CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 « Avec la venue des Mages de l’Orient il apparaît en même temps que la lumière que Jérusalem porte en elle n’est pas réservée seulement à Israël », déclare Jean-Paul II, le 6 janvier 1988 dans l’homélie prononcée à Rome lors du sacre de Mgr Michel Sabbah, le nouveau patriarche latin de Jérusalem. Que le Pape, en consacrant le premier patriarche arabe palestinien, ait voulu ou non jouer sur le double sens du terme « Israël » qui renvoie tant au judaïsme qu’à l’État fondé en 1948, son propos résumait la double question, religieuse et politique, qui pèse sur la Terre sainte. Religieuse parce que Jérusalem est trois fois sacrée pour les grands monothéismes ; politique, parce que la création de l’État d’Israël en 1948 au cœur de cette Terre, comme, en amont, les revendications sionistes et les politiques successives de l’Empire ottoman et de la Grande-Bretagne, ont créé des tensions en instrumentalisant le fait religieux. Cette double approche religieuse et politique – autant dire diplomatique – caractérise le rapport des papes à la Terre sainte à l’époque contemporaine, avec la triple préoccupation de garantir aux pèlerins chrétiens l’accès aux Lieux saints, de protéger les chrétiens en terre hostile et particulièrement les congrégations religieuses, de préserver enfin la paix dans la région. À cela s’ajoute le rapport intime des papes avec la terre habitée par le Christ.

2 L’histoire des relations des papes contemporains avec la Terre sainte, de Léon XIII (1878-1903) qui voulut faire du Saint-Siège « la plus haute puissance morale du monde [1] », à Benoît XVI (2005-2013), en passant par Jean-Paul II (1978-2005), est souvent abordée par l’historiographie sous le seul angle diplomatique alors qu’une approche multiple, attentive à bien d’autres facteurs, s’impose. En outre, cette question est rarement posée à l’aune d’un long xx e siècle. Tandis que des études privilégient les aspects diplomatiques et juridiques [2], certaines se concentrent sur un pontificat, ceux notamment de Léon XIII et Paul VI [3], ou sur les accords établis entre le Saint-Siège et l’État d’Israël sous Jean-Paul II [4]. D’autres encore ont respecté une chronologie longue, pourtant insérée dans la problématique des relations internationales. On voudrait s’intéresser ici aux aspects politiques et diplomatiques tout en soulignant le rapport personnel des papes à la Terre sainte. En témoignent les pèlerinages effectués en 1906 par Mgr Roncalli futur Jean XXIII [5], en décembre 1963 par Karol Wojtyla, alors évêque auxiliaire de Cracovie [6], puis par le futur Benoît XVI, en 1964 encore professeur de théologie puis, en 1992 et 1994, en qualité de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Jean-Paul II a insisté, devant des dirigeants d’organisations juives mondiales, sur l’importance de cette approche très personnelle :

3

Marchant sur les traces de Paul VI, j’ai l’intention d’encourager le dialogue spirituel et de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour la paix de cette terre qui est sainte pour vous comme pour nous, avec l’espoir que la ville de Jérusalem sera efficacement garantie comme un centre d’harmonie pour les disciples des trois grandes religions monothéistes du judaïsme, de l’islam et du christianisme, pour lesquelles elle est un lieu vénéré de dévotion [7].

4 Jérusalem, un centre d’harmonie ? Plutôt un nœud de problèmes liés à la triple présence chrétienne, juive et musulmane, et aux Lieux saints.

Des tensions entre chrétiens à l’œcuménisme

La Terre sainte, terre de conflits confessionnels chrétiens

5 On sait combien la garde des Lieux saints est une question sensible pour les différentes confessions chrétiennes. « Les Églises chrétiennes, note J.-P. Valognes, donnent le triste exemple de querelles picrocholines qui rendent impossibles jusqu’à l’entretien des bâtiments et leur restauration. […] La situation est généralement tendue lors des grandes fêtes, où chaque Église s’emploie à réaffirmer ses droits. […] [8]. » Tous les voyageurs-pèlerins, Chateaubriand en tête, ont été frappés par la cacophonie régnant dans l’église même du Saint-Sépulcre :

6

Les prêtres chrétiens des différentes sectes habitent les différentes parties de l’édifice. Du haut des arcades, où ils sont nichés comme des colombes, du fond des chapelles et des souterrains, ils font entendre leurs cantiques à toute heure du jour et de la nuit : l’orgue du Religieux latin, les cymbales du prêtre abyssin, la voix du caloyer grec, la prière du Solitaire arménien, l’espèce de plainte du moine copte, frappent tour à tour ou tout à la fois votre oreille [9].

7 Inutile d’insister sur ces tensions, possiblement encouragées par la restauration du Patriarcat latin de Jérusalem en 1847 et souvent exacerbées par les politiques des puissances (renforcement de l’influence française au Proche-Orient après la guerre de Crimée, action de la Russie auprès des orthodoxes au temps de Léon XIII, voyage de l’empereur d’Allemagne Guillaume II à Jérusalem en 1898), sans compter, au sein même de l’Église catholique romaine, une concurrence mortifère entre des congrégations religieuses, souvent porteuses d’ambitions nationales antagonistes [10]. Le gouvernement français, tout anticlérical qu’il ait parfois été sous la Troisième République, veilla toujours à préserver les droits du consul de France à Jérusalem ainsi que le protectorat sur les missions catholiques dans l’Empire ottoman que, dans sa politique de conciliation avec la République, Léon XIII voulut toujours respecter [11].

8 À partir de 1903, le pape Pie X se montra nettement moins accommodant avec la France, dans un contexte de rupture des relations diplomatiques entre elle et le Saint-Siège [12]. Il accepta de reconnaître l’autorité de chaque État sur ses propres missionnaires nationaux. On perçoit l’embarras devant lequel le Vatican put se trouver face à la dialectique nationaliste comme à la question de la division des chrétiens, les papes évoluant dans le temps entre deux solutions possibles, l’unionisme puis l’œcuménisme.

La solution unioniste

9 Léon XIII voulut favoriser un pôle unioniste dès 1879 : « Oh ! Combien Nous sont chères les Églises de l’Orient ! Combien Nous en admirons les antiques gloires ! Combien Nous serions heureux de les voir resplendir de leur grandeur première ! » s’écriait-il au printemps 1879 [13]. La multiplication des textes romains sur ce thème conduisit à l’organisation du Congrès eucharistique à Jérusalem du 15 au 22 mai 1893, qui permit à environ 800 pèlerins latins de rencontrer un millier d’Orientaux de tous rites [14]. Le Congrès fut aussi l’occasion pour l’Église romaine de prendre conscience de la situation souvent dramatique des chrétiens d’Orient [15]. Cyrille Korolevskij y voyait « un tournant décisif dans la méthode de l’apostolat oriental [16] ». Le Congrès fut suivi de la publication de la lettre apostolique Praeclara gratulationis du 20 juin 1894, qui reconnaissait la valeur des rites des Églises d’Orient [17], et de l’encyclique Orientalium dignitas Ecclesiarum du 30 novembre 1894. Ces deux textes importants ouvraient la voie de la réconciliation chrétienne, observait Korolevskij, avec « un changement radical dans les méthodes d’apostolat », la réconciliation passant par l’union à Rome [18]. Six conférences patriarcales se tinrent dans la Ville éternelle du 24 octobre au 28 novembre 1894, présidées par le Pape en personne. Le Congrès fut aussi l’occasion, pour le pontife comme pour l’Église romaine, de mesurer la triste situation des chrétiens d’Orient [19].

10 Cette espérance unioniste, qui laissait sur le côté la tradition orthodoxe, qu’elle fût liée à Constantinople ou à Moscou, fut reprise par les successeurs du pape Pecci, Pie X, resté prudent, et surtout Benoît XV, confronté durant la guerre au massacre des Arméniens et d’autres communautés chrétiennes dans l’Empire ottoman, au démembrement de ce dernier à l’issue du conflit, à la nouvelle politique britannique et aux pressions sionistes [20]. Il créa au sein de la Curie romaine, le 1er mai 1917, la Congrégation Pro Ecclesia orientali placée sous son autorité directe puis, en octobre, l’Institut pontifical oriental, décisions prises pour répondre aux révolutions russes, mais qui concernaient fortement les Églises présentes en Terre sainte [21]. Le Père Bernard Dupuy a relevé que, malgré « les aléas des préjugés et des ambitions », les « illusions unionistes » contenaient une volonté de connaissance et d’ouverture à l’autre. Sous l’impulsion de Pie XII, les années 1950 restèrent marquées par l’unionisme, au point de provoquer une réaction de l’Église melkite qui voulut attester de sa vocation de « pont » entre Orient et Occident, affirmer sa place dans le monde arabe et revendiquer sa tradition orientale [22]. Une réflexion œcuménique s’imposa cependant peu à peu, jusqu’à être reconnue par le concile Vatican II [23].

