CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En 1860, l’État belge décida de supprimer les octrois perçus à l’entrée des villes, considérés comme des freins au développement économique. Pour compenser cette perte de recettes pour les villes et communes, il instaura un Fonds des communes. L’histoire du Fonds des communes ne sera toutefois pas davantage abordée dans cette contribution qui, après un bref rappel du cadre institutionnel, traitera des développements survenus au cours des vingt dernières années en ce qui concerne le mode de répartition [2] dans les trois Régions du pays et en Communauté germanophone. Les montants concernés seront cités afin de donner des ordres de grandeur mais la question de la dotation, c’est-à-dire de l’évolution de l’enveloppe du Fonds dans chaque Région ne sera pas approfondie. De même, nous renvoyons à d’autres publications citées dans la bibliographie pour une explication plus générale des finances communales et de leurs spécificités en matière de soldes budgétaires, par exemple.

1 – Grille d’analyse

2La littérature théorique sur les transferts aux pouvoirs locaux est abondante (Musgrave, Oates, Bennet, King, Fischer, etc.) et ce sujet continue à faire l’objet de nombreux articles et rapports, y compris au sein d’instances comme l’OCDE (voir par exemple Bergvall et al., 2006) et le Conseil de l’Europe (2005). Nous renvoyons vers ces sources, ainsi que vers Jurion et Delcour (2007), pour un exposé théorique détaillé. Nous nous limiterons ici à quelques éléments clés, destinées à faciliter l’interprétation des modes de répartition des Fonds des communes.

1.1 – Les types de transferts

3Rappelons d’abord que la littérature et les travaux empiriques opèrent diverses distinctions en matière de transferts parmi lesquelles [3] :

  • les transferts généraux (dont l’affectation est laissée à la discrétion de l’autorité recevant le transfert) vs. les transferts spécifiques (c’est-à-dire affectés à une activité spécifiée par l’autorité subsidiante) ;
  • les transferts reposant sur une base légale et une formule de répartition vs. les transferts discrétionnaires, attribués de façon unilatérale par l’autorité subsidiante ;
  • les transferts proportionnels (matching grants) vs. les transferts non proportionnels (non matching grants) ; les transferts proportionnels peuvent être plafonnés ou non ;
  • les transferts courants et les transferts en capital ;
  • des transferts liés à un effort fiscal (effort related grants) ou non.
Pour King (1984 : 86-88), le choix de l’un ou l’autre type de transfert doit s’opérer au vu des objectifs poursuivis par les autorités supérieures ; ce point de vue est partagé par Bergvall et al. et par le Conseil de l’Europe (2005).

4Comme on le verra, le Fonds des communes est un transfert général, reposant sur une règle de répartition. Il s’agit d’un transfert courant (mais intégrant, en Flandre, d’anciens transferts en capital). Il n’est pas proportionnel mais, dans certains cas et en particulier en Région wallonne, il peut être considéré comme lié à l’effort fiscal.

1.2 – Finalités et objectifs des transferts

5Le tableau 1 recense, de façon très schématique, un certain nombre de finalités et d’objectifs assignés aux transferts dans la littérature.

Tableau 1

Finalités, objectifs et instruments en matière de transferts généraux

Tableau 1
Finalités Objectifs Primauté des préférences de l’autorité supérieure Mise en œuvre des préférences des autorités supérieures en matière de merit goods, de standards minimaux de services. Compensation des recettes fiscales perdues par l’instauration d’une perception centralisée. Redistribution Égalisation de la capacité fiscale (à distinguer de la prise en compte des recettes fiscales effectives, qui tiennent compte des taux pratiqués et de l’efficacité de la perception). Prise en compte de besoins Prise en compte d’un coût de production de services locaux plus élevé (ex. : situation insulaire, climat particulier, etc.). Profil sociodémographique se traduisant par une demande de biens et services locaux supérieure à la moyenne (ex. : enfants en bas âge, population âgée, etc.). Centralité : réponse aux demandes de biens et services locaux émanant de personnes ne résidant pas sur le territoire de la commune (« externalités »). Source : adapté de Husson (1990 : 99), en s’inspirant librement de King (1984, chap. 4-5), Bennett (1982, chap. 2), Musgrave et Musgrave (1989 : 538-545) et Oates (1999).

Finalités, objectifs et instruments en matière de transferts généraux

6Historiquement, le Fonds des communes trouve son origine dans la mise en œuvre des préférences de l’autorité nationale (suppression d’une taxe entravant les échanges économiques), les autres finalités n’étaient pas prises en compte. Comme on le verra, les actuels modes de répartition ont essentiellement une finalité de redistribution et, dans une moindre mesure, de prise en compte des besoins (Jurion et Delcour, 2007). La prise en compte des préférences de l’autorité supérieure ne joue qu’un rôle modeste [4].

2 – Les modes de répartition depuis 1989

7Ce point 2 présente un bref rappel du cadre institutionnel et de l’importance des moyens concernés, avant de présenter schématiquement les modes de répartition des Fonds des communes dans les trois Régions et en Communauté germanophone.

2.1 – Cadre institutionnel [5]

8L’année 1976 voit une régionalisation partielle du Fonds des communes : si la dotation annuelle reste inscrite au budget du ministère de l’Intérieur et fixée par le législateur national, elle est toutefois partagée entre les trois Régions et ce sont les conseils ministériels régionaux puis les exécutifs régionaux qui opèrent la répartition. Trois raisons étaient à l’origine de la régionalisation et du nouveau système : le gouvernement voulait revoir le mécanisme de dotation pour ne plus devoir le contourner chaque année ; le mouvement de régionalisation incitait à régionaliser à son tour le Fonds des communes, c’est-à-dire à partager la dotation globale entre les trois Régions ; la transformation du paysage communal résultant des fusions de communes requérait de revoir les principes de répartition (Malvoz 1977b : 234).

