CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les mobilisations contre la vie chère de novembre 2008 à mars 2009 dans les trois départements français d’Amérique (DFA) [1] et à Mayotte en 2011 [2], alors même que le territoire venait d’obtenir l’accès au statut de DOM longtemps revendiqué, ont rendu manifeste le rapport problématique de ces départements à la métropole [3]. Plus grande autonomie politique des DOM, « demande d’État-providence » et revendication d’une véritable égalité avec la métropole : ces mobilisations questionnent le caractère décolonisé de ces territoires [4] et manifestent dans la période contemporaine les tensions inhérentes aux relations coloniales entre le centre et ses périphéries. Comme le montrent bien Frederick Cooper et Ann Stoler, les dynamiques impériales sont prises dans une tension permanente entre une matrice de l’assimilation et une matrice de la différence, entre imposition de la culture du centre et prise en compte des particularités locales que ce soit de manière pragmatique ou idéologique [5]. Les empires se caractérisent ainsi par la grande diversité des configurations politiques qu’ils forgent et par la plasticité des gouvernements locaux en fonction des écarts entre les normes édictées par le centre et leur application locale.

2La question de l’État outre-mer s’inscrit d’abord dans cette perspective du temps long de l’histoire coloniale et impériale. Qu’est-ce que la décolonisation fait ou ne fait pas à l’État dans les territoires qui demeurent sous souveraineté française comme dans les instances centrales des Outre-mer [6] ? En quoi l’appareil d’État outre-mer prolonge-t-il ou recompose-t-il les formes et les tensions inhérentes à l’État colonial, en particulier entre logique de l’assimilation et logique de la différence ? En France, la catégorie outre-mer recouvre les deux types d’évolutions statutaires offertes aux territoires décolonisés restés sous souveraineté française : l’intégration juridique, politique et administrative à la métropole dans le cas des DOM et le maintien d’une spécialité législative et d’un pluralisme juridique dans le cadre des statuts d’autonomie politique des TOM. Cette alternative stricte renvoie à deux conceptions opposées de la République : l’une reposant sur l’universalisme républicain liant intrinsèquement assimilation culturelle et politique (unicité du peuple français, universalité des droits et indifférenciation du droit), l’autre associant autonomie politique et respect des diversités culturelles [7]. C’est en particulier dans le cadre de cette seconde conception qu’est maintenue la distinction entre droit civil commun et droit civil particulier à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna [8]. Ce clivage s’inscrit dans le prolongement direct de l’opposition pendant la période coloniale entre modèle de l’assimilation dans les vieilles colonies et indigénat.

De l’assimilation coloniale aux statuts de l’Outre-mer sous la Ve République

Dans le contexte des vieilles colonies françaises post-esclavagistes (Antilles, Réunion, Guyane), la notion d’assimilation est conçue comme synonyme d’égalité entre Blancs et esclaves affranchis en ce qu’elle désigne la manière dont les gens de couleur adoptent des manières d’être et de s’habiller réservées aux Blancs. Dans le contexte colonial du XIXe siècle, l’assimilation qui constituait un objectif pour la République se transforme en étalon de mesure de la distance des colonisés à la civilisation française [9]. De fait, dans une grande partie de l’Empire colonial, la majorité des indigènes qui a conservé ses « us et coutumes » est considérée comme « inassimilable » et c’est précisément l’étalon de l’assimilation qui trace la frontière entre citoyens et sujets indigènes. Dans les « vieilles colonies », l’assimilation politique reste une revendication d’égalité mobilisée par les élites locales au cœur d’un processus historique qui trouve son aboutissement avec le vote de la loi d’assimilation juridique de 1946 portée par les députés Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès. Dans la continuité de cette histoire coloniale, les différents territoires d’Outre-mer relèvent de statuts spécifiques décrits dans les articles 73 et 74 de la Constitution. Les départements d’Outre-mer (DOM), soit la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion dépendent de l’article 73 de la Constitution qui consacre l’assimilation administrative et politique de ces territoires. Selon le principe de l’identité législative, le droit métropolitain s’y applique de plein droit. Les territoires d’Outre-Mer (TOM) régis par l’article 74, soit Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française bénéficient, eux, de la spécialité législative, c’est-à-dire que les lois et règlements ne s’y appliquent que sur mention expresse. Tout en entérinant la division entre DOM (territoires à identité législative) et TOM (territoires à spécialité législative), la révision constitutionnelle de 2003 ouvre la voie à des « statuts à la carte [10] », favorisant une diversification statutaire des Outre-mer, sans pour autant être la source de perspectives d’indépendance. Depuis 2003, les DOM et région d’Outre-mer (ROM) auxquels s’est adjoint Mayotte depuis 2011 peuvent ainsi bénéficier d’adaptations des lois et règlements. Les ex-TOM auxquels s’ajoutent depuis 2003 Saint-Barthélémy et Saint-Martin deviennent des collectivités d’Outre-mer (COM). Depuis la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie qui fait suite aux accords de Nouméa de 1998, celle-ci n’est plus un TOM mais relève d’un régime constitutionnel qui lui est propre, fixé par le titre XIII de la Constitution dans l’attente du référendum d’autodétermination.

3La singularité statutaire des Outre-mer n’épuise toutefois pas la question du rapport entre le centre et ses périphéries et de la prise en compte des particularités locales. Comme le soulignent Willy Beauvallet, Audrey Célestine et Aurélie Roger dans leur article, la croyance en une spécificité de l’Outre-mer est « l’une des convictions les mieux partagées par les différents acteurs impliqués dans l’action publique ». De très nombreux discours politiques et administratifs témoignent de l’« exceptionnalité » de l’action publique dans les Outre-mer qu’elle soit dénoncée sur le registre de l’exception coloniale, revendiquée au nom de caractéristiques locales de ces territoires ou constituée en problème public sur le mode de l’écart de développement. Dérogations, adaptations et spécificité sont des catégories particulièrement opératoires dans la construction et la mise en œuvre de l’action publique dans ces territoires. Outre la constitution, l’exceptionnalité ultramarine se trouve consacrée dans différents textes de lois au niveau national et européens [11], dans des institutions dédiées, des politiques publiques ciblant ces territoires et les populations qui en sont originaires. Pour autant, le régime de l’assimilation administrative, l’alignement sur les normes métropolitaines, prévaut dans la majorité des territoires dont il est question dans ce dossier.

4Les différents articles présentés ici questionnent dans la période post-coloniale la singularité de l’appareil d’État dans les Outre-mer [12]. Ils appréhendent la manière dont se sont historiquement construites et consolidées des formes singulières d’intervention étatique et de domination bureaucratique dans les Outre-mer. De ce fait, ces travaux s’intéressent à tous ceux qui produisent de la spécificité et/ou de l’identité administrative dans la conception de l’action publique (hauts-fonctionnaires du ministère des Outre-mer, parlementaires, préfets), sa mise en œuvre (cadres intermédiaires, agents de guichet) et son appropriation (usagers). À la croisée de la sociologie de l’État et de la sociologie du legs colonial, les auteur.e.s prennent au sérieux la permanence de formes d’exception coloniale tout en mettant en évidence les profondes transformations de l’État outre-mer issues des mobilisations dans et en dehors de l’État après 1946. Ce dossier aborde ainsi les processus de politisation ou de dépolitisation de l’État outre-mer, les conditions de mise en débat des formes de l’intervention étatique dans l’espace public ultramarin et métropolitain et ses effets sur les configurations administratives locales. Enfin, il appréhende la construction ordinaire de l’action publique à travers la dynamique relationnelle en jeu dans la rencontre administrative outre-mer.

