CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1De la Terre à la Lune et Autour de la Lune ont paru dans le Journal des débats politiques et littéraires en 1865 et 1869 et n’ont pas été publiés par Jules Verne sous la forme où nous les lisons aujourd’hui. La réunion des deux textes en un seul volume [1] réduit cette solution de continuité qui matérialise pourtant la disparition du boulet envoyé vers la Lune à la fin du premier roman et réserve au récit les bénéfices du suspens. Mais la publication en feuilleton les lui assure de toute façon et quatre ans font une interruption bien longue. La décision d’écrire Autour de la Lune est pourtant préméditée, de plus loin que le serait celle de publier une « suite» à moindres frais au lendemain de la republication, en volume, du premier roman: le manuscrit a été « relu par un mathématicien de confiance» [2] et Verne a alors d’autres ressources et des livres importants en projet [3]. Il entend plutôt actualiser, à la veille du rétablissement de la République en France, le sens politique d’un récit qu’il a commencé au lendemain de la refondation de la République américaine, et qu’il a suspendu le temps qu’a duré la Seconde République [4]. Voilà un seul roman publié en deux fois: Autour de la Lune s’ouvre sur un «chapitre préliminaire qui résume la première partie de cet ouvrage pour servir de préface à la seconde». On en jugera ici le texte cohérent, malgré quelques contradictions internes [5] et des erreurs dans la chronologie du voyage, que corrige le «chapitre préliminaire» d’Autour de la Lune[6].

2Le savoir ne s’inscrit pourtant pas dans le texte conformément au cahier des charges des Voyages extraordinaires. Un chapitre entier transcrit des équations mathématiques de calcul de trajectoires, dont la présentation matérielle et le commentaire affichent la radicale étrangeté au texte (AL, IV). Le procédé n’a rien d’exceptionnel puisque chez Verne la parodie menace toujours – la taxinomie des poissons fait l’objet d’un traitement analogue dans Vingt mille lieues sous les mers – mais ces mathématiques constituent, avec la cartographie lunaire, l’un des deux domaines dont le texte entend s’emparer. Par ailleurs, et contrairement aux autres romans de la série, les notes de bas de page, fréquentes ici, ne sont pas réservées à la conversion des unités de mesure anglo-saxonnes, ni même à l’élucidation du sens des mots de la couleur locale [7]: elles témoignent de la même difficulté structurelle dans l’intégration du savoir au discours des personnages, voire du narrateur [8]. Enfin, c’est Michel Ardan, pourtant institué en double du lecteur par sa qualité de Français et la préférence qu’il accorde aux comparaisons des almanachs populaires sur les calculs abscons des savants (AL, 292), qui assume dans le premier roman l’essentiel de l’énonciation du discours scientifique: c’est lui qui disserte de la faisabilité de l’entreprise et de l’habitabilité de la Lune [9], alors même que «de sa vie, [il] n’[a] pu faire une addition juste». Il ruine en ces termes le projet scientifique de Verne: «– Ah! quelles centaines de volumes on pourrait faire avec tout ce qu’on ne sait pas!» (AL, 279 et 299) [10]
L’essentiel paraît donc ailleurs et nous ferons l’hypothèse que le voyage dans la Lune, qui recommence la guerre de Sécession américaine, prend son calendrier à l’histoire de la Seconde République et manque de se terminer sur la proclamation de la république sélénite, est une allégorie du projet républicain.

Le «Washington de la science»

3La fin de la guerre de Sécession fait constater aux membres du Gun-Club que «l’avenir de l’artillerie est perdu en Amérique» (TL, 51). Son président veut leur permettre de repartir «sur la route du progrès» et de «[se] remett[re] les armes à la main», fût-ce «dans un autre ordre d’idées» – la guerre, la vraie, étant «impossible dans les circonstances actuelles» (TL, 58). L’aventure lunaire est bien une «guerre» – le mot apparaît à toutes les pages du texte – qui recommence la guerre de Sécession «dans un autre ordre d’idées» mais par les mêmes techniques: c’est à l’artillerie qu’est dévolu le rôle déterminant et c’est grâce au chemin de fer, aux bateaux à vapeur et à la télégraphie électrique que les moyens intellectuels, matériels et humains de l’entreprise sont mobilisés [11]. L’emploi de ces mêmes ressources signale la guerre de Sécession comme la première guerre industrielle, ainsi que le raconte Jules Verne dans Nord contre Sud[12].

4C’est une guerre contre les adversaires de l’entreprise, «astronomes de salon», «trembleurs» ou «ignorants» qui ont fait sécession intellectuelle (TL, 84-86). C’est une guerre de Barbicane contre Nicholl, son rival en matière de balistique – tous deux sont des Nordistes mais l’un fait des canons et l’autre des blindages. Leur conflit personnel reprend à cette occasion [13] et institue une sécession au sein même des Nordistes, qui se répète, au sein des États du Sud, entre le Texas et la Floride, dans la compétition pour le choix de l’État de lancement [14]. La communauté nationale et internationale se convertit bientôt à l’entreprise: fin de la sécession des opinions; Barbicane et Nicholl s’associent: fin de la sécession des savants; la Floride est choisie: fin de la sécession des États. Commence alors une guerre contre le temps – le temps nécessaire au repérage du site choisi, à l’installation du chantier, à la fabrication du boulet, à la fonte du canon, à son refroidissement, à son chargement [15] ; à l’arrivée dans la Lune et au retour sur Terre avant l’extinction des réserves d’oxygène; au sauvetage, enfin, des astronautes tombés dans le Pacifique [16].

