CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Ce numéro, qui accueille des contributeurs prestigieux de plusieurs continents, poursuit l’évolution amorcée dans le dernier numéro. En particulier, nous proposons désormais trois numéros par an – avril/mai, août/septembre, fin décembre – comprenant chacun six ou sept textes. Ce format nous permettra une plus grande modularité dans le traitement des thèmes, et un suivi plus souple de la recherche en psychanalyse se faisant.

2 Il commence par une nouvelle « Lettre » : après New York, c’est l’actualité de la psychanalyse à São Paulo qui se trouve présentée ici par l’une de ses représentantes éminentes, Maria Livia Tourinho Moretto. Ce texte, qui offre une lecture contemporaine de la vitalité de la psychanalyse au Brésil, présente tout d’abord quelques brèves informations sur ce pays aux dimensions continentales, en mettant en exergue sa diversité culturelle, l’inégalité sociale qui y règne et les traits caractéristiques de son moment actuel. Il met ensuite en relief quelques éléments de l’histoire du mouvement psychanalytique au Brésil et les raisons du succès de sa diffusion – en particulier son pluralisme théorique, mais aussi sa prise en compte des enjeux actuels, l’analyse spécifique du contexte culturel ou la présence d’analystes brésiliens dans divers champs d’action professionnelle. L’auteure insiste pour finir sur le fait que ce moment actuel de la psychanalyse au Brésil constitue un prisme spécifique sur le Brésil dans son actualité.

3 Suit la première livraison d’un dossier « Radicalisation », qui courra sur plusieurs numéros à venir, à l’image d’un feuilleton. Il est coordonné, au sein de la revue, par Amos Squverer.

4 Traiter la problématique de la radicalisation du point de vue psychanalytique enveloppe au moins deux enjeux majeurs. D’une part, mettre en évidence la pertinence et l’originalité de la psychanalyse dans l’abord des phénomènes collectifs : par sa position inédite entre psychologie individuelle et psychologie collective, elle ouvre des perspectives nouvelles dans l’abord de ce phénomène clinique. D’autre part, traiter de ce thème souligne la fécondité de la psychanalyse dans l’abord du contemporain : la radicalisation est une des formes du style contemporain du malaise dans la culture.

5 Dans l’article qui ouvre la première livraison de cette série, Thierry Lamote et Fethi Benslama visent à mettre au jour un « vide épistémique » dans les travaux actuels existants sur la radicalisation, illustrant ainsi la singularité de leur axe de recherche. Comprendre la radicalisation exige à leur sens d’adopter une perspective psychanalytique, seule à même de ressaisir la singularité en éclairant les mécanismes psychologiques qui conduisent le sujet vers la radicalisation. Ils montrent l’irremplaçabilité de cet abord pour penser les modalités par lesquelles le sujet pourrait être amené à abandonner cet attachement radical. Enfin, ils proposent de situer ces processus psychologiques à différentes échelles des réalités humaines, les niveaux macro (civilisation contemporaine), meso (cultures locales avec effets de « niche écologique ») et micro (l’individu, le sujet). 

6 Dans le deuxième article, Charles B. Strozier et Deborah Mart soulignent la place fondamentale de l’humiliation – analogon groupal de la honte chez le sujet individuel – comme mobile de la violence groupale. Dans la lignée des travaux pionniers de Strozier, les auteurs analysent les ressorts inconscients de la réécriture, par un chef, d’une humiliation authentique et réelle passée qui a fait trauma en un récit d’humiliation construite : la narration symbolique d’humiliation qui en résulte justifie et appelle une violence réelle à visée réparatrice. Ce sentiment d’humiliation construite serait, par là, à la base des grandes violences politiques. Les auteurs mettent à l’épreuve cette hypothèse dans plusieurs contextes historiques de violence politique, du nazisme jusqu’aux attentats récemment commis au nom d’un islamisme radical.

