CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Évoquant la tutelle exercée sur la France par les Anglais et les banquiers, Alphonse Toussenel stigmatise «l’influence combinée de ces races ennemies» [1]. La formulation retenue par ce disciple de Fourier a de quoi surprendre, mais elle n’est pas fortuite. Elle traduit en peu de mots la signification et l’écart que la science des races prend, chez lui, pour dévoiler le sens de la destinée humaine. L’ethnologie officielle qui les étudie n’y souscrirait pas. Elle peut bien reprendre à son compte le terme de «race des Anglais», mais certainement pas celui de «race des banquiers», qui relèverait pour elle de la métaphore. Ils n’ont pas, selon sa définition du terme, de communauté d’origine, de langue, de traits physiques et moraux. Il n’y a pas de «race des banquiers» car ils peuvent appartenir à plusieurs races.

2Les deux expressions situent d’emblée Toussenel dans et à côté de la science des races du xixe siècle. Comme elle, il veut découvrir dans les différences naturelles des êtres les énigmes du passé et le secret de leurs institutions. Comme elle, il inscrit la politique et l’histoire dans les sciences de la vie. Mais ce programme obéit à une tout autre positivité qui subvertit le savoir en place et lui ouvre d’autres horizons. La «race des banquiers» ne relève pas de la métaphore, mais de «la raison analogique» [2]. Il emprunte à Charles Fourier, son «illustre et vénéré maître» [3], les lois de la science souveraine qui lit sur les lèvres de la Nature avec les yeux de l’analogie. Loin des sphères académiques, Toussenel édifie d’abord une théorie des symboles qui déchiffre le secret des races. Puissance organique et critique, cette ethnologie repensée défriche ensuite une nouvelle terre savante: une science de l’histoire et de la politique qui dénonce avec force les oppressions des races conquérantes et des classes dominantes. Appliquée au temps présent, elle déchire enfin les plans de la Civilisation, cette société mercantile aux mains de la féodalité financière et de la «race juive» que l’analogiste voue aux gémonies.

Les canons de l’Analogie universelle

3«Le chasseur voyant et pieux, et instruit à l’école de l’analogie passionnelle» [4], voilà, en termes lapidaires, comment, au détour d’une phrase, Toussenel se définit lui-même. Il se veut donc d’abord chasseur, l’un des plus célèbres de son temps [5]. Pisteur d’animaux, il s’est aussi attaché à en débusquer les emblèmes, à en traquer les signes. Initié par Fourier à l’écriture vivante des analogies, il veut déchiffrer le cantique de la Vie. Rompant avec les sciences naturelles de son siècle, il revendique, comme son maître, «l’emploi énergique de la méthode de l’Écart absolu pour ramener la discipline dans les rangs d’un ordre rebelle à toute autorité» [6]. Les naturalistes ont péché par simplisme. Ils n’ont relié les animaux que par leurs caractères physiques, brisant ainsi l’unité de système de la Nature. La loi universelle de l’attraction, régissant le physique comme le moral, impose une nouvelle méthode, unitaire cette fois, qui renverse la science et vainc son «anarchie par ce coup d’État victorieux» [7]. Avec elle, «les espèces s’abouchent par le côté moral en même temps que par le côté matériel» [8]. Elles s’associent selon les règles de l’analogie passionnelle, cet «Œdipe de tous les Sphinx» [9], dont il montre la logique.

4Il existe quatre mouvements dans l’univers : le mouvement social, le mouvement animal, le mouvement organique et le mouvement matériel. Les trois derniers sont façonnés sur le modèle du premier, pense Fourier. Les passions humaines dévoilent le sens des animaux, des végétaux, des minéraux et des mouvements mêmes des astres. L’homme est le Roi de la Création car son règne résume tous les règnes : «tout, depuis les atomes jusqu’aux astres, forme tableau des propriétés des passions humaines» [10]. Aussi suffit-il d’en découvrir la gamme pour tout comprendre. Miroir du monde, l’humanité révèle les anamorphoses des choses [11]. Un savoir encyclopédique en étudie la cosmo-logie: « la science des rapports de l’homme avec les choses créées a nom l’Analogie passionnelle; ce n’est pas une science, c’est la SCIENCE, c’est-à-dire la science pivotale qui embrasse toutes les autres» [12]. Cette «théorie des emblèmes passionnels » voit dans les créatures des symboles vivants, puisque «Dieu ne fait pas de l’art pour l’art». Né du verbe créateur, tout fait sens dans la Création. Les animaux sont des «signes parlants », les oiseaux des «hiéroglyphes emplumés» [13]. La couleur de leur robe, leurs modes de vie, leurs habitudes, leurs pulsions et leurs passions, sont comme des lettres qui, réunies dans le bon ordre par l’observateur avisé, écrivent ces «verbes de Dieu» [14]. Être et signe, nom et corps à la fois, l’animal est un substantif en un mot [15].

5Le «télescope merveilleux de l’analogie» [16] en main, Toussenel donne à lire ces allégories de la Nature. Le sel «qui cristallise en cubes est l’emblème de la richesse, de la salubrité, de la conservation» [17]. Le lierre symbolise le capteur d’héritage. Il se montre «rempli de soins délicats et de paroles caressantes pour le riche testateur dont il convoite la dépouille». Comme la plante s’enroule autour de la pierre, «il l’enlace de ses réseaux, il l’isole des siens, il l’étouffe de ses embrassements ». Mais ce sont surtout les hiéroglyphes à plumes et à poils qui sont la matière de ses écrits. Ainsi le corbeau est-il le hiéroglyphe du légiste: tous deux portent le noir, «couleur éminemment absorbante qui dénote par ce caractère même l’égoïsme et la voracité». Comme le corbeau se nourrit des cadavres des batailles, l’avocat se repaît des querelles d’héritage. De même que l’oiseau s’attaque d’abord aux yeux de ses proies, «les artisans de la chicane commencent par aveugler sur leurs intérêts les plus clairs les pauvres innocents qu’ils veulent mettre aux prises» [18]. Le porc est, lui, l’emblème de l’avare, il s’engraisse sans fin et «n’est bon qu’après sa mort» [19].