Une solution œcuménique ?

11 En 1906, le pèlerin Angelo Giuseppe Roncalli avait éprouvé « une douloureuse stupéfaction » devant le « désordre et la confusion des gens, des objets, des langues, des rites et des croyances qui entour[ai]ent l’église du Saint Sépulcre » [24]. Devenu pape, Jean XXIII s’en souvint. L’idée œcuménique semblait devoir s’imposer, non sans mal, en Terre sainte, sous le double effet de l’aggravation du conflit politique, surtout à partir de 1948, et de l’évolution de l’Église, notamment à la suite de Vatican II.

12 L’idée était apparue, dès 1948, d’une responsabilité partagée des chrétiens à l’égard de la Terre sainte. En témoignait l’appel lancé par Pie XII le 24 octobre 1948 face à la guerre qui ravageait la région, dans l’encyclique In multiplicibus curis : « Nous ne croyons pas que le monde chrétien puisse contempler dans l’indifférence ou dans une indignation stérile cette terre sacrée […] ; Nous ne croyons pas qu’il puisse laisser s’accomplir la dévastation des Lieux saints et détruire le Sépulcre de Jésus Christ [25]. » Le pape plaçait clairement le problème sous la responsabilité du « monde chrétien ».

13 La question politique n’étant en rien réglée, Vatican II voulut ensuite marquer que le temps de la séparation et de l’hostilité devait s’achever, au moins au niveau des responsables. Au Concile, les Églises orientales furent traitées sur un pied d’égalité avec l’Église latine, tandis que le décret Unitatis redintegratio ouvrait un vrai dialogue théologique avec les « Églises séparées ». Le successeur de Jean XXIII, Paul VI, regrettait vivement que la désunion fût un contre-témoignage autant pour les juifs que pour les musulmans. Le Père Jean Corbon a souligné, de son côté, l’absence de crédibilité d’un christianisme éclaté dans « une poussière de communautés chrétiennes » face à l’islam [26]. C’est précisément en Terre sainte, à Jérusalem, que Paul VI et le patriarche œcuménique de Constantinople, Athénagoras, se rencontrèrent les 5 et 6 janvier 1964 [27]. À ce propos, O. Clément souligne les réticences du patriarche orthodoxe de Jérusalem, Vénédiktos, dont il fallut ménager la susceptibilité [28]. Avec Paul VI, l’Église catholique, recentrée sur Jérusalem, se trouvait ainsi en mesure de rencontrer les autres chrétiens [29].

14 Cette rencontre de portée universelle comportait, pour la Terre sainte, un espoir œcuménique d’unité. De même, Jean-Paul II encouragea, en février 1985, la première rencontre des patriarches et des responsables des Églises catholiques et non-catholiques du Moyen-Orient, et publia, en 1995, son encyclique majeure pour l’œcuménisme, Ut unum sint. Ses discours évoquaient longuement le thème de la responsabilité des chrétiens de Terre sainte : ceux-ci devaient se faire les « responsables de l’espérance qui nous vient du Christ ressuscité », et donner un témoignage d’unité qui serait, selon le Pape, un moyen de promouvoir la paix [30]. L’adhésion en 1990 des Églises catholiques (syriaque, maronite, chaldéenne, melkite, arménienne, copte), ainsi que du Patriarcat latin de Jérusalem au Conseil des Églises du Moyen-Orient, branche régionale, fondée à Nicosie en 1974, du Conseil œcuménique des Églises, traduisit cette volonté. La lettre apostolique Orientale Lumen du 2 mai 1995 appelant à « promouvoir l’unité de tous les chrétiens, spécialement orientaux », alla aussi dans ce sens [31].

15 Cette préoccupation pour une unité chrétienne porteuse de paix générale se manifesta de nouveau au Synode des évêques du Moyen-Orient (10-24 octobre 2010) convoqué par Benoît XVI sur le thème « L’Église catholique au Moyen Orient. Communion et témoignage – “La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme” (Act. 4, 32) ». Selon les Lineamenta publiés le 19 janvier 2010, le but du Synode était double :

16

Confirmer et renforcer les chrétiens dans leur identité […] et raviver la communauté ecclésiale entre les Églises particulières, afin qu’elles puissent offrir un témoignage de vie chrétienne authentique, joyeuse et attirante. Nos Églises catholiques ne sont pas seules au Moyen-Orient. Il y a aussi les Églises orthodoxes et les communautés protestantes. La dimension œcuménique est fondamentale pour que le témoignage chrétien soit authentique et crédible.

17 Le document ajoutait : « Il faut renforcer le témoignage que nous donnons aux juifs, aux musulmans et aux autres croyants ou non-croyants [32]. » L’unité des chrétiens ̶ Benoît XVI le rappela clairement en présentant l’Instrumentum laboris du Synode à Chypre le 6 juin 2010 [33] ̶ demeurait bien l’objectif majeur de la papauté.

Entre sionisme et judaïsme

18 Si une évolution est sensible au chapitre de l’unité des chrétiens par rapport aux temps où l’unionisme était plutôt privilégié, une autre évolution est également perceptible devant la présence du judaïsme en Terre sainte. Du reste, l’attitude traditionnelle de la papauté par rapport au sionisme, s’est trouvée transformée par l’évolution de Jean-Paul II sur ce sujet.

Non possumus

19 Pie X opposa une ferme fin de non-recevoir au projet sioniste. Theodor Herzl, qui avait publié son Judenstaat en 1896 et présidé au premier Congrès sioniste à Bâle en 1897, fut reçu en audience par le Pape le 25 janvier 1904. Selon le journal de Herzl, Pie X lui aurait déclaré : « Les juifs n’ont pas reconnu Notre Seigneur, par conséquent nous ne pouvons pas reconnaître le peuple juif [34]. » Jérusalem ne devait pas revenir à une autorité juive, selon Pie X, qui en appelait à la conversion des juifs :

20

Ou bien les juifs restent fidèles à leur croyance et continuent d’attendre le Messie, qui pour nous est déjà arrivé. Alors ils nient la divinité de Jésus et nous ne pouvons rien faire pour eux. Ou bien ils vont en Palestine sans religion aucune. Raison de plus pour que nous ne puissions pas prendre fait et cause pour eux. La religion juive était la base de la nôtre, mais elle a été remplacée par la doctrine du Christ et nous ne pouvons plus lui reconnaître de consistance. Les juifs qui auraient dû être les premiers à reconnaître Jésus-Christ, ne l’ont pas encore reconnu aujourd’hui [35].

21 À Herzl qui insistait (« Nous ne demandons pas Jérusalem, mais la Palestine, le pays profane seulement »), Pie X aurait répété en guise de conclusion : « Non possumus [36] ! »

22 Benoît XV resta sur cette position lorsqu’il reçut, le 4 mai 1917, le diplomate sioniste Nahum Sokolov qui prétendit par la suite que le pontife n’était pas complètement hostile au projet sioniste [37]. Pourtant Chaïm Weizmann, devenu entre-temps président de l’Organisation sioniste mondiale, dut se contenter, en avril 1922, d’un entretien avec le secrétaire d’État Gasparri et se heurta au même refus [38]. Dans le contexte de la Déclaration Balfour de novembre 1917 en faveur d’un « Foyer national juif » en Palestine, et des négociations de paix alors en cours à Paris, Benoît XV avait confirmé, le 10 mars 1919, la position de Pie X [39]. La continuité de la « ligne » adoptée par le Vatican explique que l’entrée du général britannique Allenby dans Jérusalem le 9 décembre 1917 ait été observée à Rome sans enthousiasme excessif, même si les cloches de la Ville éternelle sonnèrent pour célébrer l’événement. « Les Turcs étaient encore les gardiens les plus équitables autour des Lieux saints, aurait déclaré le cardinal Gasparri au Français Charles Loiseau. Le statut de ces Lieux fera l’objet de mille difficultés entre puissances chrétiennes et le sionisme ne manquera pas d’engendrer d’autres conflits [40]. »

23 L’idée des perturbations qui suivraient la création d’un État juif en Palestine inquiétait vivement le Saint-Siège. Or en avril 1920, à la conférence de San Remo, les puissances victorieuses s’entendirent sur le partage des ex-territoires arabes de l’Empire ottoman. Par la suite, la Société des Nations donna mandat sur la Palestine à la Grande-Bretagne, avec mission « d’élaborer le statut futur des Lieux saints, tout en y préservant les droits existants (statu quo) [41] ». Il n’était plus question ni d’un protectorat français ni d’une internationalisation qui avait la préférence du Saint-Siège, un temps envisagé. En 1922, un projet britannique élaboré par la Palestine Royal Commission prévoyait la création de trois territoires, un État arabe, un État juif et un territoire regroupant les Lieux saints, placé sous autorité britannique [42]. Ce projet ne fut pas mis en œuvre, mais Pie XI publia le 11 décembre 1922 la déclaration Vehementer gratum dans laquelle il exigeait que « les droits de l’Église catholique en Palestine – dans des cas où ils étaient manifestement supérieurs aux droits des autres intéressés – soient respectés et sauvegardés par priorité à l’égard non seulement des juifs et des infidèles, mais encore des membres des confessions non-catholiques [43] ».