5Dans Nord contre Sud, Jules Verne explique que les Américains qui ont «à jamais assur[é] l’indivisibilité de la République des États-Unis» dans la guerre de Sécession ont pour «ancêtres» ceux-là mêmes qui ont «affranchi leur pays dans la guerre de l’indépendance». La guerre de Sécession a refondé la communauté nationale: l’union entre tous les éléments de la république est devenue plus étroite [17]. Le voyage vers la Lune doit donc être la troisième fondation de la République fédérale américaine: Barbicane est le «Washington de la science» (TL, 66).

6La guerre de la Lune recommence d’abord la colonisation de l’Amérique. La conquête de la Floride sur les Séminoles (1835-1842) est convoquée par la mention des «réactions hostiles» des «sauvages» à l’arrivée de l’équipe de Barbicane sur le site de lancement (TL, 137). Pendant les travaux, Barbicane ne descend pas par hasard à l’hôtel Franklin de Tampa-Town (TL, 133): Franklin a obtenu de Louis XVI l’intervention française menée par Lafayette – Ardan lui est comparé [18] – et a participé à la rédaction de la Déclaration d’indépendance et de la Constitution fédérale. Ce site est le lieu d’une «véritable émigration», d’ouvriers puis de curieux [19]; une ville champignon y pousse, dont la population décuple en un an. «L’Europe émigrait en Amérique» [20]. Conquérir la Lune, c’est moins conquérir un «Nouveau Monde» [21] que reconquérir le Nouveau Monde.

7L’entreprise est exigée par la fin de la guerre de Sécession: il faut trouver de quoi «se remettre les armes à la main». À l’inverse, elle n’est rendue possible que par l’abolition du clivage Nord /Sud, qu’elle réalise concrètement. L’initiative est d’un Nordiste: Barbicane est «le Nordiste», «l’implacable ennemi des gentlemen du Sud» [22]. Elle est mise en œuvre par un club d’un État du Sud (le Maryland) mais qui n’a pas fait Sécession. Le boulet ne peut être lancé que depuis un État du Sud – le Texas ou la Floride sécessionnistes – pour des raisons techniques de latitude [23]; mais c’est à New York qu’il est fabriqué, ainsi que le matériel nécessaire à la fonte du canon [24]. Le combustible – le fulmi-coton [25] – est la métonymie du Sud tout entier, dont les planteurs ont été vaincus dans la guerre de Sécession [26]. Le travail préliminaire (fonte du canon et mise en place du boulet) doit tout à l’abolition de l’esclavage, qu’en même temps il effectue:

Aux mauvais jours de l’esclavage, il [Barbicane] eût perdu son temps et ses peines. Mais depuis que l’Amérique, la terre de la liberté, ne comptait plus que des hommes libres en son sein, ceux-ci accouraient partout où les appelait une main d’œuvre largement rétribuée. […] On est autorisé à croire qu’il enrôla dans sa laborieuse légion l’élite des mécaniciens […], noirs ou blancs, sans distinction de couleur. [27]

La république universellement américaine

8Cette refondation de la République fédérale se fait dans la perspective de son expansion: il faut joindre le nom de la Lune «à ceux de trente-six États qui forment ce grand pays de l’Union» [28]. L’agrandissement de la République fédérale américaine, qui vient de reconquérir le Sud et s’engage dans la conquête de l’Ouest, aux dimensions du système solaire passe par la fondation d’une République universelle qui associe l’ensemble de la communauté internationale. Tous les pays du monde sont appelés à financer l’entreprise et tous – sauf l’Angleterre, ce qui prouve la continuité de la guerre d’indépendance et de l’aventure lunaire – répondent à l’appel lancé «à tous les hommes de bonne volonté sur la Terre», dans un document de souscription «traduit en toutes langues» et transmis «urbi et orbi» [29]. Le projet est «d’un intérêt universel» [30] car c’est «le droit et le devoir de toute la Terre d’intervenir dans les affaires de son satellite» [31]: la Lune est une chose publique. Le voyage dans la Lune est l’allégorie du projet républicain: «expérience, dit Barbicane, digne du xixe siècle» (TL, 58). La ville qui naît sur le chantier est ainsi décrite:

9

Tous les peuples de la terre y avaient des représentants; tous les dialectes du monde s’y parlaient à la fois. On eût dit la confusion des langues, comme aux temps bibliques de la tour de Babel. Là, les diverses classes de la société américaine se confondaient dans une égalité absolue. Banquiers, cultivateurs, marins, commissionnaires, courtiers, planteurs de coton, négociants, bateliers, magistrats, s’y coudoyaient avec un sans-gêne primitif. Les créoles de la Louisiane fraternisaient avec les fermiers de l’Indiana; les gentlemen du Kentucky et du Tennessee, les Virginiens élégants et hautains donnaient la réplique aux trappeurs à demi sauvages des Lacs et aux marchands de bœufs de Cincinnati. (TL, 226)

10Liberté dans l’usage des langues; «égalité» des conditions sociales; «fraterni[té]» du Nord (ici représenté par l’Indiana, le Kentucky, le Tennessee) et du Sud (Louisiane, Virginie).

