CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 De troublants rapprochements peuvent être effectués entre les poèmes de Tristan Corbière et d’Arthur Rimbaud. La question est d’autant plus intéressante qu’elle n’a été traitée que de manière superficielle, nous semble-t-il, par la critique. Une ressemblance a été remarquée entre les premières strophes de « Steam-Boat [1] » et de « L’Éternité [2] ». Corbière s’interroge, après une histoire d’amour qui a duré le temps d’un voyage : « En fumée elle est donc chassée/L’éternité, la traversée/Qui fit de Vous ma sœur d’un jour, /Ma sœur d’amour [3] !… ». C’est Rimbaud qui semble répondre par poème interposé : « Elle est retrouvée./Quoi ? – L’Éternité./C’est la mer allée/Avec le soleil [4] ». Mais pour les commentateurs, cela ne peut être dû qu’au hasard, les deux poètes n’ayant pas eu la possibilité de se lire. C’est ce qu’affirme notamment Francis Burch dans une note des Œuvres complètes de Corbière dans l’édition de la Pléiade : « Il ne saurait cependant être question d’influence. Le 8 août 1873, date de l’achevé des Amours jaunes, Rimbaud est revenu à Roche, après le drame de Bruxelles, et travaille à l’achèvement de ce qu’il appelait d’abord le Livre païen, ou Livre nègre. La Saison ne verra le jour, à Bruxelles, qu’en septembre ou octobre 1873 [5] ». Dans les pages qui suivent, nous mettrons en avant d’autres convergences entre les deux poètes ; nous citerons celles qui avaient déjà été remarquées, parfois en les approfondissant, ainsi que de nombreuses autres inédites, puis nous ébaucherons quelques hypothèses permettant d’expliquer ces étonnantes proximités.

2 En comparant d’autres poèmes on peut noter de multiples affinités : même orgueil dédaigneux, chez Corbière le poète « S’amusant à prendre le frais/En dehors de l’humaine piste [6] », tandis qu’on trouve chez Rimbaud, toujours dans « L’Éternité » : « Des humains suffrages, /Des communs élans/Là tu te dégages [7] ». Si l’on observe les rapports qu’entretiennent « Paris » des Amours jaunes et « Nuit de l’enfer » de Rimbaud, on est également frappé par les correspondances. Les deux parlent d’un suicide, et des visions que l’agonie provoque. Les souvenirs du passé resurgissent : « renie/ Ta lande et ton clocher à jour [8] » chez Corbière, « Ah ! l’enfance, l’herbe, la pluie, le lac sur les pierres, le clair de lune quand le clocher sonnait douze[9] ». Les « bamboulas au tambour [10] » (« danse nègre » selon Christian Angelet [11]), le « paradis/Des mahomets et des houris [12] » de Corbière se retrouvent dans ce vers de « Nuit de l’enfer » : « Veut-on des chants nègres, des danses de houris [13] ? ». Au « Méphisto blagueur [14] » de l’un, correspond un « Satan, farceur [15] » chez l’autre…

3 D’autres rapprochements peuvent être explicables par le hasard, même si l’ensemble crée un troublant effet d’accumulation. Corbière est « Jésuite comme un crapaud [16] », tandis que Rimbaud se déclare lui-même « plus oisif que le crapaud [17] ». « Le Bateau ivre [18] » de Rimbaud évoque « Le navire était soûl [19] » de Corbière. Dans son poème, Rimbaud convoque « les flots/Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes [20] », ce qui rappelle ce vers de « La fin » : « … Qu’ils roulent infinis dans les espaces vierges [21] !… ». Dans la suite des deux poèmes on retrouve des ressemblances terme à terme : « Qu’ils roulent verts et nus, /Sans clous et sans sapin [22] » chez Corbière, et chez Rimbaud : « L’eau verte pénétra ma coque de sapin [23] ». Nous reviendrons sur cet exemple.

4 Corbière et Rimbaud ont tous deux consacré un poème à la figure du douanier, avec des titres presque identiques : « Le douanier [24] » et « Les Douaniers [25] ». Ils évoquent la pipe du douanier, ce qui semble banal. Mais certains vers sont fort proches : « L’administration meurt, faute de ballots [26] !… » chez Corbière, et « Pas de ça, les anciens ! Déposez les ballots [27] ! » de Rimbaud. Ils peignent la profondeur philosophique, malgré des apparences de simplicité, des douaniers, chez Corbière : « Et nous nous comprenions – tu ne savais pas lire – / Mais ta philosophie était un puits profond [28] », tandis que, chez Rimbaud, ils sont « profonds, pas embêtés [29] ». Le passage de Rimbaud « les soldats des Traités/Qui tailladent l’azur frontière à grands coups d’hache », rappelle le poème de Corbière qui précède directement « Le douanier », à savoir « Au vieux Roscoff » : « ces pavillons/Écharpant ton ciel en haillons [30] !… ».

