CAIRN.INFO : Matières à réflexion
Parler de l’Univers physique, métaphysique et mathématique, matériel et spirituel : de son essence, de son origine, de sa création, de sa condition présente et de sa Destinée.
Edgar POE, Eurêka, Paris, Michel Lévy frères, 1864, p. 4.

1 Lorsque l’on considère les acteurs et leurs pratiques, le XIXe siècle est un siècle profondément ambivalent pour l’histoire de l’astronomie. Avec la multiplication des observatoires, l’augmentation de leur taille et du prix de leurs instruments, leur ancrage profond dans le fonctionnement des États-Nations [1], l’astronomie s’impose comme une profession scientifique, essentiellement constituée, au moins dans le cas de la France, de fonctionnaires peu nombreux faisant partie des plus hautes élites de l’État. Mais parallèlement, à partir du milieu du siècle, les sociétés savantes se multiplient, assouplissant toujours plus les conditions exigées pour en devenir membre, et les transformations rapides du monde de l’édition (ce que Frédéric Barbier appelle la « seconde révolution du livre [2] »), en diminuant les coûts de production, rendent possible l’émergence d’un public large pour la science. L’astronomie occupe un rôle central dans ce contexte de croissance exponentielle de l’importance culturelle de la science, la mise en scène des astres dans des ouvrages populaires produisant un merveilleux scientifique se vendant, parfois, à des dizaines (voire des centaines) de milliers d’exemplaires [3] .

2 Dans cet article, nous nous limiterons à un domaine très particulier de l’astronomie, celui de l’étude scientifique de l’origine et de la formation des astres, communément rassemblée, jusqu’à l’entre-deux-guerres, sous le terme de « cosmogonie scientifique [4] ». Comme le thème de la fin du monde ou de la pluralité des mondes habités [5], la question de l’origine des planètes (et de la Terre en particulier) imprègne profondément les imaginaires de la seconde moitié du XIXe siècle, aussi bien dans les représentations savantes que populaires. En 1864, Jules Verne, dans son Voyage au centre de la Terre, plonge par exemple son héros, le jeune Axel voguant sur une gigantesque mer souterraine aux côtés de son oncle le professeur Lidenbrock, dans une profonde rêverie cosmogonique, remontant la « série des transformations terrestres » jusqu’à la nébuleuse primitive et ses « immenses vapeurs qui tracent dans l’infini leur orbite enflammée [6] ». Nadar rapporte en 1899 avec admiration la passion de son ami Désiré von Monckhoven pour l’astronomie et plus particulièrement pour « l’inextricable cosmogonie [7] ». Et la question des origines cosmiques est également présente chez de nombreux poètes, comme Victor Hugo ou Jules Laforgue [8], sans parler du « symbolisme cosmique [9] » d’un Odilon Redon [10] ou, plus tard, d’un Constantin Juon.

3 Mais au-delà de cette imprégnation culturelle, la formulation d’hypothèses cosmogoniques devient particulièrement intéressante lorsque l’on considère les auteurs aspirant à une reconnaissance scientifique et les lieux dans lesquels ils s’expriment. En effet, l’étude scientifique des origines cosmiques cristallise de façon paradigmatique l’ambiguïté socio-épistémique inhérente à cette période en astronomie. Comme nous le montrerons, cette thématique se situe alors à une interface instable, évoluant rapidement au tournant du XIXe et XXe siècle, entre centres et marges savantes, entre intérieurs et extérieurs des institutions scientifiques, l’attrait de la cosmogonie réunissant parfois des auteurs possédant une autorité savante importante et d’autres en étant largement dépourvus [11]. Il s’agira d’abord ici de souligner l’intérêt de l’étude des auteurs de théories cosmogoniques scientifiques pour l’analyse de la construction toujours renouvelée de démarcations entre science officielle et science populaire. Mais l’observation de ces acteurs permet également, comme on le verra, de mettre en évidence certaines résistances au monopole que s’efforcent d’établir les élites savantes sur les pratiques astronomiques, ainsi que certaines formes de contournement des structures institutionnelles fortement hiérarchisées de la science française.