11Ces « représentants» des «peuples de la terre» sont cependant tous américains. La fondation de la République universelle est instrumentalisée à l’expansion de la fédération américaine et de ses intérêts économiques: «Le président Barbicane prit […] le parti, bien que l’entreprise fût américaine, d’en faire une affaire d’un intérêt universel […]» (TL, 125).

12Elle joue comme le vecteur d’un impérialisme américain oublieux de la culture du «Vieux Monde» (TL, 53): le secrétaire perpétuel du club déclare qu’«il n’exist[e] rien de plus beau» que les 1200 fours à fonte alignés sur le chantier, «même en Grèce», et précise dans le même mouvement – qui n’a rien d’un aveu – qu’il n’y est «d’ailleurs» jamais allé (TL, 146) [32]. «On se bat toujours en Europe pour soutenir le principe des nationalités», avance-t-on pour chercher là une compensation possible à la fin de la guerre de Sécession; mais il serait impensable de «faire de la balistique au profit des étrangers» (TL, 52). L’éventualité d’une déclaration de guerre au Mexique, pourtant compté parmi «les empires qui se fondent», est évoquée en raison de la nécessité de trouver un site propice au lancement à la hauteur du vingt-huitième parallèle, non aux fins d’y réduire les ambitions de Napoléon III qui y combat les républicains (TL, 119 et 129). Cela n’empêche pas que le républicanisme des Américains leur interdit d’appeler le Mississipi «le roi des fleuves» (TL, 215).
Il s’avère en outre que cette entreprise est économiquement rentable. L’enjeu du voyage ne paraît pas d’abord être là: «Il s’agissait […] de sommes à donner, non à prêter. L’opération était purement désintéressée […], et n’offrait aucune chance de bénéfice» (TL, 125). Mais la vente des guides de Floride est en proie à la «fureur» (TL, 132). Le produit des visites touristiques du chantier – le calcul n’est pas fait, mais on peut le faire – représente près de 10 % de la somme investie dans les travaux. Un «dividende d’intérêt» multiplie – on ignore dans quelles proportions – les chiffres de vente des journaux (TL, 156-158). Le prix de vente du récit de voyage à ces mêmes journaux est déclaré «excessif» (AL, 436). Surtout, la création finale de la Société nationale des Communications interstellaires se fait avec un capital vingt fois plus élevé que le capital investi au départ; là encore, le lecteur fait le calcul qui manque (AL, 439). Barbicane pronostique à plusieurs reprises que «les millions ne manqueront pas» [33] à la préparation du voyage: ils ne manquent pas non plus à son bilan.

Le «boulet de quarante-huit»

13Le calendrier du voyage n’a pas de secret pour le lecteur français de 1865-1869. L’observatoire de Cambridge, à qui Barbicane commande les calculs nécessaires à l’opération, établit que «le 4 décembre de l’année prochaine», la Lune se présentera dans des conditions idéales. «Ces conditions ne se présentent que tous les dix-huit ans» (TL, 71-73). «L’année prochaine» est l’année 1866: le texte est paru en 1865, le narrateur met la fin de la guerre de Sécession, effectivement terminée en 1865, à l’origine du récit et il évoque une Italie qui «n’avait pas la Vénétie», annexée en 1866 (TL, 129). La précédente fenêtre de lancement s’ouvrait donc dix-huit ans auparavant: en décembre 1848. Verne fait tous les calculs – et notamment celui de la date de la prochaine fenêtre – mais pas celui-là.

14Le projectile aurait pu être lancé l’année de la révolution républicaine en France, au moment même où fut élu le président de la Seconde République. On déclare qu’on ne donnerait pas sa place dans l’aventure «pour un empire» et on s’amuse d’avoir craint de s’ennuyer « royalement» pendant le voyage [34]. Nicholl ronfle «comme un boulet de quarante-huit» et Barbicane habite Republican-street [35]. Il qualifie la Bastille, par inversion des qualités de Charenton, d’«endroit où les fous enfermaient les sages», et le narrateur le dit «descendant de ces Têtes-Rondes si funestes aux Stuarts», c’est-à-dire partisan du parlementarisme [36]. Mais c’est Michel Ardan, « “Français ”, et, qui pis est, “Parisien ”» (AL, 228), qui incarne l’idéal républicain: «Parisien» est pire que «Français», car ce sont les Parisiens qui imposent la révolution – et la république – aux Français. Ardan – Jules Verne l’a fait savoir [37] – est l’anagramme de Nadar. Nadar a construit plusieurs dirigeables pour promouvoir la photographie aérienne – Verne a soutenu sa Société d’encouragement pour la locomotion aérienne[38], que rappelle la Société nationale des Communications interstellaires. Surtout, il est républicain. La lettre publique que Hugo lui écrit en 1864 fait de la locomotion aérienne le moteur de la République universelle:

