CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le titre du roman de Théophile Gautier est apparemment dénué d’ambiguïté. Apparemment seulement : en réalité, comme le rappelle Anne Geisler, lorsque « Gautier propose en 1833 à Renduel d’écrire un roman sur Madelaine de Maupin [...], la figure de cantatrice et d’aventurière aux mœurs légères est déjà bien connue, notamment grâce aux notices que lui ont consacrées les dictionnaires au XVIIIe siècle, le Dictionnaire des théâtres des frères Parfaict et les anecdotes dramatiques de Clément et Delaporte », ainsi qu’au « portrait qu’en a fait Castil-Blaze dans deux numéros de L’Artiste de 1831 [1] ». Née en 1670, « la Maupin », qui reçoit une éducation virile, mène une vie d’aventurière, devient chanteuse d’opéra, défraie la chronique par ses duels et sa bisexualité avant de s’éteindre dans un couvent, à l’âge de 37 ans. La dualité du personnage, non pas hermaphrodite comme le sera en 1829 la Fragoletta de Latouche, mais néanmoins dotée d’une double polarité sexuelle, en fait l’intérêt. Un épisode est particulièrement révélateur : « elle n’hésita pas, dit-on, à soulever sa chemise devant toute une assemblée, pour prouver son identité féminine que son aisance à l’escrime rendait suspecte [2]. » Cette séquence légendaire (« dit-on ») fait porter l’accent sur l’ambiguïté du personnage et sur le schème du dévoilement, topos[3] revisité par Gautier dans une séquence clé centrée sur les enjeux de la reconfiguration romanesque ici proposée du mythe de l’androgyne. Mademoiselle de Maupin s’achève en effet sur un dénouement double et contradictoire, qui repose tout à la fois sur la monstration et sur l’ellipse, c’est-à-dire la révélation et l’allusion. De fait, s’il ne subsiste qu’une empreinte témoignant des moments que Madeleine/Théodore a passés avec Rosette, la nuit qu’elle partage avec d’Albert s’ouvre sur un dévoilement de la féminité de l’héroïne, qui se fixe en tableau :

2

Elle resta donc sans aucun voile, ses vêtements tombés lui faisant une espèce de socle, dans tout l’éclat diaphane de sa belle nudité, aux douces lueurs d’une lampe d’albâtre que d’Albert avait allumée [4].

3Lorsque George Sand écrit en 1838 ce qu’elle appelle un « roman sous forme dramatique [5] », Gabriel, elle choisit pour titre un « prénom androgyne [6] », comme l’est d’une autre façon celui qu’elle a élu pour pseudonyme (ce George sans -s). La graphie joue de cette ambivalence : la liste des personnages annonce, au masculin, Gabriel de Bramante, le « petit-fils » du prince Jules de Bramante, dans ce roman dialogué qui se déroule dans l’Italie de la Renaissance, mais le prénom se féminise dans la troisième partie du roman, avant de se « remasculiniser » au fil de l’évolution de l’intrigue, dans la cinquième et dernière partie. Encore est-il besoin de préciser alors : « Gabriel, en homme ». Or le passage au féminin coïncide là encore avec une scène de dévoilement, à la portée plus romanesque qu’esthétique : Gabriel-le se défait de la robe qu’il a accepté de revêtir et en coupe les lacets de son poignard, geste tout masculin qui a pour effet de révéler la pleine féminité du personnage :

4

Maintenant, où ce vieux Marc a-t-il caché mon pourpoint ? Mon Dieu ! J’entends monter l’escalier, je crois ! (Il court fermer la porte au verrou). Il a emporté mon manteau et le voile !... Vieux dormeur ! Il ne savait ce qu’il faisait... Et les clés de mes coffres sont restées dans sa poche, je gage... Rien ! pas un vêtement, et Astolphe qui va vouloir causer avec moi en rentrant... Si je ne lui ouvre pas, j’éveillerai ses soupçons ! Maudite folie ! Ah !... avant qu’il entre ici, je trouverai un manteau dans sa chambre...
(Il prend un flambeau, ouvre une petite porte de côté et entre dans la chambre voisine. Un instant de silence, puis un cri.)
ASTOLPHE, dans la chambre voisine
Gabriel, tu es une femme ! Ô mon Dieu [7] !

5À la fin du roman, la scène sera reprise de façon plus tragique et comme inversée, j’y reviendrai. Dans les deux cas, il s’agit donc de l’histoire d’une femme qui passe ou se fait passer pour un homme et qui, dévoilant sa véritable nature (biologique et physique), est confrontée à une impasse puisque cette dernière ne saurait coïncider avec une vision du monde désormais en inadéquation avec la bipartition traditionnelle du masculin et du féminin. Après Fragoletta de Latouche (1829), Sarrasine (1830) et Seraphita de Balzac (1835), Gautier et Sand mettent en scène une figure androgyne. La perspective n’est cependant pas identique : ce n’est plus dans le corps que s’inscrit la différence, mais dans l’expérience et, pour ainsi dire, le point de vue. Pas d’hermaphrodisme corporel ou de modifications physiologiques, pas d’assomption céleste non plus. Le roman de Gautier, marqué par une forme d’« esthétisme plus ou moins néoplatonicien [8] », comme le souligne Paolo Tortonese, donne à voir une altérité qui s’enracine aussi dans l’habitus social, dans la façon dont on se pense après avoir pris ses distances par rapport aux repères qui structurent la vie civile, sexuelle, et philosophique, dimension sensible dès lors que l’on se place du point de vue du personnage féminin. Toute monstruosité mise à l’écart, l’androgynie intériorisée en est d’autant plus violente. Le roman dialogué de George Sand privilégie justement cette perspective : Gabriel y exprime dans la continuité ses réflexions sur le masculin et le féminin [9].

