CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Dans un contexte de concentration urbaine croissante, les villes deviennent peu à peu des « places fortes » des territoires, et doivent faire face à de nombreux défis (démographiques, environnementaux, économiques, sociaux, technologiques) au sein d’un échiquier économique mondial dont elles doivent tirer profit pour subsister. Elles se retrouvent alors confrontées à la problématique de l’optimisation de leur fonctionnement pour répondre à un contexte urbain complexe, tout en préservant leur facteur d’attractivité face à une concurrence urbaine qui ne cesse de croître.

2 L’une des approches qui occupe une place grandissante dans les discours médiatiques et politiques est celle de la Ville intelligente (ou Smart City) ; d’une ville où la technologie permettra une meilleure orchestration de la société. Par sa nature et son approche conceptuelle, la Ville intelligente se veut possédée d’une rationalité dont la donnée, objective, en serait le moteur, une innovation technologique au service d’une fiction urbaine et sociale (Ghorra-Gobin, 2018). Force est de constater que ce concept séduit : rien que sur le territoire français, 25 Villes intelligentes, ont été recensées. Cependant, malgré un engouement médiatique et politique certain, peu s’entendent sur le fondement réel de la Ville intelligente, sur une qualification d’intelligence urbaine, sur le fait de considérer l’innovation technologique comme le salut des métropoles ou bien encore de concevoir l’intelligence d’une ville par un autre prisme que celui nécessitant le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC).

3 L’objectif de cette recherche exploratoire est d’offrir une meilleure compréhension des projets de Ville intelligente pour en interroger la nature ainsi que la vision idéologique de ceux qui les portent. En supposant que le concept présenté comme universel de la Ville intelligente peut grandement différer selon les « gouvernements locaux », l’objectif poursuivi est donc de comprendre l’origine de ces projets, la construction de la vision du concept de Ville intelligente qui y est associé, mais également la vision sur la donnée, élément moteur de ces villes afin de répondre à la question de recherche suivante : Quelles représentations pour quelles Villes intelligentes ?

4 Après avoir appréhendé les origines du concept ainsi que les différentes visions et approches de celui-ci, une étude de cas réalisée auprès de trois collectivités françaises actives autour du concept de Ville intelligente vient alimenter la réflexion. Une analyse du discours sur les idéaux-types et visions cibles de la Ville intelligente identifiés chez les acteurs interrogés permet alors de construire une représentation de la vision produite par ces acteurs à l’échelle de leur idéal de « Ville intelligente ».

1. La Ville intelligente : vers nouveau mythe rationnel

5 Max Weber, dans son ouvrage posthume Économie et société publié en 1922, définit la recherche de rationalité comme principe fondateur des grandes bureaucraties (Mazuir, 2004) avant l’arrivée dans les années 70 de la notion de légitimité (Chatelain-Ponroy et Sponem, 2011). Si les sciences des organisations reposent sur de grands paradigmes (Pesqueux, 2018), l’outil de gestion cherche à amener une rationalité dans un environnement dans lequel « les chiffres sont une garantie de vérité et d’objectivité » (Chatelain-Ponroy et Sponem, 2011). Ainsi, les outils de gestion s’apparentent à des mythes rationnels, qui conçoivent « l’action organisée comme la recherche d’un optimum au regard de gains futurs anticipables et révélées » (Pesqueux, 2018), tout en abondant vers le mythe de l’efficience qui suppose l’existence d’un optimum. Au-delà de la quête de rationalité de ces organisations, ces outils servent également à accroître leur légitimité, considérés comme « une ressource stratégique » pour leur survie (Covaleski et Dirsmith, 1988).

6 La présente revue de littérature tend notamment à prouver que la Ville intelligente, par son origine et son caractère prolixe, est une nouvelle forme de mythe rationnel.

