CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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1En 1992, Gabriel Dupuy concluait un ouvrage sur l’Informatisation des villes par l’annonce de l’émergence de la « ville intelligente ». Il entendait par là des formes d’automatisation informatique de différents processus de gestion des réseaux urbains [1]. Un quart de siècle plus tard, l’expression « ville intelligente » revient au premier plan comme traduction de « smart city ». Cette dernière expression est souvent associée à un discours de 2005 de Bill Clinton en présence du président de Cisco, ou à la promotion par IBM (Harisson et al., 2010) d’une nouvelle offre de service de gestion intégrée de données aux administrations municipales combinée avec la mise en place d’un challenge « smarter city ». Dans la littérature scientifique, « smart city » commence à prendre le pas sur d’autres expressions voisines à partir de 2006 (de Jong et al., 2015).

2Le succès de l’expression est lié à son ambiguïté : « city » peut désigner aussi bien l’institution politique et administrative que la réalité sociale des agglomérations et tout particulièrement les habitants, « smart » évoquant le recours aux dernières nouveautés technologiques (« smart city » résonnant avec smartphone) ou l’intelligence dans toutes ses dimensions, des pratiques communautaires aux activités économiques innovantes en passant par des efforts pour le développement durable. Le programme d’innovation « smart cities and communities » de la Commission européenne [2] illustre tout particulièrement la fructification de cette ambiguïté, par la promotion de solutions technologiques directement commercialisables et la mise en récit de l’importance des pratiques démocratiques des « communautés » de quartiers.

3L’anticipation des possibilités offertes et le décryptage de ces discours « smart » dans leur complexité constituent en soi un premier objet d’étude. Dominique Boullier (2016) perçoit l’émergence de la « ville IBM », de la « ville Google » et de la « ville Wiki ». François Ménard (2017) identifie des partages proches à partir de trois principes centraux : « l’optimisation fonctionnelle de la ville gouvernée », « l’optimisation individuelle de l’urbanaute connecté » et « l’optimisation horizontale du peer to peer citadin ». Antoine Picon, après avoir prédit une partie des évolutions actuelles des pratiques des urbains à partir de la science-fiction et de la figure du cyborg (Picon, 1998), pointe à côté de la « tentation néo-cybernétique », le passage à la ville « des événements et des scénarios » (Picon, 2014) et il rappelle l’importance maintenue de la dimension spatiale de cette intelligence (Picon, 2015). Chirag Rabari et Michael Storper (2014) insistent sur l’extension du domaine du libéralisme économique permise par la libre circulation des données, alors que Pierre Beckouche (2019) note le fait que la facilité de rapprocher les données conduit à une plus grande intégration d’univers fortement différenciés. L’analyse des relations entre la « fiction » et l’innovation au concret est au cœur d’un numéro de la revue Quaderni (Gorra et Gobin, 2018) qui permet d’approfondir les enjeux politiques et sociaux, ainsi que les ressources potentiellement associées aux projets urbains les plus récents. Dans ce numéro, Jean-Marc Offner, le directeur de l’agence d’urbanisme de Bordeaux (Offner, 2018), ou Éric Piolle, le maire de Grenoble (Brookes, 2018), insistent sur l’importance d’une coproduction de la ville. C’est ce même thème que l’on retrouve dans la thèse de doctorat d’Ornella Zaza (2018), sur la reformulation « smart » du projet urbain de la ville de Paris. L’argument rhétorique, ici, ne s’oppose pas à la réalisation pratique. Il est même l’un des outils les plus puissants de justification et de légitimation symboliques.

4Cependant, si l’on souhaite s’attacher aux « real smart cities » (Shelton, Zook et Wiig, 2015 ; Anthopoulos, 2017), il faut bien choisir un angle particulier d’analyse. Des chercheurs ont ainsi pu étudier l’impact des nouvelles technologies sur les pratiques des habitants, en particulier autour de la transformation des pratiques de déplacements urbains, qui a fait l’objet de numéros spéciaux de Réseaux (Aguiléra et Rallet, 2016) et de Netcom (Aguiléra et Belton-Chevallier, 2017). Des travaux ont pu également prendre pour objet des reformulations globales du projet urbain à l’échelle d’un pays, comme en témoigne un numéro de la revue Flux sur les smart cities asiatiques (Henriot et al., 2018) ou les perspectives d’évolution de la régulation urbaine associées aux plateformes et aux algorithmes (Courmont et Le Galès, 2019). Des recherches ont par ailleurs amené à interroger la possibilité même d’une intelligence nouvelle, « par le bas », de la ville avec les associations (Eveno et Gibbert, 2016), et l’hypothèse d’une réinvention possible de l’économie de la connaissance (Attour et Rallet, 2014).

5Nous lèverons ici l’ambiguïté en considérant la « ville » comme l’administration municipale, et « l’intelligence » sous un versant essentiellement technologique. Les technologies étudiées comprennent la généralisation du smartphone avec en particulier la fonction GPS, l’internet des objets avec la baisse du coût des capteurs, les plateformes bifaces, le développement de nouvelles méthodes d’analyse des données (traitement de bases de données en temps réel, analyse automatique des images, etc.). Ce choix, volontairement restrictif, nous maintient au cœur de la discussion sur les villes intelligentes. Un relevé des projets labellisés « smart city » ou « ville intelligente » dans vingt villes françaises montre en effet que ces projets, pour la plupart, correspondent avant tout à la mise en œuvre de nouvelles technologies dans l’offre de service impliquant des administrations municipales (Jeannot, 2019).