6Le mécanisme du déchiffrement analogique se montre ainsi en clair. La race animale représente une passion, un instinct, bon ou mauvais, des mœurs particulières. Ce type zoologique se retrouve dans les sociétés humaines. Certaines classes sociales, certaines castes possèdent en effet des caractères et des habitudes comparables. Elles peuvent faire la lumière sur les animaux qui leur ressemblent. Le raisonnement peut se retourner. Ce n’est plus l’humanité qui éclaire l’animalité, mais le contraire. Là réside le vrai dessein de Toussenel, dont il ne fait pas mystère. «C’est chose facile, assurément, que de se faire une idée juste de la valeur des institutions politiques et religieuses des hommes, quand on a l’oreille des bêtes, puisque chacune de ces institutions a toujours quelque part, au monde des oiseaux ou ailleurs, un emblème parlant qui la raconte en la symbolisant, et qu’on n’a qu’à faire jaser pour lui faire dire tout.» Or, l’homme est révélateur de la Nature, non révélé par elle dans l’analogie passionnelle. Pourquoi chercher dans l’animalité la vérité de ce qu’il est? Parce que l’animal, lui, ne trompe pas. Privé de la parole et de ses ruses, ignorant le bien et le mal, il n’obéit qu’à ses instincts. Il ne dissimule rien de ce qu’il est. Il faut donc toujours revenir «à la parole des bêtes qui ne mentent jamais » [20]. On ne peut connaître l’humanité qu’en transitant par leur filtre. Sa vérité n’est pas en elle, mais à sa lisière, dans les analogies qui l’attachent à l’animalité. Il faut régresser jusqu’à elle pour y accéder.

7Ce renversement bouscule la science des races du xixe siècle. Il étend considérablement ses limites et révolutionne ses procédures. Si la race animale renvoie toujours à une classe dans l’humanité, celle-ci prend, par là même, une dimension naturelle: elle forme une race, avec des caractères physiques et moraux constants, un type biologique reconnaissable. La race (animale) reflète la classe (sociale) et la constitue comme race (humaine). Comme ces «physiologies littéraires » florissant à la même époque, l’œuvre de Toussenel se rapproche de la Comédie humaine de Balzac. Si le romancier décrit les types humains de la société française, au point de concurrencer l’état civil, Toussenel s’attache, lui, aux «registres de l’état civil de la Nature» [21] qui disent la vérité de toutes les sociétés. L’ordre social épouse alors l’ordre naturel. En étendant l’acception du mot «race», il découvre ainsi un nouveau continent savant. À côté des races classiquement entendues: les races noire, blanche, gauloise, germaine, etc., il en fait apparaître une multitude, qui prolifère en marge de l’anthropologie officielle: la race des avares, des ouvriers du bâtiment, des légistes, des banquiers, etc.
Cet archipel fait voler en éclat les cadres institués par l’histoire naturelle. L’Analogie fait litière de ses références usuelles pour classer l’humanité: la couleur de la peau, la forme de la boîte crânienne étudiée par «l’école des angles», etc. Sans vraie nomenclature des races, leur hiérarchie même passe au second plan. Pour Toussenel, l’inégalité ne règne pas réellement entre elles. Il existe seulement des races utiles et des races nuisibles, des races victimes et des races prédatrices selon la nature de leurs passions. Peu importe qu’elles se rangent dans une seule espèce humaine (monogénisme) ou dans plusieurs (polygénisme) selon leur origine unique ou multiple. Car ces races humaines inédites, ces infra-races désignant des collectivités sociales, n’ont pas de racines, elles naissent des bêtes qui leur servent d’emblèmes selon une parenté symbolique et non historique. La descendance s’efface devant l’équivalence. L’analogie s’affranchit de la quête généalogique: elle ne cherche pas avant, dans les âges obscurs de l’humanité, mais à côté d’elle, dans l’animalité. Et si l’homme et l’animal se ressemblent, le premier ne descend aucunement du second. Le disciple de Fourier ne croit pas aux thèses de Darwin [22].
Toussenel détrône avec éclat les sciences naturelles de son temps. Il change de voie pour leur offrir une nouvelle rationalité. L’Analogie passionnelle est bien un canon, aux deux sens du terme: une norme et une arme. Positive et critique à la fois, elle défait pour faire, elle destitue pour constituer. Sa science rebelle conserve cependant, comme l’ethnologie officielle, une mission politique et historique. Elle cherche, elle aussi, à deviner les ressorts naturels de l’histoire pour fonder une politique positive. «Car le scalpel de l’analogie passionnelle est le seul instrument d’analyse qui puisse pénétrer assez profondément aux entrailles des races pour y surprendre le secret de leurs grandeurs et de leurs décadences.» Cette théorie nouvelle instruit l’implacable procès de la Civilisation et de ses féodalités. Sa politique de l’histoire est bien «celle du temps présent» [23].