De l’État colonial à l’État outre-mer

5Catégorie étatique résultant d’une histoire coloniale singulière, les Outre-mer impliquent nécessairement d’interroger la matrice coloniale de ces espaces politiques, administratifs et sociaux. Différents travaux ont rendu compte de la reconversion des agents et des savoir-faire administratifs coloniaux dans l’administration en métropole après l’indépendance [13]. Curieusement, la question du legs colonial dans l’État outre-mer a, elle, peu été investiguée. Loin de postuler un prolongement mécanique des dispositifs administratifs coloniaux dans la période contemporaine, les articles de ce dossier tentent de rendre compte des continuités et discontinuités de l’État outre-mer avec les modes de gouvernements forgés dans le moment colonial. Au-delà de cet inventaire colonial, ils montrent les ambiguïtés et tensions des dispositifs qui relèvent encore de l’exception coloniale après 1946 et la manière dont ils sont travaillés par la décolonisation.

Inertie coloniale, ambiguïté de la départementalisation et émancipation

6La départementalisation apparaît à ce titre comme un moment clé pour la majorité des territoires dont il est question dans ce numéro. Comme l’observent Fred Constant et Justin Daniel, longtemps vue comme un « achèvement de la période coloniale », la départementalisation semble après quelques années « aller à l’encontre d’un mouvement réputé universel vers l’indépendance ». Longtemps marqués par ce rapport binaire à la départementalisation envisagée comme « justifiée sans fin ou condamnée sans rémission [14] », les travaux produits depuis une quinzaine d’années soulignent l’ambiguïté de l’assimilation effectivement mise en place [15]. Les retards de la départementalisation en matière économique et sociale ont particulièrement bien été documentés [16]. Pour limiter ses conséquences financières, l’extension des droits sociaux ne s’accélère en effet qu’avec la fin de l’Empire colonial français en Afrique, quand ne restent plus que les « confettis de l’Empire [17] ». Revendication ancienne des élus de Martinique, Guadeloupe, Guyane et de La Réunion, l’extension maintes fois différée des droits économiques et sociaux est l’une des principales raisons de la forte critique de la départementalisation à partir du milieu des années 1950 dans ces espaces politiques locaux.

7Cette inertie coloniale ne doit toutefois pas faire écran aux transformations importantes des espaces politiques locaux dans les années qui suivent la décolonisation. Edenz Maurice, dans ce dossier, met bien en évidence l’empreinte coloniale de l’autorité préfectorale dans l’après départementalisation, cette « période trouble où se superposent les pouvoirs républicains du préfet et les attributions coloniales des gouverneurs ». Les pouvoirs exorbitants des préfets d’Outre-mer tiennent aux moyens dérogatoires au droit commun dont ils disposent et à la configuration judiciaire et administrative des DOM : absence d’indépendance de la justice locale par rapport au préfet, faible contrôle des autorités de tutelle. Dans cette période cruciale que sont les premières décennies de la départementalisation, Edenz Maurice montre toutefois que, malgré ces pouvoirs exorbitants, l’émergence d’une nouvelle élite politique guyanaise limite les capacités d’action du préfet qui perd le monopole de la représentation des intérêts de la Guyane en métropole. En raison de l’opposition qu’elle suscite, le préfet ne peut ainsi faire qu’un usage limité de l’ordonnance de 1960 qui lui permet d’éloigner des fonctionnaires de manière discrétionnaire. Les relations entre les préfets de Guyane et l’élite politique locale constituent ainsi une entrée privilégiée pour appréhender le legs colonial dans cette configuration administrative mais aussi l’effet émancipateur de la départementalisation, ce que le politique fait au colonial [18].

8En éclairant la recomposition du pouvoir des préfets, Edenz Maurice vient ainsi combler une lacune des travaux sur la décolonisation qui portent très marginalement sur sa mise en œuvre dans l’Outre-mer et sur les trajectoires de ses principaux artisans [19]. Peu de recherches se sont également intéressées aux formes prises par l’administration centrale des territoires départementalisés à partir de 1946. L’histoire du ministère des Outre-mer reste ainsi à écrire. On sait que les DOM sont d’abord de la compétence du ministère de l’Intérieur, place Beauvau, tandis que les futurs TOM relèvent aux côtés des colonies africaines du ministère de la France d’Outre-mer, rue Oudinot, ancien siège du « ministère des Colonies » [20]. Ce n’est qu’en 1959, que DOM et TOM sont réunis rue Oudinot dans un même ministère rebaptisé « ministère du Sahara et des Départements et Territoires d’Outre-mer ». De même, si l’absence de collaborations et le cloisonnement du travail entre administrateurs des DOM et des TOM sont soulignés, le profil des fonctionnaires et hauts fonctionnaires engagés dans l’administration centrale de l’Outre-mer demeure en revanche peu connu, à l’exception de travaux récents dont ce n’est pas l’objet principal [21].

Le devenir de l’exception coloniale : limites du gouvernement postcolonial des populations ultramarines

9La période qui suit la départementalisation est marquée par le mouvement international de décolonisation relayé dans les DOM grâce à l’activisme de militants domiens étudiant dans l’hexagone. La Révolution cubaine, la position de force des mouvements nationalistes locaux et, pour les Antilles et la Réunion, des partis communistes très actifs font craindre l’insurrection dans les nouveaux départements. Dans les années 1960, les mouvements autonomistes et indépendantistes ultramarins – « séparatistes » ou « sécessionnistes » selon la terminologie étatique – sont appréhendés par l’État comme une menace sur l’unité de la République, l’accession à l’indépendance des anciennes possessions françaises étant considérée comme achevée [22]. La surveillance, les mesures d’éloignement, la répression policière et par une justice d’exception [23] des mouvements politiques indépendantistes des années 1960 au début des années 1980 participent de la perpétuation de modes de disciplinarisation coloniaux des populations des DOM [24]. Cette politique répressive a toutefois des effets ambivalents. L’ampleur des mobilisations de soutien aux inculpés traduits devant la cour de sûreté de l’État contribue en effet à politiser différentes générations d’étudiants domiens et à limiter le recours à une justice d’exception [25].

10Les politiques de peuplement mises en œuvre par l’État dans les années 1960 et 1970 participent également d’une matrice coloniale du gouvernement des populations, même si elles ne revêtent pas le caractère coercitif et violent de la période coloniale [26]. L’article de Sylvain Pattieu éclaire le fonctionnement du BUMIDOM, une institution jusque-là peu étudiée [27]. Cet organisme chargé d’organiser la migration des domiens vers la France hexagonale entre 1963 et 1981, témoigne de la persistance d’un traitement spécifique par les pouvoirs publics, au-delà de l’ère coloniale, des DOM et de leurs populations. À la différence des migrations encadrées d’autres populations anciennement colonisées – travailleurs tunisiens ou marocains par exemple – qui du point de vue de l’État, sont des migrations de travail, le BUMIDOM met en œuvre une politique de peuplement. Outre l’apport d’une main-d’œuvre ouvrière dans l’hexagone, ce dispositif entend aussi « agir sur la population [28] » et limiter la croissance démographique des Antilles et de La Réunion [29] en déplaçant durablement des populations de ces territoires en métropole. Sylvain Pattieu met bien en évidence les limites et tensions internes et externes aux dispositifs : la migration organisée est très critiquée localement – Aimé Césaire parle de la « déportation des Domiens » vers la métropole et de « génocide par substitution » [30], les marges de manœuvre des agents du BUMIDOM sont faibles et l’institution peine à encadrer la population migrante installée dans l’hexagone.

11Le caractère tardif de la mise en œuvre de l’État social dans les DOM et le prolongement des institutions coloniales invite à revisiter les chronologies établies et les bornes de la décolonisation des Outre-mer. C’est aussi le mérite de l’article de Marie Salaün qui examine les limites et contradictions du rôle de l’École dans le projet officiellement présenté comme assimilationniste de l’État colonial dans les établissements français de l’Océanie sous la IIIe République. La question de l’obligation d’instruction, centrale dans les lois Ferry en contexte métropolitain, est une entrée privilégiée pour analyser les limites de la volonté assimilationniste dans la période coloniale tardive. Ce constat invite à limiter la focalisation sur la période coloniale pour saisir les origines de l’assimilationnisme scolaire contemporain. Il révèle l’importance du moment postcolonial, des transformations induites dans cette période par les essais nucléaires à partir du milieu des années 1960, pour comprendre l’alignement progressif des politiques éducatives locales sur les normes métropolitaines, à l’instar des autres territoires du Pacifique insulaire [31].