24 On était donc passé d’une position essentiellement théologique sous Pie X à une position plus clairement diplomatique et politique sous Benoît XV et Pie XI, dans le contexte du Mandat britannique et des pressions sionistes. Dans une note datée du 15 mai 1922, le cardinal Gasparri avait évoqué le risque qu’un pouvoir juif ne soit « l’instrument de subordination des populations indigènes au profit d’une autre nationalité [44] ». Le Vatican se préoccupait donc du sort des populations arabes. « Le Saint-Siège n’a jamais approuvé le projet de faire de la Palestine un home juif. Mais hélas l’Angleterre ne cède pas », nota Mgr Domenico Tardini, secrétaire pour les Affaires extraordinaires, en 1943 [45]. Deux mois plus tard, le cardinal secrétaire d’État Maglione communiqua cette position au délégué apostolique à Washington, Mgr Cicognani, pour qu’il la transmette aux autorités américaines. S’appuyant sur les déclarations formulées par Benoît XV en 1919 et 1921 et sur la note du cardinal Gasparri de mars 1922, il posait, outre la question des Lieux saints sur lesquels les catholiques avaient, estimait-il, des droits spécifiques, celle de l’avenir de la Palestine :

25

Il est vrai qu’il fut un temps où la Palestine fut habitée par les juifs ; mais comment pourrait-on accepter historiquement que l’on reconduise les peuples dans les territoires où ils vécurent jusqu’à il y a dix-neuf siècles ? […] La Palestine sous la domination juive ferait surgir de nouveaux et graves problèmes internationaux [46].

La question israélienne

26 La position du Vatican resta longtemps inchangée à l’égard de l’État d’Israël. Sans entrer ici dans le détail d’une question bien étudiée [47], rappelons que le sort des Lieux saints et des chrétiens vivant dans un contexte difficile fut sa préoccupation permanente.

27 Les papes considéraient la violence qui s’installait en Terre sainte comme un blasphème. Pie XII multiplia les interventions publiques lors de la fondation de l’État d’Israël et de la première guerre israélo-arabe, notamment par une série d’encycliques. D’Auspicia quaedam (1er mai 1948), d’In multiplicibus curis (24 octobre 1948) et de Redemptoris nostri (15 avril 1949) ressortaient sa douleur devant les conflits qui ensanglantaient la région, son inquiétude pour les lieux sacrés et les bâtiments qui pouvaient être détruits par des actions militaires et sa revendication d’une internationalisation de Jérusalem et de ses environs. Tout en affirmant l’impartialité du Saint-Siège, Pie XII exprimait, particulièrement dans In multiplicibus curis, sa compassion pour les « milliers de réfugiés perdus et harcelés [qui] errent loin de leur patrie à la recherche d’un abri et d’un pain », autrement dit les Palestiniens. Même si les armes s’étaient tues en 1949, il ne s’agissait alors que d’une « suspension des hostilités » [48]. C’est précisément en 1949 que Pie XII créa la Mission pontificale pour la Palestine, communément appelée « Mission du Pape », chargée de soutenir les chrétiens. Cet organisme s’impliqua fortement auprès des réfugiés palestiniens en général, indépendamment de leur religion. Dès lors, la mission de protection des Églises locales et des chrétiens fut liée à la défense des droits des Palestiniens, non sans risquer de remettre en question l’impartialité à laquelle le Saint-Siège voulait se tenir, comme dans tout conflit [49].

28 Durant son voyage en Terre sainte de janvier 1964, Paul VI rencontra le gouvernement israélien mais s’abstint de prononcer le nom de l’État hébreu. Il ne visita pas le site de Yad Vashem où il délégua le cardinal Tisserant. À son retour, il adressa ses remerciements au président Shazar, à Tel Aviv, et non à Jérusalem, ce qui provoqua un incident. Ce voyage conçu comme un pèlerinage chrétien fut empreint d’une forte dimension œcuménique : il offrit l’occasion d’une rencontre avec le patriarche Athénagoras, mais pas avec des rabbins [50]. Il en reste une blessure dans la mémoire juive dont a témoigné le Grand Rabbin de France, René-Samuel Sirat, qui souligna combien les juifs s’étaient sentis écartés des cérémonies [51]. « Paul VI, écrit-il, n’a pas eu un mot d’amitié, ni de fraternité, ni de compassion. » Comme le note J.-M. Delmaire, Paul VI, qui connaissait mal le judaïsme, « n’a jamais eu de paroles vibrantes sorties du cœur comme celles de Pie XI (“Spirituellement, nous sommes tous des Sémites”) ou de Jean XXIII (“Je suis Joseph, votre frère”) [52] ». C’est à Jérusalem même que le Pape prit avec vigueur la défense de son prédécesseur attaqué de toutes parts, Pie XII, dont il avait été un proche collaborateur [53].

29 En revanche, ce voyage a laissé un souvenir très fort aux Palestiniens, chrétiens comme musulmans [54]. L’un de ses fruits les plus marquants fut la création de l’université de Bethléem, portée par la Mission pontificale, placée sous l’autorité du Saint-Siège et inaugurée le 1er octobre 1973. Elle fut considérée par bien des dirigeants israéliens comme un acte d’hostilité à l’égard d’Israël et un soutien aux Palestiniens puisqu’elle tendait à la formation d’une élite nouvelle, capable de fournir des cadres à un hypothétique État palestinien [55].

Un nouveau regard sur le judaïsme

30 À partir de Jean XXIII et du concile Vatican II, la question de la Terre sainte recoupe celle d’un rapport nouveau du catholicisme au judaïsme et d’une vision théologique renouvelée de ce dernier. Le début des années 1960 fut marqué par le procès d’Adolf Eichmann, tandis que commençait à être mis en cause ce que les détracteurs de Pie XII appellent son « silence [56] » ; la Déclaration conciliaire Nostra Aetate du 28 octobre 1965 ouvrit aussi un dialogue approfondi avec le judaïsme :

31

Scrutant le mystère de l’Église, le saint concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament à la lignée d’Abraham.
L’Église du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, chez les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi, sont inclus dans la vocation de ce patriarche, et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C’est pourquoi l’Église ne peut oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l’antique Alliance, et qu’elle se nourrit de la racine de l’olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que sont les Gentils. L’Église croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même, des deux, a fait un seul.

32 La création, à la suite du concile, du Secrétariat pour l’unité des chrétiens, en charge du dialogue œcuménique et des relations avec le judaïsme, puis l’institution au sein de ce Secrétariat d’un organisme spécifique, la Commission pour les relations avec le judaïsme, la publication le 3 janvier 1975 d’un texte interprétatif de Nostra aetate, « Orientations et suggestions », qui soulignait la nécessité d’instaurer « un vrai dialogue » montraient une volonté du Pape d’avancer sur la voie de la rencontre entre chrétiens et juifs.

33 Des contacts avaient eu lieu entre le Saint-Siège et l’État hébreu dès 1952, au moins de facto, lorsque Pie XII avait reçu Moshé Sharett, le ministre israélien des Affaires étrangères, puis sous Paul VI, malgré le mauvais souvenir laissé en Israël par son pèlerinage de 1964 et la colère des Israéliens lorsque le Pape avait demandé, le 5 juin 1967, pendant la guerre des Six jours, que Jérusalem fût déclarée « ville ouverte ». Paul VI reçut successivement Nahum Goldman en janvier 1969, le ministre des Affaires étrangères Abba Eban le 6 octobre 1969, le Premier ministre Golda Meïr, le 15 janvier 1973 et Moshe Dayan le 15 janvier 1978. Mais, toujours soucieux d’équilibre, le Pape reconnaissait « les droits légitimes des Palestiniens », expression réitérée dans un discours de décembre 1975, tout en condamnant les violences, en particulier les actes de terrorisme qui se multiplièrent dans les années 1970.