Science et politique des races dans l’Histoire

8Obéissant à un tout autre régime de pensée, l’analogie passionnelle rencontre néanmoins la politique des races de son siècle. Elle veut, à son tour, élucider le conflit des races et des classes qui travaille le monde moderne. À la suite des historiens libéraux, les frères Thierry et Guizot en tête, Toussenel observe que les classes exploitées sont des races conquises. Chaque fois que «les violents, les héros, les hommes de caste veulent s’établir un empire sur le pauvre monde, ils commencent par s’attribuer la propriété exclusive du sol dont ils concèdent ensuite l’exploitation à la race vaincue, moyennant le service d’une rente annuelle et éternelle et incessamment augmentable, qui leur confère le privilège de vivre largement, sans rien faire, sur le travail d’autrui » [24]. L’épée de la conquête coupe la société en deux: elle assure la domination d’une caste oisive, vivant de privilèges, sur une classe laborieuse qui la nourrit. «L’histoire du genre humain, l’histoire des conquêtes et de la destruction des empires, n’est que la traduction de la lutte qui existe depuis le premier jour du monde entre le travail et la fainéantise.» [25] Mais si, pour l’analogiste, l’histoire des classes se lit en filigrane des rivalités de races, son déchiffrement se révèle entièrement différent. C’est bien dans les races que se dévoile l’histoire humaine, mais dans les races animales qui en sont l’image.

9L’analogie, reine des savoirs, construit une science de l’histoire et de la politique. Si tous les êtres se correspondent dans le système de la nature, l’animalité peut jeter une lumière vive sur le développement des peuples. «Toutes les histoires sont la même, malgré la différence apparente de leurs titres.» [26] Pour l’Être suprême, toutes les créatures sont contemporaines, «car les verbes de Dieu sont éternels ; et les institutions à venir sont contenues en puissances dans les institutions existantes » [27]. Des mœurs et des institutions animales peuvent expliquer celles qui naîtront plus tard chez les hommes. Chaque stade du développement d’une nation, chaque classe possède, en droit, son référent zoologique. Désormais, la rationalité de l’histoire des hommes ne réside plus en eux, mais dans l’histoire naturelle des animaux qui l’expose en toute clarté. Sa scientificité lui vient de l’animalité vers laquelle elle louche.

10La connaissance des correspondances naturelles fonde en cela la plus sûre des sciences politiques. Elle donne à voir dans l’animalité, ce qui a été, est et sera dans l’humanité. Son histoire se trouve comme arrêtée dans les emblèmes qu’elle lui renvoie. Son chaos et sa violence se dissipent à la lumière de cet ordre éternel que la science embrasse d’un seul regard. La diachronie humaine se lit, à plat, dans la synchronie animale. L’histoire de l’une se parcourt dans le tableau de l’autre. Il est dès lors facile de comprendre la nature et le destin des populations pour mieux les diriger. La science des analogies se pense comme la science gouvernementale par excellence.

11

L’analogie sait le secret des sociétés heureuses et des gouvernements modèles. […].
Les peuples ne seront heureux que lorsque les rois seront analogistes. [28]

12Toussenel retrouve par ce biais l’inspiration de Fourier et de ses disciples. L’humanité n’a pas à se donner ses propres lois, il lui faut découvrir dans l’univers la charte que Dieu y a placée. Ce qui doit être pour les hommes, est déjà dans la Nature. Sa connaissance leur offre la possibilité de rentrer dans les voies du Seigneur et d’accomplir leur destinée. «En vertu du principe d’unité, l’arbre, l’oiseau, le quadrupède, l’insecte sont autant d’hiéroglyphes dans lesquels Dieu a écrit sa volonté, c’est-à-dire la révélation des destinés humaines. L’homme n’a donc rien de mieux à faire que d’appliquer son intelligence à deviner ces énigmes qui doivent lui découvrir la voie de son bonheur.» [29] La république des abeilles, par exemple, «n’a pas besoin d’une loi faite par elle, puisque l’obéissance à la loi de Dieu, c’est-à-dire la liberté, les conduit tout droit au bonheur» [30]. La cité de l’avenir n’a qu’à s’instruire auprès «des bêtes, qui leur eussent enseigné depuis des siècles la solution de toutes les questions sociales, si on les eût laissés vivre et causer ensemble» [31]. Et Toussenel de prôner un véritable socialisme naturaliste, exposé par «une foule de tribus socialistes, d’un socialisme avancé même» [32]. L’Analogie fonde bien une science nouvelle de l’histoire et une politique des races… animales : un entomo- ou un zoo-socialisme.

13Son pouvoir critique est à la mesure de son pouvoir analytique et organique. Art de gouverner, elle ne peut faire son œuvre qu’en abolissant la société en place et ceux qui la dirigent. Le socialisme naîtra sur les décombres du féodalisme.

14La sémiologie naturaliste constitue une arme redoutable contre ces aristocraties actuelles qui s’arrogent, par la force, le droit de conduire les peuples. Elle dessine une politique objective des emblèmes, une science héraldique générale et démocratique qui «range chaque chose à sa place» dans l’ordre universel. Ces blasons ne sont plus le privilège des familles illustres, chaque nation, chaque classe en possède un. Il révèle leur nature la plus intime, leur vice et leur vertu, leur vrai titre de noblesse. Les générations futures étendront cette taxinomie à chaque être: «Un jour viendra où non seulement chaque peuple, mais chaque individu, chaque petite-maîtresse, aura sa fleur, son oiseau, ses armoiries parlantes, qui diront sa dominante passionnelle, ses goûts et ses caprices.» [33] Anse/lance de la vérité, l’analogie dénigre autant qu’elle déchiffre. Poignée qui soulève les secrets du monde et poignard frappant au cœur, elle démasque les puissants sans faillir. Ils se cachent derrière des écussons dorés mais mensongers qu’ils s’inventent pour raconter leur histoire et justifier leur couronne. Elle brûle ces images rêvées en leur montrant leurs vrais blasons, donnés par la Nature. Elle dévoile leurs crimes parés de vertus, leurs droits nés du vol et leurs pouvoirs édifiés sur les morts. Cette lumière obscurcit leurs légendes à jamais.