LA COSMOGONIE INTERDITE À L’OBSERVATOIRE ET DÉBATTUE HORS DE L’INSTITUTION

4 Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les travaux spéculatifs, c’est-à-dire n’étant pas directement liés à la production et à l’exploitation de données d’observation ou de résultats expérimentaux, sont extrêmement rares dans les publications des observatoires d’État français et en particulier de l’Observatoire de Paris (dans le Bulletin Astronomique par exemple). Ainsi, les astronomes de métier n’abordent que très marginalement la question de l’origine des astres dans le cadre de leur pratique professionnelle quotidienne. Cette quasi-absence des questions cosmogoniques peut être rapprochée de la mise en place à cette époque d’une nouvelle organisation générale des observatoires, des pratiques et de la production scientifique des agents qui officient en leur sein. C’est à Greenwich que Simon Schaffer, puis Robert Smith, ont identifié l’archétype d’une organisation qui servira de modèle à l’ensemble des observatoires d’Europe. À partir de 1835, G. B. Airy, astronome royal et directeur de l’Observatoire de Greenwich, met en place un modèle d’administration des pratiques astronomiques s’inspirant de l’industrie et ayant pour objectif de produire en continu des données d’observation ainsi que des monographies. Il segmente le travail, sépare les tâches, fabriquant de la sorte un « factory-like observatory » réglé par une discipline implacable et dans lequel les opérations fastidieuses et répétitives sont réalisées par des observateurs et des calculateurs peu qualifiés [12]. À Paris, c’est sous la direction d’Urbain Le Verrier, à partir de 1854, que cette organisation segmentée du travail astronomique s’affirme avec le plus de force. Ouvertement inspiré par Airy (à qui il rend visite à Greenwich en 1855), il met en place une organisation du travail fortement hiérarchisée dans laquelle le directeur concentre tous les pouvoirs, notamment celui de contrôler les thématiques de recherche des astronomes titulaires ainsi que le détail de leurs publications [13]. Et Le Verrier, bien qu’ayant acquis sa propre renommée grâce à des travaux théoriques (ses calculs ont conduit à la découverte de Neptune en 1846), oriente très tôt la politique scientifique de l’Observatoire dans une direction essentiellement instrumentale, développant le service de mesure de l’heure et sa diffusion télégraphique, la détermination des longitudes, et le service météorologique [14]. Le service des astronomes est ainsi accaparé par l’étude, l’entretien, et l’exploitation des instruments d’observation, et jusqu’à la mort de Le Verrier en 1877, les travaux théoriques et « spéculatifs » sont largement perçus comme perturbant l’activité normale des agents au sein des observatoires d’État. Sous la direction du contre-amiral Ernest Mouchez, qui prend la direction de l’Observatoire en 1878, cette association contraignante des astronomes aux instruments s’assouplit un peu mais cette vision du travail des astronomes perdurera malgré tout durant les décennies qui suivent [15]. En 1884, Georges Rayet, alors directeur de l’observatoire de Bordeaux, écrit ainsi à Mouchez que « dans un observatoire on doit d’abord observer et nettoyer ses instruments [...] les hautes spéculations ne doivent venir qu’après [16] ». Dans la pratique, si elles peuvent être utilisées ponctuellement dans des rapports pour témoigner de l’activité scientifique florissante des fonctionnaires astronomes, les « études personnelles », surtout lorsqu’il s’agit de « hautes spéculations », sont largement considérées comme des activités de loisir, réalisées en marge des observatoires, en marge de l’institution.

5 Les débats concernant l’origine des astres sont donc largement absents du service quotidien et des productions des astronomes d’État du second XIXe siècle en France. Néanmoins, quelques-uns d’entre eux s’écartent des usages de leur tutelle et se risquent à proposer et à défendre des hypothèses cosmogoniques dans divers espaces d’expression savante. C’est dans ce contexte qu’Hervé Faye et Charles Wolf, deux personnages importants de l’astronomie française de l’époque, vont s’affronter autour de la remise en cause de l’hypothèse cosmogonique de Laplace par Faye, en partie dans des lieux d’édition très institutionnels, tels que le Bulletin Astronomique ou les Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, mais également dans des lieux de science plus populaires, à l’extérieur de l’Observatoire.

6 En 1880, Hervé Faye, inspecteur général de l’enseignement supérieur, membre du Bureau des Longitudes, astronome à l’Observatoire jusqu’à sa démission en 1855, publie deux Notes dans les Comptes Rendus de l’Académie des sciences (CRAS) dans lesquelles il critique ouvertement l’hypothèse cosmogonique de Laplace [17]. Cette hypothèse, à laquelle la plupart des savants de métier adhèrent à cette époque, explique la formation du système solaire par la condensation progressive d’une nébuleuse en rotation. Faye expose ici pour la première fois l’hypothèse qu’il a conçue afin de remplacer cette dernière, proposant de découper le système solaire en deux parties, l’une dont l’évolution a conduit à un sens de rotation direct des planètes, et l’autre à un sens « rétrograde ». Ces Notes n’entraîneront aucune réponse dans les CRAS et seront relativement peu commentées par l’ensemble de la presse. Quatre ans plus tard, en 1884, Faye change radicalement de format éditorial et publie chez Gauthier-Villars une monographie destinée à un public plus large, adaptant une conférence qu’il a donnée l’année précédente à la Sorbonne. Ce livre, Sur l’origine du monde, rencontre un certain succès de librairie, suffisant pour susciter une nouvelle édition dès 1885 (une troisième paraîtra en 1896, puis une quatrième en 1907), et est abondamment commenté dans la presse quotidienne et dans les revues de science populaire [18]. Contrairement aux Notes présentées à l’Académie des sciences, la publication de ce livre provoque une réaction vive et rapide chez un astronome de l’observatoire de Paris, Charles Wolf. En 1884, Wolf est astronome titulaire à l’Observatoire (depuis 1862) et vient d’être élu à l’Académie des sciences en section Astronomie (en 1883). Il se lance alors dans la publication d’une série de sept articles dans le Bulletin Astronomique, paraissant entre 1884 et 1885, afin de prendre la défense, point par point, de l’hypothèse de Laplace. Parallèlement, Faye continue sa stratégie éditoriale d’ouverture à un lectorat non spécialiste, vers l’extérieur de l’Observatoire, en publiant une version condensée et simplifiée de son hypothèse dans l’Annuaire publié par le Bureau des Longitudes pour l’année 1885. Enfin, réaffirmant sa contre-attaque, Wolf publie en 1886, lui aussi chez Gauthier-Villars, une monographie rassemblant et complétant ses articles de l’année précédente.

