CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Si l’on considère que les espaces habités comportent de nombreuses fonctions relevant de la relation entre le même et l’autre (l’hostilité, la domesticité, l’hospitalité) [1] , il n’est pas surprenant de constater que dans le second XIXe siècle en France, la maison d’habitation ait pu susciter l’intérêt de théoriciens cherchant à relier histoire de l’architecture et connaissances anthropologiques [2]. En pleine période de constitution de l’histoire de l’art comme discipline universitaire, les écrits du célèbre architecte Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-79), nommé en 1864 à la première chaire spécialisée d’histoire de l’art à l’École des Beaux-Arts, s’avèrent à cet égard révélateurs. Alors que les nombreuses études de Laurent Baridon et de Martin Bressani montrent à quel point la conceptualisation des pratiques constructives chez Viollet-le-Duc reste tributaire de la méthodologie des sciences du vivant, notamment l’anatomie [3], la critique s’interroge également depuis quelque temps sur le rôle de l’architecte dans ce que Dominique Jarrassé appelle l’ethnicisation et Éric Michaud la racialisation de l’histoire de l’art en tant que discipline [4]. Cet article se propose d’analyser les conséquences d’une double évolution – à savoir l’institutionnalisation progressive d’une pédagogie de l’histoire de l’art, et la racialisation du discours employé par les praticiens de cette discipline – pour l’ouvrage illustré de Viollet-le-Duc, Histoire de l’habitation humaine depuis les temps préhistoriques jusqu’à nos jours de 1875.

2 Ce n’est pas la première fois que l’on aborde le caractère racial de l’Histoire de l’habitation, mais la présente étude propose une approche centrée sur le rapport texte/image au sein de ce récit. En effet, l’imbrication des contenus textuel et visuel dans cet ouvrage reste dans une certaine mesure minimisée dans les travaux précédents qui adoptent plutôt le point de vue de l’histoire de l’art ou de l’architecture. Permettant de considérer sous un angle nouveau la tentative viollet-le-ducienne de fusionner les horizons de l’ethnographie et de l’histoire de l’architecture, le rapport entre verbal et visuel dans Histoire de l’habitation peut être pensé comme une véritable problématique car il trouble l’équivalence entre voir et savoir qui traverse la pensée de son auteur.

DOCTRINE GOBINIENNE ET RACIALISATION DE L’HISTOIRE DE L’ARCHITECTURE

3 Une étude récente d’Éric Michaud montre comment l’histoire de l’art à cette période en France a pu s’imprégner des doctrines raciales ambiantes, mue par le désir de rompre avec le classicisme et de valoriser l’apport des « invasions barbares » au « génie » national à partir du IVe siècle [5] ; ainsi l’arrivée des Francs germaniques dans une Gaule affaiblie par la décadence de l’Empire romain est-elle saluée par Viollet-le-Duc dans ses Entretiens sur l’architecture :

4

Ces peuples du Nord, qu’on nous représente au collège comme des barbares, sans compter qu’ils faisaient un acte méritoire, aux yeux de l’humanité, en venant apporter des éléments jeunes et vivaces là où régnait la mort, devaient, par cet apport même d’un sang plus pur, rendre aux arts une physionomie particulière. [...] Ils ajoutaient une dose énergique de sang arian au mélange irrévocablement corrompu et inerte que Rome avait fait des principes vitaux de l’occident et du midi de l’Europe [6].

5 Dans cette image d’une injection vivifiante de « sang arian », on peut constater l’influence de la doctrine des races d’Arthur de Gobineau, influence qui se manifeste régulièrement dans l’œuvre de l’architecte [7]. C’est en effet l’Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-55) de cet ami et contemporain de Viollet-le-Duc qui fournit à l’architecte restaurateur la matière d’une nouvelle perspective « anthropologique » sur l’histoire de sa profession. Selon l’Essai, dont il convient de rappeler ici brièvement la thèse, l’histoire de l’humanité se résume à celle des conflits entre les races, dont les trois principales sont selon Gobineau : la « blanche », la « jaune » et la « noire ». Ces trois races constituent « des branches bien distinctes d’une ou de plusieurs souches primitives perdues, que les temps historiques n’ont jamais connues, dont nous ne sommes nullement en état de nous figurer les caractères même les plus généraux [8] » et forment le socle d’une division tripartite et permanente de l’humanité.