15Ainsi l’éclair des analogies illumine comme il foudroie. Il frappe d’abord les despotes qui règnent sur l’univers : les Anglais, à travers leur insigne: l’Aigle. Toussenel veut dénoncer/démonter les mécanismes de leur oppression de race et de classe, car «la destruction du vampirisme social est la plus haute question politique de ce temps». Prédateur jamais repu, l’Aigle voue les autres races à la faim, à la peur et à la mort. Il n’attaque que des espèces sans défense. Il n’a donc rien de chevaleresque. De tous les animaux de proie, c’est «le plus richement armé pour le meurtre et pour la rapine, le plus fort et le plus redoutable». Tout en lui trahit «l’ogre emplumé toujours altéré de chair fraîche, l’Attila des nues». Il est l’expression la plus sauvage «de la tyrannie, du règne de la force». On en fait à tort le signe de la monarchie, il symbolise bien plutôt les féodalités militaires, comme le Patriciat romain et l’Aristocratie britannique, par-delà leurs différences d’époque, de lieu et d’origine. Rompant avec l’ethnologie, l’analogie passionnelle assimile des nations qu’elle distingue. Pour elle, la race anglaise, c’est-à-dire normande, et la race romaine sont identiques. Leurs caractères et leurs histoires sont semblables, car elles sont coulées «dans le même moule analogique» [34].
Comme les nids de ces prédateurs, les châteaux des seigneurs sont construits dans des lieux escarpés, dans des cimes inaccessibles «pour assurer le refuge inviolable et l’impunité de leurs crimes.» Comment ne pas y voir la représentation de la hiérarchie sociale née de la bataille d’Hastings? Du haut de leurs manoirs, les lords s’abattent pour prélever leur butin sur les manants qu’ils ont autrefois asservis. Ils sont d’une race rapace pour les autres classes. Leur code, écrit avec l’épée, consacre les privilèges des vainqueurs sur les vaincus, de la race normande sur la race saxonne. Il assure l’exploitation des travailleurs par les oisifs. «La loi barbare, la loi anglaise n’a jamais fait que protéger ceux qui ont contre ceux qui n’ont pas.» L’avidité de l’Anglais ne s’arrête pas là. Sous couvert de libre échange, il lance ses navires à la conquête du globe. Ainsi, «dans son rôle de bourreau et de vampire des peuples» [35], se taille-t-il un empire universel plus vaste encore que celui de ses ancêtres : les Romains.
En quelques traits de plumes (d’Aigle), Toussenel vient d’« écrire sans le vouloir, en deux lignes, toute l’histoire de l’Aristocratie Romaine, […] et aussi l’histoire de l’Aristocratie Normande, depuis la bataille d’Hastings jusqu’à nos jours » [36]. L’hégémonie politique de la Grande-Bretagne ne dit pourtant pas la vérité de l’époque. Celle-ci est soumise à des maîtres plus discrets mais à la domination plus absolue. La Civilisation [37] est aux mains d’une ploutocratie, écrit Toussenel. Elle subit la dictature de l’argent représentée par les Juifs. C’est «un monde de juiverie, d’avarice et de turpitude» [38]. Cette noblesse de l’or remplace celle du fer, le coffre-fort l’emporte désormais sur le château fort. Le Vautour, son symbole, vole plus haut que l’Aigle. Il est en passe de serrer le monde dans ses griffes.

L’antisémitisme et la critique de la Civilisation [39]

16L’antisémitisme de Toussenel ne prend pas d’abord une forme raciale ou biologique qui attribuerait au peuple juif un type physique et moral. Même si, dans Les Juifs rois de l’époque, paru en 1845, il le présente parfois comme une «race», sa lecture ne s’appuie pas encore sur l’analogie passionnelle. Elle répond plutôt à la nécessité de fournir une nouvelle théorie à la lutte des classes et des races. Formalisée par les historiens libéraux sous la Restauration, ils l’abandonnent sous le régime de Louis-Philippe. Toussenel en modifie alors le schéma pour en perpétuer le combat. Le peuple serait asservi par de nouveaux envahisseurs, par une race étrangère qui s’est érigée en classe dominante [40]. Il serait colonisé par les Juifs, comme les Saxons l’ont été par les Normands et les Gaulois par les Francs. Il pense que «la révolution de juillet, c’est la victoire d’Hastings de la féodalité financière» [41]. Elle impose de nouveaux oppresseurs à la classe des travailleurs. Dans cet antisémitisme historiographique, leur conflit ne peut se dénouer que dans le sang.

17Le disciple de Fourier se réfère, peu d’années après, à la science des analogies pour donner une assise plus biologique à sa vindicte. Il assimile les Juifs aux «bêtes puantes», aux «buveurs de sang»: la fouine, la martre, l’hermine, le putois; ces « races infimes vivant de rapines et d’assassinats sans péril, se recélant communément dans quelque souterrain manoir et empoisonnant l’atmosphère d’odieuses senteurs». Ces races sont les emblèmes d’une classe: les usuriers, les parasites du négoce et les capitalistes de tous poils, ces prédateurs des faibles qu’ils exploitent jusqu’à plus soif. La fouine est sans pitié, écrit-il, elle égorge toutes ses victimes. «Ainsi le juif qui a soutiré la dernière goutte d’or des veines de sa victime.» [42] Le symbole du vautour va pourtant s’imposer dans son œuvre pour désigner cette nation.

18Pour la seule fois sans doute, il mêle la généalogie et l’analogie pour expliquer les motifs et les signes de cette soif de conquête que Toussenel lui attribue. Il trouve son origine dans la loi de Moïse. Doté du génie des analogies, le prophète a su lire dans le caractère du peuple juif sa vraie tendance. Il a perçu, affirme-t-il, le moyen par lequel sa race allait assujettir toutes les autres. Parmi les symboles qui s’offraient à lui, il choisit le Vautour, cette image de l’exploitation de la caste des usuriers. La «politique vultérienne» aurait donné pour mission à Israël d’asservir tous les peuples par l’argent: «l’institution de la féodalité financière [a] été l’idée fixe, l’unique et éternel dada de l’ambition de Moïse» [43].