7 Sans rentrer dans le détail de cette controverse, il est intéressant de souligner ici qu’un des enjeux émergeant des débats entre Faye et Wolf, par publications interposées, réside dans l’affirmation, par chacun des acteurs, du lieu dans lequel il est légitime de porter le débat concernant les origines des astres, et des acteurs susceptibles d’y participer. Par l’importance accordée à la primauté de la publication dans le Bulletin Astronomique, et par la saturation de ses textes de références à des travaux astronomiques, provenant en particulier d’auteurs étasuniens ou britanniques [19], Wolf entreprend de circonscrire le traitement scientifiquement légitime des questions de cosmogonie au seul domaine de l’astronomie officielle, c’est-à-dire de les maintenir sous l’égide des institutions centrales que sont les observatoires d’État. De son côté, Faye, qui, depuis sa démission de l’Observatoire vingt ans plus tôt, peine à être pleinement reconnu institutionnellement comme astronome, s’efforce d’élargir l’extension socio-cognitive de l’étude scientifique de l’origine du monde, multipliant les lieux de publication, s’adressant à des publics variés, dépassant les frontières disciplinaires (en mobilisant par exemple dans son argumentation des résultats de géologie ou de physique). Faye conteste ainsi le monopole du pouvoir de l’Observatoire, en tant qu’institution centrale, dans sa capacité à dire le vrai concernant toutes les choses du ciel, c’est-à-dire l’extension de son autorité épistémique. De la sorte, il semble suggérer que, selon lui, les astronomes ne devraient plus confisquer « une des plus grandes questions de ce siècle, à savoir la constitution et l’origine du système solaire [20] ».

8 Ce petit exemple du contournement par Faye de l’emprise éditoriale (et cognitive) de l’Observatoire concernant les questions de cosmogonie met en évidence l’existence de chevauchements, d’interstices dans la démarcation entre lieux officiels de production et de publication des savoirs astronomiques et lieux extra-institutionnels, parfois populaires. Du point de vue de l’histoire des seules élites savantes, Faye et Wolf constituent des cas isolés, des exceptions montrant, en creux, l’exclusion des questions spéculatives des institutions astronomiques du second XIXe siècle en France. Mais si Faye parvient à présenter publiquement et à publier ses critiques de la théorie de Laplace et sa propre théorie c’est que, parallèlement à son activité à l’Académie des sciences et au Bureau des Longitudes, il s’insère simultanément dans divers réseaux non professionnels d’astronomie dans lesquels la formulation d’hypothèses cosmogoniques est, comme on va le voir, déjà fréquente.

LA COSMOGONIE, UN LOISIR SÉRIEUX

9 L’importance des sciences comme cultures et comme pratiques dépassant largement le cadre des seules élites savantes a depuis longtemps été établie pour le XIXe siècle. Qu’il s’agisse du développement exponentiel des écrits de vulgarisation [21], ou du foisonnement de travaux savants réalisés par des amateurs à l’extérieur d’institutions scientifiques alors en train de se professionnaliser [22], les lieux de production et de circulation de connaissances scientifiques débordent largement le seul laboratoire, et, dans le cas de la France, la seule Académie. Les conférences publiques, les expositions universelles, les réunions de sociétés savantes, les cours dans les universités populaires, les publications d’ouvrages de (et sur) les sciences, les musées de science, les excursions géologiques ou naturalistes, dessinent ainsi un paysage complexe de pratiques savantes maintenant des espaces de liberté (et de critique) face aux démarcations d’autorité épistémique que les savants de métier mettent progressivement en place depuis les plus hautes instances de la science française.

