CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les politiques publiques françaises concernant le développement économique territorial, et plus précisément celles qui portent sur la création de valeur ajoutée par l’innovation et les interactions universités/entreprises, se nourrissent, depuis de nombreuses années, des travaux sur les avantages compétitifs [1] et sur les clusters [2]. Elles se sont concrétisées depuis 2005 par la création des pôles de compétitivité [3] sur l’ensemble du territoire français, avec plus ou moins de succès et de modes opératoires, dépendamment du territoire ou du pôle que l’on observe et en posant de fait le problème de la gouvernance territoriale [4].

2Au-delà des discours, les notions de compétitivité et d’attractivité des territoires sont au cœur des préoccupations et des politiques publiques conduites en France. Toutes les cibles d’investissements sont visées même si les entreprises à capitaux étrangers semblent plus particulièrement attirer les acteurs socio-économiques des territoires. Ces dernières sont porteuses de projets d’investissements directs (IDE) qui peuvent prendre plusieurs formes (implantation, acquisition d’entreprises, fusion, Joint-Venture, partenariat commercial, industriel ou de R&D, …). La forme qui suscite le plus d’intérêts reste celle qui voit l’implantation nouvelle d’un acteur économique sur un espace territorial par le biais d’une unité de production, de service et/ou de R&D, en partant d’une « feuille blanche », et au moyen d’investissements immobilier, productif et/ou immatériel qui sont créateurs de valeur ajoutée et d’emplois nouveaux pour le territoire réceptacle de ces investissements.

3Depuis de nombreuses années, l’Etat français s’est doté de son propre outil d’identification, de prospection, de localisation et d’ancrage de tels projets d’IDE ; ce dernier ayant aussi la responsabilité de l’animation du réseau constitué par les agences de développement économique aux différentes échelles du découpage administratif territorial. Cet outil à récemment été fusionné avec celui dédié au soutien à l’export pour les entreprises afin d’amplifier ses actions sous le vocable de Business France. Tous les ans, cet organisme produit un bilan à l’échelle du territoire national qui rend compte, dans une logique quantitative, de la performance des différentes parties prenantes à capter des projets d’IDE et en conséquence de la pertinence des politiques publique de soutien à ces projets d’investissements [5]. On peut noter qu’en France et depuis 2005 un fort accent est porté dans les politiques publiques d’attractivité sur le rôle de l’innovation par une valorisation, d’une part de la politique des Pôles de Compétitivité, et d’autre part du dispositif fiscal du Crédit d’Impôts Recherche qui apparait être le plus généreux en Europe ; le Canada venant seul le devancer en comparaison internationale. L’idée sous-jacente pour l’Etat français est d’attirer plus facilement des projets d’IDE à forte valeur technologique et scientifique afin de transformer ainsi progressivement l’économie traditionnelle française en économie de la connaissance.

4Toutefois si les intentions et dispositifs existent, les chiffres ont plutôt tendance à démontrer la faible capacité de la France à attirer de tels projets et à de rares exceptions près, nos territoires, et plus particulièrement ceux qui ne font pas partie d’un espace métropolitain, ne voient pas se localiser de nouvelles industries fondées sur des innovations technologiques. La concurrence n’est plus désormais intra-française mais aussi au sein de l’espace européen et parfois avec des pays émergents. A l’extrême limite, on peut trouver des échecs de localisation de projets d’IDE alors que les conditions initiales étaient tout à fait satisfaisantes et pertinentes. A ce titre, l’histoire des tribulations d’une entreprise chinoise du secteur des télécommunications sur un territoire français [6] est assez édifiante et révélatrice de la complexité du management de tels projets d’IDE. En mettant en œuvre la sociologie de la traduction (théorie de l’acteur-réseau [7][8]) afin de comprendre les mécanismes mis en œuvre dans le management de ce projet d’IDE sur le territoire, l’auteur montre l’importance du rôle d’un chef de projet dans le management de situations ou différences culturelles et stratégie de développement internationale se mêlent et s’entrechoquent.

5Dans ce contexte, si l’on veut aboutir à une véritable intelligence territoriale [9] fondée, ou s’appuyant, sur des système d’innovation territoriaux, il est nécessaire de s’interroger sur les meilleures voies possibles d’attraction, de localisation et d’ancrage sur un territoire de projets d’IDE porteurs de spécificités technologiques et scientifiques. Aussi, nous proposons de regarder ce qu’il se passe ailleurs que dans des pays développés et/ou industrialisés afin d’en tirer des enseignements pour une mise en œuvre efficace de futures politiques publiques en France : dans un pays émergent, en l’espèce le Brésil.

6Nous proposons d’étudier le cas de l’implantation d’une société sud-coréenne du domaine des semi-conducteurs (elle-même essaimage de la société Samsung) sur le parc technologique du campus de l’université Unisinos dans l’Etat du Rio Grande do Sul au Brésil. Ce cas reflète les enjeux économiques d’un processus de localisation d’un projet d’IDE ainsi que les difficultés de la construction d’un réseau de parties prenantes à l’échelle d’un territoire ; l’étude du management en lui-même du projet sur une longue période (6 ans) apportant des éléments qualitatifs empiriques. Ce cas est exemplaire par sa dimension et son impact territorial.

7L’originalité de ce travail est double. Elle se situe d’une part dans la volonté d’étudier le « processus en train de se faire » du management de la localisation de cet IDE afin d’en tirer des leçons et non de mener une analyse du résultat final pouvant conduire à une évaluation ex-post. D’autre part ce travail considère le projet d’IDE comme une innovation sur le territoire, innovation qui vient perturber le réseau d’acteurs déjà présents. Nous proposons d’introduire le concept de « triple hélice » comme facteur principal et directeur d’émergence et d’attractivité dans le cadre de la localisation d’un développement économique exogène alors qu’usuellement ce concept est utilisé dans des pays développés comme stratégie publique de développement endogène et d’optimisation des ressources.

8Après avoir décrit le processus classique de management d’un IDE sur un territoire par le management public, nous présentons dans la première partie le cadre d’analyse « strategy as practice » qui se révèle pertinent pour cette recherche. Ensuite, nous introduisons la méthodologie de cette recherche qualitative constituée de 2 étapes : une première qui relève d’une analyse narrative [10] construite à partir de sources secondaires principalement constituées d’articles de presse sur une longue période, puis une seconde dans laquelle nous produisons une analyse secondaire sur la base du cadre conceptuel et théorique introduit précédemment. Dans la troisième partie de cet article, nous décrivons ainsi l’étude de cas. Enfin, dans une quatrième partie nous analysons ce cas selon le filtre théorique et contribuons à l’identification des conditions d’émergences du dispositif ayant contribué au succès du management collectif de ce projet qui verra se constituer une démarche territoriale, que nous qualifierons de « triple hélice as practice ». Nous concluons sur les leçons, en termes d’impact managérial, que cette recherche suscite.

Design de recherche

Attraction en ancrage d’un IDE dans un pays émergent

9Depuis les quatre dernières décennies et de sorte à soutenir leurs efforts d’industrialisation, les pays en développement ont fait l’acquisition de technologies des pays développés au travers d’une grande variété de mécanismes de transfert. Cependant, si cette pratique semble stimuler la croissance à court terme, elle paraît moins adaptée dans le cadre d’une croissance économique durable. En effet, plusieurs facteurs y contribuent et la fragmentation organisationnelle et institutionnelle est souvent relevée comme un facteur limitant. Ainsi, il est constaté un manque d’interaction entre les entreprises et les institutions telles que, par exemple, les universités : les gouvernements de ces pays émergents ont souvent un rôle passif dans la création ainsi que dans le partage des connaissances. En outre, nombre de ces pays ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour absorber les technologies acquises à l’étranger [11].