6Cela se traduit par une série de questions : qu’est-ce que l’élaboration et la mise en place des projets liés à la ville intelligente font, concrètement, aux administrations municipales ? Dans quelle mesure et selon quelles modalités la question de la ville intelligente est-elle prise en charge par les élus d’un côté et, de l’autre, par les techniciens et les responsables des services administratifs des villes et des métropoles ? Entre les différents services qui peuvent prétendre occuper une position de pilote de la coordination (Direction des systèmes d’information, systèmes d’information géographique, transport, communication…), lesquels s’imposent et quelles coordinations s’établissent in fine ? Assiste-t-on à un renforcement de la démocratie participative (par exemple en soumettant des décisions d’aménagement au vote des citoyens par smartphone) ou plutôt à de nouvelles formes de participation active des citoyens à la production ou l’exploitation des données urbaines, relevant de formes de « coproduction » des repères chiffrés de la ville ? Comment prennent place aux côtés des grands groupes de services traditionnels – interlocuteurs des administrations locales – de grandes entreprises spécialisées (IBM, CISCO) et une myriade de start-up ?

7Le projet de ce numéro permet d’engager un débat collectif au croisement de deux traditions de recherche distinctes, l’une sur les smart cities et l’autre sur les transformations de l’administration associées aux nouvelles technologies. Dans la mesure où les travaux français sont d’emblée plus internationalisés pour le premier volet que pour le second, nous partirons d’une littérature internationale avant d’évoquer une perspective française.

8Nous présenterons tout d’abord les recherches sur les smart cities, puis celles sur les transformations de l’administration associées aux nouvelles technologies avant de présenter de manière synthétique les quatre articles de ce dossier en portant l’attention sur les coordinations organisationnelles et professionnelles internes aux administrations municipales et sur les interactions nouvelles avec les citoyens et les entreprises. Les articles ici réunis peuvent in fine être compris comme une actualisation du travail initial de Gabriel Dupuy sur l’informatisation des villes. Toutefois, alors que l’évocation de la « ville intelligente » correspondait, à l’époque, à l’espoir d’un approfondissement de la maîtrise publique de la gestion des municipalités, se dessine aujourd’hui un doute sur la possibilité même d’une telle maîtrise, une crainte que la ville intelligente puisse se faire sans les villes, c’est-à-dire sans les élus et sans leurs interlocuteurs des administrations municipales.

La recherche sur les « smart cities » : entre discours et pratiques

9L’expression « smart city » ne s’impose que récemment dans les travaux académiques. Un relevé systématique dans la base de données généraliste SCOPUS mené en 2015 montre que l’expression commence à se généraliser à partir de 2006 (avec plus de 40 articles par an) pour s’étendre plus largement après 2013 (plus de 100 articles par an) (de Jong et al., 2015). Elle se trouve auparavant en concurrence avec d’autres manières de saisir les mutations technologiques, par exemple à travers une « ubiquitous city », « digital city » ou « information city ». Aujourd’hui, la recherche est cependant foisonnante et on peut renvoyer à de riches synthèses sur le sujet (Cochia, 2014 ; Neirotti et al., 2014). On peut également, de manière schématique pour un premier recensement en français, dégager cinq orientations principales de recherche qui correspondent à des postures et des disciplines clairement distinctes.

Les pionniers de la prospective technologique

10Les premiers travaux sur les « smart cities » sont des travaux de prospective technologique se développant après 2010. Des mises en perspective des nouvelles opportunités technologiques sont ainsi proposées dans des proceedings de congrès d’informatique par des scientifiques issus des technologies de l’information (IT) qui promeuvent de nouvelles applications pour la ville (Shaffers et al., 2011 ; Batty et al., 2012). À la même époque émergent également des relevés à grande échelle d’expériences de développement de nouvelles technologies urbaines liées au numérique (Chourabi et al., 2012).

Le développement d’une approche normative

11De manière concomitante, mais décalée par rapport à ce parti pris technologique, d’autres approches ont réintroduit l’humain et soutenu que l’intelligence ne se réduisait pas aux nouvelles technologies. La principale référence en la matière est un travail à visée normative définissant de manière très large la ville intelligente pour le compte de la Commission européenne (Giffinger et Gudrun, 2010). Ce rapport présente six dimensions de « l’intelligence » : l’innovation, la formation, la bonne gouvernance, la qualité de vie, la préservation de l’environnement et les déplacements durables. Cette prétention normative se retrouve dans diverses tentatives pour associer l’intelligence aux objectifs de développement durable ou pour renouveler l’économie de la connaissance. La lecture de listes de définitions montre que, dans tous les cas, et malgré les dénégations affichées, innovations technologiques et visée d’amélioration de la vie urbaine sont associées dès que le terme « smart » est employé (Cochia, 2014).

Des perspectives critiques issues des études urbaines

12Une posture critique de ces prospectives technologiques et des discours normatifs qui les accompagnent va se déployer dans des revues de géographie et d’études urbaines à propos des questions de démocratie et de privatisation. En premier lieu, les nouvelles offres technologiques excluraient les habitants (Hollands, 2008) et participeraient d’une nouvelle forme de technocratisation de l’urbain (Greenfield, 2013 ; Vanolo, 2014). Cette interrogation sur le potentiel démocratique de la technologie a été reprise et retravaillée en France à partir de l’open data (Denis et Goëta, 2017 ; Goëta et Mabi, 2014 ; Denis, Strauch et Damon, 2013), de l’introduction de technologies nouvelles de démocratie participative (Zaza, 2016) ou, de manière plus générale, en référence à l’appel à une « responsive city », une ville qui répondrait plus immédiatement aux demandes et aux besoins des citoyens (Desponds et Nappi-Choulet, 2018). En second lieu, les évolutions observées seraient l’occasion de nouvelles formes de privatisation de la production urbaine. L’interrogation sur ce thème a d’abord porté sur la prise de pouvoir des majors du numérique (Wiig, 2015 ; Hollands, 2015) et sur leur capacité à s’adapter aux contraintes du jeu politique en vue de promouvoir leur propre vision de la ville intelligente (Wiig, 2016). Les nouveaux partages public-privé ont constitué l’une des thématiques privilégiées des premières enquêtes menées en France, à partir d’études de cas sur les offres d’optimisation énergétique portées par Toshiba à Lyon Confluence (Faivre d’Arcier et al., 2016) ou soutenues par Cisco à Issy-les-Moulineaux (Veltz, Rutherford et Picon, 2019). Des réflexions plus générales ont également porté sur le repositionnement des groupes traditionnels de service dans le domaine des transports (Huré, 2017) et des villes sobres (Lorrain, Halpern et Chevauché, 2018) ou sur la régulation de nouvelles offres de service associées à des plateformes (Waze, Uber, Airbn’b, Free floating) (Courmont, 2018a). Le développement du numérique favoriserait au final des modalités différenciées d’intégration de l’offre urbaine (Charreyron-Perchet et Daniélou, 2012), s’appuyant sur une reformulation tacite des problèmes économiques et sociaux prioritaires pour les municipalités (Bernardin, 2018). Il mènerait à une forme nouvelle de privatisation des villes (Baraud et Serfati, 2011), témoignant du déploiement de nouveaux capitalismes urbains (Huré, 2017), au-delà même des tentatives, déjà dépassées peut-être [3], de repositionnement des majors du numérique sur l’urbain (Courmont, 2018b).