Du mythe à la figure

6Pierre Albouy estime que dans le roman de Gautier, « l’androgyne est au centre même des contradictions, comme rêve d’unité, mais, aussi, [...] comme unité incertaine et brouillée dans le vertige des contradictions non assumées [10] ». La première notion (celle d’unité) réfère au mythe dont les deux sources principales – celle de Platon et celle d’Ovide – sont présentes chez Gautier, mais subissent l’une et l’autre une forme de déflation.

7Rosette, la maîtresse de d’Albert, explique à Théodore :

8

Il ne passait à travers moi que pour arriver à autre chose. J’étais un chemin pour lui et non un but. [...] Dans ce corps jeune et vigoureux s’agitait une âme aussi vieille que Saturne, – une âme aussi incurablement malheureuse qu’il en fut jamais [...]. Quelque chose l’attire et l’appelle invinciblement qui n’est pas de ce monde ni en ce monde, et il ne peut avoir de repos ni jour ni nuit ; et, comme l’héliotrope dans une cave, il se tord pour se tourner vers le soleil qu’il ne voit pas. – C’est un de ces hommes dont l’âme n’a pas été trempée assez complètement dans les eaux du Léthé avant d’être liée à son corps, et qui garde du ciel dont elle vient des réminiscences d’éternelle beauté qui la travaillent et la tourmentent, qui se souvient qu’elle a eu des ailes, et qui n’a plus que des pieds [11].

9Le monde des Idées hanterait donc d’Albert, comme l’explique Rosette, meilleure analyste qu’on ne l’aurait pensé. Elle ajoute : « J’ai joué mon rôle en comédienne consommée », « j’ai paré ce mannequin d’amour des plus brillantes étoffes », « j’ai invité tous mes oiseaux à chanter sur son passage, et toutes mes fleurs dahlias et daturas à le saluer en inclinant la tête [12] ». Cet Idéal jugé intenable semble avoir pour corollaire le mythe de l’androgyne tel que le rapporte Ovide dans ses Métamorphoses. L’histoire de Salmacis et d’Hermaphrodite sert en effet de référence à d’Albert qui, de son côté, joue la comédie de l’amour, comme il l’explique à Silvio dès le chapitre III : « Comme l’antique Salmacis, l’amoureuse du jeune Hermaphrodite, je tâchais de fondre son corps avec le mien [13]. » Non seulement l’imitation manque de toute efficacité (« Plus nos corps s’enlaçaient et plus nos étreintes étaient intimes, moins je l’aimais »), mais les réemplois de la référence dans le roman semblent progressivement en dénoncer les limites. Le chapitre IX où d’Albert commence par avouer à Silvio qu’il aime un homme [14] avant de se convaincre qu’il ne peut s’agir que d’une femme, dénature la référence en jouant sur la distinction là où l’image dit la fusion ; l’hermaphrodite est alors envisagé comme idéal esthétique plus que mystique [15] dans une vision qui se révèle réductrice :

10

Théodore serait à coup sûr un excellent modèle de ce genre de beauté ; cependant je trouve que la portion féminine l’emporte chez lui, et qu’il lui est plus resté de Salmacis qu’à l’Hermaphrodite des Métamorphoses [16].

11Envisagée sous cet angle, la Fable est mise à distance et en partie vidée de son sens. Non seulement la fusion se dégrade en travestissement, mais l’ambiguïté s’éclaire juste assez pour que la morale soit sauve. De cet usage témoigne surtout la troisième occurrence, qui est chronologiquement la première, puisque le récit des aventures de Théodore avec Rosette (qui précèdent la rencontre de cette dernière avec d’Albert) rapporte l’épisode gentiment libertin de la cabane/boudoir, où les « dessus de portes et de glaces représentaient les scènes les plus galantes des Métamorphoses d’Ovide : Salmacis et Hermaphrodite, Vénus et Adonis, Apollon et Daphné, et autres amours mythologiques en camaïeu lilas clair [17] ». Loin de signifier, la Fable est ici réduite à un rôle de vignette décorative, interchangeable avec d’autres, à l’égal potentiel érotique. C’est pourquoi elle peut se banaliser au gré d’images profanes soulignées par l’ironie : « nous sommes-nous becquetés ! quels enlacements de lierre ! quelle existence à deux ! Rien au monde n’était plus touchant, et nos deux pauvres petits cœurs auraient pu se mettre sur un cartel, enfilés par la même broche, avec une flamme en coup de vent [18] », commente d’Albert dès le chapitre IV à propos de ses amours avec Rosette. Blason [19] ou dessus de porte font des jeux de l’amour la piètre mimésis d’un mythe dont ne subsistent que de lointaines réminiscences, étrangères à la société dans laquelle s’inscrit le roman. D’ailleurs, lorsque d’Albert a la certitude que Théodore est bien une femme, il s’exclame : « Mais vous êtes une femme, nous ne sommes plus au temps des métamorphoses ; Adonis et Hermaphrodite sont morts [20] », propos qui confirment la déflation du mythe.

12Dans Gabriel, dont le titre est le nom d’un ange, aucun renvoi explicite à Ovide ou Platon. George Sand écrit à Buloz le 21 avril 1839 :

13

J’espère que ce roman malgré sa forme ne vous paraîtra ni philosophique, ni fantastique, ni mystique, ni même dramatique, mais tout simplement romanesque et reposera un peu vos lecteurs de ma métaphysique [21].