10La compétitivité des territoires ne dépend plus seulement des ressources traditionnelles telles que le capital, la main-d’œuvre et les matières premières, mais beaucoup plus de sa dynamique d’innovation. Or, cette dynamique n’est possible que s’il existe des réseaux d’acteurs qui, ensemble, peuvent stimuler les entreprises et le développement des territoires, des secteurs économiques et donc en conséquence des pays concernés. Dans ce contexte, il faut souligner l’importance d’une action coordonnée des différentes parties prenantes (universités et laboratoires de recherche, entreprises, institutions financières, organismes gouvernementaux) avec les politiques publiques contribuant à une meilleure capacité de création d’une synergie entre acteurs, fondée sur connaissance et information, directement liée à la production industrielle et aux applications commerciales [12][13][14][15].

11Ainsi, l’ancrage des entreprises et des investisseurs étrangers sur un territoire pose le problème de la pérennité de projets d’investissement sur ce dernier. Les professionnels et praticiens des agences de promotion des investissements (IPA) ou d’agences officielles gouvernementales dédiées à l’attraction des investissements directs étrangers (IDE) dans les pays à économie mature envisagent classiquement le processus de gestion du cycle de vie du projet comme un cycle séquentiel constitués d’étapes successives. Notre recherche suggère que ce processus est plutôt tourbillonnaire en ce sens qu’il met en œuvre tout au fil du temps des actions menées en parallèles avant de converger vers une situation finale stabilisée sous la forme d’un investissement durable.

12Devant ce double enjeu pour les acteurs, d’une part de réussite du processus de localisation d’un IDE et, d’autre part, de construction de politiques publiques de développement économique fondée sur la coopération d’acteurs aux objectifs différents, nous proposons alors d’étudier une pratique collective ayant conduit à un succès pour l’attraction, la localisation et l’ancrage d’un IDE sur un territoire d’un pays émergent.

Modèle séquentiel pour la gestion d’un projet d’IDE sur un territoire

13Afin de bien analyser son processus de management, il convient dans un premier temps de décrire précisément le cycle de vie traditionnel d’un projet d’IDE sur un territoire. Habituellement, le cycle de vie d’un projet est « linéaire » en ce sens qu’il suit une séquence ordonnée et logique d’actions sous la forme d’un cycle d’étapes distinctes. Nous décrivons ce processus « classique » du projet d’IDE considéré comme un cycle de vie dans la figure 1.

Figure 1

Cycle de vie « classique » d’un projet d’IDE

Figure 1

Cycle de vie « classique » d’un projet d’IDE

(source : élaborée par l’auteur)

14Ce cycle de vie est classiquement opéré par une Agence de Promotion des Investissements dans le pays considéré et la première étape est consacrée à la production de lead (anglicisme utilisé pour désigner un contact commercial) au terme d’un processus durant lequel un véritable « cycle du renseignement » est mis en œuvre de sorte à identifier les signaux forts/faibles utiles à l’identification de projet d’IDE, puis ensuite d’effectuer une prospection en direction de la « cible » identifiée. Ensuite dans une deuxième étape, que l’on peut considérer comme celle de préinvestissement, il s’agit d’aider la prise de décision du porteur de projet quant à sa localisation future en fournissant des informations ainsi qu’une offre sur-mesure, qui voit ainsi une phase de négociation se dérouler afin que les différentes parties arrivent à un accord final pour la localisation. Suite à la prise de décision de localisation favorable pour le territoire, s’ensuit une étape durant laquelle il faut faciliter les procédures administratives et soutenir le développement de l’offre initiale (permis de construire, subventions, exonérations de taxe et d’impôts, …). La quatrième étape de ce cycle de vie du projet d’investissement concerne, lorsque cela est possible et pertinent, de faciliter la prise de contact et l’intégration de l’entreprise dans le développement du cluster local en organisant les rencontres avec les parties prenantes et les partenaires locaux. Dans la phase d’après-vente il s’agit alors de surveiller la mise en œuvre, le lancement opérationnel ainsi que de s’assurer que l’investisseur est satisfait pendant toute la durée du projet. Dans le cas de l’apparition de conflits, le management public doit permettre le règlement des différends en protégeant et aidant les parties prenantes à la résolution de ces conflits éventuels, par exemple en créant spécifiquement une cellule dédiée avec à sa tête un médiateur clairement identifié. Enfin, la septième et dernière étape du cycle de vie d’un projet d’investissement concerne l’amélioration de l’environnement des affaires et du renforcement de l’attractivité de la région concernée. Cette étape peut aller jusqu’à la mise en place de politiques publiques de soutien afin de ne pas reproduire les difficultés rencontrées par les investisseurs.

« Strategy as practice » comme cadre d’analyse

15La stratégie organisationnelle est un domaine communément reconnu par la vue fonctionnaliste [16]. Ce point de vue suppose que la stratégie est quelque chose dont l’organisation dispose en son sein [17]. Cependant, l’approche procédurale considère que la planification n’est plus une forme exclusive de la stratégie, arguant du fait que cette dernière peut émerger à travers un processus d’apprentissage par la pratique [18]. Ainsi, la « strategy as practice » (SaP) peut être un cadre conceptuel répondant aux interrogations produites lorsqu’on analyse les pratiques de la vie organisationnelle et qui constituent les « processus de la vie interne » de l’organisation [19]. Cette perspective est proche de la suggestion de Weick [20] dans le cas d’investigations plus approfondies sur les microprocessus de création de sens. Ce point de vue s’accorde avec les recherches de Whittington [21] sur la façon dont les managers construisent la stratégie dans leurs activités quotidiennes. Dans cette optique, la stratégie n’est pas définie comme issue d’un processus de décision, mais comme quelque chose que les parties prenantes sont en train de construire en agissant et en interagissant dans le cadre de leur pratique sociale [22], [23].

16Dans la proposition de Whittington [24], la pratique est liée à la praxis et aux praticiens, dans laquelle la praxis est la connexion de l’outillage technique et institutionnel, avec l’action implicite par le sujet - le praticien-dans le domaine social [25]. La pratique peut aussi être comprise comme « […] un comportement non routinier et la synthèse de nouveaux comportements issus de vieux comportements. »[26] et comme « […] une astuce et une improvisation ». Selon Jarzabkowski [27], la praxis (pratique) peut être comprise comme « un flux d’activités socialement situés et définis comme des conséquences qui génèrent les directions pour la survie de l’entreprise ».

17L’un des principaux arguments du courant SaP cède dans le cas de l’activité partagée. L’activité partagée est considéré comme collective et distribuée, autant qu’elle le peut, dans un but à accomplir. Dans cette perspective les différents acteurs placent leurs actions individuelles dans les activités et les résultats, de sorte que les acteurs individuels s’associent à la communauté afin de construire des activités axées sur les résultats [28] : « En tant que tel, SaP porte essentiellement sur la stratégie de l’activité dans les organisations, typiquement sur l’interaction de personnes, plutôt que la stratégie en tant que propriété des organisations. »[29].