9La loi spéciale du 16 janvier 1989 de financement des Communautés et Régions consacra le transfert intégral du Fonds des communes aux Régions. Celles-ci sont dorénavant compétentes pour déterminer les moyens octroyés à leur Fonds et le mode de répartition.

10Dès 1989, la Région wallonne adopta un premier décret, suivie en 1990 par la Région flamande. La Région de Bruxelles-Capitale maintint un arrêté annuel de répartition avant d’adopter une ordonnance en 1994. Chaque Région a, depuis, revu le mode de répartition instauré par ces premiers décrets et ordonnance et, depuis 2005, la Communauté germanophone a repris à la Région wallonne une partie des compétences en matière de pouvoirs subordonnés, dont le financement général des communes.

2.2 – Importance budgétaire

11Le Fonds des communes représente une part substantielle des recettes ordinaires des communes, même si son importance relative a considérablement baissé depuis les années 1980 et 1990. Dans chaque Région, ce transfert général aux communes constitue un des principaux postes des dépenses régionales.

Tableau 2

Importance du Fonds des communes 20071

Tableau 2
Région wallonne Région de Bruxelles-Capitale Région flamande Communauté germanophone Dotation en millions ?? 940,7 353,8 1 780,8 15,72 % du budget régional 14,7 % 13,4 % 8,2 % 3 9,1 % % des recettes ordinaires des communes (ex. : propre) 20,8 % 18,7 % 23,1 % 21,6 % (2006) Source : Dexia et calculs propres sur base de la Note de conjoncture du SPF Finances, tabl. III.E.1.1. (B). 1 Les recettes de Fonds citées par Dexia comprennent parfois d’autres transferts généraux ; celles-ci restent toutefois marginales par rapport aux Fonds des communes. 2 D’après « Commission d’étude sur le financement général des communes germanophone » (2008 : 77). 3 Ce pourcentage plus faible s’explique par le fait que le budget flamand comprend à la fois les masses budgétaires régionales et communautaires.

Importance du Fonds des communes 20071

12Le tableau 1 permet de souligner l’importance des transferts généraux des Régions aux communes, tant en termes de dépenses régionales qu’en termes de recettes communales. À cela s’ajoutent quelques autres transferts généraux d’importance mineure et, surtout, d’importants transferts affectés : travaux subsidiés, aides publiques à l’emploi destinées au secteur local, subventions de fonctionnement à l’enseignement communal, politique fédérale des grandes villes, etc. En 2008, les Fonds représentaient 48,8 % du total des transferts (Fonds, subsides, etc.). Ces autres transferts ne seront toutefois pas abordés dans le présent article [6].

2.3 – La répartition en région wallonne [7]

2.3.1 – Le décret du 20 juillet 1989

13Le décret du 20 juillet 1989, dit « décret Cools », s’inspirait assez directement de la répartition instaurée par l’exécutif régional wallon en 1983, mais avait le mérite de faire à nouveau jouer les critères fiscaux, alors gelés. Les objectifs déclarés du décret étaient [8] :

  • une fixation stable de l’évolution des moyens financiers des communes ;
  • une solidarité accrue, surtout envers les communes frappées par la pauvreté ;
  • la prise en compte de certaines caractéristiques structurelles dont les situations financières obérées ;
  • la prise en compte de l’accomplissement de certaines missions essentielles.
La répartition (après prélèvement pour le Fonds Spécial de l’aide sociale) repose sur une classification des communes en trois catégories. Après prélèvement de 32,5 % à répartir entre les villes de Liège et Charleroi (qui constituent la 1re catégorie) sur base de critères ad hoc, le solde est réparti entre les autres communes wallonnes [9], à raison de 85 % répartis selon la « dotation principale » et 15 % selon la dotation spécifique (qui n’avait de spécifique que les critères utilisés, le transfert restant un transfert général). Au sein de la dotation dite spécifique, certains aménagements ont été apportés au cours des dernières années : c’est donc la répartition telle qu’elle s’opère actuellement qui est présentée dans le tableau 2.

14Les principales critiques adressées à ce mode de répartition furent principalement [10] :

  • l’existence de catégories de communes dotées d’une enveloppe propre ; le caractère hétéroclite de la 2e catégorie ; le traitement privilégié réservé à Liège et Charleroi indépendamment de tout critère ;
  • une incitation à l’augmentation du taux du précompte immobilier et de la fiscalité communale additionnelle, compte tenu du numérateur du quotient fiscal ; l’absence de péréquation [11] en matière de précompte immobilier ;
  • la très grande variabilité de la quote-part obtenue d’une année à l’autre, dans la dotation principale et plus encore dans la dotation spécifique, d’où un manque de prévisibilité ; le manque de transparence et la complexité du système ;
  • les problèmes résultant de certains indicateurs de la dotation dite spécifique, comme la tranche perte d’emplois ; l’absence de prise en compte du rôle central de certaines villes et communes et des « externalités » supportées par elles ;
  • l’absence d’indexation de la dotation avant 1997.

