CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 La participation au marché du travail rémunéré après la retraite – et donc la combinaison de revenus de retraite et de revenus d’activité –, ainsi que le constat qui s’ensuit d’un brouillage croissant des frontières entre la fin de la carrière, la prise de retraite et la sortie définitive du marché de l’emploi font partie des nouveaux rapports qui s’établissent progressivement entre le travail, le vieillissement et la retraite. L’étude des diverses formes de participation au travail rémunéré de travailleurs âgés, entre la fin de leur emploi de carrière [1] et leur retrait complet du marché du travail, est une des façons privilégiées de saisir ces nouveaux rapports. Les diverses formes de l’emploi « post-carrière » comprennent aussi bien le travail à temps partiel, le travail indépendant que l’emploi « transitionnel », bridge job – littéralement, « emploi-pont » entre l’emploi de carrière et le retrait définitif du marché du travail (Doeringer, 1990; Ruhm, 1990 ; Quinn, 1999; Schultz, 2003).

2L’emploi « post-carrière » est d’une grande actualité sur le continent nord-américain, et particulièrement aux États-Unis où il a connu un essor significatif à partir des années quatre-vingt, alors que le système public américain d’assurance contre les risques associés à la perte du revenu d’emploi, la Social Security, a décidé de repousser progressivement l’âge de la prise de retraite, dans un contexte de crise financière du système. Le travail au-delà de l’âge « normal » de la retraite, établi à 65 ans par la Social Security, a dès lors été envisagé comme une solution aux problèmes de financement des retraites. C’est également à partir de ces années-là que les chercheurs (Gustman, Steinmeier, 1991; Quinn, Burkhauser, Myers, 1990; Ruhm, 1990; Doeringer, 1990) se sont particulièrement intéressés à ce phénomène.

3La prise en compte de l’ancrage institutionnel de la pratique de l’emploi « post-carrière » et du bridge job en particulier permet déjà d’entrevoir qu’aux États-Unis, l’institution de la retraite n’a pas la même signification politique et idéologique qu’en France, par exemple. Elle n’y est pas associée à l’idée d’une « conquête ouvrière » dans le cadre de la « société salariale ». Les luttes sociales, le mouvement ouvrier, le travail même ne s’inscrivent pas, de toute évidence, dans la même configuration historique et symbolique qu’en France. Le terme de Social Security ne renvoie pas à la même idée que celle des régimes de retraite européens ou canadiens qui, eux, font référence à une « compensation » pour la contribution au bien-être de la nation que représente une vie de travail. Il s’agit plutôt d’une assurance sociale, financée par les employés et les employeurs, qui garantit aux travailleurs âgés un revenu de remplacement de base une fois qu’ils quittent le marché du travail, au même titre que cette assurance garantit un revenu minimal aux invalides, aux handicapés, aux enfants et aux conjoints mariés survivants en cas de décès du principal bénéficiaire.

4À l’échelle internationale, tous les systèmes de retraite sont en voie d’être redéfinis et appelés à devenir plus restrictifs (Myles, Pierson, 2001). Il nous paraît pertinent, dans ce contexte, de présenter une synthèse des connaissances américaines sur la question des emplois « post-carrière ». Cette synthèse porte sur un pays réputé pour insister sur la responsabilité individuelle en matière de protection sociale. Nous pourrons ainsi mieux comprendre comment, sur quelles prémisses et avec quelles conséquences, s’articulent certaines des voies de solution à la « crise » des systèmes de retraite, dans un contexte politique et culturel spécifique. Cet article présente dans un premier temps le cadre démographique et institutionnel dans lequel se développe l’emploi « post-carrière » aux États-Unis puis il dresse un bilan sommaire de l’état des connaissances produites par les principales études des quinze dernières années sur le sujet.

Note méthodologique

Il existe aux États-Unis une immense littérature sur les travailleurs âgés et sur la retraite, mais relativement peu d’études sur l’activité rémunérée après la retraite. En effet, l’intérêt pour les emplois de transition porte surtout sur ce qui se passe au cours des années précédant l’âge « normal » de la retraite, c’est-à-dire avant 65 ans (Weckerle, Schultz, 1999). Néanmoins, il existe un certain nombre d’études sur le sujet. Elles sont extrêmement diverses et il est par conséquent difficile d’en dresser un bilan exhaustif. Nous pouvons schématiquement établir une distinction entre quatre grandes catégories de travaux :
  • les travaux fondés sur des traitements particuliers des données statistiques du Census américain, du Current Population Survey, du Bureau of Labor Statistics (BLS), de la Social Security (telles que celles du Social Security New Beneficiary Survey sur lesquelles Choi (2000a, 2002) fonde ses travaux), du Assets and Health Dynamics Among Older Olds (AHEAD) sur lesquelles travaillent Haider et Loughran (2001);
  • les travaux menés à partir d’enquêtes longitudinales et de panels qui permettent en particulier de développer les analyses des transitions dans la perspective de la théorie du cycle de vie : le National Longitudinal Survey of Labour Market Experience (Parnes, Sommers 1994); le Retirement History Study (RHS). Il s’agit d’une enquête entreprise dans les années soixante-dix et menée auprès de plus de 11000 hommes et femmes de 58 à 63 ans, interrogés en 1969 et suivis jusqu’en 1979; le Health and Retirement Study sur lequel Quinn (1998) et Hill (2002) fondent leurs travaux, enquête entreprise auprès de 12 000 hommes et femmes âgés de 51 à 61 ans en 1992 et réinterrogés tous les deux ans; le Panel Study of Income Dynamics (Choi, 1994); le Stanford Terman Study (STD)
  • Elder, Pavalko, 1993);
  • les travaux faisant état de sondages d’opinion, tels que ceux du National Institute of Aging (1993) ou de l’American Association of Retired Persons (1998,2002), ou encore du Commonwealth Fund Productive Aging Survey de 1989 (Barth et al., 1995);
  • des enquêtes spécifiques, par exemple, celle de Han et Moen (1999), menée auprès de 762 personnes de l’État de New York; celles de Hardy (1991), de Besl et Kale (1996) sur une population du Wiscon sin.

? L’emploi « post-carrière » : un phénomène en plein essor

? Quelques données démographiques

5Aux États-Unis, le taux de participation des hommes de 60 à 72 ans au marché du travail a décliné brutalement de 1960 à 1985. Mais, depuis cette date, il remonte de manière régulière, surtout chez les plus de 62 ans et même chez les plus de 70 ans (Burkhauser, Quinn, 1997).

Tableau 1

Taux de participation des hommes de 60 à 72 ans au marché du travail

Tableau 1
Tableau 1 TTaauuxx ddee ppaarrttiicciippaattiioonn ddeess hhoommmmeess ddee 6600 àà 7722 aannss aauu mmaarrcchhéé dduu ttrraavvaaiill Années 60 ans 62 ans 65 ans 68 ans 70 ans 72 ans 1960 85,9 % 79,8 % 56,8 % 42,0 % 37,2 % 28,0 % 1970 83,9 % 73,8 % 49,9 % 37,7 % 30,1 % 24,8 % 1980 74,0 % 56,8 % 35,2 % 24,1 % 21,3 % 17,0 % 1985 71,0 % 50,9 % 30,5 % 20,5 % 15,9 % 14,9 % 1990 70,5 % 52,5 % 31,9 % 23,4 % 17,1 % 16,4 % 1995 68,9 % 51,3 % 33,5 % 22,4 % 20,6 % 16,0 % 1997 68,3 % 52,6 % 32,4 % 22,4 % 21,7 % 17,3 % Source : Burkhauser, Quinn, 1997.

Taux de participation des hommes de 60 à 72 ans au marché du travail

Burkhauser, Quinn, 1997.

6Entre 2000 et 2002, pour les 55-64 ans, ce taux a même connu une progression spectaculaire de deux points de pourcentage (Eschtruth, Gemus, 2002).

7D’autres données et projections, toujours fondées sur les traitements du Census pour le Bureau of Labor Statistics (Fullerton, Tossi, 2001), indiquent également un taux croissant de participation au marché du travail pour les plus de 65 ans, tant chez les hommes que chez les femmes.