18Fort de cela, et dans le souci de le relier à la problématique terrain à laquelle nous souhaitons répondre, nous considérons que plutôt de travailler sur l’organisation de l’activité pour une finalité prédéfinie selon un processus arrêté par avance, on préfère étudier l’interaction entre les parties prenantes dans le processus mais aussi l’impact de ces interactions sur le processus lui-même. Le cadre SaP se concentre ainsi sur « ce que les gens font », nécessitant alors de comprendre aussi le contexte organisationnel et institutionnel, avec au cœur de cette perspective le concept clé de « pratique », un concept délibérément débattu sans avoir une approche unifiée ou une définition consensuelle acceptée ; que nous définirons comme relevant « du faire » dans sa capacité à produire de la structure et une signification aux actions réunissant ainsi les dimensions tacite et implicite [30].

Une méthodologie de recherche qualitative

19Afin d’étudier l’émergence d’une stratégie de localisation et d’implantation d’un IDE « par la pratique » dans un territoire à économie émergente, nous avons adopté une approche procédurale. Selon Langley [31], la philosophie de l’utilisation des approches procédurales dans la recherche vise à comprendre et à répondre aux questions de « comment » et « pourquoi » les événements changent au fil du temps. Par conséquent, l’adoption d’un modèle de recherche qui met l’accent sur le processus est soucieuse de comprendre comment les choses évoluent après un certain temps et pourquoi elles évoluent de cette façon. L’approche « processus » se compose essentiellement d’histoires sur ce qui est arrivé et qui a fait quoi et quand, c’est-à-dire par l’identification d’événements, d’activités et de choix ordonnées en fonction du temps [32]. Nous avons utilisé la stratégie narrative afin de retranscrire l’histoire. La stratégie narrative consiste à construire une histoire détaillée à partir des données et, pour les défenseurs de cette stratégie, le détail contextuel dans le récit est celui qui permet au lecteur de transférer les idées à d’autres situations de tous les jours et en tenant compte du contexte [33][34].

20La retranscription des données dans cette recherche qualitative doit apporter au lecteur une idée précise du contexte afin de fournir une expérience personnelle du phénomène et de soutenir également l’importance de la théorie. En ce sens, la combinaison de stratégies de présentation des résultats donne une richesse conceptuelle au résultat final de ce type de recherche qualitative. Afin de présenter les résultats de cette étude, nous utilisons le récit pour recomposer l’histoire et au final nous proposons une représentation temporelle du processus. Ce type de stratégie de représentation permet une décomposition des événements ou des actions à différents stades du processus d’implantation et de management du projet étudié [35]. Cette recherche concernant les relations de causes à effet ainsi qu’aux mécanismes mis en œuvre lors du management de projet, elle se situe dans une perspective de recherche d’explication contextualisée [36].

21Notre étude de cas porte sur la mise en œuvre et le management d’un projet d’investissements au Brésil d’un fabricant sud-coréen de semi-conducteurs, exemplaire dans sa taille et son impact régional. La localisation de cet IDE s’est faite par la constitution d’une joint-venture (HT Micron) avec une société brésilienne comme véhicule pour l’investissement. Afin de reconstituer l’histoire de l’étude de cas de HT Micron, nous avons utilisés un matériau constitué de 122 sources secondaires (articles de journaux, sites internet, communiqués de presse, …), sur une période s’étalant de 2009 (au moment de l’annonce officielle de l’investissement) à 2014 (lorsque la société a inauguré l’usine dans la ville de São Leopoldo situé dans l’état de Rio Grande do Sul au Brésil) (voir tableau 1).

Tableau 1

Répartition des sources utilisées par les auteurs de la recherche

Tableau 1
Année 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Nombre 10 37 7 32 29 7

Répartition des sources utilisées par les auteurs de la recherche

L’implantation de HT Micron au Brésil

22En décembre 2009, la société coréenne Hana Micron et le consortium d’entreprises brésiliennes PARIT annonce qu’un protocole vient d’être signé, avec l’Etat du Rio Grande do Sul au Brésil, pour la création et la localisation, sous la forme d’une joint-venture, d’une unité de production de semi-conducteurs. Cette structure nécessite un investissement de 200 millions de $US et doit permettre la création de 1300 emplois directs.

23Au moment de la signature, la loi sur l’innovation promulguée dans cet état doit permettre au gouvernement de garantir des aides fiscales pour le succès du projet. Cette usine est dédiée à la production de mémoires flash, de cartes à puces et de puces RFID [37]. La presse souligne que le succès dans la localisation de ce projet est certainement dû à la conjonction de l’excellence universitaire, de la dynamique économique et du soutien du gouvernement fédéral. En effet, l’université localisée à proximité ainsi que les autorités administratives de la ville ont construit conjointement une offre complète pour assurer la localisation de l’usine dans le parc technologique, partie intégrante du campus de cette université. Outre un soutien pour le recrutement, les infrastructures techniques liées à l’implantation d’un tel projet sont prises en charge par les autorités administratives de la mairie, qui revendique les efforts engagés pour garantir le succès de l’opération. Les différents engagements figurant dans le protocole signé entre les parties sont :

  1. L’identification des terrains pour assurer l’installation de l’usine finale avec comme critère principal de localisation la proximité d’un aéroport international ;
  2. La facilitation pour l’obtention des autorisations environnementales ainsi que la fourniture des fluides (eau et électricité) ;
  3. L’obtention d’un abattement jusqu’à 75 % sur la taxe ICMS [38] réduite de 12 % à 7 % (un taux réduit que ne devrait pas permettre ce bénéfice fiscal) pour la nouvelle joint-venture. Les 25 % restant seront à négocier avec les autorités politiques de la ville qui sera choisie.

24Les 2 actionnaires de la joint-venture assurent 50 % du financement de l’investissement total, la banque BNDES [39] assurera le financement complémentaire de l’investissement. Le président d’Altus exprime alors l’importance d’accorder une exemption sur les 25 % de l’ICMS dans le cadre du projet. Outre ces 2 actionnaires, les partenaires brésiliens du consortium PARIT sont les sociétés Altus, Elo et Taikon, la banque nationale du développement du sud du Brésil (PndesPar) et la compagnie de participation régionale du Rio Grande do Sul (CRP). L’exemption de taxe ISS [40] pour une durée de 5 ans est confirmée. Une implantation provisoire est rendue possible par l’utilisation de bâtiments de l’université avant de rejoindre l’usine lorsqu’elle sera sortie de terre et prête à fonctionner. Cette usine d’encapsulage de semi-conducteurs doit être unique en Amérique du Sud et la maison mère est déjà titulaire de 70 % de ce marché au niveau mondial ; l’usine qui sera construite à Sao Leopoldo prenant dorénavant une part significative de cette production totale avec 20 %. La présence d’une ligne d’électricité de secours sur le parc Technosinos[41] est aussi un élément d’importance puisqu’un backup (un poste de 2ème niveau prévu pour remplacer le principal en cas de défaillance) en 5 secondes sera possible.

25Le recteur de l’université Unisinos[42] met un avant un investissement audacieux qui vient s’insérer dans une tradition technologique sur ce secteur pour cette université, soulignant de fait l’ancrage industriel antérieur. Le chiffre d’affaire dégagé par cette usine est estimé alors à un milliard de $US à l’horizon 2014. Il explique que l’université va porter l’investissement de 10 million de $US (vie une demande de financement à la BNDES) dans le bâtiment qui sera ensuite loué à l’entreprise. Le maire souligne l’exemplarité du modèle de gestion d’Unisinos en relation avec les pouvoirs publics et le monde de l’entreprise, pour ses actions qui créent de la croissance et donc une expansion du parc technologique. Il indique aussi que la politique de la ville est de rétrocéder 50 % des produits de la taxe ISS des entreprises présentes sur le parc en direction d’Unisinos et au profit de l’attraction de nouvelles entreprises. Altus était déjà présent dans le parc Technologique mis en place par et dans l’université dont les responsables soulignent que l’université est prête pour recevoir l’entreprise car elle a anticipé son arrivée, notamment en mettant en place des cours adaptés pour une bonne formation des futurs employés de la société. En effet, un nouveau Master en ingénierie électriques a été créé au sein de l’université et de plus HT Micron et Unisinos devront travailler à la constitution d’un programme de formation professionnelle. Le président de HT Micron souligne que l’ambiance universitaire peut stimuler le processus d’innovation.