15

Qu’est-ce que l’aéroscaphe dirigé? C’est la suppression immédiate, absolue, instantanée, universelle, partout à la fois, à jamais, de la frontière. […] C’est toute la borne abolie. C’est toute la séparation détruite. […] C’est toute la tyrannie sans raison d’être. C’est l’évanouissement des armées, des chocs, des guerres, des exploitations, des asservissements, des haines. C’est la colossale révolution pacifique. C’est brusquement, soudain, et comme par un coup d’aurore, l’ouverture de la vieille cage des siècles. C’est l’immense mise en liberté du genre humain. [39]
Les Français sont effectivement des gens qui «s’occupent beaucoup de la Lune», comme le dit Barbicane dans sa revue des «voyages imaginaires» [40].

«L’épouvante» du Deux Décembre

16C’est la nuit du 2 décembre que les astronautes rencontrent un astéroïde qui provoque chez eux l’«épouvante». Il s’avère qu’il les a déviés de leur trajectoire (AL, 327), et qu’à cause de lui les voyageurs errent dans «l’ombre “farouche ”, si chère à la plume de Victor Hugo» (AL, 360). Si «colossal» que l’adjectif «énorme» vient à trois reprises le qualifier, cet astéroïde a été découvert par le calcul d’«un astronome français, M. Petit» (AL, 259-260). Nom bien choisi. C’est celui de l’auteur d’une Dissertation sur la nature des comètes (1665), fort apprécié de Cassini pour ses mesures au compas; mais aussi celui, plus connu, d’un commandant de la vieille garde récompensé par «Napoléon le Petit» pour avoir organisé la société du Dix Décembre aux fins de soutenir la candidature de Louis Bonaparte à l’élection présidentielle [41].

17Le voyage comporte un point limite, un «point neutre» où les attractions de la Terre et de la Lune s’annulent mutuellement [42], dont le franchissement, redouté depuis le début du roman, ressemble au passage de l’Équateur (AL, 317). Ce point neutre où tout peut basculer est peut-être l’année 1852, dont Hugo écrit que «la politique de résistance au mouvement humain […] avait réussi à faire […] une sorte d’éventualité redoutable» [43]. D’autre part, la date de la dernière observation du boulet depuis la Terre – le 12 décembre selon le dernier chapitre du premier roman, le 11 selon la correction apportée au «chapitre préliminaire» du second – est proche de la date de l’élection de Louis Bonaparte à la Présidence de la République, le 10 décembre 1848. C’est bien le moment où le projet républicain a perdu toute visibilité: un long passage est, du reste, consacré à la cartographie lunaire, «grossière et grosse d’erreurs», le plus souvent vouée à la disparition ou à l’inachèvement (AL, 331-333).

18C’est la nuit du 4 décembre que les astronautes aperçoivent le cadavre d’un des deux chiens qu’ils ont emmenés. Mortellement blessé par le «contrecoup» du décollage, il a été jeté hors du boulet. Ce cadavre les suit: «Savez-vous, mes amis, disait Michel Ardan, que si l’un de nous eût succombé au contrecoup du départ, nous aurions été fort gênés pour l’enterrer […]. Voyez-vous ce cadavre accusateur qui nous aurait suivis dans l’espace comme un remords!» (AL, 305) C’eût été, littéralement, un «Souvenir de la nuit du 4». La valeur symbolique de cette chronologie – le second roman est paru, à partir de novembre 1869, à un moment où le gouvernement, qui a perdu les élections législatives de mai, entrevoit la fin du régime – est soulignée par le narrateur lui-même, qui fait comprendre que le sens d’un texte dépend des circonstances de son énonciation: il raconte qu’après l’annonce du projet par Barbicane et sous la pression du public, le théâtre local déprogramme Beaucoup de bruit pour rien, au profit de Comme il vous plaira (TL, 67).

«Pas de président nommé par la nation!»

19Enfin, les trois astronautes décident d’instituer la République à l’intérieur même du boulet, dans l’hypothèse où ils ne pourraient constituer les habitants de la Lune en République faute d’habitants sur la Lune. «À nous l’empire de la Lune !», crie Nicholl. Mais Ardan, qui chante la Marseillaise, proclame la république et Barbicane Président. L’intéressé réplique aussitôt: «Pas de président nommé par la nation!» (AL, 310) ; or c’est bien l’élection du Président de la République au suffrage universel direct qui a donné à Louis Bonaparte le poids de légitimité populaire nécessaire à la réussite du coup d’État.

