CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Interprète et protagoniste de l’ère de l’image, Baudelaire a revendiqué, tout au long de son œuvre, sa « grande », « unique » et « primitive passion » : « glorifier le Culte des images [1]. » Cette célèbre affirmation de Mon cœur mis à nu établit non pas une célébration de l’« image » mais de son « Culte » – une fonction active, comme relevé par Rémi Brague [2]. Et, dans une notice autobiographique, vraisemblablement rédigée au début de 1860, le poète décrit son « goût permanent, depuis l’enfance, de toutes les images et de toutes les représentations plastiques [3] ». Dans le cadre de cette adoration assumée, la notion de portrait joue un rôle fondamental. Elle permet d’aborder la question de la représentation chez Baudelaire, prouvant l’homogénéité de sa réflexion esthétique et de sa pratique poétique.

Le « drame naturel inhérent à tout homme »

2Dans sa critique d’art, Baudelaire s’est penché à plusieurs reprises sur le genre du portrait. Le Salon de 1846, paru en plaquette au début de mai 1846, contient un chapitre consacré à cette question. Baudelaire y distingue deux conceptions différentes du portrait, distinction qui reproduit celle entre dessinateurs et coloristes. La première école, qu’il désigne par l’« histoire », se propose d’imiter le modèle, sans s’interdire la sélection de traits marquants, de caractères significatifs, et même une certaine idéalisation. C’est un procédé, selon Baudelaire, qui calque le sujet représenté mais en révèle, avec discrétion, l’esprit :

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L’une est de rendre fidèlement, sévèrement, minutieusement, le contour et le modelé du modèle, ce qui n’exclut pas l’idéalisation, qui consistera pour les naturalistes éclairés à choisir l’attitude la plus caractéristique, celle qui exprime le mieux les habitudes de l’esprit ; en outre, de savoir donner à chaque détail important une exagération raisonnable, de mettre en lumière tout ce qui est naturellement saillant, accentué et principal, et de négliger ou de fondre dans l’ensemble tout ce qui est insignifiant, ou qui est l’effet d’une dégradation accidentelle [4].

4Les maîtres de cette « école historique [5] » sont David et Ingres.

5Différente est la méthode propre aux coloristes, celle du « roman ». Même si Baudelaire ne l’affirme pas explicitement, c’est une méthode éminemment littéraire – voire poétique. Il voit dans Rembrandt, Reynolds et Lawrence les figures de proue de ce mouvement. En laissant libre cours à l’imagination, les adeptes de l’« école romantique » font « du portrait un tableau, un poème avec ses accessoires, plein d’espace et de rêverie [6] » :

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Ici l’art est plus difficile, parce qu’il est plus ambitieux. Il faut savoir baigner une tête dans les molles vapeurs d’une chaude atmosphère, ou la faire sortir des profondeurs d’un crépuscule. Ici, l’imagination a une plus grande part, et cependant, comme il arrive souvent que le roman est plus vrai que l’histoire, il arrive aussi qu’un modèle est plus clairement exprimé par le pinceau abondant et facile d’un coloriste que par le crayon d’un dessinateur [7].

7Partisan de cette conception romantique, Baudelaire considère que le traitement du portrait passe par l’individualité et la subjectivité de l’artiste. Selon l’esthétique de la création qu’il échafaude dans son Salon de 1846, l’imagination du peintre concourt à fixer la vérité du modèle. Ainsi Delacroix, chef de file du romantisme et de l’école moderne, dont les œuvres seraient des poèmes, part « de ce principe, qu’un tableau doit avant tout reproduire la pensée intime de l’artiste, qui domine le modèle, comme le créateur la création [8] ». Baudelaire cite aussi le Salon de 1831 de Henri Heine, affirmant le surnaturalisme et la prééminence, dans la représentation, du créateur : « Je crois que l’artiste ne peut trouver dans la nature tous ses types, mais que les plus remarquables lui sont révélés dans son âme, comme la symbolique innée d’idées innées, et au même instant [9]. » La dépréciation de la nature conduit vers un art axé sur les ressources intérieures du créateur, si bien que la critique, rejetant une approche « objective », devra être « partiale, passionnée, politique, c’est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d’horizons [10] ».

8Treize ans plus tard, dans son Salon de 1859, Baudelaire revient sur le portrait, ce genre « si modeste en apparence » mais qui est « si difficile à produire [11] ». Dans ce texte, l’aspect théorique l’emporte sur le descriptif. Installé à Honfleur auprès de sa mère, le 16 mai 1859, il avoue à Nadar n’avoir visité l’exposition qu’une seule fois et commenter les œuvres à l’aide du livret [12].