5 Le portail informatique consacré à Tristan Corbière par la ville de Morlaix [31] repère « de troublantes analogies entre la mythologie intime des deux poètes dans “Accroupissements” et “Paysages mauvais” : une colique nocturne, la présence de crapauds, d’escabeaux et de chantres et des allusions à la claudication… ». Si l’on se penche sur certains vers, on retrouve effectivement de grandes proximités. Corbière écrit : « – Les crapauds, /Petits chantres mélancoliques, /Empoisonnent de leurs coliques/ Les champignons, leurs escabeaux [32] », tandis que chez Rimbaud : « Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis/Aux coins noirs : des buffets ont des gueules de chantre [33] ». Se retrouve donc le lien escabeaux-crapauds, qui possède chez Corbière une motivation liée à la Bretagne, comme l’explique Christian Angelet, puisque skabellon tonsegard, « escabeau de crapaud », est le nom breton d’un champignon [34]. Peut-être Rimbaud parvient-il à un même rapprochement en pensant à l’anglais toadstool, le champignon vénéneux, littéralement « siège de crapaud ». Par contre, chez Rimbaud, ce sont des meubles qui sont qualifiés de « chantre », et la colique au clair de lune est assumée par un personnage humain. On citera cependant un autre point commun : chez Corbière « le lièvre/Est un sorcier poltron qui fuit [35]… ». Chez Rimbaud il y a également une transformation animale, par l’évocation du poil qui pousse, suivi du motif de la fuite : « Il écoute les poils pousser dans sa peau moite, /Et parfois, en hoquets fort gravement bouffons/S’échappe, secouant son escabeau qui boite [36]… ».

6 « Accroupissements » prenait place dans la « seconde lettre du Voyant », adressée à Paul Demeny. Rimbaud y développe une critique en règle de la vision romantique du poète, qui s’avère proche de la position de Corbière. C’est ce que résume Christian Angelet :

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En lisant la fin de « Décourageux », on croirait entendre Rimbaud dans la seconde lettre du Voyant : « Des fonctionnaires, des écrivains : auteur, créateur, poète, cet homme n’a jamais existé ! » – Ajoutons que les deux poètes se retrouvent encore dans le refus d’écrire « français ». C’est à propos de Musset que Rimbaud écrit que « tout y est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré ». Dans le poème liminaire des Amours jaunes, où Corbière définit son honteux monstre de livre », il déclare à son sujet : « À peine est-ce français [37] ! ».

8 Un célèbre passage de la « lettre du Voyant » illustre particulièrement la manière dont Rimbaud considère l’artiste : « Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène [38] ». Corbière vide également le « moi » de son contenu illusoire, dans « Un jeune qui s’en va », afin de laisser résonner la chanson symbolisant la poésie : « Je chantais cela pour moi seul…/Le vide chante dans ma tête [39]… ». Comme le résume Hugues Laroche :

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À l’époque où Rimbaud lance son fameux « JE est un autre », tente de « trouver une langue » en refusant la conception traditionnelle du Moi de l’auteur, Corbière s’engage donc sur la voie d’une parole étrangère et composite, ouverte à toutes les langues comme à tous les locuteurs, dans laquelle se dissout la notion d’auteur : le Je de l’auteur n’est plus le principe unificateur de l’œuvre [40].

10 Dans la suite d’« Un jeune qui s’en va », Corbière s’attaque nommément aux auteurs romantiques et à la fascination morbide qu’ils exercent : « – Décès : Rolla : – l’Académie./ Murger, Baudelaire : – hôpital, – /Lamartine : – en perdant la vie/De sa fille, en strophes pas mal [41]… ». Corbière reproche aux romantiques leur exploitation du malheur et de la mort, comme Musset qui entre à l’Académie en narrant la déchéance et le suicide de Jacques Rolla, ou Lamartine qui évoque dans son œuvre le décès de sa fille. Dans la « seconde lettre du Voyant », Rimbaud passe également en revue les grandes figures du romantisme : « – Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille. – Hugo, trop cabochard, a bien du vu dans les derniers volumes : les Misérables sont un vrai poème ». Par la suite Rimbaud dénonce l’emprise de Rolla sur sa génération : « À quinze ans, ces élans de passion mettent les jeunes en rut ; à seize ans, ils se contentent déjà de les réciter avec cœur ; à dix-huit ans, à dix-sept même tout collégien qui a le moyen, fait le Rolla, écrit un Rolla ! Quelques-uns en meurent peut-être encore [42] ».