20Barbicane et Louis Bonaparte sont des hommes de grands discours (celui de Bordeaux a fait son «effet»), qui promettent la Lune et ne tiennent pas leur promesse. Louis Bonaparte a ainsi juré fidélité à la république. Il est aussi capitaine d’artillerie, a publié sur le sujet «un Traité assez estimé», connaît si «à fond la manœuvre du canon» qu’on l’a surnommé «le président Obus» [44]. Du reste, le chantier de Barbicane est comparable aux chantiers haussmanniens de Paris – ou à la campagne de répression de la résistance au coup d’État – quant au nombre des accidents du travail. Là encore, il faut faire le calcul que le narrateur ne fait pas, puisqu’il fait tous les autres: s’il y a en France «environ un accident sur deux cent mille francs de travaux», la construction du canon, qui a coûté 5,5 millions de dollars, a dû provoquer environ 1500 accidents, ce qui laisse penser qu’en effet «plusieurs ouvriers […] payèrent de leur vie les imprudences inhérentes à ce genre de travaux» (TL, 143-145). «Quel est le total des morts?», demande Hugo en conclusion à son récit de la journée du 4 [45].

21Dans le premier roman, la République du «Washington de la science» est donnée à tous – tous les États américains, toutes les classes sociales, Blancs et Noirs – par un seul. Le Président Barbicane est « l’âme de ce monde accouru à sa voix»: «il l’animait, il lui communiquait son souffle, son enthousiasme, sa conviction» (TL, 140). Dans le second roman, la République naît au contraire d’un dialogue contradictoire entre des locuteurs différents mais semblables. Différents parce que «les bosses de l’acquisivité, ce besoin de posséder et d’acquérir, manqu[ent] absolument» (TL, 165) à Ardan: c’est un «artiste» (TL, 208). «L’esprit positif» de Barbicane est au contraire «peu sensible aux beautés de l’art» (TL, 204). C’est donc un «contraste frappant» qui associe Ardan à Barbicane (TL, 167): «À eux trois ils emportent dans l’espace toutes les ressources de l’art, de la science et de l’industrie. Avec cela on fait ce qu’on veut […]» (TL, 238). Avec cela, on fait ce que l’on veut, mais on ne fait la république que parce que tous sont rendus semblables par leur association dans un projet commun. C’est Ardan qui déclare: «Je suis le semblable de Barbicane, et Barbicane est le semblable de Nicholl.»

Promettre la Lune: «Chose dite, chose faite»

22Ce roman qui anticipe le rétablissement de la République en 1870 est aussi un roman sur l’anticipation. La connaissance du passé de la Lune intéresse les astronautes en tant qu’elle permet d’anticiper l’avenir de la Terre: ses habitants, plus anciens que ceux de la Terre, «ont inventé tout ce que nous avons inventé déjà, et même ce que nous inventerons dans la suite des siècles» (AL, 286) [46]. L’objet du texte est donc l’anticipation elle-même, qui prend ici trois formes: l’artillerie, le discours et la fiction.

23L’aventure est une tentative pour retrouver «l’avenir perdu» de l’artillerie – la Lune est «l’avenir perdu» de la Terre, la République «l’avenir perdu» de la communauté politique. Le roman débute donc par la description des progrès de l’artillerie depuis trois siècles et du «bon temps» où un seul boulet traversait trente-six chevaux et soixante-huit hommes (TL, 49). Aujourd’hui les projectiles sont encore plus meurtriers ; mais le secrétaire perpétuel du club explique: «Loin de moi la pensée de prétendre que la balistique n’ait pas progressé, mais il est bon de savoir que, dès le Moyen Âge, on obtenait des résultats surprenants, j’oserai ajouter, plus surprenants que les nôtres» (TL, 92-93). Le résultat était «surprenant», c’est-à-dire disproportionné par rapport aux moyens disponibles. Le «bon temps» de l’artillerie est donc le temps où elle anticipait les résultats de son régime moderne. L’aventure lunaire la rend à son origine, à ses capacités d’anticipation, c’est-à-dire à elle-même en tant qu’art de l’anticipation: étant donné le temps qu’un boulet met à atteindre son but et l’espace parcouru par sa cible pendant son trajet, il faut tirer le boulet avant que la cible ait atteint le point visé et en avant du but. Ainsi parle l’observatoire de Cambridge (TL, 71 et 230). D’où une définition, interne au roman d’anticipation lui-même, de l’anticipation, non comme pure fantaisie mais comme extrapolation par le calcul.

24Les effets escomptés de la conquête de la Lune sont pourtant obtenus avant que le boulet ne soit lancé et en dépit de l’échec de la tentative. Cet échec n’est du reste révélé que par le second roman, ce qui signifie spectaculairement que l’anticipation n’est pas là où le lecteur l’a crue. Il s’agit d’une anticipation au second degré, voire même au troisième puisque le voyage réel dans la Lune est anticipé par le roman; que, dans le roman lui-même, la préparation du voyage anticipe les effets du voyage; et que la seule annonce du projet anticipe les effets mêmes de sa mise en œuvre.

