CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1« S’il était possible […] d’avoir un dessin exact de ceux qui périssent sur l’échafaud, la science de Lavater et celle de Gall prouveraient invinciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces gens […] des signes étranges [2]. » Si ces propos du narrateur balzacien participent pleinement d’une conception « sémaphorique [3] » du corps au fondement de la physiognomonie et de la phrénologie, ces quelques lignes contiennent avant tout la célébration du portrait comme médium privilégié d’une figuration du mal. Substituant au « dessin » la description d’un personnage sur qui « ce sceau […] était empreint [4] », Balzac consacre alors le portrait littéraire comme configuration inégalable de la violence : par sa force de représentation, la description apparaît comme un discours exemplaire permettant d’envisager le crime, les mots du texte relayant au mieux le langage figural du corps.

2Mais faire du portrait littéraire de criminel une illustration de la violence tend à confondre plastique et énergie, image et acte et, par là même, description et narration. Parce que « décrire plus » revient à « raconter plus [5] », le portrait physiognomonique propose en effet un corps à histoires, histoire personnelle du personnage, en premier lieu, mais aussi histoire narrative du roman. Or cette signification actancielle et diégétique du corps est portée à son comble dans le cas du meurtrier dont les signes physiques renvoient directement à l’action dans son essence la plus dynamique : paroxysme de brutalité, le crime sanglant s’impose en effet comme l’acte brut par excellence. Immanquablement, le trait appelle le coup dans une confusion des régimes narratif et descriptif et le crime se fait roman entre les lignes du corps. Télescopage de la scène et de la picturalité, le portrait du criminel balzacien constituerait donc une scénographie du mal, le modelé du corps se faisant alors véritablement drame.

3Or cette confusion du trait et du fait violent opère à travers les signes physiques d’une force hyperbolique, véritable apanage d’une énergie quintessenciée tendue vers l’action. C’est en effet par le truchement d’une constitution où tout renvoie à la vigueur et à la robustesse que le motif peut se faire brutalité. Le corps criminel balzacien s’illustre ainsi par une matérialité outrée, marquée par la compacité et la tension. Mais bien loin d’appartenir exclusivement à l’imaginaire balzacien de la violence, cette sémiologie d’un mal galvanisant récupère les images consensuelles d’une effervescence paroxystique présentes, jusque dans les traités médicaux contemporains, sans pour autant en être le simple relais. À ces signes physiologiques s’ajoute en effet tout un réseau métaphorique qui tire le criminel du côté du minéral sans inférer une quelconque réification car, représentations hyperboliques de la compacité de sa chair, métaux et roches portent en eux la menace constante de l’explosion.

Crime et tempérament : pour une physiologie de l’énergie

4« Trop-plein de sève » et « animé […] d’une autre vie que le commun du troupeau humain [6] », le criminel se distingue avant tout, chez Balzac et dans la première moitié du xixsiècle, par une charge énergétique, qui, selon une logique du comble, renverse sa vitalité surabondante en principe mortifère. S’opposant à un « siècle mou [7] », les assassins balzaciens proclament la supériorité du fait sur le verbe lénifiant au moyen d’un crime – vol et meurtre – représenté comme une suprême dépense d’énergie :

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Leurs facultés étant incessamment tendues à voler, et l’exécution d’un coup exigeant l’emploi de toutes les forces de la vie, une agilité d’esprit, égale à l’aptitude du corps, une attention qui abuse leur moral, ils deviennent stupides, hors de ces violents exercices de leur volonté, par la même raison qu’une cantatrice ou qu’un danseur tombent épuisés après un pas fatigant ou après l’un de ces formidables duos qu’infligent au public les compositeurs modernes [8].

6Le crime se définit donc, chez Balzac, comme un apogée de vitalité mobilisant toutes les ressources de l’individu, à tel point que la tension paroxystique du corps et de l’esprit, tous deux subordonnés à l’acte, oriente le crime vers la performance. Véritable prouesse corporelle et merveille d’attention, le forfait monopolise les capacités du hors-la-loi par un double phénomène de concentration, qui place le corps criminel au confluent d’un régime de l’intensité et de la densité. En effet, que le crime revête les atours de la prestation induit tout d’abord une corrélation entre énergie et action, celle-ci devenant la condition même de celui-là, mais surtout, elle requalifie le crime en exploit, de sorte que l’énergie s’impose comme un signe électif au fondement de l’exception.