11 Dans son ouvrage, Hugues Laroche rapproche l’intérêt des deux auteurs pour la figure du corbeau : « Noirs poulets de la mort », trouvait-on dans la première version de « Cris d’aveugle » de Corbière, « funèbre oiseau noir » écrivait Rimbaud dans « Les Corbeaux [43] ». Laroche envisage dans une note la possibilité d’une influence directe : « On peut toujours rêver à une rencontre, qui serait bien dans la nature double du corbeau : le texte de Rimbaud est paru dans La Renaissance littéraire et artistique en septembre 1872 [44] ». D’autant que les paysages et thèmes des deux textes sont fort proches : « le long des fleuves jaunis [45] », « Les vents froids » de Rimbaud, « Landes jaunes d’Armor [46] », « le vent du nord [47] » chez Corbière, « Sur les routes aux vieux calvaires [48] » trouve-t-on dans les « Corbeaux » tandis que Corbière s’exclame « Mon Golgotha n’est pas fini [49] ». Rimbaud décrit le survol des corbeaux « sur les champs de France, /Où dorment des morts d’avant-hier [50] ». Corbière évoque une situation comparable, l’« aveugle » étant le poète lui-même observant les corbeaux depuis sa tombe. Il décrit aussi le repos des combattants : « Un Chevalier dehors/Repose sans remords/Dans le cimetière bénit/Dans sa sieste de granit [51] ». Les deux poèmes présentent une adresse à Dieu, dès le premier vers chez Rimbaud : « Seigneur, quand froide est la prairie [52] ». « Cris d’aveugle » présentait à l’avant-dernier paragraphe : « Pardon de prier fort/Seigneur si c’est le sort [53] ». La principale spécificité de Corbière est de camper un décor breton pour son poème, qui se situe en pays d’Armor.

12 De l’avis de la plupart des commentateurs, les « morts d’avant-hier » qui dorment dans les « champs de France [54] » de Rimbaud sont les soldats de la guerre de 1870. Une allusion à cet événement apparaît dans le poème qui suit « Cris d’aveugle » dans Les Amours jaunes : « La pastorale de Conlie [55] ». Mais là encore la thématique est transposée dans la région natale du poète. Tristan Corbière, comme l’explique Christian Angelet, fait allusion aux troupes bretonnes mobilisées puis cantonnées sur le plateau de Conlie par peur d’une insurrection, dévastées par « la famine et la maladie [56] ».

13 Même manière aussi de malmener l’idéal féminin. Dans « Les Déserts de l’amour », Rimbaud évoque « la Femme [57] » : « je la pris, et la laissai tomber hors du lit, presque nue ». Corbière commence et termine Les Amours jaunes par deux parodies de « La Cigale et la Fourmi » de La Fontaine. Dans le poème de fin, on trouvait : « Le poète […] vit sa Muse, presque bue, / Rouler en bas de sa nue [58] ». Dans la parodie qui ouvrait le recueil la Muse était « presque nue [59] ». Par la suite, le poète de la parodie finale « alla coller sa mine/Aux carreaux de sa voisine [60] », tandis que chez Rimbaud : « Je fus devant les vitrages de là où elle va tous les soirs [61] ».

14 Les deux auteurs consacrent également un poème à la vie de bohème : « Bohême de chic [62] » pour Corbière, et « Ma Bohême. (Fantaisie [63]) » pour Rimbaud. Certains motifs communs sont sans doute dictés par la similarité du sujet, comme par exemple les habits troués. Ainsi chez Rimbaud : « Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées [64] » et « Mon unique culotte avait un large trou./ – Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course/Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse./ – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou ». On peut comparer ces vers à ceux de Corbière : « Son habit, mis en perce, /M’a fait de beaux haillons/Que le soleil traverse ;/Mes trous sont des rayons [65] ». Dans la strophe suivante Corbière décrit également un ciel nocturne : « Dans mon chapeau, la lune/Brille à travers les trous, /Bête et vierge comme une/Pièce de cent sous [66] ! ». Dans les deux poèmes on trouve le personnage de la Muse, chez Corbière : « – Je dors sous ma calotte, /La calotte des cieux ;/Et l’étoile pâlotte/Clignote entre mes yeux./Ma Muse est grise ou blonde… Je l’aime et ne sais pas ;/Elle est à tout le monde… /Mais – moi seul – je la bats [67] ! ». Chez Rimbaud : « J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal [68] ». Le rapport à la Muse est donc inversé : le poète lui est inféodé dans le cas de Rimbaud, tandis que Corbière se représente comme un souteneur maltraitant sa prostituée.