Mobiliser la « spécificité » : pluralisme juridique et politiques adaptées

12Dans la période postcoloniale, l’exceptionnalité de certains dispositifs ultramarins est devenue suspecte et illégitime parce que trop coloniale. Mais la différenciation et l’autonomisation contemporaine du droit et des normes outre-mer résultent également de mobilisations plurielles revendiquant une spécificité qu’elle soit définie comme culturelle ou locale (par rapport aux caractéristiques des territoires).

Penser les tensions républicaines autour des statuts personnels

13L’État français reconnaît un droit différencié (à des degrés variés) aux anciens indigènes [32] dans les COM et POM (Pays d’Outre-mer). Le devenir de ce droit particulier hérité de la colonisation apparaît encore aujourd’hui étroitement lié à l’autonomie politique et, à l’inverse, difficilement compatible avec la voie de l’assimilation politique. C’est ce que montrent les cas de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie, deux territoires ultramarins connaissant d’importantes évolutions statutaires.

14À Mayotte, c’est précisément autour des réformes du statut personnel et de l’état civil que se cristallisent les ambiguïtés de la départementalisation. Demeurée dans le giron français en 1976, au moment où les autres îles de l’archipel des Comores accèdent à l’indépendance, Mayotte connaît une période d’indétermination statutaire de plus de trente ans avant de devenir le cinquième DOM. Dans son article, Myriam Hachimi Alaoui revient sur les travaux parlementaires qui ont préparé l’assimilation législative dans les années 1990 et 2000. Non sans rappeler certains débats coloniaux, ces travaux ont affirmé la nécessité de réformer le statut personnel d’inspiration musulmane – désormais devenu statut civil de droit local [33] – pour le rendre « compatible » avec l’organisation du droit et de la justice d’un département français. Engagée au début des années 2000, la refonte de l’état civil apparaît également comme un préalable incontournable à la départementalisation : elle implique le renoncement des Mahorais au système traditionnel de dénomination en vigueur sur l’île. Il s’agit en effet, pour les autorités françaises, de disposer d’un état civil fiable dans un contexte de politisation de la lutte contre l’immigration irrégulière en provenance des autres îles de l’archipel des Comores. L’auteure montre que ces réformes posent très directement la question de l’inclusion dans la nationalité française puisqu’il s’agit de tracer une frontière entre les Français et les étrangers. Ces questions n’ont pourtant jamais été posées en tant que telles dans l’espace public local, l’élite politique mahoraise ayant différé ce débat du fait des incertitudes ayant longtemps pesé sur la départementalisation.

15La Nouvelle-Calédonie, malheureusement absente de ce dossier, présente à l’inverse un cas de consécration de la coutume dans le cadre des processus de rééquilibrage et de décolonisation mis en œuvre par les accords de Matignon (1988) et surtout de Nouméa (1998). La reconnaissance de l’identité kanak étant un préalable à la construction d’une citoyenneté calédonienne, les accords de Nouméa ont ainsi promu une légitimité politique proprement kanak en créant une institution néo-coutumière originale, le sénat coutumier, assemblée délibérante reconnue par l’État [34]. Depuis 1998, les prérogatives de la justice coutumière ont été étendues au sein de la justice d’État. Des assesseurs coutumiers assistent ainsi le magistrat professionnel (habituellement métropolitain) dans le cadre des affaires civiles concernant les justiciables kanak de statut personnel [35]. Cette consécration coutumière n’est toutefois pas sans faire débat en particulier sur la définition de la coutume qui s’est imposée dans les juridictions coutumières étatiques en Nouvelle-Calédonie [36].

De l’adaptation coloniale aux revendications culturelles

16Quand bien même ils ne relèvent pas du pluralisme juridique, un certain nombre de dispositifs publics mettent en œuvre des politiques adaptées au contexte pluriculturel et/ou plurilingue des DOM et POM. Comme le fait remarquer Marie Salaün, l’adaptation a été une « vieille recette » de gouvernement colonial permettant de gérer les tensions entre le centre et les périphéries de l’empire tout en maintenant les colonisés à une position dominée, en ne leur offrant pas les mêmes opportunités éducatives par exemple [37]. Depuis les années 1970, la revendication de dispositifs publics adaptés aux cultures locales (en particulier d’éducation pluriculturelle et bilingue) s’inscrit dans une toute autre perspective politique : celle d’une décolonisation des institutions étatiques revendiquée cette fois par les mouvements d’émancipation kanak, amérindiens, polynésiens et, dans une moindre mesure, en ce qui concerne les langues, par les mouvements autonomistes ou indépendantistes antillais et guyanais [38].

17L’adaptation de l’action publique y est légitimée selon trois types de registre : une dimension culturelle et patrimoniale (institutionnaliser des éléments culturels ou linguistiques considérés comme menacés pour les protéger), une dimension politique (asseoir les revendications d’autonomie ou d’indépendance) et une dimension managériale (améliorer l’efficacité des dispositifs publics) [39]. L’État français a concédé de tels dispositifs dans trois domaines : la protection de zones foncières dédiées à l’habitat et aux usages traditionnels des Amérindiens et Businenge [40] en Guyane, la reconnaissance des autorités traditionnelles (création en Guyane d’un conseil consultatif des populations amérindiennes et businenge, création du sénat coutumier et d’une justice coutumière étatique en Nouvelle-Calédonie) et l’introduction d’enseignement en langue locale ou d’éducation bilingue (Nouvelle-Calédonie [41], Polynésie [42], Guyane [43]). Les sciences sociales ont eu un rôle central dans la légitimation, la conception et la mise en œuvre de ce type de dispositifs. Les études et outils élaborés par les anthropologues (identification et description de savoirs autochtones) et linguistes (fixation de la graphie, élaboration de dictionnaire) légitiment les revendications de reconnaissance des langues, des cultures et territoires autochtones et fournissent des instruments pour mettre en œuvre ces dispositifs adaptés [44] et les évaluer [45].

18Aucun article de ce dossier n’aborde centralement ce type de dispositif, mais leur évocation permet de saisir les multiples déclinaisons des plaidoyers pour l’adaptation dans les Outre-mer et leur degré de politisation. Ici, les dispositifs adaptés sont explicitement associés à des groupes ethniques (kanak, polynésiens, amérindiens) et articulés à des luttes de décolonisation principalement formulées dans le registre des droits des peuples autochtones. L’État semble toutefois plus réticent à les concéder dans les DOM, comme le montre le cas de la Guyane, où les adaptations des dispositifs institutionnels et administratifs à la réalité sociale des Amérindiens et des Businenge sont réalisées dans les marges du droit [46]. Même si elle a adopté la Déclaration des droits des peuples autochtones aux Nations unies, la France défend en effet depuis les années 1980 une acception restreinte des droits autochtones [47].

La « spécificité » ultramarine comme catégorie d’action publique

19Dans le cas des DOM, les revendications culturelles et identitaires, très vives dans les décennies suivant la départementalisation et articulées à des demandes plus ou moins fortes d’autonomie politique, ont aujourd’hui laissé la place à des demandes d’adaptation des dispositifs publics au nom d’une « spécificité » ultramarine beaucoup moins politisée. Ces demandes témoignent de la formation d’un espace social élitaire spécialisé dans la représentation des populations ultramarines comme dans la gestion politico-administrative de ces territoires. Comme le montrent Willy Beauvallet, Audrey Célestine et Aurélie Roger dans ce dossier, cet espace social élitaire rassemble des « entrepreneurs politiques et sociaux des Outre-mer » – représentants d’organisations patronales, responsables associatifs, grands élus locaux, hauts-fonctionnaires ou collaborateurs d’élus – partageant un intérêt commun à l’institutionnalisation de l’Outre-mer comme catégorie bureaucratique d’action publique et à la naturalisation par l’État central de la « spécificité » des Outre-mer.