7Or, si le galvanisme audacieux et pléthorique du criminel participe d’un culte romantique de la violence qui fait du hors-la-loi un avatar du héros, Madeleine Ambrière invite à situer l’énergie balzacienne « tant dans sa conception que dans son expression, du côté de la science, entre les mouvantes frontières des sciences naturelles, de la médecine, des sciences occultes, de l’illuminisme et du mysticisme [9] ». En effet, associant la vieille théorie des humeurs au principe épistémologique contemporain d’une confusion du moral et du physique, la médecine de la première moitié du xixsiècle s’est fortement intéressée aux prédispositions physiologiques de l’individu énergique. De Cabanis à Descuret en passant par Bourdon, l’étiologie du caractère et de l’homme en interroge nécessairement la complexion. Or, comme le rappelle Michel Delon, la comparaison des quatre tempéraments hérités de l’Antiquité ouvrit, à la toute fin du xviiisiècle et sous l’influence de Cabanis, sur la « promotion du bilieux dans l’échelle de l’énergie [10] ». En effet, parmi les quatre tempéraments hérités de l’Antiquité, celui où la bile prédomine est sans cesse présenté dans les traités médicaux comme le corollaire d’une force et d’une impulsivité tendues vers l’action, dont l’outrance oscille entre crime et sublime. Tempérament des « hommes éminemment sensibles, actifs et persévérants [11] » parmi lesquels figurent Alexandre, César et Napoléon, il est présenté comme la cause d’une énergie superlative dont les signes physiques font l’objet d’un véritable consensus. Ainsi Isidore Bourdon précise-t-il, dans son ouvrage La Physiognomonie et la phrénologie, que

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ses cheveux sont noirs ou brunâtres, gros et rudes, souvent hérissés ; la barbe est dure et épaisse, et voilà même d’ou vient le proverbe Vir pilosus, aut fortis, aut libidinosus ; car les bilieux sont doués d’une force remarquable, et leurs passions ont une grande énergie. Ordinairement pourvus de peu d’embonpoint, leurs veines superficielles sont fort apparentes, leurs muscles nettement dessinés ; et leurs formes anguleuses, plutôt athlétiques que belles […] [12].

9Une description similaire apparaît plus tard sous la plume de Moreau-Christophe, ancien Inspecteur général des prisons, qui se pose en sémiologue du crime dans son Monde des coquins :

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Ce tempérament est celui qui caractérise plus particulièrement ces êtres sublimes ou dangereux, dont de grands travaux, de grands talents, de grandes erreurs, de grandes fautes, de grands crimes, sont l’apanage.
Ces hommes qui veulent tout emporter par la force, la violence, l’impétuosité ; et qui sont, incessamment, entraînés par le torrent de leur imagination ou de leurs passions, sont remarquables par — une physionomie hardie et prononcée, des yeux étincelants, — un visage sec et souvent jaune, — des cheveux d’un noir de jais, quelquefois crépus, — une charpente forte, mais sans embonpoint, — des muscles vigoureux […] — un corps maigre et des os saillants, — un pouls fort, brusque, dur. […]
Beaucoup de coquins de ce tempérament se rencontrent dans nos prisons et dans nos bagnes [13].

11Tel serait donc le portrait de l’homme d’initiative, et par extension, du criminel, qui se définit ici au sens strict comme mal-faiteur. Comme le grand homme, le criminel bouleverse les normes par sa nature survoltée, et bien que double inversé du héros, l’énergie qui le distingue l’auréole du panache de l’extraordinaire. Virilité et volonté, force et fougue se donneraient ainsi à lire dans une constitution et un physique de caractère suivant un principe d’équivalence entre silhouette affirmée, voire tranchée, et personnalité assurée. Exempte de toute forme de mollesse ou de relâchement, la physionomie marquée et profilée propre au tempérament colérique s’illustre par la quintessence matérielle du muscle et de l’os, que le corps décline en un double régime de la tonicité et de la concentration. De tels personnages se distinguent en effet par la densité d’un corps massif sans gigantisme : accentuation et proéminence des traits, rigidité musculaire et foisonnement pileux, chaque détail physique semble marqué par une matérialité compacte. Les muscles dessinés et turgides ou encore l’ossature voyante terminent de faire de ces personnages troubles une incarnation de la fermeté et de la volonté agissante. Corps brutal, le criminel est avant tout un corps abrupt dont les saillies et l’angulosité dessinent une véritable géométrie de la puissance : contre toute idée de douceur et de rondeur, le corps criminel s’illustre par sa rugosité et par sa rigidité, en excluant la courbe au profit de l’arête. Découpé et découplé, il se caractérise donc par un relief fait de saillies et de retraits ainsi qu’au moyen d’une matérialité hyperbolique au confluent du foisonnement et de la compression.