15 Yves Le Manach, sur la simple base de la ressemblance des deux poèmes évoquant l’Éternité, s’interroge sur la possibilité d’une rencontre à Paris entre les deux hommes, puisqu’ils n’ont pas pu se lire [69]. François Boddaert, dans sa préface aux Poètes maudits, note les convergences géographiques, après avoir rappelé le coup de canne-épée de Rimbaud sur Carjat à une soirée des Vilains Bonshommes qu’il situe fin 1871 : « Le 1er juin de l’année suivante, l’irascible bretteur est observé, in situ, par un jeune professeur d’anglais, (de douze ans son aîné), Stéphane Mallarmé. C’est l’époque exacte où, désertant sa Bretagne natale, Tristan Corbière s’installe à Montmartre : dandy bohème, flâneur phtisique, farceur impénitent, autoportraitiste vachard… C’est miracle que le quatuor ne se soit pas, alors, formé sur la place [70] ». Une rencontre et de simples échanges d’idées ne peuvent expliquer une intertextualité aussi dense que celle que nous avons mise en avant. De plus, si les deux poètes avaient fraternisé, Verlaine aurait sans doute lui aussi fait la connaissance de Corbière, or ce n’est que quelques années plus tard, tombant sous le charme des Amours jaunes dont on lui fait la lecture, qu’il aurait découvert le poète breton.

16 Faute d’explication, Le Manach en vient même à supposer une mystérieuse communion des âmes [71]. Son ouvrage est d’ailleurs plus une fantaisie poétique qu’un ouvrage critique. Il évoque cependant la possible influence d’un essai de Louis Auguste Blanqui [72], mais le fait que L’Éternité par les astres évoque l’éternité ne suffit pas à expliquer les ressemblances formelles entre « Steam-Boat » et « L’Éternité ». Sans même parler des autres convergences. Il faudrait donc un hypotexte très vaste, avec de très nombreux emprunts des deux poètes, pour obtenir à l’arrivée autant de points de rencontres. On peut aussi envisager plusieurs hypotextes, mais là encore la multitude des points communs nécessiterait un nombre total de reprises impressionnant.

17 La recherche d’influences communes n’est cependant pas à exclure dans certains cas, d’autant que les deux auteurs sont friands de « littérature au second degré » : Les Amours jaunes sont truffées de parodies, et Rimbaud a pratiqué le pastiche dans l’Album zutique. « La fin », par exemple, est une parodie de « Oceano Nox[73] » de Hugo. Si Rimbaud utilise le même hypotexte, cela pourrait expliquer les analogies entre « La fin » et « Le Bateau ivre ». Le vers hugolien « Vous roulez à travers les sombres étendues [74] » aurait engendré « Qu’ils roulent infinis dans les espaces vierges [75] » de Corbière et les « flots/Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes [76] » de Rimbaud. Il est cependant troublant de constater, dans les deux hypertextes, que les notions de roulement (« roulent »/ « rouleurs ») et d’infini (« infinis »/ « éternels »), sont directement accolées, ce qui n’était pas le cas dans le texte hugolien. On a plutôt l’impression que si « Oceano Nox » est l’hypotexte principal, il nous manque un hypotexte intermédiaire. Cela se confirme dans la suite des textes : le « saule vert qui s’effeuille à l’automne [77] » est sans doute l’hypotexte principal de « Qu’ils roulent verts et nus, /Sans clous et sans sapin [78] » et de « L’eau verte pénétra ma coque de sapin [79] ». Or les similitudes dans la transformation, et le « sapin » qui était absent d’« Oceano Nox », nous indiquent qu’il manque un hypotexte intermédiaire.

18 Une possibilité serait que l’un des deux textes, de Corbière ou de Rimbaud, serve justement de source à l’autre. Dans le cas des deux « Éternités », nous avons cité en début d’article la note de l’édition Pléiade démontrant qu’une lecture de Rimbaud par Corbière n’est pas possible. L’influence inverse pourrait alors être interrogée. D’une part, c’est bien le texte de Rimbaud qui ressemble le plus à une réplique, « elle est retrouvée » répondant à « elle est donc chassée ». D’autre part, si Une saison en enfer est écrit entre avril et août 1873, c’est justement la période où paraissent Les Amours jaunes. Le problème est, bien entendu, que la version de « L’Éternité » de la Saison n’est qu’une variation sur le poème original que Rimbaud date de mai 1872.

