CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La photographie est republiée dès que l’on parle de ville intelligente. Elle représente une immense salle de contrôle avec de grands écrans et une multitude de professionnels portant le même uniforme assis devant des ordinateurs posés sur des bureaux répartis en rangées en face des écrans. Cela se passe à Rio de Janeiro. La photographie suggère, derrière les écrans, une dimension technologique, un data center et des algorithmes permettant de croiser de manière automatique tout un lac de données urbaines. Elle laisse aussi apercevoir une réalité organisationnelle (des agents mis en uniforme pour faciliter leur coopération alors qu’ils sont issus de différents services de la ville), et également une dimension économique, à travers IBM qui promeut par cette image son Intelligent operation center. Mais, elle met surtout en scène l’ambition politique de « l’optimisation fonctionnelle de la ville gouvernée » (Ménard, 2017) avec pour certains l’interrogation sur les risques pour la démocratie.

2Cet imaginaire de la smart city (Picon, 2018) porté par IBM et la marque déposée « smarter city » est considéré par la plupart des observateurs comme une des origines de la notion de « ville intelligente ». L’image condense la question qui est posée par la ville intelligente : celle du rôle de ces technologies « numériques » dans la recomposition des partages entre ce qui relève d’une autorité politique autonome, de la démocratie, de l’organisation administrative et des entreprises.

3Les rares travaux empiriques menés en France sur des innovations associant numérique et gestion urbaine ont documenté en premier lieu la question des nouveaux partages public-privé : certaines offres de services portées par des grands opérateurs du numérique sur des quartiers expérimentaux, l’offre de différents services orientés vers la maîtrise de la consommation de l’énergie portés par Toshiba à Lyon Confluence (Faivre d’Arcier et al., 2016), les propositions énergétiques soutenues par Cisco à Issy-les-Moulineaux (Veltz, Rutherford et Picon. 2018) ou le repositionnement des groupes traditionnels de service (Baraud Serfaty, 2011), également esquissé dans le domaine des transports (Huré, 2017) et des villes sobres (Lorrain, Halpern et Chevauché, 2018). L’intervention des start-up n’a pas fait l’objet de publications, cependant on peut noter la présentation en ligne d’une collection de cas significatifs dans le séminaire du PUCA (une entreprise qui offre un service clé en main « ma ville dans ma poche », une société qui permet d’accéder avec géolocalisation à toutes les données concernant les possibilités de construire sur cette parcelle, une société qui propose du traitement automatique d’image) [2]. La question des acteurs privés a été élargie également des entreprises qui offrent des prestations aux collectivités locales à des sociétés qui offrent directement des services à la population et impactent indirectement la vie urbaine. Ce sont à la fois des plateformes telles que Uber, Airbn’b, des offres liées à la géolocalisation (GoogleMaps, Waze) ou les nouveaux services de vélos, scooters ou trottinette en libre-service « free floating ». Toutes ces offres, par-delà leurs impacts sur la vie urbaine, posent la question d’une régulation à inventer (Courmont, 2018).

4Par ailleurs, les formes de coproduction avec les citoyens via le numérique ont aussi été l’objet d’une attention particulière. Les dispositifs permettant aux habitants de signaler et géolocaliser un désordre dans la voirie et le mobilier urbain ont fait l’objet d’une analyse transversale (De Feraudi et Saujot, 2017) et d’une monographie (Monthubert-Morette, 2016) ; ils mettent en avant en particulier la résistance des agents d’entretien. Le cas d’OpenStreetMap, site collaboratif de cartographie, a permis de souligner comment s’articule une offre wiki et les interventions des acteurs publics (Denis et Pontille, 2013). La démocratie participative a été aussi abordée à travers le vote électronique (Zaza, 2016) et le volet citoyen de l’open data (Denis et Goëta, 2017).

5Ces travaux empiriques, qui mettent en avant le rôle nouveau des entreprises ou des habitants, instruisent le dossier d’une évolution de la gouvernance (Le Gales, 1995) associée à certaines nouveautés technologiques dans une perspective ouverte sur la coordination entre différentes organisations et les administrations du bloc communal. Le développement du numérique serait ainsi à la fois l’occasion d’une recomposition des partenariats public-privé, avec de nouveaux acteurs et de nouvelles formes de contractualisation, et l’émergence de formes originales de coproduction par les citoyens.

6Cependant, ces premiers travaux empiriques sur la ville intelligente (à l’exception notable de la thèse d’Antoine Courmont (2016)) ont largement laissé l’administration municipale aux franges de l’observation. Or le devenir de ces expérimentations qui engagent les collectivités locales dépend de leur inscription dans les modes de faire stabilisés des administrations municipales (en continuité ou rupture) ; dans les aspects techniques et gestionnaires associés à la ville intelligente. Ces développements concernent des dimensions sociotechniques stabilisées des administrations municipales et de leurs relations à leur environnement. Ce sont en particulier, pour l’administration, la dimension territoriale multi-compétente de ces administrations (Lorrain, 1991), la diversité des services administratifs qui avait déjà rendu compliqué des expériences précédentes d’informatisation des administrations locales (Jamous et Grémion, 1978 ; Dupuy, 1992) ou la difficile constitution d’une administration intercommunale (Desage et Guéranger, 2011). Pour les relations avec les habitants/électeurs, c’est l’importance de la proximité, qu’elles se traduisent à travers le traitement des réclamations (Jeannot, 1995) ou à travers l’émergence de nouvelles pratiques de démocratie participative (Bacqué et Sintomer, 2001). Dans le domaine économique, c’est le poids de la pratique de la délégation de services publics (Lorrain, 2005) ou des organismes paramunicipaux (agences d’urbanisme, sociétés d’économie mixte).

7Notre démarche consiste alors à « attendre » les innovations en se plaçant du point de vue des cadres en charge de la gestion quotidienne des services plutôt que de « suivre » les expérimentations et leurs promoteurs. L’objectif de l’article est d’observer le processus de réorganisation-réallocation des ressources entre les différents acteurs de la ville (politique, administration, entreprises, citoyens) en nous plaçant du point de vue de la réception par l’administration des opportunités technologiques associées à la « ville intelligente ». C’est ainsi se situer entre une sociologie de l’administration attachée aux relations entre ses différentes composantes (différentes directions, relations élus/fonctionnaires, relations entre communes et intercommunalité) et une analyse de la gouvernance attentive à la prise en compte de l’ensemble des acteurs publics et privés associés à la gestion des villes.

8L’enquête sur l’administration s’inscrit dans une sociologie de l’action organisée attentive aux rapports de force au sein des organisations (rétentions d’information, différences de nomenclatures (Jamous et Grémion, 1978), poids respectif de différents corps ou métiers (Boussard, 2001), ressources de résistance différenciées des employés face à la hiérarchie entre public et privé (Guillemot, Jeannot et Peyrin, 2009)) et entre les organisations (relations entre donneurs d’ordre et entreprises sous-traitantes (Kocoglu et Moatti, 2010), relations avec les actionnaires (Johnson et Kaplan, 1987)). Si les premiers travaux de ce courant ont pu surtout s’attacher aux effets pervers et détournements de l’informatique (Jamous et Grémion, 1978 ; Pavé, 1989), il s’agit ici de prendre en compte les capacités de transformation de l’organisation par les outils techniques et gestionnaires (Segrestin, 2004b). Dans cette perspective théorique, ce n’est qu’en comprenant ce qui oriente l’activité de ces organisations dans son ensemble que l’on pourra apprécier « l’inscription organisationnelle » (Benedetto-Meyer, 2017) des innovations techniques ou gestionnaires et apprécier si c’est plutôt l’informatisation qui s’adapte à l’organisation ou si l’organisation se trouve profondément modifiée (Parente, 2007 ; Ughetto, 2013 ; Segrestin, 2004b). Nous aborderons cela à travers l’angle du travail d’organisation (De Terssac, 2011) des cadres de l’administration municipale : comment ils orientent leur activité (Schön, 1983), les obstacles qu’ils rencontrent, les opportunités dont ils se saisissent.

9L’étude de cas porte sur les services d’une grande agglomération française. Nous appellerons « la Métropole » cette entité intercommunale et nous différencierons la « Ville centre » des « autres Villes » membres de l’intercommunalité. Le cas de la Métropole a été retenu parce que la volonté de mise en cohérence des différentes activités de l’agglomération impliquant le traitement de données est tout particulièrement affirmée par rapport à d’autres grandes villes françaises, ce qui s’est traduit par la création d’une grande direction des services d’information et du numérique (DGSIN) aux compétences larges. Cette nouvelle direction a été créée au 1er janvier 2016 à l’occasion de la mutualisation des services de la ville centre et des autres villes au sein de la métropole et traduit la volonté d’une intégration des services autour du système d’information avec de premiers chantiers sur les finances et les ressources humaines. La Métropole a été ainsi récemment distinguée par un cabinet de consultants pour la gouvernance du numérique et s’inscrit dans les prescriptions d’un rapport au Premier ministre sur le sujet (Belot, 2017). Par ailleurs, comme dans toutes les grandes agglomérations du pays, la plupart des innovations associées à la ville intelligente y trouvent des applications. L’article repose sur une enquête par entretiens semi-directifs, 15 entretiens ont été réalisés et retranscrits. 8 entretiens auprès de cadres de la DGSIN, 7 dans son environnement immédiat, cadres d’autres directions de la métropole, des « autres villes » ou de l’agence d’urbanisme, élus [3]. De manière pratique, et dans la perspective de l’analyse du travail d’organisation (De Terssac, 2011) les entretiens ont été conduits en demandant à ces cadres comment ils participaient dans leur activité à la production et la gestion des données dans la perspective d’une intégration générale de celles-ci, les dispositifs associés à la ville intelligente pouvant ou non être évoqués par eux.