9En l’occurrence, il récuse la distinction qu’il avait formulée dans son Salon de 1846 et met au centre de son analyse la notion d’intensité, corrélée à l’expression que l’artiste doit poursuivre. À travers ces concepts, il critique la subordination du portraitiste à son modèle. Baudelaire se sert d’une prosopopée, l’Âme de la Bourgeoisie, pour énoncer ce point de vue étriqué. Cette Âme lui dirait :

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En vérité, les poètes sont de singuliers fous de prétendre que l’imagination soit nécessaire dans toutes les fonctions de l’art. Qu’est-il besoin d’imagination, par exemple, pour faire un portrait ? Pour peindre mon âme, mon âme si visible, si claire, si notoire ? Je pose, et en réalité c’est moi, le modèle, qui consens à faire le gros de la besogne. Je suis le véritable fournisseur de l’artiste. Je suis, à moi tout seul, toute la matière [13].

11À cette conception Baudelaire oppose la primauté de l’imagination dans le travail du portraitiste, qu’il soit peintre ou poète. Elle permet d’affronter la matière, « positive et solide [14] », obstacle à toute divination. L’artiste, selon Baudelaire, est doublement un voyant : d’abord car il voit ce que l’objet lui-même laisse voir ; puis en devinant « ce qui se cach[e] [15] » en lui, à travers sa faculté poétique. Baudelaire brosse un idéal du portrait où chaque détail s’accorde pour représenter un « caractère[16] » avec intensité. En élargissant sa définition, il conclut qu’un bon portrait « apparaît toujours comme une biographie dramatisée, ou plutôt comme le drame naturel inhérent à tout homme [17] ». Pourtant, selon Baudelaire, il y a une restriction. Plus l’écart avec le réel est sensible, plus le portrait réclame le génie de son auteur. L’intensité d’expression ne doit pas trahir la vérité du sujet et farder son « naturel ». Ainsi Baudelaire, dans son Salon de 1859, fait l’hypothèse d’une harmonie entre subjectivité et objectivité, intensité et fidélité, roman et histoire.

12Un contre-exemple est fourni par Ingres et ses élèves. Certes, dans Le Peintre de la vie moderne Baudelaire reconnaît qu’Ingres « devait surtout réussir dans les portraits », se distinguant des « fabricants banals » auxquels un « homme vulgaire peut aller, la bourse à la main, demander la reproduction de sa malséante personne [18] ». Mais le peintre de La Grande Odalisque serait victime d’une obsession consistant à superposer à ses sujets un style déterminé et lointain, « une poésie étrangère, empruntée généralement au passé [19] ». Ce style ne lui appartiendrait pas : il serait plutôt un tribut à la tradition – « Raphaël l’exige [20] », ironise Baudelaire –, qui conduit Ingres à « déplacer, à transporter et à altérer le beau [21] ». Dans Le Peintre de la vie moderne, ce reproche concerne plutôt l’incapacité de l’artiste à considérer que chaque époque a sa beauté particulière, « son port, son regard et son geste [22] », s’exprimant en particulier dans le portrait. Ingres, au contraire, voudrait supprimer ces différences et « imposer à chaque type qui pose sous son œil un perfectionnement plus ou moins complet, emprunté au répertoire des idées classiques [23] ».

La photographie entre mimétisme et usurpation de l’imaginaire

13Le principe de ressemblance dans la représentation demeure un critère important pour Baudelaire qui, dans le Salon de 1859, essaie de préciser sa théorie du portrait. Or, selon lui, ce principe n’est en rien une reproduction servile et extérieure du modèle, mais une fidélité à son essence intérieure, à son âme. Le portrait devrait traduire visiblement – comme le visibile parlare de Dante – l’esprit profond de son modèle. Cette faculté idéale que Baudelaire attribue à l’art du portrait est conçue en opposition à la photographie, cible du deuxième chapitre du Salon, intitulé « Le public moderne et la photographie ». Le titre choisi par Baudelaire témoigne de sa volonté de dénoncer les règles du succès moderne, ayant favorisé l’avènement du photographe : son « ambition d’attirer les yeux [24] » satisfait le désir d’étonner – de la part de l’artiste – et le désir d’être étonné – de la part du public. Cet étonnement est, de l’aveu de Baudelaire, la parodie de l’éblouissement que produit l’art véritable. C’est plutôt un abêtissement, qui seconde la « domination progressive de la matière [25] », c’est-à-dire le triomphe de l’idéologie du progrès, censé supprimer l’esprit. C’est à cette « domination » s’accordant « toute la matière » que, dans le chapitre du Salon de 1859 sur le portrait, l’Âme de la bourgeoisie fait écho.