Tableau 3

Structure du Fonds des communes wallon (décret de 1990)

Tableau 3
1e catégorie : 32,5 % répartis entre Liège et Charleroi en fonction de leur part de 1988 ; si la dotation à cette 1re catégorie augmente, l’augmentation est répartie en parts égales. 2e et 3e catégories : 67,5 % Dotation principale : 85 % 14,85 % selon la population (avec pondération favorable de la population étrangère) 0,15 % pour les communes à statut linguistique spécial 26 % entre communes de la 2e catégorie selon population × quotient fiscal1 44 % entre communes de la 3e catégorie selon population × coefficient fiscal2 × coefficient de densité3 × facteur correcteur4 Dotation spécifique : 15 % Tranche A : 4,5 % Capitale wallonne - Namur : 0,24 % Voirie : 1,06 % Services incendie : 1,40 % Finances obérées : 1,80 % Tranche B : 3,5 % Sécurité : 1 % Éducation et jeunesse : 2,5 % Implantations de l’enseignement communal fondamental : 1/4 Classes de l’enseignement communal fondamental : 2/4 Élèves de l’enseignement fondamental et secondaire tous réseaux : 1/4 Tranche C : 7 % Pauvreté : 5,72 % Chômeurs indemnisés : 3/8 Minimexés : 2/8 Revenus faibles : 1/8 Logements sociaux : 2/8 Pertes d’emploi : 1,28 % 1 Quotient fiscal : somme par hab. des redevances et impôts communaux, hors additionnels IPP et redevances sur les centrales nucléaires/rendement par hab. de 1 % d’additionnel à l’IPP. 2 Coefficient fiscal : 1 + (quotient fiscal – moyenne arithmétique des quotients des communes de la 3e catégorie)/écart type des quotients des communes de la 3e catégorie)/5). 3 De 1,05 (si entre 100 et 249 hab./km2) à 1,30 (si < 60 ou > 750 hab. par km2). 4 Basé sur le revenu cadastral (RC). Source : Husson (2004 : 24).

Structure du Fonds des communes wallon (décret de 1990)

15Si le système n’a pas de mécanisme de garantie quant au fait de recevoir la même quote-part que l’année précédente, les « mesures correctives » puis Tonus 1 ont toutefois compensé les éventuelles pertes en dotation principale (Husson, 2004 : 28-29).

16À la différence des autres systèmes, l’égalisation des coûts ou des besoins et une compensation des « externalités » [12] n’ont guère été prises en considération, à l’exception de quelques critères de la dotation dite « spécifique ». Enfin, le mécanisme a orienté le profil de la fiscalité communale, au contraire des systèmes mis en place dans les autres Régions (Husson, 1998 et 2004).

2.3.2 – Le décret du 15 juillet 2008 [13]

17Après une tentative avortée de réforme du Fonds en 2004, un nouveau système a été adopté par le Parlement wallon en juillet 2008. Ce système fait disparaître les catégories de communes et accorde un poids important à la « centralité ».

18Les deux principales tranches de ce mode de répartition visent à prendre en compte la péréquation fiscale, tant en IPP qu’au PI, et la centralité qui, quasiment absente du précédent mode de répartition, se voit attribuer une tranche de 53 % plus les 4,5 % pour les chefs-lieux (cf. tableau 4). Lors des débats parlementaires, si la fin des catégories a été citée comme une avancée, de même que la prise en compte des externalités, le fait que 83 % de la dotation soit sensible aux taux locaux en matière d’additionnels a suscité la crainte que les communes ne soient tentées d’augmenter leurs taux afin d’accroître leur part dans le FC, voire simplement de la conserver en cas d’augmentation des taux d’autres communes. Le fait que la tranche « externalités » soit répartie en fonction, in fine, de la population a également été vivement discuté. Enfin, tant le Conseil d’État a souligné que la tranche « logements » ne s’inscrivait pas dans la logique d’un transfert général, allant au-delà de la prise en compte d’un indicateur « logement » dans la répartition.

2.4 – La répartition en Région flamande [14]

2.4.1 – Le décret du 7 novembre 1990 [15]

19La répartition instaurée par le décret du 7 novembre 1990 est schématisée dans le tableau 5.

Tableau 4

Structure du Fonds des communes wallon (décret de 2008)

Tableau 4
Dotation Poids Indicateurs Péréquation fiscale 30 % – Tranche péréquation taxe communale additionnelle à l’IPP : 22 % Poids de chaque commune au prorata du résultat : (potentiel IPP Région – potentiel IPP commune1) × taux additionnels commune × population – Tranche péréquation taxe communale additionnelle au PI : 8 % Poids de chaque commune au prorata du résultat : (potentiel PI Région – potentiel PI commune) × (taux additionnels commune/100) × population Externalités 53 % En proportion des parts obtenues en appliquant la formule suivante : Dépenses normées = [– 243 985,9 + (794,5123 × population) + (0,005604 × population × population)] × (taux IPP commune/taux IPP régional moyen) × (taux PI commune/taux PI régional moyen) Logements publics ou subventionnés 7 % Tranche stock : 3,5 % en 2008-2009 puis croissant jusqu’à 6 % à partir de 2018 (réservé aux communes ayant au moins 10 % de logements publics – répartition au prorata du nombre de logements publics pondérés par divers éléments) Tranche bonus : 3,5 % en 2008-2009 puis décroissant jusqu’à 1 % à partir de 2018 (réservé aux communes ayant moins de 10 % de logements publics – répartition en fonction notamment du nombre de logements éligibles prévus) Densité de population 5,5 % Tranche répartie entre les communes ayant une densité inférieure à la densité régionale Répartition au prorata du résultat : (densité Région – densité commune)/somme écarts) Chefs-lieux d’arrondissement ou de province 4,5 % Pour les chefs-lieux d’arrondissement : pop. arrondissement/pop. Région Pour les chefs-lieux de province : pop. province/pop. Région Cumul des deux pour les villes étant à la fois chefs-lieux d’arrondissement et de province 1 Le potentiel fiscal de la Région/de la commune est la valeur, par habitant, d’un pour cent du produit global de l’impôt des personnes physiques, à l’exclusion du produit de la taxe communale additionnelle, enrôlé au cours d’un exercice d’imposition sur le territoire de la Région/de la commune.