26Cette usine doit représenter 20 % de la production totale du groupe qui lui-même produit 70 % du marché mondial. L’arrivée de cette usine doit aussi profondément changer la production de connaissance sur le territoire, car chaque année, 5 % du Chiffre d’affaire seront réinvestis en Recherche et Développement localement dont 1% en contrat de recherche avec l’université Unisinos. L’investissement en recherche de HT Micron est le fruit du programme de support du développement technologique de l’industrie des semi-conducteurs du ministère de la science et technologies du Brésil (PADIS). Ce programme permet l’exemption d’impôt du COFINS [43] et du PIS [44]/PASEP [45] par cette contrepartie de financement de la recherche universitaire.

27Le 29 octobre 2011, Unisinos annonce la signature de 4 accords de coopérations avec des universités sud-coréennes au cours d’une mission d’affaire dans le pays (Songang, Hankuk, Hoseo et Sungkyunkwan). Ces accords ont pour objectif de développer la mobilité étudiante mais aussi celle du corps des professeurs. Ils visent aussi le développement d’actions de recherche communes. Un séminaire conjoint consacré à la technologie doit être organisé au Brésil avec ces partenaires. Technosinos[46] a aussi signé un accord avec le Technoparc de Séoul afin de développer les échanges et d’offrir des supports optimaux aux entreprises voulant s’implanter dans chacune des deux structures. Unisinos offre un cours de spécialisation sur l’environnement des affaires au Brésil à l’adresse des membres d’un cluster technologique sud-coréen nommé Daedeok Innopolis ; séminaire animé par des professionnels brésiliens.

28Le décalage dans le temps que subit le projet semble dû, aux dires du PDG de Hana Micron aux différences de montants d’investissements à réaliser entre la Corée et le Brésil. Unisinos confirme le financement par la banque BNDES sur une ligne de crédit « capital innovant ». Le projet respecte les normes environnementales et le permis de construire est étudié en urgence par les services municipaux dès qu’ils le reçoivent. La presse locale se fait l’écho d’une mission réalisée pendant 5 semaines par un professeur d’Unisinos en immersion chez Hana Micron en Corée afin de comprendre parfaitement le processus d’encapsulation et pour pouvoir ainsi construire un cours à l’adresse des aux futurs employés de HT Micron. Ce cours doit être progressivement enrichi pour s’ouvrir l’ensemble des étudiants d’Unisinos ; cinq professeurs de l’université suivent la même démarche.

29En avril 2012 l’état rend éligible le programme de R&D de HT Micron aux dispositifs de soutien à l’innovation tel que le PADIS. Le 2 juillet 2012, les travaux de terrassement commencent. L’université annonce la création d’un institut de transfert de technologie sur les semi-conducteurs approuvée par le ministère de la recherche brésilien. Elle confirme par ailleurs la mise en place d’actions et projets universitaires en faveur d’un « cluster » des semi-conducteurs. Le responsable du Master en Génie Electrique en présente le programme ainsi que les axes de recherche structurants. Ce diplôme est une première dans la région et seulement le 3ème à être développer au Brésil. Ce projet de Master a été salué par le Président de Hana Micron : « il faut continuer à parler avec les entreprises afin de maintenir ce master dans l’actualité industriel et de modifier son programme lorsque le marché change aussi ».

30En avril 2013, les responsables d’Unisinos et gouvernementaux cherchent à accélérer le versement du financement de 4 millions de $ du ministère fédéral destiné à l’Institut des semi-conducteurs. Lors d’une réunion organisée par le Secrétaire de la Science et de l’Innovation de l’état du Rio Grande do Sul, en présence du ministre de la Science et de la Technologie du Brésil, le Président de Unisinos et le Président d’Altus, il est indiqué que « les partenaires veulent que l’industrie des semi-conducteurs se développe et que cet institut est essentiel en tant que maillon manquant de la chaîne de valeur ».

31En juin 2013, le coordinateur de l’Institut ITT Chip [47] explique que ce dernier fournira un soutien technologique pour les entreprises et la formation de la main-d’œuvre. Il pourvoit aussi en équipements pour le développement de nouvelles technologies d’encapsulation. L’objectif est pour l’Institut de devenir un centre de référence du transfert de recherche et de technologie pour l’encapsulation et les tests de semi-conducteurs. Fin août 2013, HT Micron produit déjà dans des installations temporaires fournies par l’université un million de puces par mois. En octobre 2013, l’université donne les clés de la nouvelle usine aux dirigeants de HT Micron lors d’un forum Brésil-Corée.

32Après l’installation de machines de production, l’usine est officiellement ouverte et inaugurée le 7 juin 2014 en présence de la Présidente de la République du Brésil, qui souligne que « cet investissement est un exemple pour tout le Brésil ».

Résultats de recherche et discussion

Un réseau de relations complexes émerge

33L’élaboration et la mise en œuvre des politiques de développement économique est un processus complexe qui peut appeler une multitude de relations entre le triptyque gouvernement-industrie-université d’une part, entre les entreprises et entre les universités d’autre part. Le management de l’administration publique classique insiste fortement sur la prise de décision politique et l’établissement d’objectifs successifs comme autant de facteurs importants [48] à l’image du cycle de vie d’un projet d’IDE introduit précédemment.

34Notre recherche tend à montrer que ce modèle séquentiel traditionnellement suivi par le management public n’a pas été mis en œuvre dans ce cas précis. En effet, la stratégie d’implantation du cas HT Micron repose sur un jeu d’interactions produisant des ajustements et nécessitant une coordination complexe et non linéaire des acteurs et des ressources en présence, contrairement au cycle de vie « classique » d’un projet d’IDE.

35A partir de l’analyse narrative précédente qui retrace le processus de mise en œuvre de cet investissement direct étranger dans l’industrie des semi-conducteurs au Brésil, nous pouvons identifier des événements importants et souligner des activités particulières qui mettent l’accent sur l’émergence d’une stratégie d’implantation alternative d’un IDE sur un territoire.

36Afin d’illustrer cette complexité, nous présentons figure 2 une image de tous les acteurs impliqués dans le processus et surtout de leurs relations stratégiques. Elle illustre bien la participation de trois sphères différentes afin de contribuer au processus : l’université, le gouvernement et les entreprises privées. Il est très important de noter que lors de l’évolution du processus, chacun des acteurs a contribué « à sa façon » à la réussite du projet. Nous insistons sur cette figure, à l’aide de couleurs différentes, sur chacun des liens représentant les différentes pratiques stratégiques mises en œuvre. Celles mises en évidence au cours de l’évolution du cycle de vie de ce projet d’IDE sont les suivantes : soutien et exonérations fiscales, cofinancement gouvernemental, échange des ressources et coopérations inter-organisationnelles. Nous présentons ces stratégies comme étant alors des « actions stratégiques afin d’attirer un investissement direct étranger ».