L’apport des « Science and technology studies »

13Les approches de « science and technology studies » (STS) offrent un contrepoint notable aux travaux que nous venons d’évoquer. En délaissant l’exercice de la dénonciation pour interroger les conditions d’émergence et de généralisation des innovations, elles ont pu notamment mettre en avant des formes de « dépendances au sentier » technologique (Meijer et Thaens, 2016), reprendre l’analyse multiniveaux des innovations et régimes sociotechniques (Carvahlo, 2014 ; Raven et al., 2019), approfondir les réflexions sur les infrastructures (Kitchin, 2014 ; Boenig-Liptsin, 2017) ou porter une attention nouvelle au recours systématique à l’expérimentation dans ces politiques (Evans, Karvonen et Raven, 2016). On retrouve des déclinaisons françaises de ces approches sur les régimes sociotechniques (Jeannot, 2019) et la duplication possible de l’innovation locale (Laurent et Pontille, 2019) ou encore sur les infrastructures (Picon, 2018 ; Marquet, 2018 ; Veltz, Rutherford et Picon, 2019) et tout particulièrement du rôle des expérimentations : vélos en libre-service à Paris (Tironi, 2013), compteur Linky à Lyon (Lamb, 2018) ou à l’étranger dans des villes comme San Francisco (Laurent et Talvard, 2017), Medellín (Talvard, 2019), ou les villes africaines (Eveno et Guibbert, 2016). Les aspects cognitifs des choix liés au codage des données préalable à leur circulation dans l’open data (Courmont, 2015) et le fait qu’il faille « brutifier » les données pour les détacher de leur contexte de production (Denis et Goëta, 2013) ont ainsi fait l’objet de développements originaux. Ces travaux de STS visent à apprécier le potentiel de transformation globale de la matérialité urbaine et de sa gouvernance par les nouveaux dispositifs technologiques associés à la smart city. Cependant, la plupart d’entre eux n’ouvrent pas la boîte noire de l’administration municipale.

Les pistes concernant l’administration publique

14Les transformations des administrations publiques associées à la smart city ne sont encore abordées que de manière limitée dans les revues spécialisées dans l’analyse des politiques publiques ou la sociologie de l’administration. C’est principalement autour de quelques chercheurs du « Center for technology in government » de Albany University qu’ont été explicitement établis des liens entre la thématique du e-government et de la smart city. Et ces travaux pionniers ont mis en évidence des enjeux complexes de coordination au sein des organisations publiques. Taewo Nam et Theresa A. Pardo caractérisent ainsi les villes intelligentes comme des « entreprises d’interopérabilité » (Pardo, Nam et Burke, 2012). Leurs travaux concernent plus particulièrement l’architecture des process de production (sous leur forme informatisée et au-delà), les modalités de la relation de service, le management transversal des services, l’intégration des différentes politiques publiques, les dimensions de marketing et le pilotage global de l’ensemble (Nam et Pardo, 2011a). Selon ces mêmes auteurs (Nam et Pardo, 2011b), les risques organisationnels décrits plus généralement à propos du gouvernement électronique paraissent directement transposables au cas des villes intelligentes. Au cœur de ces risques se trouve le fait que la maîtrise de l’information en interne comme en externe aux administrations est un enjeu majeur de pouvoir et de rapports de force. La possibilité pour un professionnel « intermédiaire » (Khanna et Venters, 2013) d’établir des liens entre différents secteurs et différents niveaux de responsabilité se présente aussi comme un facteur essentiel de réussite de la coordination entre les services administratifs. La transformation de l’administration est également abordée à travers les conséquences internes des opportunités nouvelles de coproduction des services par la population (Linders, 2012) ou du crowdsourcing governemnt (Liu, 2017) avec des impacts potentiellement contradictoires sur la démocratie (Clifton, 2019) ou encore sur des questions originales de privacy associées à la possibilité d’identifier et de prendre pour cible des personnes associées à ce travail de coproduction (par exemple, le mauvais citoyen qui ne trierait pas ses déchets) (Van Zoonen, 2016).

15Dans le contexte français, c’est avant tout la thèse d’Antoine Courmont qui a abordé les transformations de l’administration municipale (Courmont, 2016). On retrouve également des éléments d’observation des recompositions de l’administration à propos des effets de dispositifs comme « fix my street » ou « open street map » (De Feraudy et Saujot, 2017 ; Monthubert Morette, 2016 ; Denis et Pontille, 2013). Les questions d’organisation sont aussi évoquées dans des rapports officiels. Le rapport au Premier ministre de Luc Belot (2017) entame d’ailleurs une discussion sur les différentes possibilités de positionnement d’une mission « ville intelligente », rattachée directement au directeur, collégiale, placée dans une direction thématique (en particulier la direction des affaires économiques) ou encore externalisée, par exemple dans une société d’économie mixte. Toutefois, ce rapport ne discute pas l’évolution possible des relations entre différentes directions de l’administration municipale.