19 De même, « Le Bateau ivre » est rédigé sans doute en septembre 1871, bien avant la publication des Amours jaunes[80]. Le poème de Rimbaud étant publié par Verlaine dans ses Poètes maudits, en 1884, on ne voit pas non plus comment Corbière aurait pu en avoir connaissance. Le lien entre les deux textes reste donc problématique. Dans les cas comme ceux-ci, où une lecture réciproque est matériellement impossible, il faudra rechercher une hypothétique influence commune aux deux poètes. À moins, en dernier recours, de s’en remettre à la déesse Fortune, ou à l’influence du Zeitgeist.

20 Il existe bien sûr une autre coïncidence entre les deux auteurs : ils ont été célébrés par Verlaine, dans son essai Les Poètes maudits. À notre avis, cela peut justement amener une nouvelle perspective à la question traitée. Il faut en effet rappeler qu’un grand nombre de poèmes de Rimbaud ne nous sont connus que par des manuscrits de la main de Verlaine, peut-être réécrits de mémoire, comme le pensent par exemple H. Bouillane de Lacoste ou Antoine Fongaro. Comme l’écrit celui-ci : « Il ne faut pas oublier qu’on n’a pas le droit d’appeler “copies” (comme font tous les éditeurs et tous les critiques) les textes de Rimbaud qui ne nous sont connus que par des manuscrits de Verlaine : tant qu’on n’a pas l’original, on ne peut pas dire si Verlaine l’a copié ou s’il a reconstitué le texte par le souvenir [81] ». Dans Les Poètes maudits, Verlaine souligne lui-même que certains manuscrits, dont « Les Douaniers », se sont perdus et en appelle à la générosité de ceux qui les posséderaient. Il se plaint même de ne pouvoir reconstituer « Les Veilleurs » de mémoire, ce qui semble signifier qu’en revanche pour les autres cela lui est possible [82]. Pour de nombreux critiques, comme Steve Murphy, la thèse de la reconstitution n’est pas crédible [83]. Antoine Fongaro souligne cependant qu’en l’absence de manuscrits autographes, la fiabilité des manuscrits transmis par Verlaine reste une hypothèse et qu’une intervention de sa part n’est pas à exclure. Il est à noter que dans son édition des Œuvres complètes de Rimbaud en Pléiade, André Guyaux a choisi d’imprimer en corps de texte réduit les poèmes dont nous ne possédons pas les manuscrits autographes. Dans un article intitulé « Une introuvable version originale », il cite Albert Béguin, pour qui les manuscrits de Verlaine sont peu sûrs, avant de conclure :

21

Ce qu’il nous a transmis de Rimbaud est marqué de la plus grande fidélité et d’un je ne sais quoi de verlainien qui s’en écarte. Il est le premier éditeur de Rimbaud, et l’éditeur moderne sait ce qu’il lui doit sans être toujours en mesure de placer la ligne de démarcation entre le texte de Rimbaud, parfois conjectural, et ce qui viendrait de Verlaine, de sa mémoire, de sa lecture, de sa poétique [84].

22 Dans ce cas, les échos corbiériens dans la poésie de Rimbaud ne pourraient-ils pas justement être les signes d’une intervention de Verlaine ?

23 Nous pouvons tenter de vérifier cette hypothèse grâce aux travaux de Steve Murphy, notamment dans son édition des Œuvres complètes de Rimbaud. Le quatrième volume contient les fac-similés des textes de l’auteur. On peut ainsi constater que le manuscrit des « Douaniers », dont nous avons vu la proximité avec « Le douanier » (titre, thème et passages précis), est de la main de Verlaine [85]. C’est également le cas du « Bateau ivre », que nous avons évoqué pour ses analogies avec « La fin ». Il faut ajouter que la séquence associant « roulement » et « infini », que nous avons identifiée dans « Le Bateau ivre » et dans « La fin », se retrouve au deuxième vers d’un quatrain sans titre de Rimbaud : « L’étoile a pleuré rose au cœur de tes oreilles/L’infini roulé blanc de ta nuque à tes reins [86] ». Or ce poème, ou fragment de poème, ne nous est connu que par un manuscrit de la main de Verlaine [87].

24 En revanche, l’hypothèse d’une réécriture de Verlaine est impossible dans les autres cas, par exemple pour la « Nuit de l’enfer » et les « Déserts de l’amour », pour lesquels il existe des manuscrits autographes. Cela est d’autant plus frappant pour les poèmes « Accroupissements » et « Paysage mauvais », dont on a vu les nombreuses correspondances. En effet « Accroupissements » est présent dans un manuscrit autographe de la « seconde lettre du Voyant » du 15 mai 1871.