Figure 2

Le réseau de relations complexe activé pour l’implantation HT Micron

Figure 2

Le réseau de relations complexe activé pour l’implantation HT Micron

(source : élaboré par l’auteur)

37Ces actions s’élaborent et s’exécutent de façon complexe durant tout le processus du cycle de vie du projet, ce qui démontre la complexité de ce type de stratégie.

Un réseau qui correspond au modèle « triple hélice »

38Compte-tenu des résultats précédents, il apparait nécessaire d’introduire à ce stade de l’analyse le concept de « triple hélice » permettant d’éclairer ce cas. En effet, certains auteurs appellent « décentralisation » le processus par lequel le gouvernement devient protagoniste de la relation entre les entreprises ainsi que les organisations sociales et gouvernementales [49]. Dans ce modèle, on s’attend à ce que le gouvernement coordonne, développe des projets et fournisse des ressources pour de nouvelles initiatives sociales. Ce modèle de relation entre les acteurs institutionnels dans lesquels le gouvernement est le coordinateur du réseau ainsi constitué est aussi appelé un modèle d’Etat [50], qui dépend d’institutions spécialisées reliées à un gouvernement central. La collaboration entre des parties prenantes a été identifiée comme pertinente pour la production systématique d’innovations et donc en conséquence pour le développement des territoires, des secteurs économiques et des nations. Cette idée n’est pas nouvelle : Freeman [51] note que, dans le milieu du XIXème siècle, les chercheurs ont conclu sur le besoin d’une étude de la relation entre le développement économique et la coordination entre les acteurs, en se concentrant principalement sur la nécessité d’une interaction entre industrie, science et éducation. Certains auteurs montrent aussi que les réseaux sont considérés comme une solution appropriée pour la gestion des politiques publiques [52][53].

39Le modèle de la triple hélice proposé par Leydesdorff & Etzkowitz [54] a été créé pour décrire et caractériser les interactions entre les acteurs (université-industrie-gouvernement) dans le processus d’innovation et de développement. Cette approche est dans la même ligne de représentations systémiques de l’innovation telle que celle du système national d’innovation [55]. Elles donnent en effet la primeur aux relations entre les différents acteurs du processus d’innovation [56]. La triple hélice suppose que la base de connaissances et son rôle dans l’innovation peuvent être expliqués en termes de changements dans la relation entre les universités (et toutes institutions qui produisent des connaissances), l’industrie et le gouvernement. Selon Sbragia [57] « la triple hélice est un modèle de la spirale de l’innovation qui prend en compte les multiples relations réciproques à différents stades de la production et de diffusion des processus de connaissance » et « chaque hélice est une sphère institutionnelle ».

40Le système de la triple hélice est un paradigme alternatif aux représentations fondées sur la mise en commun de ressources (cluster) pour le transfert de technologie. L’interaction entre l’université, l’industrie et le gouvernement y est vu comme l’interaction entre les sphères économiques, sociales et institutionnelles, qui influe sur l’élaboration des politiques ainsi que sur la diffusion des connaissances et de l’innovation [58]. Les plus grandes innovations résulteraient en effet aujourd’hui des interactions entre la technologie, la science et le marché [59]. Au cœur de la triple hélice se trouve un réseau collaboratif composé d’entreprises, d’entrepreneurs, d’universités, d’institutions de recherche et d’organismes gouvernementaux qui visent à engendrer des connaissances et de l’innovation. Cette collaboration entre entreprises, universités et instituts de recherche réduit ainsi les coûts de recherche, les externalités, ainsi que les incertitudes et les risques. En effet, la compétitivité dépend de la capacité à développer ou à adapter les nouvelles technologies aux produits, services et processus, et de la compréhension de la dynamique de l’innovation et des mutations industrielles qui sont essentiels à la survie de l’organisation [60].

41Pour certains auteurs, en réponse aux changements institutionnels, les universités sont en pleine révolution [61][62][63][64]. Cette révolution se réfère au fait que la recherche est devenue orientée afin de contribuer au développement économique, en particulier dans les régions. Outre les deux missions principales d’enseignement et de recherche, les universités ont pour mission de contribuer plus directement à résoudre des problèmes pratiques pour le marché. Le résultat de cette nouvelle vision est l’émergence de « l’université entrepreneuriale », qui combine enseignement, recherche et contribution à l’économie [65].

42Si en première approche on pourrait penser que les parties prenantes de ce projet n’ont fait que dupliquer un processus « classique », force est de constater que « sans le vouloir » elles ont construit un modèle « triple hélice » sur leur territoire grâce à l’implantation de l’entreprise HT Micron mais surtout grâce à leur prise de décisions stratégies durant le cycle de vie du projet. La question qu’il reste alors à se poser est finalement : comment ces décisions se sont-elles inscrites dans le cycle de vie du projet et avec quel phasage temporel ? Là-encore, nous allons souligner dans la partie suivante une nouvelle originalité du processus de management de ce projet.

Singularité de l’émergence stratégique : une dynamique tourbillonnaire du projet

43Habituellement, le cycle de vie d’un projet est « linéaire » en ce sens qu’il suit une séquence ordonnée et logique d’actions sous la forme du cycle d’étape distincte présenté en figure 1. Notre hypothèse est qu’en définitive le cycle de vie du projet n’est pas séquentiel mais plutôt tourbillonnaire avant de converger vers une situation stabilisée.

44Sur la base de la reconstruction de l’histoire de HT Micron, il est possible d’identifier certains faits saillants. Après identification de ces traits idiosyncrasiques, nous montrons dans un premier temps que la chronologie du projet entre en dissonance avec les représentations usuelles qui sont linéaires et séquentielles. Pour ce faire, nous classons les évènements clés du projet par étape de la figure 1 et en précisions les dates d’occurrence. Nous avons nommé chaque étape avec un acronyme suivant une correspondance indiquée dans le tableau 2 et ensuite identifié les différentes actions par un numéro d’ordre (par exemple ON1 pour action 1 de l’étape ON). Ce classement est présenté dans le Tableau 3.

Tableau 2

Désignation des acronymes du phasage temporel

Tableau 2
Acronyme Désignation ON Offre et Négociations F Facilitation DC Développement de Cluster AV Après-Vente A Attractivité

Désignation des acronymes du phasage temporel

Tableau 3

Les étapes du cycle de vie réel du projet HT Micron

Tableau 3
Etape Etude de cas HT MICRON [ON] 1. Combinaison de l’excellence académique, du support du gouvernement fédéral et du momentum économique – 2009 2. Identification d’un terrain proche d’un aéroport international - 2009 [F] 1. Loi sur l’innovation du gouvernement – 2009 2. Obtention du permis de construire et accès à l’eau et l’électricité – 2009 3. La JV aura une réduction de 75 % de la taxe ICMS réduite – 2009 4. L’université UNISINOS investira 10 million US$ via la BNDES – 2011 5. Obtention d’un programme de support technologique du PADIS - 2011 [DC] 1. Partenariat signé par l’état fédéral et la province afin de créer les conditions de développement d’une industrie des semi-conducteurs – 2009 2. Création d’un institut de recherche dédié aux semi-conducteurs par l’université en partenariat financier avec FINEP – 2013 3. Mission conjointe université-gouvernement-entreprises en Corée du Sud afin de partager expériences et connaissances – 2011 4. Création d’une école polytechnique et d’un Master en Ingénierie Electrique afin de former les futurs cadres et employés et aussi d’établir un forum permanent Brésil – Corée - 2013 5. Création d’un institut de transfert de technologies pour les semi-conducteurs approuvé par le Ministère brésilien de la recherche - 2013 [AV] Convention signée entre l’université, les entreprises, les associations municipales commerciales et industrielles ainsi que la municipalité en vue de mobiliser tous les efforts possibles – 2009 à 2011 [A] 1. Partenariat avec le Technoparc de Séoul afin de promouvoir les échanges avec le Technoparc d’UNISINOS et inciter à l’implantation croisée d’entreprises – 2011 2. UNISINOS ouvre un cours de spécialisation sur l’environnement des affaires fait par des professionnels brésiliens au sein du cluster technologique sud-coréen - 2011 3. 5 % du chiffre d’affaire sera investie en R&D dont 1% dans des contrats de recherche avec l’université - 2011

