CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Charles Darwin goûtait très peu la poésie. Dans son autobiographie, il confesse son aversion pour la lecture de Shakespeare [1]. Certes, son grand-père, le naturaliste Erasmus Darwin, avait chanté Les Amours des plantes dans un poème qui marqua les romantiques anglais. Mais si Charles lui rend hommage pour ses dons d’observation, il reste d’un silence peu amène quant à son projet d’exprimer poétiquement une théorie de la nature. Dans ses propres travaux, sa prose est d’une grande sobriété et il est conscient des risques que les manières de parler héritées de la littérature font courir à sa théorie. Pour être bien compris et pour faire sentir toute la nouveauté de sa théorie de l’évolution des espèces par l’hérédité et la sélection naturelle, il devait s’affranchir des expressions analogiques en général et de l’anthropomorphisme en particulier. Or, le finalisme qui préside à toutes les conceptions traditionnelles de la création est omniprésent dans le langage et particulièrement vivace dans le langage poétique. La théorie de Darwin est donc résolument méfiante à l’égard de la poésie [2].

2 Pourtant, Darwin sent bien que, comme la plupart des scientifiques modernes, il encourt l’accusation de désenchanter le monde et de rendre la nature hideuse. C’est sans doute pour cela que, dans l’ultime page de son grand livre sur L’Origine des espèces, il se laisse aller à une contemplation poétique, mais à une contemplation renouvelée par la science :

3

Quel intérêt ne trouve-t-on pas à contempler un rivage luxuriant, couvert de nombreuses plantes appartenant à de nombreuses espèces, avec des oiseaux chantant dans les buissons, des insectes voltigeant à l’entour, des annélides ou des larves vermiformes rampant à travers le sol humide ; si l’on songe en même temps que toutes ces formes élaborées avec tant de soin, de patience, d’habileté, et dépendantes les unes des autres par une série de rapports si compliqués, ont toutes été produites par de lois qui agissent continuellement autour de nous ! [...]
C’est ainsi que de la guerre naturelle, de la famine et de la mort, résulte directement l’effet le plus admirable que nous puissions concevoir : la formation lente des êtres supérieurs. Il y a de la grandeur dans une telle manière d’envisager la vie et ses diverses puissances, animant à l’origine quelques formes ou une forme unique sous un souffle du Créateur [3]. Et tandis que notre planète a continué de décrire ses cycles perpétuels, d’après les lois fixes de la gravitation, d’un si petit commencement, des formes sans nombre, de plus en plus belles, de plus ne plus merveilleuses, se sont développées et se développeront par une évolution sans fin [4].

4 Lorsque Clémence Royer traduit ces phrases en 1862, elle rend curieusement worms par « des annélides ou des larves vermiformes » : ce scrupule d’une traductrice qui hésite devant la polysémie du mot anglais montre qu’elle ignore que ce passage cherche, exceptionnellement, l’émotion de l’évocation sensible plutôt que la précision scientifique. Elle atténue le peu de lyrisme auquel Darwin consentait et confine son discours dans l’exactitude supposée de la démarche scientifique – alors qu’elle-même s’autorise des élans de subjectivité incontrôlée dans sa préface. Ce malentendu manifesté par la traduction révèle le malaise profond que la théorie de l’évolution suscite dans la rhétorique, et jusque dans la poétique des discours sur le vivant de la fin du XIXe siècle.

5 Il l’ignorait probablement mais, en suggérant que la grandeur et la noblesse de la nature pouvaient être admirées jusque dans les humbles vers de terre, Darwin faisait écho à un débat poétique qui avait eu lieu dans les premières années de son siècle. Les uns prétendaient traiter par une poésie descriptive et encyclopédique de tout objet, sans préjudice de sa dignité poétique ; les autres s’offusquaient qu’on osât abaisser la « langue des dieux » aux sujets les plus vulgaires – jusqu’aux vers de terre [5] ! De fait, une même question semble traverser les livres de science et de poésie pourtant très étrangers les uns aux autres.

6 Le rapport tient à ce que toute représentation de la nature, c’est-à-dire de la Création, recouvre un important enjeu culturel. Or, au cours du XIXe siècle, l’histoire naturelle a révolutionné la conception et les représentations de la nature. Pour le dire rapidement, les idées d’évolution et de concurrence vitale supplantent celles d’harmonie, de Providence et de stabilité éternelle, remplaçant une conception irénique et théologique par une vision plus violente et libérale. Ainsi, la « grandeur » de la nature ne tient plus à la volonté de son Créateur mais aux lois intangibles qui régissent les interactions de tous ses acteurs, même les moindres. On comprend dès lors que la poétique classique qui entretenait une représentation idéalisée de la nature, en cohérence avec l’histoire naturelle ancienne (et la natural theology anglaise), concordât avec le providentialisme religieux et ses corrélats tels que la création distincte de chaque espèce vivante et sa fixité dans le temps ; en revanche, les nouvelles idées scientifiques s’accompagnaient d’une nouvelle esthétique.

