CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Les enquêtés dont il va être question ici ont 15, 16, 17 ou 18 ans [1] ; ils s’appellent Sara, Kevin, Alexandre, Keira ; ils ne sont pas tous blancs, ils ne sont pas tous français ; ils ont en général un téléphone, souvent un smartphone ; ils habitent avec leurs parents, leur mère, ou une sœur ; ils sont orientés dans des filières technologiques et professionnelles assimilées à un échec scolaire ; ils sont lycéens et deviennent grands dans un milieu populaire : c’est cette dernière caractéristique qui les réunit. Cet âge constitue la période d’exploration où chacun s’autonomise des parents et institutions. Grandir consiste à déterminer comment choisir ses amis, comment s’orienter vers un métier, comment définir ses goûts culturels. Cette construction se forme bien sûr dans un terreau, un jeune devenant adulte ne grandit pas hors sol. Or le rôle de ce qui est hérité par rapport à ce qui est socialement ou individuellement développé interroge perpétuellement et mérite d’être encore réinterrogé à l’heure du web. Comment un adolescent développe-t-il son capital social, entre celui hérité de son milieu familial et éducatif et celui choisi par ses sociabilités et centres d’intérêt, quand il peut explorer en ligne des goûts et des interactions ? Les notions de réseau social et capital social seront ici entendues suivant les définitions suivantes : Barnes décrit les groupes d’individus comme des réseaux tissés de liens grâce auxquels circulent des informations et se fondent des normes et références (Barnes, 1954) ; l’évaluation du capital social d’un individu passe non pas tant par la dimension de son réseau social que par la diversité des liens entretenus (Bourdieu, 1980). En proposant que le capital social soit transmis avec le capital culturel et économique, Pierre Bourdieu introduit l’idée d’un héritage des réseaux et compétences interactionnelles. Or la part de l’hérité, de l’appris et de l’exploré dans le développement des individus peut évoluer du fait d’un horizon repoussé par le web. Avec internet, chacun peut accéder, en théorie, à une partie du monde.fr, sans nécessairement que ses parents n’aient acheté le journal. Pourtant, les recherches montrent bien que la famille reste déterminante dans l’usage du numérique, car c’est elle qui soutient les conditions de l’empowerment en accompagnant la compréhension du numérique (Fluckiger, 2007 ; Octobre et Mercklé, 2012). Si la découverte des contenus en ligne reproduit des pratiques segmentées en fonction de l’environnement social, le web intègre aussi des outils d’interaction et apporte donc des relations et liens potentiellement élargis par rapport à ceux fournis par la famille, le quartier, l’école. La dynamique des réseaux sociaux rappelle d’ailleurs que c’est dans cette période de vie, encore préservée des contraintes professionnelles, que se développent les rencontres (Bidart et al., 2011). Les plateformes de sociabilité en ligne comme ICQ, Facebook ou Snapchat créent pour les jeunes un espace d’entre soi où les contenus circulent par rapport aux espaces partagés avec les parents ou l’école et où les interactions s’activent et s’éprouvent (Pasquier, 2005). On peut donc s’interroger sur le rôle particulier de Facebook dans l’exploration du web et la construction du capital social des lycéens. Sans essentialiser l’expérience en ligne, les réseaux socio-numériques donnent-ils aux adolescents un terrain où développer un capital social différent de celui transmis par le cadre familial et éducatif ? Dans le cas particulier des milieux populaires, ceux-ci valorisent une assise sur les liens forts comme les liens familiaux et une « attention oblique » aux médias, permettant de saisir ce qui correspond aux références de cet environnement (Hoggart, 1957 [2007]). Pour les jeunes qui grandissent dans ce contexte, les réseaux socio-numériques sont-ils des sources de diversification des liens et des goûts ou des espaces de reproduction d’une logique de classe ?

2 Pour envisager ces questions, partir du contexte de Facebook est un moyen d’étudier les usages de manière précise avec un cadre sociotechnique homogène [2]. La plateforme lancée par Marck Zuckerberg dans les universités américaines en 2004 et en France en 2007 a connu une appropriation rapide par les internautes du fait de la simplicité de l’expression en statut et du choix des personnes qui peuvent voir cette expression. Une des spécificités de Facebook à son lancement a été de se concentrer uniquement sur la sociabilité, plutôt que de proposer une logique spécialisée comme les réseaux professionnels, musicaux ou de rencontres amoureuses (Boyd et Ellison, 2007). La plateforme a rapidement intégré le partage de contenus pour soutenir cette sociabilité : les statuts permettent de mettre des liens URL, qu’il s’agisse des actualités, de vidéos de musique ou de foot, de photos, de chats ou de recettes de cuisine. Cette fonctionnalité permet ainsi de reproduire un environnement complet où développer ses amitiés et ses goûts, avec les contenus informationnels pour alimenter les conversations (Tarde, 1901 [2006]) et une palette d’expressions et réactions préformatées (like, commentaire, poke[3], etc.). Contrairement aux blogs, le principe est que les publications ne sont pas publiques, ce qui permet de s’exprimer devant un public d’« amis » perçu comme limité. La réduction de l’horizon de l’expression au réseau social a très probablement contribué à une appropriation plus large de Facebook, notamment par les adultes et les classes populaires. Aujourd’hui, si plus de 30 millions de comptes Facebook sont dénombrés en France, cette ampleur masque une diversité des usages, entre les comptes « pour essayer » et les comptes actifs, les comptes où l’internaute s’exprime sur son mur et ceux où la conversation est prépondérante (Bastard et al., 2017). Plus précisément par rapport à la question envisagée, l’amitié établie sur Facebook par réciprocité formalise le réseau social entendu comme réseau de connaissances réciproques [4]. La notion de réseau induite par la plateforme correspond donc à une utopie humaniste de liens forts généralisés, au sens de Granovetter (1973), où le capital culturel pourrait croître avec la circulation d’informations entre les liens. Or nous allons voir que ce dispositif socio-technique, même manipulé avec distance et de manière expérimentale par les adolescents, aboutit à un enchevêtrement de relations qui paralyse l’exploration relationnelle et informationnelle, au profit de la confirmation de sa place sociale, par un affichage consensuel des liens et de la réception des contenus. Ce résultat va dans le sens des travaux montrant un renforcement des liens forts et des communautés en ligne (bonding) au détriment de la constitution d’un capital social issu de la circulation des contenus entre sphères hétérogènes (bridging). Tout en mettant en lumière les pratiques des adolescents et leurs ajustements par rapport au dispositif grâce à des exemples singuliers, il s’agit de comprendre ce qui se produit collectivement par l’agencement des usages et conduit donc à des pratiques de « classe ».