20L’article 73 de la Constitution qui autorise depuis 2003 les collectivités des DOM à demander, sous réserve d’une « spécificité locale », des adaptations du droit dans des domaines non liés aux matières régaliennes a considérablement renforcé l’autonomisation d’instances politico-administratives spécialisées dans la gestion et la représentation des Outre-mer. Les luttes de définition autour des contours et du contenu à donner à ces « spécificités locales [48] » de même que les débats sur les formes que devraient prendre l’action publique dans les DOM (plus proche des usagers, mieux adaptée aux réalités locales) y prennent ainsi la forme de discussions institutionnelles très techniques auxquelles se mêlent, de façon intermittente, des prises de positions sur l’identité collective des populations locales [49].

21La mise en place de politiques dérogatoires, en particulier dans le domaine économique et fiscal, est justifiée par cette spécificité en même temps qu’elle la construit et la donne à voir. L’octroi de mer, une taxe indirecte appliquée dans les DOM censée protéger la production locale a, par exemple, été l’objet de nombreuses discussions à haut degré de technicité juridique. Ces questions sont très largement investies par les groupes d’intérêt patronaux au niveau local, national et européen et l’action de ces derniers est particulièrement importante dans la définition et la construction des « intérêts » des Outre-mer [50]. Tant sur la question institutionnelle que sur celle des politiques économiques appliquées aux territoires outre-mer, la traduction en termes techniques (expertise économique, ajustement institutionnel) entraîne la dépolitisation des enjeux liés à l’adaptation dans les Outre-mer.

Relation administrative, rapport à l’État et pratiques adaptées

22Peu de publications ont été consacrées à la manière dont l’État s’incarne concrètement dans les territoires ultramarins. Les travaux des politistes sur les questions statutaires ont en effet relativement laissé en friche la sociologie des pratiques administratives et des rapports des habitants à l’État dont se sont saisis d’autres disciplines. L’apport de la socio-linguistique en particulier est important dans ce domaine, l’étude des pratiques langagières dans les administrations se révélant particulièrement utile pour analyser la relation administrative, les rapports de domination et les pratiques d’adaptation des agents au contexte plurilingue des DOM et POM [51].

Appréhender la racialisation des pratiques et relations administratives

23Par rapport à la sociologie des relations de guichet en France hexagonale qui apprécie surtout la domination administrative en termes de classe, même si elle évoque sa dimension racialisée [52], les analyses de la relation administrative Outre-mer sont très attentives à sa dimension ethnique ou raciale et linguistique [53]. La sociologie, la socio-linguistique et l’anthropologie de différentes institutions étatiques (école, hôpital [54]) dans les Outre-mer ont souligné les processus d’étiquetage des patients et élèves issus des groupes migrants ou des groupes locaux minorisés et les effets discriminatoires de ces catégorisations ethniques sur les pratiques professionnelles des agents de l’État [55]. À l’école, les enseignants distinguent ainsi les élèves francophones et non francophones en fonction de leur communauté d’origine sans rapport avec la pratique linguistique réelle des enfants. Ces catégorisations ethnico-linguistiques hiérarchisent le public scolaire, les francophones étant supposés acquérir plus facilement des compétences écrites que les allophones dont la tradition orale est considérée comme un handicap scolaire [56]. Les étrangers faisant l’objet dans les Outre-mer d’un traitement encore plus répressif qu’en métropole [57], ces travaux ont mis en évidence la manière dont le critère de la nationalité pèse sur le traitement administratif de certains groupes et vient complexifier les hiérarchies entre les groupes héritées de la période coloniale [58]. La domination administrative fondée sur la situation de dépendance des usagers et la contrainte administrative redoublent ainsi des écarts de position en vigueur dans l’espace social. Les pratiques langagières telles que le refus des agents de parler les langues locales dont ils sont parfois locuteurs constituent par exemple une manière de signifier leur distance sociale aux administrés et la hiérarchie sociale des langues. Cette domination linguistique renforce la domination institutionnelle des usagers et limite leurs possibilités de résistance [59]. Même si la domination linguistique est présente en métropole, elle est toutefois accrue Outre-mer par le contexte plurilingue.

24Comme ont pu le montrer Vincent Dubois ou Yasmine Siblot à propos de différents services administratifs dans l’hexagone (CCAS, Poste, services municipaux), la domination bureaucratique n’est jamais standardisée, et les registres de relations varient en fonction des positions et carrières des agents [60]. Si ces processus sont connus par les travaux devenus classiques menés en métropole, les travaux menés Outre-mer, parce qu’ils intègrent plus systématiquement à l’analyse les dimensions ethniques ou raciales, permettent de complexifier la prise en compte des propriétés sociales des agents et des usagers en jeu dans ces formes de domination administrative [61]. Ainsi, les relations de domination dans les administrations ne s’exercent pas qu’entre agents issus des groupes dominants et usagers des groupes minorisés. Benoît Trépied met bien en évidence que, lors des audiences judiciaires coutumières en Nouvelle-Calédonie, les justiciables kanak pour la majorité de jeunes femmes urbaines se trouvent fortement dominées à la fois par le juge métropolitain mais aussi par les assesseurs coutumiers kanak, des hommes âgés et ruraux. Le juge et les assesseurs imposent au sein du tribunal un schéma de la parenté kanak légitime (une parenté élargie au clan et une paternité sociale et non biologique) éloignée des pratiques et représentations de la parenté des jeunes kanak qui s’organisent davantage autour de la famille nucléaire et de la paternité biologique [62].

L’adaptation en pratique

25Finalement la question de l’adaptation aux contextes culturels et plurilingues des DOM très présente dans les débats publics paraît souvent délaissée en pratique par les administrations et laissée aux agents. Ainsi les efforts d’adaptation, en particulier en Guyane, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, reposent surtout sur le personnel subalterne souvent non-titulaire issu des groupes locaux minorisés et sur les usagers. En raison de la faiblesse des dispositifs institutionnels, les pratiques plurilingues des agents de catégorie B et A (apprentissage d’une langue locale, alternance de langue) pour pallier les problèmes de communication et les malentendus sont limitées. L’étude des interactions langagières entre soignants et soignés à Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane française) où des soignants en majorité métropolitains ou créoles prennent en charge des patients qui pour la plupart ne parlent pas le français (80 % de non locuteurs) et sont en majorité businenge (environ 60 % de locuteurs de langues businenge) montre que ce sont les personnels de catégorie C – aide-soignant.e, brancardier – le patient et sa famille qui permettent une interlocution minimale. Il n’existe en effet pas de politiques linguistiques de l’hôpital : les indications écrites plurilingues sont réduites à l’énonciation des interdits et les personnels ne sont pas formés aux langues locales. Dans leurs pratiques langagières réelles, les soignants se livrent surtout à un bricolage linguistique : constitution d’un vocabulaire limité et approximatif en langues locales, usage de langue de proximité – l’espagnol pour s’adresser à des Brésiliens, le créole guyanais pour s’adresser à des Haïtiens [63].

26Plus largement et outre les questions linguistiques, la gestion de l’écart entre les catégories juridiques et bureaucratiques et les pratiques et modes de vie des administrés [64] relève le plus souvent d’un bricolage des agents et d’un raisonnement par proximité. Ainsi les différents acteurs de la chaîne judicaire mettent en œuvre des procédures de délégation d’autorité parentale pour formaliser des adoptions coutumières qui n’existent pas en droit français [65]. Même lorsqu’il existe des dispositifs adaptés, leur mise en œuvre pratique varie fortement en fonction de la position des agents et de la manière dont ils perçoivent les usagers. Ainsi les heures d’enseignement en langue locale ou d’histoire locale intégrée aux programmes scolaires en Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et dans une moindre mesure dans les DOM sont inégalement effectuées par les enseignants [66]. Dans une perspective intersectionnelle, Estelle Carde montre en revanche que certaines sous-catégories de groupes minorisés telles que les femmes enceintes haïtiennes séropositives sont susceptibles de faire l’objet d’une compassion différentielle et d’un traitement adapté de la part de l’institution hospitalière, réduisant pour partie les difficultés d’accès aux soins [67]. On retrouve dans cette période postcoloniale le constat établi par Marie Salaün sur les aléas de l’administration scolaire locale dans une situation impériale où se teste en permanence l’autonomie des normes et des pratiques. Comme le terrain colonial, l’administration outre-mer apparaît comme un « espace d’élaboration de réponses situées de la part de l’État ».