7 Cette révolution imaginaire était déjà à l’œuvre dans le débat entre Cuvier et Geoffroy-Saint-Hilaire dans les années 1830 ; ce sera, de manière plus exacerbée encore, ce qui animera le débat autour de l’évolutionnisme dans les quarante dernières années du siècle.

L’esthétique haeckelienne

8 Les sciences modifient les représentations du monde et la littérature les acclimate par une nouvelle esthétique. Tel peut apparaître le transfert des notions entre les discours. Pourtant, ce schéma ne résiste pas à une enquête poussée dans les discours évolutionnistes : on ne trouve pas de relation de filiation claire entre les textes scientifiques et la vulgarisation d’une part, les textes littéraires d’autre part [6]. Déjà Albert Thibaudet avait cru pouvoir dire que Flaubert avait lu Haeckel avant d’écrire les dernières pages de La Tentation de saint Antoine donnant à voir les origines protoplasmiques de la vie que les livres du naturaliste allemand étaient sur le point de répandre ; mais Jean Seznec a montré qu’il ne l’avait lu qu’après[7]. Gisèle Séginger fait alors l’hypothèse que Flaubert avait entendu parler des théories récentes par son ami Georges Pouchet [8]. C’est un cas où la critique de source est prise en défaut mais il semble qu’il faille généraliser le doute.

9 L’enquête parmi le corpus des textes évolutionnistes, savants et de vulgarisation, est décevante car, même en retenant les textes les plus favorables à la théorie, on ne peut pas identifier clairement des sources déterminantes pour les écrivains et plus particulièrement les poètes. On doit se contenter de constater que l’information était disponible et suffisante. Les motifs imaginaires, les arguments et le lexique ne peuvent non plus être pistés avec certitude tant l’écheveau est inextricable des influences possibles. Dès lors, il faut surtout établir que se joue à ce moment un bouleversement de la « rhétorique profonde » d’une époque, c’est-à-dire un renouvellement de la représentation du monde en général et du vivant en particulier [9]. Et ce ne sont pas tant les découvertes scientifiques qui suscitent de nouvelles représentations artistiques que des révolutions imaginaires qui s’expriment parallèlement dans les représentations scientifiques et artistiques. D’une manière générale, la littérature n’est pas à la traîne de la science mais participe au même effort de renouvellement imaginaire.

10 Toutefois, dans la masse des textes de vulgarisation, il faut sans doute mettre à part La Création qu’Edgar Quinet publie en 1870 [10]. Dans des chapitres tels que « Ce que la nature a de nouveau à dire aux arts. Application à l’homme » ou encore « Quand la science se tait, c’est à la poésie de parler », Quinet théorise très précocement une esthétique évolutionniste. Certes, il n’est pas le premier à dire que les arts et les lettres doivent se renouveler au contact de la science contemporaine. André Chénier et Maxime Du Camp avaient déjà, parmi bien d’autres, tenu un tel discours. Mais peut-être l’idée de Quinet allait-elle se réaliser de manière plus substantielle. On peut en chercher des traces non seulement dans l’inspiration darwinienne de la littérature fin-de-siècle mais encore dans une esthétique, pour ainsi dire, haeckelienne.

11 Pourtant, la rhétorique de Darwin et de ses principaux vulgarisateurs n’encourage pas à poétiser. Le débat scientifique contemporain cultive plutôt un double soupçon, à l’égard de l’épistémologie spéculative de l’évolutionnisme et de l’expression ou du raisonnement analogique. Mais on peut remarquer, comme y invite l’enquête réalisée par Evanghélia Stead dans la littérature fin-de-siècle, qu’un imaginaire évolutionniste s’enracine dans la culture même si les thèses scientifiques elles-mêmes ne font pas l’unanimité [11]. En effet, la science de l’évolution suggère des interprétations imaginaires puissantes qui s’affranchissent de toute validation scientifique et réalisent même le syncrétisme de théories contradictoires pour développer l’idée décadente d’une régression de l’humanité et d’une littérature régressive. Or, outre cette insinuation imaginaire quasiment involontaire, il faut chercher du côté de l’allemand Haeckel une source et un encouragement à l’esthétique évolutionniste, c’est-à-dire une véritable continuité entre recherche scientifique et expression poétique et artistique. Haeckel présente en effet cette particularité d’assumer les liens qui se tissent entre des pratiques de représentation artistiques et scientifiques. Contrairement à Darwin, Haeckel prenait le risque des accusations de fantaisie et de spéculation qu’il ne manqua pas de s’attirer.