14L’argument est celui de la filiation et de l’héritage : le prince Jules de Bramante a choisi de faire éduquer sa petite-fille, née tardivement d’un père malade mais chéri, comme un garçon, en lui cachant sa véritable identité sexuelle, pour que ses biens n’échoient pas à Astolphe, son petit-fils de la branche cadette. Le précepteur répète inlassablement à Gabriel comment « la succession d’une principauté avec les titres [...] et richesses y attachées, peuvent passer alternativement, dans les familles, de la branche aînée à la branche cadette, et repasser de la branche cadette à la branche aînée, réciproquement, par la loi de transmission d’héritage, à l’aîné des enfants mâles d’une des branches, quand la branche collatérale ne se trouve plus représentée que par des filles [22] ». Cet argument très prosaïque donne d’emblée une coloration sociale au roman. C’est dans ce contexte qu’il pense l’identité en fonction d’un idéal qui suppose le recours, même implicite, à la figure de l’androgyne, dont l’équivalent profane serait le personnage travesti.

Travestissements et jeux identitaires

15Lire Mademoiselle de Maupin à rebours permet de mieux saisir les enjeux socio-sexuels du roman. La figure de l’androgyne, diversement modulable, permet l’expression de ces enjeux. Le passage où Madeleine propose un auto-portrait est intéressant à cet égard :

16

Beaucoup d’hommes sont plus femmes que moi. – Je n’ai guère d’une femme que la gorge, quelques lignes plus rondes, et des mains plus délicates ; la jupe est sur mes hanches et non dans mon esprit. Il arrive souvent que le sexe de l’âme ne soit point pareil à celui du corps, et c’est une contradiction qui ne peut manquer de produire beaucoup de désordre. – Moi, par exemple, si je n’avais pas pris cette résolution, folle en apparence, mais très sage au fond, de renoncer aux habits d’un sexe qui n’est le mien que matériellement et par hasard, j’eusse été fort malheureuse : j’aime les chevaux, l’escrime, tous les exercices violents, je me plais à grimper et à courir çà et là comme un jeune garçon ; il m’ennuie de me tenir assise les deux pieds joints, les coudes collés au flanc, de baisser modestement les yeux, de parler d’une petite voix flûtée et mielleuse, et de faire passer dix millions de fois un bout de laine dans les trous d’un canevas ; – je n’aime pas à obéir le moins du monde, et le mot que je dis le plus souvent est : – Je veux. – Sous mon front poli et mes cheveux de soie remuent de fortes et viriles pensées ; toutes les précieuses niaiseries qui séduisent principalement les femmes ne m’ont jamais que médiocrement touchée, et, comme Achille déguisé en jeune fille, je laisserais volontiers le miroir pour une épée. – La seule chose qui me plaise des femmes, c’est leur beauté ; – malgré les inconvénients qui en résultent, je ne renoncerais pas volontiers à ma forme, quoique mal assortie à l’esprit qu’elle enveloppe [23].

17À la différence des romans de Latouche et de Balzac, la figure de l’androgyne résulte ici d’un choix, et a pour truchement le déguisement. L’isotopie du travestissement structure le discours de Madeleine/Théodore et le contexte gomme son éventuelle dimension ludique. « Achille déguisé en jeune fille » est un piètre relais pour exprimer ce que signifie exactement ce changement, équivalent social des métamorphoses antiques. La vêture fait illusion ; elle transforme l’apparence dont elle fait ressortir la dualité, et donne à voir l’image d’une tension intérieure. La dimension libertine du roman qui en résulte, si elle n’est pas négligeable, reste secondaire ou plutôt l’érotique est au service d’une sociopoétique, c’est-à-dire d’une écriture qui donne à voir les structures sociales par le biais de la fiction romanesque et réfléchit sur leurs implications. Madeleine se dégage des impératifs auxquels est soumis son sexe. Par le travestissement, elle introduit une dynamique illicite dans une société qui fixe les rôles et fige le féminin. Il ne s’agit pas pour autant de renier sa féminité, bien au contraire, mais de l’imposer sous une forme inédite : celle de la volonté. Le vouloir est la clé de cette métamorphose ; c’est « le sexe de l’âme » qui est en jeu et non celui du corps, d’où le recours nécessaire à une structure et à une figure mythiques, fussent-elles départies de leur dimension sacrée. Ce « sexe de l’âme » se dégage des rôles imposés par les lois de la société patriarcale.

18Le roman dialogué de Sand s’organise précisément à partir de ces lois, tout en inversant le processus logique : le patriarche Jules de Bramante impose un changement d’identité à sa petite-fille pour en faire son héritière. Le précepteur, tout en inculquant à Gabrielle les règles de la filiation, tente de faire table rase de sa féminité et de lui imposer des réflexes tout masculins, fondés sur le mépris de la femme : Gabriel désire connaître « ce monde dont on [lui] parle tant, ces hommes qu’on [lui] vante, ces femmes qu’on rabaisse [24] ». Il/elle s’insurge contre le principe de la transmission patrilinéaire :

19

Je dis que cette transmission d’héritage de mâle en mâle est une loi fâcheuse, injuste peut-être. Ce continuel déplacement de possession entre les diverses branches d’une famille ne peut qu’allumer le feu de la jalousie, aigrir les ressentiments, susciter la haine entre les proches parents, forcer les pères à détester leurs filles, faire rougir les mères d’avoir donné le jour à des enfants de leur sexe [25] !...

20Cependant il ne s’agit plus de choix, comme chez Gautier, mais d’une tentative de dénaturation imposée, qui passe là encore notamment par le travestissement. Gabriel est habillé en homme, mais il est d’abord inconscient du fait qu’il s’agit d’une simple apparence [26]. Ignorant qu’il est une femme, il rêve pourtant de cette nature qui est la sienne : « J’ai rêvé que j’étais femme [27] », ce qui revient à dire que, comme Madeleine/Théodore, il revendique, fût-ce inconsciemment – et cela est d’autant plus fort – cette féminité intrinsèque qui ne coïncide pas pour autant avec le rôle imparti à la femme.