10 La publication de monographies ou de brochures, par des éditeurs importants dans le monde scientifique (comme Gauthier-Villars) ou d’autres dont la diffusion est beaucoup plus confidentielle (comme Martins Frères à Châlons-sur-Marne ou E. Barth à Colmar), est un moyen couramment utilisé par les auteurs de cosmogonies pour exposer leurs travaux sans passer par les dispositifs institutionnels de validation scientifique (ce qui est également le cas dans de nombreux autres domaines savants). De la sorte, les ouvrages consacrés à l’origine des astres sont fréquemment discutés sous forme de recensions dans les revues populaires de sciences (comme La Nature, Cosmos, ou La Revue Scientifique), et il est relativement facile de faire connaître une nouvelle théorie cosmogonique à partir des dernières décennies du XIXe siècle – pour peu, lorsque l’on n’appartient à aucune institution scientifique et que l’on ne sort pas d’une Grande École, que l’on ait les moyens de publier son ouvrage à compte d’auteur. Outre la présence quasi systématique de paragraphes ou de chapitres consacrés aux origines cosmiques dans les « astronomies populaires » et autres ouvrages de vulgarisation astronomique de la période [23], on voit ainsi se multiplier les publications dans lesquelles des officiers militaires en retraite, des ingénieurs des Ponts et Chaussées, des Mines, ou des Manufactures de l’État, des ingénieurs civils, des médecins, ou des notables de province présentent leurs idées originales sur les mécanismes de formation des astres et plus particulièrement du système solaire [24].

11 Les sociétés savantes sont un autre centre névralgique de ces pratiques cosmogoniques et de leur publication, notamment au travers de leurs bulletins. La Société astronomique de France (SAF), société d’envergure nationale créée en 1887 par Camille Flammarion, est un lieu d’expression et d’échange où se côtoient régulièrement astronomes professionnels et savants amateurs d’horizons variés intéressés par l’astronomie, et où des questions cosmogoniques sont régulièrement discutées. En présence du « maître » Flammarion ainsi que de quelques personnalités prestigieuses de l’astronomie [25], les membres peuvent exposer librement leurs observations, leurs calculs, ou leurs hypothèses génétiques lors des séances de la Société et espérer trouver un compte rendu de leur exposé voire, le cas échéant, un article complet présentant leurs résultats dans L’Astronomie, le bulletin de la SAF. Même si l’activité de la Société est plutôt orientée vers l’observation astronomique, il est fréquent que des membres y présentent des hypothèses cosmogoniques, surtout à partir des années 1910 à mesure qu’Émile Belot (1857-1944), un polytechnicien, ingénieur puis directeur de manufactures de l’état, y assumera davantage de responsabilités administratives [26]. Ainsi, le 2 décembre 1917, alors que sur le front l’on compte les morts de la troisième bataille d’Ypres et que l’on mène la bataille de Cambrai, à la SAF, on parle cosmogonie. Un certain M. Roussin, de Paris, présente une hypothèse cyclique relative à l’évolution des mondes, et le sous-lieutenant Cadio adresse une note, discutée en séance, répondant à une étude préalable d’Émile Belot concernant l’origine et le sens de rotation des nébuleuses spirales [27].

12 Notre insistance sur le rôle d’une société savante telle que la SAF, localisée à Paris et de portée nationale (en ce qui concerne ses membres et les lecteurs de son bulletin), est destinée à souligner que la formulation d’hypothèses cosmogoniques en France durant le second XIXe siècle ne relève pas (uniquement) de pratiques d’amateurs polymathes. Les cosmogonistes produisant des théories hors des institutions officielles de science durant cette période ne doivent pas être identifiés comme relevant d’un syndrome du type Bouvard et Pécuchet. Les académies de province et autres sociétés savantes locales dont parle Flaubert, particulièrement nombreuses sous le Second Empire, s’insèrent essentiellement dans des écosystèmes sociaux, symboliques, économiques, et épistémiques locaux, et développent peu d’interactions avec les élites académiques. Dans ces cercles vernaculaires de pratiques savantes, les thématiques abordées sont essentiellement centrées sur l’étude taxonomique de l’histoire naturelle, et sur des questions d’histoire locale et d’archéologie [28]. Les sujets spéculatifs et, dans le cas de la cosmogonie, nécessitant une certaine maîtrise des mathématiques, y sont extrêmement rares. À l’inverse, dans les sociétés savantes nationales, telles que la SAF, mais également à la Société géologique de France ou à la Société française de Physique, l’exposé des travaux des membres, et en particulier ceux traitant de l’origine des astres, s’accompagne d’une forte volonté de reconnaissance par les centres du pouvoir scientifique.