10L’article est construit autour de trois modalités de relations avec les habitants qui correspondent à trois figures complémentaires de l’usager (Jeannot, 1998), l’administré (listes électorales, inscriptions dans les centres de loisirs, services sociaux), l’usager des biens communs que sont les espaces publics (traitement des réclamations), et l’usager des infrastructures et des services (illustration par l’information sur les mobilités). Chacune de ces modalités de relation sera l’occasion de mettre l’accent sur des composantes différentes de l’action municipale, respectivement : l’administration, les services techniques, l’offre de services dans le cadre d’une délégation de service public. Nous présenterons d’abord 1) la DGSIN et les moyens mis pour l’intégration des données, 2) nous aborderons les transformations de la relation administrative, 3) puis celle du système de réclamations concernant l’espace public à l’articulation entre les services techniques et la démocratie, 4) et enfin, à travers le cas particulièrement marqué par l’innovation des informations sur la mobilité, nous aborderons l’évolution des relations entre l’administration municipale et son principal instrument : les entreprises délégataires de service public.

Des moyens au service de la politique de mutualisation numérique de l’administration de la métropole

11La création d’une grande direction des services d’information marque une volonté de prise au sérieux du sujet visible par son ampleur tout d’abord, avec 260 agents et 45 millions de budget : « C’est le même budget que celui des services informatiques de Bercy me dit le vice-président aux finances » (Vice-présidente de la Métropole en charge du numérique) [4]. La volonté politique du président de l’agglomération de soutenir ce projet se lit également dans le fait de nommer comme directeur de la réforme du système d’information (SI) un consultant qui a porté des projets de grandes réorganisations informatiques au sein de l’État. L’objectif indirect est de participer activement à l’intégration verticale de la Métropole par un canal dépolitisé (Desage et Guéranger, 2011) dans un contexte dans lequel la ville centre est très attentive aux prérogatives de chacune des villes qui composent l’agglomération. Cette grande direction des services informatiques est également un regroupement de toutes les fonctions associées au numérique qui vise une intégration thématique horizontale. Nous présenterons successivement ces deux aspects du déploiement de moyens.

12La création de la DGSIN s’inscrit d’abord dans une stratégie de renforcement progressif de l’administration métropolitaine. La création des métropoles est le fruit d’un long processus de rapprochement des administrations des agglomérations. Pour les plus grandes agglomérations, elle se joue depuis la création des communautés urbaines en 1966 à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) qui crée au 1er janvier 2015 treize métropoles pour les territoires de plus de 400 000 habitants. Cette mutualisation, qui n’est pas une fusion et maintient chacune des communes composant l’ensemble, est soutenue par l’attribution obligatoire au niveau de l’intercommunalité de certaines compétences et par des incitations financières. Au cœur de la loi MAPTAM se trouve, en effet, l’attribution différenciée de ressources par l’État selon le niveau de mutualisation des services mesurée par un coefficient.

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« Cette fusion n’existait pas et le projet, en fait de mutualisation ici, c’est la loi qui l’a imposé. C’est-à-dire qu’on a une période où, quand la loi MAPTAM sort, on incite les collectivités à mutualiser un certain nombre de services, parce qu’on invente ce fameux coefficient de mutualisation. »
(Directeur de la réforme du SI)

14L’agglomération de la Métropole se caractérise par l’existence de plusieurs communes de taille conséquente en sus de la ville centre. Celles-ci disposaient d’administrations déjà bien développées et donc de ressources informatiques. Les observateurs soulignent également une tradition maintenue de gestion consensuelle et de respect par la ville centre de toutes les composantes :

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« [La Métropole] a une culture un peu particulière. Il y a une doctrine au sein de la maison qui est : on ne passe jamais au-delà de la volonté des maires. »
(Vice-présidente de la Métropole en charge du numérique)

16Le projet de mutualisation se veut souple. Il repose sur l’opportunité d’options à la carte de chacune des communes de l’agglomération rouvertes chaque année. Au moment de l’enquête, 14 communes sont engagées dans le processus de mutualisation (soit près de la moitié). Comme le remarque David Guéranger (2004), cette construction de l’intercommunalité s’est faite à partir d’attributions de compétences et d’incitations financières sans théorie ni modèle prédéfini de l’administration intercommunale, cet « impensé administratif » laisse la place à des constructions différenciées :

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« C’est à chacune des collectivités de dire “je mutualise telle compétence à tel moment”. Pire que ça en fait, on ne sait même pas se projeter, c’est-à-dire qu’on leur demande chaque année de savoir ce qu’elles veulent l’année suivante. »
(Directeur de la réforme du SI)

18La convergence est également soutenue par la mise à disposition d’un service informatique pour des petites villes qui n’en disposaient quasiment pas et de fait un transfert financier.

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« Si on regarde les résultats nets, ce sont les villes qui n’avaient pratiquement pas de politique numérique qui bénéficient le plus de la mutualisation. [La Ville centre] a de fait accepté un ralentissement de l’innovation de plusieurs années au profit des autres villes. »
(Directeur de l’innovation numérique)

20Cette politique de convergence est l’objet d’un accompagnement à la fois politique et professionnel. La vice-présidente de la Métropole en charge du numérique présente son rôle de médiation [5]. Elle s’est donné comme tâche d’« évangéliser » les élus pour lesquels l’informatique est loin d’être la première préoccupation, de les rassembler autour de projets communs dans un comité des élus, tout en les amadouant en se faisant leur défenseur sur les questions de « bobologie du quotidien ». Tout cela amenant à les faire entrer dans le processus global de mutualisation des services d’information. Elle réclame qu’il y ait deux cadres dédiés à l’exploitation transversale des données, plaide pour le maintien d’un budget global qui peut paraître important ou négocie des grilles salariales spécifiques pour des cadres informatiques qui fuient en nombre le service. Il y a également un accompagnement professionnel par des groupes de travail concernant les différents métiers et par des visites de la direction des services d’information dans toutes les communes :

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« Des comités numériques communaux qui se tiennent dans chaque ville avec une périodicité pluriannuelle. Ça veut dire que la DGSIN va dans les 14 communes, pour savoir si les indicateurs conviennent toujours et puis pour les présenter et voir où il y a des alertes et où il n’y en a pas. »
(Directeur de l’innovation numérique)

22Le projet de cette uniformisation technologique est associé, par ses promoteurs, à un travail de normalisation des pratiques des métiers (RH, finances, entretien des espaces publics, guichet…) au sein des différentes villes. Cette relation entre un grand projet de type informatique et les difficultés de transformation d’une organisation rappelle le cas de la réforme Copernic au ministère des Finances (Parente, 2007 ; Ughetto, Pernot et Grimault, 2005) [6]. Selon le directeur de la réforme du système d’information, lorsque les communes acceptent de mettre en commun leur informatique, elles sont en fait conduites à uniformiser leur pratique dans des domaines de compétence qu’elles n’ont pas mutualisés. C’est ainsi que, pour un métier d’accueil du public non mutualisé, l’adoption d’une nouvelle application qui différencie par exemple un pré-accueil orientation du traitement des dossiers conduira à une réorganisation du guichet. Ou de manière plus délicate, sur le sujet sensible des finances, une application conduira à normaliser les pratiques budgétaires des villes :

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« Ça oblige à faire quelque chose de vertueux. J’avais connu cela quand on avait outillé les finances de l’État. Avant, chacun était en capacité de prendre un risque (je dis pas que c’était pas légal). Maintenant, c’est numérique ça veut dire “non, on paie pas une facture si vous n’avez pas fait une commande”. »
(Directeur de la réforme du SI)

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« Ça veut dire que pour arriver, et ça, ça pas été suffisamment anticipé ou en tout cas accepté… la difficulté est pas sur la bascule de ma plateforme, sur ma plateforme finance, la difficulté c’est qu’en faisant ça je standardise en partie et je réinterroge le processus de la façon dont on gère les finances. »
(Directeur de la réforme du SI)

25La DGSIN embrasse également un projet de rapprochement des différentes composantes du numérique. Aux fonctions classiques d’une direction des services informatiques (gestion de l’infrastructure de l’organisation, du parc de matériel – administration et écoles primaires –, construction d’un second data center, gestion des applications métiers, équipement en réseau du territoire) s’ajoutent la fonction d’animation de l’innovation et des fonctions de traitement des données, avec en particulier l’information géographique et l’open data, qui sont associés plus directement à la ville intelligente.