6 Les distinctions entre ces trois races sont principalement établies sur des critères physiques et intellectuels (critères qui sont repris par Viollet-le-Duc dans plusieurs de ses ouvrages). De capacité intellectuelle limitée mais physiquement puissante, la race noire est caractérisée par une sensualité grossière et une imagination effrénée. « Antithèse [9] » de cette « variété mélanienne [10] », la race jaune est douée d’une aptitude pour le commerce, mais elle présente « une tendance générale à l’obésité [11] » et un « goût perpétuel mais tranquille pour les jouissances matérielles [12] ». Les déclarations de Gobineau sur la race jaune, en raison de la position médiane qu’il lui attribue, sont ambiguës : elle posséderait « une compréhension facile de ce qui n’est trop élevé ni trop profond [...]. [Ce sont] des gens pratiques dans le sens étroit du mot. Ils ne rêvent pas, ne doutent pas des théories, inventent peu, mais sont capables d’apprécier et d’adopter ce qui sert [13] ». Pourtant, comme on peut le voir, toute concession de valeur est démentie aussitôt par une assertion rhétorique d’infériorité. Gobineau accorde pour finir la supériorité à la race blanche, elle-même issue d’une race d’ancêtres « arians » originaires de l’Asie centrale [14].

7 On remarquera au passage que contrairement à la description des races noire et jaune qui porte principalement sur le corps, la description de la race blanche que l’on découvre dans les pages de l’Essai ne tient pour ainsi dire pas compte de l’aspect physique ; Gobineau affirme surtout le manque de sensualité de cette race, pourtant douée d’une vigueur supérieure. La description de la race blanche privilégie presque exclusivement un certain nombre de caractéristiques intellectuelles ou affectives dont elle détient le monopole ; on peut noter son « intelligence énergique », son « amour singulier de la vie ». Aussi, loin de présenter des identités à part entière, la division tripartite de l’humanité marque-t-elle plutôt différentes étapes d’une élaboration progressive de traits (physiques, pour la plupart) qui sont la négation d’une « blancheur » à bien des égards désincarnée [15]. Moins L’Essai admet la présence de valeurs similaires à celles de la race blanche chez les deux autres races hiérarchisées, plus il affirme le caractère « incarné » de celles-ci, c’est-à-dire, plus elles se laissent subsumer sous des formes de catégorisation à caractère fortement visuel ; ainsi, ce sont ces indicateurs d’une présence physique repérable qui marquent les bornes des différents groupes raciaux.

8 On retrouve différents éléments de cette description gobinienne des trois races dans l’œuvre de Viollet-le-Duc, notamment dans l’article « Sculpture » du huitième tome du Dictionnaire raisonné de l’architecture française (1858-68) [16], mais également dans les Entretiens sur l’architecture (1863) et dans L’Art russe (1877), ouvrage qui tente de rendre compte des diverses composantes ethniques de la Russie et de leur apport au caractère architectural de ce pays [17]. Développant à son tour un thème gobinien (l’art naît de la rencontre des races blanche et noire), Viollet-le-Duc affirme que : « toute explosion d’art [...] ne se produit dans l’histoire qu’au contact de deux races différentes [18]. » Racialiser l’architecture (comprise désormais comme un système constructif propre à une race dont elle exprime les capacités et les besoins) permet de penser le développement de cet art dans une perspective historique et mondiale.

VIOLLET-LE-DUC ET LA PÉDAGOGIE PAR L’IMAGE

9 Tel est donc l’objectif que l’architecte se propose dans son Histoire de l’habitation humaine depuis les temps préhistoriques jusqu’à nos jours (1875) [19]. Comme Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno paru en 1877, l’Histoire de l’habitation participe de la vogue du livre illustré à cette période. Destiné à un jeune public, l’ouvrage est publié par Pierre-Jules Hetzel, illustre éditeur des romans de Jules Verne. On doit à Viollet-le-Duc plusieurs textes de ce genre, notamment son Histoire d’un dessinateur paru en 1879 [20]. Ces livres illustrés ont un objectif pédagogique. Comme Viollet-le-Duc l’écrit à son éditeur le 17 juillet 1874 : « Il faut que l’image, dans le livre illustré, invite à lire le texte, qu’elle excite la curiosité en exigeant une explication [21]. » Une telle déclaration semble indiquer que l’image joue un rôle plutôt familier d’illustration dans les ouvrages de Viollet-le-Duc. Dans cette perspective, c’est le texte qui doit fournir une explication du contenu visuel, comme pour authentifier son contenu et signifier la primauté du textuel sur le visuel.

10 Pourtant, cette interprétation entrerait en conflit avec la conception particulière de l’image qui se développe tout le long de la carrière de l’architecte. Dès 1858, dans son article « Un cours de dessin », cette conception se précise : « Un homme qui a longtemps pratiqué l’art du dessin et qui sait comment les formes se présentent aux yeux, se modèlent, accrochent la lumière, dessine par la pensée sans le secours de la main [22]. » L’approche pédagogique sous-entendue ici rend compte d’un fort investissement idéologique dans la capacité intellectuelle du dessinateur de restituer la structure rationnelle du réel avant même de passer au geste graphique. En mettant ainsi l’accent sur le potentiel rationalisant de l’image dessinée, Viollet-le-Duc présente celle-ci désormais non comme l’illustration d’un contenu textuel par rapport auquel elle se trouverait en position subordonnée, mais comme un agent de recherche intellectuelle à part entière. Vecteur d’une rationalité analytique, l’image dessinée joue un rôle de premier ordre dans la reconstitution des architectures du passé ; à la manière du dessin anatomique, elle permet au dessinateur de reconstituer mentalement la composition interne de l’objet représenté. Dans les Entretiens sur l’architecture, on retrouve l’explication suivante :