13 Communiquer ses résultats à la SAF, pour certains auteurs, peut constituer une étape préliminaire avant l’envoi d’une théorie à l’Académie des sciences (sous la forme d’une Note ou d’un Mémoire) ou une manière de donner de la publicité à des travaux en tentant de leur conférer un certain crédit, suite, par exemple, à un rejet par l’Académie. Ainsi, le suisse Louis Maillard, alors doyen de la Faculté des sciences de l’Université de Lausanne [29], adresse en 1908 à l’Académie des sciences de Paris une Note intitulée « La loi de Newton et les hypothèses cosmogoniques ». Renvoyée à l’examen d’Henri Poincaré, cette Note ne paraîtra pas dans les CRAS, ce qui marque, de fait, son rejet par la science officielle française. En 1910, en quête de visibilité pour sa théorie (laquelle modifie la théorie de Faye), c’est dans la revue L’Astronomie, bulletin de la SAF, que Maillard peut enfin publier un article ayant le même titre [30], contournant ainsi la validation académique espérée.

14 Très peu présente, on l’a vu, dans les pratiques astronomiques professionnelles, la formulation de théories scientifiques sur l’origine des astres relève plutôt, durant la période étudiée, de ce que Robert A. Stebbins appelle un « loisir sérieux [31] ». Souvent développée par des élites sociales parallèlement à une pratique professionnelle peu gourmande en temps (officier militaire en temps de paix, directeur de manufacture de l’État, ou ingénieur en conflit avec sa hiérarchie), la spéculation cosmogonique relève du loisir. Mais ce loisir ne peut être réduit à ses seules dimensions ludiques et mondaines, néanmoins indéniables. Pour ces auteurs, il est important que leurs travaux soient reconnus comme crédibles scientifiquement, ce qui suppose en France, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, une validation directe par l’Académie des sciences (sous la forme de la publication d’une Note ou d’un résumé de Mémoire dans les CRAS, de l’obtention d’un prix, ou, idéalement, d’une élection comme membre ou membre correspondant). Si le sujet peut paraître futile, voire ésotérique, formuler une cosmogonie scientifique est pourtant un loisir particulièrement sérieux dans la mesure où la plupart des auteurs y projettent l’espoir d’une acquisition rapide d’un statut de scientifique respectable et d’une renommée. Et les individus qui participent à cet engouement pour la quête des origines cosmiques n’épargnent ni leurs efforts ni leur temps pour développer, étayer, rendre publique, et faire reconnaître leurs théories. Ainsi, l’ingénieur des Ponts et Chaussées Adolphe Duponchel (1821-1903), après avoir déposé un pli cacheté à l’Académie des sciences le 27 mars 1893 contenant le sommaire d’une brochure exposant ses « Principes de cosmogonie générale », fait imprimer celle-ci à ses frais et l’envoie à l’assemblée savante. Il n’obtient aucune réponse mais persévère et soumet six Notes ou Mémoires à l’Académie sur ce sujet entre 1893 et 1894. Ne parvenant pas à obtenir le soutien académique qu’il recherche, Duponchel va finalement publier sa théorie dans des revues populaires de science, d’abord dans la revue Cosmos le 2 septembre 1893 puis, sous une forme augmentée, dans la Revue Scientifique les 28 juillet et 4 août 1894. On peut également évoquer le cas de l’officier militaire Frédéric Chapel (1849-1932), qui devient général de brigade en 1908. Celui-ci développe, à partir du début des années 1880, une théorie mettant en avant le rôle central des astéroïdes dans la formation des astres ainsi que dans leur « vie », et en particulier dans leur lien avec la physique du globe (catastrophes météorologiques, séismes, volcanisme, etc.). Après avoir publié une première fois ses idées dans une monographie en 1883 [32], il la réimprime en 1928, assortie d’une préface dans laquelle il décrit à la fois sa persévérance et son échec à se faire reconnaître par les instances scientifiques :

15

L’ouvrage [sa monographie de 1883] fut déposé à la Bibliothèque nationale et envoyé aux principales Sociétés savantes étrangères ainsi qu’aux Savants dont les travaux se rapportent spécialement à l’Astronomie, à la Physique du Globe et à la Météorologie.
Ces envois furent, pour la plupart, accueillis avec bienveillance et me valurent des accusés de réception aimables, parfois encourageants [...]. Au demeurant le livre n’eut aucun écho sérieux et la Science officielle resta fermée à ce principe nouveau qui semblait pourtant dominer de haut toutes les Sciences cosmologiques et offrir aux chercheurs un immense et imposant champ d’études. [...]
Pourtant depuis que je poursuis l’idée, je n’ai guère laissé passer d’années, je puis dire de jours, sans solliciter de quelque manière en sa faveur, l’attention des savants et de tous ceux que je jugeais susceptibles de s’intéresser aux sciences astronomiques, à la cosmologie et à la physique du monde. J’ai multiplié les communications, aux académies, à la presse, les conférences (on en trouvera plus loin l’énumération) : pour étayer mes propositions sur les événements actuels, je me suis astreint à faire, depuis 1896, le relevé quotidien des catastrophes météorologiques survenant dans le monde entier, ce qui m’a valu d’être aujourd’hui en possession de plusieurs dizaines de mille de ces observations échelonnées sur plus de 30 années. Par ailleurs, j’ai fait, dans les vieilles chroniques, la recherche rétrospective des catastrophes anciennes et des circonstances dans lesquelles elles se sont produites [33].