19Et Toussenel de brosser un portrait hideux des Juifs qu’il compare physiquement au rapace. «Accoutrement dévasté, face ignoble, démarche crapuleuse…», il voit une «ressemblance étrange de portraiture […] entre la famille du Vautour et celle de Jacob, et qui se trahit surtout par la similitude de la coupe du nez». Le cou du Vautour, nu et tortueux, s’engageant au plus profond des entrailles de ses dépouilles, «est l’image des voies tortueuses et souterraines que pratique l’usurier pour ruiner sa victime et soutirer la dernière obole de l’escarcelle du pauvre travailleur». Ce cou privé de plumes évoque «la misère apparente dont l’usurier se farde» [44].

20Le Vautour ne combat pas comme l’Aigle, affirme l’analogiste. Il n’expose pas sa vie. Il se repaît des cadavres laissés sous le soleil cuisant des batailles. La Nature a voulu que «le Haut Baron du coffre-fort, vorace mais ennemi du péril, et qui ne s’enivre pas des vaines fumées de la gloire, mirât ses traits dans les traits du Vautour, goule immonde qui ne tue pas, mais fait curée de la tuerie d’autrui » [45]. Les Israélites ne travaillent pas, observe Toussenel. Ils prélèvent une rente sur le travail des autres: l’usure. Et lorsque les pays d’Europe s’entretuèrent sous la Révolution et sous l’Empire, ils prêtèrent les fonds considérables nécessaires à ces mêlées. Ils ont vaincu les belligérants en secret, sans combattre. «La féodalité industrielle naît de l’épuisement financier des États, comme la féodalité nobiliaire de l’asservissement de la race vaincue à la race conquérante.» Ils ont hypothéqué les budgets des principaux pays, fait main basse sur les emprunts nationaux, les banques et les réseaux de transport. Ils tiennent désormais l’opinion publique en exerçant leur pouvoir économique sur la presse. En un mot, «le juif règne et gouverne en France» [46], il a même conquis tous les États d’Europe. «Chaïlok est le Roi des Rois », il est «le maître absolu de la situation et l’arbitre souverain de la destinée des empires » [47].

21Pourtant, la violence de la conviction n’enlève pas à cet antisémitisme toutes ses équivoques. Il est traversé par deux ambiguïtés majeures, produites par la logique même de son discours.

22— Une ambiguïté sémantique. À la lecture de Toussenel, on ne sait plus trop qui fait partie du peuple juif et qui en est exclu. Ou plutôt, on sait bien qui ne lui appartient pas, tous les autres se trouvent comme refoulés dans cette entité abstraite, véritable universalité vide. Car sa définition est depuis le début traversée/travaillée par la lutte de classes. Le «peuple», c’est la classe productive. «Ce que j’appelle le peuple, c’est la masse des travailleurs, c’est tout ce qui vit du salaire de l’intelligence ou des bras; c’est la classe laborieuse, en un mot, pour bien la distinguer de la classe fainéante.» Le «Juif», au contraire, ne travaille pas et vit du labeur d’autrui. Sa définition est négative et polémique. Elle est réduite à l’ennemi. C’est l’oisif, le parasite: l’anti-peuple. Ce judaïsme ainsi entendu, c’est le mercantilisme, le capitalisme pur et simple. «J’appelle, comme le peuple, de ce nom méprisé de juif, tout trafiquant d’espèces, tout parasite improductif, vivant de la substance et du travail d’autrui. Juif, usurier, trafiquant sont pour moi synonymes.» [48]

23Cette imprécision est aussi motivée par l’épistémologie de son discours. Son extension sémantique est inhérente à sa construction symbolique. L’inscription naturaliste ne fixe pas la «race», ne la circonscrit pas. Bien au contraire, elle la fait se multiplier en la rattachant à d’autres, dans un vagabondage sans fin. Ces glissements sont immanents à l’ordre des analogies. Leur nature et leur fonction, c’est de proliférer, de tisser des liens dans le réel. Les peuples, pensés par elles, n’échappent pas à ces foisonnements, ils se lient entre eux sans arrêt. C’est ainsi que les Romains et les Anglais forment une seule et même race car ils possèdent les mêmes mœurs étiquetées par le même blason. De même, par leur passion des rapines et des richesses, les Genevois, les Hollandais, les Anglais sont-ils des vautours, c’est-à-dire des Hébreux, souligne Toussenel. «Le Juif, l’Anglais, le Hollandais, le Genevois, sont les quatre grandes tribus de ce prétendu peuple de Dieu, de ce peuple de proie qui vit de rapine et d’usure, accroupi sur le reste de l’espèce humaine à la façon des vautours.» [49] Alors que l’Anglais et le Juif ont des emblèmes différents, il les identifie en se prenant les pieds dans le tapis des analogies, «car le juif et l’Anglais sont le même peuple, peuple avide et cruel, et tous ont puisé dans le même livre [i.e. la Bible] leur inhumanité» [50]. Ceux qui défendent le libéralisme économique ou la mémoire du peuple juif sont même présentés comme lui appartenant. Bossuet est «un prophète juif égaré à la cour du Grand Roi » [51], écrit-il, alors que «Malthus procède directement de Moïse» [52].

24Tous juifs donc à ses yeux! Il ne voit plus que des ennemis. Emporté par la loi des analogies, il sort du sillon qu’il s’est tracé, délire en ce sens, et devient victime de cette pathologie née de la recherche des symboles qui fait sens de tout. Il divague sans pouvoir figer ces effigies du peuple qu’il déteste. «Chaïlok, Chaïlok, je te reconnais à ma haine» [53], s’écrie Toussenel. À sa haine à perdre haleine, et pas à son savoir qui l’égare! Paradoxalement, quelques pages avant cette éructation, il en avait fait l’éloge politique.