12Or les romans balzaciens du crime sont peuplés de figures et de poitrines hirsutes, de corps galbés et musculeux, gainés par une peau qui en moule les arêtes tranchantes. Toutefois, Balzac ne précisant jamais le tempérament de ses personnages criminels, il ne sera pas question ici de démontrer que les assassins sont de complexion bilieuse. Mais, ainsi que le remarque Christine Marcandier-Colard, « la nouvelle exploration du physiologique entraîne les écrivains romantiques à décrire le corps dans sa capacité à produire l’énergie et la violence. Beauté, muscles, volcanisme rappellent la force des personnages qui souvent doivent chercher dans l’exercice ou le crime un dérivatif à la violence de leur constitution [14] ». Nous serons ainsi sensible à la circulation d’une symptomatologie de la force ayant ouvert, dans l’imaginaire romanesque, sur une esthétique de la violence.

Un corps entre massivité et sécheresse

13En effet, le corps du meurtrier balzacien ne saurait être une « surface plane » car, « saisi dans ses développements et enveloppements volumétriques [15] », il s’étoffe et s’épaissit, littéralement bourré de chair et de vie. L’énergie superlative du personnage ressortit à une véritable concentration qui leste son corps d’une matérialité et d’une pesanteur patentes. Aussi les criminels balzaciens sont-ils, comme Farrabesche, le chauffeur du Curé de village, « développés du côté du physique [16] », présentant une corporéité audacieuse au confluent de la densité, de l’intensité et du relief. Non seulement le meurtrier balzacien ne saurait être une simple figure plate et lisse mais encore son corps se définit au rebours de toute inconsistance et de toute finesse : indéniablement, aspérités et découpes creusent ou bombent une physionomie faite corps. En effet, contre toute idée de débordement et à l’inverse des « membres flasques d’une société gangrénée [17] » que daube Vautrin dans Le Père Goriot, le corps criminel s’illustre par sa profusion matérielle et sa tonicité.

14Une telle charge physique ressort, dans un premier temps, de la sécheresse compacte et nerveuse de certains personnages, dont la ressemblance avec le type bilieux est frappante. Tel est ainsi le cas de Ferragus, qui apparaît à Maulincour comme « un homme long et sec, […] laiss[ant] voir un cou protubérant, fortement sillonné, composé de veines grosses comme des cordes [18] » ou bien de Paccard, le bras droit de Herrera dans Splendeurs et misères, qui est décrit comme « un homme à jarret de fer, à bras d’acier, […] un colosse, excessivement fendu, […] sans trop de chair sur les os […]. Sec, agile, prêt à tout et à toute heure [19] ». L’idée d’une concentration opposée à tout effet de dilution et de délitement renvoie, dans ces deux descriptions d’assassins, au même imaginaire de la compacité en révélant la quintessence matérielle du corps criminel : Ferragus et Paccard présentent ainsi un corps brut, dépouillé de tout excédent et de toute contingence qui viendraient lénifier la pureté de sa matérialité [20]. Mais c’est le portrait de l’indomptable Butifer qui semble le plus influencé par le diagnostic médical d’une énergie tempétueuse :

15

Butifer était un homme jeune, de taille moyenne, mais sec, maigre et nerveux, de qui la beauté virile frappa Genestas […]. Il avait une mâle figure, brûlée par le soleil. […] Les pommettes de ses joues étaient recouvertes de duvet. […] Sa barbe, ses moustaches, ses favoris roux, qu’il laissait pousser et qui frisaient naturellement, rehaussaient encore la mâle et terrible expression de sa figure. En lui, tout était force. Les muscles de ses mains continuellement exercés avaient une consistance, une grosseur curieuse. Sa poitrine était large, et sur son front respirait une sauvage intelligence. Il avait l’air intrépide et résolu […] [21].

16Musculature, pilosité et sécheresse fondent ici la survirilité tumultueuse et farouche du personnage, le portrait reprenant à la symptomatologie physiologique de l’énergie les indices de la fougue. Contre toute hésitation, contre tout tremblement des contours, le corps criminel relève de la ciselure, à la fois par la dureté de sa constitution mais encore par la netteté des lignes qui le définissent. D’ailleurs la description physique aboutit à un commentaire moral des plus significatifs : formes et contours à l’âpre définition induisent, selon une logique mimétique, une sauvagerie pleine d’assurance. En effet, l’intransigeance du trait semble à l’avenant d’une volonté impérieuse et intraitable. Ce corps aigu, sillonné, veiné s’impose véritablement ici comme l’exacte traduction d’une volonté fatale, sans cesse tendue vers l’action. Mieux, l’aspect fruste du malfaiteur s’oppose à toute harmonie policée au point de concilier contention et anarchie. En effet, si la figure criminelle s’impose comme silhouette compassée, la pléthore matérielle dont elle est le fruit s’accompagne nécessairement des signes du chaos. Or c’est dans ce jeu entre maintien et démesure que s’instille toute la potentialité transgressive du meurtrier.