Les étapes du cycle de vie réel du projet HT Micron

45La figure 3 propose alors une représentation temporelle du processus dans lequel apparaissent sur l’axe vertical les étapes « classiques » d’un projet d’IDE et qui existe dans ce projet. Nous lions ainsi les différentes actions de ces étapes entre elles afin de faire apparaitre l’aspect non séquentiel, non linéaire et tourbillonnaire du processus étudié. Là où les représentations traditionnelles se contenteraient d’une trajectoire linéaire en fonction du temps et descendante pour représenter la séquence du cycle de vie du projet d’IDE, la figure 3 permet d’identifier des évènements concourants, des allers-retours d’une étape à l’autre et aussi un ordre chronologique différent de la logique séquentielle (la construction de politique d’attractivité vient bien avant le développement du cluster par exemple).

Figure 3

Cycle de vie du projet de HT Micron

Figure 3

Cycle de vie du projet de HT Micron

(source : élaboré par l’auteur)

46Notre intention avec cette représentation n’est en aucune façon d’obtenir une généralisation des événements mis en évidence à travers l’histoire de HT Micron, mais plutôt de démontrer que la stratégie « triple hélice » a bien émergé de l’interaction de partie prenantes (personnes, institutions, …) au cours de l’évolution du projet.

Conclusion : quelques leçons à tirer de cette étude de cas dans le contexte français

47La pratique de la stratégie peut être comprise comme « l’interprétation à partir de laquelle l’activité stratégique peut émerger à tout moment » et en donnant un accent sur le processus d’élaboration de la stratégie, pas la stratégie elle-même [66]. Ce cas illustre une autre façon de voir la recherche d’un point de vue axé sur la pratique et il permet de comprendre comment une stratégie émerge d’un processus complexe, non séquentiel et tourbillonnaire. Le practice turn (tournant pratique) a attiré notre attention sur les phénomènes qui se déroulent à l’échelle micro (les acteurs et leurs relations) [67]. Afin de comprendre l’acte d’élaboration de stratégies, il est nécessaire d’accorder plus d’attention à ces pratiques en prenant garde de ne pas les décontextualiser. Cela implique l’adoption d’une philosophie relationnelle, à savoir que les relations viennent à occuper une position centrale dans l’analyse [68].

48Le choix théorique et méthodologique du cadre SaP et du récit a permis d’identifier des principaux événements ainsi que des nouveautés sur la façon dont les territoires développent leurs politiques, afin d’attirer les investissements directs étrangers. Ces résultats fournissent de nouvelles preuves empiriques et apportent des explications sur le phénomène d’attraction des investissements directs étrangers par des territoires lorsqu’il est considéré en termes de collaboration. A partir de cette étude de cas unique, nous pouvons énoncer les propositions de recherche suivantes qui pourraient être approfondies et éprouvées, sans pour autant leur donner une valeur normative contraire à la philosophie du cadre d’analyse « as practice » :

  1. L’utilisation d’une stratégie de triple hélice est-elle un facteur attractif à appliquer au cadre d’un investissement exogène ?
  2. L’université entrepreneuriale est-elle un facteur attractif à appliquer au cadre d’un investissement exogène ?

Une stratégie d’attraction des IDE sur la base de la « triple hélice as practice »

49Considérant la place centrale des phénomènes relationnels qui s’établissent dans le processus étudié, le modèle d’organisation territoriale appelé « triple hélice » [69] semble ici avoir été mis en œuvre sans que les parties prenantes aient suivi ce modèle de façon délibérée. Ont été ainsi constituées des interactions complexes liées aux processus contemporains d’innovation : le triptyque universités-industrie-gouvernement. Dans ce cas, l’université est proactive dans la production et la mise en œuvre de la connaissance sur la base de spécifications provenant de besoins de l’industrie. Ce mode interactif permet le développement du rôle et de la participation de l’université dans le développement socio-économique du territoire. Ce rôle repose aussi sur la manière qu’elle a eue de s’inventer une fonction de facilitation et de point nodal dans les interactions en jeu, validant de fait la proposition récente qui veut que le modèle « triple hélice » se présente aussi comme un cadre d’analyse en tant que « système d’innovation » avec un ensemble de composants, de relations et fonctions [70].

50Le modèle de la triple hélice implique une approche holistique de l’innovation fondée sur la mise en réseau de diverses organisations et de disciplines. En tant qu’exercice de réseautage, elle cherche à promouvoir un apprentissage rapide grâce à la proximité et à la collaboration entre les principaux acteurs ; chaque acteur du système devant examiner le processus d’innovation en fonction de ses propres intérêts [71].

L’université entrepreneuriale au cœur du dispositif d’attraction des IDE

51Les propositions issues de l’étude du processus de cycle de vie d’un projet d’investissement étranger par mise en œuvre d’une stratégie de triple hélice, peut donc ainsi affecter la façon dont les gouvernements de pays émergents et/ou en développement pourraient envisager d’attirer des investissements exogènes dans les hautes technologies pour un ancrage durable. De la même manière, des pays développés comme la France, dont certains territoires peinent à attirer les investissements à forte valeur ajoutée (ou de la nouvelle économie de la connaissance) pourrait s’inspirer de la démarche managériale, certes fortement contextualisée, mais très agile dont ont su faire preuve les parties prenantes brésiliennes.

52Quelques cas ont fait l’objet d’études académiques sur l’entreprenariat, liées à la formation du capital humain et à la création de connaissances et de technologies pour le secteur productif privé, tel que celui de la Silicon Valley. Cette région voit en effet se concentrer sur un espace donné le plus grand nombre d’entreprises informatique au monde et on peut prouver que l’existence de cette zone de haute technologie aux États-Unis résulte de l’interaction entre les institutions d’enseignement supérieur, du gouvernement et de l’industrie [72].

53Le mérite de l’adoption de la stratégie « triple hélice » est alors la capacité à créer les conditions pour produire, partager et diffuser la connaissance appropriée qui sera ensuite le moteur de l’innovation nécessaire pour une croissance rapide [73]. Il semble donc possible de dire que cette stratégie peut être utile pour un gouvernement qui veut développer une industrie basée sur l’utilisation de haute technologie et de science appliquée, comme c’est le cas pour l’industrie des semi-conducteurs au Brésil. En ce sens, Velloso [74] souligne que « le gouvernement a beaucoup plus à gagner à recourir à des partenariats avec les universités, pour la réalisation des projets planifiés dans le domaine économique, et en particulier dans le domaine social » ; en conséquence de quoi la stratégie d’interaction triple hélice inhérente implique que chaque institution doit avoir « un pied dans les deux autres », rejoignant en cela le concept d’ambidextrie [75][76] dont les modes opératoires et les formes seront à approfondir dans une recherche future afin d’en déterminer la nature exacte (organisationnelle, culturelle, structurelle, de réseau, contextuelle …).