16 On voit ici que même si elle est pratiquée parallèlement à une activité professionnelle, la formulation d’une hypothèse cosmogonique, et plus généralement de spéculations astronomiques, est bien plus qu’une activité de loisir restreinte à une dimension ludique. Porteuse d’espoir de reconnaissance scientifique, elle s’accompagne le plus souvent d’amères frustrations, notamment chez les élites sociales polytechniciennes non scientifiques de métier. Entre les années 1860 et le début du XXe siècle, les pratiques scientifiques ont changé, et, en astronomie en particulier, la maîtrise d’outils mathématiques complexes est devenue incontournable lorsque l’on aborde des questions théoriques. L’organisation de la communauté scientifique s’est également transformée, tout comme les modalités de distribution de l’autorité épistémique et les conditions d’acquisition d’une légitimité de parole scientifique dans les divers lieux où les savoirs sont produits. Les productions cosmogoniques de polytechniciens de la génération d’un Belot ou d’un Chapel, lesquels ont choisi d’emprunter des carrières d’ingénieur ou de militaire, doivent être lues dans un contexte de transformation profonde de l’identité savante, étroitement liée à sa professionnalisation via le développement des universités. La désindexation générale de l’autorité savante sur l’autorité sociale est particulièrement douloureuse pour ces élites. Alors qu’il est toujours nécessaire d’être passé par une Grande École (École Polytechnique et École normale supérieure essentiellement) pour avoir accès à une parole scientifique pleinement légitime dans les sphères académiques sur des sujets astronomiques, cela n’est désormais plus suffisant. L’engouement cosmogonique de ces élites peut probablement être interprété comme une des dernières manières pour elles de tenter de bénéficier, sans avoir directement accès aux instances de régulation de la science, de la reconnaissance symbolique, sociale, et économique, associée à une pratique scientifique qui leur échappe de plus en plus irréversiblement.