17Toutefois, à côté de ces corps fendus se trouvent des physionomies trapues chez qui un gigantisme horizontal substitue l’épaisseur et le volume à la sécheresse : corps ramassé à la matérialité condensée et contenue, l’assassin est soumis alors à un régime de la saturation par un effet d’exacerbation des signes de la puissance. En effet, les indices corporels de la vigueur subissent, pour bon nombre de figures criminelles, un changement d’échelle. Entre consistance et compacité, le meurtrier balzacien constitue ainsi pleinement une figure écrasante, véritable double inversé de l’archétype de la mollesse et du vide qu’est Poiret [22]. Nouvelle contestation de la longueur et de l’étirement, le corps du meurtrier « massif » se démarque ainsi par son épaisseur et sa densité comme en témoigne, de manière exemplaire, le physique du pirate Argow :

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Il était basané, un peu gros, petit […] Enfin, la nature l’avait taillé en grand : ses épaules étaient larges, sa tête grosse […] ; ses cheveux crépus et noirs se frisaient d’eux-mêmes en annonçant la force, et ses muscles saillants, ses contours, sa barbe fournie, ses favoris épais indiquaient une force de corps prodigieuse [23].

19Le portrait d’Argow s’ouvre sur une antithèse particulièrement éclairante qui nie tout en l’affirmant la grandeur du personnage : bien que « petit », le pirate est « taillé en grand ». Mais la contradiction n’est qu’apparente puisque la grandeur ne s’applique pas à la taille mais à la carrure, posée d’entrée comme massive. En effet, la description exclut toute idée de verticalité pour se concentrer sur la largeur du corps criminel dont l’envergure se développe véritablement à l’horizontale. Tout ici connote la profusion et la matérialité, depuis les muscles jusqu’à la barbe. Netteté des contours, largeur du corps, opulence de la pilosité concourent ainsi à brosser le portrait d’un héros râblé, carré et robuste. Par le crime, le corps devient corpulence. Le cou se présente ainsi souvent comme un résumé de ces physionomies ramassées par sa petitesse et son large diamètre, ce sur quoi insistent les portraits de Michu, dont le « cou est court et gros [24] », de Montriveau, membre de la sanglante association des Treize et « homme à cou de taureau [25] », ou encore de Farrabesche, dont « la taille moyenne, les épaules fortes, le cou rentré, très court [26] » signalent l’énergie. La mention du « cou rentré » termine de faire du corps du criminel un corps comprimé, dont la chair serrée et compacte est gainée, comme sous pression. La violence potentielle de ces corps massifs culmine alors avec la référence au modèle mythologique de la force qu’est Hercule et à d’autres figures fantasmatiques de la surpuissance. Ainsi, si Carlos Herrera dénude sous les yeux médusés des instances juridiques un torse digne de l’Hercule Farnèse, le comte d’Hérouville ressemble à « l’un de ces ogres dont les terribles histoires […] sont racontées par les nourrices [27] ». L’épaisseur compacte et le gigantisme horizontal d’un corps aussi massif que ferme sont d’ailleurs partagés par bon nombre de hors-la-loi romanesques et constituent jusque dans les monographies du crime la caractéristique du type violent. Que l’on compare, par exemple, le Maître d’école de Sue ou bien le bagnard dont Lauvergne fait le portrait dans Les Forçats, individus chez qui les signes d’une force superlative s’exposent dans une uniformité quasi sérielle : le terrifiant personnage des Mystères de Paris n’a « guère plus de cinq pieds deux ou trois pouces ; sa tête démesurément grosse, [est] enfoncée entre deux épaules larges, élevées, puissantes, charnues […] », il a en outre « les bras longs, musculeux, les mains courtes, grosses et velues », bref, « cet homme annon [ce], en un mot, l’exagération de ce qu’il y a de court, de trapu, de ramassé dans le type de l’Hercule Farnèse [28] ». Pareillement, le forçat décrit par le disciple de Gall est un « petit homme trapu, à formes physiques grossières, abruptes, sans grâce. Sa tête [est] soutenue par un col large, court, à saillies musculaires prononcées [29] ». Or cet imaginaire de la râblure trouve un écho dans un autre type physiologique que développe Descuret et dont la particularité réside dans un développement singulier de « l’appareil de la locomotion [30] », et donc, des muscles :

20

Cette prédominance, dont l’Hercule de Farnèse offre le type le plus parfait, se distingue par des caractères assez tranchés. […] [Le] cou […] est volumineux et renfoncé, surtout en arrière ; les épaules, larges et arrondies, présentent des éminences et des dépressions, la poitrine est remarquable par son ampleur et le développement des pectoraux, les muscles du dos et des lombes sont également très-prononcés, et laissent dans leur intervalle un vaste sillon au fond duquel on voit se dessiner la colonne épinière. […] Les individus ainsi constitués ne sont pas, en général, d’une haute stature ; leur tissu musculaire est peu chargé de graisse […] [31].