25 Verlaine a lui aussi subi l’influence de Corbière, ce qui n’a d’ailleurs rien d’étonnant puisque, comme nous l’avons signalé, il l’a lu et suffisamment apprécié pour le faire figurer dans ses Poètes maudits. Micha Grin [88] cite les vers de Corbière, « … Il pleut dans mon foyer, il pleut dans mon cœur feu [89] » dont on trouve l’écho dans ce fameux passage de Verlaine : « Il pleure dans mon cœur/Comme il pleut sur la ville [90] ». Mais ce qui est particulièrement intéressant, c’est que Verlaine cite lui-même une source d’inspiration, un vers de Rimbaud qu’il donne en épigraphe : « Il pleut doucement sur la ville. (ARTHUR RIMBAUD.) ». Or, comme le signale l’édition de la Pléiade, « on ne retrouve ce vers nulle part dans l’œuvre de Rimbaud [91] ». Ainsi, à une échelle très réduite, le schéma identifié plus tôt se répète : du Rimbaud de la main de Verlaine et sous influence de Corbière. On peut supposer que l’épigraphe n’est pas réellement de Rimbaud, d’autant plus qu’au poème suivant, Verlaine s’amuse à attribuer à « INCONNU » une citation (« de la douceur, de la douceur, de la douceur [92] ») en réalité extraite de ses Poèmes saturniens.

26 Il est troublant de constater à quel point, dans Les Poètes maudits, Corbière et Rimbaud semblent se mêler dans l’esprit de Verlaine. Le chapitre consacré à Rimbaud se termine par la citation de Corbière, « son frère aîné » : « Elle est éteinte/L’église sainte, /Il est éteint/Le sacristain [93] ! ». Ces vers, notamment les deux premiers, semblent répondre à l’exclamation de Rimbaud citée quelques lignes plus haut : « Elle est retrouvée/ […] l’éternité [94] ». Les termes qui servent à désigner les deux poètes sont proches, si ce n’est identiques : Corbière fut « le dédaigneux par excellence [95] », Rimbaud est « trop dédaigneux, plus dédaigneux même que Corbière [96] ». Dans l’« Avertissement » consacré aux portraits d’après photographie des trois « maudits », ceux-ci sont réunis par leur style, et même par leur physique :

27

À bien y regarder pourtant, de même que les vers de ces chers Maudits sont très posément écrits […], de même leurs traits sont calmes, comme de bronze un peu de décadence […]. Il y a quelque chose d’impassible dans ces visages bizarres et tous les trois très beaux, – remarquez-le bien – qui donne irrévocablement raison aux vers sans égaux qu’on va lire et à cet humble mais entêté commentaire [97] ».

28 Observons comment le style de Corbière est analysé : son vers est « Amer d’ailleurs et salé comme son cher Océan, nullement berceur ainsi qu’il arrive parfois à ce turbulent ami, mais roulant comme lui des rayons de soleil, de lune, et d’étoiles dans la phosphorescence d’une houle et de vagues enragées [98] ! ». Là encore s’impose la figure obsédante du roulement de la mer, comme dans « La fin » et « Le Bateau ivre », qui sont d’ailleurs cités intégralement par Verlaine, malgré leur longueur.

29 Rimbaud et Corbière se sont-ils lus ? Comme nous l’avons vu, la réponse est négative. Il faut souligner que l’on se trouve en présence d’auteurs qui baignent dans la même ambiance « fin de siècle », avec la même volonté de se distancier des grands modèles romantiques. Il est ainsi logique de retrouver l’exploitation des mêmes topoï, par exemple liés à la « vie de Bohème » des artistes parisiens. Cependant la présence de Verlaine au sein de cette problématique s’avère significative. Sa lecture attentive de Corbière, ainsi que les traces de ce dernier dans des poèmes de Rimbaud transmis par Verlaine lui-même, sont les éléments qui amènent le plus de perspectives. On est au cœur de ce « quelque chose de verlainien » qui émerge de poèmes de Rimbaud à la fidélité problématique. Il ne faut jamais oublier qu’ils nous sont transmis par un Verlaine dont le génie poétique, le rapport particulier qui le liait à Rimbaud et la subjectivité qui s’empare de lui lorsqu’il évoque ses « maudits », ne lui ont sans doute pas permis de n’être qu’un banal copiste [99].