Structure du Fonds des communes wallon (décret de 2008)

Tableau 5

Structure du Fonds des communes flamand (1990)

Tableau 5
Communes de plus de 150 000 habitants : 42,90 % répartis en fonction des parts 1990 Communes de moins de 150 000 hab.1 : 15,55 % aux communes de 50 000 à 150 000 habitants (+ 0,20 % pour les communes de 100 000 à 150 000 hab.) 41,35 % pour les communes de moins de 50 000 hab. habitants (40 %) superficie (10 %) densité de la population (5 %), population active occupée sur le territoire de la commune (10 %) rendement inversement proportionnel, par hab., de 1 % de taxe communale additionnelle à l’IPP (15 %) rendement inversement proportionnel, par hab., de 100 c.a. au PI (15 %) pour les seules communes de 10 000 hab. et + : nombre d’élèves et d’étudiants hors enseignement fondamental (5 %) 1 Ces critères sont majorés de 30 % pour les communes côtières, à l’exception des critères fiscaux, réduits de 30 % ; les parts des communes de 100 000 à 150 000 hab. ayant un port de mer sont majorées en fonction du tonnage. Source : Husson (2004 : 49).

Structure du Fonds des communes flamand (1990)

20Les qualités attribuées à ce décret [16] étaient de recourir à des critères de répartition objectifs, non influençables (ou manipulables) par les communes et à une méthode assez compréhensible et transparente. Par contre, les critiques portaient sur trois aspects problématiques du mode de répartition : le fait que les données « par habitant » permettant la comparaison entre communes étaient ensuite multipliées par le nombre d’habitants, perdant ainsi de leur pertinence ; les groupes de communes ; les critères et leur pondération [17]. De plus, la répartition de la 1re catégorie figeait la situation sur base des parts reçues en 1990.

21Pour les communes de moins de 150 000 habitants, les critères fiscaux se voient renforcés, par rapport au mode de répartition antérieur, par la pondération accrue du critère « rendement IPP » et l’ajout du critère « rendement PI », dans le but d’assigner une fonction redistributive en faveur des communes ayant un rendement fiscal plus faible [18]. Soulignons cependant l’absence de critère faisant intervenir l’effort fiscal des communes.

22Enfin, le décret garantit à chaque commune un montant au moins égal à 101,93 % de sa quote-part de 1990, ce qui a amené un certain nombre de communes à des niveaux de recettes supérieurs à ce qu’elles auraient reçu par une simple application des critères de répartition (Leroy, 1996).

2.4.2 – Le décret du 5 juillet 2002

23Ce décret introduit une modification radicale puisqu’il regroupe en une seule dotation l’ancien Fonds des communes, mais aussi le Sociaal Impulsfonds ainsi que l’Investeringsfonds, c’est-à-dire l’équivalent des travaux subsidiés. Une dizaine d’objectifs sont mis en avant dans l’exposé des motifs [19], parmi lesquels une simplification de la réglementation et une gestion de trésorerie plus avantageuse. La constitution de groupes de communes largement inspirés des clusters de Dexia [20] est également soulignée. La volonté politique était d’utiliser des critères de répartition objectifs, que les communes ne pouvaient pas influencer elles-mêmes (d’où l’absence d’indicateur de dépense p. ex.), et d’avoir un mode de calcul compréhensible et transparent.

24Le tableau 5 présente l’architecture générale du système.

25Ce système appelle les observations suivantes :

  • la simplification administrative est manifeste : les deux transferts devant faire l’objet de dossier et/ou de justification (SIF et Investeringsfonds) sont intégrés dans un système de transfert général, ne nécessitant pas de justificatifs (Leroy, 2007) ;
  • l’indexation annuelle est de 3,5 %, ce qui est favorable en période de faible inflation mais plus délicat en cas d’accélération de celle-ci (ex. : indice pivot dépassé à deux reprises en 2008)? [21] ;
  • peu de communes ont vu leur quote-part se réduire suite à l’instauration du nouveau mode de répartition, le montant obtenu en 2002 dans les trois fonds étant garanti à chaque commune ; ce mécanisme a joué pour un nombre décroissant de communes, passant de 92 en 2003-2004 à une estimation de 41 en 2007 (Leroy, 2007) ;
  • la répartition entre la commune et le CPAS peut être modulée en fonction d’un accord entre les deux institutions (et, en cas de désaccord, ce sont 8 % qui vont au CPAS) ;
  • enfin, les communes qui ont une fiscalité considérée comme « trop faible » (c’est-à-dire 5 % d’additionnels à l’impôt des personnes physiques et 700 centimes additionnels au précompte immobilier? [22]) se voient pénalisées en fonction de leur écart par rapport à ces seuils en matière de taux? [23].

Tableau 6

Répartition du Fonds des communes flamand (2002)