25— Une ambiguïté politique plus essentielle encore. Pour lui en effet, les Juifs, race faible et opprimée, se sont battus avec les armes dont ils disposaient. Ils ont décidé «d’imposer le joug à l’étranger pour ne pas le subir.» Ces moyens se sont révélés les meilleurs. Ils ont survécu au milieu d’une terrible hostilité, ce qui est le principal. «Je considère en outre que sous le règne de la force et de la concurrence vitale, il n’y a qu’une question pour un peuple qui est d’être ou de n’être pas. Et du moment qu’Israël est encore, qu’il reste malgré tant d’ennemis qu’il avait, j’en conclus que le moyen de défense dont il a usé était le bon.» Surtout, l’usure, instrument de lutte contre les étrangers, était prohibée par Moïse dans la communauté. Le crédit gratuit était en vigueur pour les frères. Toussenel y voit un «principe d’ordre et d’harmonie qui préside à l’évolution normale des sociétés humaines». Le refus de l’usure est «la pure essence de la loi de mutualité et de solidarité qui fait les hommes libres et frères» [54]. C’est pourquoi le peuple hébreu n’a jamais connu de division en classes noble et roturière. Il n’a jamais laissé se constituer d’aristocratie.
Il s’agit d’«étendre à l’Europe civilisée les bienfaits de la législation moïsiaque». On mesure la dialectique du propos: il faut se faire juif, se plier à leur loi organique pour se libérer de leur joug, car «aucune tyrannie ne peut tenir à côté du crédit gratuit». Le monde sortira du capitalisme par le judaïsme. «Et toute la politique à tirer de ses livres se résume en cette conclusion: que le crédit gratuit est la seule institution qui soit de force à protéger la liberté du travail contre le privilège de la fainéantise, à preuve que partout où il y usure il y a oppression. Et cette conclusion démontre que toutes les nations asservies qui aspirent à se débarrasser des lourds budgets qui les écrasent ne peuvent mieux faire jusqu’à nouvel ordre que de calquer leurs rêves utopiques sur le patron des institutions existantes d’Israël…, le peuple sage par excellence, le seul peuple d’aujourd’hui qui ne mette pas son bonheur à tirer sur ceux qui habitent de l’autre côté de l’eau et qui ne dépensent pas un centime pour payer sa gloire. » En somme, la classe exploitée s’affranchira en adoptant la norme en usage dans la classe exploitante. Le Christ est venu pour étendre et compléter la règle de Moïse en prescrivant à ses apôtres: «Allez et instruisez les peuples.» Il prescrivait l’enseignement gratuit, en conclut Toussenel. Or, le crédit et l’enseignement gratuits sont les piliers du programme socialiste. «Là est toute la loi, la loi qui doit racheter de leur oppression séculaire les peuples asservis, les petits et les faibles, la femme, l’enfant, tous les déshérités.» [55] L’avenir radieux du socialisme réside dans le passé des Hébreux qui en ont formulé les principes.
Ils l’ont aussi forgé en préparant, dans les faits, sa venue. À l’instar du Vautour, la féodalité financière a joué un rôle hygiénique remarquable. De même que le rapace, en dévorant les cadavres, détruit les foyers de miasmes et prévient les épidémies, «elle a absorbé la boutique et le débit au détail, foyers de pestilence et d’empoisonnement». Elle a détruit la concurrence anarchique, déloyale et dépréciative du salaire, en concentrant le commerce et l’industrie. Elle a victorieusement combattu la nuée de parasites et d’intermédiaires. Elle a multiplié les relations entre les peuples en favorisant l’essor des réseaux de communication. Ainsi a-t-elle préparé leur fusion et la réconciliation universelle: «Dieu veuille avoir son âme!» La race juive a préparé la sortie de la Civilisation dont elle est pourtant l’image. Son œuvre, encore mal jugée, aura servi « à précipiter la chute de l’ordre civilisé et à activer l’avènement de la phase supérieure, dite de Garantisme…» Période intermédiaire entre la Civilisation et l’Harmonie, avec le garantisme se retireront «de la scène le croque-mort immonde et le gouvernement de la guerre, de l’usure et des vieux dont il est l’emblème» [56]. Le capitalisme a semé les germes du socialisme. La féodalité a suscité, à son insu, le progrès vers la liberté selon une implacable dialectique. Tout est normal dans l’œuvre de Dieu et de la Nature, donc dans l’Histoire humaine qu’elle détermine. Des sociétés et des époques entières semblent, au premier regard, pathologiques et illégitimes. Mais ces désordres apparents n’échappent pas à l’ordre. Contemporain de Geoffroy Saint-Hilaire, Fourier a fondé la tératologie historique[57] : les monstruosités choquantes du passé obéissent à une nécessité dont la science rend compte. Tout vient à temps et à propos. Il faut avoir «la sagesse de prendre les institutions du passé pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire pour des maladies naturelles à l’enfance de l’humanité et analogues à la dentition et à la coqueluche qui rendent les marmots rageurs…» [58].
Science réfractaire à l’ordre savant et science militante en guerre contre la Civilisation de son temps, l’analogie passionnelle fonde bien une politique de la Nature. Toussenel y donne sa langue au chat, et à toutes les autres bêtes, pour concevoir une nouvelle science des races humaines, copies des races animales dont il débrouille les signes. Or, le déchiffreur du langage du monde relève lui aussi du déchiffrement. Si le réel est tramé de signes et de blasons, l’analogiste qui les interprète s’offre lui-même comme un symbole à interpréter. Il est d’abord un hiéro-glyphe: on le présente souvent comme l’archétype, l’emblème de l’antisémitisme. Adepte de la lutte des classes et des races, Toursenel veut dénoncer la féodalité financière, commandée par la race des Juifs qui opprime les travailleurs. Il ferait signe à l’antisémitisme français le plus haineux en lui donnant sens. Drumont voit dans Les Juifs, rois de l’époque un «chef d’œuvre de Toussenel» [59] et la Collaboration, elle-même, pense qu’il a énoncé «la plupart des idées qui se retrouvent dans le national-socialisme allemand et qui font la base de son corps de doctrine» [60]. Mais le hiéroglyphe fait homme est aussi bien un oxymore vivant. Il unit en sa personne des contradictions qui relativisent cette parenté trop évidente. Le théoricien des races n’identifie pas l’ethnie qu’il exècre. Il développe le thème, non du Juif errant, mais de la race errante dont il ne fixe jamais clairement la définition. Son antisémitisme est frappé de nomadisme car l’analogie est mobile par nature. Plus encore, il pense que l’humanité sortira du règne des Juifs par la loi des Juifs : le crédit gratuit. Le judaïsme, essence du capitalisme, fraie la voie du socialisme. Surtout, les chemins de l’analogie le font transiter par les races, animales avant d’être humaines, pour démontrer la prééminence du sexe roi, c’est-à-dire de la femme sur l’homme: elle a «été faite pour commander à celui-ci». Là est le but, dont la race n’est que le moyen: «Nous croyons à la supériorité de l’essence féminine, parce que cette supériorité nous frappe comme elle frappe les bêtes.» L’étude des sociétés animales prouve que les organisations sociales les plus harmonieuses, comme celles des fourmis et des abeilles, reposent sur la souveraineté des femelles. Leurs républiques enseignent la formule du Gerfaut: «Le bonheur des individus et le rang des espèces sont en raison directe de l’autorité féminine…» [61] L’avenir n’appartient donc pas à la race supérieure, mais au sexe supérieur. Toussenel ne fait pas la théorie naturelle du racisme, mais du sexisme, pris dans son vrai sens, c’est-à-dire du féminisme[62]. Car c’est la femme qui porte le destin de l’humanité: «toute question de progrès humanitaire [est] une question de femme» [63]. Elle est «la Rédemptrice du genre humain» qu’elle conduit vers la terre promise à l’Harmonie: «Le salut de la société gît exclusivement dans la restauration du droit divin de la femme, à laquelle il a été réservé de mettre fin au régime de l’imposture et d’écraser la tête du serpent.» [64] Le féminisme détruira tous les féodalismes. La femme gouvernera par l’Amour, cette loi du monde. Les hommes, dans les ténèbres, voient la vérité jaillir du soupirail. Leur monde «mâléfique», expirant, doit s’effacer devant ce nouveau monde, lumineux, des soupirants.