Notes

  • [1]
    De nombreux auteurs ont souligné par exemple le rôle incontournable des observatoires et des astronomes dans l’expansion et l’organisation des empires coloniaux (Simon Schaffer, « The Asiatic Enlightenments of British Astronomy », dans The Brokered World. Go-Between and Global Intelligence 1770-1820, Simon Schaffer, Kapil Raj, Lissa Roberts, et James Delbourgo (dir.), Sagamore Beach, Science History Publications, 2009, p. 49-104 ; Martina Schiavon, « Geodesy and Map Making in France and Algeria : Between Army Officers and Observatory Scientists », dans The Heavens on Earth : Observatories and Astronomy in Nineteenth-Century Science and Culture, David Aubin, Charlotte Bigg et H. Otto Sibum (dir.), Durham, Duke University Press, 2010, p. 199-224).
  • [2]
    Frédéric Barbier, Histoire du livre, Paris, Armand Colin, 2000.
  • [3]
    L’Astronomie Populaire de Camille Flammarion, publiée par son frère Ernest, atteint ainsi un tirage cumulé de 100 000 volumes en 1890 (Élisabeth Parinet, La librairie Flammarion. 1875-1914, Paris, IMEC, 1992, p. 64).
  • [4]
    Pour une étude détaillée des acteurs et des pratiques cosmogoniques du second xixe siècle, on se reportera à Volny Fages, Les origines du monde. Cosmogonies scientifiques en France (1860-1920) : acteur, pratiques, représentations, thèse de doctorat, EHESS, 2012.
  • [5]
    Michael J. Crowe, The Extraterrestrial Life Debate 1750-1900 : The Idea of Plurality of Worlds from Kant to Lowell, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.
  • [6]
    Jules Verne, Voyage au centre de la Terre, Paris, J. Hetzel, 1867, p. 155.
  • [7]
    Félix Nadar, Quand j’étais photographe, Paris, Flammarion, 1900, p. 169.
  • [8]
    Hélène Tuzet, Le cosmos et l’imagination, Paris, José Corti, 1988, p. 417 et 422-24.
  • [9]
    Barbara Larson, « The Franco-Prussian War and Cosmological Symbolism in Odilon Redon’s “Noirs” », Artibus et Historiae, 2004, vol. 25, n° 50, p. 127-138.
  • [10]
    Barbara Larson, The Dark Side of Nature : Science, Society, and the Fantastic in the Work of Odilon Redon, University Park (Pennsylvanie), Pennsylvania State University Press, 2005.
  • [11]
    Les profils sociaux des individus pratiquant l’astronomie ainsi que leur crédibilité savante sont très inégalement répartis à cette époque. Au point que, en utilisant le terme employé par Arnaud Saint-Martin, l’astronomie amateur reste cantonnée à un statut, épistémique et institutionnel, de « double » de l’astronomie officielle au tout début du XXe siècle (Arnaud Saint-Martin, L’office et le télescope. Une sociologie historique de l’astronomie française, 1900-1940, thèse de doctorat, Paris IV/Sorbonne, 2008).
  • [12]
    Simon Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », Science in Context, 1988, vol. 2, n° 1, p. 114-145 ; Robert Smith, « A National Observatory transformed. Greenwich in the Nineteenth Century », Journal for the History of Astronomy, 1991, vol. 20, n° 1, p. 5-20.
  • [13]
    Fabien Locher, « L’empire et l’astronome : Urbain Le Verrier, l’Ordre et le Pouvoir », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 2007, n° 102, p. 33-48.
  • [14]
    Urbain Le Verrier, « Rapport sur l’Observatoire impérial de Paris et projet d’organisation », Annales de l’Observatoire impérial de Paris, 1855, vol. 1, p. 1-68.
  • [15]
    Lamy et Saint-Martin identifient dans cette organisation des observatoires de la seconde moitié du xixe siècle un régime de production des savoirs, qu’ils appellent « régime officiel » (Jérôme Lamy et Arnaud Saint-Martin, « Pratiques et collectifs de la science en régimes. Note critique », Revue d’histoire des sciences, 2011, t. 64, p. 377-389), décrivant une conformation spécifique de production de connaissance centrée sur une organisation bureaucratique, dans laquelle l’État joue un rôle prépondérant, et où l’invocation d’une utilité sociale constitue une ressource rhétorique structurante incontournable (ce régime a été requalifié par Terry Shinn de « regulatory regime » dans Terry Shinn, Research-technology and cultural change : Instrumentation, genericity, transversality, Oxford, Bardwell Press, 2008).
  • [16]
    Lettre de G. Rayet à E. Mouchez, 18 février 1884, citée dans Philippe Véron, Dictionnaire des astronomes français, 1850-1950, non publié, p. 17.
  • [17]
    Hervé Faye, « Sur l’hypothèse de Laplace », Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, 1880, t. 90, p. 566-571 ; Hervé Faye, « Sur l’origine du système solaire », Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, 1880, t. 90, p. 637-643.
  • [18]
    Le Temps, 8 juillet, 1er et 28 octobre 1884 ; Revue des Questions Scientifiques, 1885, vol. 17, p. 94-134 ; Cosmos, 9 octobre et 15 novembre 1884.
  • [19]
    Ces références anglo-saxonnes mobilisent une forme de fascination déjà présente dans les années 1880 chez certains astronomes français pour les travaux et les instruments américains. Un « Eldorado » astronomique analysé pour la période 1900-1920 par Arnaud Saint-Martin (Arnaud Saint-Martin, « The New Astronomical Eldorado : The French Understanding of American Astrophysics, 1900-1920 », Nuncius. The Journal of the History of Science, 2008, vol. 23, n° 1, p. 91-113). En ligne
  • [20]
    Hervé Faye, « Analyse et critique d’un “Essai sur la constitution et l’origine du système solaire”, par M. Roche », Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, 1873, t. 77, p. 958.
  • [21]
    Bruno Béguet, (dir.), La science pour tous. Sur la vulgarisation scientifique en France de 1850 à 1914, Paris, Bibliothèque du CNAM, 1990 ; Bernadette Bensaude-Vincent, et Anne Rasmussen (dir.), La science populaire dans la presse et l’édition. XIXe et XXe siècles, Paris, CNRS éditions, 1997 ; Susan Sheets-Pyenson, « Popular science periodicals in Paris and London : The emergence of a low scientific culture, 1820-1875 », Annals of Science, 1985, vol. 42, p. 549-572. En ligne
  • [22]
    Voir par exemple les études de cas suivantes, devenues classiques : Steve Shapin, « Phrenological knowledge and the social structure of early nineteenth century Edimburgh », Annals of Science, 1975, vol. 32, p. 219-43 ; Roger Cooter, The cultural meaning of popular science. Phrenology and the organization of consent in nineteenth-century Britain, Cambridge, Cambridge University Press, 1984 ; Ann Secord, « Science in the pub : artisan botanists in early Nineteenth-Century Lancashire », History of Science, 1994, vol. 32, p. 269-315.
  • [23]
    On pense bien sûr par exemple à l’Astronomie Populaire de Camille Flammarion dont la première édition paraît en 1880.
  • [24]
    Parmi de nombreuses publications on peut mentionner Hercule Lafouge, Essai synthétique sur la formation du système solaire. Première partie : formation du système, Châlons-sur-Marne, Martin frères, 1898 ; Auguste du Peyrat, Conférences sur la formation graduelle du globe terrestre et sur le commencement et la fin des mondes, Toulouse, Imp. Ch. Douladoure, 1868 ; Émile Roger, Recherches sur le système du monde, Paris, Gauthier-Villars, 1896 (1re éd. 1862) ; ou encore Émile Belot, L’origine dualiste des mondes. Essai de cosmogonie tourbillonnaire, Paris, Gauthier-Villars, 1911.
  • [25]
    À partir de 1889 la SAF est présidée par des académiciens renommés dans le milieu astronomique, comme Hervé Faye (1889-1890), Félix Tisserand (1893-1894), Jules Janssen (1895-1896), Octave Callandreau (1899-1900), ou Henri Poincaré (1901-1902).
  • [26]
    Émile Belot (1857-1944) est l’auteur d’une hypothèse cosmogonique qu’il défendra inlassablement à partir de 1905 et jusqu’à sa mort, à l’Académie aussi bien que dans diverses sociétés savantes nationales. Il s’implique progressivement dans l’activité de la SAF, jusqu’à en devenir vice-président entre 1920 et 1924 puis entre 1928 et 1931 (Volny Fages, Émile Belot (1857-1944) ou l’impossible cosmogonie scientifique, dans Savants et inventeurs entre la gloire et l’oubli, Patrice Bret et Gérard Pajonk (dir.), Paris, CTHS (collection Histoire), 2014, p. 35-42).
  • [27]
    L’Astronomie, 1917, p. 12.
  • [28]
    Robert Fox, « The Savant Confronts His Peers : Scientific Societies in France, 1815-1914 », dans The Organization of Science and Technology in France, 1804-1914, Robert Fox et George Weisz (dir.), Cambridge et Paris, Cambridge University Press et Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1980, p. 241-282.
  • [29]
    Saadia Khouyibaba, Mathématiques et mathématiciens dans les universités de la Suisse romande de 1537 à 1937, Thèse de doctorat, Université Laval, Québec, 1997, p. 44.
  • [30]
    Louis Maillard, « La loi de Newton et les hypothèses cosmogoniques », L’Astronomie, 1910, p. 533-538.
  • [31]
    Robert A. Stebbins, « Serious Leisure : A Conceptual Statement », The Pacific Sociological Review, 1982, vol. 25, n° 2, p. 251-272 ; Robert A. Stebbins, Amateurs, Professionals, and Serious Leisure, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1992.
  • [32]
    Frédéric Chapel, Aperçu sur le rôle des astéroïdes inférieurs dans la physique du monde, Paris, Librairie Fischbacher, 1883.
  • [33]
    Frédéric Chapel, Aperçu sur le rôle des astéroïdes dans la physique du monde, 1er volume, Paris, Berger-Levrault, 1928, préface, n.p.
Français