26Cette direction se donne comme objectif d’accompagner, mais aussi d’encadrer l’innovation. Plusieurs interlocuteurs d’autres directions nous ont confirmé s’y adresser pour des sujets impliquant les nouvelles technologies numériques. C’est elle qui va conduire des chantiers impliquant des enjeux technologiques complexes pour le compte d’autres directions de la métropole. La direction est ainsi reconnue pour ses compétences techniques. Cependant, les directions métiers peuvent essayer de se débrouiller seules, ce qu’essaie de contenir cette direction :

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« Aujourd’hui avec des solutions de type software as a service (Saas), cela peut être très facile pour une direction de s’acheter une solution clé en main. Sauf que cela a tendance à disparaître en quasi-totalité parce qu’on a quelques verrous : on échange beaucoup avec les services, on regarde les marchés publics… »
(Directeur de l’aménagement numérique)

28La direction a également discuté avec IBM pour une solution intégrée :

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« J’avais travaillé avec IBM pour voir ce qu’on pourrait proposer sur le territoire. Aujourd’hui, cela ne s’est pas concrétisé. Ils proposent une plateforme qui fait un peu papa-maman à des coûts faibles au départ. Mais après, on est un peu pris pour la généralisation. On est un peu borderline, sous l’angle marchés publics. »
(Directeur de l’aménagement numérique)

30La direction est aussi à l’affût des propositions des start-up ou engagée dans des échanges d’expériences au niveau national ou européen. Elle va suivre, avec les directions métiers concernées, tout un ensemble d’expérimentations d’ampleurs variées, comme un chatbot pour répondre aux questions des usagers sur le tri des déchets, des lampadaires intelligents, une expérimentation de covoiturage. Tout ceci peut donner l’impression d’une accumulation de gadgets technologiques avec lesquels il faut savoir prendre distance :

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« Ensuite, il y a un équilibre à trouver, parce que le problème de l’innovation numérique, c’est que celle-ci est enchanteresse. Elle attire les médias quand elle est spectaculaire ou nouvelle. Le risque est que, dans ce local, certaines villes – heureusement pas ici – ont pu verser, c’est d’être toujours sur la dernière innovation qui va faire briller, de faire des pilotes qui n’appellent pas nécessairement une stratégie derrière de continuité et de déploiement à grande échelle. Il y a des villes qui seront des cimetières des projets innovants comme ça qui durent 24 mois et puis “Qu’est-ce que c’est devenu le lampadaire machin, l’abribus XYZ, etc. ?” Vous passez à autre chose. »
(Directeur de l’innovation numérique)

32La multiplication d’innovations localisées est particulièrement favorisée par les financements de la recherche et des innovations et par tous les dispositifs de prix et labels associés à la ville intelligente (Ménard, 2017). Elle peut être une ressource pour mobiliser des services particuliers, établir des partenariats avec l’entreprise et l’université, et à ce titre soutenue au sein de l’administration municipale. Cependant, le fait que ce soit le directeur de l’innovation numérique qui en pointe les limites montre qu’il y a une forte tension entre des innovations localisées et une transformation en profondeur de l’ensemble de l’organisation et de ses prestations.

33La création de cette direction a ainsi d’abord pour objectif de faire émerger une administration au niveau intercommunal. Son action est organisée autour d’une convergence verticale entre l’administration de la métropole et celles de chacune des villes et d’une convergence horizontale avec des fonctions associées de soutien et de contrôle de l’innovation. Cette convergence par l’informatique illustre tout particulièrement la forme de coordination dépolitisée par des « pilotes invisibles » (Lorrain, 2004) qui s’est particulièrement épanouie dans le contexte des collectivités locales. Cela s’inscrit plus largement dans la stratégie de constitution de la métropole qui passe par la mutualisation d’autres services, la création de directions générales à spectre large comme la direction des mobilités ou la réorganisation des services techniques selon quatre secteurs.

34Cependant, même si cela n’est pas la finalité première, les moyens engagés offrent des conditions particulièrement favorables pour répondre au projet, que nous examinons ici, d’une possible intégration transversale de l’ensemble des données produites dans la vie quotidienne des services. La question du numérique est abordée de manière conséquente en articulation directe avec une transformation globale de l’organisation et non comme un discours sur « la ville intelligente » dont tous nos interlocuteurs ont dit se méfier, comme nous le verrons dans les trois parties suivantes.

Intégration des applications métiers et contraintes juridiques : le cas de la transformation de la relation administrative

35Les habitants de la Métropole sont en contact avec l’administration pour diverses raisons : l’inscription sur les listes électorales, les aménités culturelles et sportives (la piscine, la bibliothèque), l’inscription dans les écoles, les activités périscolaires. Ce sont autant de comptes, parfois répartis entre plusieurs communes. Le rapprochement de ces comptes peut avoir des objectifs de simplification administrative (ne pas redonner plusieurs fois l’information qui permet d’avoir un tarif réduit), de service (carte multi-services) ou de connaissance des différents publics et de leurs usages.

36De manière toute pratique, ce rapprochement des différentes figures administratives de chaque habitant induit l’intégration d’un important « patrimoine applicatif ». Nous reprenons ici, comme Gabriel Dupuy (1992) le terme d’« intégration » au sens qu’il a dans l’expression « progiciel de gestion intégrée », mais en un sens plus large que la solution du progiciel de gestion intégrée (ERP) (Segrestin, 2004a). À toute fonction de la collectivité, pour la gestion interne (assurer la paie des agents, gérer les comptes publics), pour la gestion technique (assurer la maintenance de l’éclairage, gérer la distribution de l’eau) ou pour les relations avec les citoyens (inscription dans les cantines, vente de tickets à la piscine), correspond une application. Pour une ville importante, ce sont entre 300 et 400 applications différentes qui sont communément utilisées. Cette complexité correspond au très grand nombre de fonctions assumées par le bloc communal. Ces applications sont pour la plupart des applications proposées par des sociétés spécialisées dans les besoins des communes. Celles-ci peuvent offrir des suites de modules (comme la suite bureautique de Windows) qui facilitent les échanges d’informations entre applications tout en créant des barrières à la concurrence :

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« On a plutôt des éditeurs qui ont des offres modulaires, sous forme de suites logicielles qui sont interfaçables les unes avec les autres… [Mais] la difficulté c’est que les éditeurs, pour garder leurs clients captifs, font pas l’effort d’ouvrir leurs applications au travers d’interfaces de programmation appliquée (API) standardisées et donc ça devient compliqué de faire communiquer une application de Berger Levrault avec une application d’Arpège alors que c’est beaucoup plus simple d’acheter la suite d’Arpège, ça marche tout seul. »
(Urbaniste)

38À ce problème classique dans toute collectivité locale (Dupuy, 1992), d’intégration des applications des différents métiers, s’ajoute celui de la convergence des applications métiers des différentes villes qui s’engagent dans la mutualisation. Ce sont alors 1200 applications qui sont concernées et potentiellement 14 applications correspondant aux 14 villes pour une seule fonctionnalité. Cette démultiplication a des coûts importants liés au fait qu’il faut avoir les compétences pour maintenir ces applications, gérer les transferts de données dans des formats différents entre ces applications, et mener autant d’opérations que d’applications pour tout changement qui s’impose à tous comme un changement réglementaire.

39Nos interlocuteurs pointent l’enjeu systémique de l’intégration de ce très grand nombre d’applications. Cela s’est traduit en particulier par le recrutement d’un « urbaniste » (Flichy et Parasie, 2013). Cette fonction qui n’existe que dans les grandes organisations vise à encadrer l’ensemble des interventions informatiques pour en assurer la cohérence.

40L’enquête révèle deux conceptions différentes de cette recherche de cohérence et d’intégration des applications. La première est portée par le directeur de la réforme du SI. L’idée est de « reconstruire le socle » et de « remonter les couches ». « Je suis sur des logiques d’infrastructures, on reconstruit par couches. » Le premier socle est un ensemble de deux data center redondants. Ensuite, les bases de données sont normalisées : « Vous allez sur un portail et vous dites “je veux une base de données de telles caractéristiques”, c’est toujours la même. » Ensuite, c’est « une plateforme de services sur des fonctions métiers communes ». C’est ainsi que toutes les fonctions ressources humaines et finances migrent vers cette plateforme sur un chantier qui durera quatre ans. Par la suite, ce seront les fonctions du système d’information géographique ou de la gestion d’intervention de dépannage qui seront intégrées dans cette couche unifiée.

41Cette perspective d’intégration globale est illustrée également à l’échelle d’une des villes de l’agglomération qui s’était donné l’objectif d’une informatisation unifiée des interfaces avec les habitants. Le responsable du service de l’accueil a choisi de prendre une application en open source développée par un Conseil général, car les applications proposées par les éditeurs du marché ne permettaient pas la mise en relation des données des différents secteurs. Ce projet est, en 2010, au cœur du programme de l’équipe municipale centré sur l’accueil et qui incluait également une réfection du hall de la mairie. Il permettra l’unification de l’interface sur le périscolaire et sera également associé à la mise à disposition d’un agent pour répondre par écrit aux questions en ligne. Mais, par la suite, il ne sera pas étendu aux autres services. Selon le responsable du service accueil, cela s’explique par un déplacement de priorités des élus et la mise en avant par les services d’autres urgences :

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« Soit l’équipe du guichet unique a pris comme prétexte “cette année j’ai la réforme des rythmes scolaires ou la Caisse d’allocations familiales (CAF) qui m’embête et je ne suis pas disponible pour élargir mon champ de compétences”. Soit c’est le partenaire sport, culture ou loisir des seniors qui n’est pas prêt, parce que forcément il y a un gros travail de procédure, il faut tout réécrire tout remettre à plat. […] Dans tous mes postes [précédents] ou ici, les guichets uniques qui partent sur un périmètre en ayant l’intention de s’élargir, je n’ai jamais vu cet élargissement. »
(Responsable de l’accueil usagers autre ville)

43Par la suite, la logique de convergence des applications à l’échelle de l’agglomération conduira finalement à abandonner cette application originale et à restreindre les possibilités d’échange de données.