25L’annonce de Barbicane est pertinemment comparée à un «coup de canon» (TL, 114), car elle anticipe tous les effets que le lancement du boulet doit obtenir. Barbicane promet la Lune, c’est-à-dire «quelque chose qu’on sait ne pas pouvoir donner» [47]. Qui promet la Lune compte davantage sur les effets immédiats de sa promesse que sur les effets ultérieurs de la parole tenue… L’«effet de la communication Barbicane» se produit au deuxième chapitre d’un texte qui s’ouvre sur un constat de mise en panne de l’Histoire, quinze chapitres avant la fin du premier roman, cinquante-deux chapitres avant la fin du second. Cette communication productrice d’Histoire et de roman a un effet immédiat que ses conséquences matérielles ultérieures ne dépasseront pas. Les actes se bornent ici à tenter de rattraper la parole politique, à laquelle le roman reconnaît un pouvoir d’anticipation bien plus grand. La «communication Barbicane» transforme son auditoire en une Babel qui anticipe celle qui s’érige sur le site de lancement: «Irlandais, Allemands, Français, Écossais, tous ces individus hétérogènes dont se compose la population du Maryland, criaient dans leur langue maternelle […]» (TL, 64). Elle anticipe également l’abolition des inégalités sociales observée sur le chantier : «[…] l’enthousiasme […] se maintenait à dose égale dans toutes les classes de la population; le magistrat, le savant, le négociant, le marchand, le portefaix, les hommes intelligents aussi bien que les gens “verts ” se sentaient remués dans leur fibre la plus délicate» (TL, 64). Elle anticipe enfin la refondation de la République fédérale:

26

[…] du Texas au Massachusetts, du Michigan aux Florides, toutes [les villes] prenaient part à ce délire. […] À mesure que les paroles s’échappaient des lèvres de l’orateur, elles couraient sur les fils télégraphiques, à travers les États de l’Union […]. Au même instant, les États-Unis d’Amérique […] poussèrent un seul hurrah, et […] vingt-cinq millions de cœurs […] battirent de la même pulsation (TL, 65) [48].

27La description du banquet donné en l’honneur du retour des astronautes, à la dernière page du second roman, consiste en la simple réécriture de ce passage: «[…] les États-Unis d’Amérique, attablés à un unique et immense banquet, les saluaient simultanément des mêmes hurras!». Si le narrateur peut faire remarquer qu’il semblait que la Lune «fît déjà partie du territoire de l’Union» (TL, 64), c’est qu’une promesse est une parole performative: «Entre le projet Barbicane et sa réalisation, pas un véritable Yankee ne se fût permis d’entrevoir l’apparence d’une difficulté. Chose dite, chose faite» (TL, 63). La seule énonciation obtient un effet que la réalisation de l’énoncé, si elle était possible, ne pourrait, au mieux, qu’égaler. Le travail républicain réalise à lui seul la République – c’est bien ce qui se passe lors de la conversation entre Barbicane, Nicholl et Ardan. Les romans qui anticipent le voyage dans la Lune vont inutilement jusqu’au bout, et leurs personnages dans la Lune; Barbicane se charge d’ailleurs de rappeler ce but classique de la fiction d’anticipation (TL, 60). La proclamation de la République dans le boulet est effective. «Nous habitons un monde nouveau», dit Ardan. «Au-delà de nous, en dehors de nous, l’humanité finit […]» (AL, 267).

28Le projectile est un «nouvel astre» (AL, 268), et il a été «créé de la main des hommes» (AL, 365). C’est une «lune de Lune» qui est à la Lune ce que la Lune elle-même est à la Terre: littéralement, une utopie (AL, 221). De là que les occupants du boulet sont représentatifs des trois facultés humaines – l’art, la science et l’industrie – et qu’ils ne s’inquiètent en rien de l’avenir: le narrateur feint de s’en étonner à quatre reprises [49] et déçoit le lecteur quant aux «questions graves» qu’annonce un titre de chapitre (AL, XVIII). Elles ne sont pas celles que l’on attend – que faut-il faire alors que les réserves s’épuisent? – mais portent sur l’habitabilité passée et présente de la Lune.
L’enthousiasme de cette conversation et son contenu – rien moins que la proclamation de la République – sont cependant imputables à une absorption massive d’oxygène: Ardan – ce ne peut être que lui – a laissé le robinet ouvert en grand. C’est l’argument d’un texte de Jules Verne publié, trois ans plus tard, au lendemain de la Commune, qu’il a fermement condamnée: Le Docteur Ox raconte comment le docteur Ox et son assistant Ygène font renaître une ville aux passions politiques par le même procédé. Comme dans Le Docteur Ox, l’épisode constitue ici une parenthèse: le chapitre est intitulé «Un moment d’ivresse», et, ce moment terminé, l’ivresse passée, les personnages reprennent «leurs facultés intellectuelles». De la Commune Verne écrit dans les mêmes termes: «Quant à la politique, cela finira. Il fallait que ce mouvement socialiste eût lieu. Eh bien, c’est fait […]» [50]. Il n’en reste pas moins que ce jour qui «devait être le dernier de leur voyage» (AL, 302) est bien le jour de leur arrivée dans la Lune car leur imagination la leur fait anticiper: «Leur imagination les promenait à travers ces contrées inconnues. Ils gravissaient des pics élevés. Ils descendaient au fond des larges cirques» (AL, 304). Ils ne graviront jamais autrement ces pics, ni ne descendront au fond de ces cirques. Mais, si dans le premier roman la communauté nationale et internationale aura connu les effets qu’aurait eus la conquête de la Lune dès l’annonce de son projet, dans le second, les personnages auront conquis la Lune par l’imagination. Tout comme le lecteur de 1869 qui n’ignore pas qu’à cette date personne n’est encore allé dans la Lune.