« Madame Facebook » : une sociologue dans un lycée populaire

3 Dans le cadre d’un doctorat sur les pratiques informationnelles en ligne, j’ai donc mené un terrain sur les usages de Facebook par des lycéens pendant trois mois, de mars à juin 2013 [5]. Le cœur de cette enquête a été réalisé dans un lycée professionnel et technique de la banlieue nord de Paris, qui sera par la suite appelé le lycée Pasteur [6]. Celui-ci réunit plus de 1 000 élèves, c’est un des plus gros de son académie, mais aussi un des plus bas dans les classements de réussite au bac et il a globalement mauvaise réputation. Les garçons en échec scolaire y sont orientés en filières professionnelles électricité, chauffage et climatisation, ou restauration ; les filles suivent les filières technologiques du soin à la personne et d’assistance sociale. Le lycée mélange une population très disparate dans ses origines avec une part importante d’élèves issus de l’immigration, mais c’est en même temps une population très homogène socialement, populaire et d’origine immigrée.

4 N’y a-t-il pas un paradoxe à se placer dans un lycée pour étudier le rôle de Facebook comme alternative au développement du capital social des adolescents par rapport au rôle des familles et des institutions ? Ce cadre m’a permis de déployer plusieurs méthodes. Trois types de collectes ont ainsi été entreprises : des interventions d’une heure auprès de demi-classes (N = 15, liste en annexe 1) ; au cours de ces échanges, les lycéens remplissaient un questionnaire sur leurs réactions à l’actualité sur Facebook (N = 256, matériau quantitatif non utilisé ici) ; des entretiens individuels ont été menés avec des lycéens recrutés à partir du questionnaire (N = 11, liste en annexe 2). Le questionnaire est une méthode limitée sur les pratiques en ligne, car il compte des réactions de principe à des situations imaginées plutôt que les usages (Bastard, 2017). A contrario, les entretiens collectifs ont été particulièrement riches, car les adolescents se répondaient entre eux, contestaient avec des exemples, rappelaient des expériences, bref, menaient la discussion. Trois questions étaient proposées au fur et à mesure pour cadrer ou relancer le débat : (1) Faut-il connaître tous ses amis sur Facebook ? (2) Pourquoi ne peut-on pas parler de politique sur Facebook ? (3) A-t-on le droit d’être plus violent sur Facebook qu’en face-à-face ? Ces questions étaient débattues plus ou moins collectivement, avec des apartés et parfois des dérapages, mais dans l’ensemble avec des arguments et des références propres au contexte des adolescents. Cette situation d’entretiens de groupe permet donc de proposer aux jeunes un cadre proche de l’entre soi, où s’expriment les similarités et distinctions sur des sujets partagés. Les entretiens collectifs ont eu pour particularité de se faire avec des groupes sexuellement homogènes, du fait des effets de filières : les chauffagistes sont des garçons, les classes de soins à la personne recrutent quasi uniquement des filles. J’ai parfois lancé des questions sur les différences hommes-femmes, par exemple en demandant à une classe de filles « et les garçons, ils postent quoi sur Facebook ? », mais il est à noter que les entretiens collectifs n’ont pas produit de mise en regard des filles et des garçons. Enfin, 45 jeunes ont laissé leur numéro de mobile à la fin du questionnaire pour que je puisse les recontacter pour un entretien individuel, au lycée. Laisser son 06 à une « presque prof » implique une volonté de s’exprimer personnellement. De manière symptomatique, les jeunes rencontrés individuellement semblent avoir en commun d’apprécier échanger avec un adulte, voire d’être à la marge des groupes de pairs dans le lycée. Ce matériau n’apporte donc pas des témoignages sur les mécanismes de la majorité, mais sur les alternatives possibles.

5 La multiplication des approches et méthodes vise à comprendre non seulement ce que les jeunes font sur les réseaux socio-numériques de manière descriptive, mais aussi le sens qu’ils donnent à cette activité et les représentations qu’ils mobilisent pour cela. Au bout de trois mois au lycée Pasteur, j’étais reconnue par les élèves comme « Madame Facebook ». Cette identification n’a toutefois jamais conduit à des contacts directs à l’initiative des jeunes. C’est aussi probablement un temps trop court pour acquérir une confiance suffisante et accéder aux confidences : aucun jeune n’a explicité les embrouilles ou les problèmes qu’il ou elle aurait pu avoir sur internet, à peine certains les ont-ils signalés (« J’ai eu des embrouilles alors j’ai fermé mon compte »).

6 Pour comprendre le développement d’un réseau et du capital social sur Facebook par les jeunes du lycée Pasteur, nous allons voir comment ceux-ci construisent leur profil et acceptent des amis, en apprenant par les aînés et sans forcément tenir compte des injonctions des parents ou du dispositif. Cette ouverture est toutefois freinée par l’enchevêtrement des interactions en ligne et la nécessité de conformer son expression à ce qui est socialement acceptable par les pairs. Ainsi se dessinera progressivement l’idée que les adolescents du lycée Pasteur utilisent les réseaux socio-numériques comme Facebook pour confirmer leur place sociale, sauf dans des cas précis comme pour ceux ayant une passion les amenant à dépasser le cadre de leur réseau proche.

Utiliser Facebook : de l’autonomie à l’expérience

7 La première étape pour envisager le rôle de Facebook dans le réseau social des jeunes de milieu populaire se situe au moment de la création du profil. D’après l’enquête coordonnée par Sonia Livingstone au niveau européen, 82 % des jeunes âgés de 15-16 ans possèdent leur propre profil sur les réseaux socio-numériques (Livingstone et al., 2011). Donc presque un jeune sur cinq indique ne pas avoir de compte Facebook… Au lycée Pasteur, les jeunes qui déclarent ne pas avoir de profil invoquent deux raisons bien distinctes. D’un côté, certains jeunes sont manifestement empêchés d’avoir un compte Facebook, par leurs parents ou des membres de leur famille, à cause de problèmes d’équipement ou d’accès, ou par le barrage de la langue aussi dans certains cas. D’un autre côté, certains l’utilisent ou l’ont utilisé, mais ont pris la décision de ne pas avoir de compte, que ce soit suite à des embrouilles, à l’arrivée de leurs parents sur le réseau, ou parce qu’ils utilisent d’autres moyens d’échanges.