11

Si nous examinons des édifices anciens, nous voyons des œuvres complètes, achevées, des composés. Nous sommes obligés, pour les comprendre dans toutes leurs parties, de faire un travail au rebours de celui auquel le compositeur s’est livré. Celui-ci a procédé de la conception première à l’apparence définitive, du programme et des moyens disponibles au résultat ; nous, il nous faut passer par l’apparence pour arriver successivement à la conception et à la connaissance du programme et des moyens ; faire, pour ainsi dire, l’anatomie de l’édifice et constater les rapports plus ou moins parfaits qui existent entre cette apparence qui nous frappe tout d’abord et les moyens cachés, les raisons qui en ont déterminé la forme [23] .

12 Le projet de L’Histoire de l’habitation humaine semble ainsi relever de deux objectifs pédagogiques : d’abord, celui de démontrer une thèse « raciale » d’inspiration gobinienne qui insiste sur l’interaction de groupes raciaux à travers l’histoire, et deuxièmement celui plus « neutre » d’enseigner par le texte et l’image les processus de construction et leur longue évolution dans le même laps de temps. Le récit présente deux personnages qui, au cours d’un long voyage dans le temps, comparent les réalisations architecturales de diverses civilisations humaines. Ensemble, les héros observent, entre autres, les premiers balbutiements de l’architecture durant la préhistoire, la montée de la civilisation égyptienne, les techniques de construction employées dans la Grèce antique, et l’influence du bouddhisme sur l’architecture indienne. À cette fin, Viollet-le-Duc a pu mettre à profit son importante bibliothèque personnelle, contenant par exemple des ouvrages anthropologiques de Paul Broca et de Paul Topinard et des traités sur le bouddhisme et l’histoire du Mexique [24].

13 Bien que les deux voyageurs, Épergos et Doxi, retracent la généalogie de principes constructifs remontant directement à la préhistoire des races, ils présentent des perspectives divergentes sur leurs expériences ; tandis que Doxi (dont le prénom rappelle la doxa grecque) insiste sur le respect de la tradition, son ami Épergos représente la volonté de changement et l’innovation par le progrès technique. C’est ce dernier qui sélectionne dans chaque civilisation les meilleures pratiques architecturales, tandis que Doxi se contente de répéter qu’il ne faut pas bousculer l’ordre établi. Cette lutte continuelle dure jusqu’à la fin du livre lorsque, réunis avec leurs contemporains lors d’un dîner, Doxi et Épergos tirent des conclusions de leurs expériences. La conception dialectique privilégiée par l’interaction des deux personnages de l’Histoire de l’habitation humaine marque une importante divergence entre Viollet-le-Duc et Gobineau. Pour ce dernier, la modernité est inséparable du constat d’un « principe de mort » propre à toutes les civilisations humaines, qui voue celles-ci à une dégénérescence irréversible, due à la présence toujours croissante de mélanges entre groupes raciaux [25]. La mort frappe une civilisation lorsque « le principe ethnique dirigeant est complètement fondu dans les éléments hétérogènes qu’il rallie, et par conséquent lorsque sa tâche locale est suffisamment faite [26] ». Tandis que chez Gobineau, la race fournit le principe d’une eschatologie de l’humanité, Viollet-le-Duc voit en elle l’agent d’une téléologie. Le récit de son parcours des civilisations du monde pousse donc Épergos à dresser un portrait optimiste de l’avenir de la pratique architecturale : « Chacun cherche déjà et cherchera davantage à savoir d’où il vient, quel il est, et par suite, à adopter ces formes originelles qui conviennent au génie et aux besoins de sa race [27]. »

14 Grâce à la technique de la gravure sur bois « de bout », Viollet-le-Duc est en mesure d’offrir des images d’une grande précision. Tout le long de l’Histoire de l’habitation humaine, le lecteur est confronté à de nombreux plans et gravures de maison ainsi qu’à des « portraits types » de membres de diverses races qui figurent en culs-de-lampe à la fin des chapitres. Mais comment intégrer l’abondance de « styles » architecturaux contenue dans toutes ces images ? Vu la complexification croissante des rapports entre peuples à travers l’histoire, comment l’architecture moderne peut-elle se ressourcer dans son passé en évitant une prolifération galopante de combinaisons de « styles » sans logique apparente ? C’est dans ce but que Viollet-le-Duc se propose de faire ressortir un fil conducteur qui permettrait de relier de façon stable et unie les principes constructifs depuis la préhistoire.