44L’urbaniste défend une autre conception du processus d’intégration. Selon lui, cette vision industrielle systématique, et une forte contrainte pour la convergence vers une seule application pour chaque fonction, vaut pour les premiers enjeux internes les plus urgents pour la constitution de la métropole (RH et les finances), mais ce projet est déjà long (quatre ans), et de ce fait, pour les autres métiers, la convergence se fait plutôt au fil des opportunités. L’infrastructure de connaissance (Edwards et al., 2009) est alors appréhendée plus comme un agrégat (Jeannot et Ughetto, 2017) partiellement organisé que comme des couches clairement superposées. Cette convergence progressive, nous dit l’urbaniste recruté, suppose de pouvoir s’orienter dans ce maquis d’applications interconnectées au moyen de « cartographies ». Par cartographie il faut entendre des schémas qui ordonnent les 1200 applications du patrimoine de l’agglomération selon des principes différents. Une première série de cartes donne ville par ville l’ensemble des applications utilisées en distinguant les applications associées à une interface externe (usagers, entreprises), les applications liées aux métiers « producteurs de valeur », et les applications supports. Une deuxième série de cartes est constituée par domaine et vise à suivre la manière dont les applications sont articulées entre elles dans un processus : « Je clique dessus, toutes communes confondues, je trouve la liste des applications qui sont rattachées à cet objet dont la description est ici : “le bloc fonctionnel proximité regroupe l’ensemble des fonctionnalités nécessaires au maintien de l’ordre et de la tranquillité des citoyens”. Les opérations de police municipale, la vidéosurveillance sont dans ce bloc fonctionnel. » À partir de ces « cartographies », il sera possible soit de lancer un projet transversal sur une nouvelle fonction partagée (comme la gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO) ou les relations avec les entreprises délégataires qui seront évoquées ci-dessous), soit de proposer au fil des demandes quotidiennes des services des options qui participent de cette double convergence fonctionnelle et entre villes.

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« Voilà, c’est pour vous dire, c’est typiquement le métier d’urbaniste et aucun de mes collègues à qui j’ai montré ça ne s’est dit “ok, c’est ça l’urbanisme” par contre, ils viennent tous me voir en disant, “tu peux pas m’aider à modéliser le processus”, “ah faudrait que je fasse ça” et puis ça, moi je détecte et je… j’enregistre toutes les modifications, les évolutions de… du patrimoine d’une commune parce que j’ai mis en place un outil qui s’appelle le diagnostic d’architecture et tout le projet doit passer par le diagnostic d’architecture donc moi, je trace les changements… et voilà, avec ces outils, ça commence à apporter de la valeur et mes collègues viennent me voir. »
(Urbaniste) [7]

46L’urbaniste peut ainsi progressivement convaincre de remplacer les liaisons entre une application et d’autres qui utilisent une donnée par une seule liaison avec un pot commun central qui redistribue ensuite les données, ce qui facilite la maintenance, mais qui aussi permet de contribuer à créer le « lac de données » issu de la gestion quotidienne des services.

47Concernant les données administratives, nos interlocuteurs ont également souligné de manière répétée le fait que le rapprochement des différentes informations concernant un citoyen doit également faire face à des contraintes juridiques fortes. Alors que, pour les données anonymes, la philosophie du législateur est orientée vers l’ouverture maximale, pour les données nominatives le mouvement va vers plus de restrictions dans la circulation des données [8]. Deux contraintes sont particulièrement mises en avant : la CNIL qui restreint fortement la possibilité de croiser les données des collectivités locales en créant des domaines étanches et le règlement européen général sur la protection des données (RGPD), qui, depuis 2018, instaure le principe d’un consentement « explicite » et « positif » de la personne pour chaque usage de ses données [9].

48L’acte réglementaire unique RU-30 de la CNIL « garantit l’étanchéité des données » entre dix secteurs « pour les services traitants et interdit la création par l’autorité administrative d’un fichier de population ainsi que d’un identifiant unique des usagers » [10]. Les documents de communications de la CNIL permettent de comprendre les préoccupations du législateur : empêcher que des informations sensibles sur l’accès à des aides sociales ou des questions de santé ne soient accessibles à des fonctionnaires de services non concernés ou que des élus n’utilisent les ressources de la mairie pour leur campagne électorale (ils ne peuvent utiliser à cette fin que la liste électorale). Ce découpage en silos apparaît particulièrement contraignant. Il complique des activités de service. Par exemple il n’est pas possible de traiter une activité périscolaire et son transport. Elle contraint également des possibilités de compréhension de pratiques des habitants pour améliorer le service, comme connaître la part des usagers de la piscine qui viennent en tramway. L’affaire est, ici encore, dans le cas d’une métropole, compliquée par le fait que chaque commune est une entité indépendante :

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« La CNIL a défini 10 secteurs d’étanchéité, je n’ai pas une collectivité, j’en ai 14 puisque ce n’est pas une fusion, mais une mutualisation, cela veut dire que j’ai 140 silos de données. Ça veut dire que si demain vous voulez vous connecter à un portail métropolitain de façon simple et qu’il vous dise “je veux avoir mes informations sur l’eau, ma carte de transport et où j’en suis sur mon permis de construire”, on sait pas bien le faire. »
(Directeur de la réforme du SI)

50Le RGPD préoccupe aussi. Cela pose des difficultés dans la mise en œuvre de politiques nationales comme celle du « dites-le nous une fois », pour laquelle un usager n’aurait à donner qu’une fois une pièce pour un dossier.

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« J’ai donné mon livret de famille pour faire un dossier de mariage, pas pour inscrire mes enfants à l’école. Je pense que je devrais avoir l’autorisation explicite. D’un côté, l’usager quand il dépose son livret de famille à l’occasion de son mariage, il faut recueillir explicitement son consentement et, de l’autre, il faut que l’agent chargé des inscriptions scolaires, le récupère. »
(Responsable de l’accueil usager autre ville)

52La difficulté peut parfois être résolue en demandant simplement de cliquer pour valider le droit d’aller chercher un document administratif déposé pour une autre finalité. Ce qui peut conduire à de nouvelles complications comme dans ce cas où pour fixer le tarif des services périscolaires sans redemander l’avis d’imposition, un échange automatique de données avec la CAF avait été mis en place depuis 2012, qui reposait sur le principe d’autorisation tacite.

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« L’allocataire était informé par la CAF de cet échange de données, et pouvait s’y opposer, en renvoyant un coupon d’opposition. Le RGPD inverse cette logique, c’est dorénavant moi, propriétaire des données, qui doit recueillir le consentement de l’allocataire pour que la CAF me transmette son quotient familial. Nous avons créé une case dans notre portail qui est “j’accepte l’échange de données avec la CAF”. Quand la famille le fait en ligne, j’ai une preuve numérique de son consentement. Par défaut c’est non, et elle a coché oui. Au guichet, j’ai dû créer un formulaire papier, parce que c’est l’agent qui va cocher oui. Donc c’est génial, j’ai dû créer un formulaire papier où je fais signer la famille que je conserve précieusement en papier original […], en cas de contrôle. »
(Responsable de l’accueil usager autre ville)

54Les travaux empiriques sur la ville intelligente ont mis principalement en avant des problèmes de formats des différentes données (Courmont, 2015 ; Denis et Goëta, 2015) et diverses pratiques de rattrapage à la main (Dagiral et Peerbaye, 2012). Même si ces aspects sont évoqués, les entretiens que nous avons conduits font apparaître d’autres difficultés, systémiques et juridiques. Le travail d’organisation (De Terssac, 2011) qui est au cœur du déploiement à un plus haut niveau de l’intégration des systèmes inclut la nécessité d’aligner les acteurs au-delà de la simple unification externe des outils de communication, comme cela a été souligné à propos de l’émergence d’une administration électronique d’État (Flichy et Dagiral, 2004). Ce travail en profondeur sur les systèmes d’information fait alors ressortir une hiérarchie des priorités (RH et finances), ou une tension entre une logique très normalisatrice et une approche plus pragmatique. Cela rejoint des observations faites dans les entreprises privées (Segrestin, 2004a ; Kocoglu et Moatti, 2010 ; Segrestin, 2004b).

55Pour ce qui concerne l’intégration des données concernant les usagers, le processus apparaît plus souple et progressif et s’inscrira dans un cadre temporel encore plus long [11]. Un customer relationship management (CRM) de la Métropole n’est donc pas à l’horizon, malgré l’investissement conséquent engagé par la direction des services informatiques. Par ailleurs, l’intégration technique, la possibilité de croisements effectifs de données sur le nom de l’administré, supposent une évolution de la réglementation qui se joue dans d’autres sphères de discussion aux niveaux national et international [12]. L’attention à contenir l’activité des collectivités locales fait écho à une pratique ancienne du Conseil d’État restreignant le développement des services publics par les mairies (Chevallier, 1971). Cela s’inscrit également dans l’histoire des relations entre le ministère de l’Intérieur et des collectivités locales dans le développement de l’informatique (Baudot, 2011).

Entre démocratie de proximité et optimisation de la production : le cas des réclamations concernant l’espace public

56L’espace urbain, les voiries et trottoirs, les espaces verts, sont des supports de services, mais aussi des biens communs, les usagers qui sont également citoyens et coproducteurs de ces biens communs sont appelés à signaler à la collectivité des désordres : trous dans la chaussée, mobiliers urbains dégradés, dépôts d’ordures. La capacité de réaction rapide est une dimension importante du jugement et les lettres de réclamation ont de tout temps été l’objet d’une attention toute particulière en complément d’autres modalités de plaintes via le contact direct avec les élus ou dans les réunions publiques (Jeannot, 1995). La capacité de traitement de ces microproblèmes ordonne l’activité des services techniques des petites villes. La question est cependant renouvelée par la taille de la Métropole et par le recours croissant à divers outils numériques.