14La photographie réaliserait alors l’aplatissement du beau sur le modèle – et donc sur la nature –, en éliminant l’imagination de l’artiste, son individualité artistique. Par ce reproche, Baudelaire se distingue des critiques qui considèrent la chambre obscure comme un instrument artistique au même titre que le pinceau ou le crayon. Louis Figuier par exemple, auteur de La Photographie au Salon de 1859, volume paru en octobre 1859 avec le millésime 1860, estime que la personnalité de chaque « photographiste » est identifiable dans son œuvre et que, par conséquent, la photographie appartient aux beaux-arts :

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Faites reproduire par différents opérateurs un même site naturel, demandez à différents artistes le portrait d’une même personne, et aucune de ces œuvres, reproduisant pourtant un modèle identique, ne ressemblera à l’autre ; dans chacune d’elles, tout ce que vous reconnaîtrez, c’est la manière, où plutôt le sentiment de celui qui l’a exécutée [26].

16Convaincu du « grand progrès » accompli par le portrait photographique au Palais de l’Industrie, grâce à des artistes tels que Nadar, Adam Salomon et Gustave Le Gray, Figuier affirme que bientôt « il n’y aura plus vraiment grand motif » à lui préférer « un portrait au crayon ou à l’huile [27] ».

17C’est précisément contre ce jugement que Baudelaire se dresse, lorsqu’il met en discussion les théories mimétiques de l’art. Croire que la photographie donne « toutes les garanties d’exactitude [28] » est un vœu insensé, qui réduit le réel à son apparence. Dans cet engouement, Baudelaire voit une usurpation de l’imaginaire, une promesse de ruine, qu’il dénonce en ces termes : « Mais s’il lui est permis d’empiéter sur le domaine de l’impalpable et de l’imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce que l’homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous [29] ! » Le triomphe de la photographie préfigurerait la disparition de l’artiste, homme qui sent, rêve et juge.

18Quant au portrait photographique, Baudelaire évoque Narcisse et le danger d’une soif incontrôlée de mimétisme : « À partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal [30]. » Si la photographie, comme le croient ces « nouveaux adorateurs du soleil [31] », épuise l’art, l’image sera alors condamnée à une multiplication « triviale », au gré des désirs du public. Selon Baudelaire, cette image dévalorisée est profondément antipoétique. Dans Les Fleurs du Mal, l’image sert et ravive la mémoire, encore que douloureuse, du poète : c’est, dans « Le Cygne », l’image du cygne « rongé d’un désir sans trêve [32] » ; ou, dans « Rêve parisien », l’évocation d’un « terrible paysage [33] », surgi dans le rêve, occasion de féeries hallucinatoires. L’image cultivée par Baudelaire est le moyen d’une autre forme de narcissisme, alliée à l’idée de miroir, étudiée par Jean Starobinski en rapport avec la mélancolie [34]. L’« homme libre » de « L’Homme et la Mer », qui se plaît à « plonger au sein de [son] image [35] », aime la mer car elle reflète, comme un miroir intérieur, son âme. Cette image-autoportrait traitée par Baudelaire dans Les Fleurs du Mal n’est pas, idéalement, la reproduction de l’apparence, mais plutôt l’accès à une profondeur personnelle, cachée, qui s’extériorise grâce à elle. Dans « Un voyage à Cythère », elle s’associe avec l’allégorie :

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Dans ton île, ô Vénus ! je n’ai trouvé débout
Qu’un gibet symbolique où pendait mon image.....
– Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage
De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût [36] !

20Incapable de remplir les conditions de l’allégorie, d’une signification autre, la photographie devra, selon Baudelaire, se contenter de servir les sciences et les arts, d’être le registre fidèle et le « garde-note [37] » de l’homme. Si notre hypothèse est juste, la photographie, chez Baudelaire, remplit une fonction opposée à celle de la caricature, qui est un genre de portrait double, mêlant « le dessin et l’idée ; le dessin violent, l’idée mordante et voilée [38] », comme il l’écrit dans De l’essence du rire. La caricature digne de l’intérêt de l’artiste n’est pas celle condamnée à la désuétude, car immédiatement archivée par l’actualité changeante, mais la caricature qui contient « un élément mystérieux, durable, éternel [39] ». Alors que la signification suggérée par l’apparence de l’image disparaît, une signification plus profonde se fait jour, qui est l’essence du comique – et notamment du « comique absolu » –, un « des plus clairs signes sataniques de l’homme et un des nombreux pépins contenus dans la pomme symbolique [40] ». La photographie, au contraire, ne ferait pas partie de ces « pépins ».

21Malgré la méfiance exprimée dans le Salon de 1859, le rapport de Baudelaire avec le portrait photographique reste ambigu [41]. La quinzaine de photographies connues de lui, œuvres de Nadar, Étienne Carjat et Charles Neyt, témoigne de son intérêt pour cette technique récente, derrière les réticences affichées. La fréquentation assidue de Nadar et de son atelier avait certainement fait de Baudelaire un bon connaisseur des procédés propres à la photographie. La silhouette fuyante du poète a même été identifiée en arrière-plan d’une mystérieuse épreuve albuminée représentant Thomas Arnauldet, découverte en 2013 [42]. Mais, peint par Émile Deroy ou par Manet, photographié par Nadar, Baudelaire semblait se soustraire au portraitiste et affirmer, par son indocilité à l’objectif et au pinceau, les insuffisances de la représentation. Courbet, voulant peindre Baudelaire vers 1847-1848, aurait confié à Champfleury, à ce moment-là : « Je ne sais, disait le peindre, comment aboutir au portrait de Baudelaire ; tous les jours il change de figure [43]. » Et Nadar, cinquante ans plus tard, se demandait encore comment « déduire l’individualité si personnelle, comment l’étrangeté si naïvement et parfaitement sincère de cet alambiqué Baudelaire, né natif du pays de l’Hippogriffe et de la Chimère [44] ».