1.1. Les prémices de la Ville intelligente

7 Voilà près d’une décennie que le terme de Ville intelligente et plus couramment, de Smart City, occupe une place clé dans la projection urbaine des politiques autour de la ville. Avant le terme de Ville intelligente, c’est celui de Smart City qui émerge dans les années 1990 en Californie, comme fruit d’une « réflexion d’experts qui tentent de réfléchir aux effets du développement TIC sur la gestion des grands réseaux urbains classiques (eau, transport, énergie) et sur les politiques de développement » (Lussault, 2018). La Corée du Sud fut l’un des premiers pays, dès 2003, à mentionner dans des documents officiels le concept « d’ubiquitous computing » (Söderström, 2008), soit l’intérêt de l’omniprésence des TIC dans la sphère urbaine. Toutefois, la popularisation du terme de Smart City dans le monde occidental et chez les grands industriels remonte à 2005 avec le défi lancé à John Chambers (PDG de Cisco) par la fondation de Bill Clinton, de mettre à profit les avantages des outils numériques développés par la firme pour rendre les villes plus durables (Rolland-Villemot, 2015), dont Cisco commercialisera les résultats en 2010, puis IBM avec son programme Smarter Cities en 2008.

8 Trois phénomènes sont susceptibles d’expliquer l’origine et la montée en puissance de cette notion (Lussault, 2018) :

  1. L’implication des compagnies privées, qui a contribué à populariser ce terme, et plus particulièrement par des géants des Technologies de l’information et de la Communication (Cisco, Siemens ou encore IBM) en promouvant une vision de la ville comme un « système de systèmes » (Söderström et al., 2014).
  2. La continuité que représente le concept de Smart City par rapport à d’autres termes qui font écho à l’émergence des technologies dans l’espace urbain.
  3. La poursuite logique des réflexions autour de la ville du futur : la ville cybernétique constitue en ce sens l’une des premières conceptions de la Ville intelligente comme un « système complexe dont on peut maintenir son fonctionnement en ajustant automatiquement ses entrées à l’aide de capteurs qui participent au retour de l’information par le processus de rétroaction » (Lussault, 2018).

10 Trois points d’inflexion déterminants ont accéléré la tendance pour les Smart Cities à la fin des années 2010 (Townsend, 2014) : l’augmentation de la migration de la population rurale vers les milieux urbains, le rapport de force croissant des utilisateurs de lignes haut débit sur mobile par rapport aux lignes fixes, et enfin le nombre de personnes qui ont recours aux objets connectés.

1.2. Les enjeux de la Ville intelligente comme miroir du XXIe siècle

11 La Ville intelligente a vocation à rendre la ville durable et soutenable face aux différents enjeux auxquels elles font face et pas moins de dix défis auxquels les villes font, ou vont devoir faire face à l’avenir ont pu être recensés (Moir et al., 2014) : le changement climatique, la croissance de la population, la globalisation de l’économie et de ses risques, les développements technologiques, les changements géopolitiques, la mobilité des personnes, le vieillissement de la population, les tensions sociales et les inégalités, l’insécurité (énergie, nourriture, eau), les changements institutionnels et de gouvernance. Trois enjeux se dessinent alors pour les villes :

  • L’enjeu démographique et économique : l’agrandissement des villes engendre non seulement des externalités positives, comme la réduction des coûts d’infrastructures, mais également des externalités négatives telles que la pollution, la criminalité, les coûts énergétiques et bien d’autres (Rochet, 2018). Les nouvelles exigences induites, entre autres, par le caractère non durable des énergies fossiles contraint ainsi à repenser la conception de l’aire urbaine, sans quoi les villes risquent de développer une croissance urbaine dysfonctionnelle. L’enjeu pour les villes devient alors de « continuer à se développer tout en limitant les effets négatifs de leur croissance sur les coûts d’agglomération et le bien-être des habitants » (Attour et Rallet, 2014).
  • L’enjeu environnemental: la croissance urbaine entraîne avec elle un impact environnemental d’autant plus fort que le niveau de vie va croître. Or, « le coût pour corriger une ville conçue de manière dysfonctionnelle […] est de loin supérieur aux coûts à investir en amont pour construire une ville durable » (Rochet, 2018). À l’inverse, certains considèrent cette concentration comme une opportunité majeure pour lutter contre le dérèglement climatique, car près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine proviennent des villes, et peuvent donc être traitées dans les villes (Barber, 2013). Il devient alors indispensable d’en anticiper le développement sous peine de rendre la croissance de ces villes non soutenable.
  • L’enjeu de la gouvernance urbaine: face à l’opposition idéologique entre la croissance économique et le développement durable (Mathieu et Guermond, 2011), il est nécessaire dès lors de définir « un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés incertains » (Da Cunha et al., 2005), processus rendu nécessaire face à la montée en puissance de la privatisation des données d’intérêts publics et économiques.

