CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Il y a, dans En ménage, ce moment où le peintre, Cyprien Tibaille, célèbre les grands boulevards et ce qu’ils offrent à qui sait voir :

2

J’y jouis démesurément, le soir, par exemple, quand étincellent aux flambes du gaz, les lettres d’or collées sur le fronton ou sur les portes vitrées des boutiques. Je les lis, j’apprends le nom du commerçant, je vois qu’il est le gendre et le successeur d’un tel et je regarde par les carreaux toute la famille, installée dans le fond, autour d’une table : la maman qui ronronne, assoupie, les deux mains sur le ventre, le papa, la fille, le gendre et successeur qui jouent au trente-et-un et jabotent les yeux fichés sur les cartes [1].

3 Cette pénétration, c’est-à-dire cette lecture de l’extérieur vers l’intérieur, à partir de laquelle pourrait se construire un récit, ce tableau à la Balzac en un mot, ne correspond cependant pas à ce que fait et propose Huysmans – ni d’ailleurs à ce qu’imagine son personnage, pour qui la scène se ramène finalement au lieu commun qu’il faudrait déranger [2].

4 C’est que Paris a beaucoup changé en à peine un demi-siècle : les grands boulevards ne sont pas, et pour cause, un paysage balzacien. Sans doute ne relèvent-ils pas non plus du paysage que Huysmans privilégie, celui-ci préférant, comme Cyprien, les « sites souffreteux et râpés [3] », les quartiers encore oubliés par la transformation accélérée de l’ensemble du tissu parisien. Pourtant, si le nouveau Paris est somme toute peu montré dans l’œuvre de Huysmans, il l’imprègne profondément, au point d’en faire un excellent révélateur de ce que réalise l’urbanisme haussmannien – expression d’une société qu’il informe en retour –, de ce qu’il opère en l’occurrence en termes de partage entre espaces public et privé. Fasciné par la ville qui se métamorphose, Huysmans apparaît donc, plus que tout autre, comme l’écrivain de ce qu’on peut appeler la schize haussmannienne – soit cette coupure stricte, spatialement sans intermédiaire, entre l’extérieur public, conçu en fonction d’une obsession, celle de la circulation (de l’air, des marchandises, des personnes ou des troupes), et l’intérieur privé, cloisonné et potentiellement rempli d’objets – une schize que l’œuvre met en crise [4].

L’art hollandais du seuil

5 Pour comprendre ce que les textes de Huysmans révèlent de la forme urbaine qui s’impose et désormais se déploie, unifiée, à une échelle tout à fait inédite, il paraît intéressant de commencer par faire un détour par Amsterdam, c’est-à-dire de retenir ce que l’écrivain présente lui-même comme son « milieu » et son projet originels, dans une lettre de 1886 où il déclare : « J’ai appris à me connaître comme littérateur au Louvre, devant les toiles de l’école hollandaise. Il me semblait qu’il fallait faire cela à la plume [5]. » Or « faire cela à la plume », si l’on se place dans cette perspective de l’expérience urbaine, comprise comme une manière d’habiter la ville, chez soi et au dehors, supposerait de retrouver, dans le contexte contemporain, quelque chose des qualités spatiales mises en scène dans la peinture de ceux que Huysmans nomme ailleurs les « naturalistes hollandais [6] ».

6 Ces qualités, qui correspondent immanquablement à certaines caractéristiques de l’architecture des Pays-Bas, ressortent particulièrement des toiles d’un Pieter de Hooch, ce maître dans l’articulation subtile des espaces représentés, auquel Huysmans a consacré une analyse en 1875 dans Le Musée des deux mondes. C’est pourtant au travers des descriptions de Théophile Thoré-Bürger, celui dont Huysmans dit qu'« il faudrait constamment [le] citer quand on parle de l’école hollandaise [7] », qu’elles transparaissent le plus nettement, comme à propos de ce tableau du Rijksmuseum d’Amsterdam que le critique intitule alors simplement Une mère et son enfant :

7

En arrière de ce groupe, un lit enfermé dans une alcôve de bois, à rideaux verts ; une bassinoire est suspendue contre le panneau de l’alcôve. À droite en avant, une petite chaire, sur laquelle est la signature. Vers la gauche, par une porte ouverte, le regard pénètre dans une autre pièce, dont le battant supérieur de la porte extérieure est ouvert aussi et laisse voir une cour avec échappée de paysage. Trois plans successifs de lumière différente ! C’est là qu’excelle Pieter de Hooch [8].

8 Dans d’autres toiles, cette suite de pièces et de cours variées, dans leur éclairage, dans leurs dimensions, dans leurs revêtements, dans leur fonction et dans leurs relations, mène jusqu’à la rue, jusqu’au canal, multipliant les intermédiaires entre les sphères privées et publiques [9]. La qualité principale de ces intérieurs, du point de vue de leur relation à la ville, est ainsi cette déclinaison d’espaces successifs, correspondant à des degrés d’intimité et témoignant d’une intégration souple de l’individuel dans le collectif.