34 La donne changea surtout avec Jean-Paul II. Théologiquement, celui-ci ressentait profondément ce « lien » très fort avec le judaïsme dont parle Nostra Aetate [57]. S’y ajoutaient une véritable sensibilité à l’histoire et un sens du geste hors du commun [58]. Ce terme de « lien » se retrouve pratiquement dans tous les discours de Jean-Paul II sur le judaïsme. Dès le 12 mars 1979, recevant un groupe de juifs, il affirmait que le peuple du Nouveau Testament et celui d’Abraham « sont étroitement liés sur le plan de leurs propres identités religieuses [59] ». Le 28 octobre 1985, à l’occasion du XXe anniversaire de la Déclaration conciliaire, il parla d’une « véritable parenté », ajoutant que ce « lien » peut être appelé « sacré » parce qu’il provient de la « volonté mystérieuse de Dieu » [60]. Lors de sa visite à la Grande synagogue de Rome, le 13 avril 1986, il affirma que « la religion juive ne nous [les chrétiens] est pas “extrinsèque”, mais d’une certaine manière, elle est “intrinsèque” à notre religion », et il désigna les juifs comme « nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés » [61]. Pour autant, le pape ne masquait pas les différences, en premier lieu la personne et la mission du Christ qu’il rappelait toujours à ses interlocuteurs juifs. Mais, dépassant Nostra Aetate, il reconnaissait la validité actuelle de l’Alliance conclue par Dieu avec le peuple d’Israël : en novembre 1980, devant les représentants de la communauté juive rencontrés à Mayence, il salua « le peuple du Dieu de l’Ancien Testament, par Dieu jamais révoqué », en s’appuyant sur l’Épître aux Romains 11, 29 [62]. En mai 1985 parurent les Notes pour une manière correcte de présenter les Juifs et le Judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Église catholique élaborées par la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Ce texte proposait, à partir du discours de Mayence, une réflexion théologique sur l’alliance « irrévocable » entre Dieu et la descendance d’Abraham.

35 Jean-Paul II a donc voulu renouveler la relation entre christianisme et judaïsme en soulignant une vision unitaire du dessein de Dieu dans l’Alliance, qui respecte les différences tout en unissant [63]. À ses yeux, les deux religions ont une commune racine dans la Révélation qui les distingue des autres religions, notamment de l’islam :

36

À la différence des autres religions non chrétiennes – en effet – la foi juive est déjà une réponse à la révélation de Dieu dans l’Ancienne Alliance. […] Le témoignage courageux de la foi devrait également aujourd’hui caractériser la collaboration des chrétiens et des juifs dans la proclamation et la réalisation du dessein salvifique de Dieu, en faveur de l’humanité tout entière. Si ce dessein est ensuite différemment interprété par rapport à l’accueil fait au Christ, cela comporte bien évidemment un changement de direction, qui est à l’origine du christianisme lui-même, mais qui n’empêche pas que de nombreux éléments restent communs [64].

37 À cette vision théologique du rapport avec le judaïsme qui portait en elle une approche nouvelle de la présence juive en Palestine, s’ajoutait chez Jean-Paul II un sens aigu de l’Histoire et notamment de la Shoah. Alors qu’il repoussait toute forme d’antisémitisme, Auschwitz occupait dans sa pensée une place centrale, voire obsessionnelle. Au journaliste Vittorio Messori, il confia en 1993 à propos de l’expérience d’Auschwitz : « Je l’ai moi aussi, ressentie pour ma part, et c’est une expérience qu’encore aujourd’hui je porte en moi [65]. » Nous ne reviendrons pas ici sur la longue histoire de la relation de Jean-Paul II avec le judaïsme. Rappelons toutefois l’homélie qu’il prononça le 7 juin 1979 lors de la messe célébrée au camp de Brzezinka (Birkenau), près d’Auschwitz et sa méditation à Yad Vashem, le 23 mars 2000 [66]. Le thème du souvenir est fondamental pour lui : si la Shoah avait pu être facilitée par les préjugés antijuifs, le crime nazi prenait ses racines dans le rejet de Dieu, répandu en Europe depuis les Lumières [67]. En 1998, la Commission du Saint-Siège pour les relations avec le judaïsme avait publié un document majeur intitulé Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah. Ce texte était précédé par une lettre du Pape au cardinal Edward Idriss Cassidy, président de la Commission, qui démontrait l’importance accordée à ce sujet à la veille du jubilé de l’an 2000 :

38

C’est mon fervent souhait que le document « Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah », que la Commission des relations avec le judaïsme a préparé sous notre direction, peut vraiment aider à guérir les blessures des incompréhensions et des injustices du passé. Puisse-t-il aider la mémoire à jouer son rôle nécessaire dans le processus qui façonnera un avenir dans lequel l’indicible iniquité de la Shoah ne sera plus jamais possible [68].

39 Dans le droit fil de ces réflexions et de sa visite à Yad Vashem, le pape voulut se recueillir à Jérusalem, le 26 mars 2000, devant le Mur occidental du Temple où il inséra entre les pierres, selon la tradition juive, cette prière :

40

Dieu de nos pères, Tu as choisi Abraham et ses descendants pour amener Ton nom aux nations. Nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’Histoire, ont fait souffrir Tes enfants, et nous demandons Ton pardon. Nous souhaitons nous engager dans une fraternité authentique avec le peuple du Livre.

41 Dans son témoignage, le Grand rabbin Sirat oppose Paul VI à Jean-Paul II, parlant au sujet du voyage du premier d’« offense délibérée » à l’égard des juifs et pour le second de « fraternité vécue entre Chrétiens et Juifs », d’un pèlerinage qu’il a suivi, dit-il, « les larmes aux yeux » [69].

42 En ce qui concerne la question israélienne, l’approche du Saint-Siège fut marquée la transformation accélérée, sous l’influence de Jean-Paul II, de la vision du judaïsme par l’Église, mais aussi par l’évolution politique de la région, caractérisée par les initiatives israéliennes (proclamation de Jérusalem comme « capitale éternelle de l’État d’Israël » par la Knesset en juillet 1980) [70], les menaces sur la cohésion du Liban dont Jean-Paul II dit qu’il était « plus qu’un pays, […] un message » [71], la première guerre du Golfe au début de 1991, la montée de l’islamisme aux dépens des États arabes laïcs, ainsi que les espoirs de paix portés notamment par les Accords de Camp David en 1978, la Conférence de Madrid en octobre 1991, les Accords d’Oslo et la rencontre entre le Premier ministre israélien, Itzhak Rabin, et le chef de l’OLP, Yasser Arafat, à la Maison Blanche en septembre 1993 [72]. Jean-Paul II définissait Jérusalem comme le « patrimoine sacré de tous les croyants » et le « point de rencontre entre la terre et le ciel », ce qui justifiait selon lui « un statut spécial internationalement garanti » [73]. Le Pape donna aussi, personnellement, l’impulsion à un dialogue direct entre le Saint-Siège et l’État d’Israël, par des négociations engagées en juillet 1992 qui conduisirent à la signature de l’Accord fondamental le 30 décembre 1993 et à l’établissement de relations diplomatiques le 29 juin 1994 [74].

43 C’est donc dans une double perspective, religieuse et diplomatique, que le pape polonais a tourné la page de l’antisionisme romain. Il n’a pas renoncé à faire reconnaître un statut particulier à Jérusalem au nom de sa vocation universelle [75], ce qui a constitué un point de discorde majeur entre le Saint-Siège et Israël, de nouveau soulevé par Mgr Jean-Louis Tauran, alors secrétaire pour les Relations avec les États, lors de son voyage à Jérusalem le 25 octobre 1988, puis par le pape Benoît XVI lors de son pèlerinage en Terre sainte des 8-15 mai 2009.

Le rapport complexe avec l’Islam

Le sort des chrétiens

44 En remettant à Nicosie l’Instrumentum laboris de l’Assemblée spéciale du Synode des évêques pour le Moyen Orient, le 6 juin 2010, le pape Benoît XVI ne cacha pas sa grande préoccupation pour « la situation des chrétiens du Moyen Orient qui souffrent pour leur foi, afin que des solutions justes et durables soient trouvées pour les conflits qui causent tant d’épreuves [76] ». S’il insiste à cette occasion – tout comme les Lineamenta publiées en janvier 2010 [77] – sur les divisions propres aux chrétiens et les rapports avec le judaïsme, le document lui-même s’arrête sur les relations complexes avec l’islam, et notamment sur le défi de l’extrémisme et sur la difficulté à faire vivre la liberté religieuse en terre d’Islam :

45

Dans certains pays, l’État est islamique et la sharia est appliquée non seulement dans la vie privée, mais aussi dans la vie sociale, pour les non-musulmans également, ce qui entraîne la méconnaissance des droits humains. Quant à la liberté religieuse et à la liberté de conscience, elles sont généralement inconnues dans le milieu musulman, qui reconnaît la liberté de culte mais non la liberté de proclamer une religion autre que l’islam, et encore moins d’abandonner celui-ci. En outre, avec le développement de l’intégralisme islamique, on voit augmenter un peu partout les attaques contre les chrétiens [78].