Se créer un compte, un gage d’autonomie permis par la famille et les aînés

8 Les jeunes sans Facebook sont ceux avec qui j’ai pu avoir le moins d’échanges, n’ayant pas le support de l’expérience pour aller plus loin dans la discussion. Une observation distante et quelques échanges laissent voir le rôle des facteurs sociodémographiques traditionnels dans l’adoption des technologies : ce serait les jeunes issus des fractions les moins favorisées qui ne peuvent pas aller sur Facebook, notamment les jeunes en très grande difficulté scolaire, les immigrés ne parlant pas français, les jeunes empêchés. Un profil sur le réseau marque une autonomisation du jeune, qui a l’occasion de développer avec cet outil une pratique personnelle pour se présenter, se connecter, interagir. C’est donc un champ d’expériences émancipateur accompagné d’une privatisation d’une activité sociale, que les parents peuvent autoriser ou interdire formellement. En plus de cette première barrière, le milieu familial est aussi facilitateur ou non de l’aisance informatique permettant de manipuler les outils, gérer ses accès, tester des fonctionnalités, aboutir à ce que l’on cherche. Cédric Fluckiger montre qu’en plus d’un accès technique, c’est bien une familiarité avec l’outil informatique qui est transmise par la famille (Fluckiger, 2007). Les enfants observent chez leurs parents cadres une domestication de l’ordinateur grâce à une pratique réflexive de manipulation et une hétérogénéité d’usage, mais cette maîtrise de l’outil n’est pas transmise dans les milieux populaires. Au lycée Pasteur, il semble en effet que les adolescents issus de milieux très défavorisés et peu intégrés socialement n’utilisent pas Facebook ou ne se soient pas approprié l’outil.

9 Cette première observation faite, pour ceux qui ont accès à Facebook on peut se demander quels sont les vecteurs d’initiation à la plateforme. Les adolescents rencontrés ne peuvent certes pas compter sur leurs parents, puisque ceux-ci sont déclarés incompétents techniquement (« déjà mes parents ils savent pas se servir d’un ordinateur, alors Facebook… ») et socialement. L’apprentissage passe préférentiellement par les aînés. Ceux-ci racontent qu’ils assurent l’initiation des frères ou sœurs plus jeunes, ce qui permet d’expliciter les règles apprises et adoptées sur la création de comptes, la gestion de l’identité et le choix des amis.

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« Mon petit frère il a [Facebook], mais j’ai pas envie d’avoir son Facebook [d’être ami avec lui sur Facebook]. Parce que, je sais, que, de toute façon, je peux y aller quand je veux, j’ai son mot de passe et tout. Mais j’ai pas envie qu’il voie les trucs que je fais. Il a 13 ans. Mais par contre, moi je suis derrière lui. Je lui ai, je lui ai bien expliqué certaines règles, et je lui ai dit que si il met, si quand j’allais me connecter sur son Facebook je vois des trucs bizarres, et qu’il met, je lui ai dit que c’est fini, j’allais lui désactiver son Facebook, donc c’est bon il fait attention. »
(Jessica, 18 ans, Term. STSS)

11 Faire passer les règles passe pour Jessica par l’injonction de « ne pas mettre des trucs bizarres » et par la surveillance du compte de son petit frère. Parmi d’autres formes de solidarité familiale entre jeunes, Pénélope suit les activités de sa cousine pour alerter son oncle si elle voit des statuts qu’elle ne juge pas appropriés. On peut donc suggérer que, pour les lycéens, l’apprentissage des pratiques informatiques personnelles est basé sur la transmission d’une disposition vis-à-vis du numérique par le milieu familial, nécessaire à l’autonomisation, puis un relais par d’autres liens proches pour apprendre les codes et pratiques générationnels.

Des usages basés sur des expériences distanciées et évolutives

12 Pour les adolescents, très majoritaires, qui ont accès à Facebook, on peut observer que la gestion de leur compte se base sur des expériences pratiques distanciées de la plateforme. Tout d’abord, malgré l’injonction de « real name policy » [7], plusieurs jeunes du lycée Pasteur prennent un pseudo. Cela leur permet de n’être trouvés sur Facebook que par les personnes à qui ils ont donné « le code ». La véracité des informations décrivant le profil n’est pas non plus une obligation sociale : l’adolescence donne le droit de se voiler et dévoiler, d’avoir des rêves et des projets. Se déclarer sœur de sa star préférée ou indiquer habiter à Los Angeles est admis par les pairs au prétexte que « si c’est son rêve, elle a le droit ». Mettre des fausses informations permet de dire des choses sur ses goûts et son but dans la vie, ce qui est une manière de se présenter.

13 « Avoir Facebook » recouvre aussi une diversité d’usages bien plus complexe qu’il n’y paraît. D’abord, aller sur Facebook ne nécessite pas forcément d’avoir un compte : « J’ai le mot de passe de mon copain, alors j’y vais de temps en temps… », « Je vais sur le compte de mon frère, parce que mon frère il me fait confiance », ce qui témoigne qu’il y a bien des alternatives pour accéder à Facebook. Keira a fermé son compte suite à un pari avec une amie pour prouver qu’elle pouvait « se déconnecter ». Depuis, elle suit les fils d’actualité des uns et des autres en regardant sur le smartphone d’une amie. Une autre pratique consiste à « faire des allers-retours » : nombreux sont les jeunes qui disent arrêter temporairement d’aller sur Facebook, jusqu’au bac, suite à une négociation de sortie avec des parents ou le temps de se remettre d’une rupture sentimentale. Ils ferment leur compte, ce qui permet de ne plus être visible sur le réseau, mais le profil sera ré-activable pour la prochaine conquête amoureuse ou dès les vacances. Ils racontent aussi avoir des périodes, aller beaucoup sur Facebook à un moment et puis plus trop un temps :

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« Mais en fait Madame, vous savez, on gère, on fait des allers-retours. Par exemple moi je vais, à un moment pendant un mois je vais y aller tous les jours pour mettre des photos et tout, après je vais me dire stop ça suffit et je désactive mon compte, après j’y retourne une semaine, enfin, voilà quoi, c’est des allers-retours. »
(Fille, Terminale STSS)

15 Ces allers-retours sont l’occasion de faire ou défaire son profil, parfois recréer un compte est l’occasion de repartir de zéro avec de nouvelles bases. Des lycéens ont aussi plusieurs comptes, les uns après les autres ou en parallèle, pour tester des situations et des expressions différentes, pour évoluer avec eux. Ou à l’inverse, il est possible de partager un compte à plusieurs, par exemple animer un profil sur un thème donné avec sa meilleure amie, afin de ne pas s’exposer seule. Ces connexions multiples et par période montrent que le profil Facebook d’un adolescent n’est pas figé dans le temps, mais change et évolue au fil des expériences relationnelles et des choix de chacun.

16 Un profil Facebook d’adolescent est donc expérimental et incarne bien l’état d’« indétermination sociale » évoqué par Durkheim. Le « braconnage » de Facebook (de Certeau, 1980) observé ici détourne un usage proposé comme individuel et linéaire pour en faire une expérience collective nourrie d’essais-erreurs. Mais si un profil Facebook se négocie et s’adapte, le réseau d’amis doit, lui, respecter des règles plus strictes.