L’uniformisation de la ville

9 Tel est le cadre architectural et urbain de l’intimisme rêvé par Huysmans [10] ; le cadre en tout cas de la « vie intime flamande » – les Flandres et la Hollande n’étant pas forcément à distinguer sous la plume du critique d’art [11] – dans l’admiration de laquelle Folantin souhaiterait trouver refuge, dans À vau-l’eau, face à la mélancolie que lui inspire la transformation rapide des rues de la capitale :

10

Ah ! décidément Paris devient un Chicago sinistre ! – Et, tout mélancolisé, M. Folantin se répétait : profitons du temps qui nous reste avant la définitive invasion de la grande muflerie du Nouveau-Monde ! – Et il reprenait ses flânes, s’arrêtant devant les marchands d’estampes aux montres tendues d’images du xviiie  siècle, mais au fond les gravures en couleur de cette époque et les gravures à la manière noire anglaise qui les flanquaient, dans la plupart des étalages, ne le passionnaient guère et il regrettait les estampes de la vie intime flamande, maintenant reléguées dans les cartons, par suite de l’engouement des collectionneurs pour l’école française [12].

11 L’opposition, à propos de la ville, entre « intimité » et « américanisation » se retrouve ailleurs dans l’œuvre de Huysmans, et en premier lieu dans un autre passage d’À vau-l’eau qui montre bien qu’il ne s’agit pas là d’une simple opposition entre intérieur et extérieur, un passage où Folantin se demande ce qui l’empêche de quitter un arrondissement, le VIe, qui s’avère si peu favorable à son existence de célibataire :

12

Si j’avais le courage de l’abandonner, soupirait de temps à autre M. Folantin. Mais son bureau était là, puis il y était né, sa famille y avait constamment vécu ; tous ses souvenirs tenaient dans cet ancien coin tranquille, déjà défiguré par des percées de nouvelles rues, par de funèbres boulevards, rissolés l’été et glacés l’hiver, par de mornes avenues qui avaient américanisé l’aspect du quartier et détruit pour jamais son allure intime, sans lui avoir apporté en échange des avantages de confortable, de gaîté et de vie [13].

13 L’intimité est pour Huysmans une qualité urbaine, que n’offre plus la ville nouvelle, américaine en ce qu’elle met en œuvre, même si c’est d’abord par les moyens d’un régime autoritaire, le cadre de vie d’une société démocratique à large échelle.

14 Dans le premier extrait cité, l’américanisation dénoncée par Folantin a essentiellement un caractère moral et tient à la place de l’argent dans la hiérarchie apparente des valeurs, à la mercantilisation des relations humaines, telle qu’elle s’observe dès le seuil des boutiques (« une vague odeur de prostitution s’échappait »). Elle tient aussi, plus largement, à la volonté de séduire le plus grand nombre plutôt qu’une petite élite cultivée, au remplacement des discrets « vendeurs de livres de luxe » par « [d]es brasseries et [d]es cafés ». Mais l’américanisation c’est avant tout, comme l’indique le second extrait, la vaste transformation en cours du tissu urbain. Et cette transformation, parce qu’elle opère un changement d’échelle, relève d’une forme d’abstraction, que Huysmans déplore dans Là-bas par la voix de Durtal :

15

Paris à vol d’oiseau, c’était intéressant au Moyen Âge, mais maintenant ! J’apercevrai, comme au sommet des autres fûts, un amas de rues grises, les artères plus blanches des boulevards, les plaques vertes des jardins et des squares et, tout au loin, des files de maisons qui ressemblent à des dominos alignés debout et dont les points noirs sont des fenêtres [14].

16 La ville haussmannienne est pensée comme un ensemble fonctionnel à unifier – ou à uniformiser si l’on se range à l’opinion de Huysmans, que résume bien l’article qu’il consacre dans Certains à l’affichiste Jules Chéret :

17

Le boulevard Saint-Germain, l’avenue de Messine s’imposent comme le type du Paris moderne ; nous ne verrons bientôt plus que des rues rectilignes, coupées au cordeau, bordées de maisons glaciales, de bâtisses peintes au lait de chaux, d’édifices plats et mornes, dont l’aspect dégage un ennui atroce [15].

