • [86]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 92-93.
  • [87]
    Ibid., p. 90.
  • [88]
    Ibid., p. 93.
  • [89]
    Ibid., p. 91.
  • [90]
    Johann Joachim Winckelmann, ouvr. cité, vol. I, p. 267.
  • [91]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 185.
  • [92]
    Nous traduisons William Robert Irwin, « The Survival of Pan », Publication of the modern Language Association of America, n° 3, 1961, p. 161.
  • [93]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 156.
  • [94]
    Ibid., p. 159.
  • [95]
    Stéphane Gougelmann, « « En littérature, ils ont le sexe changeant ». Jean Lorrain et l’émancipation des catégories de genre », Romantisme, n° 179, 2018, p. 70-84.
  • [96]
    Romain Courapied, ouvr. cité, p. 187.
  • [97]
    Patrick Cardon, ouvr. cité, p. 298.
  • [98]
    Achille Essebac, « Palestres d’aujourd’hui », Akademos, n° 10, 1909, p. 515-518.
  • [99]
    Marc Augé, Le Génie du paganisme, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2008 [1990], p. 15.
  • [100]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 196.
  • [101]
    Ibid., p. 112.
  • [102]
    Ibid., p. 183.
  • [103]
    Patricia Marcoz, « The Emergence of Capri as a Tourist Centre at the Turn of the Century », dans Christine Geoffroy et Richard Sibley (dir.), Going Abroad : Travel, Tourism and Migration, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2007, p. 53.
  • [104]
    Edward Saïd, L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, Paris, Points, coll. « Essais », 2013 [1978], p. 331.
  • [105]
    Achille Essebac, ouvr. cité, p. 101.
  • [106]
    Ibid., p. 183.
  • [107]
    Bertrand Westphal, ouvr. cité, p. 234.
  • [108]
    Shawn McCutcheon, ouvr. cité, p. 141.
  • [109]
    Nous traduisons Patricia Marcoz, art. cité, p. 53.
  • [110]
    Philippe Artières et Clive Thompson, Fières archives : documents et images autobiographiques d’homosexuels « fin de siècle », Neuilly, Atlande, coll. « Photo-philo », 2017, p. 20.
  • [111]
    Jean-Claude Féray, ouvr. cité, p. 151.
  • [112]
    Philippe Artières et Clive Thompson, ouvr. cité, p. 23.
  • [113]
    Bertrand Westphal, ouvr. cité, p. 143.
  • [114]
    Yves Clavaron, ouvr. cité, p. 11.
  • [115]
    Jean-Claude Féray, ouvr. cité, p. 151.
  • [116]
    Marie-France David-de Palacio, Reviviscences romaines : la latinité au miroir de l’esprit fin-de-siècle, Bern, Peter Lang, 2005, p. 7.
  • [117]
    Jacques d’Adelswärd-Fersen, « Paganisme », dans L’Hymnaire d’Adonis : à la manière de M. le marquis de Sade, Paris, Vanier, 1902, p. 22-23.
  • [118]
    Ibid., p. 23.
  • [119]
    Romain Courapied, ouvr. cité, p. 186.
  • [120]
    Bertrand Westphal, ouvr. cité, p. 234.
Français

Au carrefour des études de genre et de la géocritique, cet article examine comment et pourquoi Achille Essebac, auteur aujourd’hui méconnu de la France fin-de-siècle, s’inscrit dans le champ de la littérature viatique pour construire une image originale, sinon valorisante, de l’« homosexualité ». Récit de voyage à dimension autobiographique qu’il publie en 1898, Partenza… vers la Beauté ! témoigne en effet d’une sensibilité homoérotique. Dans une approche intermédiatique, il s’agit d’étudier les discours culturels et artistiques – y compris littéraires et photographiques – qui disposent l’écrivain à projeter dans une Italie néopaïenne les amours « pédérastiques ». Suggérant l’influence critique de Johann Joachim Winckelmann sur l’écriture d’Essebac, ce travail déconstruit la façon dont ce dernier défend l’homosexualité au prix non seulement d’une esthétique néoclassique, mais aussi d’une idéologie ethnotypique.

English

At the cross-roads between genre studies and geo-criticism, this paper looks at how and why Achille Essebac, a now forgotten writer from turn of the century France, pertains to travel literature in the process of constructing an original, if not necessarily valorizing, image of « homosexuality ». Partenza… vers la Beauté !, a travel book with an autobiographical dimension he published in 1898, testifies to a homoerotic sensibility. Using a cross-disciplinary approach, the issue is to focus on the cultural and artistic discourses – both literary and photographic – that bring the writer to project into a neo-Pagan Italy « pederastic » loves. This paper, in suggesting the influence of Johann Joachim Winckelmann on Essebac’s writing, deconstructs the way in which the latter defends homosexuality at the price not only of a neoclassical aesthetic but also that of an ethno-typical ideology.

Nicolas Duriau
Université libre de Bruxelles
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/10/2019
https://doi.org/10.3917/rom.185.0122
Pour citer cet article
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