«Parce que ce n’est pas vrai»

29Barbicane se demande pour quoi «l’astre des nuits» – il reprend rarement à son compte cette périphrase littéraire largement employée par les autres personnages – a «une mystérieuse influence sur les maladies terrestres». «C’est peut-être parce que ce n’est pas vrai!», répond Ardan (TL, 199). La réponse vaut pour la littérature [51] et c’est bien à tort que le théâtre local avait programmé Beaucoup de bruit pour rien: ce «rien» cache tous les résultats de la fiction. Elle se dénonce comme telle par la mise en abyme de la situation du lecteur dans le déploiement de l’imagination des personnages. Rien n’est vrai: le lecteur d’un roman d’anticipation le sait mieux que tout autre. La comparaison, soigneusement documentée, du canon à un puits [52] condamnerait l’entreprise de Verne en même temps que celle de Barbicane – montrer à quelqu’un la lune dans un puits, c’est le duper – si précisément l’«influence» du roman ne tenait pas tout entière aux modalités de son mensonge. Rien n’est vrai mais puisque je le sais, et le sais d’autant mieux qu’on n’arrête pas de me le rappeler – «l’empire de la Lune» est le «pays imaginaire où l’on place les choses qui n’ont pas d’existence» [53] –, j’accepte la fiction comme ce pour quoi elle se donne: une «expérience». Telle est la vérité laissée au fond du puits. Le discours politique de propagande anticipe ce qui est logiquement attendu dans les faits et ment quand cette attente est déçue; la république universelle laisse place à l’américaine Société nationale des Communications interstellaires. Seule la fiction crée sans mentir ce que les faits refusent, parce qu’elle met son destinataire dans le secret de ce mensonge.