12 Son Histoire de la création, qui l’a fait connaître en 1868 en Allemagne et en 1874 en France, s’ouvre sur une longue page de Goethe intitulée « La Nature [12] ». Le nom de Goethe figurait déjà sur la couverture, entre ceux de Darwin et Lamarck pour signaler les autorités en la matière et l’origine internationale de la théorie. Mais ce n’est pas en tant que naturaliste précocement évolutionniste que Goethe est cité au seuil du livre ; c’est l’auteur d’un fragment de méditation poétique en prose sur les forces de la nature et ses incessantes métamorphoses [13]. Et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres. Ces concessions à la poésie de Goethe semblent au premier abord contradictoires avec la critique insistante que Haeckel fait, quelques pages plus loin, de « l’obscur fantôme enfanté par la poésie mythologique [14] », autrement dit les récits religieux de la création. Haeckel attaque l’activité mytho-poétique développée par les religions et répandue par le biais de la littérature, des arts et finalement de tout discours social. Il s’en prend ainsi au lieu commun par excellence de la représentation de la nature, l’idée d’harmonie : « En quelque coin de la nature que vous portiez vos regards, vous ne rencontrerez pas cette paix idyllique chantée par les poètes ; partout au contraire vous verrez la guerre, l’effort pour exterminer le plus proche voisin, l’antagoniste immédiat. Passion et égoïsme, voilà, que l’on en ait ou non conscience, le ressort de la vie [15]. » Derrière l’harmonie, il vise ensuite la providence et finalement les « causes finales », car si l’on y recourt pour expliquer la nature « on se jette dans une croyance poétique absolument dénuée de valeur, quand il s’agit de science naturelle [16] ».

13 Il faut alors expliquer les surprenantes citations de Goethe poète. C’est qu’elles ne relèvent pas de la même poésie. Chez Goethe, Haeckel trouve l’exaltation d’une nature émancipée de la cosmogonie religieuse, une nature libre et vraiment « naturelle ». Il ne refuse donc pas toute poésie mais affiche un refus de la fantaisie irrationnelle pour développer lui-même une poétique conforme à la science. Répondant à cette exigence, il assume de porter une nouvelle représentation du vivant. Poète car savant, Haeckel recourt donc tout au long de ses leçons de vulgarisation, mais aussi de ses traités savants, aux procédés poétiques de l’analogie, de l’hyperbole, de l’interrogation rhétorique, etc. Tout ce qui peut contribuer à imprimer dans les esprits une représentation concrète du fonctionnement de la vie est mis à contribution.

14 L’auteur réalise même avec art nombre des gravures qui illustrent ses livres et, dès les premiers volumes, l’illustration s’avère investie d’une ambition particulière : non seulement livrer des faits à l’observation du lecteur mais le frapper par des évidences. Par exemple, Haeckel commente ainsi les fameuses planches controversées qui montrent la similitude des embryons de différentes espèces animales : « Regardez attentivement et comparez entre elles les huit figures des planches II et III, et vous verrez que l’on ne saurait estimer trop haut l’importance philosophique de l’embryologie [17]. » Le regard saute les étapes de la démonstration scientifique pour en arriver à la conclusion que ce n’est pas seulement l’histoire naturelle qui est ici bouleversée mais aussi la philosophie. Conscient de la puissance des images, Haeckel en appelle à l’évidence visuelle pour imposer une nouvelle représentation de l’humanité et du vivant. Les planches citées ici sont en effet au cœur de ce que Haeckel a apporté de plus personnel et de plus spectaculaire à la théorie de l’évolution, à savoir la théorie de la récapitulation : le développement d’un être vivant au cours de la gestation donnerait à voir les phases par lesquelles son espèce s’est développée au cours de l’histoire. Haeckel voulait y voir la « preuve » par excellence de la théorie de l’évolution, mais cette idée sera rapidement écartée par les scientifiques, et il sera démontré que Haeckel avait falsifié ses dessins. Une esthétique et une poétique évolutionnistes avaient ainsi voulu se porter en avant de la science elle-même.

Essais de poétique : du dialogue inquiet à l’épopée optimiste

15 Il n’est pas étonnant que des poètes se soient emparés de la théorie de l’évolution car elle connaît des usages polémiques vivaces au XIXe siècle. Ainsi, au lendemain de la parution en France de l’Histoire de Haeckel, Hugo fait la satire d’une théorie qu’il juge démoralisante dans « Les grandes lois [18] ». À l’opposé, Jean Richepin compose des odes à « La gloire de l’eau » et aux « Algues » pour exalter la théorie qui donne à la vie une origine humble et marine [19]. Mais ce ne sont finalement là que des usages traditionnels de la poésie.