Tableau 6
40,8 % pour le financement spécial des villes centres et des communes côtières 30 % en fonction du nombre d’habitants des communes comptant 200 000 d’habitants ou plus (Anvers et Gand) 1,6 % en fonction du nombre d’habitants des communes comptant entre 100 000 et 200 000 habitants (Bruges) 6,2 % en fonction du nombre d’habitants des communes suivantes : Turnhout, Roeselare, Genk, Oostende, Hasselt, Sint-Niklaas, Kortrijk, Mechelen, Aalst et Leuven 2 % en fonction du nombre d’habitants des villes suivantes : Aarschot, Deinze, Dendermonde, Diest, Eeklo, Geel, Halle, Herentals, Ieper, Knokke-Heist, Lier, Lokeren, Mol, Oudenaarde, Ronse, Sint-Truiden, Tielt, Tienen, Tongeren, Vilvoorde et Waregem 1 % en fonction du nombre d’habitants des communes dont le territoire est limitrophe de la mer 8 % pour la fonction de centre 4 % en fonction de la population active occupée dans la commune 4 % en fonction du nombre d’élèves et d’étudiants qui suivent un enseignement sur le territoire de la commune 30,2 % pour la pauvreté fiscale 19 % sur la proportionnalité inverse du produit global de l’impôt des personnes physiques des habitants de la commune, à l’exclusion des taxes additionnelles à l’impôt des personnes physiques 11,2 % sur la proportionnalité inverse du revenu cadastral imposable global sur le territoire de la commune 6 % pour les espaces libres sur la base de la superficie des bois, jardins, parcs, terres incultes, eaux cadastrées, terres arables, prairies, zones de récréation et vergers 15 % pour critères sociaux 1 % en fonction du nombre de personnes bénéficiant d’un statut VIPO, à l’exclusion des minimexés 4 % en fonction du nombre de chômeurs infrascolarisés 3 % en fonction du nombre de naissances dans des familles défavorisées 3 % en fonction du nombre d’occupants d’appartements locatifs sociaux 4 % en fonction du nombre de minimexés Source : Husson (2004 : 53).

Répartition du Fonds des communes flamand (2002)

2.5 – La Répartition en Région de Bruxelles-Capitale

2.5.1 – L’ordonnance du 10 mars 1994

26Le tableau 6 présente les grandes lignes de cette répartition, qui ne sera pas davantage commentée.

Tableau 7

Structure du Fonds des communes bruxellois (1994)

Tableau 7
Dotation Mode de répartition Dotation de base (20 %) 80 % selon le nombre d’habitants 20 % selon la superficie Dotation de péréquation (50 %) 70 % 30 % entre communes dont le rendement moyen par hab. des additionnels à l’IPP est inférieur à celui de l’ensemble des communes 70 % entre communes dont le revenu cadastral moyen par logement est inférieur à celui de l’ensemble des communes 30 % 30 % entre les communes dont le taux d’additionnels à l’IPP est supérieur ou égal à 6,8 % 70 % entre les communes dont les additionnels au PI sont supérieurs ou égaux à 2 411 Dotation de compensation (30 %) 1/6 en fonction des dépenses d’enseignement 1/6 entre les communes dont la dotation moyenne par hab. au CPAS est supérieure à la moyenne régionale 1/6 au prorata du nombre d’habitants de nationalité étrangère 1/6 en parts égales entre les communes qui ont conclu un contrat de sécurité 1/6 entre les communes dont 60 % au moins des bâtiments ont été érigés avant 1946 1/6 entre les communes dont le nombre d’hab. à l’hectare est supérieure à la moyenne régionale Source : Husson (2004 : 42).

Structure du Fonds des communes bruxellois (1994)

2.5.2 – L’ordonnance du 21 décembre 1998

27Faisant suite à une évaluation de l’ordonnance du 10 mars 1994, la nouvelle répartition repose sur les principes suivants [24] : maintien d’un effort de solidarité entre communes, maintien d’un système à trois dotations, assurance d’une certaine stabilité de la quote-part de chaque commune, limitation du nombre de critères qui ont pour effet d’exclure des communes ; maintien du montant du Fonds spécial de l’aide sociale ; maintien de l’indexation de la dotation. La répartition instaurée par l’ordonnance du 21 décembre 1998 est schématisée dans le tableau suivant.

28Le nouveau système a été présenté comme étant « de nature à assurer une quote-part équitable à chaque commune sur base de critères simplifiés tout en préservant l’indispensable solidarité au niveau régional [25] ». En dépit de remarques ponctuelles (cf. notamment les « effets négatifs et inattendus » évoqués dans l’Accord de gouvernement 2004-2009), un large consensus semble se maintenir en faveur de l’actuel système de répartition.

Tableau 8

Structure du Fonds des communes bruxellois (1998) [26]

Tableau 8
Dotation Critères et indicateurs de répartition Dotation de base : 8 % 80 % selon le nombre d’habitants 20 % selon la superficie totale de la commune Dotation recettes : 42 % 66,6 % répartis entre les communes dont la recette moyenne par hab. des additionnels à l’IPP, calculée au taux moyen de l’ensemble des communes, est inférieure à un montant de référence égal à 150 % de la moyenne des recettes par hab. des communes ; réparti au prorata de l’écart, multiplié par le nombre d’habitants 33,3 % entre les communes dont la recette moyenne par hab. des additionnels au PI est inférieur à 150 % de la moyenne des recettes ; répartition : idem Dotation dépenses : 50 % 10 % 50 % selon les élèves inscrits dans l’enseignement communal (incl. supérieur non universitaire) 25 % selon le nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement de promotion sociale et dans l’enseignement artistique à horaire réduit organisés par les communes 12,5 % au prorata des élèves de l’enseignement non communal (incl. supérieur non univ. mais sans l’enseignement de promotion sociale et artistique à horaire réduit) 12,5 % au prorata de la capacité d’accueil des crèches communales 30 % entre les communes dont la densité est supérieure à la moyenne (avec une pondération favorisant les communes à densité élevée) 20 % au prorata du nombre de chômeurs de plus d’un an 20 % au prorata des « minimexés » et des bénéficiaires de l’aide sociale obligatoire prise en charge par ces CPAS 20 % au prorata de la superficie du territoire communal compris dans l’espace de développement renforcé du logement tel que délimité par le plan régional de développement (PRD) Source : Husson (2004 : 44).