18 La percée, caractéristique de l’opération urbanistique haussmannienne, c’est la ligne droite, c’est l’alignement des façades et cette continuité que garantissent un même gabarit et une même matérialisation. Huysmans, lui, parle de « ces casernes qui se succèdent le long des trottoirs [16] », suggérant par là un enrégimentement qui dépersonnalise, plutôt que la manifestation d’une société égalitaire, au moins dans son principe. Sans doute est-ce la même chose, pour lui, du moment que la population devient une foule, indistincte et docile. De manière très intéressante, Huysmans fait d’ailleurs de Jean-Charles Alphand, le directeur des travaux de Paris, c’est-à-dire le continuateur de l’entreprise d’Haussmann, « l’homme qui sécrète la pensée de tout le monde [17] », ce qui peut s’entendre à la fois comme « celui qui met en œuvre la pire banalité » et comme « celui qui produit la banalité », en fonction d’une influence du cadre de vie sur la pensée.

19 L’urbaniste apparaît ainsi comme un agent de l’extension du lieu commun. Mais n’est-ce pas après tout, littéralement, son rôle ? Le problème tient donc une fois encore au changement d’échelle, à l’étendue et à la continuité de ce « lieu commun ». Il tient surtout à l’étanchéité de cette longue façade courante qui sépare deux mondes :

20

Jadis, il [Folantin] badaudait dans des quartiers déserts ; il se plaisait à longer les ruelles oubliées, les rues provinciales et pauvres, à surprendre, par les fenêtres des rez-de-chaussée, les mystères des petits ménages. Mais aujourd’hui, les rues calmes et muettes étaient démolies, les passages curieux, rasés. Impossible de regarder par les portes entr’ouvertes des vieilles bâtisses, d’apercevoir un bout de jardinet, une margelle de puits, un coin de banc ; impossible de se dire que la vie serait moins rechignée, moins rogue, dans cette cour, de rêver à l’époque où l’on pourrait se retirer dans ce silence et réchauffer sa vieillesse dans de l’air plus tiède [18].

21 Avant même que le texte ne déplore, avec son personnage, l’angoissante uniformité de ces « casernes s’étendant à perte de vue [19] », ces quelques lignes situent la perte dans une fermeture des portes, dans cette coupure qui enferme l’intime ou le livre à la rue, au flux anonyme de la foule, sans possibilité de se reprendre, fût-ce de manière imaginaire. Avec cette cour ou ce jardinet silencieux – comparable aux « seuils » hollandais –, Huysmans évoque une forme de réserve, un espace disponible, à portée de regard, où s’arrêter un instant en pensée, en retrait mais pas isolé. Car dans ce cas, il ne s’agit pas d’imaginer les habitants de ce lieu et d’en déployer l’existence, selon une lecture balzacienne de la ville, mais de se projeter pour mieux se ressaisir comme individu dans l’ensemble. L’exercice, cependant, n’est plus jugé possible.

Errance ou enfermement

22 D’un point de vue naturaliste, il y a là un milieu nouveau, qu’il faut essayer de représenter pour saisir la manière dont il agit. Pourtant, c’est un autre point de vue, un point de vue d’artiste ou de poète, le point de vue baudelairien que Huysmans, critique d’art, adopte lorsqu’il affirme que, pour les « grands artistes », la théorie du milieu exposée par Taine devrait être envisagée « à rebours », « car le milieu agit sur eux alors par la révolte, par la haine qu’il leur inspire » :

23

Au lieu de modeler, de façonner l’âme à son image, il crée dans d’immenses Boston, de solitaires Edgar Poe ; il agit par retro, crée dans de honteuses France des Baudelaire, des Flaubert, des Goncourt, des Villiers de l’Isle Adam […] [20].

24 Le premier exemple donné pointe une fois encore l’Amérique et par dérivation l’américanisation de la France. Et si la réflexion aboutit en l’occurrence à Moreau, Redon ou Rops, c’est-à-dire à ces peintres qui fuiraient leur époque « dans les gouffres des âges révolus » ou « dans les tumultueux espaces des cauchemars et des rêves [21] », on constate qu’elle inclut Flaubert ou les Goncourt, c’est-à-dire des écrivains qui se sont confrontés de manière directe à la réalité contemporaine.

25 C’est qu’à ce moment-là, en 1887, la « révolte » n’a pas encore amené Huysmans à tourner le dos à la ville transformée, pour ne plus garder de Paris – la foi y invitant – que ses églises [22]. Bien sûr il y a dans les textes une critique explicite du Paris haussmannien, portée le plus souvent par des personnages relais de l’auteur, à l’image de Folantin. Mais en-deçà de la « révolte », l’œuvre exprime quelque chose de plus sourd et, peut-être, de plus fondamental, une inquiétude « intime », relative à la difficulté de se trouver dans cet ensemble à la fois uniforme et scindé, une inquiétude plus manifeste, par ailleurs, durant ces années qu’il semble légitime de considérer, dans la production de Huysmans, comme le moment de la plus haute intensité, à savoir celui qui va de la parution des Croquis parisiens à celle d’À rebours.