16 Or si la poésie fait un sort à l’évolutionnisme, il faut surtout remarquer que l’évolutionnisme fait quelque chose à la poésie. Sans doute les thèmes et les images d’un Jarry ou d’un Laforgue lui doivent-ils encore beaucoup. Mais certains poètes semblent croire que, « sur des pensers nouveaux », il ne convient pas de faire « des vers antiques », comme le demandait Chénier ; de la science, ils ne tirent pas seulement une topique mais quelque chose comme une nouvelle poétique. Parmi eux se distinguent particulièrement Sully Prudhomme et René Ghil dont les pratiques d’écriture, très différentes, représentent bien deux possibilités de poétique évolutionniste. On peut les distinguer par la manière dont ils envisagent les relations entre les discours scientifiques, philosophiques et poétiques.

17 Après la poésie sentimentale et intimiste de ses débuts, Sully Prudhomme travaille à une traduction du De Natura rerum de Lucrèce « comme un simple exercice, pour demander au plus robuste et au plus précis des poètes le secret d’assujettir le vers à l’idée [20] ». Il écrit d’autre part les courts poèmes des Épreuves, des Solitudes et des Destins où Casimir Fusil veut voir sa plus grande réussite dans la forme de l’« élégie scientifique [21] ». Il ne s’agit pas encore de créer un genre de poésie à part entière mais dès ce moment se fait sentir que l’émotion du poète n’est plus tant subjective et individuelle qu’universelle car fondée sur les problèmes de la science moderne. Comme y insiste C. Fusil, l’allusion scientifique est discrète et c’est l’expression de l’émotion qui l’emporte, évitant tout didactisme.

18 Mais Sully Prudhomme, qui avait un temps envisagé des études et une carrière scientifique, qui se passionne pour la philosophie autant que pour la poésie, fait alors une sorte de bilan philosophique autant à son usage personnel qu’au service des lecteurs curieux de l’évolution de la pensée moderne [22]. Ce texte d’une centaine de pages deviendra la longue préface d’un curieux volume : cette vaste synthèse philosophique, dont l’idée maîtresse est que la science moderne offre de dépasser l’antinomie du matérialisme et du spiritualisme, est suivie par la traduction du premier livre de Lucrèce. L’ambition de l’auteur est dévoilée dans cet empan de 2000 ans de pensée et de poésie. Il ajoute la reproduction de deux critiques favorables, attestant l’une de la pertinence philosophique de la préface, l’autre de la qualité littéraire de la traduction. Ce dispositif complexe de science, de poésie et de philosophie est donc cimenté et agréé par des autorités. S’y ajoutent en 1879 les onze « veilles » du grand poème de La Justice, encadrées d’un prologue et d’un épilogue. Chaque veille est constituée par le dialogue philosophique du « chercheur » et d’une « voix » dont l’essentiel est résumé par un « argument », en prose, en tête de chaque chapitre.

19 Sully Prudhomme s’était ainsi justifié d’introduire une nouvelle inspiration en poésie :

20

Combien l’hypothèse récente de l’évolution et les découvertes de la géologie reculent les limites que nous assignions à l’ancienneté de la vie terrestre et agrandissent l’horizon du passé ! Le domaine de la poésie est aussi étendu que celui du beau. Or, par le progrès des connaissances humaines, une infinité d’objets qui n’auraient pas encore ébranlé le sens esthétique de l’homme, et qui, par suite, n’étaient pas matière à poésie, le sont devenus [23].

21 La révolution évolutionniste ayant mis en continuité la totalité du vivant et réintégré l’homme dans le règne animal, on peut alors supposer que c’est aux lois de la nature de définir la justice humaine. La Justice expose donc les états d’âme du poète-chercheur en quête d’un fondement naturel à la justice. Cette aspiration est d’autant plus impérieuse que la science a écarté l’idée d’un principe transcendant qui serait non seulement le créateur du vivant mais encore le dépositaire des règles physiques et morales de la vie. Sully Prudhomme voit là ce qui fait de la science non pas un thème susceptible d’être versifié, comme dans le poème didactique, mais un sujet proprement poétique par lui-même : « Les découvertes capitales de la science, en tant qu’elles modifient tous les points de vue de l’Âme sur la nature, nous remuent profondément et sont essentiellement poétiques par cette propriété... La science [...] est poétique par les horizons qu’elle ouvre au rêve en transformant la signification du monde sensible [24]. » Une révolution scientifique est accompagnée non seulement d’un questionnement philosophique, ce qui est presque banal, mais aussi d’un bouleversement de l’imaginaire ; d’où la connexion de différents discours, leur cohabitation dans un même livre, voire leur fusion en une poésie scientifique inédite.