22Que demande le poète au portrait photographique ? Le 22 décembre 1865, dans une lettre envoyée de Bruxelles à sa mère, Baudelaire s’est mieux expliqué sur ce qui, à ses yeux, pouvait avoir de la valeur dans une photographie. En demandant à Mme Aupick un portrait d’elle, il refuse les caprices hyperréalistes des photographes, qui « ont des manies ridicules » et « prennent pour une bonne image une image où toutes les verrues, toutes les rides, tous les défauts, toutes les trivialités du visage sont rendus très visibles, très exagérés ; plus l’image est dure, plus ils sont contents [45] ». Baudelaire aurait voulu, au contraire, « un portrait exact, mais ayant le flou d’un dessin [46] », que seul quelque photographe parisien – ou Constantin Guys, à travers ses croquis vaporeux – aurait pu obtenir. À ce propos, Jean-Christophe Bailly a observé une singulière contiguïté entre le peintre de la vie moderne et le « reporter [47] », entre l’art dont Baudelaire rêve et l’instantané : les tableaux de Guys, « ce sont ces dessins de petit format, rapides, faits de chic, aux couleurs lavées, pris sur le vif de la rue, les bordels, les promenades, les théâtres et les champs de bataille [48] ». Mais Baudelaire, comme le rappelle encore Jean-Christophe Bailly, ne put pas faire l’expérience dans la photographie de cette vitesse d’exécution et de poétique, car elle était, à son époque, lente, « académique et pesante [49] ».

Du portrait pictural au portrait poétique…

23Le genre du portrait, qui, aux yeux de Baudelaire, excède les facilités mimétiques de la photographie, convient mieux à la poésie. Les Fleurs du Mal et Le Spleen de Paris sont parsemés de portraits, déclinés dans un registre lyrique et parfois renforcés par des hypotyposes. Baudelaire y peint les figures éphémères qui traversent la ville moderne ou un espace imaginaire, comme la « passante », la « veuve » et le « saltimbanque ». La poésie peut ainsi donner vie au beau tel que Baudelaire le conçoit dans Le Peintre de la vie moderne : double, composé d’un « élément éternel, invariable » et d’un « élément relatif, circonstanciel [50] », et donc appartenant à son époque. Dans « l’immense dictionnaire de la vie moderne [51] », le poète se fait, à travers le portrait d’une passante qui disparaît soudainement, « le peintre de la circonstance et de tout ce qu’elle suggère d’éternel [52] ». Dans l’éphémère, il fixe une essence esthétique. Ces éléments se retrouvent dans le premier tercet d’« À une passante » :

24

Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité [53] ?

25Ces figures, souvent esquissées sans économie de détails crus ou réalistes, restent suspendues dans l’allégorie [54] ; l’individuel du portrait, dans la poésie de Baudelaire, rencontre l’universel de l’allégorie. L’ekphrasis est une des techniques qu’il affectionne particulièrement. Dans « Une martyre. Dessin d’un maître inconnu », la scène et le « grand portrait langoureux [55] » suggèrent un « amour ténébreux », aboutissant, dans le final du texte, au poncif d’un amour tragique : « Ton époux court le monde, et ta forme immortelle / Veille près de lui quand il dort [56]. » Dans un sonnet qui est l’ekphrasis d’un tableau de Delacroix, Le Tasse en prison, le poète « en cachot, débraillé, maladif [57] », saisi dans le vertige de sa folie, se révèle, dans le tercet final, l’« emblème » de l’« Âme aux songes obscurs, / Que le Réel étouffe entre ses quatre murs [58] ! » Selon John E. Jackson, « la perspective allégorisante qui guide le plus souvent de telles ekphraseis […] traduit bien que l’enjeu du poème dépasse la seule image ou du moins hausse celle-ci en figure d’un sens qui transcende les apparences plastiques au profit d’un questionnement à la fois plus direct et plus fondamental [59] ».