Notes

  • [1]
    Tristan Corbière Les Amours jaunes, éd. C. Angelet, Le Livre de Poche, 2003, p. 64-66.
  • [2]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. P. Brunel, Le Livre de poche, 1998, p. 239-240.
  • [3]
    Corbière, ouvr. cité, p. 64, v. 1-4.
  • [4]
    Rimbaud, ouvr. cité, p. 239.
  • [5]
    Charles Cros, Tristan Corbière, Œuvres complètes, éd. P.-O. Walzer et F.F. Burch, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1970, p. 1273. En l’occurrence P.-O. Walzer se réfère à la variante de son poème que Rimbaud intègre à Une Saison en enfer.
  • [6]
    Corbière, ouvr. cité, p. 252, v. 3-4.
  • [7]
    Rimbaud, ouvr. cité, p. 240.
  • [8]
    Corbière, ouvr. cité, p. 46, v. 1-2.
  • [9]
    Rimbaud, Une Saison en enfer. Illuminations et autres textes, éd. P. Brunel, Le Livre de poche, 1998, p. 59.
  • [10]
    Corbière, ouvr. cité, p. 46, v. 4.
  • [11]
    Ibid., p. 46, n. 3.
  • [12]
    Ibid., p. 44, v. 13.
  • [13]
    Rimbaud, Une saison en enfer, éd. citée, p. 61.
  • [14]
    Corbière, ouvr. cité, p. 48, v. 2.
  • [15]
    Rimbaud, Une saison en enfer, éd. citée, p. 62.
  • [16]
    Corbière, ouvr. cité, p. 112, v. 8.
  • [17]
    Rimbaud, Une saison en enfer, éd. citée, p. 49-50.
  • [18]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 203-207.
  • [19]
    Corbière, ouvr. cité, p. 218, v. 2.
  • [20]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd citée, p. 203.
  • [21]
    Corbière, ouvr. cité, p. 238, v. 39.
  • [22]
    Ibid., p. 238, v. 40-41.
  • [23]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 203.
  • [24]
    Corbière, ouvr. cité, p. 225-229.
  • [25]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 189.
  • [26]
    Corbière, ouvr. cité, p. 228, v. 83.
  • [27]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 189.
  • [28]
    Corbière, ouvr. cité, p. 227, v. 59-60.
  • [29]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 189.
  • [30]
    Corbière, ouvr. cité, p. 224, v. 25-26.
  • [31]
    http://www.corbiere.ville.morlaix.fr/tristan-corbiere/en-mots/chapitre7.html
  • [32]
    Corbière, ouvr. cité, p. 170, v. 11-14.
  • [33]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 158.
  • [34]
    Corbière, ouvr. cité, p. 170, n. 4.
  • [35]
    Ibid., p. 169, v. 7-8.
  • [36]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 158.
  • [37]
    Christian Angelet, Préface aux Amours jaunes, éd. citée, p. 26, n. 1.
  • [38]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 149.
  • [39]
    Corbière, ouvr. cité, p. 78, v. 27-28.
  • [40]
    Hugues Laroche, Corbière ou les voix de la corbière, Presses universitaires de Vincennes, 1997, p. 177. En ligne
  • [41]
    Corbière, ouvr. cité, p. 79, v. 57-60.
  • [42]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 155.
  • [43]
    Cité par H. Laroche, ouvr. cité, p. 168.
  • [44]
    Ibid., p. 187, n. 42. En ligne
  • [45]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 260.
  • [46]
    Corbière, ouvr. cité, p. 188, v. 50.
  • [47]
    Ibid., p. 188, v. 61. En ligne
  • [48]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 260.
  • [49]
    Corbière, ouvr. cité, p. 187, v. 15.
  • [50]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 260.
  • [51]
    Corbière, ouvr. cité, p. 187-188, v. 43-46.
  • [52]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 260.
  • [53]
    Corbière, ouvr. cité, p. 188, v. 55-56.
  • [54]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 260.
  • [55]
    Corbière, ouvr. cité, p. 189-192.
  • [56]
    Ibid., p. 189, n. 1. En ligne
  • [57]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 211.
  • [58]
    Corbière, ouvr. cité, p. 247, v. 1-4.
  • [59]
    Ibid., p. 37, v. 4. En ligne
  • [60]
    Ibid., p. 247, v. 7-8. En ligne
  • [61]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 211.
  • [62]
    Corbière, ouvr. cité, p. 57-60.
  • [63]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 137-138.
  • [64]
    Ibid., p. 137. En ligne
  • [65]
    Corbière, ouvr. cité, p. 58, v. 17-20.
  • [66]
    Ibid., p. 58, v. 21-24. En ligne
  • [67]
    Ibid., p. 59, v. 53-60. En ligne
  • [68]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 137.
  • [69]
    Yves Le Manach, Corbière, Rimbaud, Blanqui et l’Éternité, Quimperlé, La Digitale, 2001.
  • [70]
    Verlaine, Les Poètes maudits, éd. François Boddaert, Cognac, Le temps qu’il fait, 1990, p. 8.
  • [71]
    Le Manach, ouvr. cité, p. 14.
  • [72]
    Ibid., p. 17-25. En ligne
  • [73]
    Hugo, Œuvres poétiques I, éd. P. Albouy, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1964, p. 1116-1117.
  • [74]
    Ibid., p. 1116
  • [75]
    Corbière, ouvr. cité, p. 238, v. 39.
  • [76]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 203.
  • [77]
    Hugo, ouvr. cité, p. 1117.
  • [78]
    Corbière, ouvr. cité, p. 238, v. 40-41.
  • [79]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 203.
  • [80]
    Rimbaud, Œuvres complètes. IV. Fac-similés, éd. S. Murphy, Champion, 2002, p. 536.
  • [81]
    Antoine Fongaro, Rimbaud : texte, sens et interprétations, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1994, p. 77.
  • [82]
    Verlaine, Les Poètes maudits, éd. citée, p. 44.
  • [83]
    Voir S. Murphy, « Les Premières Communions : “monstre hybride” né de “quelque grave cafouillage” ? », Parade sauvage, Charleville-Mézières, Musée-Bibliothèque Rimbaud, n? 10, juillet 1994, p. 7-28.
  • [84]
    André Guyaux, « Une introuvable version originale », Le Magazine littéraire, Sophia Publications, n? 489, septembre 2009, p. 62.
  • [85]
    Rimbaud, Œuvres complètes. IV. Fac-similés, éd. citée, p. 544.
  • [86]
    Rimbaud, Poésies complètes, éd. citée, p. 188.
  • [87]
    Rimbaud, Œuvres complètes. IV. Fac-similés, éd. citée, p. 544.
  • [88]
    Micha Grin, Tristan Corbière, poète maudit, Évian, Le Nant d’Enfer, 1971, p. 163.
  • [89]
    Corbière, ouvr. cité, p. 98, v. 171.
  • [90]
    Verlaine, Œuvres poétiques complètes, éd. Y.-G. Le Dantec et J. Borel, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1962, p. 192.
  • [91]
    Ibid., p. 1102
  • [92]
    Ibid., p. 193.
  • [93]
    Verlaine, Les Poètes maudits, éd. citée, p. 47.
  • [94]
    Ibid., p. 46.
  • [95]
    Ibid., p. 19.
  • [96]
    Ibid., p. 45.
  • [97]
    Ibid., p. 17.
  • [98]
    Ibid., p. 20.
  • [99]
    La présente contribution s’inscrit dans le cadre d’une recherche en cours sur la parodie chez Corbière. Je remercie chaleureusement Steve Murphy et Daniel Sangsue de leur lecture et de leurs conseils.
Français