57La Métropole a choisi, pour renforcer la proximité et l’efficacité des fonctions d’entretien, de les territorialiser en les répartissant en quatre entités. Le découpage ne correspond pas à celui des communes et les élus peuvent voir dans cette territorialisation plutôt un éloignement de ces services qu’un rapprochement puisqu’ils n’agissent plus directement sur ces services techniques.

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« Au sein de cette maison, je suis autorité territoriale. Aujourd’hui, je descends dans le bureau du directeur général des services techniques et je lui dis “vous me mettez deux hommes tout de suite rue des maraîchers, vous allez faire l’entretien”, dans les deux minutes l’ordre est passé et cela se fait immédiatement. Au sein de la Métropole, je suis une autorité fonctionnelle, la seule autorité territoriale qui existe c’est Monsieur le Président. Et depuis la déconcentration en administration territorialisée, c’est pire. […] Les élus n’ont pas de bureau dans les antennes territoriales. De temps en temps, nous avons des réunions là-bas, mais on nous explique très vite que nous ne sommes pas chez nous. »
(Maire autre ville)

59Cette tension entre territoire fonctionnel et territoire institutionnel (Offner, 2006) va être compensée par une procédure de réception des réclamations qui maintient, de manière un peu artificielle, le contact direct entre les élus et les habitants : la procédure de gestion des demandes usagers.

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« C’est-à-dire que c’était un outil de gestion relations clients (GRC) assez classique. On l’appelait gestion des usagers (GDU), gestion des demandes usagers, qui était un outil qui trace les demandes usagers entre mairies, [la Métropole] et usagers, avec une vision à 360° pour tout le monde. Le processus qui vous est décrit ici [il se lève et montre une affiche sur un mur du bureau], il est assez simple. Je constate une anomalie sur le domaine public par exemple, un candélabre cassé, je m’adresse à la mairie. »
(Responsable de l’accueil usager autre ville)

61Ensuite, la demande passe de la mairie à l’un des quatre secteurs opérationnels, qui va traiter le problème, et revient vers l’usager qui a déposé la réclamation.

62La rationalisation de la maintenance passe ensuite par une intégration des applications métiers concernées de type GMAO (gestion de la maintenance assistée par ordinateur), portée par la direction des services d’information.

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« Et donc ça a permis de faire cet état des lieux, d’apercevoir qu’on avait grosso modo une vingtaine d’applications et l’idée est de se dire que… le type de métier de la maintenance, qu’il s’agisse de réparer… des lampadaires… de réparer un trou dans la rue ou de changer un bac à ordures ménagères. Le processus métier, grosso modo, il est à peu près le même, donc on doit pouvoir, on devrait être en mesure d’outiller ça par… une seule application avec un paramétrage standard de ce que c’est qu’une intervention, qu’ensuite on va venir surcharger par… les spécificités de “j’dois boucher un trou dans la voirie” par rapport à “j’dois changer une ampoule d’un lampadaire”. »
(Urbaniste)

64La réorganisation territoriale des services et la GMAO conduisent à l’apprentissage d’applications nouvelles (ex. : suivi des interventions sur tablettes) et ouvrent des opportunités de décloisonnement des métiers. Cela peut créer un mécontentement qui peut remonter rapidement à des élus directement au contact de ces agents.

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« En gros, si jamais on impose à des agents communaux un changement d’outils… le risque… est pas négligeable qu’ils se retournent vers leur maire en disant “mais nous on n’est pas d’accord, c’est pas ce qu’on voulait”, donc on est vraiment dans… dans un système plutôt complexe. »
(Urbaniste)

66Cinq villes de la Métropole ont choisi de développer une application smartphone permettant aux habitants de signaler directement un problème lié à l’espace public (trous dans la chaussée, dégradation de mobilier urbain, dépôt d’ordures sur la voirie…) en le géolocalisant et en ajoutant une photographie. L’outil lui-même est très facile à mettre en œuvre, et il est d’ailleurs présent clé en main dans les applications « ma ville dans ma poche » proposées aux petites villes. Il crée potentiellement une attente qui complique la gestion quotidienne par la multiplication des signalements redondants et par le fait que des politiques d’entretien systématique (réfection de toute la chaussée, remplacement programmé de toutes les ampoules) peuvent être plus efficaces qu’une somme de réparations immédiates. Par ailleurs, l’application participe à un contrôle de l’activité des agents d’entretien qui peuvent s’opposer à son usage. Comme le note cet élu qui explique les raisons de l’abandon de l’application dans sa ville.

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« Concrètement, aujourd’hui on dit à un administré “Télécharge l’application J’aime ma ville et signale-moi les difficultés”. Nous l’avons installée et ça a marché, même très bien marché, le souci c’est que l’administration perçoit cette application comme étant une volonté politique de contrôler son action. Et ça, c’est quelque chose qui est particulièrement complexe. Nous allons être très cash : un agent qui intervient sur la chaussée est un agent de catégorie C. Les tableaux de bord de l’application sont visualisés par les agents de catégorie B et A. En gros, on me met un écran de contrôle au-dessus de la tête, alors que jusqu’à maintenant, quand j’avais envie de passer rue [Prêtre] pour entretenir et éventuellement m’arrêter sur Madame Michu boire un café avant de repartir, personne ne pouvait contrôler ce que je faisais. »
(Maire autre ville)

68La gestion des réclamations repose sur une configuration organisationnelle complexe. Les services de l’agglomération s’efforcent de mutualiser et de rationaliser cette fonction par des instruments organisationnels (la territorialisation des services techniques indépendante du découpage des communes), par un outil de gestion des demandes qualifié de gestion de la relation aux citoyens (le GDU) et par l’interopérabilité croissante des interventions humaines (tentative de GMAO). Les élus des villes sont déstabilisés par ce projet global de transformation. En effet, leur élection est assez directement liée à la régularité de l’entretien des espaces publics. Et même si le projet de gestion des demandes des usagers permet de maintenir le contact via les mairies, cette construction est un peu fictive et les élus n’ont plus les moyens de décider de manière autonome de certaines interventions ponctuelles ou d’urgence. Les agents d’entretien peuvent également être négativement concernés par les opportunités offertes de multi-compétence ou par la plus grande visibilité sur leur activité qu’offrent tous ces instruments de suivi, ce qui rejoint d’autres observations (De Feraudy et Saujot, 2017 ; Monthubert-Morette, 2016) [13]. La difficulté est renforcée par les ressources conséquentes des maires des villes qui élisent le président de la Métropole [14] d’une part et des agents d’entretien qui sont à la fois au contact proche de ces élus et des habitants/électeurs. Cela peut être comparé, dans d’autres contextes, aux capacités de blocage des médecins libéraux face au dossier médical (Mathieu-Fritz et Esterle, 2013) ou des inspecteurs du travail face à des outils de reporting (Debar, 2011).

69De manière plus spécifique, ce cas fait ressortir le fait que les grandes infrastructures informatiques redistribuent la visibilité (Flichy, 2013). Cela se joue ici en sociologie des organisations avec l’inquiétude des agents d’entretien que leur travail soit plus fortement contrôlable ou mutualisé. Cela se joue en sociologie politique dans la grande attention portée par les maires des autres villes à toujours apparaître comme les premiers interlocuteurs de leurs électeurs sur ce sujet sensible des mécontentements concernant les espaces publics. Cela se concrétise par la production d’interfaces ad hoc (GDU, fix my street, application « ma ville dans ma poche »). Les questions d’organisation et de politique ne sont cependant pas dissociables et le fait que l’administration de la métropole ait été attentive à maintenir un point de passage par la mairie ne suffit pas à remettre le maire en position de piloter l’activité des agents d’entretien.

70Saisir l’exemple des applications smartphone de signalement de désordres dans l’espace public, en se plaçant du point de vue des cadres de l’administration, permet également de relativiser l’effet de cette technologie nouvelle. S’il y a bien une possible déstabilisation par cette mise en visibilité, l’application n’est cependant qu’une composante limitée d’un ensemble plus large qui inclut l’intégration informatique (GMAO), la possible multi-compétence des agents d’entretien, et surtout la dépossession des maires des villes de l’une de leurs interfaces privilégiées avec leurs électeurs par la création de quatre secteurs d’intervention. Ces nouveaux dispositifs numériques de la proximité et de la démocratie participative ne peuvent être isolés du reste de la machine de production des villes (Guéranger et Poupeau, 2007).

Les relations avec les entreprises délégataires de services publics : le cas des informations sur la mobilité

71Pour un grand nombre de services de la vie quotidienne, les villes françaises ont développé une forme originale de prestation reposant sur la délégation de services publics à des entreprises spécialisées d’ampleur mondiale (Lorrain, 2005). La question de l’intégration des données concerne ainsi également la manière dont les administrations municipales contrôlent les interventions de ces entreprises privées. Cela a d’ailleurs été un des premiers points de réflexion sur la ville intelligente (Baraud Serfati, 2011 ; Huré, 2017). Cela concerne les services de ramassage des ordures, les offres énergétiques publiques et les questions de transport. Nous aborderons ici ce dernier thème, particulièrement marqué par les innovations dans le traitement des données et les interactions avec les usagers (De Palma et Dantan, 2017 ; Aguiléra et Rallet, 2016 ; Aguiléra et Belton-Chevallier, 2017).