26Cette conception du portrait, littéraire ou pictural, apparaît même dans la correspondance du poète. Lorsque, en mai 1859, il songe à recueillir l’ensemble de ses articles critiques sur Poe, il prévoit, en frontispice de son volume, un portrait fidèle et « encadré dans des figures allégoriques représentant ses principales conceptions […] – le tout d’un romantisme forcené [60] ». Dans sa thèse, Patrick Labarthe a expliqué, chez Baudelaire, cette alliance profonde entre l’expression iconique et l’allégorie, à savoir la « conversion de l’image en sa “correspondance” spirituelle [61] » ; à l’écart de la simple description, le poète aurait ressenti, tout au long de son œuvre, le besoin de joindre à la représentation le « support d’un sens [62] ».

27Le recours à l’allégorie ne résume cependant pas entièrement le rapport du poète au portrait. Nous avons vu de quelle manière Baudelaire s’interroge sur le portrait, sur la parfaite adéquation promise par le miroir et sur la tentation mimétique. Dans sa poésie, il saisit parfois un réel susceptible de rivaliser avec l’art. Dans « L’Amour du mensonge », Baudelaire s’adresse à une femme – dont, « masque ou décor [63] », il adore la beauté – pour en assimiler les attraits à un « portrait » :

28

Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore,
Ton front pâle, embelli par un morbide attrait,
Où les torches du soir allument une aurore,
Et tes yeux attirants comme ceux d’un portrait,
                 
Je me dis : Qu’elle est belle ! et bizarrement fraîche [64] !

29Dans la poésie, le portrait est un lieu de réflexion. Le quatrième volet du « Fantôme », intitulé « Le Portrait », présente « un dessin fort pâle, aux trois crayons [65] », comme seul vestige d’un amour disparu ; mais si l’« Art », à rebours de l’aere perennius horatien, est, à l’instar de la « Vie », effacé par le temps, la mémoire résiste à cet écoulement destructeur.

30Parmi les nombreux poèmes en prose du Spleen de Paris où sont disséminés des portraits [66], « Mademoiselle Bistouri » est probablement celui où écriture et image se trouvent le plus étroitement liées. L’obsession de la protagoniste pour les chirurgiens se trahit par la réunion compulsive de lithographies et photographies de médecins de son temps. Prenant le poète pour un docteur, elle lui demande son portrait. Or ces portraits, soigneusement conservés dans une liasse de papiers et dans un paquet ficelé, nourrissent sa manie. Selon certains exégètes, ce culte imprévu et bizarre serait l’occasion, pour Baudelaire, d’évoquer l’aliénation et les dangers de l’« idée fixe » poétique, pouvant se dégrader comme un vain entassement d’images. Patrick Labarthe soutient que la collection des portraits de ce « monstr[e] innocen[t] [67] » renverrait au poète « comme un équivalent trivialisé de la réduction d’autrui “à une masse d’images photographiques”, inhérente à une dimension exclusivement esthétique [68] » – ou plutôt, devrait-on dire, mimétique ?

31L’interrogation posée à l’art par le portrait, dans une époque où l’image prolifère, est ainsi placée par Baudelaire au cœur de sa poésie. En dialogue et à l’appui de l’allégorie, le portrait peut contourner les pièges de la représentation que Baudelaire dénonce dans ses Salons. Cette ouverture à un nouvel horizon de sens est ce qui l’encourage, dans ses portraits critiques, vers la similitude et la métaphore. En éludant la description, portrait moral et portrait physique se fondent par le truchement d’une image distante. Dans sa première notice sur Philibert Rouvière, publiée à la fin de 1855 ou au début de 1856, Baudelaire introduit ex abrupto ce qui, à ses yeux, fait le fond de l’existence de l’acteur shakespearien :

32

Voilà une vie agitée et tordue, comme des arbres, – le grenadier, par exemple, – noueux, perplexes dans leur croissance, qui donnent des fruits compliqués et savoureux, et dont les orgueilleuses et rouges floraisons ont l’air de raconter l’histoire d’une sève longtemps comprimée [69].

… et à l’invective

33Dans les dernières années de sa vie, Baudelaire décline de plus en plus le portrait sous une ultime forme : celle de l’invective. Inspiré par un défi proposé par Poe, invitant les romanciers à se livrer à la confession et à écrire un livre portant le titre My Heart Laid Bare[70], Baudelaire entreprend Mon cœur mis à nu, pour lequel il cumule plusieurs fragments. À partir de 1864, avec La Belgique déshabillée, il radicalise même son propos : la Belgique n’est, pense-t-il, qu’une caricature de la France. Dans Mon cœur mis à nu, il prévoit de consacrer un chapitre au « Portrait de la Canaille littéraire », qu’il désigne comme « Doctor Estaminétus Crapulosus Pédantissimus » et dont il voudrait ébaucher le portrait « à la manière de Praxitèle [71] ». Mais il imagine également des « jolis portraits de quelques imbéciles : Clément de Ris. Castagnary », des « portraits de magistrats, de fonctionnaires, de directeurs de journaux, etc. », voire celui de « l’artiste en général [72] ». Le portrait littéraire, pénétrant et incisif, lui semble bien convenir à l’expression de son emportement et de son dégoût. L’allégorie cède le pas à l’évidence de l’image dictée par la haine. L’aspiration à l’autoportrait [73] – l’impossible autoportrait de Mon cœur mis à nu – s’est désormais convertie en fièvre satirique.