46 Dès 1947, Pie XII avait rejeté tant l’idée d’un État juif que celle d’un État arabe à dominante islamique, craignant que ce dernier ne participât du nationalisme panarabe, dans un contexte de revendications anticoloniales, donc anti-occidentales, dont les chrétiens, assimilés à l’Occident, pourraient faire les frais. On n’oubliait pas à Rome la cruelle histoire des massacres dont les Arméniens et d’autres chrétiens avaient été les victimes dans l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale [79].

47 Fondée à Paris en 1856 et approuvée par Pie IX en 1858, l’Œuvre d’Orient, avait eu pour mission de venir en aide spirituellement et matériellement aux chrétiens d’Orient [80]. L’encyclique de Léon XIII Sancta Dei civitas du 3 décembre 1880 recommanda notamment aux catholiques de la soutenir financièrement [81]. De même que le Congrès eucharistique de Jérusalem avait fait prendre conscience de la misère des chrétiens en Terre sainte, Paul VI lança, après son pèlerinage de 1964, un cri d’alarme tant aux juifs qu’aux musulmans sur la situation des chrétiens qu’il avait observée sur place.

48 À partir des années 1970, les papes furent surtout préoccupés par l’exode des chrétiens et par le risque, à terme, d’une Terre sainte sans chrétiens, considéré comme un scandale du point de vue spirituel, mais aussi comme un danger politique, car affaiblissant la capacité du Saint-Siège à peser sur l’évolution de la région [82]. Paul VI consacra à cette douloureuse question l’exhortation apostolique Nobis in animo du 25 mars 1974 [83]. Il s’y déclarait « inquiet » de la situation et ordonnait des quêtes dans tout le monde catholique le Vendredi saint pour soutenir les œuvres caritatives, éducatives et sociales destinées à aider les chrétiens arabes palestiniens à rester sur place, malgré les difficultés créées par l’état de guerre quasi permanent depuis 1948, l’occupation israélienne et la volonté de réislamisation de la société palestinienne liée à la montée en puissance de mouvements comme le Hamas. Au fil de la prolongation indéfinie de l’état de guerre, l’attention des papes à l’égard du sort des chrétiens se superposa de plus en plus nettement à celle relative au sort du peuple palestinien tout entier.

Le sort des Palestiniens

49 Le souci à l’égard des Palestiniens fut, après 1948, principalement d’ordre humanitaire. La tâche principale de la Mission pontificale pour la Palestine, fondée en 1949, était d’aider les réfugiés, en association avec la Catholic Near East Welfare Association (CNEWA), une organisation missionnaire fondée en 1924. Sous Paul VI, ce soutien prit un tour plus politique après la guerre des Six jours, qui vit Israël annexer Jérusalem et occuper de vastes territoires, et celle du Kippour en 1973. Le 16 juillet 1974, rendant hommage à la Mission pontificale à l’occasion de son XXVe anniversaire, le Pape évoqua « l’inquiétude du Saint-Siège pour le sort des Palestiniens » qui « sont un peuple de la Terre sainte », sa « compassion » pour leurs souffrances et, pour la première fois, leurs « légitimes aspirations » [84]. Dès lors, les papes ne cessèrent de voir dans la reconnaissance d’une entité palestinienne une clé pour la paix. En 1979, s’exprimant devant l’Assemblée générale de l’ONU, Jean-Paul II estima qu’« une paix qui, ne pouvant pas ne pas être fondée sur la juste reconnaissance des droits de tous, ne peut pas non plus ne pas inclure la considération et la juste solution du problème palestinien [85] ».

50 Après avoir donné audience au ministre israélien des Affaires étrangères le 7 janvier 1982, il reçut pour la première fois au Vatican le chef de l’OLP, Yasser Arafat, le 15 septembre suivant. À cette occasion, il reprit le discours pontifical traditionnel, tiré de saint Augustin, sur l’absence de paix véritable sans une vraie justice et il affirma « le droit à l’existence et à la sécurité sur son propre territoire, dans la sauvegarde de l’identité propre de chacun [86] ». À l’issue de cette rencontre, le Bureau de presse du Saint-Siège publia un communiqué pour clarifier s’il en était besoin, la position du pontife :

51

Au cours de la rencontre, le Souverain Pontife a manifesté sa bonne volonté envers le peuple palestinien et sa solidarité pour ses longues souffrances, en exprimant l’espoir qu’une solution juste et durable au conflit du Moyen-Orient soit trouvée au plus tôt, une solution qui, en excluant le recours aux armes et à la violence – de toute forme, en particulier celle du terrorisme et des représailles – conduirait à la reconnaissance du droit de tous les peuples, et en particulier du peuple palestinien, à posséder une terre propre, et à celle du peuple israélien à garantir sa propre sécurité [87].

52 Le leader palestinien fut reçu à nouveau le 23 décembre 1988, et le Saint-Siège établit des relations officielles avec l’OLP le 25 octobre 1994. Nombreuses furent les interventions de Jean-Paul II allant dans le sens de la reconnaissance politique d’un État palestinien, jusqu’à lancer à Benjamin Netanyahu et à Yasser Arafat conjointement, le 26 juin 1997, un appel « d’ordre éthique » exigeant d’eux qu’ils rétablissent, « quels qu’en soient le prix, la confiance et la volonté nécessaires à un compromis » [88].

53 L’attention que Jean-Paul II portait à l’avenir politique du peuple palestinien s’inscrit dans l’attention qu’il accordait à la Nation, comme en témoignent son discours du 2 juin 1980 à l’Unesco, et aux minorités, insistant tout à la fois sur la dignité inaliénable de la personne humaine et sur l’unité fondamentale du genre humain, puis son allocution du 5 octobre 1995 à l’ONU. La nomination, en janvier 1988, de Mgr Michel Sabbah, un Arabe palestinien, comme patriarche latin de Jérusalem, dans laquelle certains diplomates israéliens virent de l’hostilité  [89], témoigne de l’attachement du pape polonais à la nation considérée comme une entité culturelle. En désignant, à nouveau, en juin 2008, une personnalité arabe, Mgr Fouad Twal, né en Jordanie, pour succéder à Mgr Sabbah, et en rendant visite le 13 mai 2009, au camp de réfugiés palestiniens d’Aïda, Benoît XVI s’est inscrit dans la même démarche.

Un destin commun

54 Le thème de Jérusalem « carrefour de rencontre fraternelle pour tous les adorateurs de l’unique Dieu » devint central pour Paul VI et ses successeurs [90]. L’évocation du nécessaire « vivre ensemble », procède de l’idée du partage d’un destin commun, fondé sur un dialogue interreligieux [91]. Cette thématique prit une dimension nouvelle avec Jean-Paul II. Celui-ci transforma le Secrétariat pour les non-chrétiens, créé par Paul VI en 1964, en Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Se rendant au Maroc, il prononça à Casablanca, le 19 août 1985, un discours majeur pour la rencontre avec l’islam et réunit les représentants des grandes religions du monde à Assise le 27 octobre 1986 pour prier pour la paix [92]. Appliquée à la Terre sainte, la recherche du dialogue était pour le Pape une réponse face au risque constitué par le fondamentalisme musulman, comme il le déclara aux diplomates accrédités auprès du Saint-Siège le 12 janvier 1991.

55 Il dénonçait aussi le sort fait aux « chrétiens minoritaires [93] », étant convaincu que la paix ne pourrait pas avancer sans la contribution des religions, sans que ne soient promus la liberté religieuse, le respect mutuel et la mise en valeur d’une loi morale commune. Aux évêques latins des régions arabes en visite ad limina, il recommanda le 3 février 1982 que « le dialogue avec les frères et sœurs musulmans se fonde sur le fait que Dieu est le Père commun de toute la famille humaine. Son plan envers la Création embrasse la vie et le bien-être de toutes les personnes ». La foi commune en un Dieu unique pourrait, selon Jean-Paul II, devenir élément de réconciliation plutôt que de division entre les hommes. D’où son insistance sur le destin de Jérusalem, la ville trois fois sainte étant naturellement au cœur de son projet diplomatique.