21Ces textes sont si proches les uns des autres qu’ils apparaissent comme les déclinaisons d’une même rhétorique de la force au service d’une totale confusion de l’esthétique et du physiologique. Comme chez Balzac, ce type de l’homme fort se présente comme une amplification horizontale du tempérament bilieux : même musculature, même largeur d’épaules, même saillance des traits et des contours, soumises toutefois à une grammaire de l’amplification. Non seulement le corps ressortit à l’épaisseur mais surtout à une largeur, un développement horizontal qui lestent la stature du criminel d’une puissance supérieure. La disparité observée entre les deux catégories d’hommes vigoureux naît ainsi d’un effet de compression vertical, manifeste dans la petitesse du cou et de la taille. Succède ainsi à la force sèche et nerveuse une vigueur attachée à l’abondance charnelle sans adiposité. S’il y a bien phénomène de grossissement pour nombre de criminels balzaciens, celui-ci ne convoque en aucun cas l’image de l’embonpoint, apanage du bourgeois atone et apathique, mais l’accentuation d’une richesse musculaire, d’un véritable luxe matériel, qui leste le corps d’une robustesse exemplaire. Le corps criminel se positionne donc ici du côté de la démesure et du trop-plein sans jamais impliquer la dispersion ou la débauche de chair car, soumise à un effet de compression accrue, elle est la manifestation d’une tension démultipliée. Cette physionomie à l’exubérance contenue et au panache dompté se démarque ainsi par une force tout autant profuse qu’infuse.

22L’intensité et la densité dont nous avons pu voir les signes dans le portrait physiologique du tempérament colérique sont donc exacerbées par un régime de l’ampleur et de l’amplitude qui inscrit le corps criminel dans le champ du colossal et du monumental, réalisant ainsi selon des régimes différents « la perpétuelle apothéose de la force [32] ». Mais que l’ampleur soit corrigée par la petitesse ou que la longueur s’associe à la nervosité, le meurtrier balzacien relève nécessairement de la compacité et de la tension par le lacis serré de ses muscles et par la résistance de son ossature [33]. Sa richesse matérielle oscille ainsi entre opulence et sécheresse, sans débordement ni carence car, incarnation de la matérialité épurée, le corps de l’assassin est soumis à un régime de la plénitude préservée tout autant de l’excès que du défaut lénifiants. D’ailleurs, ces deux types criminels de la force en action sont réunis par le partage d’une même imagerie de la consistance : en effet, la concentration de force et d’énergie trouve une expression privilégiée dans les références minérales, images absolues de la compacité.

Densité et imaginaire minéral

23La référence minérale revient, en effet, de manière paradigmatique au fil des portraits comme métaphore privilégiée de la saturation matérielle du corps meurtrier. Ainsi le bronze, le fer et le cuivre sont-ils convoqués pour dire la rigidité, sans raideur, du corps et l’intransigeance du caractère. Présent jusque dans l’onomastique – Butifer, Taillefer, Ferragus, Farrabesche, Fario ou encore Herrera, construit sur « Herrero », le forgeron en espagnol, le métal nourrit tout un imaginaire de la résistance et de l’inflexibilité. Ainsi les corsaires à la solde de Victor, le pirate de La Femme de trente ans, pourraient être confondus, au dire du narrateur, avec « des statues de bronze. La mort les aurait tués sans les renverser [34] ». De la même manière, alors que Maulincour cherche à pénétrer dans l’appartement de Ferragus, ce dernier lui barre littéralement le passage : « Mais Ferragus étendit le bras et rejeta vivement l’officier en arrière par un mouvement si sec qu’Auguste crut avoir reçu dans la poitrine un coup de barre de fer [35]. » Aussi dur que solide, le corps de l’assassin se dresse, implacable et invulnérable. Mais, coulé dans le métal, le criminel balzacien est aussi taillé dans la pierre et sa stature emprunte à la matérialité de la statue. Figure sculpturale, l’assassin s’impose par la contraction et par l’aspect gainé d’un corps exempt de toute détente ; sa chair serrée, ses muscles tendus et le modelé de sa physionomie n’ont d’égal que la compacité inaltérable de la pierre ouvragée. Lisbeth Fischer [36] est ainsi semblable à ces « cousines germaines d’Isis et des divinités mises en gaine (nous soulignons) par les sculpteurs égyptiens. C’était du granit, du basalte, du porphyre qui marchait [37] », tandis que la ressemblance entre Carlos Herrera et l’Hercule Farnèse frappe les représentants de la loi. Mais déjà au début de Splendeurs et misères des courtisanes, le lecteur pouvait lire que « son buste d’athlète, ses mains de vieux soldat, sa carrure, ses fortes épaules appartenaient à ces cariatides que les architectes du Moyen Âge ont employées dans quelques palais italiens, et que rappellent imparfaitement celles de la façade du théâtre de la Porte-Saint-Martin [38] », lui qui s’apparente à « une Alpe froide, blanche et voisine du ciel, inaltérable et sourcilleuse, aux flancs de granit [39] ». La métaphore architecturale vient bien ici illustrer la robustesse hyperbolique d’un corps inébranlable, dont le mont, ceint de granit, est une autre image. Figure d’opposition, le meurtrier balzacien l’est donc avant tout de manière littérale par la résistance de sa chair resserrée et dense, incarnée dans un corps-support dont le métal et la roche viennent dire l’inégalable compacité.