Tableau 2

Participation des hommes au marché du travail par groupes d’âge et par effectifs

Tableau 2
Tableau 2 PPaarrttiicciippaattiioonn ddeess hhoommmmeess aauu mmaarrcchhéé dduu ttrraavvaaiill ppaarr ggrroouuppeess dd’’ââggee eett ppaarr eeffffeeccttiiffss 55-64 ans Effectifs 65-74 ans Effectifs 75 ans Effectifs Années (en %) (en milliers) (en %) (en milliers) et + (en milliers) 1980 72,1 7 242 24,0 1 601 8,8 293 1990 67,8 6 627 21,4 1 664 7,1 303 2000 67,3 7 574 24,4 1 930 8,0 469 2010 (projection) 67,0 11 148 27,7 2 610 7,7 506 Source : Fullerton, Tossi, Monthly Labor Review, 2001, p. 26.

Participation des hommes au marché du travail par groupes d’âge et par effectifs

Fullerton, Tossi, Monthly Labor Review, 2001, p. 26.
Tableau 3

Participation des femmes au marché du travail par groupes d’âge et par effectifs

Tableau 3
Tableau 3 PPaarrttiicciippaattiioonn ddeess ffeemmmmeess aauu mmaarrcchhéé dduu ttrraavvaaiill ppaarr ggrroouuppeess dd’’ââggee eett ppaarr eeffffeeccttiiffss 55-64 ans Effectifs 65-74 ans Effectifs 75 ans Effectifs Années (en %) (en milliers) (en %) (en milliers) et + (en milliers) 1980 41,3 4 742 11,6 1 019 2,5 142 1990 45,2 4 948 13,0 1 288 2,7 195 2000 51,8 6 400 14,8 1 441 3,6 321 2010 (projection) 55,2 10 056 17,3 1 933 4,0 393 Source : Fullerton, Tossi, Monthly Labor Review, 2001, p. 27.

Participation des femmes au marché du travail par groupes d’âge et par effectifs

Fullerton, Tossi, Monthly Labor Review, 2001, p. 27.

8Il y avait donc, en 2000 aux États-Unis, parmi une population active (16ans et plus) de 141 millions de travailleurs, 18,2 millions de travailleurs de plus de 55 ans, dont 4,2 millions de plus de 65 ans. En 2010, si la tendance se maintenait, on pourrait ainsi trouver parmi une population active de 158 millions, 26,6 millions de personnes deplus de 55 ans, au travail dont 5,4 millions de plus de 65 ans (Fullerton, Tossi, 2001). C’est dire l’importance du phénomène, pour la compréhension de l’évolution du statut du travail et des formes d’emploi, autant que pour l’analyse de la « retraite » qu’on doit désormais, dans ces conditions, placer entre guillemets.

? «Retraite» et emplois «post-carrière»

9 Quinn (1995,1998), Quinn, Burkhauser et Myers (1990), Purcell (2000) et Hardy (2002) soulignent que les analyses ont souvent traité de la retraite de manière dichotomique : on était soit en emploi, soit retraité. En réalité, disent ces auteurs, les travailleurs âgés utilisent une grande variété de voies pour passer de l’emploi dit de « carrière » à la retraite complète et définitive, en sorte que le terme même de « retraite » est devenu aujourd’hui source de confusion. Analysant dès les années quatre-vingt le phénomène de la sortie d’emploi – généralement non volontaire – de travailleurs souvent âgés d’à peine 55 ans, les chercheurs américains ont mis en évidence la diversité des processus de transition entre l’emploi de carrière et le retrait total du marché du travail, dont les modalités peuvent inclure le recours au temps partiel, aux horaires flexibles, au travail indépendant, au travail précaire et, bien sûr, à l’emploi transitionnel, le bridge job : « Pour une minorité croissante de travailleurs, la retraite a cessé d’être un événement unique et s’est transformée en une séquence de transitions d’un emploi à un autre, de sorties du marché du travail et de ré-entrées, jusqu’au retrait final du marché du travail […]. On a donc affaire à de nouvelles catégories : les « retraités au travail », les « partiellement retraités », les « retraités de multiples emplois » […]. La transition vers la retraite est devenue plus hétérogène. » (Hardy, 2002).

10Que peut signifier dès lors la notion de « retraite » dans de telles conditions ? Tous les chercheurs constatent la progressivité de la prise de retraite (quel que soit l’âge du début du processus de sortie graduelle du marché du travail), la multiplicité, la diversification et la complexité croissante des itinéraires de sortie (outre les auteurs cités, voir Choi, 1994; Mutchler, Burr, Pienta, Massagli, 1997; Elder, Pavalko, 1993; Rix, 2001; Hayward, Friedman, Chen, 1998; O’Rand, Henretta, 1999). On pourrait même faire l’hypothèse que la représentation du passage d’un emploi à plein temps à une retraite à plein temps est de moins en moins pertinente aujourd’hui, dans la mesure où non seulement la retraite cesse d’être un « événement » unique, mais où le statut même de l’emploi se diversifie avec la multiplication des séquences « atypiques » et des emplois « non standard ». Il est avéré que de plus en plus de travailleurs quittent le travail par étapes, recourent au temps partiel (moins de 40 heures par semaine), se mettent à leur compte avec un statut de travailleur indépendant, ou alors occupent des emplois de transition, des bridge jobs.

? Les différents emplois «post-carrière»

11 Certains chercheurs (Clark, Quinn, 2002; Rix, 2001) ont mis en évidence l’intérêt d’établir une distinction entre ces diverses formes d’emploi rémunéré. On a ainsi pu établir que l’emploi à temps partiel croît rapidement avec l’âge : alors qu’en 1997,11 % de la main-d’œuvre masculine âgée de 25 à 54 ans travaillent à temps partiel, la proportion passe à 17 % pour les 55-64 ans et à 51 % pour les plus de 65 ans. Pour les femmes, les taux sont respectivement de 28 % pour les 25-54 ans, 33 % pour les 55-64 ans et 66 % pour les plus de 65 ans. 85 % des plus de 60 ans déclarent travailler à temps partiel volontairement (Quinn, 1999). Les femmes, plus que les hommes, se retrouvent dans des emplois à temps partiel et semblent apprécier ce statut qui permet plus de flexibilité (Hill, 2004). Il faut cependant noter que l’emploi à temps partiel ne procure souvent pas d’avantages sociaux : un certain nombre d’heures de travail par semaine est en effet exigé pour pouvoir participer à un plan d’assurance santé d’entreprise, quand un tel plan existe.

12L’emploi indépendant (self-employment) croît également avec l’âge : 8 % des hommes de 25-54 ans, 14 % des hommes de 60-64 ans et 23 % des hommes de plus de 65 ans sont des travailleurs indépendants; pour les femmes, les pourcentages sont respectivement de 6 %, 9 % et 15 % (ces chiffres excluent les propriétaires d’entreprises, même s’ils n’ont pas d’employés). Les taux d’emploi indépendant augmentent avec l’âge parce que les travailleurs qui ont été indépendants tout au long de leur vie professionnelle se retirent du marché du travail plus tardivement que les travailleurs salariés, et parce que certains travailleurs salariés âgés deviennent des travailleurs indépendants lorsqu’ils quittent le salariat (Quinn, 1999). En ce qui concerne ceux qui ont fait « carrière » dans le travail indépendant (13 % des travailleurs), il apparaît que leur processus de sortie du travail est très différent de celui des salariés : il peut durer longtemps, voire indéfiniment, compte tenu du fait qu’ils sont ou se considèrent généralement maîtres de leur temps et de leurs décisions professionnelles, que leurs revenus sont limités et qu’ils ne participent pas à un régime de retraite privé (Bruce, Holtz-Eakin, Quinn, 2000).

13Dans les années quatre-vingt-dix, ce sont entre 30% et 35% des hommes et entre 45 % et 60 % des femmes qui recourent aux bridge jobs (Quinn, 1999). Ces bridge jobs durent en majorité au moins deux ans, souvent bien davantage, et impliquent généralement un processus de relative déqualification et de réduction salariale (sur une base de taux horaire) pour près des trois quarts des travailleurs. Ces emplois relèvent de l’initiative du travailleur de se trouver lui-même un emploi ou de s’en créer un, et ne sont pas le résultat de programmes de retrait progressif de la part d’employeurs qui souhaiteraient retenir les compétences et l’expertise de certains travailleurs (Rix, 2001).