54Dans le cas de l’implantation de la société de fabrication de semi-conducteurs HT Micron sur le campus de l’université Unisinos, nous avons démontré dans notre recherche qu’au travers de « bricolages » et « d’improvisation » stratégiques, le réseau d’acteurs impliqués s’est inscrit dans une stratégie de « triple hélice as practice » sur le territoire. Il demeure toutefois une interrogation finale : si les parties prenantes avaient voulu implanter le projet HT Micron selon le modèle de « triple hélice », auraient elles aussi bien réussies ?

55Cette leçon d’agilité stratégique territoriale pourrait alors inspirer de nouveaux modes de management public de projet d’IDE dans lesquels le concept « d’université entrepreneuriale » serait central.

Notes

  • [1]
    Michael Porter, The Competitive Advantage of Nations, The Free Press, New York, 1990.
  • [2]
    Michael Porter, « Clusters and the new economics of competition », Harvard Business Review 76, no 6 (1998) : 77-91.
  • [3]
    Nicolas Jacquet et Daniel Darmon, Les Pôles de compétitivité : le modèle français, La Documentation française, 2005.
  • [4]
    Christophe Assens et Yoni Abittan, « Le management d’un bien commun : le territoire. Le cas des pôles de compétitivité », RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme(s) & Entreprises, no 1 (2012), pp. 19-36.
  • [5]
    Business France, « Rapport sur l’internationalisation de l’économie française. Bilan 2014 des investissements étrangers en France », (Business France, mars 2015), www.businessfrance.fr.
  • [6]
    Olivier Coussi, « Management public de projets d’investissement direct étrangers et intelligence économique territoriale. », Gestion et management public, 3, no 2 (2014), pp. 53-74.
  • [7]
    Michel Callon, Bruno Latour, « Unscrewing the big Leviathan : how actors macrostructure reality and how sociologists help them to do so. », in Advances in Social Theory and Methodology, Routledge and Kegan Paul London (Boston : K. D. Knorr-Cetina & A. V. Cicourel (dir.), 1981), pp. 277-303 ; ibid.
  • [8]
    Michel Callon, « La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’année Sociologique, no 36 (1986), pp. 169-207.
  • [9]
    Philippe Herbaux, Intelligence territoriale : repères théoriques, Questions contemporaines, Paris : Harmattan, 2007.
  • [10]
    Nicole Giroux, « L’analyse narrative de la stratégie », IXème Conférence Internationale de Management Stratégique, Montpellier, AIMS, 2000.
  • [11]
    Mohammed Saad, G. Zawdie, et C. Malairaja, « The triple helix strategy for universities in developping countries : the experience in Malaysia and Algeria. », Science and Public Policy 35, no 6 (2008) : 431-43.
  • [12]
    Loet Leydesdorff et Henry Etzkowitz, « Emergence of a Triple Helix of university-industry-government relations », Science and Public Policy 23, no 5 (1996) : 279-86.
  • [13]
    Maria Manuela Natario, Joao Pedro Ameida Couto, et Carlos Fernandes Roque de Almeida, « The tripe helix model and dynamics of innovation : a case study. », Journal of Knowledge-based Innovation in China 4, no 1 (2012) : 36-54.
  • [14]
    Carlo Rodrigues et Ana I. Melo, « The Triple Helix Model as Inspiration for Local Development Policies : An Experience-Based Perspective », International Journal of Urban and Regional Research 37, no 5 (septembre 2013) : 1675-87.
  • [15]
    Fred Y. Ye, Susan S. Yu, et Loet Leydesdorff, « The Triple Helix of University-Industry-Government Relations at the Country Level, and Its Dynamic Evolution under the Pressures of Globalization », Journal of the American Society for Information Science and Technology 64, no 11 (2013) : 2317-25.
  • [16]
    Richard Whittington, « Practice perspectives on strategy : unifying and developing a field. », in Proceedings of Annual Meeting of Academy of Management (Annual Meeting of Academy of Management, Denver, 2002), http://www.s-as-p.org/bibliography/406.
  • [17]
    Gerry Johnson et al., Strategy as Practice. Research directions and resources., Cambridge University Press (Cambridge, 2007).
  • [18]
    Richard, », op.cit.
  • [19]
    Robert Chia et Brad Mackay, « Post-processual challenges for the emerging strategy-as-practice perspective : discovering strategy in the logic of practice. », Human Relations 60, no 1 (2007) : 217-42.
  • [20]
    Karl E. Weick, Sensemaking in Organizations, Sage Publications, 1995.
  • [21]
    Richard Whittington, « Strategy as practice », Long Range Planning 29, no 5 (octobre 1996) : 731-35.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Gerry Johnson, Leif Melin, et Richard Whittington, « Guest editor’s introduction : micro strategy and strategizing : towards an Activity-Based View », Journal of Management Studies 40, no 1 (janvier 2003) : 3-22.
  • [24]
    Richard Whittington, « Strategy as practice », op.cit.
  • [25]
    Paula Jarzabkowski, Julia Balogun, et David Seidl, « Strategizing : the challenges of a practice perspective. », Human Relations 60, no 5 (2007) : 5-27.
  • [26]
    Johnson et al., Strategy as Practice. Research directions and resources, op.cit.
  • [27]
    Paula Jarzabkowski, Strategy as Practice : An Activity Based Approach, Sage, 2005.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Johnson, Melin, et Whittington, « Guest editor’s introduction : micro strategy and strategizing : towards an Activity-Based View », op. cit.
  • [30]
    Etienne Wenger, Communities of Practice : Learning, Meaning and Identity, Cambridge University Press, New-York, 1998.
  • [31]
    Ann Langley, « Strategies for Theorizing from Process Data », Academy of management Review 24, no 4 (1999) : 691-710.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Ann Langley et Chahrazad Abdallah, « Templates and turns in qualitative studies of strategy and management », in Building Methodological Bridges, Emerald Group Publishing Limited, vol. 6, 2011, 201-35.
  • [35]
    Chia et Mackay, « Post-processual challenges for the emerging strategy-as-practice perspective : discovering strategy in the logic of practice. », op. cit.
  • [36]
    Catherine Welch et al., « Theorising from case studies : Towards a pluralist future for international business research », Journal of International Business Studies 42, no 5 (juin 2011), pp. 740-62.
  • [37]
    Acronyme pour Radio Frequency Identification (Identification par radiofréquence) : méthode pour mémoriser et récupérer des données à distance en utilisant des marqueurs appelés « radio-étiquettes » comprennant une antenne associée à une puce électronique leur permettant de recevoir et de répondre aux requêtes radio émises depuis un émetteur-récepteur.
  • [38]
    Imposto sobre Circulação de Mercadorias e serviços (taxe sur les produits et services équivalente à la TVA en France)
  • [39]
    Banco Nacional de Desenvolvimento Econômico e Social (Banque Nationale pour le Développement Economique et Social)
  • [40]
    Imposto sobre serviço (taxe sur les services)
  • [41]
    Parc technologique situé sur le campus de l’université UNISINOS
  • [42]
    Universidade do Vale do Rio dos Sinos (Université de la Vallée du Rio dos Sinos)
  • [43]
    Contribuição para o Financiamento da Seguridade Social (contribution au financement de la sécurité sociale)
  • [44]
    Programa de Integração social (programme pour l’intégration sociale)
  • [45]
    Programa de Formação do Patrimônio do Servidor Público (programme de formation du patrimoine social de l’administration publique)
  • [46]
    Parc technologique de la ville de Sao Leopoldo situé sur le campus d’UNISINOS
  • [47]
    Insituto Tecnologico em Semicondutores (Institut Technologique pour les semiconducteurs de l’université UNISINOS)
  • [48]
    Erik-Hans Klijn, « Policy and Implementation Networks. Inter-organizational relationships, Chain and Networks : a Supply perspective. », in The Oxford Hanbook of Interorganizational Relations., Oxford University Press (New York : Steve Cropper, Chris Huxham, Mark Ebers, and Peter Smith Ring, 2008).
  • [49]
    Sonia M. Fleury et A. M. Ouverney, Gestão de redes : a estratégia de regionalização da política de saúde, 1a ed. (2007), 1a reimp. (2011) (Rio de Janeiro, RJ, Brasil : Editora FGV, 2011).
  • [50]
    Henry Etzkowitz, Hélice tríplice : universidade-indústria-governo : inovação em movimento (Porto Alegre : EDIPUCRS, 2009).
  • [51]
    Christopher Freeman, « The national system of innovation in historical perspective. », Cambridge Journal of Economics 9, no 1 (1995) : 5-24.
  • [52]
    Claidson N. Dias, « Rede de Cooperação social como estratégia para a implementação de políticas públicas : O Caso da PNDR. » (V Encontro de Estudos em Estratégia – 3Es ANPAD, Porto Alegre, 2011).
  • [53]
    Fleury et Ouverney, Gestão de redes, op. cit.
  • [54]
    Leydesdorff et Etzkowitz, « Emergence of a Triple Helix of university-industry-government relations », op. cit.
  • [55]
    Bengt-Åke Lundvall, National Systems of Innovation : Toward a Theory of Innovation and Interactive Learning, London, New York, NY : Anthem, 2010.
  • [56]
    Henry Etzkowitz, « Networks of Innovation : Science, Technology and Development in the Triple Helix Era », International Journal of Technology Management and Sustainable Development, 2002, pp. 7-20.
  • [57]
    Roberto Sbragia (Coord.)., Inovação como vencer esse desafio empresarial. (São Paulo : Clio Editora, 2006).
  • [58]
    Saad, Zawdie, et Malairaja, « The triple helix strategy for universities in developping countries : the experience in Malaysia and Algeria. », Science and Public Policy 35, no 6 (2008) : 431-43.
  • [59]
    Joseph Tidd, Managing innovation : integrating technological, market and organizational change, Fifth edition (Chichester, West Sussex : John Wiley & Sons, 2013).
  • [60]
    James M. Utterback, Dominando a dinamica da inovaçao (Rio de Janeiro : Qualitymark, 1996).
  • [61]
    Henry Etzkowitz et L. A. Leydesdorff, « The triple helix-university-industry-government relations : a laboratory for knowledge-based economic development. », European Association Study Science and Technology Review 14, no 1 (1995) : 14-19.
  • [62]
    Henry Etzkowitz et L. A. Leydesdorff, éd., Universities and the global knowledge economy : a triple helix of university-industry-government relations, Science, technology, and the international political economy series (London ; New York : Pinter, 1997).
  • [63]
    Henry Etzkowitz et Loet Leydesdorff, « The dynamics of innovation : from national systems « mode 2 » to a triple helix of university-industry-government relations. », Research Policy 29, no 2 (2000) : 109-23.
  • [64]
    Ben R. Martin et Henry Etzkowitz, « The origin and evolution of university species. », Journal for Science and Technology Studies 13, no 3/4 (2000) : 9-34.
  • [65]
    Ibid.
  • [66]
    Whittington, « Strategy as practice », op. cit.
  • [67]
    Jarzabkowski, Strategy as Practice, op. cit.
  • [68]
    Robert Chia, « Organization theory as a postmodern science », in The Oxford handbook of organization theory, 2003, 113-40.
  • [69]
    Leydesdorff et Etzkowitz, « Emergence of a Triple Helix of university-industry-government relations ».
  • [70]
    Marina Ranga et Henry Etzkowitz, « Triple Helix systems : an analytical framework for innovation policy and practice in the Knowledge Society », Industry and Higher Education 27, no 4 (2013) : 237-62.
  • [71]
    Saad, Zawdie, et Malairaja, « The triple helix strategy for universities in developping countries : the experience in Malaysia and Algeria. »
  • [72]
    Harvey Goldstein et Joshua Drucker, « The Economic Development Impacts of Universities on Regions : Do Size and Distance Matter ? », Economic Development Quarterly 20, no 1 (2006) : 22-43.
  • [73]
    Saad, Zawdie, et Malairaja, « The triple helix strategy for universities in developping countries : the experience in Malaysia and Algeria. »
  • [74]
    João Paulo dos Reis Velloso, « Brasil e a economia do conhecimento – o modelo do tripé e o ambiente institucional. », in Reforma Política e Economia do Conhecimento - Dois Projetos Nacionais (Rio de Janeiro, RJ, República Federativa do Brasil : José Olympio Editora, 2005), 99.
  • [75]
    J. G. March, « Exploration and Exploitation in Organizational Learning », Organization Science 2, no 1 (1991) : 71-87.
  • [76]
    C.A. O’Reilly III et M.L. Tushman, « The Ambidextrous Organization », Harvard Business Review, avril 2004, 74-81.
Français