24Pourtant, jamais l’extrême compacité qui emprunte à la réification métallique et minérale n’ankylose le corps criminel pour l’emprisonner dans une immobilité pétrifiée. En réalité, c’est en raison même de ce resserrement compact de la chair que peut advenir le débordement anomique car, soumis à une logique du comble, cette rigidité matérielle hyperbolique porte en elle les germes du chaos et de l’explosion. La contention du corps criminel est ainsi la condition nécessaire à la déflagration d’énergie que constitue le crime car seul un corps à charge peut générer une telle décharge. La chair comprimée de l’assassin balzacien, en tant qu’équilibre instable, implique donc la menace permanente de la fêlure et du surgissement jaculatoire de l’énergie. La minéralité du meurtrier fonde ainsi le volcanisme d’un organisme marqué par la fusion et l’éruption : véritable échauffement du corps, l’énergie provoque un effet de dilatation mettant en péril la résistance de l’enveloppe charnelle car, muée en éréthisme sous l’emprise de la passion, elle enflamme littéralement le corps meurtrier dans une débauche de lumière et de chaleur, comme si, plus que tout autre, son existence « [pouvait] se rêver comme incendie [40] ». Succèdent ainsi aux images de la résistance et de l’inflexibilité celles de l’embrasement et de la combustion, et ce, sans rupture sémantique, dans la mesure où le régime de la conflagration mobilise un même imaginaire minéral. Ainsi le regard de Collin, « éblouissant comme deux jets de plomb fondu [41] », épouvante-t-il la fragile Esther tandis que la cousine Bette, « cette fille de soufre et de feu [fait] frissonner Mme Marneffe [42] ». Apprenant l’amour de Steinbock pour la fille de sa cousine, Bette se laisse d’ailleurs emporter par une colère renvoyant au phénomène de l’inflammation : « Elle brûlait ! La fumée de l’incendie qui la ravageait semblait passer par ses rides comme par autant de crevasses labourées par une éruption volcanique [43]. » L’agitation qui ébranle Lisbeth se manifeste ainsi par le truchement de la consumation à laquelle son corps donne littéralement matière, si bien que l’énergie, empruntant au phénomène chimique, se comprend comme réaction. Au confluent des phénomènes chimiques et physiques, l’image géologique de l’éruption suffit, in fine, à placer le corps criminel du côté de la ressource et par là même, de la potentialité : figure chthonienne si ce n’est cosmique, le criminel emprunte ainsi à la nature l’imminence du déchaînement.

25Cette brève analyse du corps criminel chez balzacien a ainsi tenté de montrer que la violence se donne à lire à travers une densité matérielle au fondement d’une force hyperbolique. Envergure et sécheresse physiques renvoient, en effet, à un même imaginaire de la fougue et de la vigueur, qui dépasse largement les simples stylèmes romanesques pour se constituer diagnostic dans le vaste discours sur le crime de la première moitié du siècle. Or une physis de la force s’entrelace à cette physiologie de l’énergie au moyen d’un imaginaire de la roche et du métal qui culmine avec la métaphore géologique, sans pour autant figer le corps criminel : illustration hyperbolique de la mise en tension, cet imaginaire nourrit le volcanisme d’un organisme sans cesse menacé d’explosion et de débordement. Le physique accusateur n’est autre, dans ces conditions, qu’un physique accusé, au confluent de l’intensité et de l’insistance, tout autant qu’un corps-ressource sur lequel s’écrit une violence en puissance.