26 Si l’on envisage en effet cette partie de l’œuvre et qu’on met en balance d’une part les dernières réalisations qu’on qualifie d’habitude de naturalistes (En ménage, À vau-l’eau) et d’autre part ce roman neuf qu’est À rebours, on peut estimer qu’il y a là comme un reflet du Paris que remodèle la suite des percées. Huysmans paraît enregistrer la schize qu’instaure le rideau continu des nouvelles façades ; il paraît l’intégrer avec angoisse et l’exprimer d’une façon radicale qui la révèle et qui l’accuse.

27 Dans En ménage et plus encore dans À vau-l’eau – « réduction d’En ménage et […] épure de la philosophie mélancolique qui s’y exprimait [23] » –, Huysmans met ainsi en scène des personnages qui sont à la recherche d’une place qui soit la leur, des personnages qui tentent de résister, en vain, au grand courant de la médiocrité qui les entraîne (« il avait été Monsieur tout-le-monde, une personnalité insignifiante [24] », constate finalement André, tandis que Folantin, au bout de l’ennui, en arrive à penser qu'« il faut se laisser aller à vau-l’eau [25] »). Dans ce contexte, les rues qu’on parcourt inlassablement sont inévitablement le lieu du commun. En particulier les boulevards à peine terminés qui, par leur uniformité, semblent condamner avant qu’il ait pu être tenté le projet qu’imagine André : écrire « un petit volume […] sur chacun des arrondissements de Paris, […] un guide pour les raffinés et les artistes [26] ». L’alignement des nouvelles « casernes » rend impossible une telle appropriation « artiste » de la ville. Devant ces bâtisses toutes semblables – « maquillées au blanc de plâtre, fardées au rouge de brique, emphatiquement coiffées de chapeaux à la mode, en zinc [27] » –, rendues de la sorte impénétrables, illisibles, Folantin n’aura plus d’autre choix que de circuler, pauvre « Ulysse des gargotes [28] », réduit à une moderne errance, grotesque et anonyme.

28 Pour y mettre fin, Huysmans va dès lors choisir l’enfermement, dans À rebours ; ce qui revient en fait à passer de l’autre côté de la barrière que dressent les façades haussmanniennes et, à travers le personnage de des Esseintes, à radicaliser la coupure qu’elles opèrent. Car la thébaïde de Fontenay-aux-Roses, du moment qu’elle reste entièrement close, du moment qu’elle ne correspond en rien à l’idée romantique d’une retraite dans la nature, peut être envisagée comme un intérieur parisien. La ville demeure en effet l’horizon de l’expérience paranoïaque de des Esseintes, et c’est en elle que cette expérience devra finalement se résorber. D’ailleurs la tentation du repli constitue déjà le sujet d’En ménage. Mais dans ce cas, le repli est imaginé dans le cadre du couple, avec ce que cela suppose de concessions faites à la convention dans un but de confort, et le modèle – ou l’écueil – est alors le salon petit-bourgeois du sous-chef Désableau et de son épouse, longuement décrit, comme un type, au début du chapitre IV.

29 Or avec des Esseintes, on change bien sûr de classe et de fortune ; on rencontre surtout une aristocratie revendiquée du goût et de l’esprit. Mais si, au sol, des tapis précieux que seule peut « éteindre » la carapace ornée d’une tortue ont remplacé la « carpette de feutre », si, au mur, les toiles de Moreau ont remplacé « le portrait de madame Vigée Le Brun et l’Atala de Girodet, en camaïeu lilas et bistre [29] », l’intérieur est pensé, d’un côté comme de l’autre, comme un refuge sans rapport avec l’extérieur [30] et comme une sorte de miroir, où se reconnaître dans les choses auxquelles on attache de la valeur. L’installation de des Esseintes semble ainsi une manière de réinterpréter le modèle bourgeois en « célibataire [31] », c’est-à-dire en essayant de l’individualiser jusqu’à l’extrême. Pendant de l’errance « extérieure » d’À vau-l’eau, la fuite « intérieure » d’À rebours est une autre figuration grotesque des conditions d’existence que propose la nouvelle forme de la ville.

Une peur de l’écoulement de soi

30 Huysmans lui-même présentera d’ailleurs des Esseintes comme un « monsieur Folantin plus lettré, plus raffiné, plus riche et qui a découvert, dans l’artifice, un dérivatif au dégoût que lui inspirent les tracas de la vie et les mœurs américaines de son temps [32] ». C’est indiquer, d’une part, une forme de contiguïté entre l’errance urbaine à laquelle est condamné le personnage d’À vau-l’eau et la réclusion volontaire à laquelle se voit réduit celui d’À rebours, et c’est affirmer, d’autre part, une continuité entre la série des textes d’inspiration naturaliste et celui qui a pu passer pour un reniement de cette veine, une continuité qui, vue sous l’angle de l’expérience de la ville, apparaîtrait comme une intensification progressive de la crise. Comme l’écrit Marie-Claire Bancquart, « il n’y a point cassure après En ménage et les Croquis parisiens, mais recherche exacerbée d’une solution qui puisse arrêter l’inventaire et empêcher le temps de couler, projeté d’une vision à l’autre [33] ».