34Théoricien du portrait et portraitiste poétique, Baudelaire a également été un croqueur de talent. Honoré Daumier, qui avait conservé quelques dessins de Baudelaire, les a comparés « pour la netteté et l’esprit aux portraits français du xvie siècle, de la collection du Louvre [74] ». Les modèles de Baudelaire – souvent caricaturés, accompagnés de vignettes ou de descriptifs – ont été des plus variés : Jeanne Duval, sa maîtresse ; des femmes restées mystérieuses ou peuplant son univers poétique, comme la Fanfarlo ; des amis (Charles Asselineau) ou des connaissances (Auguste Blanqui, Proudhon). Dans ce groupe de trente-neuf planches ou pages connues contenant des dessins – outre six portraits dont l’attribution reste incertaine –, recueillies en 2003 par Claude Pichois et Jean-Paul Avice [75], douze contiennent des autoportraits. En 2013, un dessin aquarellé, comprenant un autoportrait de Baudelaire, entouré de douze croquis en graphite, a été découvert dans le fonds d’atelier d’un sculpteur, Geoffroy Dechaume. Ce dessin a servi de modèle à Félix Bracquemond pour une eau-forte, reproduite en 1868 dans la biographie d’Asselineau, Charles Baudelaire. Sa vie et son œuvre (Paris, Alphonse Lemerre), avec cette mention : « Dessiné par Baudelaire 1848. » D’après une note publiée dans la Nouvelle revue de poche le 17 septembre 1868 (p. 409), ce dessin aquarellé aurait appartenu à Daumier.

Figure 1

Charles Baudelaire, « Portrait de Champfleury », fac-similé reproduit dans Précieux livres, reliures et manuscrits, Hôtel Drouot, 9 et 10 mai 1963, p. 15.

figure im1

Charles Baudelaire, « Portrait de Champfleury », fac-similé reproduit dans Précieux livres, reliures et manuscrits, Hôtel Drouot, 9 et 10 mai 1963, p. 15.

35Parmi les amis de Baudelaire, Champfleury a probablement été la cible préférée de ses portraits charges. Pape du réalisme, le romancier et critique d’art est l’auteur d’une Histoire de la caricature en cinq volumes, publiée entre 1865 et 1880. Selon Asselineau, la figure anguleuse et pittoresque de Champfleury se prêtait bien aux caricatures de Baudelaire : « Notre ami portait les cheveux longs ; son front s’ombrageait de mèches emmêlées et pleureuses qui contrastaient avec sa physionomie narquoise, accentuée par un menton en galoche et des moustaches de chat [76]. » En commentant un portrait charge réalisé vers 1850, Asselineau ajoutait : « Il est sensible que Baudelaire a crayonné ce croquis avec plaisir, avec affection même, et non sans contentement, il l’a signé de sa propre charge, remarquable par le développement libéral donné au nez de priseur qu’il avait reconnu à Samuel Cramer, son pseudonyme de la nouvelle La Fanfarlo[77]. » Au total, le recueil des dessins de Baudelaire par Claude Pichois et Jean-Paul Avice répertorie cinq portraits charges de Champfleury, où celui-ci est toujours représenté de profil [78]. Mais un autre dessin de la plume de Baudelaire, représentant Champfleury de face, n’y apparaît pas et semble aujourd’hui inconnu. Ce portrait se trouve au bas d’une page, rédigée par le poète, contenant les notices des tableaux qui accompagnaient l’envoi de Courbet au Salon de 1849. Baudelaire voulut croquer sur le vif son ami Champfleury, qui était aussi un grand admirateur de Courbet. En 1855, définitivement éloigné de l’école réaliste, le poète aura un mot dur sur Courbet : Champfleury, écrit-il, « l’a intoxiqué [79] ».

36Ce document, dont le texte fut publié par Claude Pichois en 1971 [80], est passé en vente, à Drouot, en mai 1963. Nous reproduisons ici [fig. 1] la page donnée en fac-similé dans le catalogue de vente [81].