RACE ET HISTORICITÉ

15 La possibilité d’une telle filiation est fournie au plan narratif par l’entrée en scène des « Aryas » [fig. 1]. Un des principaux objectifs de L’Histoire de l’habitation est de mettre en avant l’existence d’un lien étroit entre les constructions en bois (chalets, pavillons etc.) de l’architecture européenne au XIXe siècle et les habitations primitives en bois des Aryas, peuple habitant le Haut Indus et présentant de fortes similarités avec la catégorie des Arians qui figure dans l’Essai de Gobineau. Les « Aryas », pour reprendre une expression de Stefan Arvidsson, sont pour Viollet-le-Duc « good to think with[28] » ; porteurs d’une historicité en dehors de laquelle les autres races sont présumées arrêtés dans leur évolution [29], ils servent principalement à la construction d’une fiction ayant une dimension épique.

Figure 1
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16 Originaires d’une région montagneuse et boisée, les Aryas ont toujours employé le bois dans leur architecture ; en revanche, la construction « par agglutinage » serait le propre de la race jaune, en raison de l’absence de bois dans les régions dont elle est issue [30]. Agents de l’histoire, les Aryas sont également tenants d’une vision fortement eurocentrique de la rationalité structurelle à laquelle s’identifient Épergos et la voix narrative. Manifestant un vif intérêt pour la logique structurelle dont témoignent les constructions en charpente des Aryas, les deux voyageurs font de cette race et de ses migrations successives vers l’Europe l’axe principal de leurs réflexions.

17 Bien que la plupart des chapitres évoquent une civilisation datée, les premiers épisodes du voyage dans lesquels les races « ariane » et jaune apparaissent pour la première fois ne semblent pas liés à une époque précise. Dans cette optique, il est utile de considérer le portrait de la race jaune qui est esquissé dans le chapitre « Les Jaunes », car les descriptions contenues dans ce chapitre sont de tout l’ouvrage celles qui sont les plus marquées par la rhétorique raciale. Alors que Viollet-le-Duc ne fait aucune référence à l’architecture africaine, il intègre néanmoins la catégorie médiane de la hiérarchie gobinienne, structurant son argumentation autour d’un certain nombre de stéréotypes sinophobiques déjà présents dans l’Essai. Lorsque les deux voyageurs arrivent pour la première fois devant une maison en Chine (un titre courant indique qu’il s’agit de ce pays), ils sont reçus à coups de pierre :

18

Que penses-tu des façons de ces êtres hideux ? dit Épergos à son compagnon.
– Je pense que quand on est en présence de bêtes sauvages, le mieux est de se retirer et de ne pas attendre qu’elles vous mordent ; nous n’avons rien à faire ici, retirons-nous donc. – Non, pas si vite ; il nous faut savoir comment des êtres, en apparence si sauvages, se font des demeures qui indiquent des mœurs polies [31].

19 On remarquera une étroite correspondance entre la violence des préjugés qui sont énoncés dans ce passage et le dessin d’un individu asiatique qui clôt le chapitre [fig. 2].

Figure 2
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20 Tous les deux portent sur leur objet un regard déformant qui tend à constituer un ensemble de caractéristiques du « type ». On peut d’abord constater l’accentuation poussée presque jusqu’au grotesque des traits physionomiques considérés comme typiques de la race jaune. Malgré la première impression défavorable, Doxi et Épergos sont reçus dans la maison d’un dénommé Fau, sous prétexte de l’aider à surmonter les infirmités et l’obésité dont il souffre (marque également de l’influence gobinienne). Pendant que leur hôte (dont le nom indique bien évidemment le mépris dont ce personnage est l’objet) explique les raisons de sa mauvaise santé, les voyageurs ont l’occasion d’examiner de près l’intérieur d’une maison asiatique. La construction du toit, composé de morceaux de bambous emboîtés les uns dans les autres, attire le regard d’Épergos.