? Le cadre institutionnel et les raisons du phénomène

14 Beaucoup d’études, surtout parmi celles menées par des économistes, sont tributaires d’une position épistémologique émanant de la théorie du Rational Choice qui postule l’existence d’individus rationnels prenant des décisions en fonction de ce qu’ils estiment être leur meilleur intérêt. Dans cette perspective, la retraite est conçue comme le résultat de l’agrégation de décisions individuelles variées (Quinn, 1998,1999), ce qui présuppose que les individus sur le point de prendre leur retraite ont une compréhension claire de ce qui est dans leur « meilleur intérêt », qu’ils ont donc accès à toute l’information pertinente nécessaire et qu’ils ne sont pas contraints par des facteurs socioculturels tels que la classe sociale, l’appartenance ethnique ou le genre (Stewart, 2000). Les études menées dans cette perspective tentent ainsi d’identifier les facteurs et la force de variables spécifiques agissant sur les caractéristiques socioprofessionnelles, les stratégies et les décisions des individus. D’autres études, réalisées plutôt par des sociologues ou des chercheurs en économie politique, s’intéressent aux processus sociaux et à la construction des dynamiques des inégalités qui sous-tendent les décisions de retraite ou de poursuite de l’emploi. Elles analysent donc les « parcours de vie » (life course) et les « transitions », dans une perspective longitudinale (Calasanti, Bonanno, 1992; Calasanti, 2002 ; Choi 2000a, 2001,2002; Estes, Mahakian, 2001; Han, Moen, 1999; Rix, 1999, 2001; Myles, Pierson, 2001).

15En matière de recherche sur les enjeux de la retraite, la majorité des études gouvernementales ou des études appuyées par la Social Security[2] sont fondées sur les prémisses suivantes : la solution à l’impasse financière de la Social Security se trouverait dans un allongement de la durée de vie au travail, ainsi que dans une forme de « privatisation » accrue du système, autrement dit dans un accroissement majeur de la responsabilité des individus de s’assurer un revenu suffisant après qu’ils auront quitté le marché du travail. D’autres chercheurs (Ghilarducci, 2000; Bosworth, Burtless, 2002; Diamond, Orszag, 2002; Munnell, 2003) et certains think tanks[3] (dont le Center for Budget Policy Priorities, wwww. cbpp. orgou le Economic Policy Institute, wwww. epinet. org) contestent toutefois le bien-fondé de cette thèse et s’opposent au démantèlement de la Social Security.

16Divers facteurs, tant culturels qu’institutionnels, permettent de comprendre et d’expliquer l’essor de l’emploi « post-carrière » aux États-Unis.

17On notera d’abord la très forte culture du travail qui prévaut aux États-Unis et l’obligation civique qui est faite à chacun des citoyens de subvenir à ses propres besoins. Le travail est au fondement de la liberté de l’individu. Pour Kingfisher (2001), aux États-Unis, « le citoyen est spécifiquement un citoyen-travailleur ».

18Une étude du National Institute of Aging (1993) indique que près de 75% des préretraités de 51 à 61 ans déclarent vouloir continuer à travailler une fois retraités. Une autre étude, cette fois de l’American Association of Retired Persons (1998), identifie que 80% des baby-boomers déclarent avoir l’intention de travailler lorsqu’ils seront à la retraite (Rix, 2001). On mentionnera encore les résultats d’une étude récente menée pour l’AARP par Montenegro, Fisher et Remez (2002) qui ont interrogé 2518 personnes de 45 à 74 ans (à noter toutefois que seuls 7% des répondants ont entre 65 et 74 ans). Concernant spécifiquement la poursuite d’activité (questions auxquelles seules 1455 personnes ont répondu), une majorité (69%) a l’intention de travailler pendant les années de retraite : 34% des répondants prévoient de travailler à temps partiel, par intérêt et par plaisir, 19% aimeraient trouver un emploi à temps partiel par nécessité financière, 10 % désirent se lancer en affaires et 6% envisagent de s’engager dans une nouvelle carrière. Si une proportion considérable prévoit donc de travailler après l’âge normal de la retraite, 29 % des répondants ne le désirent toutefois pas.

Tableau 4

Intentions de travail et de non-travail au cours des années de retraite, par groupes d’âges (réponses multiples possibles)

Tableau 4
Tableau 4 IInntteennttiioonnss ddee ttrraavvaaiill eett ddee nnoonn--ttrraavvaaiill aauu ccoouurrss ddeess aannnnééeess ddee rreettrraaiittee,, ppaarr ggrroouuppeess dd’’ââggeess ((rrééppoonnsseess mmuullttiipplleess ppoossssiibblleess)) Travail à Travail à Faire Prévoient Lancer Ne pas de temps temps son quelque travailler partiel pour partiel pour chose travailler entreprise du tout le plaisir le revenu d’autre 45-56 ans 71 % 35 % 18 % 11 % 7 % 28 % (n=1007) 57-64 ans 67 % 28 % 24 % 9 % 6 % 29 % (n=346) 65-74 ans 58 % 36 % 13 % 16 % 3 % 36 % (n=102) Source : Montenegro et al., 2002, p. 60.

Intentions de travail et de non-travail au cours des années de retraite, par groupes d’âges (réponses multiples possibles)

Montenegro et al., 2002, p. 60.

19D’autres recherches indiquent en revanche clairement que les travailleurs sont largement prêts à continuer à travailler, à condition de ne pas y être forcés. Page (2000) a pour sa part repéré « au moins dix-huit sondages différents, menés au cours des deux dernières décennies au sujet de l’augmentation de l’âge d’accès à la retraite. Tous, sauf deux, indiquent qu’une majorité – et généralement une très large majorité – est opposée à une telle augmentation ».

20Un second facteur explicatif réside dans la souplesse et la flexibilité del’emploi qu’autorisent les législations du travail [4]. Les emplois « post-carrière » peuvent se développer sans contraintes légales. Pour Rix (2001), l’emploi change de statut avec l’avancée en âge, ce que montrent bien les statistiques du US Bureau of Labour Statistics (USBL, 1998; USBL, 1997). Ainsi se développe le travail à temps partiel qui concerne, on l’a vu, près des deux tiers des emplois « post-carrière ». Ilest caractérisé par des horaires flexibles, typiques d’une absence de sécurité d’emploi et d’une absence d’avantages sociaux. La tendance à devenir travailleur indépendant tend également à augmenter avec l’âge, particulièrement après 65 ans. 14% des hommes âgés de 55 à 64 ans et presque un quart de ceux de plus de 65 ans connaissent ce statut.

21La question des régimes de retraite d’entreprise constitue une troisième cause de l’essor de l’emploi « post-carrière » à cause de leur faible étendue, de leur constante diminution, ainsi que du faible montant des prestations. Pour Herz (1995), la question de la couverture offerte par un régime de retraite d’entreprise est une composante-clé des décisions de poursuite d’activité, non seulement pour les 65-69 ans, mais également pour les plus de 70 ans. Parmi les 151,3 millions de travailleurs en 2002, 80,7 millions travaillaient pour un employeur offrant un plan de pension et 63,2 millions (41,8 %) participaient à un tel plan. Ce pourcentage reflétait certes une croissance par rapport aux 37,6 % de participation de1987, mais un déclin brutal par rapport aux 44,4% de 2000 (Ebri,2003e). Et pourtant, souligne ce document, on était dans une période de prospérité ! Qu’adviendra-t-il dans une conjoncture d’emploi moins favorable ? Les employeurs pourront facilement décider de réduire ou de supprimer les régimes de retraite, compte tenu de l’abondance de l’offre de main-d’œuvre. Alors que près des quatre cinquièmes (78,3 %) des travailleurs et employés du secteur public et deux tiers (66,9 %) de ceux d’entreprises de plus de cent travailleurs bénéficiaient d’une retraite d’entreprise [5], seuls moins d’un cinquième (17,2 %) de ceux d’entreprises de moins de dix travailleurs pouvaient compter sur une telle retraite. Les trois cinquièmes des travailleurs qui ne bénéficiaient pas d’un régime de retraite d’entreprise se retrouvaient surtout parmi les personnes faiblement scolarisées, les minorités, les femmes et particulièrement les femmes seules (USGAO, 2000).