Les amitiés à l’épreuve des interactions publiques

17 Facebook enjoint de mettre sa « vraie identité » sur son profil et ce principe d’authenticité s’applique par extension aux liens : la plateforme est conçue pour « retrouver » des amis, garder le lien « avec ceux que [l’on] aime » [8] et prolonger des amitiés établies dans une vie « hors ligne ». Le dispositif pose de ne pas accepter d’inconnus en amis, ce que Germain explicite :

« Par principe, on n’accepte pas n’importe qui. Si les personnes on les connaît pas, on va pas… Une personne normale, normalement, s’il la connaît pas, il va pas l’accepter. »
(Germain, 17 ans, 1re STI)
Outre cette justification normative, on observe un clivage très net entre les jeunes qui acceptent des inconnus en amis sur Facebook et ceux qui au contraire calquent leur réseau en ligne sur leur réseau hors-ligne. Les arguments d’un côté ou de l’autre étaient clairement débattus dans les interventions en classe et rendent compte de deux postures relationnelles dans le choix des amis. Ce choix n’est toutefois pas suffisant pour activer son réseau social : les affinités doivent être validées publiquement, ce qui conduit à une concentration des activités avec les liens forts et une mise à distance des liens faibles.

Faut-il connaître tous ses amis sur Facebook ?

18 Accepter en amis sur Facebook des personnes connues permet de se protéger des « gens chelou », ce qui applique en ligne la précaution vis-à-vis des inconnus adoptée dans l’espace physique.

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I. : Est-ce qu’on accepte des inconnus [sur Facebook] ?
Fille 1 : Moi jamais, non, mais ça va. Et puis il peut y avoir des gens chelou.
I. : À quoi on le voit ? Comment on gère ?
Fille 2 : Ben déjà, les vieux, moi je les accepte pas.
I. : Y’a un âge limite ?
Fille 2 : Non, enfin, ouais, genre, genre, euh au-dessus de 30 ans. Enfin, quand ils ont de la barbe quoi.
I. : Y’a un âge limite en dessous aussi, pour les plus petits ?
Fille 1 : Ben pour les petits cousins petites cousines, non. Sauf si ils ont 12 ans, faut pas non plus quoi.
(Filles, Classe 1re STI)

20 C’est l’âge qui est le premier facteur pour désigner des gens « chelou ». Ce sont donc les autres générations qui sont mises à distance, que ce soient les vieux ou les jeunes [9], conduisant à former ces espaces d’entre soi juvénile. Une autre explication qui justifie de connaître tout son réseau social numérique s’appuie sur l’idée qu’être ami signifie discuter, avoir des choses à se dire.

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« Moi j’ai que 65 amis. Je sélectionne grave. Y’a pas moyen, même les gens si ils habitent dans la même rue que moi et je les croise et tout, mais genre je leur ai pas parlé, rien, ben même eux je les accepte pas. Si je leur parle pas, ça sert à rien. »
(Fille, Classe 1re STI)

22 La jeune fille applique ici le principe de Facebook proposant que le réseau en ligne soit calqué sur le réseau social hors ligne et ne crée pas de liens supplémentaires. La plateforme peut par contre fournir des artefacts pour renforcer des liens. Par exemple, Myriem, sixième et dernière d’une famille venue de Tunisie, utilise Facebook parce que ses grands frères et sœurs ont convaincu ses parents de la laisser y aller. Toutefois, elle discute uniquement avec ses cousines par messagerie. Elle regarde éventuellement les activités des « amis », mais n’y voit pas d’intérêt. Pour Myriem, Facebook est un outil de renforcement des liens familiaux de manière autonome par rapport à ses parents et malgré la distance géographique.

23 Ces pratiques qui consistent à ne pas accepter d’inconnu en ami sur Facebook convergent avec les résultats des recherches sur l’alignement des liens forts en ligne et hors-ligne. Jason Jones a pu montrer, grâce à une enquête mixte par questionnaire et une analyse des activités sur Facebook, que les plus proches amis sur la plateforme en termes d’activité (commentaires, messages partagés) sont déclarés par les enquêtés comme les personnes avec qui ils ont les liens les plus forts hors ligne (Jones et al., 2013). L’amitié en ligne est dans cette enquête corrélée à l’amitié hors ligne, en particulier pour les liens forts plébiscités par Facebook.

24 On peut néanmoins se demander si ce résultat vaut aussi à l’adolescence, puisqu’à cette époque de la vie les liens évoluent, passant de faible à fort ou inversement. Dans une étude du Pew Internet Research Center, 33 % des adolescents déclarent être amis sur les réseaux socio-numériques avec des personnes qu’ils n’ont jamais rencontrées en face-à-face (Madden et al., 2013). Les mécanismes de la rencontre se basent sur le dispositif de visibilité du réseau social et sur l’intérêt pour des goûts communs. La première méthode consiste en effet à accepter des amis d’amis [10], ouverture qui semble logique à cette période de la vie et préserve l’entre soi. Ainsi, chacun définit un seuil de confiance en fonction de sa sensibilité au risque :

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« Moi je regarde le nombre d’amis qu’on a en commun, si on en a un c’est pas la peine j’accepte pas. Si on en a plusieurs ben oui, peut-être j’accepte. »
(Fille, Classe 1re STI)

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« En fait, moi, j’ai un truc dans ma tête, c’est : j’accepte tous mes amis et si par exemple j’ai des amis en commun avec la personne, 10, j’accepte aussi. Mais en dessous de 10, j’accepte pas. »
(Florence, 17 ans, 1re STSS)

27 Dans la deuxième situation, ce sont les centres d’intérêt qui sont utilisés comme prétexte pour la rencontre. Kevin par exemple utilise Tumblr [11] pour se mettre en scène et prendre contact avec des gens avec qui il pourrait devenir ami :

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I. : Et pourquoi est-ce que ça t’intéresse de publier et de montrer [dans ton Tumblr] ?
Kevin : Pour voir un peu. Pour voir un peu les gens qui me ressemblent, des gens avec qui je pourrais parler, des choses comme ça. […] Je me fais des nouveaux amis. Pas vraiment des amis, parce que je les ai jamais vus et tout. C’est plutôt des connaissances que j’ai sur Facebook ou Twitter, genre je parle avec eux et après, c’est comme ça.
(Kevin, 16 ans, 1re STI)

29 L’ouverture est aussi plébiscitée par une jeune fille qui est passée sur Twitter où le dispositif permet des découvertes :

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Fille 1 : C’est pour ça que je vais pas sur Twitter, c’est trop risqué, on peut se faire suivre par des gens qu’on connaît pas.
Fille 2 : Ben justement, c’est trop bien. […] Facebook c’est lassant, c’est ennuyeux, c’est toujours la même chose. Alors que Twitter c’est… Twitter c’est plus ouvert. Sur Twitter, c’est possible que quelqu’un que tu connais pas vienne te parler, alors que sur Facebook, ben non, tu parles pas aux gens que tu connais pas.
(Filles, Classe 1re)