21 Il est intéressant de noter que, contrairement aux Aryas, Fau ne donne à aucun moment son point de vue personnel sur les procédés de construction du bâtiment. Le personnage a tout simplement acheté la maison, conformément au stéréotype gobinien qui place sur le même plan origine ethnique et gain matériel. Pendant qu’Épergos tient le rôle du sujet pensant, voyant et parlant qui « découvre » les principes de l’architecture chinoise en multipliant les actes d’inspection et de commentaire, Fau lui-même est absent de la scène. Épergos conclut finalement au caractère néfaste de cette architecture pour la santé humaine. Est ainsi signalée une opposition entre les races arya et jaune, l’image et le texte insistant sur la supériorité physique et surtout intellectuelle de l’Arya. Voici donc pour la démonstration de la thèse gobinienne, qui amène le lecteur à conclure à l’irrationalité des individus appartenant à ce groupe. C’est le cas d’Épergos qui, malgré son intérêt pour l’agencement des bambous, remarque le « peu d’efforts d’intelligence [32] » qu’exige une telle approche. Dans le cadre de l’analyse qui suit, on peut saisir la portée rhétorique de ce commentaire dédaigneux d’Épergos – qui cherche à éviter une potentielle valorisation de l’objet du regard narratif –, par le biais du concept d’« ancrage » de Roland Barthes : « L’ancrage est un contrôle, il détient une responsabilité, face à la puissance projective des figures, sur l’usage du message ; par rapport à la liberté des signifiés de l’image, le texte a une valeur répressive, et l’on comprend que ce soit à son niveau que s’investissent surtout la morale et l’idéologie d’une société [33]. »

LE REGARD CONSTATIF : SOURCE DE DISCONTINUITÉ

22 Il peut être utile à ce stade de souligner une particularité du récit, qui semble introduire une certaine discontinuité dans son déroulement. Comme nous l’avons vu, la dialectique de la raison et de la tradition est thématisée à travers la relation entre Doxi et Épergos, mais la discontinuité dont il est question ici n’appartient pas à l’économie du récit proprement dit. En effet, la soudaine focalisation sur les éléments proprement architecturaux, lorsqu’Épergos promène son regard sur l’intérieur des édifices, est signalée tout le long du texte par un brusque passage à la description « pure » ou « neutre » des édifices. L’introduction de ce regard constatif dans le discours racial tend en effet à déstabiliser la posture énonciative sur laquelle se fonde ce dernier. Suivant les travaux de Philippe Hamon, la description peut être considérée comme une figure « douteuse, figure où prolifère le “détail inutile”, figure à la fois sans nécessité locale interne et menaçant la nécessité globale de l’œuvre [34] ». Ni l’énumération des pièces de la maison chinoise, ni la description détaillée de la composition du toit et des murs ne contribuent à la nécessité de l’œuvre, car elles détournent l’attention du lecteur des signes incarnés par lesquels la « jauneur » est signalée dans le texte. La cohérence de la rhétorique raciale qui oppose « Aryas » et « Jaunes » est donc effectivement perturbée par le caractère visuel du récit : la succession de plans d’édifices, d’illustrations [fig. 3, 4, 5] et de longs intervalles descriptifs indiquent une concession à la rationalité constructive dont ceux-ci sont issus, et ils font pour un temps obstacle à l’affirmation du caractère irrationnel, inerte ou décadent de la civilisation chinoise.

Figure 3
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23 Bien que Viollet-le-Duc affirme que « tous les hommes, ou plutôt toutes les races humaines ne sont pas également portés vers le besoin d’examiner et de comprendre [35] », une conséquence du travail du crayon de l’architecte lorsqu’il dessine le plan de la maison de Fau est qu’il fait revivre l’activité rationnelle et créatrice dont cette construction est le produit, au rebours de ce qu’il souhaitait – et ce, alors que le discours rapporté d’Épergos affirme que le plan de construction est dénué d’intelligence. Dans son étude du roman à thèse, Susan Rubin Suleiman insiste sur une certaine tension propre au récit idéologique, tension qui se développe à partir de la fonction démonstrative. En effet, le roman à thèse, en cherchant à proclamer son statut de fiction, doit mettre en évidence un grand nombre de détails « gratuits » (au niveau de l’intrigue, des personnages ou de la description). Or ces détails risquent de détourner l’attention du lecteur, ou même momentanément de nuire à la fonction démonstrative qui est première dans ce genre de récit. Selon Susan Suleiman, il s’agit là d’un effet de « brouillage » du récit idéologique : « Dans ce que j’appelle le débordement ou le trop-plein du sens, l’effet produit n’est pas simplement l’atténuation de la thèse, mais sa subversion : le récit dit tant et si bien qu’il finit par produire des éléments contradictoires qui brouillent la limpidité de sa propre démonstration. Cet effet de brouille peut n’être que local ou momentané – nous sommes toujours dans le roman à thèse [36]. » On peut sans doute retrouver cet effet de brouillage dans la structure narrative de l’Histoire de l’habitation humaine. L’effet peut être perçu dans le caractère visuel du récit de Viollet-le-Duc, non seulement dans ses aspects proprement graphiques mais aussi dans les longs intervalles descriptifs qui scandent le texte. Dès lors que le regard, textuel ou graphique, se pose non pas sur un corps observable constitué comme objet du regard mais sur une architecture envisagée comme le produit d’une rationalité pensante reconstituée par le dessin, on constate la reconnaissance d’une intelligence constructive que la logique raciale semble nier catégoriquement. Là où la rhétorique raciale exige la simplification maximale (notamment par la réduction du membre d’une race à son seul corps) pour la démonstration de sa thèse, le dessin, en revanche, livre une quantité de données « superflues » du point de vue de la fonction démonstrative.