21Gabriel est révolté d’apprendre, dès le prologue, le subterfuge dont il est la victime, mais il en tire quelque bénéfice, pouvant donner libre cours à des goûts jugés incompatibles avec le statut social de la femme. Le roman contient plusieurs discours sur l’éducation des filles, thème cher à George Sand, et sur les institutions qui aliènent la femme – dont celle du mariage. La scène 1 de la troisième partie développe l’antithèse déjà présente chez Gautier entre la chasse et la broderie, le mouvement accordé à l’homme et le statisme infligé à la femme. Gabrielle vit auprès d’Astolphe, son cousin, dont elle est devenue la compagne et l’épouse supposée dans « un vieux petit castel pauvre et délabré [28] » dans lequel on reconnaît un avatar de l’archaïque « petit castel de la Brie » où est prostrée Indiana à l’ouverture du roman du même nom. Settimia, sa belle-mère, et Barbe, la sœur de celle-ci, gardiennes des traditions, s’insurgent contre la jeune femme, « qui lit toutes sortes de livres [29] », « ne fait que casser des fils, perdre des aiguilles et gaspiller de la soie [30] », chasse et fait « sauter un cheval par-dessus les barrières » :

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SETTIMIA
Dans ma jeunesse, on montait à cheval, mais avec pudeur, et sans passer la jambe sur l’arçon. On suivait la chasse avec un oiseau sur le poing ; mais on allait d’un train prudent et mesuré, et on avait un varlet qui courait à pied tenant le cheval par la bride. C’était noble, c’était décent ; on ne rentrait pas échevelée, et on ne déchirait point ses dentelles à toutes les branches pour faire assaut de course avec les hommes [31].

23Le décalage temporel n’atténue en rien la portée critique du discours, dont le conservatisme irrite George Sand. C’est pourquoi dans Gabriel, le personnage éponyme à qui son étonnante condition a d’abord été imposée [32] choisit de se ménager une alternance entre masculin et féminin, passant une partie de l’année auprès de son amant Astolphe, isolée du monde sous son identité féminine, et l’autre partie seule, dans le monde, sous son identité masculine. Le choix ne peut se faire que dans un second temps, mais s’avère vital pour le personnage. Allant plus loin encore que Madeleine de Maupin, Gabriel déclare dès le prologue : « Je ne sens pas que mon âme ait un sexe [33]. »

24C’est là que le thème structurant du travestissement prend tout son sens, en relation avec l’idée de connaissance. Théophile Gautier met en relief cette thématique centrale grâce à une mise en abyme qui s’appuie sur un hypotexte : la pièce de Shakespeare, As you like it. Afin de connaître la vraie nature des hommes, que masque le jeu des conventions sociales, Madeleine se déguise en homme et devient Théodore. Or cette analyse la détourne de l’idée de redevenir femme : « Avec mon déguisement, je pouvais aller partout sans être remarquée ; on ne se cachait pas devant moi, on jetait de côté toute réserve et toute contrainte, je recevais des confidences et j’en faisais de fausses pour en provoquer de vraies. Hélas ! les femmes n’ont lu que le roman de l’homme et jamais son histoire [34]. » La découverte de « l’histoire » de l’homme implique le deuil de l’identité féminine dans une optique sociale. Là encore, la vêture revêt une signification capitale :

25

C’était là où, avec mes robes et mes jupes, j’avais laissé mon titre de femme ; dans la chambre où j’avais fait ma toilette étaient serrées vingt années de ma vie qui ne devaient plus compter et qui ne me regardaient plus. Sur la porte on eût pu écrire : Ci-gît Madeleine de Maupin ; car en effet je n’étais plus Madeleine de Maupin, mais bien Théodore de Sérannes, – et personne ne devait plus m’appeler de ce nom de Madeleine.
Le tiroir où étaient enfermées mes robes, désormais inutiles, me parut comme le cercueil de mes blanches illusions ; – j’étais un homme, ou du moins j’en avais l’apparence : la jeune fille était morte [35].

26Le tiroir mausolée signe la disparition d’un rôle, celui de « la jeune fille », être social. De l’homme, Madeleine n’a cependant que « l’apparence », ce qui signale une forme d’indétermination problématique.

27La mise en scène par les personnages de la pièce de Shakespeare non seulement sert de révélation à d’Albert, qui voit se confirmer la nature féminine de Madeleine/Théodore, mais indique clairement le définitif brouillage identitaire dont souffre la figure de l’androgyne. Dans Comme il vous plaira, le travestissement est double et joue d’une troublante réversibilité. Comme l’explique Jan Kott, dans le théâtre shakespearien, « les garçons jouent les rôles de jeunes filles. Le déguisement est ici double, comme s’il se jouait sur deux niveaux : le garçon se déguise en fille qui se déguise en garçon [36] ». Il poursuit : « Tout est à la fois réel et irréel, faux et vrai. Et nous serions bien incapables de dire de quel côté du miroir nous nous sommes trouvés. Comme si tout était reflet [37]. » Théodore se propose pour jouer le rôle de Rosalinde, qui est « presque toujours en cavalier, excepté au premier acte, où elle est en femme [38] ». Or ce jeu a un double effet. D’une part d’Albert reconnaît dans cette apparition la femme qu’il avait pressentie en Théodore, mais déréalisée par le filtre de l’art à travers lequel il perçoit toute chose : « elle étincelait comme si la lumière fût émanée d’elle au lieu d’être simplement réfléchie, et on l’eût plutôt prise pour une production merveilleuse du pinceau que pour une créature humaine faite de chair et d’os [39]. » Ce qui revient à dire que la révélation est déréalisation. D’autre part la séquence, ultérieure, dans laquelle Madeleine décide de s’offrir à d’Albert et donc de se dévoiler à lui dans sa nudité de femme procède d’une redoutable ambiguïté :

28

[...] je me retirerai comme Peau d’Âne au fond du corridor, et je mettrai ma robe couleur du temps, – c’est-à-dire mon costume de Rosalinde ; car ma garde-robe féminine est très restreinte. Puis j’irai chez lui, radieuse comme un paon qui fait la roue, montrant avec ostentation ce que je dissimule ordinairement avec le plus grand soin, et n’ayant qu’un petit tour de gorge en dentelle très bas et très dégagé [...] [40].