Rapport à l’État et organisation sociale locale

27Rares sont les travaux qui appréhendent l’État outre-mer à partir des usagers eux-mêmes et les processus d’appropriations des dispositifs publics par les agents sociaux. L’intérêt de ces travaux en Outre-mer est d’envisager les institutions étatiques d’une manière extrêmement dynamique et relationnelle. En effet, l’État – ses représentants, ses dispositifs et catégories administratives – sont porteurs de normes sociales qui entrent en conflit et viennent redéfinir d’autres normes locales [68]. L’écart entre les dispositifs étatiques et les modes de vie des populations concernées est parfois tel que se joue dans la rencontre administrative des processus d’adaptation réciproque qui transforment les institutions comme les usagers.

28En Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Guyane et à Mayotte, une série de travaux s’intéressent au rapport des Kanak, des Polynésiens, des Businenge et des Mahorais au droit et à la justice sur des questions d’état civil [69], d’affaires foncières [70], de violences conjugales [71] ou encore des affaires familiales relevant de la justice coutumière ou de la justice de droit commun [72]. Ces perspectives sont intéressantes car elles inscrivent le recours à la justice française (de droit commun ou coutumière) dans l’organisation sociale locale et dans les rapports de domination au sein des groupes minorisés. Dans le contexte d’un fort changement social affectant ces différents groupes, ces travaux montrent la capacité de certains justiciables au sein de ces groupes minorisés à user du droit pour atténuer des rapports sociaux inégalitaires. Certaines femmes businenge peuvent ainsi saisir la justice aux affaires familiales pour s’autonomiser du père de leurs enfants, d’autres « accommodent droit traditionnel et droit français » en s’arrangeant de la polygamie de leur conjoint [73]. Ces travaux mettent aussi en lumière les tensions au tribunal entre différentes conceptions des normes conjugales, parentales et sociales au sein de ces groupes [74].

29En dehors de ces travaux sur la justice, peu de travaux ont été réalisés du côté des usagers [75]. C’est tout l’apport des travaux de Clémence Léobal, de Marie Salaün et Sylvain Pattieu dans ce dossier. Marie Salaün montre que le rapport des élèves à l’école en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie a surtout été abordé sur le mode du handicap des élèves et des obstacles culturels à la bonne scolarisation [76]. À l’opposé, sa perspective consiste à inscrire le rapport des élèves et la résistance à l’école dans l’histoire longue de la scolarisation, de l’obligation scolaire et du rapport à l’école des familles polynésiennes. À partir des riches archives du BUMIDOM, Sylvain Pattieu objective l’écart entre les attentes de l’État qui cherchent à répartir les populations migrantes dans l’ensemble du territoire et leurs pratiques de regroupement en région parisienne. En outre, il dispose des lettres des migrants du BUMIDOM, ces « hidden transcripts[77] » qui permettent de restituer leurs points de vue et stratégies vis-à-vis de cette institution. Clémence Léobal offre, elle, une analyse microsociologique du rapport des demandeuses de logement social businenge à l’État. Celles-ci perçoivent les aides de l’État comme « données » et non seulement comme des « droits » ou des « aumônes ». Elles développent un « sens pratique des institutions [78] » et des tactiques pour échapper au stigmate de la passivité associée aux « assistés » en faisant la démonstration de leurs efforts et de leur volontarisme, en devenant comme ailleurs de « bons pauvres ». Dans un cas comme dans l’autre, ces perspectives permettent d’appréhender les jeux des usagers avec les règles institutionnelles et leur possibilité de « subversion de l’ordre bureaucratique ». En raison des écarts déjà mentionnés entre les catégories bureaucratiques et les modes de vie des populations ultramarines, on peut d’ailleurs s’étonner de l’absence de travaux scientifiques sur la fraude alors que de telles recherches existent sur la métropole [79] et que cette question est omniprésente dans les discours publics et institutionnels outre-mer.

30Ce dossier entend en définitive contribuer à la sociologie historique de l’État outre-mer en éclairant certaines des configurations administratives des DOM et COM, mais aussi en identifiant des chantiers de recherche en cours et des zones d’ombre. L’État outre-mer constitue une entrée privilégiée pour penser les tensions entre le modèle républicain assimilationniste et la prise en compte d’une diversité de situations locales qui s’écartent des normes administratives, en particulier par leur caractère multiculturel. Plus que l’idée d’un laboratoire souvent invoqué à propos des colonies comme des Outre-mer, les situations ultramarines – elles-mêmes très diversifiées – mettent à l’épreuve les limites du modèle universaliste d’une administration indifférenciée. Derrière l’image stéréotypée d’une administration française uniforme et imperméable aux contextes locaux, les différents articles de ce dossier dévoilent des processus variés d’autonomisation des normes et des pratiques locales. De ce point de vue, l’analyse de l’État outre-mer paraît extrêmement heuristique pour la sociologie de l’État en général et pour penser des situations métropolitaines qui, à bien des égards, manifestent également ces tensions.