22La faiblesse de la protection médicale attachée à l’emploi et la croissance des coûts de santé expliquent également le phénomène de l’emploi « post-carrière ». En effet, on le sait, les États-Unis n’ont pas de système public universel de santé. Il existe toutefois deux régimes publics partiels : le Medicaid, principalement réservé aux pauvres de moins de 65 ans [6] et selon des conditions précises, et le Medicare, destiné aux personnes âgées de plus de 65 ans (et à certaines personnes souffrant de handicaps). Toutefois, ce régime ne couvre, sans frais, que les soins hospitaliers (Partie A, automatique), alors qu’il faut adhérer à la Partie B, au coût de 60$ par mois, pour bénéficier (avec franchise) d’une couverture pour les consultations médicales, les soins ambulatoires et les médicaments [7]. Les soins de longue durée ne sont pas couverts [8]. Sil’on n’est pas pauvre et si l’on n’a pas 65 ans, on doit assurer soi-même son accès et celui de sa famille aux soins en contractant une assurance privée individuelle (généralement très coûteuse), à moins que l’on ne bénéficie d’un plan de santé d’entreprise, dont la couverture est plus ou moins étendue selon la taille de l’entreprise (la majorité des petites et moyennes entreprises n’en offrent pas), son prestige, sa réputation et bien sûr l’état de ses finances. Compte tenu de la croissance spectaculaire des coûts de santé, nombre d’entreprises ont réduit ou supprimé leur participation à ces régimes au cours des dernières années. Ainsi, alors qu’en 1987,70,1% de la population étaient couverts par unplan de santé d’entreprise dont bénéficiaient le travailleur et ses ayants droit, seuls 64,2% l’étaient en 2002 (Ebri, 2003a) [9]. Par ailleurs, s’il est possible, dans certains cas, de compter sur une assurance maladie au cours des années de retraite (assurance à laquelle l’employeur contribue, et qui se combine au Medicare ), là encore, les données indiquent une importante diminution de la couverture au cours des dernières années, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Cette couverture est passée de 46 % des assurés en 1996 à 39 % en 2000 (Hoadley, 2003; Stuart, Singhal, Fahlman, Doshi, Briesacher, 2003). La Kaiser Family Foundation (2003) avance des chiffres encore plus inquiétants : en 1988, 66% des entreprises de plus de 200 employés offraient des régimes d’assurance maladie à leurs retraités; ce chiffre esttombé à 38 % en 2000. Ce facteur influence directement la décision des personnes de plus de 60 ans de demeurer actives sur le marché du travail.

23Dans cette conjoncture, Bruce, Holtz-Eakin et Quinn (2000) notent que les retours au travail sont plus fréquents parmi les travailleurs qui ne peuvent compter sur un plan d’assurance maladie. Les coûts de santé moyens pour un bénéficiaire du Medicare sont actuellement d’environ 10000$ annuellement. Ils sont couverts en moyenne pour 50% par le Medicare, pour 12% par les assurances privées et pour 38% par les individus eux-mêmes qui, pour les plus démunis, peuvent compter sur une aide publique partielle (Ebri, 2003b). Les retraités s’attendent donc à devoir dépenser une grande partie de leur revenu courant (d’un montant médian de 13561$ en 2001, voir infra ) et de leur épargne pour financer leurs frais médicaux : un sondage de 2003 (Ebri, 2003d) révèle que seuls 31% des Américains pensent être en mesure de bénéficier de soins sans avoir à faire face à des difficultés financières majeures. Mais la même année 29% disent avoir renoncé à des soins de santé, au cours des deux années précédentes, alors qu’ils en avaient besoin, cette décision provenant autant de personnes bénéficiant d’une assurance que de personnes sans assurance. Enfin, 47% des répondants déclarent prendre très sérieusement en compte la question de l’accès aux services de santé, lorsqu’il s’agit de déterminer l’âge auquel ils prendront leur retraite, sachant qu’en se retirant avant 65 ans, ils ne peuvent bénéficier du Medicare.

24Une cinquième raison rend compte du développement des emplois « post-carrière ». Il s’agit de l’évolution croissante des systèmes de pensions d’entreprise vers des régimes à contributions définies (titre 401 (k) de la loi du revenu, IRS ) plutôt qu’à prestations définies [10] (Dohm, 2000). On l’a vu, 41,8% des travailleurs participaient à un régime de retraite d’entreprise en 2002. Mais un changement majeur dans la nature des régimes est survenu à partir de 1992 : le pourcentage de travailleurs détenant un régime à prestations définies est passé entre 1992 et 2001 de 40 % à 20,7%, alors que celui des régimes à contributions définies a crû de 37,5% à 57,7% (Ebri, 2003c). Cette transformation est allée de pair avec la tendance à individualiser les régimes de retraite. Elle a aussi correspondu à l’explosion boursière des années quatre-vingt-dix et à l’engouement spéculatif qui a incité les individus à croire qu’ils réaliseraient facilement des profits spectaculaires en gérant eux-mêmes leurs investissements, et donc en endossant eux-mêmes les risques. Puis est survenu, en 2001, l’éclatement de la « bulle spéculative » et, en 2002, l’effondrement boursier qui ont porté un coup très dur tant aux épargnes individuelles qu’aux plans de retraite d’entreprise [11]. C’est, pour Eschtruth et Gemus (2002), ce qui explique la brusque remontée du taux d’emploi de deux points de pourcentage des 55-64 ans entre 2000 et 2002.

25En outre, dans les régimes de retraite d’entreprise, la transition croissante de systèmes à prestations définies vers des systèmes à contributions définies augmente la mobilité des travailleurs puisque ceux-ci ne sont plus attachés à une entreprise en particulier, par leur participation à un régime de retraite. Les systèmes à contributions définies sont placés sous la responsabilité des individus qui sont libres de les utiliser pratiquement quand bon leur semble. Ils ne sont plus soumis à un critère d’âge contraignant, comme l’étaient souvent les anciens régimes qui, par diverses incitations, pouvaient conduire à prendre sa retraite. Les régimes à contributions définies sont donc neutres quant à l’effet du critère de l’âge sur la participation au marché du travail ( age neutral ).

26Il faut enfin signaler la modification de certaines règles d’admissibilité à la Social Security et l’introduction de mesures favorables à l’emploi dans les règlements de la Social Security, telles que le Senior Citizens Freedom to Work Act (SCFW) de 1999. Cette loi, mise en vigueur le 1er janvier 2000, élimine le critère des conditions de ressources [12] afin de permettre aux personnes âgées de gagner des revenus de travail, sans que ces gains entraînent des réductions trop importantes de leurs prestations de la Social Security. Ce critère était considéré comme un « désincitatif » au travail et comme une atteinte à la liberté de travailler (Anzick, Weaver, 2000), car il interférait avec le fonctionnement « normal » du marché de l’emploi. Ainsi, pour Quinn (1998), la remontée du taux d’emploi des travailleurs âgés est consécutive à ces changements : la Social Security est devenue à son tour age neutral, sans effet incitatif ou désincitatif reliéà l’âge. Ces changements « ont accru les choix qui s’offrent aux travailleurs âgés et donc l’attractivité du travail […] l’environnement est devenu plus encourageant pour eux, puisque la retraite obligatoire a été éliminée, qu’un certain cumul entre les prestations de la Social Security et les revenus d’emploi a été autorisé […] que le report de l’âge de la prise de retraite offre des avantages pécuniaires […]. »

27De tels raisonnements s’inscrivent dans une modification en profondeur de la philosophie et du rôle de la Social Security dans sa fonction de maintien d’un revenu minimal pour les personnes qui se trouvent hors du marché du travail. Dans un récent article intitulé The Declining Role of Social Security, Munnell (2003) identifie trois facteurs qui vont contribuer, au cours des prochaines années, à une rapide érosion de la protection financière accordée par ce programme, obligeant ainsi les futurs prestataires à recourir davantage aux revenus de travail : le report graduel de l’âge de la retraite (66 ans dès 2008,67 ans dès 2022), l’augmentation de la prime de la Partie B du Medicare et l’imposition croissante des prestations de la Social Security. Ces facteurs devraient faire passer progressivement la part de la contribution de la Social Security au revenu médian de 41% (le revenu médian total des Américains de plus de 65ans était de 13561$ en 2001, dont 41% provenaient de la S ocial Security, 19% du travail rémunéré, 20% de pensions d’entreprise et 20% de revenus de placements et autres) à 36% en 2030 pour les travailleurs qui se retireront à 67 ans, à 26,9% pour ceux qui se retireront à 65 ans comme aujourd’hui et à 20,8% en cas de retrait à 62 ans. Et l’auteur de conclure : « Les gens vont devoir travailler plus longtemps […] et il ne fait pas de doute que la composition du revenu des Américains âgés sera, dans quelques années déjà, très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. »

28Pour une grande partie des travailleurs âgés, c’est donc bien leur condition financière, actuelle ou anticipée qui, compte tenu de l’affaiblissement généralisé ou de la perte des protections, constitue lefacteur le plus déterminant d’un retour « obligé » à l’emploi. Selon Calasanti et Bonanno (1992), « un faible revenu est le meilleur prédicteur de l’activité de travail à un âge avancé, tant parmi les hommes que les femmes, les syndiqués que les non-syndiqués ». Pour Hayward, Hardy et Liu (1994), c’est la voie du retour au travail qui s’impose pour ceux qui ne bénéficient pas d’une pension d’entreprise ou dont la pension n’est pas indexée sur le coût de la vie. Herz (1995) établit pour sa part que, parmi les travailleurs de 65-69 ans, les moins bien couverts en plans de pension travaillent davantage, ce qui peut indiquer qu’ils sont en fait plus vulnérables au plan économique et ainsi contraints au travail.