Conclusion

56 Ce trop rapide parcours de plus d’un siècle permet de relever quatre constantes et deux évolutions déterminantes.

57 Parmi les constantes on note d’abord que, d’un pape à l’autre, la Terre sainte inspira une triple préoccupation : pour la paix, pour les chrétiens et pour l’intégrité physique des Lieux saints. La deuxième constante tient à ce qu’à leurs yeux, ce lieu unique est sacré pour les chrétiens, mais aussi pour les juifs et pour les musulmans, les trois religions devant vivre ensemble. Selon leurs vues, la question religieuse est fondamentale, d’où la conviction que la diplomatie ne suffit pas, qu’elle doit être accompagnée d’une compréhension spirituelle. Troisième constante, la recherche d’une impartialité, position difficile à tenir dans tout conflit, une position traditionnelle de la papauté, définie par Benoît XV face à la Première Guerre mondiale qui porte en elle ses limites et les risques pour le Vatican d’être accusé par chaque partie de favoriser son ennemi. Enfin, quatrième point fixe : la recherche par la papauté, afin de faire progresser la justice, de solutions internationales pour protéger les chrétiens et les Lieux saints, qu’il s’agisse de faire appel à certaines puissances ou à des organisations internationales.

58 Par-delà ces constantes, deux évolutions sont capitales : d’une part la reconnaissance du fait israélien et du fait palestinien, à côté du maintien de l’exigence d’un traitement particulier pour Jérusalem. À partir de Paul VI, il ne s’agit donc plus de placer des espoirs dans une puissance protectrice et de récuser aussi bien un État juif qu’un État arabe, mais de reconnaître la situation de fait créée au fil du temps et de promouvoir une entente entre les deux entités. D’autre part, la conviction a émergé que la paix ne pouvait pas venir des seuls catholiques, qu’elle ne pouvait passer que par l’ouverture à l’autre. D’où la double espérance qui s’éleva d’abord pour les chrétiens, l’espérance œcuménique, la paix générale ne pouvant être prônée efficacement que si elle est mise en œuvre d’abord entre les Églises chrétiennes, l’espérance du dialogue interreligieux ensuite, pour mieux connaître, respecter et créer les conditions d’un vivre ensemble plus harmonieux.