Notes

  • [1]
    Ce mouvement a débuté en Guyane en novembre 2008, puis les mobilisations se sont surtout intensifiées en Guadeloupe et en Martinique de janvier à mars 2009. La lutte contre la « profitation » est devenue le slogan phare de ce mouvement, contestant les profits réalisés par les sociétés qui importent dans les DOM les denrées de base. En Martinique comme en Guadeloupe, ce sont principalement les patrons békés et métropolitains qui ont été accusés de profiter, réactivant de fait les frontières raciales forgées pendant le moment colonial.
  • [2]
    Math (A.), « Mayotte. Nouveau département, conflit social majeur : la révolte contre la vie chère », Chroniques internationales de l’IRES, 134, 2012.
  • [3]
    Mayotte a, en outre, connu un nouvel épisode de contestation sociale en 2016, axé sur la dénonciation des inégalités de traitement entre agents mahorais et métropolitains dans la fonction publique.
  • [4]
    Larcher (S.), « Les Antilles françaises ou les vestiges de l’Empire ? Les aléas d’une citoyenneté sociale outre-mer », La Vie des idées, février 2009. http://www.laviedesidees.fr/Les-Antilles-francaises-ou-les.html
  • [5]
    Cf. Cooper (F.), Stoler (A.), eds, Tensions of Empire, Colonial Cultures in a Bourgeois World, Berkeley, University of California Press, 1997 et Burbank (J.), Cooper (F.), « Empire, droits et citoyenneté de 212 à 1946 », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 63 (3), 2008.
  • [6]
    L’Outre-mer a été officiellement pluralisé en 2009 au moment de l’adoption du « Projet de loi pour le développement économique des Outre-mer » où la mise au pluriel a fait débat sur les bancs de l’Assemblée nationale, Grillot (T.), Larcher (S.), « Outre-mer : la République en sa diversité », La Vie des idées, mai 2012. http://www.laviedesidees.fr/Outre-mer-la-Republique-en-sa.html. Le pluriel (mais sans s) a ensuite été pérennisé par la redénomination du ministère de l’Outre-mer en ministère des Outre-mer en 2012. Outre-mer s’écrit avec une majuscule lorsqu’il s’agit d’un nom propre (la France d’Outre-mer, le ministère des Outre-mer) et en minuscule lorsqu’il s’agit d’un adjectif (État outre-mer). Dans cet article, nous respecterons la chronologie institutionnelle de cette pluralisation : singulier avant 2009 puis pluriel.
  • [7]
    Dimier (V.), « For a Republic “Diverse and Indivisible” ? Experience from the Colonial Past », Journal of Contemporary European History, 13 (1), 2004 ; Dimier (V.), « De la France coloniale à l’Outre-mer », Pouvoirs, 113, 2005.
  • [8]
    Cette distinction est instituée dans l’article 82 de la Constitution de 1946 et prolongée dans l’article 75 de la Constitution de 1958. Les Mahorais, les Kanak et les Wallisiens-et-Futuniens continuent ainsi à bénéficier de statuts personnels distincts du code civil commun, les Polynésiens ayant quant à eux conservé un code de procédure civile spécifique distinct du code commun.
  • [9]
    Hajjat (A.), Les frontières de l’« identité nationale » : l’injonction à l’assimilation en France métropolitaine et coloniale, Paris, La Découverte, 2012 ; Mam-Lam-Fouck (S.), Histoire de l’assimilation : des vieilles colonies françaises aux départements d’Outre-mer : la culture politique de l’assimilation en Guyane et aux Antilles françaises (XIXe et XXe siècles), Matoury (Guyane), Ibis rouge, 2006.
  • [10]
    Damoiseau (N.), « Les avancées et les revers de la révision constitutionnelle en Outre-mer. Simple réajustement du corset juridique ou esquisse d’un desserrement progressif ? », Pouvoirs dans la Caraïbe, 15, 2007.
  • [11]
    La loi d’orientation Outre-mer de 2000 évoque la « situation particulière » et les « handicaps structurels contraignant (le) développement économique » des territoires ultramarins, quand les textes européens fondent également la spécificité de ces territoires sur un certain nombre de critères : leur faible superficie, leur relief, le climat difficile, la dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits.
  • [12]
    Ce dossier ne traite pas en revanche pas de la spécificité des territoires d’Outre-mer. Pour une bonne synthèse sur cette question, cf. Lemercier (É.), Muni Toke (V.), Palomares (É.), « Les Outre-mer français. Regards ethnographiques sur une catégorie politique », Terrains & travaux, 24 (1), 2014.
  • [13]
    Spire (A.), Étrangers à la carte : l’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005 ; De Barros (F.), « Contours d’un réseau administratif “algérien” et construction d’une compétence en “affaires musulmanes”. Les conseillers techniques pour les affaires musulmanes en métropole (1952-1965) », Politix, 76, 2006 ; Meimon (J.), « Culte du terrain à la rue Monsieur. Les fonctionnaires de la France d’Outre-mer et de la coopération », Afrique contemporaine, 236 (4), 2010.
  • [14]
    Constant (F.), Daniel (J.), dir., Cinquante ans de départementalisation outre-mer, Paris, L’Harmattan, 1997.
  • [15]
    Michalon (T.), Entre assimilation et émancipation. L’Outre-mer français dans l’impasse, Rennes, Les Perséïdes, 2006, en particulier la contribution à cet ouvrage de M. Giraud : « Sur l’assimilation : les paradoxes d’un objet brouillé ».
  • [16]
    Lubin, (B.-F.), « Les méandres de la politique sociale aux Antilles », in Constant (F.), Daniel (J.), dir., op.cit. ; Gautier (A.), « Le long chemin vers l’égalité des droits sociaux pour tous les Français. », Informations sociales, 6, 2014.
  • [17]
    Finch-Boyer (H.), « Des Français comme les autres ? Distinctions raciales et citoyenneté sociale à La Réunion (1946-1963) », Genèses, 95 (2), 2014.
  • [18]
    Sur les transformations des institutions et rapports de force politique locaux consécutifs à l’accès à la citoyenneté des anciens sujets coloniaux, cf. également Soriano (É.), La fin des indigènes en Nouvelle-Calédonie. Le colonial à l’épreuve du politique (1946-1976), Paris, Karthala, 2013 ; Trépied (B.), Une mairie dans la France coloniale. Koné, Nouvelle-Calédonie, Paris, Karthala, 2010.
  • [19]
    Les travaux sur la décolonisation et l’administration portent sur la reconversion d’anciens fonctionnaires coloniaux mais ne concernent que très marginalement ceux ayant fait carrière dans les futurs DOM et TOM. Dimier (V.), « De la France coloniale à l’Outre-mer », Pouvoirs, 113, 2005 et Dimier (V.), « De la décolonisation… à la décentralisation. Histoire de préfets “coloniaux” », Politix, 53 (14), 2001.
  • [20]
    Belorgey (G.), « Le ministère de l’Outre-mer : les raisons de la permanence et les besoins de réforme », Revue française d’administration publique, 101, 2002, p. 85.
  • [21]
    Mary (S.), « La genèse du service militaire adapté à l’Outre-mer. Un exemple de rémanence du passé colonial dans la France des années 1960 », Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, 132, 2016.
  • [22]
    Sainton (J.-P.), La décolonisation improbable. Cultures politiques et conjonctures en Guadeloupe et en Martinique (1943-1967), Pointe-à-Pitre, Éditions Jasor, 2012.
  • [23]
    L’activité de la cour de sûreté de l’État concernant les DOM est relativement faible : moins de trente inculpés sur près de cinq mille en dix-huit ans. Toutefois le glissement de la justice ordinaire à la justice politique outre-mer est encore plus dérogatoire qu’il ne l’est en métropole, l’extension aux DOM-TOM de la compétence de la cour de sûreté de l’État s’étant réalisée en dehors de tout cadre légal. Codaccioni (V.), Justice d’exception. L’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS Éditions, 2015, p. 179-182.
  • [24]
    La commission Stora, première commission historique sur des événements post-coloniaux a récemment rendu son rapport sur les violences d’État en Outre-mer dans les années 1960 et sur les enjeux mémoriels que soulèvent encore aujourd’hui ces violences : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/164000717/
  • [25]
    Pour la Guyane, Guyon (S.), « Des marges ultra-marines de la République au parlement : trajectoires de députées guyanaises », Parlements, 19, 2013.
  • [26]
    Outre la migration des domiens vers la métropole et selon un flux inverse, l’État met en œuvre des politiques de peuplement pour mettre en valeur le territoire guyanais jusqu’en 1975 dans le cadre de l’économie de plan. La population locale créole se tournant vers les emplois publics, le BUMIDOM, même s’il y échoue, est chargé de recruter des migrants en métropole et en Europe et de les implanter en Guyane. Piantoni (F.), « La question migratoire en Guyane française », Hommes et migrations, 1278, 2009. En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement français encourage les migrations métropolitaines dans le but explicite de minoriser les Kanak et d’empêcher toutes velléités d’indépendance (circulaire Messmer du 19 juillet 1972), Freyss (J.), Économie assistée et changements social en Nouvelle-Calédonie, Paris, PUF, 1995, p 199.
  • [27]
    Parmi les travaux consacrés à cette institution, on peut noter Milia (M.), « La grande migration des Antillais en France ou les années BUMIDOM », Dynamiques migratoires de la Caraïbe 6, 2007 et le travail en cours du groupe GARP (Générations d’Antillais en région parisienne) basé à l’ENS [http://www.sciences-sociales.ens.fr/GARP.html].
  • [28]
    Desage (F.), Morel-Journel (C.), Sala Pala (V.), « Introduction générale. Couvrez ce dessein que nous ne saurions voir ? », in Desage (F.), Morel-Journel (C.), Sala Pala (V.), dir., Le Peuplement comme politiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • [29]
    Pour La Réunion, signalons aussi la politique de transfert d’enfants réunionnais dans la Creuse. Vitale (P.), « Le transfert des mineurs réunionnais (1963-1981). Un épisode de l’histoire de la France postcoloniale », Diversité, 178, 2014.
  • [30]
    Cette formule renvoie aux migrations croisées entre la métropole et les Antilles, de nombreux cadres venus de France hexagonale s’installant aux Antilles, alors que des milliers d’Antillais quittent ces territoires. Elle a été reprise en Guyane pour qualifier la migration vers le territoire de migrants européens.
  • [31]
    Salaün (M.), Décoloniser l’école ? Hawai’i, Nouvelle-Calédonie. Expériences contemporaines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
  • [32]
    Trépied (B.), « Une nouvelle question indigène outre-mer ? », La Vie des idées, 2012 [en ligne : http://www.laviedesidees.fr/Une-nouvelle-questionindigene.html], cf. également Guyon (S.), Trépied (B.), Genèses, dossier « Outre-Mers Indigènes », 91, 2013.
  • [33]
    Selon l’anthropologue Sophie Blanchy et le magistrat Yves Moatty, le statut civil de droit local, s’il n’a pas été supprimé, se trouve désormais vidé de sa substance. Blanchy (S.), Moatty, (Y.), « Le droit local à Mayotte : une imposture ? », Droit et Société, 80, 2012.
  • [34]
    Ces évolutions s’inscrivent dans une perspective politique très différente des revendications portées par le Front national de libération kanak et socialiste (FLNKS) pour lequel la décolonisation passe avant tout par l’indépendance et beaucoup plus marginalement par la promotion d’institutions kanak propres. Demmer (C.), Trépied (B.), dir., La coutume kanak dans l’État. Perspectives coloniales et postcoloniales sur la Nouvelle-Calédonie, Paris, L’Harmattan, coll. « Cahiers du Pacifique Sud contemporain », 2017.
  • [35]
    Trépied (B.), « Urban Kanak Parents on Customary Trial: An Ethnography of the Customary Family Court of Nouméa, New Caledonia. », City & Society, 28 (1), 2016.
  • [36]
    Cette conception de la coutume portée par des juristes et magistrats métropolitains renforce considérablement l’asymétrie des rapports sociaux au sein du groupe kanak. Demmer (C.), Salomon (C.), « Droit coutumier et indépendance kanak », Vacarme, 64.
  • [37]
    Salaün (M.), « Adapter l’école… ou en finir avec l’Outremer ? », Diversité, 178, 2014.
  • [38]