22 Mais la dialectique du poème ne fournit pas la satisfaction d’une réponse unique et stable à son auteur désenchanté. Et c’est la forme même du dialogue poétique qui s’en trouve justifiée et remotivée par le doute, l’incertitude de l’auteur : tandis que Hugo prenait sans hésiter la position du poète, qui sauvegarde l’âme sans préjudice de la donnée scientifique, Sully Prudhomme ne veut privilégier ni la raison ni le cœur mais les fait lutter à égalité. Quelques années plus tard, son poème du Bonheur, mobilisant encore la même inspiration scientifique et philosophique, n’aboutit qu’à une morale du sacrifice que les philosophes évolutionnistes désavoueront. La critique littéraire lui reprochera aussi, plus encore qu’à La Justice, sa lourdeur didactique. Sully Prudhomme semble ensuite renoncer à la poésie dans les dernières années de sa vie pour se concentrer sur des projets proprement philosophiques, en prose, notamment sur les Pensées de Pascal mais aussi sur la question des causes finales – cruciale pour l’épistémologie évolutionniste – dont il débat avec le rédacteur en chef de la Revue scientifique, Charles Richet [25].

23 Ce parcours, et ce passage de la poésie à la prose, du grand poème philosophique aux articles de critique philosophique, ressemble à un aveu d’échec. Le poète avait pourtant créé un dispositif textuel où la poésie avait un rôle précis à jouer entre la science et la philosophie mais pour lequel n’existait peut-être pas de public.

24 René Ghil salua la tentative de Sully Prudhomme mais expliqua ce qui avait fait, selon lui, son échec [26]. C’est qu’il n’aurait pas tiré pleinement les conséquences de l’évolutionnisme et serait resté trop « égotiste » alors que sa poésie aurait dû s’en trouver fondamentalement transformée en une expression universelle de la nature par elle-même. Sully Prudhomme se rattacherait encore au « darwinisme pessimiste » alors que Ghil développait, lui, le « darwinisme optimiste », celui du « meilleur devenir » et non celui de la concurrence vitale et de la destruction mutuelle [27] :

25

La pensée génératrice de la Poésie scientifique repose sur les théories Évolutionnistes, et elle part d’elles... [...] La théorie « évolutionniste » a émis en loi la « lutte pour la vie ». Mais si nous examinons essentiellement cette proposition, c’est un contresens que nous repoussons, qu’il vienne de Darwin ou des déductions de Spencer et de Nietszche, et de tous qui après eux l’ont sciemment ou inconsciemment commis, – voir là un But de l’évolution vitale. Ce n’est de cette évolution qu’un Moyen, – pour parvenir à plus d’harmonie et d’énergie équilibrée. Donc, c’est une loi d’amour procréateur dont est pénétrée la Matière, et procréateur du Mieux, puisque c’est tendance à l’harmonie.
L’Amour, sa Force inhérente (c’est-à-dire sa propension à l’harmonie de toutes les parties universelles, et à l’équilibre) l’Amour, et pris au sens d’affinité chimique, – meut la Matière [28].

26 Là encore apparaît l’importance de l’imaginaire haeckelien par opposition à celui qu’évoque le nom de Darwin ; non que Darwin n’ait pas porté une vision optimiste de l’évolution, notamment dans La Descendance de l’homme, mais parce que sa réception, en se focalisant sur le darwinisme social (et Spencer), a définitivement associé son nom à un imaginaire délétère. Ghil représente par excellence l’écrivain qui exalte le « darwinisme positif » dans son œuvre, une « vaste épopée de la matière en marche vers son “plus-de-Conscience” [29] ».

27 Il est encore parfois connu parce que Mallarmé avait condescendu à préfacer son Traité du verbe (1886). Il mériterait pourtant d’être considéré d’une part pour sa théorie de la « méthode évolutive-instrumentiste » d’autre part pour sa pratique de ce qu’il appelle du nom de « poésie-scientifique », où le trait d’union fait toute la nouveauté [30] :

28

L’expression poétique devait [...] être reprise aux origines mêmes du Verbe, là où elle commence à une émotion gutturale de l’instinct. Nous devions rendre au Verbe sa valeur phonétique concurremment à sa valeur idéographique, et lui restituer le mouvement en mesures de l’émotion, c’est-à-dire le vrai Rythme [31]...

29 Contrairement à Sully Prudhomme et sa multiplication d’instances textuelles et de types d’écriture, Ghil cherche à réduire, en en faisant la synthèse, la diversité des discours. Il aspire à une poésie qui renouerait, comme aux mythiques temps originels, l’union avec la science : « La mission que nous avons voulu assigner à la poésie, est de recréer consciemment une harmonie émue de cet univers. Et c’est ici que nous avons demandé l’intervention, l’aide nécessaire et épanouissante de la Science [32]. » Très impressionné par la lecture du Roman expérimental de Zola, Ghil retient la référence à Claude Bernard et développera plus tard son propre panthéon scientifique. Il affirme la nécessité pour le poète de se documenter dans les livres de science [33]. Pourtant, ses références restent masquées dans sa poésie et elles ne sont que peu nombreuses et rarement précises dans ses textes programmatiques. Étonnamment, il associe constamment Lamarck et Darwin et ignore ainsi, comme la plupart des Français, la radicale originalité de l’Anglais.