29Le dévoilement est métamorphose fallacieuse : si dans le conte de Perrault, Peau d’Âne révèle sa véritable nature avec sa robe couleur du temps [41] de même que le costume de Rosalinde, la déguisant en femme, désigne ce qu’elle est vraiment, il est intéressant de remarquer que le dénudement annoncé de Madeleine se double d’une identité usurpée. Choisir l’image de Rosalinde pour mettre en évidence sa féminité revient à rendre douteuse la nudité même puisque dès lors il est difficile de démêler le vrai du faux. Lorsque Madeleine s’offre à d’Albert, elle est ainsi « Théodore-Rosalinde [42] ». Le portrait, nuancé d’ironie, donne à voir une actrice à demi dénudée et non une femme qui s’abandonne :

30

C’était bien Rosalinde, si belle et si radieuse qu’elle éclairait toute la chambre, – avec ses cordons de perles dans les cheveux, sa robe prismatique, ses grands jabots de dentelle, ses souliers à talons rouges, son bel éventail de plumes de paon, telle enfin qu’elle était le jour de la représentation. Seulement, différence importante et décisive, elle n’avait ni gorgerette, ni guimpe, ni fraise, ni quoi que ce soit qui dérobât aux yeux ces deux charmants frères ennemis, – qui, hélas ! ne tendent trop souvent qu’à se réconcilier.
Une gorge entièrement nue, blanche, transparente, comme un marbre antique, de la coupe la plus pure et la plus exquise, saillait hardiment hors d’un corsage très échancré, et semblait porter des défis aux baisers. – C’était une vue fort rassurante ; aussi d’Albert se rassura-t-il bien vite, et se laissa-t-il aller en toute confiance à ses émotions les plus échevelées [43].

31La monstration, opérée par le sujet lui-même, rappelle la scène de dévoilement de l’antique Phryné. Pour Bernard Vouilloux, « [à] l’égard du corps de Phryné, le geste monstrateur (ou auto-monstrateur) de dévoilement constitue un inducteur d’évidence visuelle » ; il « met en regard, et sous le regard, la deixis gestuelle d’un ceci et un spectacle dont la beauté se donne sous les espèces d’une femme nue ». Or cette vue, poursuit-il, « a la teneur affective [...] de ces choses qui mettent le sujet en “état de choc” » et « [dans] la culture occidentale, deux séries d’objets sont susceptibles d’exercer un impact particulièrement fort sur le sujet qui les voit : les organes sexuels et les vestiges cadavériques [44] ». Mais la scène est vidée de son sens et se retourne : d’Albert se réjouit [45] et Madeleine précise : « Songez que je ne suis Rosalinde que la nuit, et que tout le jour je suis et ne peux être que Théodore de Sérannes [46]. » Le « choc visuel » s’estompe, voire disparaît, signifiant peut-être que la dualité masculin/féminin est maintenue, comme devenue constitutive de l’être insaisissable qu’est l’androgyne. En effet la part féminine se voile d’une fausse identité ou plus exactement de l’identité du faux-semblant : Madeleine a pris l’apparence de Rosalinde, qui la dévoile tout en l’éclipsant. Le choc sexuel de la révélation fait place à un badinage libertin qui pourrait témoigner de la disparition du sexe féminin, dont la perception est brouillée par le tourbillon des métamorphoses.

32C’est que la connaissance acquise par l’androgyne le met doublement à distance : des hommes, dont il se défie, mais aussi de lui-même en tant que femme, puisqu’il ne peut plus coïncider avec les attentes qui lui sont liées : « En vérité, ni l’un ni l’autre des deux sexes n’est le mien [...], – je suis d’un troisième sexe à part qui n’a pas encore de nom : au-dessus ou au-dessous, plus défectueux ou supérieur : j’ai le corps et l’âme d’une femme, l’esprit et la force d’un homme, et j’ai trop ou pas assez de l’un et de l’autre pour me pouvoir accoupler avec l’un d’eux [47]. »

33Dans Gabriel, on ne trouve aucune allusion directe à Shakespeare. Il faut pourtant savoir que Sand, tôt séduite par le dramaturge élisabéthain, se risquera à produire, le 12 avril 1856, à la Comédie-Française, une adaptation de As you like it : Comme il vous plaira, drame en 3 actes où se reconnaît fort peu l’esthétique de son modèle, comme le regrette Catherine Masson, qui ajoute : « C’est plutôt sa Gabrielle, travestie en homme, qui ressemble à Rosalinde, mais Sand n’a pas réussi à arranger son roman dialogué pour la scène, et ce n’est pas l’androgynie qu’elle veut exploiter dans son adaptation de Shakespeare [48]. » Ce serait donc Gabriel qui porterait l’empreinte de ce qui fait l’essence de As you like it.