29À ces constats, on ajoutera celui d’une forte croissance à venir des inégalités parmi les personnes âgées puisque, en 2001, les prestations de la Social Security comptaient pour 90,7% du revenu total du quintile [13] inférieur de revenu des personnes de plus de 65 ans, alors qu’elles neconstituaient que 20,7% de celui du quintile supérieur, les revenus d’emploi représentant 30,5% des revenus totaux de ce quintile (Ebri, 2003a). La question des inégalités introduit la section suivante, qui met en évidence la forte différenciation des itinéraires de l’emploi « post-carrière ».

? La diversité des itinéraires d’emplois « post-carrière »

30L’un des constats les plus manifestes émanant des travaux empiriques est donc celui d’une forte différenciation des itinéraires de participation auxemplois « post-carrière », en fonction des « capitaux » matériels et symboliques détenus par les individus, du genre, de l’ethnicité et de la « race » [14]. C’est en particulier ce que mettent explicitement en évidence Hayward et Grady (1990), soulignant combien sont inégaux les accès aux retraites et aux emplois « post-carrière » en fonction des expériences de travail passées. Un emploi « post-carrière » ne se déroule pas dans les mêmes conditions et n’a pas la même signification, ni la même portée, selon la trajectoire de carrière antérieure, selon qu’on est bien ou mal « doté », selon qu’on est homme ou femme, ou encore, pourreprendre les catégories du recensement, « blanc », « noir » ou « hispanique ». Les résultats de quelques enquêtes mettent en évidence cette différenciation des itinéraires qu’empruntent les travailleurs âgés, lorsqu’ils se réinsèrent dans le monde du travail : certains chercheurs parlent d’insertion dans l’économie « centrale » (core economy) ou dans l’économie périphérique (peripheral economy) (McDonald, 1996); d’autres, comme Hayward, Hardy et Liu (1994), ou Savinshinsky (2000) parlent de répartition aux « extrêmes ». Une hypothèse de différenciation des itinéraires nous paraît donc fructueuse pour tenter d’établir un fil conducteur entre des recherches très différentes, tant par leurs objectifs et par les populations objets des analyses que par leurs méthodologies, au risque de produire un effet de plus grande cohérence et de plus grande convergence entre les résultats des diverses études que ce n’est le cas en réalité.

31Trois ensembles d’individus nous semblent émerger avec plus ou moins d’évidence de plusieurs études : les « précaires », les « compétitifs » et les« protégés ». Ce regroupement s’inspire des catégories que Reich a établies en 1991 dans The Work of Nations[15]. Les « précaires » sont les travailleurs et les employés des secteurs d’activité les moins performants, ceux de la « périphérie », où le travail est le moins qualifié, où les conditions sont les moins favorables et les revenus d’emploi les plus bas. Les « compétitifs » sont les personnes capables, par leurs compétences, de soutenir la compétition avec d’autres et qui travaillent dans des entreprises et des secteurs de pointe, la core economy, inscrits favorablement dans la compétition internationale, à forte valeur ajoutée de travail et de connaissances. Ils sont qualifiés, connaissent de bonnes conditions de travail et de rémunération. Les « protégés » travaillent dans le secteur public où leur niveau de rémunération, leurs conditions de travail et avantages sociaux sont moins fixés par le marché que par la capacité d’influence politique des groupes professionnels concernés; mais on les trouve aussi, quoique de moins en moins fréquemment, dans de grandes entreprises, souvent multinationales, qui fonctionnent, dans certains secteurs, à la « carrière » et qui connaissent en ce sens une relative stabilité des emplois.

32Certes, des facteurs globaux tels que l’état de l’économie et de l’emploi ou l’état de santé des gens affectent chacun des individus qui composent ces ensembles dans leur capacité d’accéder au travail rémunéré. Il est évident que la demande de travailleurs âgés est directement reliée à l’état de l’économie, autant qu’aux politiques d’emploi. Burkhauser et Quinn (1997) sont explicites : « La demande d’emplois pour des travailleurs âgés dépend de la vigueur de l’économie, mais également des politiques qui influencent le coût net de l’embauche de cette catégorie de travailleurs. » Cette remarque est importante dans un contexte politique où l’on renvoie au travailleur la responsabilité de se trouver un emploi. L’accès à l’emploi pour les travailleurs âgés postule en outre l’existence d’un marché du travail réellement ouvert aux travailleurs âgés (Hayward, Hardy, Liu, 1994; Rix, 2001). Cette remarque à première vue évidente fait en réalité référence au constat, malheureusement fréquent, d’une relative réticence à l’embauche de travailleurs âgés dans nombre d’entreprises. Demeure en arrière-fond la question que posait déjà en 1998 Bovberg, directrice de la section sur la sécurité du revenu du US Department of Health and Human Services : à savoir si le marché du travail pourrait absorber davantage de personnes âgées, même dans un contexte de pénurie appréhendée de main-d’œuvre qualifiée, causée par la sortie massive des baby-boomers du marché du travail, attendue pour les prochaines années.

33En ce qui concerne les questions de santé, pratiquement toutes les études recensées font état d’une corrélation directe entre un état de santé bon ou acceptable et la capacité de se maintenir ou de retourner sur le marché du travail. Pour Haider et Loughran (2001), « les indicateurs de santé signalent que ce sont les individus les plus en forme qui poursuivent davantage un travail rémunéré ». L’état de santé est, bien sûr, une question qui concerne tous les individus. Mais l’on se doit, d’un point de vue sociologique, de rappeler d’emblée que l’état de santé est socialement inégalement distribué.

34Les principaux facteurs identifiés dans les recherches, tels la scolarité, le statut du travail, l’expérience au travail (en référence à la capacité d’autonomie et à la capacité d’initiative dans le travail), le sens du travail, le genre [16] vont nous permettre de les associer maintenant à chacun des trois ensembles identifiés précédemment. Ces facteurs interagissent profondément entre eux et apparaissent donc activement constitutifs d’une différenciation sociale parmi les travailleurs en emploi « post-carrière ».

? Les travailleurs «précaires» très largement majoritaires

35Au plan de la scolarité, on a affaire aux travailleurs âgés les moins scolarisés qui, pour cette raison, accèdent aux emplois les moins qualifiés, aux conditions de durée, de rythme et de protection des droits les plus précaires, et de rémunération les plus basses.

36Au plan du statut du travail, ces travailleurs ont connu des expériences de travail peu gratifiantes, au cours desquelles ils ont eu à exécuter des tâches commandées, placées sous surveillance, sans possibilité d’exercer leur initiative. Pour Calasanti et Bonanno (1992), beaucoup d’entre eux subissent les conséquences des restructurations industrielles qui entraînent pour eux une déqualification de l’emploi et ouvrent la porte à des emplois « post-carrière » à des conditions systématiquement moins favorables que celles de l’emploi de carrière. Ces travailleurs sont aussi ceux qui ont connu une carrière irrégulière, ce qui fait d’eux des candidats au retour à l’emploi, comme on le voit particulièrement chez les femmes (Han, Moen, 1999). Celles-ci ont généralement connu, plus que les hommes, une carrière discontinue. Les différences de comportement en fonction du genre semblent s’expliquer entièrement par l’histoire de carrières différentes entre les hommes et les femmes. Cesdernières ont été moins longtemps sur le marché du travail et vont donc avoir tendance à y demeurer en plus forte proportion que les hommes au-delà de la retraite. Ainsi, pour Han et Moen (1999), les femmes sont trois fois plus susceptibles de reprendre un emploi, car ce retour n’est que le prolongement de leur carrière instable; à l’inverse, les hommes avec une carrière continue retournent moins àl’emploi. Pour leur part, Hayward, Hardy et Liu (1994) identifient que les moins scolarisés s’intègrent dans des emplois à temps partiel et peu protégés.