Structure du Fonds des communes bruxellois (1998) [26]

2.6 – La répartition en Communauté germanophone

29Souhaitant instaurer un nouveau mode de répartition, la Communauté germanophone a constitué en 2005 une « Commission d’étude sur le financement général des communes germanophones ». Bien qu’au moment de rédiger ce texte, le projet de décret n’eût pas encore été déposé au Parlement germanophone, nous présentons le système proposé par la commission (2008 : 78-80) et qui offre quelques caractéristiques intéressantes. La répartition est structurée comme suit :

  • une dotation « recettes » basée sur un calcul de péréquation portant sur les recettes de l’IPP visant à ramener toutes les communes ayant un rendement inférieur au rendement moyen de la Communauté germanophone au niveau de ce rendement moyen ; le système tient compte d’un lissage (prise en compte des six dernières années disponibles) et des recettes compensatoires provenant des accords avec l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas ; signalons enfin que le système ne fait pas intervenir de péréquation en matière de PI (commission, 2008 : 82-84) ;
  • une dotation « dépenses » comprenant :
    • un montant destiné à contribuer au financement des missions de base des bases ;
    • un montant afin de compenser les externalités liées au caractère central et les charges liées au caractère urbain d’une commune ;
    • un montant pour compenser les charges liées à la forte dispersion de la population par commune ;
    • un montant afin de compenser les charges sociales supportées par les communes.

Tableau 9

Récapitulatif des principaux modes de répartition

Tableau 9
Décret wallon (1989) Décret wallon (2008) Ordonnance RBC (1998) Décret flamand (2002) Communauté germanophone (projet) Objectifs de la répartition Solidarité envers les communes pauvres ; prise en compte de missions essentielles ; stabilité ; prévisibilité. Objectivation ; solidarité ; transparence ; stabilité. Solidarité entre communes ; stabilité ; limitation du nombre de critères. Marge de manœuvre maximale pour les communes ; simplification (intégration des travaux subsidiés et Sociaal Impulsfonds) ; etc. Transparence ; stabilité et prévisibilité ; objectivité. Catégories de communes 1re catégorie : Liège et Charleroi ; 2e et 3e catégories ; catégories avec enveloppes fermées. Non Non Groupes de communes inspirés des clusters de Dexia. Non Principaux critères de répartition Différent selon les catégories : – 1re cat. (32,5 %) : parts de 1988 et solde/2 ; – autres catégories (67,5 %) : • 15 % : population ; • 2e cat. : 26 % selon population × quotient fiscal ; • 3e cat. : 44 % selon population × coefficient fiscal × coeff. densité × coeff. correcteur basé sur RC ; • 15 % dotation dite spécifique. 30 % dotation « péréquation fiscale » (IPP et PI) ; 53 % dotation externalités (population et taux additionnels IPP et PI) ; 7 % dotation « logements publics ou subventionnés » ; 5,5 % dotation « densité de population » ; 4,5 % dotation « chefslieux d’arrondissement ou de province ». 8 % dotation de base (habitants, superficie) ; 42 % dotation recettes (recettes additionnels IPP et PI) ; 10 % dotation dépenses (élèves, capacité d’accueil des crèches communales, densité, chômeurs, « minimexés » et espace PRD). 40,8 % : financement des villes centres et communes côtières (5 groupes de communes recevant un montant à répartir selon le nombre d’hab.) ; 8 % : fonction de commune centre (population active, élèves et étudiants) ; 30,2 % : pauvreté fiscale (rendement de l’IPP et du revenu cadastral imposable) ; 6 % : espaces verts ; 15 % : critères sociaux (VIPO, chômeurs infrascolarisés, naissances dans familles défavorisées, occupants de logements sociaux, « minimexés »). – dotation recettes (péréquation IPP) ; – dotation « dépenses » comprenant : un montant destiné à contribuer au financement des missions de base des bases ; un montant afin de compenser les externalités liées au caractère central et les charges liées au caractère urbain d’une commune ; un montant pour compenser les charges liées à la forte dispersion de la population par commune ; un montant afin de compenser les charges sociales supportées par les communes.
Tableau 9
Redistribution/ lien avec la fiscalité Une commune augmentant ses additionnels au PI ou sa fiscalité communale autonome voit son quotient ou coefficient fiscal amélioré ; neutralité des variations de taux des additionnels à l’IPP. Pas de prise en compte des accords avec Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas. Prise en compte des taux additionnels IPP et PI dans les dotations péréquation fiscale et externalités. Pas de prise en compte des accords avec Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas. Intervention en faveur des communes dont le rendement des additionnels à l’IPP ou au PI est inférieur à 150 % de la moyenne régionale. Pas de prise en compte des accords avec Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas. Tranche pauvreté fiscale (rendement IPP et RC imposable). Pas de prise en compte des accords avec Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas. Les communes ayant un rendement des additionnels à l’IPP inférieur à la moyenne sont amenées à cette moyenne. Prise en compte des accords avec Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas. Prise en compte de la centralité Marginale via des critères à faible pondération dans la dotation dite spécifique (Namur capitale, élèves tous réseaux). Oui, dotation « externalités » prenant en compte la population et les taux d’additionnels et dotation « chefs-lieux ». Marginale et indirecte (via la population scolaire). Oui, vu les tranches « villes centres et communes côtières » (habitants) et « fonction de centre » (population active ; élèves et étudiants). Oui, via besoins spécifiques liés au rôle central et au caractère urbain dans la dotation « dépenses ». Prise en compte d’autres indicateurs de besoin – Forte ou faible densité. – Tranche pauvreté de la dotation dite spécifique : chômeurs, minimexés, revenu faible, logements sociaux, pertes d’emplois. – Densité inférieure à la moyenne. – Pas d’indicateurs sociaux. – Densité supérieure à la moyenne. – Indicateurs sociaux : chômeurs, minimexés. Critères sociaux : VIPO, chômeurs infrascolarisés, naissances dans familles défavorisées, appartements locatifs sociaux, minimexés. Dispersion. Prise en compte des priorités de l’autorité supérieure Enseignement communal (implantations, nombre de classes), permanence de police, corps de pompiers. Tranche « logements publics ou subventionnés ». Superficie de la commune comprise dans l’espace de développement renforcé du logement dans le plan régional de développement. Espaces libres (bois, jardins, parcs…). - Lien avec les investissements communaux (trav. subsidiés) Pas de lien. Investissements communaux financés par le mécanisme de travaux subsidiés (plans triennaux). Pas de lien. Investissements communaux financés par le mécanisme de travaux subsidiés (plans triennaux). Pas de liens. Investissements financés dans le cadre d’un système de droits de tirage. Intégration de l’Investeringsfonds dans le Fonds des communes. Pas de lien. Travaux financés par d’autres mécanismes. Garantie Maintien de la quote-part dans la dotation principale via mesures hors Fonds (« mesures correctives », Tonus 1…). Mécanisme de garantie complexe et en partie hors Fonds. Pas de quote-part inférieure à 2 400 BEF/hab. Min. quote-part de 2002 (sous condition de niveau minimal de fiscalité). - Source : adapté au départ de Husson (2004 : 56 et 2008 – à paraître).