1.3. Une complexe définition de la Ville intelligente

13 Face à l’absence de définition officielle et établie, des définitions ont vu le jour mais sans faire un réel consensus. En effet, la diversité des domaines que la Ville intelligente touche en fait un objet de recherches multidisciplinaires constamment redessiné par les avancées technologiques et le développement urbain (Angelidou, 2015). De nombreux facteurs peuvent également expliquer cette situation de flou sémantique : les origines parfois confuses du terme, la pluralité des projets, l’ingérence des industriels dans ce processus de définition ou encore l’étymologie même des termes « intelligence » et « smart ».

1.3.1. Ville intelligente vs Smart City

14 Une opposition étymologique et culturelle renferme l’une des premières raisons qui rend complexe la définition de la Ville intelligente, et offre une première vision sur les idéologies portées par les concepteurs de ces villes. Le terme francophone d’intelligence est défini par le CNRTL comme la « fonction mentale d’organisation du réel en pensées » mais aussi comme la « faculté de comprendre » . La notion de « Smart », issue de la culture anglophone, désignait à l’origine « vif, prompt, alerte » ou encore « habile, malin » : il s’agit donc davantage de la faculté à tirer parti de son intelligence dans des situations pratiques.

15 La différence entre ces deux termes, et avec toutes les nuances qu’elle induit, pose donc la question de l’intelligence de la ville avant celle de la Ville intelligente. Selon Nam et Pardo (2011) le choix serait avant tout marketing afin de centrer le smart sur la perspective de l’utilisateur, mais permet également de conférer au concept une image moins élitiste qu’avec le terme « intelligence ». De plus, l’appellation smart traduirait un spectre d’action plus large en « s’adaptant aux besoins des utilisateurs » lié aux discours portés par les politiques, qui témoigne d’une orientation stratégique précise qui vise le développement durable, une croissance économique saine et une meilleure qualité de vie pour leurs citoyens. Par ailleurs, l’intelligence des villes peut également désigner « leur capacité à attirer le capital humain et à mobiliser ce capital humain dans le cadre de collaborations entre les différents acteurs (organisés et individuels) en recourant aux technologies de l’information et de la communication » (Meijer et Rodriguez Bolivar, 2016). Elle peut également se traduire comme « la capacité à croître de manière organique et de former un écosystème cohérent, économiquement et politiquement, et capable d’évolution » (Rochet, 2018).

1.3.2.L’ingérence des industriels

16 La popularisation de la Ville intelligente sous le terme de Smart City est due en majeure partie au défi lancé par Bill Clinton à Cisco pour mettre à profit les TIC au service des villes, et ce afin de les rendre durables et soutenables ; les compagnies privées s’étant grandement impliquées dans les projets de Ville intelligente à la vue du marché qu’elle représentait. Lussault (2018) occupe une posture relativement critique sur la place des industriels dans l’approche de la Ville intelligente. Ce dernier estime que la « smartness » d’une ville telle que définie par les industriels est un parfait « Cheval de Troie pour que des intérêts économiques et financiers imposent leurs vues restrictives de l’intérêt général à des pouvoirs publics séduits par les promesses technologiques » (Lussault, 2018). Plus nuancés, Christensen et Lægreid (2007) estiment que cette réappropriation des méthodes du secteur privé par les institutions vise essentiellement à accroître la légitimité du système politico administratif.