Notes

  • [1]
    Selon son secrétaire d’État, le cardinal Mariano Rampolla del Tindaro, dans une lettre du 15 août 1894 au cardinal Vaughan, archevêque de Westminster, citée par Jean-Marc Ticchi, Aux frontières de la paix. Bons offices, médiations, arbitrages du Saint-Siège (1878-1922), Rome, École Française de Rome, 2002, p. 152.
  • [2]
    Silvio Ferrari, Vaticano e Israele: dal secondo conflitto mondiale alla guerra del Golfo, Florence, Sansoni, 1991; idem, « Le Saint-Siège, l’État d’Israël et les Lieux saints de Jérusalem », in Joël-Benoît d’Onorio (dir.), Le Saint-Siège dans les relations internationales, Paris, Cerf-Cujas, 1989, pp. 301-321 ; idem, « La S. Sede, Israele e la questione di Gerusalemme », Storia Contemporanea, 1985, pp. 139-159 ; Hans Köchler, The Legal Aspects of the Palestine Problem with Special Regard to the Question of Jerusalem, Vienne, Braumüller, 1981 ; Bernardin Collin, Rome, Jérusalem et les Lieux saints, Paris, Éditions Franciscaines, 1981.
  • [3]
    Giorgio Del Zanna, Roma e l’Oriente. Leone XIII e l’Impero ottomano (1878-1903), Milan, Guerini, 2003 ; Jean-Marie Delmaire, « Une ouverture prudente : Paul VI, le judaïsme et Israël », in Paul VI et la modernité dans l’Eglise. Actes du colloque organisé par l’École française de Rome (Rome, 2-4 juin 1983), Rome, EFR, 1984, pp. 821-835.
  • [4]
    Frédéric Yerly, « Le Saint-Siège, l’État d’Israël et la paix au Moyen-Orient », Vingtième Siècle, n° 51, juillet-septembre 1996, pp. 3-14 ; Pietro Pastorelli, « La S. Sede e il problema di Gerusalemme », Storia e politica, 1982, pp. 57-98 ; Anthony O’Mahony, « Jerusalem, the State of Israel and Christianity in the Holy Land », International Journal for the Study of the Christian Church, juillet 2005, pp. 123-146 ; Henry Laurens, « Le Vatican et la question de la Palestine », in Hélène Carrère d’Encausse et Philippe Levillain (dir.), Nations et Saint-Siège, Paris, Fayard, 2000, pp. 303-342 ; Paolo Pieraccini, Gerusalemme, Luoghi Santi e comunità religiose nella politica internazionale, Bologne, DDB, 1997.
  • [5]
    On dispose des notes rédigées par Mgr Roncalli, alors secrétaire de l’évêque de Bergame, Mgr Radini Tedeschi, pour l’Eco di Bergamo lorsqu’il participa au pèlerinage national italien en 1906 : Giovanni XXIII, Viaggio in Terra Santa. Articoli di un giornalista diventato papa, Milan, Massimo, s.d.
  • [6]
    Bernard Lecomte, Jean-Paul II, Paris, Gallimard, 2003, pp. 219-220.
  • [7]
    Jean-Paul II, « Allocution aux dirigeants des organisations juives », La Documentation catholique (ci-après : LDC), 1er avril 1979, pp. 333-335.
  • [8]
    Jean-Pierre Valognes, Vie et Mort des chrétiens d’Orient : des origines à nos jours, Paris, Fayard, 1994.
  • [9]
    François René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, Paris, 1811, rééd. Gallimard, coll. « La Pléiade », Œuvres romanesques et voyages, II, 1969, p. 1032.
  • [10]
    Par exemple, la concurrence entre les frères des Écoles chrétiennes, soutenus par la France, et les salésiens, liés à l’Italie : Jean-Dominique Durand, « Le Saint-Siège entre France et Italie en Méditerranée orientale à la fin du xix e siècle », in Patrick Cabanel (dir.), Une France en Méditerranée. Écoles, langues et culture françaises xix e-xx e siècles, Paris, Créaphis, 2006, pp. 55-76 ; Bernard Dupuy, « Léon XIII et les chrétiens de l’Empire ottoman », in Philippe Levillain et Jean-Marc Ticchi (dir.), op. cit., pp. 232-241.
  • [11]
    J. Hajjar, Le Vatican, la France et le catholicisme oriental (1878-1914). Diplomatie et histoire de l’Église, Paris, Beauchesne, 1979 ; Georges Goyau, « Le protectorat de la France sur les chrétiens de l’Empire ottoman », in Alfred Baudrillart, La France chrétienne dans l’histoire, Paris, Firmin-Didot, 1896, pp. 580-593 ; François Charles-Roux, France et chrétiens d’Orient, Paris, Flammarion, 1939 ; Daniel J. Grange, L’Italie et la Méditerranée (1896-1911). Les fondements d’une politique étrangère, Rome, École française de Rome, 1994, p. 770 ; Giorgio Del Zana, Roma e l’Oriente : Leon xiiI e l’Impero Ottomano (1878-1903), Milan, Guerini, 2003, p. 430.
  • [12]
    Jean-Dominique Durand, « Pio X e la Francia », in Gianni La Bella (dir.), Pio X e il suo tempo, Bologne, Il Mulino, 2003, pp. 681-689.
  • [13]
    Cité par Étienne Fouilloux, Les Catholiques et l’unité chrétienne du xix e au xx e siècle. Itinéraires européens d’expression française, Paris, Le Centurion, 1982, p. 37.
  • [14]
    Rosario Franco Esposito, Leone XIII e l’Oriente cristiano, Rome, 1960. Pour une synthèse claire : Giuseppe Maria Croce, « Catholiques et orthodoxes de Pie IX à Jean XXIII », in Hervé Legrand, Giuseppe Maria Croce, L’Œuvre d’Orient. Solidarités anciennes et nouveaux défis, Paris, Éditions du Cerf, 2010, pp. 189-211. Sur le Congrès eucharistique de Jérusalem : Claude Soetens, Le Congrès eucharistique international de Jérusalem (1893) dans le cadre de la politique orientale du pape Léon XIII, Louvain, Éd. Nauwelaerts, 1977.
  • [15]
    Giorgio Del Zanna, op. cit., p. 317.
  • [16]
    Cyrille Korolevski, Kniga bytija moego (Le livre de ma vie). Mémoires autobiographiques, texte établi, édité et annoté par Giuseppe M. Croce, t. I, Cité du Vatican, Archives Secrètes Vaticanes, 2007, pp. 25 et 480-487.
  • [17]
    Giorgio Del Zanna, op. cit., p. 318.
  • [18]
    Cyrille Korolevskij, op. cit., t. II, p. 80 ; Giorgio Del Zana, op. cit., pp. 303-330 ; Daniela Fabrizio, Identità nazionali e identità religiose. Diplomazia internazionale, istituzioni ecclesiastiche e communità cristiane di Terra Santa tra Otto et Novecento, préface de Francesco Margiotta Broglio, Rome, Studium, 2004, pp. 18-22.
  • [19]
    Cyrille Korolevskij, op. cit.
  • [20]
    Sur les massacres de chrétiens dans l’Empire ottoman en guerre, se reporter aux articles de Joseph Yacoub et de Théodore Ruyssen dans ce même numéro.
  • [21]
    Étienne Fouilloux, Les Catholiques et l’unité chrétienne…, op. cit., pp. 80-82.
  • [22]
    Étienne Fouilloux, « Les chrétiens d’Orient menacés », in Jean-Marie Mayeur (dir.), Histoire du christianisme, 12, Guerres mondiales et totalitarismes (1914-1958), Paris, Desclée-Fayard, 1990, pp. 745-831, en particulier pp. 829-830.
  • [23]
    Bernard Dupuy, op. cit., p. 241.
  • [24]
    Giovanni XXIII, op. cit. ; Peter Hebblethwaite, Jean XXIII le pape du Concile, Paris, Le Centurion, 1988, p. 70.
  • [25]
    Encyclique In multiplicibus curis, 24 octobre 1948, LDC, n° 1030, 21 novembre 1948.
  • [26]
    Jean Corbon, L’Église des Arabes, Paris, Les Éditions du Cerf, 1977, rééd. 2007, p. 58.
  • [27]
    Olivier Clément, Dialogues avec le Patriarche Athénagoras, Paris, Fayard, 1969, p. 363. Sur le rapport entre Paul VI et le Patriarche : Valeria Martano, Athenagoras il patriarca (1886-1972). Un cristiano tra crisi della coabitazione e utopia ecumenica, Bologne, Il Mulino, 1996.
  • [28]
    Ibid., p. 365.
  • [29]
    Andrea Riccardi, Il potere del papa. Da Pio XII a Giovanni Paolo II, Rome-Bari, Laterza, 1993, p. 241, et « Significato e finalità dei viaggi apostolici di Paolo VI », in Rodolfo Rossi (dir.), I viaggi apostolici di Paolo VI. Colloquio internazionale di studio, Brescia 21-22-23 settembre 2001, Brescia-Rome, Istituto Paolo VI-Edizioni Studium, 2004, pp. 15-31.
  • [30]
    Jean-Paul II, « Discours aux membres de la Conférence épiscopale des évêques de rite latin de la Région arabe », LDC, 18 novembre 1990, pp. 984-985, et « Message aux patriarches orthodoxes et catholiques du Moyen-Orient », LDC, 5 mai 1985, pp. 474-475 ; Abel-Marie Soullier, Jean-Paul II et la question israélo-palestinienne, mémoire de master 1, dir. Jean-Dominique Durand, université Jean Moulin – Lyon III, 2009.
  • [31]
    Michel Van Parys, « Les Églises d’Orient et les œuvres catholiques : de l’assistance à la collaboration », in Hervé Legrand, Giuseppe Maria Croce, op. cit., pp. 345-361.
  • [32]
    Sinodo dei Vescovi. Assemblea speciale per il Medio Oriente, La Chiesa Cattolica nel Medio Oriente : comunione e testimonianza. Lineamenta, Cité du Vatican, LEV, 2010.
  • [33]
    Document publié dans LDC, 4 juillet 2010, pp. 609-630.
  • [34]
    Document reproduit in Renée Neher-Bernnheim, Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël, Paris, Seuil, 2002, pp. 560-561 ; André Chouraqui, La Reconnaissance. Le Saint-Siège, les Juifs et Israël, Paris, Robert Laffont, 1992, p. 114. Sur le sionisme : Georges Bensoussan, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme (1860-1940), Paris, Fayard, 2002, et Alain Boyer, Les Origines du sionisme, Paris, Puf, coll. « QSJ ? », 1988.
  • [35]
    Propos rapportés par Theodor Herzl dans son journal. Extrait cité dans Journal 1895-1904. Le fondateur du sionisme parle, morceaux choisis et présentés par Roger Errera, préface de Catherine Nicault, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Diaspora », 1990, entrée du 26 janvier 1904, pp. 373-377.
  • [36]
    Journal de Théodore Herzl cité par André Chouraqui, ibid., pp. 114-115.
  • [37]
    Ibid., pp. 130-138. Également : Sergio Minerbi, The Vatican and Zionism. Conflict in the Holy Land (1895-1925), New York, Oxford University Press, 1990, pp. 197-198.
  • [38]
    André Chouraqui, op. cit., pp. 153-157.
  • [39]
    Benoît XV, Allocution Antequam ordinem au Collège des Cardinaux, 10 mars 1919, in Harry Koenig, Principles for Peace: Selections from Papal Documents – Leo XIII to Pius XII, Milwaukee, Bruce, 1943, § 617 ; Francis Latour, La Papauté et les problèmes de la paix pendant la Première Guerre mondiale, Paris, L’Harmattan, 1996, pp. 294-295.
  • [40]
    Charles Loiseau, « Ma mission auprès du Vatican (1914-1918) », Revue d’histoire diplomatique, avril-juin 1960, p. 105.
  • [41]
    Edmond Farhat, « Lieux saints (depuis 1917) », in Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la Papauté, Paris, Fayard, 2003, pp. 1049-1053.
  • [42]
    Sur la préparation sous l’égide de la SDN de ce plan britannique et l’attitude du Saint-Siège, et notamment le long mémorandum rédigé par le cardinal Gasparri au printemps de 1922 : Robert John Araujo et John A. Lucal, Papal Diplomacy and the Quest for Peace. The Vatican and International Organizations from the Early Years to the League of Nations, Ann Arbor (MI), Sapientia Press, 2004, pp. 160-190.