37Au plan du sens du travail, ces travailleurs n’ont généralement pu trouver dans leur activité qu’une source de rémunération, dépourvue des significations associées à l’exercice d’un métier ou de compétences spécifiques. Toutefois, certains peuvent trouver une forte source de valorisation dans le fait de se sentir utiles dans leur travail, particulièrement ceux dont les activités leur permettent d’entrer en contact avec d’autres personnes (Calasanti, Bonanno, 1992). Un ouvrage qui fait autorité de Newman (1999) montre combien les emplois, même très routiniers, revêtent souvent une importance extrême pour ceux qui les exercent, aux plans social, symbolique et personnel. Il faut noter ici avec Rix (2001), sur la base des synthèses du US Bureau of Labor, que le développement du travail précaire chez les travailleurs âgés ne concerne pas seulement les travailleurs qui ont connu des conditions de précarité durant leur vie de travail antérieure. Ce développement montre que pour la majorité des travailleurs américains actifs sur le marché du travail après 65 ans, l’activité exercée s’inscrit dans un processus de mobilité descendante par rapport à l’activité exercée avant la retraite, qu’il s’agisse du contenu du travail, de la reconnaissance des compétences acquises, ou des conditions générales de travail marquées globalement par une précarité accrue. L’auteur note toutefois que, souvent, c’est avec l’accord du travailleur âgé que les conditions et les contenus de travail sont moindres, puisque ce dernier souhaite réduire son activité et, par conséquent, ses responsabilités.

38Il apparaît en résumé que le retour au travail [17] après une prise de retraite est en grande partie corrélé, pour les précaires, à de faibles revenus, une protection de santé faible ou inexistante, une pension d’entreprise faible ou inexistante. Fondamentalement, les précaires travaillent pour assurer leur survie et subvenir à leurs besoins de base.

? Des «compétitifs» minoritaires

39Au plan de la scolarité, on a affaire aux travailleurs âgés les plus scolarisés, hautement qualifiés, diplômés de Colleges ou d’universités et qui donc, pour cette raison, occupent les emplois les plus gratifiants, les mieux rémunérés, même s’ils ne sont pas toujours protégés, ce qui va nous permettre d’introduire la distinction importante entre les « compétitifs » et les « protégés ». Pour Hill (2004), Haider et Loughran (2001), les analyses suggèrent que ce sont les plus éduqués, les plus riches et les plus en forme qui travaillent le plus aux âges avancés. En ce qui concerne le niveau de scolarité, les différences sont claires pour tous les sous-groupes d’âge entre 50 et 83 ans ! Après l’âge normal de la retraite, la tendance se maintient et l’écart est marqué entre les personnes peu scolarisées qui se retirent définitivement du marché du travail, et celles qui ont bénéficié d’une scolarité avancée et y demeurent. Ainsi, par exemple, entre 65 et 67 ans, seuls 16% des premiers participent au marché du travail, comparativement à 42% des seconds. Han et Moen (1999), dans une étude menée auprès de 762 personnes en emploi et retraitées, âgées de 50 à 72 ans, en provenance d’industries manufacturières et de services de l’État de New York, interrogées en 1994-1995, concluent que ce sont les plus éduquées qui sont les plus susceptibles d’être réemployées. C’est le niveau d’éducation et la situation financière qui représentent les facteurs les plus déterminants d’un retour à l’emploi. Les auteurs constatent, en effet, qu’un haut niveau de scolarité est associé à une plus grande probabilité de retour à l’emploi, presque deux fois plus élevée avec un diplôme universitaire qu’avec un diplôme d’études secondaires.

40Hill (2002) le confirme. Le niveau de scolarité a un impact significatif sur le niveau d’emploi : plus on est scolarisé, plus on travaille longtemps.

Tableau 5

Participation au marché du travail et niveau de scolarité, selon trois catégories d’âge

Tableau 5
Tableau 5 PPaarrttiicciippaattiioonn aauu mmaarrcchhéé dduu ttrraavvaaiill eett nniivveeaauu ddee ssccoollaarriittéé,, sseelloonn ttrrooiiss ccaattééggoorriieess dd’’ââggee Niveau Niveau Niveau secondaire Bac + 2 Bac + 3 et plus Moins de 65 ans 38 % 64 % 67 % 65-69 ans 22 % 38 % 49 % 70 ans et plus 15 % 32 % 32 % Source : Hill, 2002, à partir des données du Health and Retirement Study, 1995.

Participation au marché du travail et niveau de scolarité, selon trois catégories d’âge

Hill, 2002, à partir des données du Health and Retirement Study, 1995.

41Besl et Kale (1996), dans une étude fondée sur l’analyse des taux de scolarisation de la population par tranches d’âge, qu’ils affirment être directement corrélés aux taux de participation au marché du travail, prédisent, sur la base de la situation au Wisconsin, une rapide augmentation du taux de scolarité des plus jeunes cohortes, appelées à remplacer les cohortes sortantes moins scolarisées, et donc une rapide augmentation de la participation au marché du travail, y compris après 65 ans.

42Au plan du statut et de l’expérience du travail, Hardy (1991) constate que les titulaires de hauts salaires sont ceux qui retournent le plus sur le marché du travail. Pour Hayward, Hardy et Liu (1994), les travailleurs qui prennent le moins facilement leur retraite sont ceux dont les occupations antérieures sont caractérisées par une grande autonomie, des défis intellectuels et une faible dépense physique. Le rapport du US General Accounting Office (2001) inclut les données du Current Population Survey (CPS-March Supplement, 2000). Il indique que les 65-74 ans se retrouvent surtout dans des postes qui, généralement, exigent formation et expérience, souvent bien rémunérés et moins exigeants au plan physique. On les retrouve ainsi pour 62,4% parmi les « cols blancs » (gestion 16,1%; vente 15,4%; soutien administratif 15,4%; « professionnels » 14,5%), alors que 23,2% se retrouvent parmi les « cols bleus » et 14,5% dans les services. Une étude de Hill (2002) examine le cas des femmes âgées de 60 à 74 ans, à partir de données du National Longitudinal Survey of Labor Market Experience (1997). Parmi les emplois occupés, les activités « professionnelles » qualifiées demeurent les plus répandues : elles sont le fait de deux cinquièmes des 37% de femmes de 65-69 ans en emploi, et de plus du tiers des 11% de femmes de 70 ans et plus en emploi. En ce qui concerne la relation entre niveau de scolarité, parcours et intensité des emplois, les « professionnelles » qualifiées se distinguent par la continuité de leurs activités. Une scolarité et un statut antérieur de travail élevés jouent donc un rôle déterminant de même qu’une bonne connaissance du marché du travail et la détention d’aptitudes spécifiques.

43Pour ce qui est du sens du travail et du désir de travailler chez les travailleurs âgés, Ghilarducci (2001) constate que le désir de travailler après 65 ans semble très inégalement réparti parmi la population : il est « concentré dans quelques groupes sélects ». Selon l’Employee Benefit Research Institute (1995) cité par Ghilarducci (2001), ce sont les « professionnels » qualifiés bien rémunérés qui peuvent désirer travailler plus longtemps. Ceux qui ont connu une expérience de travail satisfaisante reviennent en emploi ou s’y maintiennent par choix (Han, Moen, 1999; Hayward, Hardy, Liu, 1994). Haider et Loughran (2001) confirment que plus on est riche, plus on maintient sa participation au marché du travail.