31 Les jeunes comme Kevin n’évoquent pas le besoin d’être populaire, ni le fait qu’avoir beaucoup d’amis est un indicateur de notoriété. Les amis inconnus sont bien un développement du réseau social et une forme de curiosité tout en s’appuyant sur les repères d’une passion pour trouver des gens « comme [s]oi ». Pour rattacher ces résultats aux recherches en cours, l’université de Chicago mène depuis plusieurs années des grandes enquêtes auprès des étudiants sur leurs usages de Facebook. Un des résultats pionnier de ces recherches distingue les apports potentiels du réseau socio-numérique en fonction du caractère des jeunes : ceux qui manquent de confiance en eux profitent plus du numérique que les autres pour développer leur capital social (Steinfield et al., 2008). Ce résultat se vérifie ici avec le fait que les jeunes de capital social moindre et dotés d’une curiosité sociale peuvent utiliser Facebook pour développer leur sociabilité et leur réseau. Cette observation était moins nette dans les autres lycées ou terrains de mon doctorat, ce qui incite à formuler l’hypothèse que les jeunes de milieu aisé préserveraient le capital social numérique hérité de leur milieu familial ou de leur lycée ; alors que certains jeunes de milieu populaire utiliseraient les réseaux socio-numériques pour développer leur capital social par des rencontres, trouver l’âme sœur ou partager une passion.

Les interactions publiques : éprouver sa place dans son réseau

32 Ces débuts de relation doivent toutefois être éprouvés par les interactions, qui se passent soit en privé dans les messageries, soit de manière publique, sur le mur du profil. Dès les premiers outils de discussion en ligne, la plasticité des interactions numériques a été identifiée comme une manière de gérer différents cadres relationnels et de faire baisser certaines exigences sociales. Céline Metton montrait par exemple que le chat permettait aux collégiens de discuter avec un jeune du sexe opposé, alors que cet échange était impossible à l’école, car visible et interprété comme un intérêt amoureux (Metton, 2010). La privatisation des interactions numériques donnait ainsi aux jeunes une respiration dans leur exploration relationnelle. Les échanges privés ne suffisent toutefois pas, car à l’adolescence la sociabilité doit aussi être assumée aux yeux des pairs pour participer à la construction sociale. Claire Balleys a étudié les enjeux qui sous-tendent le choix et le signalement de sa.son meilleur.e ami.e sur les blogs de collégiens, exercice devant composer avec les souhaits de popularité et les raisons affectives, où l’exposition publique valide le lien énoncé (Balleys, 2015). La mise en visibilité des relations est donc un passage obligé.

33 Avec Facebook et l’élargissement du réseau d’amis, des amis d’amis acceptés en amis aux cousins, la mise en visibilité des interactions sur le mur conduit à enchevêtrer différentes situations relationnelles, comme si la famille se retrouvait dans la cour du lycée ou que les « ex » s’incrustaient avec les amis. Cette multiplicité des liens rendus visibles par les interactions est alors vécue comme un difficile équilibre à tenir. Florence rend compte de la tension qui se joue sur son mur entre sa réputation au lycée et le quotidien avec sa mère :

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« Des fois, [ma mère] commente mes photos ou sinon, elle veut m’afficher devant mes amis. Par exemple, sur une photo, moi, j’ai les yeux clairs. Elle me dit : “T’as mis tes lentilles”. Après, y’a des gens qui me disent que des fois je mets des lentilles alors que c’est pas vrai. Donc, si ma mère le dit, les gens ils vont dire : “T’es une menteuse”. Et si je supprime, ça va être la guerre à la maison : “Ouais, t’as supprimé mon commentaire !” »
(Florence, 17 ans, 1re STSS)

35 De même, une lycéenne qualifie de « faute » l’intervention de sa tante et sa cousine dans une de ses discussions avec un jeune homme : elle développait une connivence avec lui en commentaire, car elle voulait le draguer, mais sa famille « n’était pas dans le même délire » et a pris sa défense en demandant au jeune homme de « la lâcher » en le menaçant de porter plainte. Le risque des interactions multiples et publiques sur le mur est de « se faire afficher », c’est-à-dire être mis en visibilité dans une situation sociale donnée non assumée ou incohérente avec l’image que l’on veut donner de soi. Ce risque est particulièrement identifié pour les amis Facebook qui viennent de la famille et des générations supérieures comme dans les deux exemples précédents, puisque ceux-ci ne saisissent pas les codes de l’entre soi juvénile. « Les blédarts », les jeunes rencontrées en vacances au pays, mais qui ne connaissent rien à la vie du 9.3., sont aussi identifiés comme des amis qui risquent d’afficher un jeune, en important dans son quotidien francilien des relations élaborées dans un autre contexte, avec d’autres références. Une trop grande diversité de liens, liée par exemple à une augmentation excessive du nombre d’amis, est fortement critiquée par les adolescents. Les profils avec plus de 1 000 amis sont qualifiés de « cyber » et dénigrés, car ils entretiennent leur réputation (popularité) plutôt que des relations (affectivité), au sens décrit par Dominique Pasquier (Pasquier, 2005). Le seul jeune rencontré dans cette situation signalait que tout ce qu’il faisait sur Facebook c’était de publier des photos de lui, parce que « sinon ça part dans tous les sens ».

36 Une autre illustration de ces contraintes de l’exposition relationnelle réside dans l’usage normalisé des likes, commentaires, statut avec une photo taguant les amis, et toute la palette d’artefacts interactionnels différenciés qui permettent de signifier un lien avec ou sans mots [12]. Les jeunes décrivent précisément et de manière très consensuelle la valeur intrinsèque de chaque artefact et les conditions de son utilisation, en fonction de l’intensité du lien. Ainsi, le like sert pour les connaissances éloignées, dont on veut éventuellement se rapprocher, ou pour signifier sa présence :

37

I. : « Ce que vous likez, c’est toujours parce que vraiment vous aimez ? »
« Moi, je like juste pour lui faire plaisir à ma copine. »
« Moi y’a un mec il like toutes mes photos, alors, normal, je like toutes les siennes. »
« Genre, t’as une belle coupe, ben je te like. »
« Moi c’est bon, si tu te sens belle je te like. »
« Si c’est un bogoss, carrément faut liker madame. »
(Filles, Terminale STSS)

38 Le commentaire est approprié pour les amis et connaissances, mais il ne doit pas être utilisé si la personne n’est pas connue. Et les tags dans les statuts valorisent les meilleurs amis, avec qui « s’afficher » participe à construire une réputation. Les artefacts sont aussi utilisés en revers pour des sanctions : par exemple une jeune fille raconte avoir liké toutes les photos d’une soirée où elle n’avait pas été invitée pour signifier publiquement sa fidélité et la faute de l’amie qui ne l’a pas conviée. Cette gradation des réactions inscrit les relations en ligne en cohérence avec la force des liens. Plus exactement, les interactions sur le mur donnent au réseau social les informations sur la force du lien avec untel ou untel, ce qui conduit à situer chacun à une place donnée dans son réseau.