Notes

  • [1]
    «Feuilleton. Deux fléaux de la chasse: le banquier et l’Anglais», La Démocratie pacifique. Journal des intérêts des gouvernements et des peuples, t. III, n° 154, 1er déc. 1844. Désormais DP.
  • [2]
    L’esprit des bêtes. Le monde des oiseaux. Ornithologie passionnelle, t. I, Librairie phalanstérienne, 1853, p. 213. Désormais OP, I.
  • [3]
    Ibid., t. III, 1855, 3e partie, 3e éd., Dentu, Librairie des sciences sociales, 1872, p. 412. Désormais OP, III.
  • [4]
    Tristia. Histoire des misères et des fléaux de la chasse de France, Dentu, 1863, p. 181.
  • [5]
    Il a sans doute publié son premier article, plein de lyrisme, dans une revue de chasseurs. Voir Toussenel, «Équinoxe», Journal des chasseurs, sporting-magazine français. Revue littéraire, oct. 1840-sept. 1841, p. 227-233.
  • [6]
    L’esprit des bêtes…, t. II, 1855, 2e partie, 4e éd., revue et augmentée, Dentu, 1874, p. 576. Désormais OP, II.
  • [7]
    OP, II, p. 80.
  • [8]
    OP, I, p. 353.
  • [9]
    «Feuilleton. Question politique. Le tabac», DP, t. II, n° 91, 31 mars 1844.
  • [10]
    Charles Fourier, Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, ouvr. cité, note, «Les quatre mouvements sont sujets à deux dépendances», p. 150.
  • [11]
    Voir les commentaires d’un autre disciple de Fourier: Eugène Pelletan, «Toussenel. Le monde des oiseaux», Heures de travail, t. I, Pagnerre, 1854, p. 377-389.
  • [12]
    L’esprit des bêtes. Zoologie passionnelle. Mammifères de France, 2e éd. aug., Librairie phalanstérienne, 1853, p. 10. Désormais ZP.
  • [13]
    OP, III, p. 279 et 376; II, p. 569.
  • [14]
    OP, I, p. 189.
  • [15]
    Il faut préciser que si l’Analogie étudie le reflet de l’homme dans l’animal, l’Homologie s’attache, elle, aux rapports des animaux entre eux. Leur emblème peut être le même alors qu’ils appartiennent à des règnes symétriques.
  • [16]
    «Feuilleton. Toujours sous prétexte de Canards», DP, t. II, n° 60, 29 févr. 1844.
  • [17]
    «Feuilleton. D’une multitude d’absurdités civilisées et de la question du sel», DP, t. II, n° 30, 30 janv. 1844.
  • [18]
    OP, III, p. 205-206 et 154-155.
  • [19]
    ZP, p. 248.
  • [20]
    OP, III, p. 276 et p. 257.
  • [21]
    OP, II, p. 428.
  • [22]
    OP, III, p. 268.
  • [23]
    OP, III, p. 505 et p. 219.
  • [24]
    OP, III, p. 313.
  • [25]
    Travail et fainéantise. Programme démocratique, au bureau du Travail affranchi, 1849, p. 7.
  • [26]
    OP, II, p. 270.
  • [27]
    OP, III, p. 416.
  • [28]
    «Feuilleton. Sous prétexte de Canards», DP, t. II, n° 29, 29 janv. 1844.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    «Histoire politique et philosophique des abeilles», Le Travail affranchi. Journal des associations ouvrières, n° 1, 7 janv. 1849, p. 7.
  • [31]
    OP, I, p. 202.
  • [32]
    «Feuilleton, variétés littéraires, etc.», Le Travail affranchi, n° spécimen, [1849], p. 7.
  • [33]
    OP, I, p. 120, et III, p. 424.
  • [34]
    OP, III, p. 236, 402 et 261.
  • [35]
    OP, III, p. 418 et 214; I, p. 395.
  • [36]
    OP, III, p. 417.
  • [37]
    Fourier et ses disciples désignent par Civilisation la cinquième période de l’histoire humaine, après les sectes confuses, la sauvagerie, le patriarcat et la barbarie. Ces stades correspondent à l’enfance de l’humanité. Les sociétés y sont dites limbiques.
  • [38]
    OP, II, p. 5.
  • [39]
    Sur l’antisémitisme de Toussenel, voir Émile Lehouck, «Utopie et antisémitisme: le cas d’Alphonse Toussenel», 1848. Les utopismes sociaux. Utopie et action à la veille des journées de février, préf. Maurice Agulhon, SEDES, 1981, p. 151-160; Marc Crapez, L’antisémitisme de gauche au xixe siècle, Berg international, 2002, et Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme, t. 2, L’âge de la science, Le Seuil, coll. «Points Histoire», 1991.