44Il y a donc clairement une dynamique de l’emploi « post-carrière » spécifique aux « compétitifs », qui connaissent des conditions d’emploi et de revenu satisfaisantes, qui détiennent des compétences recherchées et qui sont en mesure de participer à des réseaux de relations gratifiants. Ainsi, l’accès à des activités stimulantes et porteuses de défis est-il le privilège d’une faible minorité qui est en mesure de voir prolongées les conditions déjà favorables de son emploi d’origine. Kim et Feldman (2000) et Feldman et Kim (2000) ont traité des expériences d’un groupe particulier de retraités californiens, les professeurs d’université. Leurs deux articles complémentaires (fondés sur 400 entretiens qualitatifs) révèlent comment le départ à la retraite peut prendre plusieurs formes. Si 36% des répondants n’ont pas continué à travailler, 11% ont choisi le travail temporaire, 37% le temps partiel stable, 17% l’emploi à temps plein et surtout, au chapitre de l’expérience du travail « post-carrière », la satisfaction est remarquable : « plus l’emploi “post-carrière” se prolonge, plus grande est la satisfaction ». En bref, les aspects positifs incluent le désir d’assurer une continuité dans l’activité et dans l’organisation de la vie quotidienne, d’exercer des responsabilités, de participer aux décisions.

45Savinshinsky (2000) rapporte également que le travail des retraités est tout simplement celui de gens aux « extrêmes » dans le domaine des revenus. C’est pourquoi les personnes aisées, qui tirent plaisir et satisfaction de leur travail, choisissent de continuer à travailler après l’âge de la retraite, pour des raisons « non économiques ». Ce constat amène l’auteur à insister sur le fait que d’autres facteurs que les revenus doivent être pris en compte pour comprendre la dynamique de l’emploi « post-carrière », même s’ils sont beaucoup moins étudiés, probablement en raison de la difficulté même de les repérer et de les définir. Mais ils existent sans doute car toute décision est subjective et doit être analysée comme la résultante d’une série de facteurs que l’individu pondère selon des critères et des hiérarchies qui lui sont propres, quelle que soit sa condition économique. Dans cette perspective, Haider et Loughran (2001) notent que les revenus du travail « post-carrière » des individus interrogés dans le cadre du Current Population Survey (CPS-MS), du Health and Retirement Study (HRS) et de l’Asset and Health Dynamics Among the Older Old (AHEAD) (vagues de 1995 et 1998), même ceux gagnés par les mieux nantis et les professionnels, ne sont pas considérables [18]. Ces personnes sont prêtes à accepter ce fait car leurs activités leur plaisent et présentent de précieux avantages, dont la flexibilité. Cette appréciation positive de leur activité constitue de fait la motivation principale de la poursuite de leur activité. Pour les auteurs, « les préoccupations non pécuniaires jouent un rôle très important dans la décision des travailleurs âgés de retourner au travail, mais nous n’avons jusqu’ici aucune indication précise quant à l’importance et au rôle de ces facteurs. Nous pensons que les politiques qui influencent le retour au travail d’un strict point de vue monétaire auront moins d’impact que celles qui viseraient à agir sur des facteurs non monétaires ». À son tour, Hill (2004) insiste sur l’importance des facteurs non économiques dans la participation des femmes au marché du travail.

46Au plan du sens et de l’attachement au travail, on note que ceux-ci dépendent directement de l’autonomie et de la capacité de contrôle et d’initiative dont peut disposer le travailleur dans l’exercice de ses fonctions. Dans ce sens, selon Singh et Verma (2001), il apparaît que la décision de retour au travail est directement fonction d’un « attachement » au travail. L’étude de ces auteurs souligne qu’une relation étroite et statistiquement significative existe entre le retour à l’emploi à plein temps et l’« attachement » à l’emploi. Ainsi, ce sont les travailleurs faisant preuve du plus grand « attachement », et en particulier les cadresplus que les « cols blancs » ou les « cols bleus », qui retrouvent majoritairement des emplois à plein temps. C’est également une des conclusions de l’étude de Hill (2004) relative aux travailleuses âgées.

? Les « protégés », catégorie différente de celle des «compétitifs»

47Les « protégés » constituent une catégorie différente de celle des « compétitifs », dont ils se rapprochent toutefois par leur niveau élevé de scolarité, en ce qu’ils ne sont pas exposés aux « pressions et à la compétition du marché » comme on l’a dit antérieurement, et en ce que leurs comportements face à la retraite et au retour à l’emploi après la retraite semblent différer profondément de ceux des « compétitifs ». Lecas des « protégés » est particulièrement intéressant par le fait qu’il concerne la main-d’œuvre qualifiée qui se retrouve dans le secteur public et dans certaines grandes entreprises dotées de bons régimes de protection sociale. Les recherches, et donc les informations disponibles, sont toutefois beaucoup moins nombreuses et détaillées pour cet ensemble d’individus. Nous pensons malgré tout que les spécificités de cet ensemble sont telles qu’elles justifient de le construire de manière indépendante de celui des « compétitifs ».

48Au plan de la scolarité, les « protégés » sont hautement qualifiés, mais leur protection produit chez eux un rapport au travail « post-carrière » différent de celui des « compétitifs »: une fois l’accès à la retraite possible, ils se retirent et ne reviennent pas en emploi, ou alors dans des formes marginales, dans des secteurs différents de celui de leur carrière principale, et probablement davantage marqués par une quête de sens que par une quête de rémunération supplémentaire (Hayward, Hardy, Liu, 1994). Han et Moen (1999) constatent, à leur tour, que les gens à carrière continue ont tendance à ne pas retourner en emploi, probablement parce qu’ils n’en ont pas besoin ou qu’ils anticipent le risque pour eux d’être confrontés à des règles du marché qui leur seraient très défavorables. Pour Mutchler, Burr, Pienta et Massagli (1997), la possibilité de bénéficier d’une bonne pension d’entreprise est directement associée à une forte probabilité de sortie définitive.

? Conclusion

49Les travaux de recherche américains, consacrés au phénomène des emplois « post-carrière », mettent en évidence le nombre croissant de personnes possédant un statut à la fois de retraité et d’actif sur le marché du travail, sachant que ce double statut se décline en une variété de modalités. Les frontières de plus en plus floues entre travail et retraite témoignent d’une diversité croissante des parcours professionnels individuels. Le phénomène est statistiquement important puisqu’il touche, à des degrés divers, plus de 18 millions de travailleurs et travailleuses âgés de plus de 55 ans, et plus de 4 millions âgés de plus de 65 ans. Il est en outre appelé à connaître une croissance rapide.

50Les facteurs structurels et institutionnels qui contribuent à expliquer l’essor de ces emplois relèvent à la fois d’une culture individualiste du travail extrêmement contraignante, si on la compare à celle qui prévaut dans la plupart des pays industrialisés dotés de régimes de protection sociale développés, d’un encadrement juridique du travail très souple et permissif, d’une faible obligation faite aux entreprises d’assurer des régimes de retraite à leurs employés, de l’absence d’un système public universel de soins de santé, d’une obligation croissante faite aux travailleurs d’assumer eux-mêmes les risques associés à la gestion de leur plan individuel de pension et de modifications apportées à la Social Security qui vont contribuer à en réduire progressivement les conditions d’octroi et le montant des prestations.

51Les principaux résultats des recherches mettent en évidence une forte différenciation sociale des itinéraires d’emploi « post-carrière ». Nous les avons regroupés en trois ensembles de travailleurs : les « précaires », les « compétitifs » et les « protégés », eux-mêmes traversés par des dynamiques de genre, d’ethnicité et de « race » spécifiques. Pour chacun de ces ensembles, les facteurs de ressources financières, de scolarité et detype de carrière professionnelle dessinent des rapports à l’emploi « post-carrière » très distincts.

52Pour les premiers, très majoritaires, il s’agit d’un retour à l’emploi « obligé », dans des conditions encore plus défavorables que celles que les travailleurs concernés ont connues durant leur vie active.

53Pour les seconds, les avantages matériels et symboliques qu’ils ont connus durant leur carrière tendent à se cumuler, ce qui les amène à trouver dans leur emploi « post-carrière » non seulement des revenus importants, mais beaucoup de sens et de satisfaction. Pour les derniers, les conditions de travail particulièrement favorables au plan de la protection sociale, dont ils ont pu bénéficier et dont ils vont pouvoir continuer à bénéficier une fois arrivés au terme de leur carrière, tendent à les écarter de l’emploi « post-carrière », malgré le haut niveau de scolarité et de compétences généralement considéré comme un gage de retour à l’emploi, une fois la carrière achevée.