Récapitulatif des principaux modes de répartition

30Diverses variantes, reposant sur différents jeux de pondération, ont été proposées par la commission (2008 : 91-92).

3 – Comparaison interrégionale

31Le tableau 9 présente un aperçu de l’ancien et du nouveau mode de répartition du Fonds des communes wallon, les ordonnance et décret actuellement en vigueur en Région de Bruxelles-Capitale et en Région flamande ainsi que le projet en discussion en Communauté germanophone.

32Sur base de la typologie des objectifs présentés en 1., on constate que les priorités de l’autorité supérieure sont présentes mais constituent une part modeste de la répartition : enseignement, police et pompiers (Wallonie, 1989), logement social (Wallonie, 2008). On pourrait ranger dans la même rubrique la prise en compte des zones figurant dans le plan régional de développement (RBC, 1998) ou des espaces verts (Flandre, 2002).

33La redistribution est présente dans les trois Régions et prend en compte tant le rendement des additionnels à l’impôt des personnes physiques qu’au précompte immobilier [27] ; les modalités de calcul diffèrent toutefois. Au-delà de cette prise en compte des bases ou du rendement fiscal, la Région wallonne a traditionnellement pris en compte la politique fiscale communale tant dans le système de 1989 (incitation à privilégier les additionnels au précompte immobilier et la fiscalité autonome) que de 2008 (prise en compte des taux) ; d’après certains experts auditionnés par la commission des affaires intérieures du Parlement wallon, le nouveau décret pourrait inciter les communes à relever leurs taux d’additionnels à l’IPP et/ou au PI compte tenu de la prise en compte de ces taux dans deux tranches du Fonds ; a contrario, les systèmes bruxellois et flamands sont neutres quant aux choix communaux en matière de base et de taux.

34Enfin, la prise en compte des besoins et notamment de la centralité, est maintenant présente dans les trois Régions. La « centralité », c’est-à-dire le rôle joué par une ville ou commune au profit des communes environnantes et/ou de leurs habitants a été prise en compte de manière substantielle par les Fonds flamands successifs ; si le décret wallon de 1989 n’y accordait guère d’importance, le décret de 2008 y consacre une tranche représentant plus de la moitié du Fonds, réparti selon une formule prenant en compte la population et les taux d’additionnels. En Flandre, la « centralité » est approchée via la population, la population occupée sur le territoire de la commune et la population scolaire ; la RBC utilise d’ailleurs des indicateurs de même ordre dans sa dotation « dépenses ». Quant à la prise en compte des besoins sociaux, elle a disparu du mode de répartition wallon instauré en 2008 mais reste présente dans les deux autres Régions.

35Une deuxième analyse permet d’évoquer d’autres aspects de ces modes de répartition.

36– À l’occasion des diverses réformes, les gouvernements régionaux ont mis en avant le recours à des critères objectifs et non manipulables par les pouvoirs locaux ; ces affirmations doivent cependant être nuancées lorsqu’on examine plus en détail certains modes de répartition (cf. la prise en compte des taux en Région wallonne p. ex.).

37– La Région flamande a introduit une modification radicale en intégrant l’Investiringsfonds (c’est-à-dire le financement des travaux) dans la répartition du Fonds des communes, mesure allant plus loin que le système antérieur des « droits de tirage » (système également en vigueur en Région de Bruxelles-Capitale) ; même si l’idée de droits de tirage, voire d’intégration dans le Fonds, a été émise en Wallonie, les investissements communaux ne sont ni intégrés dans le nouveau Fonds ni régis par un système de droits de tirage.

38– La Région wallonne a enfin abandonné les catégories de communes avec enveloppes fermées ; cela l’a contrainte à trouver des mesures ad hoc pour éviter une chute des recettes destinées à Liège et Charleroi ; des groupes de communes avec enveloppe fermée restent toutefois en vigueur dans le mode de répartition flamand.

4 – Conclusion

39Le Fonds des communes constitue un transfert non affecté destiné au financement général des communes. Depuis la régionalisation de la répartition, les trois Régions (puis la Communauté germanophone) ont connu diverses réformes reflétant, d’une part, des priorités politiques régionales propres et, d’autre part, des approches différentes en ce qui concerne l’autonomie communale ou l’orientation des politiques communales.

40Le Fonds wallon mis en place en 1989 prenait ainsi en compte des missions communales peu ou pas présentes dans les modes de répartition des autres Régions ; il privilégiait également certains patterns de fiscalité communale, au contraire des autres Régions dont les systèmes étaient neutres en la matière. La répartition opérée par le décret de 2008 améliore la situation sur ces deux éléments mais reste en retrait par rapport aux deux autres Régions.