    Maurice (E.), « L’adaptation de l’enseignement scolaire en situation post-coloniale. Créolisation et identité nationale au prisme des enseignants en Guyane de 1945 à la fin des années 1970 », in Legris (P.), Dubois (J.), dir., Les disciplines scolaires. Miroirs des évolutions contemporaines de la nation ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes (à paraître).
  • [39]
    Salaün (M.), « Adapter l’école… », op. cit.
  • [40]
    Ou Noirs-marrons, sur les différents groupes composant la population guyanaise, cf. l’article de C. Léobal dans ce dossier.
  • [41]
    Minvielle (S.), dir., Le système éducatif calédonien à l’heure du destin commun, Nouméa, Presses de l’Université de la Nouvelle-Calédonie, 2017 (à paraître).
  • [42]
    Baronnet (B.), Salaün (M.), « Introduction. Éducations autochtones contemporaines. Entre droit international et expériences communautaires », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 15, 2016.
  • [43]
    Initié par des linguistes de l’IRD en 1997, l’Éducation nationale a mis en œuvre un dispositif permettant de recruter et de former des médiateurs culturels et bilingues issus des groupes amérindiens, noirs-marrrons et hmongh de manière à assurer une présence de la langue maternelle dans les petites classes.
  • [44]
    Sur le rôle de légitimation et d’instrumentation des sciences sociales dans l’élaboration des politiques publiques en Guyane, voir Guyon (S.), « Des “primitifs” aux “autochtones”. Savoirs ethnologiques et politiques publiques en Guyane de 1946 à nos jours », Genèses, 91, 2013, plus largement, L’Estoile (B.), Le goût des autres, Paris, Flammarion, 2000.
  • [45]
    Salaün (M.), Vernaudon (J.), « Décoloniser la recherche, pratiquer la recherche en contexte de décolonisation : retours d’expérience sur la promotion d’une école plurilingue. Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, 2002-2012 », in Fillol (V.), Le Meur (P.-Y.), dir., Terrains océaniens : enjeux et méthodes, Paris, L’Harmattan, 2014.
  • [46]
    Filoche (G.), « Les Amérindiens de Guyane française, de reconnaissances disparates en bricolages juridiques. L’exemple des Kali’na d’Awala-Yalimapo », Journal de la société des américanistes, 97 (2), 2011.
  • [47]
    Bellier (I.), « Usages et déclinaisons internationales de l’“autochtonie” dans le contexte des Nations unies », in Gagné (N.), Martin (T.), Salaün (M.) dir., Autochtonies, vues de France et du Québec, Québec, Presses de l’Université de Laval, 2009.
  • [48]
    Zander (U.), « Le congrès des élus départementaux et régionaux et l’ambiguïté des revendications statutaires. La “dignité” comme projet–débat statutaire et limites de la politique locale à la Martinique », Pouvoirs dans la Caraïbe, 15, 2007.
  • [49]
    Daniel (J.), « Guyane et Martinique : enjeux et défis de la collectivité unique. », Informations sociales, 6, 2014.
  • [50]
    Vitalien (C.), « Les régions ultrapériphériques entre assimilation et différenciation », Revue française d’administration publique, 1, 2002 ; Célestine (A.), Roger (A.), « Un enjeu mineur en campagne ? L’Outre-mer dans l’élection présidentielle de 2012 », in Courty (G.), Gervais (J.), dir., Le Lobbying électoral. Groupes en campagnes présidentielles, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016.
  • [51]
    Sur l’apport de la socio-linguistique à l’analyse des rapports sociaux, cf. Léobal (C.), « Penser les catégorisations sociales à l’aide de la linguistique interactionnelle », Genèses, 102 (1), 2016.
  • [52]
    Dubois (V.), La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 1999 ; Siblot (Y.), Faire valoir ses droits au quotidien. Les services publics dans les quartiers populaires, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.
  • [53]
    Cela tient à l’organisation sociale de ces territoires dans lesquelles les appartenances et hiérarchies ethniques héritées de la période coloniale s’imposent avec vigueur et sans doute aux différences de socialisation scientifique des chercheurs travaillant sur la métropole et sur les Outre-mer, ces derniers s’inscrivant massivement dans le champ des études migratoires ou coloniales dans lesquelles les questions raciales sont centrales.
  • [54]
    En raison de l’importante demande institutionnelle et des opportunités de financement, les études des sociologues et socio-linguistes se sont principalement portées sur le système de soins, en particulier sur la prise en charge des patients séropositifs, et le système éducatif.
  • [55]
    Haïtiens en Guyane, Guadeloupe et Saint-Martin, Businenge et Amérindiens en Guyane, Comoriens à Mayotte, Musso (S.), Sakoyan (J.), Mulot (S.), « Migrations et circulations thérapeutiques : odyssées et espaces », Anthropologie & Santé, 5, 2012 ; Carde (E.), « Quand le dominant vient d’ailleurs et l’étranger d’ici : l’accès aux soins en Guyane au prisme de la double altérité », Autrepart, 55 (3), 2010. Mulot (S.), « Relations de soin, cultures et inégalités de santé. Les soignants de Guadeloupe face aux migrants haïtiens séropositifs », Terrains & travaux, 24 (1), 2014 ; Benoît (C.), Au cœur des ténèbres de la Friendly Island. Migration, culture et sida à Saint-Martin, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2015.
  • [56]
    Vernaudon (J.), Fillol (V.), Vers une école plurilingue dans les collectivités françaises d’Océanie et de Guyane, Paris, L’Harmattan, 2009 ; Alby (S.), Léglise (I.), « L’enseignement en Guyane et les langues régionales : réflexions sociolinguistiques et didactiques », Marges linguistiques, 2005.
  • [57]
    De nombreux travaux attestent de l’exceptionnalité du traitement des étrangers dans les Outre-mer, en matière de rétention et de reconduite à la frontière comme d’accès aux droits, Benoît (C.), « Un domaine de dérogation. Les Outre-mers », in Cette France-là, La Découverte, 2009 ; Pommerolle (M-E.), « L’administration des étrangers en Guyane française : les jeux autour de la légalité en situation postcoloniale », Droit et société, 85, 2013 ; Sakoyan (J.), Grassineau (D.), « Des sans-papiers expulsés à leurs enfants “isolés” : les politiques migratoires de la départementalisation à Mayotte », in Vitale (P.) dir., Mobilités ultramarines, Paris, éditions des Archives contemporaines, 2015.
  • [58]
    C’est le cas pour les Businenge de Guyane étudiés dans ce dossier par Clémence Léobal. Cf. également Hachimi Alaoui (M.), Lemercier (É), Palomares (É.), « Reconfigurations ethniques à Mayotte », Hommes et migrations, 1304, 2013.
  • [59]
    Léglise (I.), « Environnement graphique, pratiques et attitudes linguistiques à l’hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni », in Léglise (I.), Migge (B.), dir., Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : regards croisés, Paris, IRD Éditions, 2007.
  • [60]
    Mulot (S.), « Relations de soin, cultures et inégalités de santé. Les soignants de Guadeloupe face aux migrants haïtiens séropositifs », Terrains & travaux, 24 (1), 2014.
  • [61]
    Il en est de même dans les travaux américains, Watkins-Hayes (C.), The New Welfare Bureaucrats. Entanglements of Race, Class, and Policy Reform, Chicago, University of Chicago Press, 2009.
  • [62]
    Trépied (B.), “Urban Kanak Parents on Customary Trial: An Ethnography of the Customary Family Court of Nouméa, New Caledonia”, City and society, 28 (1), 2016.
  • [63]
    Léglise (I.), « Environnement graphique, pratiques et attitudes linguistiques à l’hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni », in Léglise (I.), Migge (B.), dir., Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : regards croisés, Paris, IRD Éditions, 2007.
  • [64]
    Les mêmes processus ont été relevés concernant le rôle d’agentes mahoraises de catégorie B qui instruisent les demandes de logement social au sein des services de l’État. Condro (M.), Girard (V.), Palomares (E.), « How to Identify and Select Citizens Entitled to Social Housing in a Postcolonial Situation ? Administrative Agents Facing Bureaucratic Norms in a French Overseas Departement », in Barrault-Stella (L.), Weill (P.-E.), eds, Creating Target Publics for Welfare Policies. A Comparative and Multilevel Approach, Berlin, Springer, 2017 (à paraître).
  • [65]
    Guyon (S.), « Justices familiales en pratique : justice coutumière, justice étatique et organisation sociale amérindienne et noirs-marrons en Guyane », communication au colloque CASCA, Québec, Université Laval, 14 mai 2015.
  • [66]
    Sur la comparaison des pratiques des enseignants dans des établissements bénéficiant du dispositif des intervenants en langue maternelle, cf. Alby (S.), Léglise (I.), Pratiques et attitudes linguistiques des enseignants. La gestion du plurilinguisme à l’école en Guyane, in Nocus (I.), Vernaudon (J.), Paia (M.), dir., L’école plurilingue en Outre-mer. Apprendre plusieurs langues, plusieurs langues pour apprendre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • [67]
    Carde (E.), « Adapter les pratiques médicales au terrain : maternité et VIH en Guyane et à Saint-Martin », Santé publique, 23 (6), 2011.
  • [68]
    Ces processus sont évidemment également présents en métropole, la spécificité des situations ultramarines tient à l’ampleur des écarts entre les pratiques et modes de vie des administrés et les normes administratives élaborées pour le contexte métropolitain.
  • [69]
    Benoît (C.), « Pampila et politique sur le Maroni : de l’état civil sur un fleuve frontière », Revue d’histoire de la justice, 26 (1), 2016. Blanchy (S.), « Mayotte, entre ancien et nouveau droit local : double discours sur des pratiques occultées ou requalifiées », Ethnologie française, (à paraître).
  • [70]
    Naepels (M.), Histoires de terres kanakes. Conflits fonciers et rapports sociaux dans la région de Houaïlou (Nouvelle-Calédonie), Paris, Belin, 1998.
  • [71]
    Salomon (C.), « Les femmes face aux violences sexuelles et domestiques : le tournant judiciaire des années 1990 », Journal des anthropologues, 82, 2000.
  • [72]
    Jolivet (M.-J.), Vernon (D.), « Droits, polygamie et rapports de genre en Guyane », Cahiers d’études africaines, 187-188, 2007.
  • [73]
    Ibid.
  • [74]
    Catherine Benoît montre par exemple les tensions sur la conception de la nationalité entre chefs coutumiers et élus aluku – l’un des groupes businenge. Les élus portent une conception de nationalité conforme au droit français selon lequel la naissance sur le territoire français permet l’accès à la nationalité. Pour les coutumiers, en revanche, l’affiliation nationale se fonde sur l’origine clanique historiquement associée à des territoires et les businenge ndjuka, dont les territoires ancestraux et les cimetières sont au Surinam, ne doivent pas devenir français quand bien même ils seraient nés et auraient toujours vécu en France. Benoît (C.), « Pampila et politique sur le Maroni : de l’état civil sur un fleuve frontière », Revue d’histoire de la justice, 26 (1), 2016.
  • [75]
    De la même manière, en France hexagonale, la sociologie de la relation administrative se fonde plutôt sur des ethnographies du côté des agents administratifs, Dubois (V.), La vie au guichet, op. cit ; Spire (A.), Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l’immigration, Paris, Raisons d’agir, 2008.
  • [76]
    Salaün (M.), « From ‘primitive mentality’ to ‘clash of cultures’: stereotypes and indigenous underachievement in New Caledonian schools », Intercultural Education, 20 (3), 2009.
  • [77]
    Scott (J. C.), Domination and the Arts of Resistance: Hidden Transcripts, Yale, Yale University Press, 1990.
  • [78]
    Siblot (Y.), « Les rapports quotidiens des classes populaires aux administrations. Analyse d’un sens pratique du service public », Sociétés contemporaines, 58 (2), 2005.
  • [79]
    Garcia (S.), « La fraude forcée », Actes de la recherche en sciences sociales, 118 (1), 1997 ; Dubois (V.), « Fraude sociale : la construction politique d’un problème public », in Bodin (R.), Surveiller, ficher, punir, Paris, La Dispute, 2012.
Français