17 De ce fait, les intérêts économiques des acteurs privés auraient influencé la définition de la Ville intelligente, avec une orientation majoritairement technologique du sujet. Toutefois une étude de l’argumentaire dans les discours tenus par les industriels tend à prouver une évolution de ceux-ci dans leurs propos avec la mise en avant d’une rhétorique basée sur la demande sociale plus que sur l’innovation et la technique, en émettant l’hypothèse que l’évolution des discours serait liée à une « conformation des élites économiques aux règles du jeu politique », voire à la capacité des élus locaux « d’imposer leurs priorités aux acteurs du secteur numérique » (Bernardin, 2018).

1.3.3. Vers une définition de la Ville intelligente

18 Albino et al. (2015) ont recensé, pas moins de 23 définitions académiques distinctes. Comparée aux projections de la ville idéale, la Ville intelligente aurait « la particularité d’être moins une idée à réaliser qu’un ensemble de technologies à développer et exploiter » (Chopplet, 2018), rejoignant la notion d’ urban labelling (Hollands, 2008). Ainsi, il ressort que le concept de Ville intelligente renverrait davantage à la notion de durabilité que de technologie, mais ferait face à une faible prise en compte des besoins réels des communautés concernées. Ce point montre donc une évolution du sens originel de la Ville intelligente où « les NTIC jouent un rôle majeur pour améliorer la qualité de vie et atteindre l’excellence économique » (Mahizhnan, 1999) vers trois directions principales que sont la technologie, les personnes et la communauté (Albino et al., 2015) qui rejoint une vision de la Ville intelligente comme croisement de trois facteurs initiaux (technologique, institutionnels – gouvernance, humain) (Nam et Pardo, 2011) associée à l’arrivée progressive d’un quatrième facteur qu’est celui de la durabilité conduisant ainsi à la définition : « une ville est considérée comme intelligente lorsque les investissements dans le capital humain et social et l’infrastructure de communication classique (transport) et moderne (TIC) favorisent une croissance économique durable et une bonne qualité de vie, avec une gestion sage des ressources naturelles, dans le cadre d’une gouvernance participative » (Caragliu et al., 2009).

2. Différentes visions et problématiques de la Ville intelligente

19 Nous tentons dans cette partie de lever le voile sur différentes thématiques qui permettent d’avoir une vision globale sur le concept de Ville intelligente et d’offrir des clés de compréhension.

2.1. Ville intelligente vs village stupide : comment mesurer l’intelligence d’une ville ?

20 À défaut d’être inintelligents, les territoires ou villes qui ne répondent pas aux critères de la Ville intelligente ne peuvent par définition pas répondre à cette dénomination. Cette question substantielle est née d’un rapport de la Caisse des dépôts [1] ayant pour but de reprendre les clés de réussite de la Ville intelligente et de les adapter à des communes de taille plus réduites, ne disposant pas des moyens financiers des métropoles, tout en s’interrogeant sur la faisabilité de tels projets à des territoires périurbains et ruraux. Ce rapport sous-entend ainsi directement que l’intelligence de la Ville n’est pas purement une affaire d’avancées technologiques, même si le numérique peut contribuer à l’accomplissement de ces objectifs, relevant l’importance du rôle de la donnée, tant pour les métropoles que les petites communes qui doivent la traiter comme « un bien commun, au service de l’intérêt général, de l’innovation et de la réutilisation » .

21 Une grille d’évaluation des Villes intelligentes de taille moyenne en Europe prend en compte 6 thématiques (Giffinder et al., 2007), souvent reprise dans la littérature, mais contestée par certains auteurs parce qu’elle part du principe que « l’intelligence a été clairement définie pour se prêter à ce jeu de décomposition et de mesure… » (Eveno, 2018). Lombardi et al. (2012), se basant sur le modèle de la triple hélice (Etzkowitz et Leydesdorff, 2000 ; Leydesdorff, 2017 ; Leydesdorff et Etzkowitz, 1996) et en y ajoutant la société civile comme quatrième acteur (Carayannis et Campbell, 2012) ont relevé le rôle prépondérant de la société civile dans la réalisation du développement durable dans les villes, et plus globalement du management des acteurs pour répondre aux thématiques évoqués. Ceci rejoint un autre postulat qui considère que les méthodes d’évaluation de la Ville intelligente « doivent impliquer l’échange de connaissances et la collaboration entre les quatre hélices » (Borkowska et Osborne, 2018).