39 L’équilibre d’un profil Facebook consiste donc à signifier sa place dans son réseau social sans s’enfermer dans une position que l’on ne peut pas tenir, s’afficher sans se faire afficher, interagir avec une juste distance. Facebook amène les adolescents à assumer la responsabilité de leurs affinités électives dans le choix des amis. À un âge où les sociabilités sont en construction, une diversité de liens entretenus sur le mur constitue un capital qui peut se retourner contre eux. L’enchevêtrement d’interactions hétéroclites paraît difficile à assumer et conduit à limiter le développement des liens faibles et rencontres marginales au profit du renforcement des liens forts, comme on le voyait aussi dans les pratiques culturelles illégitimes (Legon, 2011).

Le cas général de la circulation des contenus, un cas spécifique d’exploration

40 L’enchevêtrement des relations dans les interactions publicisées aboutit aussi à une homogénéisation des contenus partagés au fil des statuts et donc à une restriction de l’éventail des objets parmi lesquels déterminer ses goûts. En premier lieu, notons que la publication de contenus sur Facebook est une expression peu utilisée par les jeunes. À la question « qu’est-ce que vous postez sur Facebook ? », les adolescents répondent d’une seule voix « moi je mets rien » ou du moins « je mets pas grand-chose, j’aime pas trop ça ». Pour comprendre ce qui se joue sans les publications, on peut questionner le sens que l’expression a sur Facebook pour les adolescents et les contenus de références qui servent dans les interactions et les explorations en fonction de deux situations : l’homogénéisation des contenus et la spécialisation des centres d’intérêt.

« On est tous pareils »

41 Comme les jeunes disaient ne pas publier, je leur demandais en classe de m’indiquer ce que les autres postaient sur Facebook. La réponse introduisait alors, pour une fois, le sexe comme critère de distinction : les filles postent des photos, d’elles, de leurs copines ; les garçons postent des phrases de rappeurs, des « punchlines », ou des vidéos de foot. Cette distinction est potentiellement moins radicale dans les faits que dans les déclarations, puisque plusieurs filles ont aussi indiqué en entretien individuel partager des citations. On peut toutefois faire l’hypothèse que l’expression des adolescentes sur Facebook est une expression identitaire : elles postent le quotidien et les relations, du moins ce dans quoi elles « se reflètent », comme le dit Sara :

42

« M’afficher, franchement, je m’en fous. J’ai rien à cacher, j’aime ce que j’aime et voilà. Mais ouais, après… Parce que ça [les contenus des pages] me fait rire, mais c’est pas forcément… je sais pas comment dire… J’aime, mais… Je sais pas comment dire, mais c’est pas un truc… Mais c’est pas un truc qui me correspond. Parce que y a des trucs que j’ai mis comme livres, ou musiques, ou films, ça, c’est un truc qui me correspond. J’ai mis des pages des films, mais j’aime parce que c’est un film que j’aime. C’est un film qui me correspond, mais une page où il va dire des trucs marrants, des images marrantes, ouais, c’est drôle, mais c’est pas un truc qui me correspond. »
(Sara, 18 ans, 1re STSS)

43 Au contraire, les lycéens semblent accorder peu d’attention à ce qu’ils postent, c’est-à-dire qu’ils se saisissent de contenus de manière utilitaire. Seuls des garçons ont indiqué utiliser Facebook comme mémoire personnelle : « Madame, moi quand je mets une vidéo c’est pour la garder, pour pouvoir la retrouver plus tard. C’est pas pour avoir des likes et tout. » Les vidéos publiées par ce jeune homme sont des vidéos de foot, avec le but de tel ou tel joueur, la performance d’une équipe. Il ne sait absolument pas dire combien d’amis il a, ni si ses statuts reçoivent des likes et des comments. Pour lui, Facebook est un marque-page du web et certainement pas une scène interactionnelle où il faut se présenter et discuter, ni en public ni en privé. D’autres indiquent de même publier des vidéos de foot, dans une activité collective qui permet de synthétiser la saison avec leurs amis : « Moi, quand mon équipe gagne je le mets, je mets les vidéos des buts. Quand elle gagne pas, c’est les autres qui mettent des vidéos, parce que mes amis ils sont pour différentes équipes. » Les garçons s’expriment en se positionnant par rapport à un objet extérieur plutôt qu’en référence directe à l’interaction. Pour les observations menées ici, Facebook semble reproduire les stéréotypes d’une expression genrée (Depoilly, 2011) : les filles conversent du quotidien et des relations, les garçons utilisent des liens pour échanger sur le sport ou des chanteurs.

44 Sans publier des contenus, les adolescents font en fait circuler des liens qui leur servent de référence, grâce aux likes, pokes ou partages. À l’âge de la « tyrannie de la majorité » (Pasquier, 2005), introduire un lien ou un ami dans le réseau, c’est prendre le risque de se distinguer et de se tromper. Alors que partager un contenu déjà publié par quelqu’un constitue un double geste social : d’une part, il donne une reconnaissance à l’ami qui a initialement partagé le contenu ; d’autre part, il donne une visibilité dans son propre réseau d’amis. Contribuer à la circulation des contenus semble donc plus raisonnable qu’introduire une nouveauté. Ce mécanisme alimente l’entre soi des adolescents et aboutit à une validation sociale des contenus suivant une logique de hiérarchisation par l’audience. Une vidéo qui n’a pas été préalablement likée ne mérite probablement pas d’être partagée et encore moins d’être postée. Les publications sur les Facebook des adolescents ne sont pas évaluées en termes de qualité propre, mais en potentiel de sociabilité. Ceci aboutit à une uniformisation des contenus en circulation.