Les recherches sur l’informatisation des administrations : des progiciels de gestion au gouvernement électronique et à l’open data

16Prendre au sérieux, alors que l’on parle de la « ville intelligente », la manière dont les administrations sont impactées par l’intégration de nouvelles technologies conduit à inscrire notre propos également dans une tradition de recherche sur l’informatisation des administrations. Pour ce faire, nous nous focaliserons sur des travaux français traitant du sujet. Comme dans le secteur privé (Mallard, 2014), l’évolution des thématiques de recherche sur « l’inscription des TIC dans les univers productifs » suit ici l’évolution des technologies. Cela sera en particulier le cas, dans le public, des chantiers, en partie successifs, de l’équipement, de la transformation interne des organisations, de la transformation des interfaces avec le public et, enfin, de l’ouverture des données.

17Les débuts de l’équipement informatique de l’administration ont été peu étudiés. On peut évoquer cependant quelques travaux concernant les administrations municipales. Gabriel Dupuy (1992), en remontant à l’arrivée des premiers ordinateurs personnels (PC) dans les administrations municipales et aux premières applications de comptabilité, fait ressortir deux domaines contrastés de l’informatisation, le premier lié aux activités administratives, objets de lenteurs institutionnelles, et le second lié à l’ingénierie et à la gestion automatisée des réseaux, qui se développe plus facilement. Dans une démarche sociohistorique, Pierre Yves Baudot (2011) propose quant à lui d’analyser la manière dont le ministère de l’Intérieur a déployé, sur la période 1966-1975, le « plan calcul » pour soutenir le processus d’informatisation dans les administrations centrales et les collectivités locales. Le projet de développement de « Management information systems » vise en résumé une transformation globale des relations entre administration centrale, services déconcentrés et collectivités locales. L’enquête met néanmoins en lumière une grande diversité d’appropriations témoignant de l’autonomie relative des collectivités locales en la matière.

18De grands chantiers de réforme qui associent transformation des organisations et informatisation vont constituer un domaine important d’attention sociologique. Dans un travail précurseur sur ce thème, Haroun Jamous et Pierre Grémion (1978) prennent l’exemple des bases de données urbaines pour mettre en avant, dans le sens des travaux de Michel Crozier, les enjeux de pouvoir associés à des intérêts divergents des différents services de l’administration municipale. Ils pointent aussi, de manière plus inattendue, des difficultés cognitives liées à l’impossibilité de définir un format de données qui puisse correspondre à l’ensemble des finalités identifiées. Trois décennies plus tard, la thèse de Laura Parente sur le projet Copernic du ministère des Finances montre comment une intégration de l’informatique est venue suppléer à l’échec de la fusion entre deux grandes directions de ce ministère. Elle peut ainsi se demander qui de l’organisation ou de l’informatisation l’emporte, plaidant plutôt pour l’organisation (Parente, 2007). Plus récemment, ce sont de grands progiciels de gestion intégrée dans le secteur social qui ont été l’objet d’attention de politistes et de sociologues. Magali Nonjon et Guillaume Marel (2015a), dans un dossier de Gouvernement et action publique, puisent notamment dans un cadre d’analyse du gouvernement par les instruments pour mener à bien leurs travaux (Lascoumes et Le Galès, 2005). Ils parviennent à des résultats proches de ceux concernant l’étude de la mise en place des ERP dans les entreprises (Segrestin, 2004). Si la volonté d’intégration est forte, elle n’est en effet pas unifiée, divers acteurs de l’organisation projetant différentes intentions dans ces progiciels de gestion intégrée. Les solutions proposées par les éditeurs sont dès lors incomplètes, des problèmes techniques retardant la mise en œuvre, et des décisions pouvant continuer à être prises à partir de dossiers papier ou de tableurs bricolés. Ces progiciels de gestion intégrée peuvent être alors réduits à des entrepôts de données et ne pas permettre de faire émerger une connaissance nouvelle à l’image de la détection automatique du non-recours [4]. Leur déploiement actualise des rapports de forces existants, tout en contribuant à les déplacer : cela se traduit par un renforcement des directions des systèmes d’information avec un déséquilibre avéré en faveur du travail de guichet (mesurable) sur le travail social. Les engagements sont aussi différenciés selon les positions professionnelles. Ainsi, dans les services sociaux d’un Conseil départemental, les cadres ayant eu une expérience dans le privé sont plus favorables au progiciel de gestion intégrée que ceux ayant une expérience uniquement publique, et les agents aux parcours strictement administratifs sont plus résignés que ceux combinant un parcours dans le secteur médical ou social (Nonjon et Marrel, 2015b). Les ressources protectrices du statut (Jeannot, 2008) peuvent expliquer des capacités plus grandes de résistance des agents face à des outils de gestion dans l’administration que dans le secteur privé (Debar, 2011). L’enquête « changement organisationnel et informatisation » permet d’ailleurs un cadrage quantitatif des relations entre informatisation, gestion et organisation. Elle montre qu’il n’y a pas de retard technologique du côté de l’administration (le facteur taille jouant en faveur des administrations d’État) (Kocoglu et Moatty, 2010), malgré des différences entre ministères (Jeannot et Guillemot, 2010). Cette enquête permet aussi de montrer que l’informatisation des administrations conduit à un alignement du travail public sur le travail privé (Guillemot, Jeannot et Peyrin, 2009), même si le niveau de pression sur le travail dans le public paraît moindre que dans le privé (Bigi et al., 2013).