2.2. Un facteur d’attractivité territoriale

22 La Ville intelligente, bien qu’en prétendant répondre à des problématiques sociétales, reste également un enjeu d’attractivité tant pour les entreprises que pour les territoires, devenant un véritable vecteur de « revitalisation des tissus urbains et une attractivité renouvelée » (Marzloff, 2016). L’exemple de l’initiative Future City Demonstrator de Glasgow, pour qui l’un des principaux facteurs de réussite du projet concerne l’objectif de « positionner Glasgow (et le Royaume-Uni) sur la scène internationale en termes de compétitivité technologique » (Borkowska et Osborne, 2018), rejoint le concept d’ « urban labelling » (Hollands, 2008) ou encore de « stratégies de communication de type incantatoire » (Eveno, 2018) auxquelles les acteurs semblent céder. L’attractivité véhiculée par la Ville intelligente reprend le même schéma que les zones économiques floquées « Valley » en leur temps, évoquant le modèle de la Silicon Valley aux États-Unis, avec pour mot d’ordre un anglicisme couplé aux outils de la modernité technologique, laissant entendre que nous ferions face à un phénomène d’isomorphisme de la part des collectivités territoriales car la circulation « des modèles en termes de développement territorial se fait souvent sur le principe du mimétisme » (Eveno, 2018).

2.3. Une multitude de visions de la Ville intelligente

23 Symbole de modernité et enjeu d’attractivité font de la Ville intelligente un concept convoité au point que « 93 % des communes interrogées “ont déjà lancé une initiative de Ville intelligente”, mais elles s’inscrivent dans un périmètre large de Smart City » (Oural et al., 2018). Or, tant de projets basés sur un concept qui reste flou, peuvent amener à différentes interprétations et visions de celle-ci, identifié au travers de quatre approches :

  1. La ville servicielle et automatisée : souvent considérée comme la figure d’étrave de services performants (transports, habitats, énergies, santé…), doit amener à une meilleure connaissance des usages de la ville (Offner, 2018), et rejoint l’idée d’une ville résiliente. Elle y parvient grâce à une supervision optimisée, la ville étant désormais « envisagée comme un système connecté fait d’interactions et de consommation de services, grâce à la production d’informations transitant sur les réseaux » (Boulanger et Jeannin, 2016). Cette ville ne repose pas seulement sur une supervision menée verticalement par les collectivités, mais également par la production « d’informations fournies en temps réel sur l’environnement ou la disponibilité des services » (Boulanger et Jeannin, 2016). Afin d’y intégrer une dimension citoyenne, « la donnée doit également être construite par les citoyens et pas seulement puisée chez eux » (Offner, 2018). La technologie ouvre alors un vaste champ des possibles, entre des extrêmes pouvant aller de l’hypercontrôle au tout participatif.
  2. La ville technocentrée : l’objectif de la ville technologique serait alors de « créer un environnement propice au partage de l’information, à la collaboration, à l’interopérabilité et à des expériences sans faille pour tous les habitants » (Albino et al., 2015). Toutefois, de nombreuses problématiques entourent les approches principalement centrées sur la technologie, et notamment le risque pour une ville de « se transformer en ville obsolète si les décideurs publics n’opèrent pas les bons choix technologiques » (Boulanger et Jeannin, 2016) entraînant ainsi un risque de dépendance envers les vendeurs de technologies tant pour les outils que pour les données générées (Rochet, 2018).
  3. La ville inclusive : la notion d’inclusion semble être un mot d’ordre innovant et mobilisateur appartenant à un « idiome de la ville vertueuse » (Clément et Valegeas, 2017), faisant directement écho aux aspirations de la Ville intelligente pouvant s’englober avec la dimension politique de la ville participative, pour constituer une nouvelle approche entre le New Public Management (Hood, 1991) et une « bonne gouvernance » soulignant « la capacité des dirigeants urbains à traduire les préférences de la population urbaine en « produits » appréciés » (Wusten, 2016). Toutefois, certains voient davantage la ville inclusive comme « un outil de gestion des « problèmes » opérationnels que comme la définition d’une vision politique ou stratégique de la ville » (Clément et Valegeas, 2017), avec un risque d’invisibiliser les processus qui fabriquent d’ores et déjà des inégalités.
  4. La Ville intelligente & durable : a vocation in fine à servir les intérêts de la ville durable et soutenable dans le temps par une gestion intelligente des déchets, de l’eau, des énergies, des mobilités ou encore de l’habitat. Toutefois, la vision durable de la Ville intelligente reste bien souvent réduite à sa seule dimension environnementale oubliant les deux autres piliers du rapport Brundtland [2] que sont l’économie et le social.