7 Nous proposons ensuite un article double, le premier de la rubrique « Épistémologie ».

8 Jocelyn Benoist, philosophe de premier plan qui avait déjà contribué à la revue il y a quelques années dans le cadre d’un entretien avec Olivier Putois, propose une réponse détaillée à l’ouvrage de Bruno Karsenti sur le Moïse de Freud récemment paru (Karsenti, 2012). En philosophe soucieux de souligner l’irréductibilité de la psychanalyse et son impact sur la conceptualisation du réel, Jocelyn Benoist se concentre sur la notion de « vérité historique » – centrale dans l’abord freudien tardif des psychoses. À travers un commentaire serré du texte freudien, accessible aussi bien aux philosophes et aux spécialistes des sciences humaines qu’aux analystes, il objecte à la lecture de Karsenti le rôle essentiel du paradigme de la psychose dans l’intelligence clinique du phénomène monothéiste. C’est depuis son équivalence avec une construction délirante que le régime de vérité propre du monothéisme doit être saisi. La nouveauté du Moïse ne tient pas à sa mobilisation de la notion de vérité historique, déjà opérante dans L’avenir d’une illusion : c’est l’enrichissement de cette notion par l’abord freudien de la psychose dans les années 1930 qui donne tout son sens au mono- du monothéisme. C’est à partir de la « littéralité de la psychose », seule à même d’expliquer la répétition agie du meurtre inaugural du père primitif, que doit être entendu le réalisme du dernier Freud.

9 Suit une nouvelle rubrique : « Méthodologie de la recherche », ouverte par une contribution de Jean-Michel Thurin, l’un des spécialistes français de la question de l’évaluation des psychothérapies. Au niveau international, les études concernant l’efficacité de l’approche psychanalytique se sont multipliées ; quel est l’état des lieux en France, depuis la publication de l’expertise Inserm ? Cet article restitue magistralement le cheminement historique qui a conduit la recherche en psychothérapie à passer des comparaisons d’approches globales aux études centrées sur les conditions et les causes intervenant dans les processus de changement. Il présente ensuite la spécificité des travaux menés dans le réseau Inserm autour des pôles autisme et borderline, au sein de la reconfiguration de l’évolution des recherches en psychothérapie.

10 Enfin, la dernière contribution de ce numéro ouvre la rubrique « Psychanalyse et médecine ». À partir d’une investigation menée avec une équipe médicale française de recherche sur la transplantation d’utérus ainsi qu’une expérience clinique de l’hystérectomie, Diane Garnault – auteure d’un travail doctoral sur cette question – propose d’explorer certains des enjeux psychiques de cette technique émergente. Au travers des témoignages de candidates à l’expérimentation, s’esquisse la persistance de représentations qui situent la féminité dans le registre de l’avoir (l’organe, l’enfant). L’investissement imaginaire intense de l’expérience de la grossesse motive ces volontaires à emprunter un chemin inédit d’accès à la maternité : recevoir temporairement un greffon utérin, processus médical complexe sollicitant diverses spécialités qui donnera lieu à un parcours très éloigné d’une grossesse ordinaire.

Bibliographie

  • Karsenti, B. (2012). Moïse et l’idée de peuple. Paris : Le Cerf.
Olivier Putois
Psychanalyste, Psychologue clinicien aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Maître de Conférences en Psychopathologie clinique et Psychanalyse, Subjectivité, Lien Social et Modernité EA 3071.
Faculté de PsychologieUniversité de Strasbourg12 rue Goethe67000 StrasbourgFrance
Amos Squverer
Psychanalyste, Psychologue clinicien.
Maître de Conférences en Psychologie clinique du sujet (subjectivité, inconscient, culture).
UFR Psychologie Université Toulouse - Jean Jaurès 5, allées Antonio Machado 31058 ToulouseFrance
Manoel Madeira
Psychanalyste.
Maître de conférences à l’Universidade Federal do Rio Grande do Sul (UFRGS).
Universidade Federal do Rio Grande do SulAv. Paulo Gama, 110 - Bairro FarroupilhaPorto Alegre - Rio Grande do Sul CEP: 90040-060Brésil
Tamara Guenoun
Psychologue Clinicienne. Comédienne.
Maître de Conférences de Recherches en Psychopathologie et Psychologie Clinique (CRPPC).
Université Lumière-Lyon II5, avenue Pierre Mendès France69676 BronFrance
Sarah Troubé
Docteure en Psychologie clinique et Psychopathologie. Psychologue Clinicienne. Chercheuse Post-doctorante, LabEx « Who am I ? », Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société EA 3522.
Université Paris Diderot, Sorbonne Paris CitéCampus Paris Rive GaucheBâtiment Olympe de Gouges11, rue Jean Antoine de Baïf75013 ParisFrance
Rémy Potier
Docteur en Psychologie. Psychanalyste, Psychologue clinicien. Maître de Conférences en Psychopathologie clinique et Psychanalyse, Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société EA 3522.
Université Paris Diderot, Sorbonne Paris CitéCampus Paris Rive GaucheBâtiment Olympe de Gouges11, rue Jean Antoine de Baïf75013 ParisFrance
Mis en ligne sur Cairn.info le 06/06/2017
https://doi.org/10.3917/rep1.023.0004a
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