19La thématique du « gouvernement électronique » pose plus spécifiquement, au sein de cet ensemble problématique « informatisation-organisation », la question du renouvellement des relations avec les usagers par le biais des téléservices et l’usage du web. À partir du cas de la télédéclaration des impôts en ligne, Éric Dagiral souligne ainsi la difficile « mise en cohérence des acteurs » et suggère deux scénarios d’évolution – extensive et intensive – (Flichy et Dagiral, 2004). Cela rejoint la mesure des « étapes » mises en avant dans les recherches sur le e-government (Layne et Lee, 2001). À partir du niveau de base qui est la mise à disposition d’informations via un site web, ce sont principalement trois voies d’approfondissement qui sont alors proposées : interaction et adaptation à chaque administré, intégration des différentes composantes de l’offre et participation active des citoyens. Les aspects plus juridiques sont abordés dans deux numéros de la Revue française d’administration publique, en 2004 sur l’administration électronique (Maisl et Dumarais, 2004) et en 2013 sur les téléservices publics (Koubi, 2013). Ces approches juridiques ont été actualisées dans un colloque de 2018 (Chevilley-Hiver et al., 2019).

20La possibilité de prévoir des comportements des citoyens usagers par le traitement de masses de données non initialement destinées à cette finalité – ce que l’on appelle parfois le big data, dont les enjeux sont très différents de ceux de l’open data (Goëta, 2015) –, conduit à élargir les perspectives d’optimisation du service propres à l’administration électronique. L’intelligence artificielle peut ainsi contribuer à des finalités de contrôle – mieux cibler les fraudeurs aux aides sociales (Dubois, Paris et Weill, 2018), repérer des risques pour la santé (Debies, 2018), anticiper des comportements délinquants (Benbouzid, 2018) –, mais aussi à mieux ajuster l’offre de service dans les transports ou dans le secteur de l’énergie (Lamb, 2018). Dans la perspective des recherches sociologiques portant sur l’administration, ces nouvelles opportunités technologiques reposent les questions de la transparence (l’usage de réseaux de données d’apprentissage en lieu et place d’algorithmes classiques compliquant tout particulièrement la transparence des choix accomplis (Bourcier et de Filippi, 2018)) et de la protection de l’individu (Debies, 2018) autour de la loi informatique et libertés ou du RGPD [5].

21Avec l’open data, à la différence de « l’administration électronique », il ne s’agit plus d’une optimisation de l’offre de service, mais d’une redistribution des missions entre l’État, les citoyens et les entreprises. L’idéal d’un « Government as a platform » promu par Tim O’Reilly (2011) et introduit en France par Nicolas Colin et Éric Verdier (2015) est celui d’une réinvention de l’action publique autour de la circulation des données, avec la possibilité offerte aux citoyens de constituer un point de vue indépendant à partir des données, ou encore de profiter de nouvelles offres privées susceptibles de suppléer l’offre publique. Cela appelle en contrepoint l’émergence d’un service public de la donnée (Cluzel-Métayer, 2018) ou l’invention d’une régulation du numérique (Chevallier, 2018). Le vocabulaire a du sens ici : alors même que « l’administration électronique » interrogeait les modes d’intervention de l’administration, « l’État plateforme », pose la question des frontières et de la légitimité de l’intervention de l’État (Alauzen, 2019). Les premiers travaux empiriques sur ce thème conduisent à relativiser l’enthousiasme des promoteurs de l’open data : la complexité technique du traitement des données limite très fortement les appropriations par les citoyens (Goëta et Mabi, 2014) et les usages les plus pertinents peuvent se faire dans la coopération entre administrations et associations. Les données en temps réel, par ailleurs, les plus profitables économiquement ne sont quasiment pas ouvertes (Goëta, 2015) et les opérateurs les plus « disruptifs », comme Google map, se font livrer directement les données par les villes dans leur format, sans passer par les plateformes d’open data (Courmont, 2016), ou bien elles génèrent leurs propres données comme dans le cas de Waze (Courmont, 2018a). Les rapports officiels divergent dans l’appréciation des conséquences de ce processus. Alors que la Cour des comptes (2018) envisage le scénario d’une entité publique, modeste, mais fédératrice, qui ordonnerait l’ensemble des acteurs autour de l’open data pour la maximisation du bien commun, plus pessimiste, le rapport du Conseil d’État (2017) prédit un « État peau de chagrin ».

22Que l’on se place dans la lignée des travaux sur la « smart city » ou dans celle des recherches sur l’informatisation des administrations, la ville intelligente se pose d’une certaine manière comme « encore une révolution informatique » (Baudot, Marrel et Nonjon, 2015a). Elle amène à reposer les mêmes questions de coordination que les précédentes dans les organisations internes des administrations municipales. Mais, d’une autre manière, dans ces recherches encore en plein développement [6], la ville intelligente peut être considérée comme une innovation sociale, en particulier dans les nouvelles relations établies à la fois avec les citoyens et les entreprises qui deviennent potentiellement plus directement coproducteurs de services publics. C’est ainsi en combinant l’observation des transformations internes et les nouvelles formes d’articulations externes que l’on peut aborder précisément la question des transformations et de la place des administrations municipales dans la ville intelligente.

Un chantier de recherche renouvelé : l’administration municipale et les données

23Les articles présentés dans ce numéro de Réseaux engagent une analyse sociologique de l’administration municipale face aux mutations technologiques annoncées. Ils permettent d’aborder le cas de quatre villes offrant des modalités de développement du numérique différenciées. À travers elles, ce sont également des objets différents qui sont mis préférentiellement sous le projecteur : l’open data dans le cas de Lyon par Antoine Courmont, le traitement des données des usagers dans le cas de la métropole A par Gilles Jeannot et Victor Maghin, un réseau de capteurs et de transmission de données techniques dans le cas de la métropole B par David Guéranger et Alexandre Mathieu-Fritz, et un appel à projets innovants dans le cas de Grenoble par Valérie Peugeot, Clément Mabi et Benjamin Chevallier.