34Lorsqu’Astolphe demande à Gabriel, dont la beauté ambiguë le trouble comme celle de Théodore trouble dans un premier temps d’Albert, de se déguiser en femme, c’est pour donner du dépit à sa maîtresse Faustina. Deux séquences retiennent l’attention. La première (scène 4, 2e partie), présente Gabriel au miroir. Déguisé en femme, il s’examine, partagé entre séduction et crainte du ridicule. La tirade, ponctuée de modalités exclamatives, interrogatives, et de nombreux suspens, trahit la difficulté qu’éprouve cette jeune femme élevée en homme à adopter l’apparence et donc l’identité qui est pourtant la sienne. L’étrangeté par rapport à son image dit l’altérité intrinsèque du personnage, séparé de lui-même, à distance de son image masculine comme de son image féminine. Ce reflet, qui est pourtant le sien, lui échappe, car il est la projection du désir d’Astolphe : « Ne te moque pas de moi, ami ; laisse-moi déraisonner, nous sommes en carnaval. Chacun revêt l’effigie de ce qu’il désire être ou posséder : le valet s’habille en maître, l’imbécile en docteur ; moi je t’habille en femme [49]. » La substitution de la deuxième personne à la première pervertit le principe du retournement carnavalesque et déplace la source du désir. Gabriel/le ne désire pas se montrer femme car il/elle se sent étranger (-gère) au rôle de la femme en société.

35La deuxième séquence correspond au moment où Gabriel se défait de son déguisement, cette parure féminine qu’il compare à la « robe de Déjanire » :

36

Ôtons vite la robe de Déjanire, elle me brûle la poitrine, elle m’enivre, elle m’oppresse ! Oh ! quel trouble, quel égarement, mon Dieu !... Mais comment m’y prendrai-je ?... Tous ces lacets, toutes ces épingles... (Il déchire son fichu de dentelle et l’arrache par lambeaux)[50].

37L’ambiguïté est flagrante : la brûlure est ambivalente, ivresse et souffrance. C’est avec une fureur toute masculine que Gabriel se dépouille de ses vêtements, avant de se travestir d’une autre façon : « Astolphe [...], quand j’aurai quitté ce déguisement pour reprendre l’autre, tu seras désenchanté [51]. » D’un déguisement à l’autre, l’être échappe à toute stabilité dans le tourbillon des possibles, jamais pleinement satisfaisants. Gabriel correspond bien à l’image de Rosalinde, femme travestie en homme qui se déguise en femme.

38En fait une troisième séquence, qui reprend en l’inversant l’anecdote de « la Maupin », confirme que la connaissance supérieure acquise par le personnage androgyne le met définitivement à l’écart du monde. Gabriel en effet, déçu par l’amour d’Astolphe, qu’il ressent comme une aliénation et une tentative de mutiler son être en le réduisant à sa part féminine, ce qui permettrait en même temps à ce dernier d’hériter du prince de Bramante, refuse finalement de céder :

39

Il veut m’appeler devant un tribunal, devant une assemblée d’hommes ; et là, devant les juges, devant la foule, faire déchirer mon pourpoint par des sbires, et, pour preuve de ses droits à la fortune et à la puissance, dévoiler à tous les regards ce sein de femme que lui seul a vu palpiter ! Oh ! Astolphe, tu n’y songes pas sans doute ; mais quand l’heure viendra, emporté sur une pente fatale, tu ne voudras pas t’arrêter pour si peu de chose ! Eh bien ! moi, je dis : Jamais ! Je me refuse à ce dernier outrage, et, plutôt que d’en subir l’affront, je déchirerai cette poitrine, je mutilerai ce sein jusqu’à le rendre un objet d’horreur à ceux qui le verront, et nul ne sourira à l’aspect de ma nudité [52]...

40La mutilation physique est l’équivalent de la mutilation intérieure, de l’indétermination à laquelle est voué l’androgyne.

41Les dénouements proposés par Gautier et par Sand ont même sens. Madeleine, après s’être offerte à d’Albert en Rosalinde et avoir visité la couche de Rosette, choisit de disparaître en ne laissant derrière elle qu’une empreinte dont celle, bien concrète, qu’elle imprime dans le lit de Rosette n’est que la trace la plus visible. La lettre adressée à d’Albert, qui constitue le chapitre XVII, fait d’elle un « rêve » : « J’ai servi de corps à votre rêve le plus complaisamment du monde [53] » ; « si cela vous désole trop de me perdre, brûlez cette lettre, qui est la seule preuve que vous m’ayez eue, et vous croirez avoir fait un beau rêve [54] ». Cette conclusion vaut à la fois pour le personnage de Madeleine/Théodore, que sa connaissance des hommes et des femmes rend étrangère aux uns comme aux autres, et pour celui de d’Albert en tant que figure de l’artiste, dans un contexte socio-historique défavorable à son épanouissement [55]. Pierre Laforgue estime que « les obstacles extérieurs rencontrés par l’écrivain et auxquels il s’en prend avec violence » dans la préface, « (moralisme journalistique, critique idéologique) reparaissent, à un autre niveau d’énonciation, sous la forme de difficultés internes à la création artistique elle-même [56] ».

42Gabriel choisit le suicide, autre façon de devenir rêve en échappant aux catégories sexuelles et sociales qui menacent de l’emprisonner. Par là, il devient l’ange que programmait son nom. Paré d’une couronne de roses blanches, Gabriel travesti lors du carnaval évoquait déjà pour Astolphe les « anges de marbre de nos cathédrales [57] ». Ce dernier soulignait d’ailleurs l’inadéquation de cette image avec la vie réelle : « Ah ! ah ! tu rêves aux anges, toi ? Eh bien ! ne t’éveille pas, car tu ne trouveras dans la vie réelle que des femmes [58] ! » Plus tard, le même Astolphe définit Gabrielle devenue sa compagne comme « un ange sous la forme humaine [59] ». Mais seul le rêve de Gabriel rend compte de la valeur de cette image. Dès le prologue, il en fait part au précepteur :

43

Dans mon rêve, je n’étais pas un habitant de cette terre. J’avais des ailes, et je m’élevais à travers les mondes, vers je ne sais quel monde idéal. Des voix sublimes chantaient autour de moi ; je ne voyais personne ; mais des nuages légers et brillants, qui passaient dans l’éther, reflétaient ma figure, et j’étais une jeune fille vêtue d’une longue robe flottante et couronnée de fleurs.
LE PRÉCEPTEUR
Alors vous étiez un ange, et non pas une femme.
GABRIEL
J’étais une femme ; car tout à coup mes ailes se sont engourdies, l’éther s’est fermé sur ma tête, comme une voûte de cristal impénétrable, et je suis tombé, tombé... et j’avais au cou une lourde chaîne dont le poids m’entraînait vers l’abîme ; et alors je me suis éveillé, accablé de tristesse, de lassitude et d’effroi [60]...