Les modèles de systèmes d’innovation territoriaux induisent une concentration préalable des acteurs économiques à lier en réseau avec ceux de la recherche et de la formation. On présente une lecture à contre-pied de ce point de vue en livrant les leçons issues d’une expérience conduite dans un pays émergent pour le management d’un projet d’investissement direct étranger dans le secteur des semi-conducteurs. L’étude de cas longitudinale rend compte de d’identification des mécanismes ainsi que des différentes ressources stratégiques mobilisées chemin faisant conduisant à une construction « triple hélice as practice » territoriale grâce à une symbiose effective entre les différents acteurs et en absence d’une véritable concentration géographique d’entreprises sur le territoire. En se mettant au service de l’économie territoriale dans une perspective durable, une logique d’apprentissage par la pratique et sans planification stratégique, les parties prenantes produisent une évolution tourbillonnaire du cycle de vie du projet qui va à l’encontre du schéma linéaire et séquentiel opéré classiquement par les praticiens. On observe finalement que les différentes sphères d’acteurs concernées peuvent prendre des rôles multiples et parfois éloignés de ceux habituellement observés.

Mots-clés

  • IDE
  • triple hélice
  • innovation
  • intelligence territoriale
English

Foreign investment projects and territorial innovation system

What lessons can we learn from emerging countries?

Foreign investment projects and territorial innovation system

The models of territorial innovation systems induce a prior concentration of economic actors to link as a network with those of research and of education. We take a stance opposite to this point of view by delivering the lessons learned from an experiment conducted in an emerging country for the management of a foreign direct investment project in the semiconductor sector. The longitudinal case study accounts for the identification of the mechanisms as well as the various strategic resources mobilized on the way leading to a “territorial triple helix as practice” construction thanks to an effective symbiosis between the different actors and in the absence of a real cluster. By putting at the service of the territorial economy in a sustainable perspective, a logic of learning by practice and without strategic planning, the stakeholders produce a vortex evolution of the project life cycle, which runs counter to the linear and sequential framework operated by practitioners. Finally, it is observed that the different spheres of actors involved can take on multiple roles and sometimes are far from those usually observed.

Keywords

  • FDI
  • triple helix
  • innovation
  • territorial intelligence

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Olivier Coussi
Olivier COUSSI, maître de conférences associé à l’Université de Poitiers - Institut d’Administration des Entreprises, chercheur au CEREGE EA 1722.
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/02/2017
https://doi.org/10.3917/pstrat.007.0013
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