24Le design de l’organigramme est la manière la plus immédiate pour des cadres dirigeants et des élus municipaux d’appréhender les questions de coordination. Le point de départ de l’article de Gilles Jeannot et Victor Maghin est justement une réorganisation autour d’une grande direction des systèmes d’information et du numérique dans l’objectif de fédérer la métropole A naissante. La métropole de Lyon converge vers le même modèle d’une direction générale rassemblant les anciennes directions de l’informatique, services support en charge de la gestion du matériel informatique, et les nouvelles fonctionnalités de traitement de la donnée : open data, information géographique, soutien à l’innovation. De façon plus précise, le projet de coordination à Lyon se fait d’abord autour du partage des données dans l’open data avec au centre le système d’information géographique et les expérimentations faites autour des transports et les services informatiques en support. Alors que dans la métropole A, ce sont les finalités d’intégration du système d’information interne et l’ancienne direction des systèmes d’information qui sont au centre ; les fonctions de système d’information géographique et d’open data étant inscrites dans la même direction, mais tout en restant périphériques. Dans le cas de la métropole B, une telle configuration a été envisagée puis délaissée, le directeur général de l’administration en charge des questions urbaines refusant de se délester des enjeux associés à l’information géographique. Cette manière de faire de la ville intelligente une affaire de direction des systèmes d’information n’est donc pas généralisée. D’autres villes ont pu associer cet enjeu à l’accueil des usagers (Nantes), aux services d’aménagement autour du système d’information géographique, au service de la communication (Rennes) ou encore aux services d’économie. Orienter la ville intelligente, c’est alors affecter le dossier à une direction particulière : confiez le dossier au service économique et vous aurez un projet orienté « knowledge city » tourné vers les start-up locales, s’il est attribué aux services techniques, émergera une « green city » très orientée vers l’ingénierie, ou s’il est adressé au service transport, verra le jour une ville intelligente focalisée sur les services à la population. Cependant, la lecture des organigrammes ne permet pas d’approfondir toute la complexité des organisations et des difficultés associées au projet de renforcement de la transversalité entre différents « métiers » de la ville.

25Les articles qui entrent au cœur des administrations municipales illustrent de manière convergente le fait que chaque composante de l’organisation, chaque métier est orienté vers des finalités propres, avec des données collectées et traitées dans cette perspective, bien avant toute tentative de mise en commun à des fins de connaissance générale de l’administration. Les perspectives théoriques des auteurs sont différentes, mais elles conduisent à entremêler des arguments de pouvoir (« donner mes informations, c’est perdre des ressources pertinentes ») et des dimensions associées aux activités de travail quotidiennes de professionnels (« c’est compliqué », « cela n’est pas dans ma langue, cela prend du temps », « cela ne m’est pas immédiatement utile »…). Ce point est au centre de l’argumentaire d’Antoine Courmont : les données restent « attachées » à leur usage premier. L’auteur soulève une autre difficulté. Chaque métier est engagé dans de multiples cadres d’échanges et de collaboration avec les entreprises délégataires ou d’autres acteurs publics du même secteur et dans chacun de ces cadres émergent des projets de standardisation des données qui ont peu de raison d’être compatibles entre eux. Pour la métropole B, les auteurs évoquent aussi la réticence des agents de la voirie à enrichir une base partagée sur l’espace public qui ne leur sert pas directement. Ils insistent ainsi sur un travail de normalisation des données au sein d’un même métier préalable à tout échange avec autrui. Dans le cas de la métropole A, l’illustration la plus flagrante concerne le cadre en charge du contrôle de la délégation de service public qui a les ressources pour exiger de l’entreprise délégataire des transports urbains des données, mais qui ne réclame pourtant vraiment que celles qui lui sont utiles pour faire respecter le contrat de délégation.

26Les injonctions réglementaires comme la directive « Inspire » pour l’information géographique ou les lois contraignant les villes à ouvrir leurs données peuvent servir de point de départ à une démarche de légitimation auprès des élus. C’est particulièrement clair dans le cas de Lyon, au vu des conséquences politiques de la loi pour une république numérique. Mais le droit peut aussi être un frein à la circulation des données. Les règles de séparation des données personnelles en dix silos étanches imposés par la CNIL constituent en effet une contrainte importante, comme c’est illustré par le cas des données d’usagers dans la métropole A. Il faut souligner ici le poids des objets et des dispositifs techniques. Les contraintes juridiques à la diffusion des données ne concernent en effet que les données qui sont associées aux individus. Les données du système d’information géographique qui sont rapportées à un lieu comme les données purement techniques liées à la gestion des réseaux urbains (eau, énergie) ne sont dès lors pas concernées par ces restrictions. Aucun des articles ne présente cependant ces ressources juridiques comme suffisantes pour centraliser les données, de quelque sorte qu’elles soient.