54Enfin, nous l’avons souligné d’entrée de jeu, un constat s’impose : celui d’un sérieux manque de connaissances fines relatives aux itinéraires « post-carrière » des travailleurs de plus de 65 ans, au moment même où l’on promeut de plus en plus le travail tardif comme solution aux problèmes de financement des retraites. Les chercheurs se sont surtout préoccupés de la « sortie anticipée » depuis les années quatre-vingt et se sont peu penchés sur la sortie tardive. Les débats publics entourant le report de l’âge normal de la retraite, au cours des années quatre-vingt-dix, font dire à Rix (1999) qu’on sait encore peu de choses sur les impacts d’un tel report. La rhétorique montante du maintien ou du retourau travail des plus âgés qui semble se développer à l’échelle internationale (Biggs, 2001) devrait être confrontée à ce constat de Martin et Stroh (2003) : « Nos connaissances sont beaucoup plus limitées qu’on ne l’imagine pour ce qui a trait aux conditions d’une extension de la vie de travail. Nous sommes encore très mal préparés à faire face aux événements que nous sommes pourtant censés anticiper depuis des années. »

Notes

  • [1]
    Défini comme un emploi détenu pendant au moins dix ans (Ruhm, 1990).
  • [2]
    Les centres de recherche à partir desquels elles sont dirigées (par exemple, l’un des principaux d’entre eux, le Center for Retirement Research at Boston College (CRR) sont généralement associés aux principaux think tanks américains en matière de politique sociale. Ainsi, siègent au conseil d’administration et au conseil scientifique du CRR des représentants de l’American Enterprise Institute (républicain conservateur), de la Brookings Institution (démocrate libéral) et de l’Urban Institute (démocrate libéral).
  • [3]
    Think tanks : groupes de réflexion.
  • [4]
    On trouvera une présentation des caractéristiques de la politique publique de l'emploi aux États-Unis par Coralie Perez, du Centre d'études de l'emploi, dans Barbier et Gautié (1998).
  • [5]
    Les revenus de régimes d’entreprise étaient versés en 2001 à 35% des plus de 65 ans pour un montant médian annuel de 8136$ et une moyenne annuelle de 12187$. Ces versements concernaient 44,7 % d’hommes et 27,6 % de femmes (rapport hommes/femmes : 62 %) pour des montants respectivement de 10500 $ (médiane, hommes) et 15201 $ (moyenne, hommes) et 5760 $ (médiane, femmes) et 8599$ (moyenne, femmes) (rapport hommes/femmes pour la prestation moyenne : 57 %) (Ebri, 2003).
  • [6]
    18% des 50 millions de bénéficiaires du Medicaid sont âgés de plus de 65 ans. Leur état d’extrême pauvreté les rend éligibles, selon certains critères – toutefois de plus en plus restrictifs puisque le Medicaid est administré par les États et que ceux-ci s’efforcent d’en réduire les coûts – à la « couverture supplémentaire » du Medicaid (Kaiser Commission on Medicaid and the Uninsured, 2004). Voir également www. cms. hhs. gov/ medicaid/ eligibility/ criteria. asp.
  • [7]
    Seule une sélection de médicaments est couverte, quoique la toute récente loi (décembre 2003) destinée à soutenir le coût des médicaments du Medicare à hauteur de 400 milliards de dollars devrait être spécifiquement utilisée, pour un tiers de ce montant, à venir en aide aux personnes âgées très défavorisées dans l’incapacité de payer leurs médicaments. C’est d'ailleurs, soutient Newsweek du 22 décembre 2003, p. 37, l’une des principales raisons pour laquelle l’AARP a accordé son appui à la loi.
  • [8]
    Les soins de longue durée relèvent du Medicaid et sont donc soumis à conditions de ressources.
  • [9]
    En 2000,43 millions de personnes ne bénéficiaient ni du Medicaid, ni d’aucune forme d’assurance maladie (Kaiser Commission on Medicaid and the Uninsured, 2002).
  • [10]
    C’est l’individu retraité qui assume les risques actuariels, et non sa caisse de retraite ou son entreprise : il sait combien il verse, mais il ne sait pas combien il retirera. Le marché boursier en décidera. Alors que dans un régime à prestations définies, le niveau de prestation est déterminé en fonction du niveau de salaire et des années de service. Dans le cas des régimes à contributions définies (régimes de l’art. 401 (k) de la loi sur le revenu), les contributions sont exemptées d’impôts pour l’année où elles sont versées et l’employeur doit à son tour contribuer partiellement au régime du futur retraité.
  • [11]
    Voir les reportages de Newsweek, 19 août 2002, p. 26-31 et de Time, 29 juillet 2002, p. 19-27, au titre particulièrement évocateur : Everyone, Back in the Labor Pool !
  • [12]
    Social Security Retirement Earnings Tests ou RET. Jusque-là, trois dollars de revenus de travail entraînaient la réduction d’un dollar de prestations au-delà du seuil de 17000 $ ; ce seuil a augmenté jusqu’à 30000 $ en 2002 et sa progression continuera au cours des prochaines années, en fonction de l’augmentation des revenus moyens. Le critère RET n’est toutefois pas éliminé pour les personnes n’ayant pas atteint l’âge de 65 ans.
  • [13]
    Série statistique ordonnée en cinq parties d’effectifs égaux.
  • [14]
    Tenir compte de l’ethnicité et de la « race » est important aux États-Unis car, selon Myles (1996, p. 129), le caractère décentralisé de la protection sociale et l’opposition traditionnelle à une fonction de transfert de la politique sociale sont liés au clivage fondamental qui continue à marquer la politique sociale, à savoir la race. Les enquêtes du Health and Retirement Study permettent à plusieurs auteurs (Calasanti, 2002; Calasanti, Slevin, 2001; Choi 2000a, 2000b, 2001,2002; Flippen, 2000; Szinovacz, 1999; Szinovacz, De Viney, Deavey, 2001; Williamson, McNamara, 2001) de prendre en compte ethnicité et « race » dans leurs analyses.
  • [15]
    Dubet, à son tour, les a réinterprétées dans son ouvrage Dans quelle société vivons-nous ?, Paris, Seuil, 1998.
  • [16]
    Il ne nous est pas possible de rapporter ici l’influence des facteurs relatifs à l’ethnicité et à la « race » qui, pourtant, jouent un rôle significatif.
  • [17]
    C’est surtout immédiatement après la prise de retraite et au plus tard au cours de la première ou de la deuxième année suivant celle-ci que se produisent les retours sur le marché du travail (Hayward, Hardy, Liu, 1994). Et dans cette étude, c’est un tiers des répondants qui retournent sur le marché du travail.
  • [18]
    Au sujet des revenus du travail, le rapport du USGAO (2001) indique que les personnes de 65 à 74 ans gagnaient, en 1989,10431$ par an et en 1999,12422 $ en moyenne.
Français

Les travaux de recherche américains consacrés au phénomène de l’emploi «post-carrière» mettent en évidence le nombre croissant de personnes possédant un statut à la fois de retraité et d’actif sur le marché du travail, sachant que ce double statut se décline en une variété de modalités. Lesfrontières entre travail et retraite sont de plus en plus floues et elles témoignent d’une diversité croissante des parcours professionnels individuels. Après avoir identifié divers facteurs structurels et institutionnels qui contribuent à expliquer cet essor de l’emploi «post-carrière», cet article synthétise les principaux résultats des recherches autour du constat d’une forte différenciation sociale entre trois ensembles de travailleurs: les «précaires», les «compétitifs» et les «protégés», eux-mêmes traversés par des dynamiques de genre et de «race» spécifiques. Pour chacun de ces ensembles, les facteurs de ressources financières, de scolarité et de type de carrière professionnelle, dessinent des rapports à l’emploi «post-carrière» très distincts. Pour les premiers, largement majoritaires, il s’agit d’un retour à l’emploi «obligé», dans des conditions encore plus défavorables que celles qu’ils ont connues durant leur vie active. Pour les seconds, les avantages matériels et symboliques qu’ils ont connus durant leur carrière tendent à se cumuler, ce qui les amène à trouver dans leur emploi «post-carrière» non seulement des revenus importants, mais aussi beaucoup de sens et de satisfaction. Pour les derniers, leurs conditions de travail particulièrement favorables au plan de la protection sociale dont ils ont pu bénéficier, et dont ils vont pouvoir continuer à bénéficier une fois arrivés au terme de leur carrière, tend à les écarter de l’emploi «post-carrière», malgré le haut niveau de scolarité et de compétences qui est généralement un gage de retour à l’emploi, une fois la carrière achevée.

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Frédéric Lesemann
Institut national de la recherche scientifique, Montréal
Julie BEAUSOLEIL
Université du Texas, Austin
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2007
https://doi.org/10.3917/rs.042.0009
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