CAIRN.INFO : Matières à réflexion

De la sorte, l’engagement sur le marché du travail et le choix d’occuper tel ou tel emploi relèvent intégralement d’une axiomatique classique de la rationalité du comportement de maximisation sous contrainte : le choix d’exercer une activité rémunérée ne se distingue en rien d’une dépense d’énergie, et peut être entièrement compris comme un arbitrage entre le sacrifice de bien-être qu’impose l’effort et le gain de bien-être que procurent les biens et le loisir acquis en contrepartie de la rémunération de l’effort productif.
Or, le corrélat essentiel d’une telle analyse est la simplification extrême de la réalité du travail, qui fait obstacle à l’observation la plus élémentaire des situations d’emploi et des degrés très variables de la désutilité ressentie dans l’accomplissement du travail. D’une part, chaque travail et chaque emploi doivent être vus comme une combinaison particulière de caractéristiques. D’autre part, si l’on peut décrire dans le vocabulaire de la consommation certains éléments du choix et de l’exercice d’un travail qui font l’objet d’une compensation monétaire, l’individu au travail ne peut pourtant pas être assimilé à un simple consommateur. Il ne choisit pas simplement le niveau d’investissement scolaire au terme duquel il sera plus ou moins diplômé. Et surtout, l’exercice du métier transforme l’individu, dans la mesure où l’extension dans le temps de l’activité professionnelle et de la relation d’emploi permet à des compétences et à des qualités non présentes à l’origine d’émerger et de se développer : l’expérience acquise et l’exercice de l’emploi renseignent l’individu sur des capacités qu’il détenait à l’état virtuel, ou lui procurent des compétences supplémentaires, bien au-delà de sa formation initiale…

Français

Le travail est généralement traité comme une grandeur négative en analyse économique classique, où il reçoit la qualité restrictive de désutilité (d’utilité négative), c’est-à-dire de dépense d’énergie individuelle en échange d’un salaire et de biens de consommation auxquels ce salaire donne accès. Ce sont le loisir et les biens de consommation qui sont sources de satisfaction et de bien-être individuel, le travail apparaissant alors comme une consommation négative.

English

Working in uncertainty

Working in uncertainty

In classical economics, work is normally calculated as a negative value and restrictively qualified as a disutility (or negative utility), i.e., the sacrifice of a person’s energy in exchange for wages and the consumer goods affordable thanks to wages. Leisure and consumer goods are the sources of individual satisfaction and well-being, whereas work is a form of negative consumption. A diametrically opposite view exists that sees work as a typically positive value involving the person’s creativity and self-expression. The positive value of work is celebrated by a current of thought that insists on the extraeconomic reality of authentically inventive activities. This is the ideally desirable form of work.

Deutsch

Arbeit und Unsicherheit

Arbeit und Unsicherheit

In der klassischen Wirtschaftsanalyse wird die Arbeit im Allgemeinen wie eine negative Größe behandelt, der die restriktive Qualität der negativen Nützlichkeit zukommt, d.h. der individuellen Energieaufwendung als Gegenleistung für ein Gehalt und für Verbrauchsgüter, zu denen dieses Gehalt Zugang gewährt. Es sind die Freizeit - und Verbrauchsgüter, die die Quellen der Zufriedenheit und des individuellen Wohlstands sind, während die Arbeit als negativer Verbrauch anzusehen wäre. Es gibt jedoch eine genau entgegengesetzte Anschauungsweise, die in der Arbeit einen typisch positiven Wert sieht, weil sie Kreativitäts - und Ausdruckspotentiale freisetzt. Dieser positive Wert der Arbeit wird von einer ganzen Analysetradition gewürdigt, in der die außerökonomische Realität der wirklich erfinderischen Tätigkeit betont wird und in der diese als ideale und wünschenswerte Form der Arbeit definiert wird.

Español

Cómo actuar frente a la incertidumbre

Cómo actuar frente a la incertidumbre

Por regla general el trabajo es tratado como un valor negativo en el análisis económico clásico. En éste se le atribuye la calidad restrictiva de utilidad negativa ; es decir, de gasto de energía individual a cambio de un salario y de bienes de consumo a los cuales este salario da acceso. Al considerar el tiempo libre y los bienes de consumo como fuentes de satisfacción y bienestar individual, el trabajo aparece como un consumo negativo. Por otra parte, existe también una visión estrictamente opuesta que considera el trabajo como un valor positivo, que emplea los recursos de creatividad y de expresión de cada quien. Este valor positivo del trabajo es empleado por toda una tradición de análisis que insiste en la realidad extra-económica de la actividad auténticamente inventiva y que hace de ésta la forma idealmente deseable del trabajo.

Pierre-Michel Menger [*]
  • [*]
    Directeur d’études EHESS – Directeur de recherche CNRS – Centre de sociologie du travail et des arts.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 12/10/2013
https://doi.org/10.3917/re.057.0059
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