27Si ni le mécano des organigrammes ni les règles de droit ne suffisent à faire converger vers un référentiel de données unique, un travail spécifique peut produire cette convergence. Cet argument est au cœur de l’article de David Guéranger et Alexandre Mathieu-Fritz. Leur enquête a permis de découvrir un réseau informel qui s’est constitué à l’occasion de précédents projets orientés sur les éco-cités et qui est composé de professionnels situés à des niveaux intermédiaires de la hiérarchie. Ces professionnels vont se mettre « au service des autres services » pour enrôler d’autres acteurs de l’administration et de son environnement et les convaincre de s’engager dans des collaborations autour des données. Cette mise en relation passe aussi par le médium de réseaux de communication des données (LoRaWAN, Bluetooth Low Energy). Le réseau des innovateurs humains et le réseau technique innovant sont intimement liés et semblent ici se renforcer mutuellement. Dans le cas de Lyon, la question des opérations humaines nécessaires pour ajuster des formats de données différents est présentée de manière très détaillée. Dans le cas des métropoles A et B, il apparaît aux professionnels que la question isolée de tels ou tels désajustements de formats peut toujours être résolue par de petits fragments de programmes (« des moulinettes ») et que c’est à une échelle globale que se posent les problèmes réels, d’où une aspiration à une « urbanisation » des données, entendue comme l’imposition de règles en amont de la production de toute donnée urbaine pour faciliter sa circulation. Cette conception descendante de l’urbanisation est portée dans les deux métropoles par les directeurs des systèmes d’informations. Cependant, lorsque l’on s’attache dans la métropole A au travail réel d’un « urbaniste », on retrouve que chaque mouvement de convergence est obtenu en résolvant un problème lié à une application particulière, dans une manière de se mettre « au service des services » proche de celle décrite pour le réseau d’innovateurs de la métropole. L’importance d’un travail spécifique n’est d’ailleurs pas nécessairement négligée par les élus et les cadres dirigeants, comme en témoigne la création de postes – encore rares – de « data officer », d’« urbaniste informatique » ou le débauchage d’un consultant ayant conduit la réforme informatique d’une grande administration.

28Le gouvernement des données ne se joue pas qu’au sein de l’organisation municipale. L’une des transformations majeures associées aux nouveaux dispositifs technologiques est d’offrir des opportunités nouvelles de coproduction avec les habitants, sous des formes complexes comme par le biais des hackathons ou plus simplement du signalement des défauts d’entretien de l’espace public par une application géolocalisée. Ces nouvelles interfaces conduisent alors à des transformations de l’organisation concernée. Elles amènent aussi à des recompositions des offres privées pour les services publics et la gestion urbaine.

29L’article de Valérie Peugeot, Clément Mabi et Benjamin Chevallier sur le cas de Grenoble permet d’aborder frontalement les enjeux de la coproduction citoyenne de la ville. Le dispositif étudié est un concours d’idées pour des services numériques innovants autour de défis amenant à proposer par exemple une conciergerie urbaine de quartier, une signalétique urbaine augmentée ou le troc local de kilowatts. L’article dégage, vues de l’extérieur, les tensions que cette ambition de co-innovation génère au sein de l’action de la municipalité : s’agit-il de soutenir l’émergence d’une activité économique innovante ou d’améliorer le service public ? S’agit-il de renouveler la démocratie ou de répondre à la commande publique suggérée par les « défis » ? S’agit-il au fond vraiment de générer des innovations qui seront réellement utilisées ou de valoriser à la fois les répondants, flattés d’être pris au sérieux, et les cadres et élus de la ville de Grenoble qui présenteront l’expérience dans un congrès de premier plan international à Barcelone ? L’analyse permet en tout cas aux auteurs de souligner la diversité des figures de l’implication citoyenne potentiellement mobilisée. Entre le citoyen de la démocratie participative et le consommateur qui vote avec les pieds, se construisent ainsi les figures de « l’innovateur d’intérêt général » et de « hacker-commoner ». L’enquête sur la métropole A aborde un autre angle de la coproduction citoyenne, le crowdsourcing, à travers l’exemple d’applications permettant aux habitants de signaler des défauts d’entretien de l’espace public en les géolocalisant depuis un smartphone. En saisissant de l’intérieur cette pratique, aujourd’hui très diffusée (Ferraudi et Saujot, 2017), on retrouve toute l’épaisseur administrative et technique qui se trouve entre l’acte citoyen et la réponse de la municipalité qui avait été mise en évidence pour la démocratie participative à Paris (Guéranger et Poupeau, 2007). Cela permet aussi de rappeler comment se jouent, en arrière-plan, des recompositions de la démocratie représentative avec une réponse technique portée par la métropole (dont le président n’est pas élu au suffrage direct) et des maires des villes mis en avant dans la communication, mais fermement cantonnés dans la gestion du quotidien.

30La thématique de la recomposition de l’offre privée dans la gestion urbaine, au centre des premiers travaux français sur les villes intelligentes, apparaît également dans tous les articles. L’originalité ici est d’appréhender ces repositionnements stratégiques tels qu’ils sont perçus par les acteurs des administrations municipales. L’analyse de la métropole B apporte ainsi une contribution importante dans une discussion internationale sur les perspectives de l’offre « smarter city » d’IBM. Les auteurs mettent en effet en avant un mouvement concerté d’un groupe de cadres de cette métropole pour circonscrire et finalement exclure une offre d’IBM qui avait séduit les élus. Cela illustre des enquêtes plus larges qui avaient montré la difficulté d’IBM à tenir la promesse d’une offre multisectorielle dans les contrats passés avec les villes (Alizadeh, 2017) et la réorientation des majors du numérique vers une offre passant par l’intermédiaire des entreprises de services urbains (Courmont, 2018b). Si les quelques milliers d’euros accordés dans le concours de Grenoble ne permettent pas de se placer véritablement sur le domaine économique, le partenariat avec Cityway à Lyon pour le traitement des données de mobilité illustre une option de coproduction public-privé des données avec une PME. Dans le cas de la métropole A se dessine, enfin, l’hypothèse d’une intégration offshore des données urbaines à la jonction des entreprises délégataires qui tiennent les services et des start-up qui maîtrisent les technologies… ce qui correspond finalement à une manière de revendre aux villes leurs propres données !