45

« Là depuis les incidents que y a eu au Trocadéro avec le Paris Saint-Germain, y a beaucoup de vidéos qu’ils ont tournées sur les arrestations de la police, sur les casseurs. Ça, c’était dans les actualités. Donc, je regardais. […] En fait, tout le monde postait la même vidéo. »
(Sara, 18 ans, 1re STSS)

46 Les jeunes privilégient les vidéos déjà disponibles dans leur environnement, pour s’assurer une place dans la conversation sur le sujet. C’est ce que Danah Boyd décrivait déjà dans les réseaux comme Myspace, où les adolescents expérimentent un fonctionnement collectif et un entre soi (Boyd, 2008). Est-ce que les murs des adolescents ne deviennent pas alors tous identiques ? Cette idée qu’on est « tous pareils » est exprimée par plusieurs jeunes et rarement contrebalancée par une expérience de diversité. Deux interviewés notent que leurs amis Facebook, proches ou lointains, de zone urbaine ou de zone rurale, postent les mêmes contenus. Erwan signale que sur le fil d’un ami originaire du Nord, les commentaires mélangent les lol et likes des deux communautés, celle du 5.9 et celle du 9.3. De là, Erwan conclut que, finalement, les jeunes ont tous les mêmes goûts. Keira, elle, part de l’expérience de la vie réelle pour signifier l’impression que les jeunes sont avant tout jeunes :

47

« On est tous, enfin, on est tous passionnés par la même chose, enfin, voilà, on est tous, un peu pareil quoi, on aime bien être habillés, coiffés, avoir de l’argent, faire des sorties tout ça. Enfin voilà, on est un peu tous pareils. »
(Keira, 16 ans, CAP ASSP)

48 Et l’expérience de la diversité sociale peut être vécue comme un recadrage social :

49

« J’ai une amie sur Facebook, elle est pas du tout du même milieu que nous. Elle est à Toulouse, dans un lycée privé, et tout, nin nin nin. Ben elle, elle poste des trucs, des trucs, euh… vachement euh… des trucs vachement plus cultivants. Nous c’est des banalités quoi. Elle euh, c’est autre chose. »
(Fille)

50 Ces éléments se comprennent aussi avec les observations à grande échelle de la Facebook data team. Ces travaux montrent que les liens faibles sont les vecteurs de diffusion d’informations non diffusées dans d’autres contextes.

51

« Notre expérience […] suggère que les liens faibles, définis en termes de propension aux interactions, diffusent des contenus informationnels qui ne se seraient pas diffusés autrement. » [13]
(Bakshy et al., 2012)

52 On a vu que, pour les jeunes du lycée Pasteur, les liens faibles constituent non pas un potentiel d’information, mais un risque de se faire afficher. La circulation des informations se situe donc dans le périmètre de leurs liens forts.

L’approfondissement d’une passion

53 Facebook ne peut être un espace d’exploration que pour ceux qui jouent la carte des rencontres et de la curiosité en s’adossant à une passion et donc à un référentiel autre que la sociabilité. Dans les entretiens réalisés, seuls deux jeunes ont mentionné chercher à développer un goût propre, il s’agit de Kevin et Germain. Le premier a dû explorer des sites, Facebook et d’autres, car les médias français ne donnaient pas d’informations sur les matchs de basket de NBA qu’il souhaitait suivre. À partir de cette expérience, il a des connaissances à l’extérieur du lycée et prolonge cette ouverture avec Facebook, Twitter ou encore un Tumblr, tout support servant à alimenter des rencontres variées. C’est lui qui indiquait vouloir rencontrer des inconnus grâce à ses goûts. Germain semble pour sa part assez isolé : passé de famille d’accueil en famille d’accueil, il ne se lie pas ou ne souhaite pas se lier avec les lycéens de sa classe. Par contre, sa passion pour la musique japonaise l’a conduit à aller à des concerts dans Paris, où il s’est lié avec des personnes d’âges variés dans la file d’attente. Cette sociabilité autour d’une référence commune se poursuit sur Facebook à travers des pages ou des profils de groupe, les liens avec les autres fans permettant des enseignements réciproques. Au fur et à mesure, Germain a développé une pratique informationnelle exploratoire : il lit lemonde.fr tous les jours pour avoir les informations générales et fait ensuite la tournée de sites identifiés et de ses réseaux sociaux pour trouver des informations spécialisées et approfondir sa passion. Par contre Facebook permet à Germain de se synchroniser pour les interactions avec ses pairs :

« C’est pas moi personnellement qui m’intéresse au foot, mais eux, vu qu’ils en parlent [sur Facebook] et qu’ils m’en parlent des fois, on va dire que je m’y intéresse sur le moment… »
(Germain, 17 ans, 1re STI)
Ces deux cas particuliers indiquent que les réseaux socio-numériques peuvent servir à diversifier son réseau à travers une passion. Dans le même ordre d’idées, Nicolas Oppenchaim montrait une corrélation entre la navigation urbaine et la navigation internet de jeunes de ZUS (Oppenchaim, 2011) ; on montre ici une corrélation entre l’exploration culturelle et l’exploration sociale des adolescents qui développent une curiosité.

Conclusion

54 Quatre ans après, il est impossible de savoir ce que sont devenus ces jeunes… Ont-ils le Bac, un métier, une famille ? Habitent-ils dans la même région, fréquentent-ils les mêmes amis ? Seule une enquête longitudinale permettrait d’aller plus loin. Mais probablement, d’autres lycéens utilisent Facebook, ou d’autres réseaux socio-numériques, pour expérimenter leur autonomie et leurs choix, pour développer leur réseau social.

55 Cette étude auprès des lycéens d’origine populaire éclaire l’enchaînement des décisions que les adolescents doivent prendre pour gérer leur identité sociale sur Facebook. Dans un premier temps, accéder à la plateforme relève d’une autonomisation, permise ou non par la famille et facilitée par l’aisance technique des parents et l’apprentissage des aînés. Les multiples expérimentations de profils, les usages distanciés et les connexions irrégulières témoignent que les expériences sont nécessaires à cet âge de construction. Une enquête serait nécessaire pour le confirmer, mais il est probable que les comptes adultes soient plus stables, tant dans la description de soi que dans le choix des amis. Ce choix des amis relève pour les adolescents d’un exercice d’équilibre : il s’agit de développer son réseau d’amis sans perdre son capital, de développer ses amitiés tout en gardant une place sociale cohérente. En effet, on a vu que la publicisation des interactions était nécessaire à leur validation, mais conduisait à un enchevêtrement des cadres relationnels. Ainsi, la position des jeunes de milieu populaire sur Facebook amène à signifier ses affinités avec tel ou tel, amis ou familles, en recourant aux artefacts appropriés à la force du lien, et à concentrer ses interactions visibles sur les liens forts. L’exploration relationnelle ne peut pas se faire au vu et au su de tous. La place sociale est enfin confirmée par les contenus mis en circulation et utilisés moins pour leur contenu que comme signe d’appartenance à un réseau de pairs. Les contenus qui circulent comme référence dans les réseaux des jeunes du lycée Pasteur servent à s’intégrer aux groupes et homogénéisent les murs, sauf pour quelques cas singuliers qui explorent de manière entremêlée des passions et des relations. Facebook est, ici, moins un outil d’ouverture qu’un espace de confirmation d’une place sociale attribuée par des liens affinitaires et des goûts partagés.