Notes

  • [1]
    Fo 68 ; Fusées. Mon cœur mis à nu […], édition d’André Guyaux, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2016, p. 113.
  • [2]
    Rémi Brague, Image vagabonde. Essai sur l’imaginaire baudelairien, Chatou, Les Éditions de la transparence, 2008, p. 10.
  • [3]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 1975, p. 785.
  • [4]
    Ibid., t. II, p. 464.
  • [5]
    Ibid.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    Ibid.
  • [8]
    Ibid., p. 433.
  • [9]
    Ibid., p. 432. Henri Heine, De la France, Paris, E. Renduel, 1833, p. 309.
  • [10]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. II, p. 418.
  • [11]
    Charles Baudelaire, « Salon de 1859 », Revue française, 10 et 20 juin, 1er juillet 1859 ; ibid., p. 659. Voir aussi le commentaire de Wolfgang Drost dans son édition du Salon de 1859, établi avec un relevé de variantes, un commentaire et une étude sur « Baudelaire critique de l’art contemporain » par Wolfgang Drost, avec la collaboration de Ulrike Riechers, Paris, Honoré Champion, coll. « Textes de littérature moderne et contemporaine », 2006.
  • [12]
    Charles Baudelaire, Correspondance, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 1973, p. 578.
  • [13]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. II, p. 654.
  • [14]
    Ibid., p. 655.
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Charles Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne », Figaro, 26 et 29 novembre, 3 décembre 1863, ibid., p. 586.
  • [19]
    Charles Baudelaire, « Salon de 1859 », ibid., p. 657.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    Ibid.
  • [22]
    Charles Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne », ibid., p. 695-696.
  • [23]
    Ibid., p. 696.
  • [24]
    Ibid., p. 614.
  • [25]
    Ibid., p. 616.
  • [26]
    Louis Figuier, La Photographie au Salon de 1859, Paris, Hachette, 1860, p. 5-6.
  • [27]
    Ibid., p. 31-32.
  • [28]
    Charles Baudelaire, « Salon de 1859 », Œuvres complètes, ouvr. cité, t. II, p. 617.
  • [29]
    Ibid., p. 619.
  • [30]
    Ibid., p. 617.
  • [31]
    Ibid. Antoine Compagnon a montré que, à l’époque de Baudelaire, cette comparaison était courante (Baudelaire l’irréductible, Paris, Flammarion, coll. « Tandem », 2014, p. 120-124).
  • [32]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. I, p. 86.
  • [33]
    Ibid., p. 101. Éric Darragon (« Nadar double », Critique, août-septembre 1985, no 459-460, p. 860-877), Philippe Ortel (La Littérature à l’ère de la photographie. Enquête sur une révolution invisible, Nîmes, Jacqueline Chambon, coll. « Rayon photo », 2002) et Jérôme Thélot (Les Inventions littéraires de la photographie, Paris, PUF, 2003) ont, d’autre part, interprété « Le Rêve d’un curieux » comme la transposition, poétique et occultée, d’une séance de pose en chambre noire.
  • [34]
    Voir Jean Starobinski, La Mélancolie au miroir. Trois lectures de Baudelaire, Paris, Julliard, 1989.
  • [35]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. I, p. 19.
  • [36]
    Ibid., p. 119.
  • [37]
    Charles Baudelaire, « Salon de 1859 », ibid., ouvr. cité, t. II, p. 618.
  • [38]
    Charles Baudelaire, « De l’essence du rire », Le Portefeuille, 8 juillet 1855, ibid., p. 529.
  • [39]
    Ibid., p. 526.
  • [40]
    Ibid., p. 530. Voir : Bertrand Tillier, « La caricature : une esthétique comique de l’altération, entre imitation et déformation », dans Esthétique du rire, Alain Vaillant (dir.), Nanterre, Presses universitaires de Paris Ouest, coll. « Orbis litterarum », 2012, p. 259-275.
  • [41]
    Sur le rapport de Baudelaire avec la photographie, voir : Antoine Compagnon, Baudelaire l’irréductible, ouvr. cité, p. 91-167 ; Dominique de Font-Réaulx, « Le modèle idéal de “l’humble servante”. Baudelaire et la photographie », dans L’Œil de Baudelaire, avec une préface d’Antoine Compagnon et une postface de Jean Clair, Paris, Paris Musées, 2016, p. 153-159.
  • [42]
    Cette photographie a été acquise en 2014 par le Musée d’Orsay.
  • [43]
    Champfleury, « Le poète Baudelaire », Figaro, 12 août 1866, p. 1-2 : rééd. dans André Guyaux, Baudelaire. Un demi-siècle de lectures des Fleurs du Mal (1855-1905), Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, coll. « Mémoire de la critique », 2007, p. 411.
  • [44]
    Nadar, Quand j’étais photographe, préface de Léon Daudet, Paris, Ernest Flammarion, 1900, p. 243-244.
  • [45]
    Charles Baudelaire, Correspondance, ouvr. cité, t. II, p. 554.
  • [46]
    Ibid.
  • [47]
    Jean-Christophe Bailly, « Baudelaire photographe », L’Année Baudelaire, 2015, no 18-19 : Baudelaire antimoderne, textes réunis par Antoine Compagnon, avec la collaboration de Matthieu Vernet, p. 89-102, ici p. 94.
  • [48]
    Ibid.
  • [49]
    Ibid., p. 96.
  • [50]
    Charles Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne », Œuvres complètes, ouvr. cité, t. II, p. 685.
  • [51]
    Ibid., p. 686.
  • [52]
    Ibid., p. 687.
  • [53]
    Ibid., t. I, p. 93.
  • [54]
    Voir, en particulier Jean Starobinski, « Sur quelques répondants allégoriques du poète », Revue d’histoire littéraire de la France, avril-juin 1967, no 2, p. 402-421.
  • [55]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. I, p. 112.
  • [56]
    Ibid., p. 113.
  • [57]
    Ibid., p. 168.
  • [58]
    Ibid., p. 169.
  • [59]
    John E. Jackson, Baudelaire sans fin. Essais sur Les Fleurs du Mal, Paris, José Corti, coll. « Les Essais », 2005, p. 46.
  • [60]
    Baudelaire à Nadar, 16 mai 1859 ; Correspondance, ouvr. cité, t. I, p. 577.
  • [61]
    Patrick Labarthe, Baudelaire et la tradition de l’allégorie, Genève, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », 1999, p. 35.
  • [62]
    Ibid., p. 46.
  • [63]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. I, p. 99.
  • [64]
    Ibid., p. 98-99.
  • [65]
    Ibid., p. 40.
  • [66]
    Voir, par exemple, « La Belle Dorothée » et « Portraits de maîtresses ». Dans une liste de « poèmes à faire », Baudelaire cite aussi « Les Reproches du portrait » ; dans une liste de titres pour des « romans et nouvelles », « Le Portrait fatal ? » et « Le Portrait impossible » (ibid., p. 366, 588-589).
  • [67]
    Ibid., p. 355.
  • [68]
    Patrick Labarthe présente Petits poèmes en prose de Charles Baudelaire, Paris, Gallimard, coll. « Foliothèque », 2000, p. 123.
  • [69]
    Charles Baudelaire, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. II, p. 60.
  • [70]
    On trouve ce titre dans les Marginalia de Poe. Voir les notes de Claude Pichois, ibid., t. I, p. 1490.
  • [71]
    Fo 31, Fusées. Mon cœur mis à nu […], ouvr. cité., p. 95.
  • [72]
    Fo 25, ibid., p. 92.
  • [73]
    Voir Michel Schneider, Baudelaire. Les années profondes, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 63.
  • [74]
    Voir Le Petit Figaro du 24 juillet 1868.
  • [75]
    Claude Pichois, Jean-Paul Avice, Les Dessins de Baudelaire, Paris, Textuel, 2003.
  • [76]
    Auguste Poulet-Malassis, Sept dessins de gens de lettres, Paris, Rouquette, 1874, p. 5.
  • [77]
    Ibid.
  • [78]
    Parmi ces cinq portraits, il me semble néanmoins que l’identification du profil esquissé dans la planche n8 avec Champfleury, proposée par Claude Pichois et Jean-Paul Avice (Les Dessins de Baudelaire, ouvr. cité, p. 22, 100-101), est incorrecte. Ce profil pourrait se rapporter au profil inversé qui se trouve à sa droite, dans la même planche.
  • [79]
    Charles Baudelaire, ébauche de Puisque réalisme il y a, Œuvres complètes, ouvr. cité, t. II, p. 57.
  • [80]
    Dans Études baudelairiennes. II, Neuchâtel, À la Baconnière, 1971, p. 69-71.
  • [81]
    Précieux livres, reliures et manuscrits, Hôtel Drouot, 9 et 10 mai 1963, p. 157.
Français