  • [40]
    Toussenel rappelle que sa brochure de 1849, Travail ou Fainéantise, aurait dû s’appeler Français ou Juif, pour bien marquer cette idée. Elle «a changé de nom en nourrice» («Courrier de la semaine», Le Travail affranchi, n° 18, 4 mars 1849, p. 7).
  • [41]
    Les Juifs rois de l’époque. Histoire de la féodalité financière, 3e éd., précédée d’une préface, d’une notice biographique sur l’auteur, et accompagnée de notes hors texte, par l’éditeur Gabriel de Gonet, t. I, C. Marpon et É. Flammarion, 1886, p. 120-121.
  • [42]
    ZP, p. 297 et 300.
  • [43]
    OP, III, p. 279 et 274.
  • [44]
    Ibid., p. 220, 279 et 222.
  • [45]
    OP, III, p. 218.
  • [46]
    Les Juifs rois de l’époque, t. I, p. 110 et p. 7.
  • [47]
    OP, III, p. 241 et 245.
  • [48]
    Les Juifs rois de l’époque, t. II, p. 97, et t. I, Intr. de l’auteur, p. xxv.
  • [49]
    Travail et fainéantise, p. 14.
  • [50]
    «Feuilleton. Le Jardin des plantes», DP, t. VI, n° 129, 10 mai 1846.
  • [51]
    OP, III, p. 298.
  • [52]
    Travail et fainéantise, p. 15.
  • [53]
    OP, III, p. 318.
  • [54]
    Ibid., p. 310-311.
  • [55]
    Ibid., p. 312-313 et 316-317.
  • [56]
    Ibid., p. 325-327.
  • [57]
    Voir Jules Duval, «Lettre à M. Michelet sur la Théorie Sociétaire. V. L’histoire et l’écart absolu», DP, t. VI, n° 83, mardi 24 mars 1846.
  • [58]
    OP, III, p. 481.
  • [59]
    Édouard Drumont, La France juive. Essai d’histoire contemporaine, t. I, 43e éd., C. Marpon et É. Flammarion, [1886], p. 344 et suiv.
  • [60]
    Louis Thomas, Les précurseurs. Alphonse Toussenel. Socialiste national antisémite (1803-1885), 5e éd., Mercure de France, 1941, p. 11.
  • [61]
    OP, I, p. 38-39.
  • [62]
    Voir Ceri Crossley, «Toussenel et la femme», Cahiers Charles Fourier, n° 1, 1990, p. 51-65.
  • [63]
    «Feuilleton. Le Jardin des Plantes», DP, t. II, n° 131, 10 mai 1844.
  • [64]
    OP, I, p. 132 et 131.
Français

Résumé

Par un coup d’État victorieux, Alphonse Toussenel révolutionne la science des races du xixe siècle. Il la soumet aux règles de l’analogie passionnelle révélées par son maître Charles Fourier. Norme et arme, sa théorie déchiffre le secret des sociétés en dévoilant les emblèmes qui, dans le règne animal, en disent la vérité. Elle défriche un nouveau territoire scientifique. Son socialisme naturaliste fonde une science de l’histoire et de la politique dénonçant les classes possédantes et les races dominantes. Elle déchire enfin les plans du capitalisme. Celui-ci est aux mains d’une féodalité financière dirigée par la «race juive». Le vautour, son blason, tient le monde entier dans ses griffes. Cet antisémitisme ne manque pourtant pas d’équivoques. C’est en imitant la loi en vigueur chez les Hébreux: l’interdiction de l’usure, que l’humanité entrera en Harmonie.

English

Abstract

By a victorious coup d’état, Alphonse Toussenel revolutionizes the science of races of the xixe century. He subjects it to the rules of the passion analogy revealed by his teacher Charles Fourier. Norm and arm, his theory deciphers the secrecy of societies by revealing emblems which, in the animal kingdom, say the truth of it. He clears a new scientific territory. His naturalistic socialism founds a science of history and a policy denouncing the having classes and the dominant races. He tears finally the plans of capitalism. This one is with the hands of a financial feudality directed by the “Jewish race”. The vulture, its blazon, holds the whole world in its claws. This antisemitism however does not miss ambiguities. It is by imitating the law in force among Hebrews: the prohibition of wear, that humanity will enter in Harmony.

Loïc Rignol
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/rom.130.0039
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