26L’énergie auréole alors le criminel du prestige de la force, et s’il n’est pas encore le génie du mal du roman policier, sa surpuissance emprunte déjà à l’héroïsme. En effet, caractéristique d’une « littérature où le crime est glorifié, […] parce qu’il ne peut être l’œuvre que de natures d’exception [44] » mais aussi des monographies médicales, la suprématie du meurtrier tire le corps criminel du côté de la supériorité. Si les discours tendent de plus en plus à faire du criminel l’incarnation d’une humanité dégénérée, les portraits d’assassins d’un Appert ou d’un Lauvergne laissent encore une impression de terreur mêlée de fascination. L’altérité du criminel relève alors d’une supériorité ambiguë tandis que l’inhumain s’efface au profit du surhumain. En définitive, la distinction opérée par les traités physiologiques entre grands hommes et criminels de tempérament bilieux fonctionne difficilement car la force, tant dans l’imaginaire romanesque que dans les portraits médicaux, insémine le mal de sublime.

Notes

  • [1]
    Parce que l’énergie sanguinaire se manifeste par les mêmes signes physiques qu’elle soit actualisée ou potentielle, nous considérerons ici non seulement les meurtriers effectifs mais encore les auteurs de tentatives d’assassinat, comme ceux chez qui la tentation de l’homicide est présente, sans oublier les membres des différentes sociétés secrètes à la réputation entachée de sang. Crimes, tentatives, tentations et complicités dessineront donc ici les contours d’une énergie coupable par laquelle le mal se donne à voir, parfois même sans se réaliser.
  • [2]
    Honoré de Balzac, Une ténébreuse affaire, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1977, t. VIII, p. 502.
  • [3]
    Philippe Hamon, Imageries. Littérature et image au xixsiècle, Paris, José Corti, « Les essais », 2001, p. 184.
  • [4]
    Honoré de Balzac, Une ténébreuse affaire, ouvr. cité, p. 503.
  • [5]
    Régine Borderie, Balzac, peintre de corps. La Comédie humaine ou le sens des détails, Reims, SEDES, 2002, p. 144.
  • [6]
    Hubert Lauvergne, Les Forçats considérés sous le rapport physiologique, moral et intellectuel, observés au bagne de Toulon, Paris, J.-B Baillière, 1841, p. 61-62.
  • [7]
    Honoré de Balzac, Le Père Goriot, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1976, t. III, p. 186.
  • [8]
    Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1977, t. VI, p. 846.
  • [9]
    Madeleine Ambrière, « Balzac et l’énergie », Romantisme, 1984, n° 46, p. 44.
  • [10]
    Michel Delon, L’Idée d’énergie au tournant des Lumières : 1770- 1820, Paris, PUF, « Littératures modernes », 1988, p. 263.
  • [11]
    Jean-Baptiste Félix Descuret, La Médecine des passions, Paris, Labé, 1844, p. 60.
  • [12]
    Isidore Bourdon, La Physiognomonie et la phrénologie, ou la connaissance de l’homme d’après les traits du visage et les reliefs du crâne, Paris, Charles Gosselin, 1842, p. 102.
  • [13]
    Louis-Mathurin Moreau-Christophe, Le Monde des coquins, Paris, E. Dentu, 1864, p. 107-108.
  • [14]
    Christine Marcandier-Colard, Crimes de sang et scènes capitales : essai sur l’esthétique romantique de la violence, Paris, PUF, 1998, p. 96.
  • [15]
    Philippe Hamon, Imageries, ouvr. cité, p. 195.
  • [16]
    Honoré de Balzac, Le Curé de village, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1978, t. IX, p. 773.
  • [17]
    Honoré de Balzac, Le Père Goriot, ouvr. cité, p. 219.
  • [18]
    Honoré de Balzac, Ferragus, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1977, t. V, p. 817.
  • [19]
    Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, ouvr. cité, p. 547.
  • [20]
    Exception à la règle, Tonsard, assassin sournois des Paysans, est un homme « plus gras que maigre […], envelopp[é] d’une chair molle ». Mais le narrateur a tôt fait de remarquer « la constitution musculeuse » du personnage et de noter que cette même « chair molle » est en réalité « trompeuse » : « sans la fausse bonhomie du fainéant et le laissez-aller [sic] du gobelotteur de campagne, cet homme eût effrayé les gens les moins perspicaces » (Les Paysans, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1949, t. IX, p. 92). La graisse ressortit ici à une stratégie de dissimulation et de duplicité dont seuls le narrateur et le lecteur ne sont pas dupes. Nié un instant, le corps musculeux de Tonsard s’affirme véritablement par ce jeu de caché-montré qui met en lumière la véritable nature du personnage.
  • [21]
    Honoré de Balzac, Le Médecin de campagne, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1949, t. IX, p. 494.
  • [22]
    Poiret est une figure désincarnée caractérisée par le repli et par le manque. Son pas mal assuré et sa physionomie fluette et flottante font du vieil homme le modèle de l’inconsistance (Le Père Goriot, ouvr. cité, p. 58).
  • [23]
    Honoré de Balzac, Annette et le criminel, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1999, p. 229 et 470.
  • [24]
    Honoré de Balzac, Une ténébreuse affaire, ouvr. cité, p. 503.
  • [25]
    Honoré de Balzac, La Duchesse de Langeais, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1977, t. V, p. 987.
  • [26]
    Honoré de Balzac, Le Curé de village, ouvr. cité., p. 765.
  • [27]
    Honoré de Balzac, L’Enfant maudit, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1979, t. X, p. 870.
  • [28]
    Eugène Sue, Les Mystères de Paris, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1989, p. 70.
  • [29]
    Hubert Lauvergne, Les Forçats, ouvr. cité, p. 52.
  • [30]
    Jean-Baptiste Félix Descuret, La Médecine des passions, ouvr. cité, p. 63.
  • [31]
    Ibid. p. 63-64.
  • [32]
    Arsène Houssaye, Histoire du 41e fauteuil de l’Académie française, Paris, L. Hachette et Cie, 1864, p. 331.
  • [33]
    Figure plus « équilibrée », Jean-François Tascheron ne semble pas présenter la musculature de bon nombre de criminels balzaciens. « Petit », il est certes « bien fait », mais le portrait ne détaille pas son corps, l’attention du portraitiste se focalisant davantage sur son visage, où les signes d’une énergie sanguinaire se multiplient. Ainsi c’est avant tout une observation empruntée à Lavater qui vient révéler l’ardeur cruelle du jeune homme. Comme dans le cas de Tonsard et d’Asie, « un trait de sa physionomie confirmait une assertion de Lavater sur les gens destinés au meurtre, il avait les dents de devant croisées ». De même, la carnation de ses lèvres, rouges comme le minium, « annonce une férocité contenue ». Toutefois, la physionomie de l’ouvrier est marquée par une chevelure abondante et dure, que le narrateur interprète sans équivoque comme un signe d’énergie : « ses cheveux crépus et durs, plantés assez bas, annonçaient une grande énergie » (Le Curé de village, ouvr. cité, p. 733).
  • [34]
    Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1976, t. II, p. 1185.
  • [35]
    Honoré de Balzac, Ferragus, ouvr. cité, p. 821.
  • [36]
    Rappelons ici que Lisbeth est bien un assassin potentiel, le texte précisant que « cette fille qui, bien observée, eût présenté le côté féroce de la classe paysanne, était toujours l’enfant qui voulait arracher le nez de sa cousine et qui peut-être, si elle n’était devenue raisonnable, l’aurait tuée en un paroxysme de jalousie » (La Cousine Bette, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1977, t. VII, p. 85-86).
  • [37]
    Honoré de Balzac, La Cousine Bette, ouvr. cité, p. 196.
  • [38]
    Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, ouvr. cité, p. 456.
  • [39]
    Ibid., p. 458.
  • [40]
    Jean-Pierre Richard, Études sur le romantisme, Paris, Seuil, 1970, p. 7.
  • [41]
    Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, ouvr. cité, p. 611.
  • [42]
    Honoré de Balzac, La Cousine Bette, ouvr. cité, p. 148.
  • [43]
    Ibid., p. 145.
  • [44]
    Michel Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1993, p. 82.
Français