25 Au final ces quatre approches ont en très grande majorité les mêmes objectifs et aspirent à optimiser chaque dimension de la Ville intelligente, ce qui diffère entre les villes relevant surtout la méthode employée pour y parvenir (plus de technologies, plus de service, plus d’inclusion…) comme montré par Breux et al (2017).

2.4. Quelle gouvernance de la Smart City ?

26 Par ses différentes propositions conceptuelles, la Ville intelligente invite à repenser la gouvernance urbaine via de « nouvelles formes de collaboration humaine en recourant aux technologies de l’information et de la communication » (Meijer et Rodriguez Bolivar, 2016) et la production de données détenues par des acteurs privés « non soumis au jeu démocratique » (Courmont, 2015). Cet ensemble de facteurs soulève ainsi des enjeux politiques importants : la présence grandissante des acteurs privés ou encore le rôle nouveau qui est promis au citoyen incite à repenser la gouvernance urbaine. Il demeure aussi une opposition entre deux approches de la gouvernance et du management de la Ville intelligente que sont « les approches top-down souvent inspirées par une croyance dans la puissance des systèmes techniques et des approches bottom-up d’orientation plus collaborative » (Henriot et al., 2018) qui conduit à identifier quatre idéaux types récurrents de la gouvernance de la Ville intelligente :

  1. Une gouvernance constituée de choix stratégiques et politiques cohérents, n’amenant pas de rupture particulière avec la gouvernance urbaine actuelle.
  2. Une gouvernance se basant sur des processus décisionnels intelligents, qui nécessitent une restructuration du processus décisionnel avec l’aide des NTIC, mais sans refonte organisationnelle particulière.
  3. Une gouvernance plus radicale avec une restructuration interne des gouvernements en intégrant les TIC : une « Administration intelligente ».
  4. Une gouvernance collaborative, urbaine et intelligente se caractérisant par une plus grande connectivité entre les acteurs avec l’aide des NTIC.

28 Cependant, si la majorité des écrits évoquent la nécessité pour les institutions publiques de se restructurer ou de tendre vers plus de transversalité, le cœur de la gouvernance urbaine repose souvent sur le management d’un triptyque d’acteurs constitué des collectivités, d’acteurs privés et de citoyens. L’empiétement de certains acteurs privés sur les compétences des autorités publiques, notamment sur la question de la privatisation de nombreuses données utiles à la Ville intelligente pose la question de la collaboration entre ces différents acteurs. La difficulté réside donc ici dans la confusion entre la nature technique et/ou sociale de la Ville intelligente, qui impacte directement l’approche de la gouvernance. L’approche technico-sociale va ainsi directement impacter « la nécessité de transformer les structures gouvernementales existantes pour rendre les villes plus intelligentes » (Meijer et Rodriguez Bolivar, 2016).