Cet article met en avant les nombreuses correspondances qu’entretiennent les poèmes d’Arthur Rimbaud et de Tristan Corbière. Dans la plupart des cas, aucun des deux auteurs n’avait connaissance du travail de l’autre au moment de la rédaction de son texte. Un fait retiendra spécifiquement notre attention : les analogies les plus troublantes avec Les Amours jaunes de Corbière se trouvent dans des œuvres de Rimbaud qui ne nous sont connues que par des manuscrits de la main de Verlaine, peut-être réécrits de mémoire bien après leur date de création. La fiabilité de ces « copies » verlainiennes est incertaine et fait l’objet de débats au sein de la critique rimbaldienne. Dans ce contexte, les « échos » corbiériens, au sein de poèmes de Rimbaud, pourraient être le signe d’une intervention de Verlaine dans les textes qu’il nous transmet. L’article constate à quel point les deux poètes semblent se mêler dans l’esprit de Verlaine, par exemple lorsqu’il les évoque dans ses Poètes maudits.

English

This article highlights the many correspondences between the poems of Arthur Rimbaud and of Tristan Corbière. In most cases, neither author was aware of the work of the other at the time when he wrote his text. One fact in particular captures our attention : the most disturbing analogies with Corbière’s Les Amours jaunes are to be found in the works of Rimbaud that are only known to us from the manuscripts in the handwriting of Verlaine, perhaps rewritten from memory well after the date when they were written. The reliability of these “copies” from Verlaine is uncertain and has been the subject of discussions in the milieu of Rimbaud critics. In this context, the “echoes” of Corbière within the poems of Rimbaud could be a sign of Verlaine’s intervention in the texts that he has transmitted to us. The article points out the extent to which the two poets seem to be mixed up in Verlaine’s mind, when he mentions them in his Poètes maudits for example.

Stéphane ISCHI
(FNRS – Université de Neuchâtel)
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/04/2011
https://doi.org/10.3917/rom.151.0101
Pour citer cet article
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