Cet article s’intéresse à la singularité de l’appareil d’État dans les Outre-mer. Il appréhende la manière dont se sont historiquement construites et consolidées des formes singulières d’intervention étatique et de domination bureaucratique dans ces territoires. Tout en dressant un état de la littérature, il plaide pour une analyse du legs colonial attentive à la diversité des processus de décolonisation et à la complexité de leurs chronologies dans les Outre-mer. Loin de naturaliser « la spécificité » de l’État ultramarin, il envisage différents types de mobilisations qui construisent cette exceptionnalité et les processus de politisation ou de dépolitisation dans lesquelles elles s’inscrivent. En s’adossant à la sociologie du guichet, il aborde enfin l’adaptation en pratique de l’action publique dans la rencontre administrative ultramarine.

Stéphanie Guyon
Stéphanie Guyon est maîtresse de conférences en science politique à l’Université de Picardie Jules Verne, membre du CURAPP-ESS (UMR 7319) et actuellement accueillie en délégation à l’IRIS (UMR 8156, EHESS). Ses recherches doctorales ont porté sur le legs colonial en politique en Guyane. Elle s’intéresse désormais à l’État outre-mer et travaille sur les processus judiciaires et le rapport des justiciables à la justice étatique en Guyane dans le cadre de l’ANR Autochtom. Elle a notamment co-dirigé avec Benoît Trépied le dossier « Outre-Mers Indigènes », Genèses, 91, 2013 dans lequel elle a publié « Des “Primitifs” aux “Autochtones” : ethnologie et politiques publiques en Guyane de 1946 à nos jours ».
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/03/2017
https://doi.org/10.3917/pox.116.0007
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