31 L’inventaire, ce sont ces listes, parfois troublantes ou fascinantes, qui semblent tenir lieu de description lorsque celle-ci ne peut plus s’organiser en un tout, voire se déployer par la narration. Du spectacle de la rue ne reste alors qu’une accumulation d’objets, comme les « bondieuseries » de la rue de Sèvres dans Les Sœurs Vatard[34] ou les postiches de toutes nuances de la vitrine d’un perruquier dans En ménage[35] ; ou encore, dans un registre assez proche, la vertigineuse série des seins exposés par les mannequins des couturiers ou, plus inattendue peut-être, l’inquiétante série des oiseaux empaillés décorant les murs d’un café, lesquelles montrent bien que ce mode, parce qu’il déréalise plus qu’il ne donne à voir et parce qu’il privilégie une virtuosité lexicale, entraîne le texte vers une autonomie qui est celle du poème en prose dans Croquis parisiens[36]. Et l’inventaire se poursuit en effet dans les pages d’À rebours, même si la ville s’efface. La liste, en fait, y gagne en importance, qu’elle parcoure les auteurs latins du Bas-Empire (chap. III), les fleurs de serre (chap. VIII) ou les parfums, simples ou composés (chap. X).

32 Plus que l’angoisse d’une accélération du temps, ce que révèle l’usage répété de la liste, plus ou moins commentée, c’est la peur d’un écoulement de soi, d’une dissolution de son individualité, que la coupure avec la société ne garantit pas mieux qu’une immersion dans les rues de Paris. Car la liste, dans son extensivité, témoigne d’un effort aussi vain qu’obstiné de saisie. Une saisie que l’évolution de l’œuvre invite à envisager d’abord comme une lecture de la ville, dans un contexte – celui d’une valorisation de la circulation et de l’uniformisation, celui d’une abstraction liée au changement d’échelle – qui remet en question le mode de lisibilité exploré par Balzac [37], mais ensuite également, dans À rebours, comme une définition de soi, entreprise à l’écart de toute confrontation avec la société. Cette continuité dans l’inventaire apparaît ainsi comme une continuité dans l’échec, ou la névrose, comme le symptôme de l’impossibilité ressentie de se reprendre dans un environnement si nettement scindé. La ville nouvelle, qui sépare sans médiation le public et le privé, ne semble plus pouvoir être habitée, parce qu’elle ne permet plus de comprendre et d’être compris, c’est-à-dire de pénétrer ce tissu à la fois spatial et social et d’y participer.

33 Quant au refuge mélancolique que recherche Huysmans dans les quartiers périphériques, il ne saurait être durable. Ce sont là des territoires en sursis, anachroniques ou provisoires, qui n’offrent au mieux, comme la rue de la Chine à Ménilmontant, qu'« une note d’apaisement », « une consolation [38] ». Mais on remarque surtout que cette rue de la Chine est envisagée comme « la négation de l’ennuyeuse symétrie, l’opposé du banal alignement des grandes voies neuves [39] ». Et c’est comme si le caractère capricieux du tracé, les inégalités du sol, l’effondrement de certaines haies, les marques du temps sur les matériaux hétéroclites, « la couche de hâle déposée par des attouchements de mains successivement sales [40] », tous ces reliefs uniques, imprévisibles, permettaient de s’accrocher et de se reprendre, parce qu’ils sont autant de repères possibles et de signes offerts à l’imagination.

34 Néanmoins, au-delà de la confirmation de soi que peut apporter le fait de se frotter à une réalité rugueuse, à la fois singulière et déchiffrable, ce que cherche Huysmans, c’est la satisfaction de ce qu’il appelle « l’instinct d’harmonie [41] ». Et seule, semble-t-il, la banlieue présente encore cette « accordance » entre un lieu et les gens qu’on y rencontre [42]. Tandis que les rues neuves, dessinées pour la foule, n’ont plus de population propre – sinon « les Américaines », mais à titre de « parures [43] », ou alors l’anti-type que serait l’employé dépersonnalisé de l’administration, soit précisément ce que Folantin s’efforce en vain de ne pas devenir [44] –, les marges de la ville, où s’est retirée la misère, offrent en effet le spectacle d’existences plus concrètes, de vies d’efforts et de souffrances, que la présence de linge sale aux fenêtres, d’outils usés sur le pavé, inscrit dans le paysage qu’on traverse et permet d’approcher.