72La thématique de la mobilité a remplacé celle des transports urbains alors que les pratiques des habitants sont à la fois de plus en plus variées dans leurs fonctions (au-delà du classique domicile-travail) et dans leurs modes (associations entre voitures, vélos, transports en commun, véhicules partagés). L’information sur les déplacements devient alors un service en soi, ses modalités ont très sensiblement évolué grâce à l’usage du smartphone durant les déplacements (Aguiléra et Rallet, 2016). Ce dernier cas permet d’aborder une dimension de service et le rôle des entreprises délégataires de services publics [15]. En effet, une part importante des services de transport urbains est offerte par des entreprises délégataires : bus, tramways, vélos partagés, infrastructures de parking. Et les données concernant les transports sont en grande partie détenues par celles-ci.

73La volonté de la collectivité de se réapproprier un certain nombre de données pertinentes pour permettre des offres alternatives de service ou d’information sur les mobilités se heurte assez vite à l’impression d’une certaine mauvaise volonté des entreprises délégataires, d’où un sentiment partagé de relative impuissance.

74

« Quand le système est en gestion contractuelle chez le délégataire, je ne peux pas faire ce que je veux, c’est pour cela que cela prend du temps […]. »
(Directeur de la réforme du SI)

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« Au moment où ces contrats ont été faits, la donnée n’avait probablement pas la même valeur. Je payais le système d’information, mais je n’avais pas accès à la donnée. Eux, ils pouvaient enrichir la donnée, et quand ils quittaient la délégation 20 ans après, ils me rendaient la donnée brute. » [16]
(Directeur de la réforme du SI)

76Cela remonte aussi des cadres en charge du croisement des données (open data et SIG).

77Avec plusieurs de nos interlocuteurs, c’est un sujet de rires ou de demandes de préservation de l’anonymat.

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« Sur les données des délégataires, on en souriait tout à l’heure, mais c’est très très compliqué. On est propriétaires des données de nos délégataires, mais elles sont opérées par eux. Donc on est dépendants d’eux pour récupérer ces données et bien sûr c’est quasi mission impossible de les récupérer de façon exhaustive. Après c’est pas que de la mauvaise volonté, c’est contraignant d’extraire des bases de données, de les mettre à disposition. »
(Chargé de mission open data)

79La question est alors abordée en termes juridiques :

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« Tous les contrats de délégation de service public ont leur paragraphe SI. Avant, c’était quelques lignes “le délégataire devra s’engager à fournir les données”, là maintenant, c’est des chapitres entiers. C’est clair qu’il y a une vraie réticence, je vais pas dire rétention […] en tout cas d’énormes précautions pour mettre à disposition des données […] d’autant plus qu’on est dans un secteur concurrentiel. Mais je pense que cela va s’atténuer, tout dépend du rapport de force entre celui qui demande et celui qui a l’information. »
(Directeur de l’information géographique)

81La collectivité a bien des moyens de pression sur les entreprises délégataires liées au contrat de délégation, mais les cadres en charge du contrôle de la délégation et en position de réclamer ces données ont d’autres priorités. Ils choisissent de concentrer leur attention sur les informations qui leur permettent de suivre la qualité de la prestation offerte en délaissant des données qui permettrait de mieux intégrer différents services ou de mieux connaître les pratiques des usagers. Le cadre en charge du contrat de délégation avec l’entreprise en charge des transports en commun insiste ainsi sur les données qui servent à suivre l’accomplissement du contrat [17] : « On a accès à sa base de maintenance, si on a envie de vérifier comment ils ont entretenu tel organe, tel bus, telle rame. […] Il nous arrive aussi de refaire des calculs de vitesse de bus. » Certaines données nouvelles permettent également d’évaluer le dimensionnement de l’offre qui est définie dans le contrat : « La nouvelle billétique va être interfacée avec le système d’exploitation des bus et des trams. On pourra localiser les validations. Cela nous permet de faire des “serpents de charge” on voit au fur et à mesure de la ligne quelle est sa charge. S’il y a trois personnes qui montent à cet arrêt est-ce justifié de laisser cet arrêt ? » Pour les autres données, la pression pour les obtenir peut être moindre.

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« Aujourd’hui, je ne pense pas que c’est nécessaire d’envoyer toutes les données à la cellule de collecte des données. On fait le tri. »
(Cadre responsable du contrat de délégation des transports urbains)

83La direction de l’innovation peut cependant être appelée à la rescousse pour soutenir des projets non prévus dans le contrat, comme les panneaux ou les QR codes indiquant l’arrivée du prochain bus ou pour des dossiers délicats. C’est ainsi que l’expertise de la direction des systèmes d’information (DSI) va être appelée pour gérer l’offre par une grande entreprise du numérique d’un nouveau service de billétique qui s’avère dysfonctionnel et qui a pris beaucoup de retard.

84

« On a aussi utilisé des QR codes qui vous permettent d’avoir des temps de passage des prochains bus sans avoir à installer de panneaux lumineux qui coûtent assez cher. Comme on a plusieurs milliers d’arrêts, on n’en a installé qu’à quelques centaines d’arrêts. C’est quelque chose que nous avons fait parce que c’est un très gros investissement. Notre délégataire qui a un contrat de huit ans ne fait pas de très gros investissements. »
(Directeur des mobilités)

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« Le tout sans contact, le paiement par smartphone, le paiement par carte bleue, l’achat de titre sur internet. C’est un très gros chantier qu’on mène avec notre délégataire et qu’on a confié à [une grande entreprise du numérique] et ça se passe très mal. Nous intervenons sur un gros contentieux. »
(Directeur des mobilités)

86Cette difficulté à collecter les données hors des fonctions de suivi des engagements de qualité de service peut expliquer la faible ampleur de l’open data et des offres de start-up appuyées essentiellement dessus [18]. C’est ainsi qu’une application a été proposée à partir des données du délégataire mises à disposition sur l’open data pour permettre de savoir si le tram est très chargé ou en panne. Une autre application a été développée pour faciliter le covoiturage. La directrice des mobilités voit dans ces initiatives externes un nouveau modèle possible d’innovation pour la Métropole.

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« J’ai remarqué aussi que, depuis dix ans, notre philosophie, en tout cas la mienne, a beaucoup changé. Il y a dix ans, on récoltait les données et on voulait effectivement faire nous-mêmes des applications. Aujourd’hui, ce genre de choses est complètement has been. Aujourd’hui, on produit des données. Après, l’écosystème Google et les autres font les applications pour nous, ou les petits jeunes de la start-up le font. Si nous, pouvoirs publics, on essayait de monter nos propres applications, avec les délais qu’on a de passation de marchés publics, on écrirait un cahier des charges, on mettrait en place un truc qui correspondrait au cahier des charges seulement 3 ou 4 ans après et ce serait complètement périmé. De toute façon, on ne peut pas lutter contre ça. »
(Directrice des mobilités)

88Cependant, de l’avis même du directeur de la réforme informatique, ces développements de l’open data sont limités et plutôt stagnants.

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« Aujourd’hui, quand vous regardez à l’échelle de la métropole ou des villes, à part les données relatives à la mobilité et aux transports, aucune des autres données n’est utilisée. Si vous vous connectez sur le portail open data de [la Métropole], objectivement on a peut-être ajouté deux jeux de données les trois dernières années. »
(Directeur de la réforme du SI)

90Le même constat d’échec est porté sur un projet global de « mobilité intelligente » intégrant diverses initiatives mobilisant les ressources numériques portées du côté de l’agence d’urbanisme. Il s’agissait d’un projet de prise en charge collective modernisée (technologiquement et socialement) de la mobilité dans ses différentes composantes incluant une réflexion sur les rythmes d’usage de la ville (bureau des temps), le développement de boulevards urbains associant de manière pacifiée les différents modes de transports, des offres de covoiturage de courte distance sur des trajets balisés, des incitations au report modal sur le tramway ou une politique consistante de soutien à l’usage du vélo individuel ou partagé.

91Une autre configuration apparaît alors qui ne met pas la start-up en concurrence avec les entreprises délégataires, mais en complément de celles-ci. Plusieurs interlocuteurs au sein de l’administration de la Métropole ont évoqué le cas de l’offre de MVIL. Cette société offre des prestations d’optimisation de l’usage des infrastructures à des entreprises délégataires. En l’occurrence, sur la métropole, cette société propose une aide à la répartition des vélos en libre-service et un service expérimental permettant à un conducteur abonné une prévision du temps qu’il lui faudra pour se garer dans son véhicule, sur la voirie, dans un quartier déterminé. Ce dernier service est vendu sous un format software as a service et ajoutée comme complément à une offre de délégation de service de parkings urbains. Cette société mobilise des données attendues (suivre le trafic et le remplissage des parkings infrastructure, la météo ou le trafic, ou le crowdsourcing des utilisateurs), mais elle optimise ses résultats en intégrant également des données dont les interactions sont a priori moins immédiates, par exemple des données sur le remplissage des stations de vélos, que la start-up maîtrise car elle assure en parallèle la programmation du dispatching des vélos entre les stations pour le compte du délégataire, et qui peuvent indirectement indiquer une animation particulière dans la ville. Le traitement relève de méthodologies d’apprentissage automatique. Cette application s’inscrit dans un projet général plus ambitieux qui anime cette start-up : l’« urban predictive platform », une base de données urbaine qui s’enrichirait au fil des prestations offertes. Cette coopération entre entreprises de services urbains et start-up locales trouve également une concrétisation sous la forme d’une association de promotion de l’innovation, proche de l’expérience TUBA à Lyon, et qui rassemble des opérateurs, la Poste, une grande entreprise délégataire de service public.