Cet article tend à démontrer que la sémiologie du crime ouvre, chez Balzac, sur une physiologie de l’énergie. La force hyperbolique qui caractérise le criminel informe en effet son corps et se manifeste en une multitude de signes au fondement d’une configuration de l’acte sanglant qui superpose image et violence, plasticité et potentialité, trait et coup. Or cette imagerie de la brutalité galvanisée naît à la croisée du discours médical contemporain et d’un imaginaire propre à l’auteur : entremêlant la théorie des tempéraments et tout un réseau métaphorique de l’éruption et de l’explosion, le portrait du criminel insiste sur la compacité d’un corps bouleversé par des muscles tendus et des nerfs saillants dans lequel s’inscrit une physique de la violence.

English

This paper aims to show that the semiology of crime in Balzac opens out onto a physiology of energy. The hyperbolic strength that characterises his criminals informs their bodies and manifests itself in a multiplicity of signs, which constitute the foundation of a configuration of the bloody act that superimposes image and violence, plasticity and potentiality, stroke and blow. What is interesting is that this gallery of images of galvanised brutality arises at the intersection between contemporary medical language and the author’s personal imaginary world : the portrait of the criminal, intertwining the theory of temperament with a complex metaphoric network of eruptions and explosions, insists on the compactness of a body devastated by tensed muscles and bulging nerves in which a physics of violence can inscribe itself.

Lauren Bentolila-Fanon
(PLH-ELH, Université Toulouse 2 Jean Jaurès)
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/09/2017
https://doi.org/10.3917/rom.176.0025
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