35 Mais l’écrivain cherche de moins en moins à déployer ces existences entrevues. Goûtant comme en peintre « le charme dolent des banlieues », il se contente du « parfait accord » qui s’en dégage [45], du moment que celui-ci entre en résonance avec la tristesse et l’ennui de qui se sent exilé dans sa propre ville. Car, comme l’observe Sylvie Thorel-Cailleteau à propos du personnage d’En ménage, « les paysages maladifs aimés de Tibaille sont des paysages intérieurs [46] ». Ils le sont aussi, en tout cas.

36       

37 Devant le Boulevard des Capucines présenté par Monet à l’occasion de la première exposition des Impressionnistes en 1874, Louis Leroy, le critique du Charivari, mettait dans la bouche du peintre qu’il s’était inventé, pour donner plus de relief à son propos, cette réaction surprise et indignée :

38

Alors je ressemble à ça quand je me promène sur le boulevard des Capucines ?… Sang et tonnerre ! Vous moquez-vous de moi à la fin [47] ?

39 Or « ça », ce sont les « innombrables lichettes noires », les taches accumulées à quoi se réduisent sur la toile les passants indistincts qu’entraîne le boulevard. Le Paris haussmannien est pensé pour le nombre. Et ce qui inquiète ou scandalise, au-delà de la technique impressionniste, c’est sans doute la révélation par la peinture de cette indistinction fondamentale, la mise sous les yeux de chaque spectateur de sa dissolution dans la foule des égaux et dans la circulation que prétend faciliter l’urbanisme nouveau.

40 Le regard de Huysmans sur les rues de Paris trahit en tout cas une inquiétude de cet ordre, une inquiétude qui conduit l’écrivain à dénoncer l’évolution « américaine » de la ville, de son esprit – que semble dominer de plus en plus le souci de l’argent – comme de sa physionomie. Monet, qui choisit de confronter son art aux nouveaux espaces urbains, de célébrer même les boulevards et la foule, n’est d’ailleurs pas le peintre de Huysmans, qui lui préfère Raffaëlli pour son attachement à « la mélancolique grandeur des sites anémiques couchés sous l’infini des ciels [48] ». Si l’œuvre de Huysmans peut être révélateur également, et même davantage puisque s’y révèle une forme urbaine à travers ses effets, son retentissement « intime », il l’est d’abord par les refus qui s’y expriment, mais ensuite, surtout, par les figurations successives de l’errance et de l’enfermement qui, envisagés ensemble, témoignent d’un monde scindé où devient problématique l’articulation entre l’individuel et le collectif. L’œuvre, en revanche, n’offre aucune médiation, aucun mode d’appropriation, radicalisant plutôt dans ses effets la coupure entre extérieur et intérieur, au point de mettre en crise la condition urbaine qu’impose la ville nouvelle, et de la rejeter.