92Le face-à-face entre collectivités publiques et entreprises délégataires autour de l’information des voyageurs est également déstabilisé par une autre configuration, celle d’une offre basée uniquement sur le crowdsourcing, Tom-Tom et surtout Waze. L’information offerte est plébiscitée par les automobilistes et ce service pourrait remplacer les panneaux à messages variables installés sur les voies principales sans rien coûter à la collectivité. Mais cela pose un problème par le fait que l’algorithme de Waze peut proposer à des automobilistes de s’engager dans des rues résidentielles qui en termes de qualité de chaussée, de sécurité et de nuisance aux riverains ne sont pas adaptées. Cette offre laisse les pouvoirs publics relativement démunis [19]. En travaillant avec la communauté des utilisateurs de Waze (groupe bénévole qui classe les voiries par niveau), les services de la métropole peuvent corriger des codages incorrects de voirie secondaire en voirie principale, en établissant un partenariat avec Waze comme d’autres villes (Courmont, 2018) ils peuvent récupérer des données pour leur propre gestion (en particulier l’optimisation des carrefours à feux), mais ils ne peuvent influencer l’algorithme et lui interdire d’orienter un automobiliste vers une de ces voies secondaires.

93

« Nous avons rencontré Waze également. Là, c’est un petit peu plus touchy, parce qu’il faut que la Direction du juridique regarde le conventionnement qu’il faut passer. Parce que, concrètement, nous travaillons avec une entreprise israélienne avec du partage de data sur des installations françaises. Pour que, par exemple, ces données de trafic puissent aller alimenter la couche logicielle, notre solution de gestion de trafic et des feux de notre agglomération. »
Question : « Mais est-ce que vous pensez que vous avez les moyens de les empêcher d’aller dans des petites rues où vous ne voulez pas qu’ils aillent ? »
« Non. »
(Vice-présidente de la Métropole en charge du numérique)

94Il reste alors aux pouvoirs publics des moyens d’intervention qui n’ont plus rien de numérique : ralentisseurs, zones trente, sens interdits, voies réservées aux riverains pour décourager ces détours en attendant de nouvelles ressources réglementaires [20].

95Dans ce contexte des relations entre l’administration de la Métropole et les offreurs privés de services de mobilité, au centre desquels se trouve l’entreprise délégataire des transports en commun urbains, les différentes composantes de l’administration jouent des rôles différents. Au cœur se trouve le service de la direction des mobilités qui a la charge quotidienne du suivi du contrat de délégation et de respect d’engagements de qualité. La DGSIN est appelée pour son expertise technique à propos du nouveau système défaillant de billétique, et elle peut contribuer à soutenir ponctuellement des projets innovants localisés, en particulier avec des start-up. En revanche, au sein de cette même direction, le directeur de la transformation numérique, comme les chargés de mission open data, expriment leur frustration devant les fortes réticences de l’entreprise délégataire face à une intégration par l’administration des données sur le transport.

96Le cas des données d’information pour les mobilités pose la question des relations avec les entreprises délégataires de service public. Il fait principalement ressortir le fait que, dans les organisations, l’attention se focalise sur certaines données plus pertinentes dans le rapport de force entre acteurs (Boussard, 2001). En l’occurrence, ici, l’enjeu est d’abord la capacité pour l’administration publique de vérifier les engagements de qualité de service et la pérennité des infrastructures. Cela rejoint des résultats plus larges concernant les enjeux de rendus de compte : le déploiement préférentiel des outils de norme de l’organisation internationale de normalisation (ISO) dans des entreprises sous-traitantes qui doivent rassurer leurs commanditaires sur leurs process (Kocoglu et Moatti, 2010) ou la faiblesse relative des comptabilités analytiques à destination des ingénieurs en interne face aux comptabilités financières à destination des actionnaires (Johnson et Kaplan, 1987). Le déploiement d’obligations juridiques de mise à disposition de données ne déplace que partiellement cette focalisation de l’attention. Les start-up qui dépendent de l’open data pour déployer des offres alternatives d’informations voyageurs se trouvent en position de dépendance des entreprises délégataires. La configuration d’une alliance entre entreprise délégataire et une start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle apparaît plus robuste et mériterait d’être explorée dans d’autres contextes. Le caractère central du jeu entre les pouvoirs publics et l’entreprise délégataire est plus nettement bousculé par une offre d’information sur les mobilités qui repose uniquement sur le crowdsourcing et qui ne dépend plus des acteurs publics et privés établis dans le paysage.

Conclusion

97C’est en prenant en compte l’épaisseur de la mutation informatique de l’administration de la Métropole que l’on peut appréhender les différentes dimensions de recomposition de la gouvernance autour des innovations associées à la ville intelligente. Dans tous les cas étudiés, le cœur de la préoccupation de nos interlocuteurs n’était pas la production d’un nouveau type d’intelligence, mais la transformation de l’organisation (renforcement du « coefficient de mutualisation » par le biais de l’informatique, territorialisation des services techniques, pilotage économique des contrats de délégation de service public). L’ambition d’un centre de pilotage, l’image d’un « lac de données », qui permettrait une nouvelle intelligence de la gestion urbaine par le croisement de grandes masses de données, qui est bien relayée par les cadres de l’administration en charge du numérique, doit toujours être rapportée à d’autres finalités de l’intégration des données.

98Cet exemple met également en évidence toutes les difficultés rencontrées dans des projets d’intégration informatique de grandes organisations même quand des moyens conséquents sont déployés. Cela suppose, comme dans toutes les grandes organisations, de dépasser les blocages de directions métiers ou d’entreprises sous-traitantes, d’ajuster des formats au niveau micro, mais surtout de gérer de manière globale un très grand nombre d’applications entre logique d’urbanisation pragmatique ou projet d’intégration de type ERP (Segrestin, 2004a). L’enquête sur une grande intercommunalité fait apparaître, en outre, des difficultés spécifiques. La dimension généraliste des communes, combinée à l’intrication d’une administration métropolitaine et d’administrations communales, rend la situation plus complexe que les grands projets d’entreprises ou d’organisations publiques nationales. La très grande proximité entre l’administration et les électeurs exacerbe les enjeux de la mise en visibilité des données (Flichy et Parasie, 2013). Au final, l’intégration des données n’apparaît pas impossible, mais elle est bien difficile. Et si on compare ce que l’on a observé, dans un cas a priori favorable, à des projets publics nationaux d’ampleur comme le paiement à la source des impôts, la carte Vitale ou l’accès aux comptes de retraites, on peut conclure à un retard informatique du bloc communal.

99Pour ce qui concerne les relations avec les entreprises privées, il apparaît tout d’abord (puisque c’était le point de départ de l’interrogation) qu’il n’a pas été donné suite à la proposition de service d’IBM. Ce résultat pourra rejoindre le constat mitigé porté dans le monde sur ce modèle de centre de pilotage multithématique (Alizadeh, 2017). L’enquête fait émerger des acteurs privés qui avaient été négligés dans les analyses sur les nouvelles formes de privatisation de la ville (Barreau-Serfati, 2011) : les éditeurs d’applications de gestion des administrations municipales. Ceux-ci sont en effet dans une bien meilleure position qu’IBM pour proposer des solutions d’intégration des données issues de la gestion quotidienne des administrations municipales. Le fait qu’une des premières chaires de recherche sur la « smart city » soit portée par l’un deux, Berger-Levrault, peut conduire à poursuivre les investigations. Les acteurs les plus disruptifs sont clairement les plateformes offrant des services de manière complètement indépendante des collectivités locales, Waze ou les entreprises offrant de la mobilité en free floating (trottinettes, vélos, scooters). L’enquête montre les très faibles moyens de pression de l’autorité locale sur ces acteurs. L’enquête centrée sur l’administration de la métropole rappelle cependant qu’entre la « ville IBM » et la « ville Google » (Boulier, 2016), il ne faut pas oublier la « ville Veolia », la ville des majors des services urbains en délégation, qui restent bien au cœur des nouveaux capitalismes urbains (Huré, 2017). Dans la configuration de la Métropole, il semble que la position des start-up locales doive s’analyser dans un jeu à trois avec l’administration municipale et les entreprises délégataires, soit en concurrence avec ces dernières en s’appuyant sur l’open data, soit en complémentarité pour revendre aux villes des données qu’elles possèdent déjà : « la ville as a service » (Ménard, 2017).

100Au sujet de la démocratie locale, la posture qui consiste à attendre les innovations plutôt qu’à suivre ses promoteurs conduit à relativiser l’impact des nouveaux modes de coproduction (Linders, 2012). On retrouve, dans le cas de la Métropole, le fait que les usages « citoyens » de l’open data sont très faibles (Goëta et Mabi, 2014). Le cas d’Open Street Map a bien été évoqué par nos interlocuteurs, mais plutôt comme une curiosité amusante. Les applications de signalement en ligne de défauts dans l’espace public de type « fix my street » comprennent bien une réelle capacité de déstabilisation de la gestion municipale (De Feraudi et Saujot, 2017), elles peuvent contribuer à accélérer des changements ou à déstabiliser des positions, elles n’ordonnent cependant pas la réorganisation des services qui se joue autour d’une reterritorialisation des services de maintenance et d’une gestion intégrée des demandes.