  • [43]
    LDC, 30 décembre 1922, pp. 1275-1279.
  • [44]
    Cité par Silvio Ferrari, « Pio XI, la Palestina e i Luoghi Santi », in Achille Ratti Pape Pie XI, Rome, EFR, 1996, pp. 909-924.
  • [45]
    Note du 13 mars 1943, in Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale, IX, Cité du Vatican, 1975, p. 184.
  • [46]
    Dépêche du cardinal Maglione au délégué apostolique à Washington, 18 mai 1943, in ibid., pp. 300-302.
  • [47]
    Références citées dans les notes 2, 3 et 4.
  • [48]
    Pie XII, Encyclique Redemptoris nostri, 15 avril 1949.
  • [49]
    Abel-Marie Soullier, op. cit., p. 55.
  • [50]
    Pasquale Macchi, « Il pellegrinaggio in Terra Santa », in R. Rossi (dir.), I viaggi apostolici di Paolo VI, op. cit., pp. 34-45. Paolo Pieraccini a consacré un chapitre de son livre Gerusalemme, Luoghi Santi e comunità religiose nella politica internazionale, Bologne, DDB, 1997, au voyage de Paul VI, pp. 520-549.
  • [51]
    René-Samuel Sirat, « La visite du Pape Jean-Paul II au Mur Occidental : réflexions d’un Rabbin à Mgr Gérard Defois à l’occasion de son 70e anniversaire », in Chemins d’espérance. Mélanges offerts à Monseigneur Gérard Defois, numéro hors-série de Mélanges de Science religieuse, 2001, pp. 251-259.
  • [52]
    Jean-Marie Delmaire, op. cit., p. 822.
  • [53]
    Ibid., p. 824.
  • [54]
    Thomas F. Stransky parle d’une « Pope-Fever » pour traduite l’enthousiasme suscité par Paul VI, dans « Paul VI’s religious pilgrimage in the Holy Land », in R. Rossi (dir.), op. cit., pp. 341-373. Également, récit de Mgr Jacques Martin, « Le voyage de Paul VI en Terre sainte », in Paul VI et la vie internationale. Journées d’Études Aix-en-Provence, 18 et 19 mai 1990, Brescia-Rome, Istituto Paolo VI-Edizioni Studium, 1992, pp. 173-179.
  • [55]
    Georges-Émile Irani, op. cit., p. 54.
  • [56]
    Sur le procès Eichmann : Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Paris, Gallimard, 1963, rééd. 1991 ; Tom Segev, « En 1961, le tournant du procès Eichmann », Le Monde Diplomatique, avril 2001, pp. 10-11. Sur le « silence » de Pie XII : Alessandro Angelo Persico, Il caso Pio XII. Mezzo secolo di dibattito su Eugenio Pacelli, Milan, Guerini Associati, 2008 ; Muriel Guittat-Naudin, Pie XII après Pie XII. Histoire d’une controverse, Paris, Éditions de l’EHESS, 2015.
  • [57]
    Aleksander Mazur, L’insegnamento di Giovanni Paolo II sulle altre religioni, Rome, Editrice Pontificia Università Gregoriana, 2004, p. 85.
  • [58]
    Jean-Dominique Durand, « L’usage du temps et de l’espace par Jean-Paul II », in Bartolo Gariglio, Marta Margotti et Pier Giorgio Zunino, Le due società. Scritti in onore di Francesco Traniello, Bologne, Il Mulino, 2009, pp. 415-433.
  • [59]
    « Sono strettamente vincolate sul piano delle proprie rispettive identità religiose », discours cité par Aleksander Mazur, op. cit., p. 85.
  • [60]
    Jean-Paul II, Discours au Comitato Internazionale di Collegamento tra Chiesa cattolica ed Ebraismo, 28 octobre 1985, Site du Vatican, http://www.vatican.va.
  • [61]
    Jean-Paul II, Discours à la Communauté juive dans la Synagogue de la Ville de Rome, 13 avril 1986, LDC, 4 mai 1986, p. 437.
  • [62]
    Jean-Paul II, Discours aux représentants de la Communauté juive, Mayence, 17 novembre 1980, LDC, 21 novembre 1980, pp. 1148-1149.
  • [63]
    Aleksander Mazur, op. cit., p. 91.
  • [64]
    Jean-Paul II, Audience générale du 28 avril 1999, à l’approche du jubilé de l’An 2000, « Le dialogue avec les juifs », site du Vatican, déjà cité.
  • [65]
    Cité par Bernard Lecomte, Jean-Paul II, Paris, Gallimard, 2003, p. 462.
  • [66]
    Sur la relation de Jean-Paul II au judaïsme : Jean Dujardin, L’Église catholique et le peuple juif. Un autre regard, Paris, Calmann-Lévy, 2003, pp. 314-332 ; Charlotte Durdilly, Jean-Paul II et les Juifs, mémoire de master 1 inédit, dir. Jean-Dominique Durand, université de Lyon III, 2008. Jean-Paul II, Homélie, « Messe au camp de Brzezinka, 7 juin 1979 », LDC, 1er juillet 1979, pp. 631-634, et Discours au Mausolée de Yad Vashem à Jérusalem, 23 mars 2000, LDC, 16 avril 2000, pp. 373-734.
  • [67]
    Analyse des « idéologies du mal » par Jean-Paul II dans Mémoire et Identité, Paris, Flammarion, 2005, pp. 16-25.
  • [68]
    Jean-Paul II, lettre au cardinal Edward Idriss Cassidy, 12 mars 1998, Site du Vatican, déjà cité.
  • [69]
    René-Samuel Sirat, « La visite du Pape Jean-Paul II », op. cit.
  • [70]
    Analyse de Francesco Margiotta Broglio sur les conséquences de cette loi sur l’approche du problème par le Saint-Siège, dans son article « La visita di Giovanni Paolo II alla sinagoga di Roma e la questione di Gerusalemme », Rivista di studi politici internazionali, 1986, pp. 434-436.
  • [71]
    Jean-Paul II, « Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message », LDC, 1er juillet 1990, pp. 643-644. Sur l’inquiétude de Jean-Paul II pour le Liban : Amandine Ducarouge, Jean-Paul II et le Liban, mémoire de master 1, dir. Jean-Dominique Durand, université de Lyon III, 2010.
  • [72]
    Gérald Arboit, Le Saint-Siège et le nouvel ordre au Moyen-Orient. De la Guerre du Golfe à la reconnaissance diplomatique d’Israël, Paris, L’Harmattan, 1996 ; Jean-Yves Rouxel, Le Saint-Siège sur la scène internationale, Paris, L’Harmattan, 1998 ; Silvio Ferrari, « La diplomatie du Saint-Siège au Proche-Orient », op. cit. ; Henri Tincq, L’Étoile et la Croix. Jean-Paul II – Israël : l’explication, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès, 1993.
  • [73]
    L’Osservatore Romano des 30 juin-1er juillet 1980, « Gerusalemme » de Jean-Paul II mais publié sans signature ; Jean-Paul II, Lettre apostolique Redemptionis anno, 20 avril 1984, LDC, 3 juin 1984, pp. 551-552.
  • [74]
    Mgr Claudio Celli, signataire pour le Saint-Siège de l’Accord fondamental de 1993, a témoigné dans « Un élan nouveau pour le dialogue et la coopération », LDC, 6 février 1994, pp. 118-120, du rôle personnel de Jean-Paul II.
  • [75]
    Sur l’image de Jérusalem dans les trois religions monothéistes : Frédéric Encel, Géopolitique de Jérusalem, Paris, Flammarion, 1998.
  • [76]
    Benoît XVI, Discours pour la remise de l’Instrumentum laboris de l’Assemblée spéciale pour le Synode des évêques pour le Moyen-Orient, LDC, 4 juillet 2010, pp. 606-607.
  • [77]
    La Chiesa Cattolica nel Medio Oriente, op. cit.
  • [78]
    Instrumentum laboris, op. cit., LDC, 4 juillet 2010, pp. 628-629.
  • [79]
    John F. Pollard, The Unknown Pope. Benedict XV (1914-1922) and the Pursuit of Peace, Londres, Geoffrey Chapman, 1999, p. 196 ; articles de Joseph Yacoub et de Théodore Ruyssen dans ce numéro.
  • [80]
    Hervé Legrand, Giuseppe Maria Croce (dir.), op. cit.
  • [81]
    Patrick Valdrini, « Léon XIII et l’Œuvre d’Orient », in Philippe Levillain et Jean-Marc Ticchi (dir.), op. cit., pp. 371-378.
  • [82]
    Abel-Marie Soullier, op. cit., pp. 56-57. Significatif est le titre du livre de Jean-Pierre Valognes, op. cit.
  • [83]
    Site du Vatican, déjà cité.
  • [84]
    Henry Laurens, « Le Vatican et la question de la Palestine », in Hélène Carrère d’Encausse et Philippe Levillain (dir.), op. cit., pp. 303-342.
  • [85]
    Jean-Paul II, Discours à la XXXIVe assemblée générale de l’ONU, LDC, 21 octobre 1979, pp. 872-879.
  • [86]
    Jean-Paul II, « Pour la paix dans la justice au Moyen-Orient », LDC, 17 octobre 1982, pp. 921-922.
  • [87]
    Site du Vatican, déjà cité. Le thème de la justice comme condition de la paix était repris en 1984 dans la lettre apostolique Redemptionis Anno.
  • [88]
    Jean-Paul II, lettres à Benjamin Netanyahu et à Yasser Arafat, LDC, 20 juillet 1997, pp. 651-652.
  • [89]
    Par exemple, la position de Sergio Itzhak Minerbi, « Le Saint-Siège et Israël », Shalom. Le Magazine juif européen, septembre 2003.
  • [90]
    Selon L’Osservatore Romano du 23 décembre 1974, cité par Silvio Ferrari, « Le Saint-Siège, l’État d’Israël et les Lieux saints de Jérusalem », op. cit., p. 311.
  • [91]
    Andrea Riccardi, Vivre ensemble, Paris, DDB, 2007, et les vues développées par la Communauté de Sant’Egidio au cours de deux rencontres internationales et interreligieuses : I Cristiani in Medio Oriente. Tra futuro, tradizione e Islam, Milan, Leonardo International, 2009 et Un destino comune. Cristiani e musulmani in Medio oriente, Milan, Leonardo International, 2010.
  • [92]
    Pour les textes de la visite de Jean-Paul II au Maroc : LDC, 6 octobre 1985 ; Aouatif Batani, Un élément fondateur du Dialogue interreligieux : la rencontre du Souverain Pontife et du Commandeur des Croyants, 19 août 1985, master 1, dir. Jean-Dominique Durand, université de Lyon III, 2009 ; Claudio Bonizzi, L’Icona di Assisi nel magistero di Giovanni Paolo II, Assise, Edizioni Porziuncola, 2001 ; Jean-Dominique Durand, « Lo Spirito di Assisi tra profezia e dialogo interreligioso », Studium, novembre-décembre 2006, pp. 809-819.
  • [93]
    Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique, LDC, 17 février 1991, pp. 191-198.
Français

Les papes portent sur la Terre sainte un regard religieux et politique. Religieux parce que cette terre, avec Jérusalem en son cœur, est trois fois sacrée, pour le judaïsme, le christianisme et l’islam ; politique parce que la création de l’État d’Israël en 1948, et auparavant les revendications sionistes et les politiques ottomanes et britanniques introduisent des tensions où le religieux est instrumentalisé. C’est cette double approche religieuse – spirituelle, et politique – diplomatique, qui caractérise le rapport des papes à la Terre sainte à l’époque contemporaine, que cet article entend montrer. Il s’agit de comprendre le lien intime des papes avec une terre chargée d’émotion, qui fut habitée par le Christ, celle aussi du rapport complexe avec les Églises d’Orient, du rapport au judaïsme et des relations avec l’islam, dans un contexte international marqué par le jeu des puissances.

Jean-Dominique Durand
Université Lyon III
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/05/2018
https://doi.org/10.3917/ri.173.0113
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...