44Si, comme le rappelle Jean Libis, « la félicité androgynique » peut s’incarner dans la figure de l’ange, « corporéité épurée [61] », le rêve initial de Gabriel exprime toute la tension qui oppose l’idéal à l’incarnation sociale. La « lourde chaîne » assurément est celle de l’aliénation féminine dans une société toujours peu ou prou gouvernée par la loi du père. C’est pourquoi Gabriel va au-devant de la mort et se laisse assassiner par Giglio : « Merci, je me sens mieux... je me sens... libre !... mon rêve me revient. Il me semble que je m’envole là-haut ! tout en haut [62] ! » L’assomption de Séraphitus/Séraphita n’est sans doute pas étrangère à ce dénouement. Mais la dimension mystique du roman de Balzac est ici remplacée par une signification essentiellement sociale. Le 16 avril 1839, Sand écrivait à Charlotte Mariani, son intermédiaire auprès de Buloz : « La morale de [ce roman] vous plaira car la femme y joue le plus gros rôle pourtant je ne suis pas si ambitieuse que vous, je ne prétends qu’à l’égalité [63]. »

45Dans les deux romans, distants de quelques années, la dimension philosophique et mystique coexiste avec une dimension sociologique, qui interroge les rapports de l’artiste avec l’idée du Beau dans une société utilitariste et l’aliénation de la femme soumise aux illusions sociétales ou aux aliénations de la loi patriarcale. Dans ce contexte, la figure de l’androgyne et celle de l’ange (dans Gabriel) sont le vecteur d’une réflexion sur l’essence du masculin et du féminin, qui s’inscrit dans une perspective sociale lorsque prévaut le point de vue de la femme.