101Les acteurs publics supra-communaux (État, Europe) apparaissent en filigrane à travers les discussions sur les réglementations, dont certaines encouragent la circulation des données et d’autres les freinent, et un droit en cours de stabilisation. Le sujet n’a été ici abordé que de manière incidente et mériterait un travail spécifique. Cependant, on peut remarquer, dans les situations où les règles ont déjà évolué (par exemple les obligations d’ouverture des données par les communes ou les obligations de communication des données par les entreprises délégataires), que les obligations peuvent n’être suivies que de manière formelle et que la mise en œuvre de la règle suppose une capacité d’être saisie par des acteurs locaux (Lascoumes et Le Bourhis, 1996).

102Si on revient à l’interrogation initiale concernant la possible intégration publique des données, le principal apport de ce tableau des représentations des acteurs internes de la métropole se trouve dans la composition des éléments. D’un côté, une transformation de longue haleine, marquée de pas mal d’embûches dans la mise en œuvre effective d’une intégration des systèmes informatiques en interne et de ses applications pour les usagers ; de l’autre côté, des innovations centrifuges : gadgets technologiques portés par les différentes directions métiers, innovations sur la démocratie largement orientées vers la communication et portées par les élus, revente par des groupements start-up/entreprises délégataires des données urbaines, et enfin services totalement indépendants de plateformes reposant sur le crowdsourcing comme Waze. Ce double mouvement permet de saisir ce qui se joue comme addition (d’une part un lent chantier d’intégration du SI, de l’autre une mise en concurrence des plus rapides innovateurs), mais aussi et surtout comme une impossible composition : la capacité des villes à reprendre la main à court terme face aux nouveaux développements numériques externes supposerait la réalisation d’une intégration du SI qui ne se joue qu’à long terme.

Notes

  • [1]
    L’enquête dont les résultats sont présentés ici a fait l’objet d’un soutien financier de l’Institut pour la recherche de la Caisse des dépôts et consignations.
  • [2]
    En ligne sur le site du PUCA : http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/ville-intelligente-2014-2018-a262.html, consulté le 28 août 2019.
  • [3]
    Les entretiens ont concerné des acteurs au sein de l’administration municipale élargie : à la fois des acteurs de la DGNSI (le directeur de la réforme du système d’information (SI), le directeur de l’innovation, le directeur de l’aménagement numérique, le directeur de l’information géographique, l’urbaniste, deux chargés de mission open data, un chargé de mission innovation mobilité) et des acteurs hors de la DGNSI (la directrice des mobilités, le responsable des relations avec l’entreprise délégataire des transports collectif, l’élue en charge du numérique, le directeur de l’agence d’urbanisme et un de ses cadres, le responsable de l’accueil usager d’une des villes, un maire d’une ville). Les entretiens ont duré en moyenne 1 h 10 (plus court 40 mn, plus long 2 h 10). Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits. Le fait que la moitié des personnes rencontrées ne soient pas des porteurs de l’innovation permet de nuancer l’enthousiasme des cadres chargés de l’innovation.
  • [4]
    Cette comparaison doit cependant être relativisée par une autre entre le budget de cette grande direction informatique et le budget global de la Métropole, de l’ordre du milliard.
  • [5]
    Cette fonction de médiation peut être lue en creux comme l’absence d’une prise en charge plus explicitement politique. Plusieurs interlocuteurs de l’administration ont signalé la difficulté de l’émergence d’un « comité de la donnée », « pour délibérer à un moment donné à l’échelle de la métropole, pour pouvoir arbitrer les données qui seraient intéressantes à acquérir pour une gouvernance globale de la donnée… On peut dire que c’est encore un peu tôt pour en parler » (Directeur de l’innovation), et une lecture des comptes rendus du conseil communautaire révèle l’absence d’intervention de cette vice-présidente sur des sujets liés au numérique.
  • [6]
    Le rapprochement des expériences est d’autant plus légitime que le directeur de la réforme du SI était consultant dans un projet associé à Copernic.
  • [7]
    Les propos de cet urbaniste informatique se départissent de l’imaginaire associé à cette fonction, qui suppose une table rase permettant un plan d’occupation des sols. Ils rejoignent de manière remarquable ceux tenus par les professionnels de l’aménagement urbain qui doivent dans la plupart des cas ordonner une ville déjà là et « faire du général avec du singulier » (Jeannot, 2000).
  • [8]
    Même si les questions sont différenciées, la coexistence de cette politique du closed data à côté de celle de l’open data conduit à restreindre sensiblement la seconde en interdisant les croisements de données sur le nom et donc toute possibilité de comprendre la vie quotidienne des habitants dans leurs différentes composantes. Ce point a été souligné par des chercheurs spécialisés dans le traitement des données transport qui notent que la quantité énorme des données ne compense pas leur pauvreté. Le fait d’avoir la donnée sur tous les passages en tramways de dizaines de milliers de personnes est bien moins riche que les enquêtes déplacements qui sur un échantillon contrôlé donne une information sur tous les trajets d’un individu associé à ses caractéristiques sociodémographiques (De Palma et Dantan, 2017).
  • [9]
    Ces contraintes juridiques limitent le croisement des données selon les personnes, elles ne s’appliquent pas au croisement des données selon la localisation, ce qui explique un développement plus facile et ancien des systèmes d’information géographiques.
  • [10]
    Ces dix secteurs sont : 1) la fiscalité, 2) le travail et le social, 3) la santé, 4) le transport, 5) l’état civil et la citoyenneté, 6) les relations avec les élus, 7) les prestations scolaires et périscolaires, les activités sportives et socioculturelles, 8) l’économie et l’urbanisme, 9) les polices spéciales et voiries, 10) les relations avec les usagers.
  • [11]
    L’épaisseur temporelle est sûrement plus grande encore. Gabriel Dupuy (1992, p. 35) fait le même constat de l’éclatement des applications et d’une « informatique peu intégrée » et note qu’en 1991 les trois quarts des communes de plus de 100 000 habitants avaient réalisé des schémas directeurs informatiques pour y remédier.
  • [12]
    La question des contraintes juridiques a été peu abordée dans les travaux empiriques sur les villes intelligentes en France présentés dans l’introduction. La prise en compte de ces aspects serait un sujet en soi, nous nous contentons ici de signaler la forte préoccupation de nos interlocuteurs à ce propos.
  • [13]
    L’hypothèse d’une explosion des réclamations liées à la facilité d’accès du canal smartphone n’est pour l’instant pas confirmée (de Feraudi et Saujot, 2016).
  • [14]
    La loi MAPTAM de 2004 prévoit dans son article 54 une élection des conseillers communautaires au suffrage universel, ce qui pourrait transformer la situation.
  • [15]
    Le principe de la délégation de service public est que les infrastructures sont possédées par la collectivité publique et que la gestion est confiée à une entreprise privée (ou semi-publique) qui délivre un service encadré par un contrat définissant les caractéristiques attendues et assorti de sanctions en cas de non-atteinte de celles-ci.
  • [16]
    Anne Le Strat (2015), élue responsable de la reprise en régie de l’eau à Paris, note que l’ancien délégataire souhaitait rendre à la ville l’ensemble des éléments applicatifs et de données dans l’état où ils étaient au moment de la signature du contrat.
  • [17]
    La délégation de service public dure du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022 : « c’est un contrat qui fait 1,5 milliard sur la période » (Cadre responsable du contrat de délégation des transports urbains).
  • [18]
    Le crowdsourcing citoyen et en particulier la cartographie collaborative sont évoqués mais comme des compléments limités à l’open data sur la mobilité. « Quand on a eu besoin de faire une étude sur le territoire départemental, on a eu besoin de récupérer les arrêts de bus de certaines collectivités, voilà. Le seul endroit où on a pu les trouver c’était Open Street Map. On est allé sur Open Street Map et on a trouvé les arrêts de bus qui avaient été saisis. Alors, qui avaient été saisis par des gens ou qui avaient été partagés par des collectivités qui n’ont pas de portail open data » (Chargé de mission SIG).
  • [19]
    Antoine Courmont (2018) a recensé durant l’été 2017 dix partenariats de même type entre des collectivités et Waze. Nous différons de son analyse sur ce sujet. Il voit dans ces partenariats une manière de déplacer le rôle des pouvoirs publics qui exerceraient un « gouvernement indirect » par la mise en circulation de leurs données (p. 444), si cela peut conduire à une convergence des intérêts (par exemple lorsque la ville de Versailles annonce les routes bloquées lors d’une course à pied), cela n’influe pas sur les principes d’orientation des utilisateurs pour leur propre intérêt et non l’optimum collectif.
  • [20]
    Cette question est au cœur de la loi d’orientation des mobilités adoptée par l’Assemblée nationale en 2019.
Français

L’article analyse la manière dont les cadres de l’administration d’une métropole prennent en charge l’ambition d’intégration des données des usagers (administration, réclamations, information sur la mobilité) et les difficultés spécifiques qu’ils rencontrent : complexité de l’intercommunalité, démocratie de proximité, règles CNIL. Cette analyse focalisée sur le fonctionnement global des administrations municipales permet de remettre en perspective les évolutions de la gouvernance associées aux nouveaux dispositifs de la ville intelligente : le poids maintenu des anciens acteurs privés face aux nouveaux entrants, l’impact limité sur l’organisation municipale de la co-production par les citoyens et le décalage de rythme entre la lenteur des évolutions internes et la rapidité de l’évolution du paysage économique. Cela conduit à un bilan plutôt pessimiste concernant cette ambition.

  • smart city
  • open data
  • crowdsourcing
  • customer relation management
  • délégation de service public
  • mutualisation

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Gilles Jeannot
École des Ponts, Latts
Victor Maghin
École des Ponts, Latts
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 28/11/2019
https://doi.org/10.3917/res.218.0105
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