30 On ne peut donc pas assigner un modèle précis de circulation entre les textes scientifiques et les poèmes de Ghil. Mais ce qu’il suggère, avec ses références hétéroclites et sa manière de se présenter comme l’héritier d’une longue lignée remontant à l’antiquité, c’est que la poésie scientifique ne peut manifester des sources scientifiques précises parce qu’elle fait fonds sur un imaginaire développé de longue date. Si Haeckel émeut les contemporains et fait quelque bruit dans la presse, les conférences et les salons, il ne sert que de catalyseur à l’expression d’une pensée qui tient tout autant d’Héraclite, Lucrèce, Spinoza, Buffon, Diderot, Cabanis, Lamarck, Geoffroy-Saint-Hilaire, Taine ou Zola, pour ne citer que quelques repères dans ce réseau de textes disparates.

31 L’œuvre de Ghil a en commun avec celle de Sully Prudhomme d’avoir été froidement reçue ; plus froidement encore, certes. Ses vastes dimensions, à l’instar de La Justice et Le Bonheur, pouvaient décourager le lecteur. S’y ajoutaient, à l’opposé de la langue et du vers presque classiques de son rival parnassien, une langue saturée de néologismes et de latinismes, une syntaxe torturée et un vers déstructuré :

32

Amour – germe dans lui de lui germant – Amour... [...]
L’humidité vivante en quête multiplie –
et qu’il appert qu’un monde évolutivement
en palpitant augmente, et veut : de nuit allante
Elle le meut en vœu de la lumière lente –
ô suite du vivant Tressaillement, âpre et
irritée ! ô qui monte en grand sort inquiet
de digérer l’appât qui gît ou qui vit, et –
apte à départager d’elle, ou laissant aux nues
ouvertures de vouloirs d’ovaire de nues
volitions aller en germes viateurs –
de prodiguer le mieux d’Autruis ampliateurs
vers une plante vraie et dans l’air pur éduite :
multipliant la quête du vœu génital
Ô suite du vivant Tressaillement, en suite [34].

33 Comme Sully Prudhomme, et comme Haeckel, Ghil entendait refonder la métaphysique et, de là, la morale, en dépassant l’ancien antagonisme du spiritualisme et du matérialisme [35]. Mais tandis que le premier manifestait finalement une tendance spirituelle, un « besoin d’Éden », comme eût dit Mallarmé, le second faisait preuve, comme Haeckel, d’un matérialisme enthousiaste.

34 Les théories de l’évolution ont à ce point touché les représentations du vivant que les domaines de la culture qui réfléchissent le plus aux modes d’expression, philosophie et poésie, se sont fait le laboratoire de la pensée évolutionniste. Darwin reconnaissait qu’il était mal à l’aise avec l’écriture et ne savait trop quoi faire des tournures métaphoriques qui hantent le langage, même scientifique. D’un autre tempérament, Haeckel s’emparait du langage et des images pour en faire le matériau d’une véritable campagne d’opinion. On peut supposer que la timidité du premier et l’audace du second fournissent au moins un début d’explication au fait que Darwin fut submergé malgré lui par l’image inquiétante de la lutte de tous contre tous et que Haeckel féconda en revanche une poétique optimiste exaltant l’énergie du vivant.

35 L’évolutionnisme fut en lui-même un puissant agent de rapprochement des discours scientifiques, philosophiques et littéraires, mais c’est sans doute parce que, à travers une image du vivant, il laissait espérer aussi un discours moral, voire un idéal politique. En effet, par rapport à d’autres sciences, les sciences du vivant sont très perméables au discours littéraire car elles semblent toujours parler par métaphore, que Darwin le déplore ou que Haeckel s’en félicite, des mœurs humaines [36].