41La comparaison des systèmes actuels permet de constater quelques tendances générales :

  • les systèmes sont essentiellement redistributifs ;
  • un autre objectif important est la prise en compte de la centralité, bien que les indicateurs retenus soient différents selon les Régions ;
  • seules deux Régions prennent en compte les besoins sociaux ainsi que des éléments relatifs à l’aménagement du territoire.
En revanche, la traduction concrète de préférences de l’autorité supérieure en termes de politiques à mener est peu présente. De plus, au-delà de ces tendances générales relativement convergentes, les modalités de mise en œuvre (formules, critères et indicateurs de répartition) connaissent une grande diversité.

42Enfin, l’intérêt d’une intégration du financement régional des investissements communaux dans le Fonds des communes, comme cela s’est opéré en Flandre, reste une question à examiner.

Notes

  • [1]
    Ancien conseiller des Finances, secrétaire général du Centre Interuniversitaire de Formation Permanente (CIFoP), chercheur associé au CRIS-Université de Liège, enseignant à la Haute École de Namur, membre scientifique d’Europa.
  • [2]
    Pour un historique détaillé, voir Husson (1990 et 2004). Les modes de répartition présentés sont ceux « en vitesse de croisière » ; les éventuelles dispositions transitoires ne sont pas évoquées.
  • [3]
    Husson (1990 : 97-978), King (1984 : 86-88), Bergvall et al. (2006 : 6-8).
  • [4]
    En Région wallonne, les mesures de compensation destinées aux communes, en contrepartie de la suppression de certaines taxes locales, ne passent d’ailleurs pas par le Fonds des communes, mais font l’objet de transferts généraux destinés aux seules communes concernées.
  • [5]
    Seul le contexte institutionnel belge est évoqué ici ; pour un aperçu de l’encadrement international, voir Husson (2004 : 12-13).
  • [6]
    Pour plus de détails, voir par exemple Husson (2000) ou le relevé des subsides régionaux sur le site de l’Union des Villes et Communes de Wallonie (www. uvcw. be).
  • [7]
    Nous n’aborderons pas ici ni les autres transferts généraux (« mesures correctives », plan Tonus 1, etc.) ni les mesures spécifiques (plan Tonus 2, interventions CRAC) ni les « travaux subsidiés ».
  • [8]
    Conseil régional wallon, Doc. parl. 105, n° 7, p. 1.
  • [9]
    À l’origine 260 communes ; 251 communes depuis que la Communauté germanophone est responsable de son Fonds des communes.
  • [10]
    Pour une analyse détaillée et un commentaire, voir Husson (1990 et 2004).
  • [11]
    Au sens de redistribution et non de péréquation cadastrale.
  • [12]
    En matière de Fonds des communes, le terme « externalités » renvoie aux charges supportées par la commune au profit de non-résidents.
  • [13]
    Moniteur Belge, 23 juill. 2008 ; pour une analyse plus poussée, voir Husson (2008 – à paraître).
  • [14]
    Nous n’évoquerons pas ici la dotation spéciale pour certaines communes ni l’Investeringsfonds qui – avant son intégration dans le Fonds des communes en 2002 – établissait des droits de tirage dont bénéficient les communes et provinces flamandes pour des investissements relatifs aux compétences régionales (eau, tourisme, voirie) et communautaires (bibliothèques, musées, écoles, etc.).
  • [15]
    La dotation est réglée par le décret du 31 juillet 1990.
  • [16]
    Vlaams Parlement, Ontwerp van decreet tot vastelling van de regels inzake de dotatie en de verdeling van het Vlaams Gemeentefonds, Stuk 1148 (2001-2002) – n° 1, 8 apr. 2002.
  • [17]
    Pour une explication détaillée, voir Husson (2004 : 49-51).
  • [18]
    Lettre du ministre Van Den Bossche, 30 juill. 1990.
  • [19]
    Vlaams Parlement, Ontwerp van decreet tot vastelling van de regels inzake de dotatie en de verdeling van het Vlaams Gemeentefonds, Stuk 1148 (2001-2002) – n° 1, 8 apr. 2002.
  • [20]
    Dexia (2000 : 35-39) et Dessoy (1996).
  • [21]
    C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en 2008 comme détaillé sur le site de l’Union des Villes et Communes flamandes (VVSG) : www. vvsg. be/ Werking_Organisatie/ Lists/ Nieuws/ dispform. aspx ? id= 344.
  • [22]
    Le précompte immobilier en Flandre est porté à 2,5 % contre 1,25 % en Wallonie ; un taux d’additionnels au PI de 700 c.a. en Flandre correspond donc à un taux d’additionnels de 1 400 c.a. en Wallonie.
  • [23]
    Ainsi, Knokke Heist qui n’a pas d’additionnels à l’IPP voit sa quote-part dans le Fonds des communes réduite de 25 % tandis que Beveren, avec un taux de 4 % d’additionnels à l’IPP, se voit sanctionner de 5 % (Leroy, 2007).
  • [24]
    Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, doc. A-250/1.
  • [25]
    Conseil de la Région de Bruxelles-Capitales, Doc. parl. A-250/1, p. 4.
  • [26]
    Hors prélèvement en faveur de l’aide sociale ; en revanche, les 3 % au profit de l’agglomération sont prélevés sur la somme totale revenant à chaque commune.
  • [27]
    En Flandre, la base est prise directement en compte, sans passer par le rendement des additionnels.

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Jean-François Husson [1]
  • [1]
    Ancien conseiller des Finances, secrétaire général du Centre Interuniversitaire de Formation Permanente (CIFoP), chercheur associé au CRIS-Université de Liège, enseignant à la Haute École de Namur, membre scientifique d’Europa.
Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2009
https://doi.org/10.3917/rpve.474.0015
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