Dans cet article, j’étudie la théorie du portrait développée par Baudelaire, de son Salon de 1846 à ses derniers écrits, ainsi que la place et le rôle du portrait dans sa poésie. Préoccupé par le succès de la photographie et donc de la représentation mimétique, Baudelaire défend une conception du portrait où la fidélité – physique et morale – au modèle laisse une part décisive à l’imagination. L’interrogation posée à l’art par le portrait, dans une époque où l’image prolifère, est placée par Baudelaire au cœur de sa poésie. Il y sert de relais à l’allégorie. Finalement, avec Mon cœur mis à nu, le poète décline le portrait sous une ultime forme : celle de l’invective.

English

This paper focuses on Baudelaire’s theory of the portrait as developed from his Salon de 1846 to his last writings, as well as on the place and role of the portrait in his poetry. Preoccupied by the success of photography and therefore by mimetic representation, Baudelaire defends a conception of the portrait where faithfulness – physical and moral – to the model requires participation from the imagination. The question portraits ask of art, at a time when images are proliferating, is at the heart of Baudelaire’s poetry. Portraits in his poetry relay allegory. And finally, with My Heart Laid Bare (Mon coeur mis à nu), the poet gives the portrait a final shape: that of invective.

Andrea Schellino
(Université Paris-Sorbonne)
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/09/2017
https://doi.org/10.3917/rom.176.0047
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