Notes

  • [1]
    Charles DARWIN, L’Autobiographie, trad. Jean-Michel GOUX revue et complétée par Nicolas WITKOWSKI, Paris, Le Seuil, 2008, p. 43, 48-49, 129-130, mais aussi les commentaires p. 139-148.
  • [2]
    Cette méfiance se voit justifiée par les attaques contre Darwin portées par l’académicien Pierre Flourens qui l’accuse de recourir à des figures anthropomorphiques fallacieuses : Examen du livre de M. Darwin sur l’Origine des espèces, Paris, Garnier Frères, 1864, notamment p. 5-6. Darwin revient lui-même sur ce problème dans une édition ultérieure de L’Origine des espèces (voir la traduction Barbier chez Reinwald en 1876, p. 86-87). Voir sur ce point Robert M. YOUNG, Darwin’s Metaphor. Nature’s Place dans Victorian Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, chap. 4.
  • [3]
    La mention de Dieu est ajoutée par Darwin dans la troisième édition.
  • [4]
    De l’Origine des espèces ou Des Lois du progrès chez les êtres organisés, trad. de Clémence-Auguste ROYER, Paris, Guillaumin et Cie – Victor Masson et fils, 1862, p. 681-682.
  • [5]
    Voir le pamphlet d’Emmanuel Viollet-le-Duc qui ironise sur l’inconvenance de la poésie descriptive et scientifique : « Un vermisseau paré d’un mot ambitieux/S’élevant du bourbier s’ennoblit à nos yeux. » Nouvel art poétique, Martinet, seconde édition en 1809. En 1862, Hugo écrivait « L’épopée du ver » qui serait plus tard intégrée à La Légende des siècles (« Nouvelle série », 1877) avec la réponse « Le poète au ver de terre ». Ce n’est qu’en 1881 que Darwin publie intégralement sa grande étude sur les vers de terre.
  • [6]
    Robert Young insiste sur cette difficulté épistémologique dans Darwin’s Metaphor, ouvr. cité, chap. 5. Voir aussi la manière dont Gillian Beer approche le transfert du darwinisme en littérature dans Darwin’s Plots : Evolutionary Narrative dans Darwin, George Eliot and Nineteenth Century Fiction, Cambridge, Cambridge University Press, (1983) 2000.
  • [7]
    Voir Evanghélia STEAD, Le Monstre, le Singe et le Fœtus. Tératogonie et Décadence dans l’Europe fin-de-siècle, Paris, Droz, 2004, p. 252, qui renvoie à Albert THIBAUDET, Gustave Flaubert, 3e édition, Paris, Gallimard, 1935, p. 166 et à Jean SEZNEC, « Saint Antoine et les monstres. Essai sur les sources et la signification du fantastique chez Flaubert », PMLA, LVIII, 1943, p. 195-222.
  • [8]
    Gisèle SÉGINGER, Naissance et métamorphoses d’un écrivain : Flaubert et Les Tentations de saint Antoine, Paris, Champion, 1997, p. 381 n. 36.
  • [9]
    J’emprunte la notion de « rhétorique profonde » et la méthode qu’elle suppose à Fernand HALLYN, La Structure poétique du monde. Copernic, Kepler, Paris, Le Seuil, coll. « Des Travaux », 1987 ; Les Structures rhétoriques de la science. De Kepler à Maxwell, Paris, Le Seuil, coll. « Des Travaux », 2004.
  • [10]
    La Création, Librairie internationale, 1870. Plus encore que celui de Brunetière, il faudrait aussi examiner le cas de Jean-Marie Guyau, qui publie des réflexions sur Darwin et Spencer dans La Morale anglaise contemporaine. Morale de l’utilité et de l’évolution (Germer Baillière, 1879), des poèmes évolutionnistes dans ses Vers d’un philosophe (Germer Baillière, 1881) au titre symptomatique et théorise ces relations intertextuelles dans Les Problèmes de l’esthétique contemporaine (Félix Alcan, 1884), notamment p. 134-135.
  • [11]
    Le Monstre, le singe et le fœtus, ouvr. cité, chapitre 6.
  • [12]
    Natürliche Schöpfungsgeschichte..., Berlin, Georg Reimer, 1868 ; Histoire de la création des êtres organisés d’après les lois naturelles, Paris, Reinwald, 1874.
  • [13]
    « Fragment über die Natur », Tiefurter Journal, 1783, Werke, Hamburger Ausgabe dans 14 Bänden, München, Ch. Beck, 1998, Band 13, Naturwissenschaftliche Schriften I, p. 45. Il importe peu que ce texte soit en fait de Georg Christoph Tobler puisqu’il était alors attribué à Goethe.
  • [14]
    Histoire de la création..., ouvr. cité, p. et 9.
  • [15]
    Ibid., p. 15.
  • [16]
    Ibid., p. 17.
  • [17]
    Ibid., p. 214.
  • [18]
    « Les grandes lois. III » (ajout de 1874), La Légende des siècles (nouvelle série), Œuvres complètes. Poésie III, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 568-575.
  • [19]
    La Mer, Paris, Éditions Maurice Dreyfous, 1886. Sur ces nombreuses prises de position poétiques, voir Nicolas WANLIN, « La poésie darwinienne et anti-darwinienne de 1860 à 1938 : de nouvelles images de l’humanité », dans L’Héritage de Charles Darwin dans les cultures européennes, Georges LETISSIER et Michel PRUM dir., Paris, L’Harmattan, 2011, p. 185-195. Une bibliographie d’une trentaine de poèmes sur ce thème a été dressée dans le cadre du projet ANR « Euterpe : la poésie scientifique de 1792 à 1939 » (dir. Hugues Marchal) de 2007 à 2010.
  • [20]
    « Avant-propos », La Justice (1878), Œuvres. Poésies 1878-1879, Paris, Lemerre, 1886, p. I.
  • [21]
    Casimir FUSIL, La Poésie scientifique de 1750 à nos jours, Paris, éditions Scientifica, 1918, p. 175.
  • [22]
    Sur le conflit entre son tempérament scientifique et son tempérament poétique, voir Camille HÉMON, La Philosophie de M. Sully Prudhomme, Paris, F. Alcan, 1907, p. 43-46.
  • [23]
    Lettre à Mounet-Sully (1879) citée dans son Testament poétique, Paris, Lemerre, 1901, p. 27-28.
  • [24]
    Lettre du 1er mai 1901 à Camille Hémon citée dans La Philosophie de M. Sully Prudhomme, ouvr. cité, p. 33-34, note 1.
  • [25]
    Une série d’articles est réunie en un volume : Le Problème des causes finales, Paris, F. Alcan, 1902.
  • [26]
    La Tradition de poésie scientifique (1920), dans De la poésie-scientifique et autres écrits, textes choisis de René GHIL, présentés et annotés par Jean-Pierre BOBILLOT, Grenoble, ELLUG, 2008, p. 199-200.
  • [27]
    La Poésie scientifique, ouvr. cité, p. 181.
  • [28]
    De la poésie-scientifique, ouvr. cité, p. 149-151.
  • [29]
    Jean-Pierre BOBILLOT, « René Ghil : une mystique matérialiste du langage ? », ibid., p. 9. Je cite Ghil dans l’édition critique fournie par Jean-Pierre Bobillot : René GHIL, Le Vœu de vivre et autres poèmes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.
  • [30]
    La première expression est empruntée à la plaquette polémique Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle, publiée chez Albert Savine en 1889 ; la seconde apparaît avec un trait d’union dans La Tradition de poésie-scientifique, Paris, Société littéraire de France, 1920.
  • [31]
    De la poésie-scientifique, ouvr. cité, p. 143.
  • [32]
    De la poésie-scientifique, ouvr. cité, p. 142.
  • [33]
    Voir notamment sa réponse à l’Enquête sur l’évolution littéraire de Jules HURET (Paris, Charpentier, 1891, rééd. par Daniel GROJNOWSKI, Paris, Corti, 1999), la préface de Légende d’Âmes et de Sangs ou encore De la poésie-scientifique, ouvr. cité.
  • [34]
    Dire du mieux, éd. citée, incipit puis p. 23.
  • [35]
    Voir De la poésie-scientifique : « Le spiritualisme, c’est-à-dire pour moi, le plus de conscience prise du Tout, sort perpétuellement de la Matière évoluante. Cet idéalisme nouveau est rationnel et immane à la matière même de l’Univers. » Voir Jean-Pierre BOBILLOT, « René Ghil : une mystique matérialiste du langage ? » dans De la poésie-scientifique et autres écrits, ouvr. cité, p. 152.
  • [36]
    Cet article a été rédigé dans le cadre du projet ANR HC19 « Histoires croisées de la littérature et des sciences au XIXe siècle » (dir. Anne-Gaëlle Weber).
Français