Figure 4
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Figure 5
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24 À l’encontre de la thèse raciale et de son besoin de clôture informative, le geste graphique et l’activité descriptive recentrent l’attention du lecteur sur un ensemble d’activités constructives suggérées par un vocabulaire technique. Dans les mêmes passages sur la maison chinoise, il est question de chevilles, de cavités cylindriques, de « grosses pierres parfaitement assemblées [37] », de « liens adroitement placés [38] », de « bambous artistement travaillés [39] » ; alors que les mots composer, maintenir, supporter et assembler suggèrent la technicité constructive, le champ lexical de la construction signale de surcroît les fonctions d’un espace traversé par une rationalité polyvalente ; il s’agit d’une bâtisse qui dans ses différentes parties éclaire, renferme, laisse circuler l’air et permet une diversité d’activités. Outre le caractère nettement dessiné des formes et la vue en perspective qui suggère le procédé d’assemblage du bambou, il émane de ces aspects du texte l’impression d’une activité créatrice et rationnelle qui va à l’encontre de l’image d’inertie et d’indifférence qui se dégage des descriptions des « Jaunes » eux-mêmes. Ces aspects graphiques ou visuels du récit tendent donc à rationaliser les objets représentés et à en tirer une matière pédagogique à caractère architectural.

25 Convoquer une explication racialisée des phénomènes, c’est, selon Guy Barthélemy, « clarifier les choses, définir les essences, attribuer des rôles, stabiliser une posture d’énonciation [40] ». Or, si ce constat reste en grande mesure vrai, la tentative de Viollet-le-Duc d’intégrer à l’histoire comparée de l’architecture une typologie raciale d’origine gobinienne met en évidence néanmoins certaines tensions d’ordre discursif. Notamment, la place ambiguë accordée par le regard occidental à la Chine, cette « Europe non perfectible » selon la formule d’Ernest Renan [41]. En raison de la présence de certains signes extérieurs qu’il est possible de rapprocher de la civilisation européenne, la Chine est simultanément mise en valeur et constituée comme manque. C’est donc selon un mouvement incertain de concessions involontaires puis de soudain refus que le regard occidental admet la présence de cette civilisation au sein de son propre système de valeurs, révélant ainsi la tension ontologique à laquelle est soumise la catégorie intermédiaire dans ce genre de conception hiérarchisée des rapports entre peuples. Un mouvement qui trouve son reflet également dans un va-et-vient entre verbal et visuel, lequel fait l’objet d’un contrôle rigoureux.

26 Comme nous l’avons vu, la posture énonciative du récit de Viollet-le-Duc se trouve en effet déstabilisée momentanément par la prolifération de certains signes visuels indépendamment des sens étroitement circonscrits qui leur sont attribués par l’idéologie raciale. Là où la tentative de vulgarisation d’une doctrine à caractère anthropologique demande la schématisation, l’impulsion pédagogique incite à la précision et à la multiplication des détails ; le regard du dessinateur explicite ce qu’il voit, même si, par moments, cela paraît compromettre l’intégrité de la thèse gobinienne dont ce texte se veut le véhicule. Si, au terme du récit de l’apprentissage de petit Jean dans Histoire d’un dessinateur, le narrateur se permet de poser une équivalence entre vision et connaissance (« Voir, c’est savoir [42] »), c’est donc, semble-t-il, une autre pratique de connaissance, voire une autre histoire qui se dessine – puis de nouveau s’efface — dans la trame de ces échanges entre texte et image dans l’Histoire de l’habitation humaine.