Notes

  • [1]
    De la Terre à la Lune (abrégé en TL) suivi de Autour de la Lune (AL), S. Vierne (éd.), Garnier-Flammarion, 1978.
  • [2]
    Lettre à Hetzel du 25 juillet 1869, Correspondance inédite entre Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), O. Dumas, P. Gondolo della Riva et V. Dehs (éd.), Genève, Slatkine, 1999, t. I, n° 85, p. 118. Cela n’empêche pas le train qui emmène les astronautes en tournée triomphale de rouler à «quatre-vingts lieues à l’heure» (AL, XXIII, p. 437).
  • [3]
    L’Île mystérieuse, projeté dès 1865, et Vingt-mille lieues sous les mers, publié en 1869.
  • [4]
    Notre lecteur comprendra que nous essayons de nous placer ici dans la continuité des travaux de J. Chesneaux, Une Lecture politique de Jules Verne, Maspéro, coll. «Textes à l’appui», 1971 et J. Delabroy, Jules Verne et l’imaginaire (thèse), Université Paris 3, 1980.
  • [5]
    Ainsi, la lunette de Galilée grossit sept fois dans De la Terre à la Lune (p. 212), trente fois dans Autour de la Lune (p. 331).
  • [6]
    Sans doute sur les conseils d’un lecteur attentif (S. Vierne, «Introduction», p. 23). La place nous manque ici pour statuer en détail sur ces corrections, qui ne changent rien au sens de cette chronologie.
  • [7]
    Voir TL, p. 47-48, 53, 64-65.
  • [8]
    TL, p. 59-60, 71, 75, 82, 109, 118, 147 et 212.
  • [9]
    Voir TL, XIX-XX. L’examen des questions du projectile, du canon et des poudres (VII-IX) est en revanche pris en charge par des spécialistes.
  • [10]
    À ce sujet, voir M. Foucault, «L’arrière-Fable», dans «Jules Verne», L’Arc, n° 29, 1966, p. 10-11.
  • [11]
    TL, XIV, p. 140 et XV, p. 147.
  • [12]
    Voir Nord contre Sud, Hachette, coll. «Le Livre de Poche», 1966, I, 3, p. 38.
  • [13]
    TL, X, p. 115 et XX.
  • [14]
    Ibid., XI.
  • [15]
    Ibid., XVI, p. 152 et XVIII, p. 163-164.
  • [16]
    AL, XV, p. 372 et XXII, p. 429.
  • [17]
    Nord contre Sud, p. 16 et 474.
  • [18]
    Voir TL, XXII, p. 202.
  • [19]
    Ibid., XIV, p. 140.
  • [20]
    Ibid., XVI, p. 154-155.
  • [21]
    Ibid., XXVI, p. 225 et AL, III, p. 267 et X, p. 330.
  • [22]
    TL, II, p. 57.
  • [23]
    Voir ibid., XI.
  • [24]
    Voir ibid., XII, p. 130.
  • [25]
    Voir ibid., IX, p. 108-110.
  • [26]
    Voir ibid., I, p. 51.
  • [27]
    Ibid. XIV, p. 139.
  • [28]
    Ibid., II, p. 59.
  • [29]
    Titre de TL, XII.
  • [30]
    Ibid., p. 125 et 229-230.
  • [31]
    Ibid., p. 125.
  • [32]
    Le texte évite toute référence à Prométhée, et rend cet évitement manifeste à force de multiplier les occasions de le mentionner: p. 149-150, 231 et 237.
  • [33]
    Voir TL, VII, p. 96 et VIII, p. 103. J. Chesneaux n’observe qu’à partir de 1879 (Les Cinq cents millions de la Begum) le thème de la dépendance de la science à l’égard de l’argent (ouvr. cité, p. 161-164).
  • [34]
    TL, XVI, p. 157 et AL, V, p. 286.
  • [35]
    Voir AL, XIX, p. 410 et TL, VII, p. 87.
  • [36]
    Voir TL, ibid., p. 93 et II, p. 57.
  • [37]
    Voir la correspondance entre Verne et Nadar dans le Bulletin de la société Jules Verne, n° 97.
  • [38]
    Voir J. Prinet et A. Dilasser, Nadar, Armand Colin, coll. «Kiosque», 1966, chap. VIII.
  • [39]
    Lettre des 12 décembre 1863-5 janvier 1864, Œuvres complètes de Victor Hugo, J. Massin (éd.), Club français du Livre, 1969, t. XII, p. 1249.
  • [40]
    TL, II, p. 60. «[…] de même que les Français payèrent jadis après avoir chanté, ils payèrent, cette fois, après avoir ri», dit le narrateur des calembours qui précédèrent en France la souscription au projet (ibid., XII, p. 127): faut-il lire ici une allusion à juin 1848 ou décembre 1851?
  • [41]
    Verne corrige ainsi en note cette erreur qu’il place dans la bouche de Barbicane: c’est le chimiste français Louis Ménard, et non l’Américain Maynard – Larousse du reste l’ignore – qui a inventé le fulmicoton (TL, IX, p. 110). Il se trouve que Ménard a également été emprisonné en 1849 pour ses écrits politiques et a publié en 1867 un Tableau historique des Beaux-Arts où, selon Larousse, il constate que l’art arrête de se développer «dans cette paix silencieuse et cet ordre mécanique que fait régner le despotisme» (Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, t. XI, 1874, p. 16).
  • [42]
    TL, IV, p. 69 et AL, VIII, p. 315-316 et IX, p. 324.
  • [43]
    Napoléon le Petit, S. Gaudon (éd.); Œuvres complètes, J. Seebacher et G. Rosa (éd.), Laffont, coll. «Bouquins», 1987, IV, 3, p. 82.
  • [44]
    Voir Hugo, Napoléon le Petit, éd. citée, I, 6, p. 14, et Châtiments, VI, 5.
  • [45]
    Napoléon le Petit, éd. citée, IV, 1, «Questions sinistres», p. 69.
  • [46]
    Voir aussi p. 400 et 402. Sur la garantie apportée à la maîtrise de l’avenir par celle du passé, voir P. Macherey, «Jules Verne ou le récit en défaut», Pour une théorie de la production littéraire, Maspéro, 1966, p. 233-235.
  • [47]
    Larousse, ouvr. cité, art. «Lune», t. X (1873), p. 784.
  • [48]
    Les paroles vont à la vitesse de l’électricité, bien supérieure à celle du boulet au sortir du canon.
  • [49]
    AL, IX, p. 324 et 325, X, p. 328 et XV, p. 369.
  • [50]
    Lettre à Hetzel du 22 avril 1871, Correspondance inédite, ouvr. cité, n° 122, p. 158.
  • [51]
    Sur les «machines à écrire» de Jules Verne, voir la préface de D. Compère au catalogue de
    l’exposition sur Les Machines de Jules Verne, Centre de documentation Jules Verne, Amiens, 1976, et son article dans «Machines et imaginaire», Revue des Lettres modernes, série «Jules Verne», n° 3, Minard, 1980
  • [52]
    TL, XIV, p. 141-142.
  • [53]
    Larousse, art. «Lune», loc. cit.
Français

Résumé

Avec Autour de la Lune, Jules Verne veut actualiser, à la veille du rétablissement de la République en France, le sens politique d’un récit qu’il a commencé dans De la Terre à la Lune et suspendu le temps qu’a duré la Seconde République. Nous faisons l’hypothèse que le voyage dans la Lune, qui recommence la guerre de Sécession, prend son calendrier aux années 1848-1852 et manque de se terminer sur la proclamation de la république sélénite, est l’allégorie d’un projet politique où s’associent expansionnisme américain et universalisme français. La vulgarisation technico-scientifique laisse ici place à la confrontation des mensonges respectifs de la propagande politique et de la fiction littéraire.

English

Abstract

On the eve of the re-establishment of the Republic in France, Jules Verne, in Autour de la Lune, seeks to render current the political meaning of a narrative he had started in De la Terre à la Lune and suspended during the period of the Second Republic. This essay assumes that the moon journey, which resumes during the War of Secession, spans the years 1848-1852, and which outlived the proclamation of the Selenite Republic, is an allegory of a political project associating American expansionism and French universalism. Here, techno-scientific vulgarization gives way to a confrontation of two sets of lies--political propaganda and literary fiction.

David Charles
(Université du Havre et Université Paris 7/Groupe Hugo)
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/rom.123.0095
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