2.5. Open data et Ville intelligente : un mariage de raison

29 La donnée constitue pour beaucoup d’approches de la Ville intelligente la clé de compréhension des phénomènes urbains, sa production comme sa circulation devenant alors primordiales. L’Open Data est le fruit de deux mouvements principaux que sont les « droits d’accès aux informations du secteur public » ainsi que « l’ouverture des données scientifiques » (Goëta, 2015). Le terme d’open data, sous sa dimension politique, trouve son origine en 2007 avec les principes de Sébastopol [3] rédigés lors d’une rencontre à laquelle ont participé des acteurs majeurs du numérique et d’activistes et praticiens de l’ Open Government qui exigent « la publication des données dès leur production et dans leur forme « primaire » » (Goëta, 2015), et ce afin de faire émerger une « contre-expertise citoyenne par la réduction des asymétries d’information » (Goëta et Mabi, 2014). En Europe, les premières ouvertures de données sont cadrées par la directive Inspire de 2007, qui a pour objectif « d’établir […] une infrastructure de données géographiques pour assurer l’interopérabilité entre bases de données et faciliter la diffusion, la disponibilité, l’utilisation et la réutilisation de l’information géographique en Europe » (Paquienséguy et Dymytrova, 2018). En France, le décret du 21 février 2011, ou mission Etalab, est souvent considéré comme « l’entrée de la France dans l’open data » (Le Bechec et Hare, 2018). Si l’Open Data prône l’ouverture des données publiques par les institutions, elle se heurte aujourd’hui au rôle grandissant des acteurs privés du numérique, et à leur détention de données exclusives. Cette multiplication des sources de données, ajoutée à la transversalité d’exploitation potentielle sont « autant d’injonctions à dépasser l’open data et à concevoir, à mettre en place et à administrer la donnée commune » (Marzloff, 2016) tout en préservant intérêt général et souveraineté.

30 Les données détenues par les acteurs privés, au-delà des questions de souveraineté et d’éthique qu’elles soulèvent, sont précieuses aux Villes intelligentes. Toutefois, les données produites par les collectivités et les États sont également importantes au vu du champ d’action qu’elles couvrent : transports en commun, gestion de l’eau, de l’électricité… Les plateformes d’Open Data constituent alors « un des éléments clés des smart cities puisqu’elles centralisent et diffusent les données métropolitaines irriguant ces nouveaux services » (Paquienséguy, 2016).

31 Par ailleurs, l’Open Data contribue à l’homogénéisation des données pour leur publication sur les plateformes dédiées. En réduisant leur hétérogénéité, l’Open Data « redistribuerait alors le pouvoir des producteurs de données, en altérant leur autonomie, vers l’acteur possédant la plateforme » (Courmont, 2015) avec pour effet final de créer une Société « homogène, davantage « lisible » et gouvernable par l’État central » . Toutefois, cette standardisation peut s’avérer longue et complexe « en cas de modèles différents qui servent des intérêts différents selon les acteurs » (Courmont, 2015). Et malgré une nécessaire coopération entre acteurs pour susciter la création de services, celle-ci demeure complexe car ces acteurs restent « en rivalité avec les autres pour s’approprier la valeur ajoutée par l’innovation » (Attour et Rallet, 2014). La Ville intelligente est alors « moins un problème technique qu’un problème d’organisation économique des services et de mise en place de biens collectifs » (Attour et Rallet, 2014), problématique que posait déjà la mise en place de l’Open Data.

32 Paquienséguy et Dymytrova (2018) distinguent quatre typologies d’idéaux types de portail d’ouverture de données :

  1. La typologie qui confirme les idéaux types d’ouverture des données, en portant des valeurs de transparence et d’accessibilité des données, tant dans leur approche éditoriale que dans l’homogénéisation technique.
  2. La typologie qui concerne les portails répondant aux idéaux types de la Smart city, en répondant aux six thématiques de Giffinger (2007). Ces portails ont donc vocation « à réunir et satisfaire des acteurs économiques territoriaux afin de proposer de nouveaux services aux citoyens » (Paquienséguy & Dymytrova, 2018).
  3. La typologie qui concerne la ville créative, basée sur une exploitation des données par des citoyens capables de valoriser ces données urbaines.
  4. La typologie de l’ empowerment, par l’implication des citoyens dans la réutilisation de données via des associations, mouvements, etc. Ce qui permet alors de faciliter l’accès à la donnée tout en leur donnant des clés d’exploitation (Paquienséguy & Dymytrova, 2018) permettant l’évolution d’un territoire vers la Smart City, le tout en développant son caractère citoyen et transparent, grâce à la visualisation pédagogique de ces données.