Notes

  • [1]
    Théophile GAUTIER, Mademoiselle de Maupin, Œuvres Complètes, Romans, contes et nouvelles, Anne GEISLER-SZMULEWICZ (éd.), t. I, Paris, Champion, coll. « TLMC », 2004, p. 25.
  • [2]
    Ibid., p. 25.
  • [3]
    On pense notamment aux diverses représentations du dévoilement de Phryné : avant la toile de Jean-Léon Gérôme, Phryné devant l’Aréopage, 1861, de beaucoup postérieure au roman, on peut mentionner le tableau de Pierre-Antoine Baudoin, Phryné accusée d’impiété devant les Aréopagites, 1763 ou encore l’huile sur toile Phryné devant l’Aréopage, atelier de Louis David, datée de la fin du XVIIIe-début du XIXe siècle. Gautier ne peut pas davantage connaître l’œuvre de Victor Robert reproduisant la même scène, qui date de 1846 ni celle de Victor-Louis Mottez, de 1859. Mais il est clair que le geste de monstration qui participe de la légende de Madelaine de Maupin se calque sur l’une des deux séquences qui caractérisent l’histoire de Phryné, séquence qui fut l’« objet de récits et d’allusions innombrables », comme l’explique B. Vouilloux : « accusée d’impiété, elle est défendue devant le tribunal par Hypéride ; l’avocat, à la fin de sa plaidoirie, dévoile la poitrine de sa cliente ; la crainte des dieux, qui seuls avaient pu donner forme à cette beauté, contraignit les juges à la clémence » (Bernard VOUILLOUX, Le Tableau vivant. Phryné, l’orateur et le peintre, Paris, Flammarion, coll. « Idées et Recherches », 2002, p. 32).
  • [4]
    Théophile GAUTIER, Mademoiselle de Maupin, Paris, Le Livre de Poche classique, 1994, p. 394.
  • [5]
    George SAND, Correspondance, Paris, Garnier, Georges LUBIN (éd.), 1968, t. IV, p. 634.
  • [6]
    Isabelle HOOG-NAGINSKI, George Sand, l’écriture ou la vie, Paris, Champion, 1999, p. 34.
  • [7]
    George SAND, Gabriel, dans Jean Zyska – Gabriel –, Paris, Michel Lévy frères, 1867, p. 228.
  • [8]
    Paolo TORTONESE, « Introduction » dans Théophile GAUTIER, Œuvres, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1995, p. XX.
  • [9]
    Pierre Laforgue a établi une parenté entre le personnage d’Astolphe dans Gabriel et d’Albert, l’un et l’autre confrontés à l’impossible adéquation de la femme et du féminin. Voir « Gabriel, ou masculin, féminin », dans Pierre LAFORGUE, Corambé. Identité et fiction de soi chez George Sand, Paris, Klincksieck, 2003, p. 138.
  • [10]
    Pierre ALBOUY, « Le mythe de l’androgyne dans Mademoiselle de Maupin », Mythographies, Paris, Corti, 1976, p. 325-326.
  • [11]
    Théophile GAUTIER, ouvr. cité., p. 192-193.
  • [12]
    Ibid., p. 193.
  • [13]
    Ibid., p. 136.
  • [14]
    Ibid., p. 220.
  • [15]
    Ibid., voir p. 236.
  • [16]
    Ibid., p. 237.
  • [17]
    Ibid., p. 325.
  • [18]
    Ibid., p. 145.
  • [19]
    Anne GEISLER note que ces termes (cartel, flamme, coup de vent) « appartiennent au langage du blason » (p. 181, n.).
  • [20]
    Mademoiselle de Maupin, ouvr. cité, p. 345.
  • [21]
    George SAND, Correspondance générale, ouvr. cité, t. IV, p. 642.
  • [22]
    George SAND, Gabriel, ouvr. cité, p. 169.
  • [23]
    Théophile GAUTIER, Mademoiselle de Maupin, p. 319-320. Je souligne.
  • [24]
    George SAND, Gabriel, ouvr. cité, p. 167.
  • [25]
    Ibid., p. 171.
  • [26]
    Pierre LAFORGUE a souligné le caractère invraisemblable, voire absurde d’une fable dont subsiste cependant le caractère philosophique (ouvr. cité, p. 132).
  • [27]
    Gabriel, ouvr. cité, p. 165.
  • [28]
    Ibid., p. 229.
  • [29]
    Ibid., p. 232.
  • [30]
    Ibid., p. 230.
  • [31]
    Ibid., p. 233.
  • [32]
    « [...] étrange et malheureuse créature, unique sur terre !... mon ouvrage », regrette le précepteur (ibid., p. 174).
  • [33]
    Ibid., p. 163.
  • [34]
    Théophile GAUTIER, ouvr. cité, p. 244-245.
  • [35]
    Ibid., p. 247.
  • [36]
    Shakespeare notre contemporain, Paris, Payot, 1993, p. 219.
  • [37]
    Ibid., p. 229.
  • [38]
    Théophile GAUTIER, Mademoiselle de Maupin, ouvr. cité., p. 277.
  • [39]
    Ibid., p. 289.
  • [40]
    Ibid., p. 386.
  • [41]
    Au fond de la métairie qui l’abrite, Peau d’Âne revêt ses splendides robes le dimanche : « De la Lune tantôt la robe elle mettait, /Tantôt celle où le feu du Soleil éclatait, /Tantôt la belle robe bleue/Que tout l’azur des Cieux ne saurait égaler » (Charles Perrault, Contes, Paris, GF Flammarion, 1991, p. 229).
  • [42]
    Théophile GAUTIER, Mademoiselle de Maupin, ouvr. cité, p. 389.
  • [43]
    Ibid., p. 389.
  • [44]
    Bernard VOUILLOUX, ouvr. cité, p. 350.
  • [45]
    « C’était une vue fort rassurante ». Théophile GAUTIER, Mademoiselle de Maupin, ouvr. cité, p. 389.
  • [46]
    Ibid., p. 391.
  • [47]
    Ibid., p. 381. Je souligne.
  • [48]
    « As you like it de Shakespeare comme il a plu à George Sand », George Sand : Intertextualité et Polyphonie I, Peter Lang, 2011, p. 113-114.
  • [49]
    George SAND, Gabriel, ouvr. cité, p. 213. Je souligne.
  • [50]
    Ibid., p. 228.
  • [51]
    Ibid., p. 228.
  • [52]
    Ibid., p. 313.
  • [53]
    Théophile GAUTIER, Mademoiselle de Maupin, ouvr. cité., p. 398.
  • [54]
    Ibid., p. 400.
  • [55]
    Pour Pierre ALBOUY, « au moment où, les révolutions de 1789 et de 1830 accomplies, l’idéologie bourgeoise commence à ne plus correspondre entièrement au mouvement de la société, l’artiste ne peut plus vivre et produire que dans la division » (ouvr. cité, p. 332-333).
  • [56]
    « Mademoiselle de Maupin ou esthétique et érotique à l’époque moderne », L’Éros romantique, Paris, PUF, 1998, p. 207.
  • [57]
    George SAND, Gabriel, ouvr. cité, p. 214-215.
  • [58]
    Ibid., p. 215.
  • [59]
    Ibid., p. 251.
  • [60]
    Ibid., p. 166.
  • [61]
    Le Mythe de l’androgyne, Paris, Berg international, 1980, p. 142.
  • [62]
    Ibid., p. 317-318.
  • [63]
    George SAND, Correspondance, ouvr. cité., t. IV, p. 634.
Français

Il s’agit d’étudier l’impact sociologique de la figure de l’androgyne et de ses avatars dans deux romans des années trente (Mademoiselle de Maupin de T. Gautier et Gabriel de G. Sand) qui ont pour protagoniste un personnage féminin qui passe ou se fait passer pour un homme. Dans ces deux romans distants de quelques années, à partir d’un même dispositif intertextuel et figural, la dimension philosophique et mystique coexiste avec une dimension sociologique, qui interroge les rapports de l’artiste avec l’idée du Beau dans une société utilitariste et plus que tout, l’aliénation de la femme soumise aux illusions sociétales ou aux aliénations de la loi patriarcale.

English

Abstract

The point of the article is to study the sociological impact of the figure of the androgyne and its avatars in two novels from the 1830s, (Théophile Gautier’s Mademoiselle de Maupin and George Sand’s Gabriel), whose heroes are in both cases a female character who passes or chooses to pass for a man. In these two novels, published a few years apart, through the same inter-textual and figurative device, a mystical and philosophical dimension co-exists with a sociological one, which explores first the artist’s relationship with the concept of Beauty in a utilitarian society, and then above all the alienation of women submitted to social illusions or to the alienations of patriarchal law.

Pascale Auraix-Jonchière
(Université Blaise Pascal, CELIS)
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/01/2013
https://doi.org/10.3917/rom.158.0097
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