La théorie de l’évolution initiée par Charles Darwin entretient une relation problématique à l’expression poétique : la poésie représente l’ensemble des métaphores rendues caduques mais la science lui adresse le défi d’une nouvelle représentation du monde. C’est moins chez Darwin que chez Haeckel que l’on trouve une pleine assomption de la part poétique et esthétique du discours savant, qui fécondera un large intertexte. Mais il n’y a pas de filiation évidente entre textes scientifiques et œuvres littéraires ; les deux discours se développent parallèlement, comme deux manifestations d’un même bouleversement imaginaire et culturel. Chez des poètes aussi différents que Sully Prudhomme et René Ghil, l’évolutionnisme pousse à repenser les relations entre science, philosophie et poésie, et impulse une recherche stylistique et générique. Ainsi, la poésie trouve dans les sciences du vivant un nouveau ferment, parce qu’elle y voit un discours sur l’homme.

English

The theory of evolution introduced by Charles Darwin has a problematic relationship with poetic expression : poetry represents the entirety of metaphors that have become irrelevant, but science challenges it with a novel representation of the world. Haeckel more than Darwin will consciously take on the poetic and aesthetic dimension of scientific discourse, a vein which will reveal itself very productive textually. But there are no obvious relations between scientific texts and literary works ; the two discourses develop in parallel, as two manifestations of the same upheaval in culture and imagination. With poets as different as Sully Prudhomme and René Ghil, evolutionism leads to a rethinking of the relations between science, philosophy and poetry, and drives experimentation with style and genre. Thus, poetry finds in the life sciences a new source of fermentation, because it finds there a new way of looking at man.

Nicolas Wanlin
(Université d’Artois/Équipe ANR HC19)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2012
https://doi.org/10.3917/rom.154.0091
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