Notes

  • [1]
     Joris-Karl Huysmans, En ménage, présenté et annoté par Sylvie Thorel-Cailleteau, dans Romans, I, édition établie sous la dir. de Pierre Brunel, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 353. Ce volume sera dorénavant désigné par l’abréviation RI.
  • [2]
     « Ça me donne envie d’entrer, d’offrir des rabais énormes sur le prix de leurs marchandises, d’apporter ainsi un aliment inattendu aux niaiseries que ces gens vont se débiter jusqu’à l’heure de la fermeture » (ibid.).
  • [3]
     Joris-Karl Huysmans, Les Sœurs Vatard, présenté et annoté par Sylvie Thorel-Cailleteau, dans RI, p. 149.
  • [4]
     Cette recherche a été réalisée grâce au soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS).
  • [5]
     Joris-Karl Huysmans, Lettres inédites à Arij Prins, 1885-1907, Genève, Droz, 1977, p. 36.
  • [6]
     Joris-Karl Huysmans, « Le salon de 1879 », L’art moderne (1883), dans Ecrits sur l’art, présentés par Jérôme Picon, Paris, Flammarion, 2008, p. 51.
  • [7]
     Joris-Karl Huysmans, « Le cellier de Pierre de Hooch » (1875), dans Ecrits sur l’art, 1867-1905, éd. établie par Patrice Locmant, Paris, Bartillat, 2006, p. 48.
  • [8]
     William Bürger, Musées de la Hollande, II, Musée van der Hoop à Amsterdam et Musée de Rotterdam, Bruxelles et Ostende / Paris, Claassen / Renouard, 1860, p. 58. William Bürger est bien le pseudonyme de Théophile Thoré (celui à qui l’on doit, en partie, la redécouverte de Vermeer), qu’on préfère appeler aujourd’hui, pour cette raison, Thoré-Bürger. Quant au tableau décrit, il s’agit de celui qu’on intitule généralement Intérieur avec une mère épouillant son enfant, connu aussi en anglais sous le titre : A mother’s duty (visible en ligne sur le site du Rijksmuseum).
  • [9]
     Voir à ce propos les remarquables Leçons d’architecture de Herman Hertzberger (trad. par Léo Biétry, Gollion, Infolio, 2010, notamment le chapitre sur « Le seuil », p. 45-55, et les p. 142-143 et 488-492 pour les leçons qu’il est possible de tirer de la peinture du xviie siècle hollandais).
  • [10]
     Il s’agirait sans doute de distinguer ici – même si les deux acceptions s’articulent – cet « intimisme » vécu ou plus souvent rêvé et l'« intimisme » mis en œuvre, cet « intimisme » dont Huysmans semble presque faire une catégorie littéraire et que Sylvie Thorel-Cailleteau tente de définir, d’après l’auteur, comme « une marge du naturalisme en même temps qu’une dégradation du baudelairisme, […] caractéris[ée] par le choix du petit et du “terre à terre”, du lamentable, par la surenchère dans le médiocre » (« Intimisme », dans Marc Smeets (dir.), J.-K. Huysmans chez lui, Amsterdam / New York, Rodopi, 2009, p. 138). Voir aussi, pour ce qui concerne l’évolution de cet « intimisme » dans l’œuvre : Stéphanie Guérin, « L’intimisme au cœur de la poétique de Huysmans », Bulletin de la Société J.–K. Huysmans, n° 101, 2008, p. 45-54 (ainsi que la quatrième partie de son livre : « Espace et temps pluridimensionnels », La Poétique romanesque de Joris-Karl Huysmans, Paris, Champion, p. 271–375).
  • [11]
     Dans le passage déjà cité du « Salon de 1879 », Huysmans donnait ainsi comme exemples de « l’ancienne école flamande » les noms de Jan Steen, Ostade, Terborgh (ter Borch), Metsu et Rembrandt, avant de parler de ces peintres comme des « naturalistes hollandais » (art. cité, p. 50-51).
  • [12]
     Joris-Karl Huysmans, À vau-l’eau, présenté et annoté par Robert Kopp, dans RI, p. 506.
  • [13]
     Ibid., p. 499-500.
  • [14]
     Joris-Karl Huysmans, Là-bas, édition établie et présentée par Yves Hersant, Paris, Gallimard, 1985, p. 267.
  • [15]
     Joris-Karl Huysmans, « Chéret », Certains (1889), dans Écrits sur l’art, ouvr. cité, p. 271.
  • [16]
     Joris-Karl Huysmans, « Le Point-du-Jour » (1885), dans À Paris, textes choisis, préfacés et annotés par Patrice Locmant, Paris, Bartillat, 2005, p. 547.
  • [17]
     Joris-Karl Huysmans, « Chéret », art. cité, p. 271.
  • [18]
     Joris-Karl Huysmans, À vau-l’eau, ouvr. cité, p. 514.
  • [19]
     Ibid.
  • [20]
     Joris-Karl Huysmans, « Gustave Moreau », Certains (1889), dans Écrits sur l’art, ouvr. cité, p. 251.
  • [21]
    Ibid.
  • [22]
     L’anthologie de Patrice Locmant, regroupant les textes de Huysmans consacrés aux différents quartiers de Paris (À Paris, ouvr. cité), offre un aperçu synthétique et parlant de ce changement.
  • [23]
     Sylvie Thorel-Cailleteau, « Intimisme », art. cité, p. 143.
  • [24]
     Joris-Karl Huysmans, En ménage, ouvr. cité, p. 435.
  • [25]
     Joris-Karl Huysmans, À vau-l’eau, ouvr. cité, p. 524.
  • [26]
     Joris-Karl Huysmans, En ménage, ouvr. cité, p. 388.
  • [27]
     Joris-Karl Huysmans, « Le Point-du-Jour », art. cité, p. 548. Il est intéressant de noter que, dans ce passage, la critique de l’uniformisation des rues commence par le regret des « ruelles où des arbres passaient par-dessus des murs ». C’est donc encore une fois le lien délicat entre l’extérieur et l’intérieur, la médiation entre les espaces public et privé qui est pointée ici.
  • [28]
     C’est ainsi que Maupassant désigne, d’une manière aussi plaisante qu’efficace, le personnage d’À vau-l’eau (Guy de Maupassant, « En lisant » [1882], Chroniques, textes choisis, annotés et présentés par Henri Mitterand, Paris, Le Livre de Poche, 2008, p. 1375).
  • [29]
     Joris-Karl Huysmans, En ménage, ouvr. cité, p. 327-328.
  • [30]
     C’est à propos de la maison de Viroflay qu’on se préoccupe du jardin et du « bon air » (ibid., p. 453).
  • [31]
     Rappelons qu’À rebours est le premier exemple de ce « roman célibataire » que Jean-Pierre Bertrand, Michel Biron, Jacques Dubois et Jeannine Paque ont reconnu comme une forme romanesque autonome, en marge du naturalisme (Le Roman célibataire, Paris, Corti, 1996).
  • [32]
     Joris-Karl Huysmans, « Préface écrite vingt ans après le roman », À rebours, présenté et annoté par Pierre Brunel, dans RI, p. 565.
  • [33]
     Marie-Claire Bancquart, Paris « fin-de-siècle », de Jules Vallès à Remy de Gourmont, Paris, La Différence, 2002, p. 261.
  • [34]
     Joris-Karl Huysmans, Les Sœurs Vatard, ouvr. cité, p. 90-91.
  • [35]
     Joris-Karl Huysmans, En ménage, ouvr. cité, p. 399.
  • [36]
     Joris-Karl Huysmans, « L’étiage » et « Un café », Croquis parisiens (1880), Paris, La Bibliothèque des Arts, 1994, p. 166-170 et p. 150-154.
  • [37]
     Voir Karlheinz Stierle, La Capitale des signes. Paris et son discours (1993), trad. par Marianne Rocher-Jacquin, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2001, p. 191-292.
  • [38]
     Joris-Karl Huysmans, « La rue de la Chine », Croquis parisiens, ouvr. cité, p. 128.
  • [39]
     Ibid., p. 126.
  • [40]
     Ibidem.
  • [41]
     Joris-Karl Huysmans, « Vue des remparts du Nord-Paris », Croquis parisiens, ouvr. cité, p. 135.
  • [42]
     Voir Joris-Karl Huysmans, En ménage, ouvr. cité, p. 352. À Paris, le parc Monceau offrirait une notable exception, d’un autre genre néanmoins puisqu’ici se rencontre « le parfait unisson entre l’œuvre des émailleurs et des couturiers et l’œuvre heureusement amendée de la nature » (« Le parc Monceau » [1881], dans À Paris, ouvr. cité, p. 82). L’avenue de la Motte-Picquet semble également contenter « l’instinct d’harmonie » de Huysmans. Mais dans ce cas, c’est précisément parce qu’on se croit revenu vingt ans plus tôt et que l’avenue répand « une fade odeur de province » (« L’avenue de la Motte-Picquet » [1887], dans À Paris, ouvr. cité, p. 398-399). Quant aux quartiers que traverse la Bièvre, ils se révèlent satisfaisants tant qu’ils restent en marge (merci au relecteur anonyme de m’avoir suggéré ces nuances).
  • [43]
     Joris-Karl Huysmans, « Le Point-du-Jour », art. cité, p. 547.
  • [44]
     Folantin s’inscrit ainsi, parmi les premiers, dans une lignée dont le plus ancien représentant est peut-être bien « américain » : Bartleby.
  • [45]
     Joris-Karl Huysmans, « Vue des remparts du Nord-Paris », art. cité, p. 134.
  • [46]
     Sylvie Thorel-Cailleteau, « Intimisme », art. cité, p. 139.
  • [47]
     Louis Leroy, « L’exposition des impressionnistes », Le Charivari, 25 avril 1874. Le tableau de Monet est consultable en ligne.
  • [48]
     Joris-Karl Huysmans, « L’exposition des Indépendants en 1880 », L’art moderne (1883), dans Écrits sur l’art, ouvr. cité, p. 115.
Français