56 Pour conclure sur les ouvertures possibles suite à ce travail, deux thèmes pourraient être approfondis par des dispositifs d’enquête plus adéquats. Tout d’abord, la distinction de pratiques genrées n’a pas émergé du terrain, mais serait probablement à envisager vu l’ensemble des travaux témoignant de différences persistantes dans les usages du numérique. Par exemple, les deux « explorateurs » rencontrés sont des jeunes hommes, mais peut-être y avait-il aussi au lycée Pasteur des jeunes femmes déployant leur curiosité à travers des passions particulières ? Ensuite, cette enquête ne met pas en regard des pratiques des lycéens de milieu populaire et celles de jeunes de milieu plus favorisé. Rien ne dit que ceux-ci adoptent des démarches curieuses consistantes ou utilisent Facebook pour développer le réseau social en dehors de leur milieu d’origine. Enfin, il conviendrait bien sûr de resituer ces pratiques dans un environnement technique mouvant : la publicisation des interactions est-elle amenée à perdurer ou les nouvelles plateformes vont-elles la limiter, soit à des profils semi-publics comme sur Twitter, soit à des groupes identifiés comme sur Whatsapp ? L’implémentation du réseau social en réseau socio-numérique codée par les artefacts de Facebook ne constitue certes pas l’unique forme technique de la constitution d’un capital social. Les adolescents du lycée Pasteur rappellent de manière exemplaire la distance et la critique nécessaires aux usages numériques.

Annexe 1

Liste des interventions en classe au Lycée Pasteur

CDI Entretien fait pour tester le questionnaire, au CDI, sur les temps de pause des élèves et sans professeur.
CAP BEL Bac professionnel « Électrotechnique Énergies Équipements Communicants »
Majorité de garçons. Deux interventions en demi-classe. Présence du professeur
CAP FCA Bac professionnel « Technicien du Froid et du Conditionnement d’Air »
Majorité de garçons. Deux interventions en demi-classe. Présence du professeur.
CAP APR Bac professionnel « Assistant Polyvalent de Restauration »
Majorité de filles, quelques garçons. Une intervention en classe entière. Présence du professeur et d’une documentaliste.
CAP ASSP Bac professionnel « Assistance et soin à la personne »
Majorité de filles. Deux interventions avec les demi-classes. Présence du professeur.
CAP SPVL Bac professionnel « Services de proximité et Vie Locale »
Majorité de filles. Deux interventions avec les demi-classes. Présence du professeur refusée une fois.
2de Générale Seconde générale
Classe relativement mixte. Une intervention en classe entière. Présence du professeur.
1re STSS 1re technologique, Sciences et Techniques de la Santé et du Social
Majorité de filles. Deux interventions en demi-classe. Présence du professeur.
Terminale STSS Terminale technologique, Sciences et Techniques de la Santé et du Social
Majorité de filles. Deux interventions en demi-classe. Présence du professeur.
Annexe 2

Entretiens individuels au Lycée Pasteur

Germain 17 ans – 1re
STI Mère sans profession, Père non renseigné
Kevin 16 ans – 1re
STI Père Employé privé ; Mère ouvrier, agent.
Nicolas 17 ans – CAP SPVL
Père employé public, Mère employé public
Alexandre 18 ans – Terminale STSS
Père non renseigné, Mère employé privé
Erwan 16 ans – 2de Générale
Père Employé Public, Mère Employé public
Pénélope 18 ans – Terminale STSS Mère Cadre, Père non renseigné
Jessica 18 ans – Terminale STSS
Père Cadre, Mère Profession libérale
Sara 18 ans – 1re STSS
Père non renseigné, Mère Cadre
Myriem 16 ans – 2de Générale
Père Employé Public, Mère sans activité
Keira 16 ans – CAP ASSP
Père sans activité, Mère employé dans le privé
Florence 17 ans – 1re STSS
Père sans activité, Mère employée dans le public

Notes

  • [1]
    Cet article a grandement bénéficié des relectures et remarques des reviewers de la revue Réseaux, qu’ils en soient ici remerciés.
  • [2]
    Les observations qui seront menées peuvent toutefois être généralisées à d’autres espaces socio-techniques ou aux outils à venir, puisque c’est bien les pratiques de sociabilité déployées qui seront étudiées et non pas seulement les usages de la plateforme.
  • [3]
    Citation d’un ami, par exemple dans un commentaire, qui permet d’attirer l’attention de l’ami sur le contenu du statut.
  • [4]
    La plateforme ne permettait pas initialement de se déclarer fan d’une star, de créer des communautés d’amis pour distinguer la famille des collègues (cette fonction est ancienne, mais n’a pas très bien pris) ni de gérer une page pour un groupe donné ou une activité commerciale. Les activités initialement proposées (et utilisées) sont de la pure sociabilité.
  • [5]
    Voir Bastard (2015).
  • [6]
    Je remercie très vivement les documentalistes et les différentes personnes de l’établissement Pasteur qui m’ont permis de mener ce terrain.
  • [7]
    « Règle du vrai nom » : dans les conditions d’utilisation de Facebook, l’usager doit s’inscrire sous son vrai nom.
  • [8]
    Éléments de communication sur la page d’accueil de Facebook.
  • [9]
    L’enquête Sociogeek, avec un panel de répondants adultes et non pas spécifiquement adolescent, indiquait que « l’âge » était le troisième critère regardé pour accepter un ami, après le nom et la photographie. http://fing.org/?SocioGeek,202 (consulté le 27 février 2014).
  • [10]
    L’enquête Sociogeek montrait que le nombre d’amis en commun arrivait juste après l’âge parmi les critères pour accepter un nouvel ami.
  • [11]
    Une plateforme de posts un temps à la mode pour partager des contenus sur un thème donné.
  • [12]
    En 2013, les emojis n’étaient pas encore proposées en réaction à un statut.
  • [13]
    Traduction par nos soins. « Our experiment […] suggests that weak ties, defined directly in terms of interaction propensities, diffuse novel information that would not have otherwise spread. »
Français

Est-ce que Facebook sert à développer un capital social ? Cette question est abordée ici à partir des pratiques des adolescents de milieu populaire, rencontrés lors d’interventions en classe et d’entretiens individuels. Le point de départ consiste à envisager la construction du capital social à l’âge du web, c’est-à-dire avec un univers de contenus et de relations accessibles sans l’initiation des parents et sans contrainte géographique. Malgré cette utopique ouverture, on constate que l’enchevêtrement de relations hétérogènes, de la famille aux « ex », et la publicisation des interactions associées sur le mur conduit à risquer de « se faire afficher » et incite les adolescents à activer les liens forts plus que les rencontres. De même, les contenus partagés sur Facebook s’homogénéisent pour signifier ses liens aux pairs, la curiosité ne pouvant se déployer qu’adossée à une passion. La plateforme referme donc les possibilités d’explorations et d’expérimentations nécessaires à l’adolescence pour confirmer une place sociale, à travers les affinités et la convergence des goûts.

Mots-clés

  • réseaux sociaux
  • réseaux socio-numériques
  • pratiques juvéniles
  • Facebook

Références

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Irène Bastard
Télécom ParisTech
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/05/2018
https://doi.org/10.3917/res.208.0121
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