31La question centrale devient en définitive celle de la capacité d’action des entités publiques face aux initiatives qui les visent désormais en priorité. Le cas de Lyon illustre clairement un certain volontarisme. Le projet Optimod d’une conjonction entre une offre de service aux usagers et une régulation dans une visée d’intérêt général est un des projets français les plus ambitieux, et sa concomitance avec des évolutions récentes des techniques de SIG renforce encore cette ambition. Antoine Courmont, dans une analyse détaillée dans sa thèse de doctorat (2016), montre toutefois le relatif échec d’Optimod. Il rejoint ainsi l’analyse des difficultés créées par l’information aux usagers de la route offerte par Google via Waze, évoquées rapidement à propos de la métropole A. David Guéranger et Alexandre Mathieu-Fritz mettent eux aussi en avant une forme d’engagement et une certaine efficacité d’un réseau d’innovateurs. Cependant, on peut lire, en creux, par le désintérêt à la fois des élus et des directeurs généraux d’administration, le fait que cet objectif n’est pas partagé au plus haut niveau politique et administratif de la localité. Dans le cas de la Métropole A, les cadres administratifs tout comme l’élu au numérique expriment quant à eux une certaine perplexité. Il y a d’une part une difficulté à mener à bien un projet d’intégration informatique, pourtant soutenu au niveau politique, même si la technique sert ici de « pilote invisible » (Lorrain, 2004) de l’autonomisation de la métropole. Il y a d’autre part une difficulté à mobiliser tous les acteurs externes et internes autour d’un projet plus large de ville intelligente (par exemple autour de la thématique de la mobilité) dans un cadre moins porté par les élus et plus concurrentiel. Dans le cas de Grenoble, un projet politique explicite est formulé par le maire (Brookes, 2018) et la question de la maîtrise publique de la production urbaine est déplacée vers celle du lien avec les habitants. Mais, dans ce cas aussi, entre l’ouverture de principe de l’appel à concours et la faiblesse des moyens alloués, la coproduction de l’action publique reste bien encadrée et pour une part limitée.

Conclusion : interopérabilité, ouvertures et maîtrise des données publiques

32Des caractéristiques originales de la ville intelligente émergent de la bibliographie et des études de cas. En interne aux administrations municipales, pour que l’on puisse parler d’intelligence, il faut pouvoir aller au-delà d’une simple accumulation de gadgets technologiques et de services isolés, mettre en relation ces données et les rendre donc interopérables. En externe, deux ouvertures des données apparaissent essentielles, l’ouverture aux citoyens qui deviennent en capacité de produire et d’exploiter les données ; l’ouverture aux entreprises et les recompositions de l’offre de service qu’elle entraîne.

33Dans ce contexte renouvelé, la question du rôle des administrations municipales et des élus est au centre des tentatives de conceptualisation des processus observés. Antoine Courmont évoque ainsi une « politique de la donnée », en mettant cependant l’accent sur la difficulté d’aller au-delà des politiques sectorielles. Alexandre Mathieu-Fritz et David Guéranger discutent quant à eux de l’argument autochtone d’une « souveraineté des données » en pointant l’objectif de propriété publique de ces données. Ils observent ainsi une « politique de la donnée » qui s’élabore « par le bas », organisée autour d’un réseau informel de cadres. Gilles Jeannot et Victor Maghin évoquent l’« intégration » des applications informatiques en reprenant le vocabulaire des progiciels de gestion intégrée. Valérie Peugeot, Clément Mabi et Benjamin Chevallier s’interrogent sur une « ville plateforme » qui fait écho à l’hypothèse de centralité de l’acteur public dans un monde ouvert, incluse dans la vision plus générale de « l’État plateforme ». De manière synthétique et descriptive, on peut parler ici de « maîtrise des données » : l’expression recouvre alors la capacité de l’administration publique à produire, posséder, mettre en relation, mobiliser de manière pertinente, ouvrir à d’autres ses données pour une amélioration du service public, des décisions urbaines et de la démocratie. La maîtrise des données par les administrations municipales et leurs élus ne va pas de soi et ne saurait se réduire à un volontarisme politique ou à la simple redéfinition d’un organigramme administratif. C’est par un travail plus profond, entendu comme activité professionnelle ou comme dynamique collective de transformation, que la ville intelligente pourra se faire avec les villes.

Notes

  • [1]
    Voir aussi Laterrasse (1991).
  • [2]
    L’« European innovation partnership for smart cities and communities » émerge à partir de 2011. Cette idée sera ensuite au cœur des « lighthouse projects » du programme Horizon 2020 à partir de 2014 (Russo, Rindone et Panuccio, 2014).
  • [3]
    Antoine Courmont (2018b) indique une évolution stratégique des majors du numérique qui, après des succès mitigés, semblent rechercher des partenariats avec les entreprises présentes sur le marché urbain et abandonner une offre directe à destination des villes.
  • [4]
    Le non-recours désigne les personnes ayant droit à une aide et qui n’en font pas la demande (Warin, 2017).
  • [5]
    Règlement général sur la protection des données de 2016.
  • [6]
    On peut évoquer ici les thèses en cours de Marie Veltz sur Nice, Rennes et Montpellier, de Sofia Laborde sur Dijon, d’Ismail Hamoumi sur diverses villes moyennes françaises, de Tania Apedo sur les plateformes urbaines à Chicago, de Paola Piras sur les infrastructures numériques des villes subsahariennes, de Victor Maghin sur la gestion des espaces publics par la reconnaissance automatique sur images vidéo, de Julien Carbonnel sur l’engagement des parties prenantes, de Sébastien Shulz sur les coproductions citoyennes.
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L’article présente en premier lieu une double recension bibliographique sur le thème des villes intelligentes et sur celui de l’informatisation des administrations. La présentation des articles du numéro porte l’attention sur les coordinations organisationnelles et professionnelles internes aux administrations municipales et sur les interactions nouvelles avec les citoyens et les entreprises avant de conclure sur l’enjeu d’une maîtrise par les administrations publiques des nouvelles données associées à la « smart city ».

  • ville intelligente
  • administration électronique
  • gouvernement municipal
  • coproduction
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Stève Bernardin
Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Latts
Gilles Jeannot
École des Ponts, Latts
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 28/11/2019
https://doi.org/10.3917/res.218.0009
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