Cet article propose de considérer l’œuvre de Huysmans comme un révélateur de ce qu’opère l’urbanisme haussmannien, en termes de changement d’échelle et surtout de coupure entre extérieur et intérieur, entre sphères publique et privée. Pour ce faire, après avoir cherché à comprendre, grâce à l’exemple de la peinture hollandaise, à quoi correspond cette « intimité » que « l’américanisation » de la ville anéantirait, il envisage À vau-l’eau et À rebours comme des romans qui se font pendant afin de mettre en crise ce qui apparaît dès lors comme une véritable schize urbaine, par l’opposition entre la grotesque errance de Folantin et l’enfermement paranoïaque de des Esseintes.

English

This paper considers Huysman’s work as revealing what Hausmann’s urbanism produced, in terms of change of scale and especially rupture between outside and inside, public and private. To do so, after having analysed through Dutch painting what the concept of “intimacy”, supposed to be destroyed by the “Americanisation” of cities and towns, entails, the study analyses À vau-l’eau (Downstream) and À rebours (Against the Grain) as novels written during this period in order to provoke a crisis in what then appeared to be an urban schizoid break, through Folantin’s grotesque wandering and des Esseintes’ paranoid self-imprisonment.

Philippe Geinoz
(Universités de Genève et de Fribourg)
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/07/2016
https://doi.org/10.3917/rom.172.0118
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