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la question de l’origine des astres revêt une importance culturelle croissante, aussi bien dans les milieux artistiques que scientifiques. Cet article, en se concentrant sur les auteurs de cosmogonies scientifiques, montre le statut particulier de cette thématique dans un contexte d’institutionnalisation rapide des sciences, et en particulier de l’astronomie. Durant les dernières décennies du siècle, les frontières entre centres et marges savantes, entre amateurs et professionnels, se font de plus en plus hermétiques, la distribution de l’autorité épistémique de plus en plus difficilement contestable. Il s’agit ici de montrer que les spéculations sur les origines cosmiques s’accompagnent, pour une large variété d’acteurs situés aux marges des institutions astronomiques, d’un espoir réel de reconnaissance scientifique et proposent une forme de résistance à la mise en place des structures hautement hiérarchisées et élitistes de l’astronomie en France.

English

During the second half of the 19th century, the issue of the origins of the heavenly bodies took on increasing cultural importance, in both artistic and scientific circles. This paper, in focusing on the authors of scientific cosmogonies, shows the particular status of this theme in the context of a rapid institutionalisation of the sciences and in particular of astronomy. During the last decades of the century the boundaries between the heart and the margins of the scientific world, between amateurs and professionals, became increasingly hermetic, and at the same time the distribution of authoritative knowledge more and more difficult to challenge. We will try to show that the speculations on the origins of the cosmos are accompanied, for a wide variety of researchers at the margins of the astronomical institutions, by a genuine hope for scientific recognition, and represent a form of resistance to the establishment of the strongly hierarchical and elitist structures of astronomy in France.

Volny Fages
(École normale supérieure de Cachan, STEF)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/02/2015
https://doi.org/10.3917/rom.166.0032
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