Notes

  • [1]
    « Inhabited spaces in society present themselves as institutions that open a place for life, offer shelter and refuge, command the precepts of domesticity, set the rules of hospitality, and prescribe those of hostility » (Georges Teyssot, Topology of Everyday Constellations, Cambridge, Massachussetts Institute of Technology Press, 2013, p. 2).
  • [2]
    Outre les écrits de Viollet-le-Duc dont il est question dans cette analyse, on peut noter l’ouvrage L’Habitation humaine de Charles Garnier et A. Ammann, Paris, Hachette, 1892.
  • [3]
    Martin Bressani résume ainsi la vision organiciste de l’architecte : « C’est la corporalité et l’unité du bâti qui priment. Chaque membre ayant sa configuration volumétrique propre est cependant prisonnier d’un système de forces, stabilisé, mais toujours sous tension, qui lie l’ensemble en un tout organique. Cette conception s’oppose catégoriquement au modèle abstrait et mécanique cher au siècle des Lumières où le tout est obtenu par l’imbrication de parties distinctes » (Martin Bressani, « Opposition et équilibre : le rationalisme organique de Viollet-Le-Duc », Revue de l’art, n° 112, 1996, p. 28-37). En ligne
  • [4]
    Sur ces thèmes, on pourra se référer aux articles suivants : Éric Michaud, « Barbarian Invasions and the Racialization of Art History », October, n° 139, 2012, p. 59-76 et Dominique Jarrassé, « Mythes raciaux et quête de scientificité dans la construction de l’histoire de l’art en France 1840-1870 », Revue de l’art, n° 146, 2004, p. 61-72.
  • [5]
    Comme le souligne l’analyse d’Éric Michaud, la racialisation de l’imaginaire national dans l’histoire de l’art comporte un processus de « dé-barbarisation », c’est-à-dire la réhabilitation de certains acteurs dans la généalogie nationale. Ces développements dans l’histoire de l’art sont également marqués par l’ambition d’inverser la prétendue atemporalité du classicisme : « At once aesthetic, political, racial and religious, this formidable Romantic inversion [...] forms the real matrix for the history of art as a discipline, which was born precisely from attacks on the universalism of the classical ideal and its pretense of standing outside of history », (ouvr. cité, p. 68). Sur ce thème, on pourra également se référer à l’essai « Nord-Sud. Du nationalisme et du racisme en histoire de l’art » paru dans Éric Michaud, Histoire de l’art : une discipline à ses frontières, Paris, Hazan, 2005, p. 49-84.
  • [6]
    Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, Entretiens sur l’architecture, Paris, A. Morel, 1863, t. I, p. 242- 43.
  • [7]
    Dominique Jarrassé retrace cette « ethnicisation » progressive du discours viollet-le-ducien sur l’art, en constatant la récurrence dans des ouvrages comme le Dictionnaire raisonné de l’architecture française (1858-68), mais également dans les Entretiens sur l’architecture (1863), et dans L’Art russe (1877) de termes comme « race jaune », « arya » et « race blanche » qui sont empruntées à la doctrine gobinienne (ouvr. cité, p. 61-72). Une série de douze lettres de Gobineau à Viollet-le-Duc sont conservées dans le fonds Viollet-le-Duc à l’Institut national du patrimoine et de l’architecture. Malheureusement, ces archives faisant l’objet d’un grand remaniement actuellement, on ne peut y avoir accès.
  • [8]
    Arthur de Gobineau, Œuvres, Paris, Gallimard, 1983, t. I, p. 268.
  • [9]
    Ibid., p. 340.
  • [10]
    Ibid., p. 339.
  • [11]
    Ibid., p. 340.
  • [12]
    Ibid., p. 341.
  • [13]
    Ibid., p. 341.
  • [14]
    Le thème est traité par Sylvie André dans « “L’Arianité” : paradis perdu de Gobineau », Romantisme, n° 37, 1982, p. 65-80.
  • [15]
    C’est sans doute là une caractéristique fondamentale du discours racial : « Le racisme procède par détermination des écarts de déviance, en fonction du visage Homme blanc qui prétend intégrer dans des ondes de plus en plus excentriques et retardées les traits qui ne sont pas conformes » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, Capitalisme et Schizophrénie : Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 218).
  • [16]
    Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, Paris, Bance, 1866, t. 8, p. 99.
  • [17]
    Voir Viollet-le-Duc, L’Art russe : ses origines, ses éléments constitutifs, son apogée, son avenir, Gollion, Infolio, 2012, p. 38-40.
  • [18]
    Dictionnaire raisonné, ouvr. cité, t. 8, p. 98
  • [19]
    Viollet-le-Duc, Histoire de l’habitation humaine depuis les temps préhistoriques jusqu’à nos jours, Paris, Hetzel, 1875. Ce thème fait aussi l’objet de l’ouvrage précité de Charles Garnier et Auguste Ammann paru en 1892.
  • [20]
    Viollet-le-Duc, Histoire d’un dessinateur, Paris, J. Hetzel & Cie, 1879.
  • [21]
    Viollet-le-Duc, Lettres inédites de Viollet-Le-Duc recueillies et annotées par son fils, Paris, Librairies-Imprimeries Réunies, 1902, p. 147.
  • [22]
    Viollet-le-Duc, « Un Cours de dessin », L’Artiste, n° 5, 1858, p. 157.
  • [23]
    Entretiens sur l’architecture, ouvr. cité, t. I, p. 463.
  • [24]
    Pour l’inventaire de la bibliothèque, on consultera les extraits du catalogue de vente contenu dans l’ouvrage de Laurent Baridon, L’Imaginaire scientifique de Viollet-Le-Duc, Paris, Harmattan, 1996, p. 223-238.
  • [25]
    « Le principe de mort, visible au fond de toutes les sociétés, est non seulement adhérent à leur vie, mais encore uniforme et le même pour toutes. [...] C’est nous modernes, nous les premiers, qui savons que toute agglomération d’hommes et le mode de culture intellectuelle qui en résulte doivent périr. Les époques précédentes ne le croyaient pas » (Gobineau, ouvr. cité, t. I, p. 143).
  • [26]
    Ibid., p. 1162.
  • [27]
    Histoire de l’habitation humaine, ouvr. cité, p. 369.
  • [28]
    « These prehistoric peoples have preoccupied people in modern times primarily because they were [...] “good to think with”, rather than because they were meaningful historical actors » (Stefan Arvidsson, Aryan Idols : Indo-European Mythology as Ideology and Science, Londres, University of Chicago Press, 2006, xi).
  • [29]
    Selon Gobineau, « de dire quand la barbarie a commencé, voilà ce qui dépasse les forces de la science. Par sa nature même elle est négative, parce qu’elle reste sans action. Elle végète inaperçue, et l’on ne peut constater son existence que le jour où une force de nature contraire se présente pour la battre en brèche » (ouvr. cité, t. I, p. 352).
  • [30]
    On retrouve le même thème dans les pages de L’Art russe : « Il n’existe, parmi les diverses races dont se compose l’humanité, qu’un nombre restreint de principes d’art, soit au point de vue de la structure, soit au point de vue de l’ornementation. Quant à la structure, il n’est que deux méthodes principales. La première, et la plus ancienne très probablement, consiste à employer le bois ; la seconde comprend tous les systèmes d’agglutinage, méthode que l’on désigne sous le nom général de maçonnerie : brique crue ou cuite, pierre moellon réunis par de l’argile ou un ciment » (L’Art russe, ouvr. cité, p. 37).
  • [31]
    Histoire de l’habitation humaine, ouvr. cité, p. 27.
  • [32]
    Ibid., p. 32.
  • [33]
    Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », Communications, n° 4, 1964, p. 40-51, p. 44-45. En ligne
  • [34]
    Philippe Hamon, Expositions. Littérature et architecture au XIXe siècle, Paris, Corti, 1989, p. 43.
  • [35]
    Dictionnaire raisonné, ouvr. cité, t. 11, p. 98.
  • [36]
    Susan Rubin Suleiman, Le Roman à thèse ou l’autorité fictive, Paris, PUF, 1983, p. 247.
  • [37]
    Histoire de l’habitation humaine, ouvr. cité, p. 29.
  • [38]
    Ibid., p. 31.
  • [39]
    Ibid., p. 35.
  • [40]
    Guy Barthélemy, « Race ou altérité ? De quelques implications textuelles du regard porté sur la diversité humaine » (dans L’Idée de “race” dans les sciences humaines et la littérature : XVIIIe-XIXe siècles, Actes du colloque international de Lyon, 16 au 18 novembre 2000, sous la dir. de Sarga Moussa, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 409-26, p. 426.
  • [41]
    « De toutes les nations asiatiques, la Chine est celle dont les institutions au moins dans leur mécanisme extérieur, offrent avec la civilisation européenne les rapports les plus remarquables. [...] La Chine est en quelque sorte une Europe non perfectible : elle a été dès son enfance ce qu’elle devait être à jamais, et telle est la raison de son infériorité » (Ernest Renan, Œuvres, Paris, Calmann-Lévy, 1906, p. 353-54).
  • [42]
    Histoire d’un dessinateur, ouvr. cité, p. 302.
Français

Depuis quelque temps, la recherche se penche sur une double évolution de l’histoire de l’art à la fin du XIXe siècle, à savoir son institutionnalisation progressive en tant que discipline, et la racialisation du discours employé par certains de ses praticiens. Si l’on a pu analyser les conséquences de cette évolution pour le parcours intellectuel d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, une attention plus grande portée au rapport texte/image au sein de son ouvrage illustré de 1876 permet de problématiser l’équivalence entre voir et savoir qui traverse la pensée de l’architecte. Là où la rhétorique raciale exige une simplification maximale pour la démonstration de la thèse gobinienne dont cet ouvrage se veut le véhicule, les aspects visuels du texte, en revanche, livrent une quantité de données « superflues » du point de vue de la fonction démonstrative.

English

For a while now an object of interest for scholarship has been the double evolution of art history at the end of the 19th century, with its institutionalisation as a discipline and the racialization of the discourse of some of tis practitioners. If it has been possible to analyse the consequences of this evolution on the intellectual development of Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, more attention focused on the relationship between text and image in his illustrated work from 1876, Habitations of Man in All Ages, can lead to questioning the equivalence between seeing and knowing which runs through the architect’s work. Where the rhetoric of race requires maximum simplification for the demonstration of the Gobinian thesis this work diffuses, the visual aspects of the work, on the other hand, deliver quantity of data “superfluous” from the point of view of the demonstration’s needs.

Greg Kerr
(University of Glasgow)
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/02/2015
https://doi.org/10.3917/rom.166.0082
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