34 La compréhension des données s’inscrit dans un processus d’inclusion de l’ensemble des acteurs dans une démarche de Ville intelligente et d’Open data, dont le citoyen doit occuper une place centrale de cet écosystème (Paquienséguy, 2016). Pour beaucoup d’auteurs, la simple ouverture des données ne suffit pas à susciter une réutilisation complexe à quantifier. Les nouvelles pratiques de gestion de l’information publique sont ainsi amenées à renouveler les relations entre « les usagers du territoire et l’action publique métropolitaine » (Le Corf, 2015), marquant « le passage d’un service public centralisé à un service urbain » dans lequel l’usager « participe à la construction ou à la fourniture d’une partie du service » (Marzloff, 2009), générant des services publics où l’usager devient acteur. La Ville intelligente peut se construire par des approches topdown ou bottom - up, mais « une participation active de tous les secteurs de la communauté est essentielle » (Nam et Pardo, 2011) soulignant une évolution du modèle du PPP (partenariat public-privé) vers le PPPP (partenariat public-privé-particuliers). Cardullo et Kitchin (2019) identifient quatre rôles récurrents du citoyen de la Ville intelligente dans la littérature scientifique : le proposant (pour rapporter ou conseiller), le co-créateur (pour négocier ou produire), le décideur (pour décider), ou le leader (pour créer). À l’instar des auteurs cités précédemment, Offner (2018) considère que la « donnée doit également être construite par les citoyens et pas seulement puisée chez eux » . La ville apprenante qu’est la Ville intelligente doit alors prendre en compte l’engagement civique dans les changements de contexte urbain, et ce par une autonomisation croissante des citoyens par un apprentissage essentiel au développement urbain durable (Borkowska et Osborne, 2018).

35 En conclusion de cette section, il apparaît clairement un rôle central de l’innovation au sein de la Ville intelligente qui fait clairement référence aux systèmes urbains cognitifs (SUC) défini comme « des espaces propices à la production et à la diffusion d’innovations, grâce à la concentration d’institutions formelles et informelles de l’innovation qui interagissent entre elles et avec le tissu économique, spatial et socio-culturel des villes, au travers de rapports de proximité intenses et variés, dans le but de générer une dynamique systémique et ouverte d’innovation dans des secteurs technologiques hybrides. » (Besson, 2014). On remarquera finalement que si la durabilité est l’une des finalités commune entre les écoquartiers et la ville intelligente, la technologie occupe une place centrale voire déterminante dans la Ville intelligente à la différence des écoquartiers qui prônent à la frugalité.

3. Méthodologie de la recherche

36 L’état de l’art des différentes problématiques qui entourent la Ville intelligente démontre de multiples conceptions et déclinaisons du concept. Si la grande disparité d’interprétation du concept de Ville intelligente est vérifiée dans la littérature scientifique, et que différents portraits sont dressés, nous pouvons soulever le fait que cette dernière s’attarde finalement peu sur les raisons qui poussent des praticiens à adopter un concept de Ville intelligente plutôt qu’un autre. On identifie alors peu les idéaux, représentations, approches ou orientation qui guident les choix des praticiens. L’ambition de l’étude de cas proposée est donc d’étudier ce manque à travers une étude du discours de ses praticiens et représentants.

37 Cette recherche vise donc à comprendre les différentes approches et mises en place du concept de Ville intelligente par des collectivités territoriales afin d’en dégager différentes typologies. Le but poursuivi est donc de traiter des motivations et d’identifier les actions dans le cadre d’un projet de Ville intelligente : on ne cherche alors pas à évaluer la réussite des projets et actions mises en œuvre, mais bien à étudier le discours, la vision globale, la cohérence des actions avec les objectifs finaux, ou encore les motivations qui ont poussé ces acteurs à se lancer dans ces projets de Ville intelligente.

38 Pour mener à bien ces objectifs, nous avons réalisé une étude de cas centrée sur trois collectivités, grâce à un recensement qui vise à comprendre les différentes approches d’acteurs majeurs dans la conception et la mise en place de projets de Ville intelligente. Par ailleurs, en raison de la pluralité de sens et d’approches que cache la notion, nous sommes restés centrés sur des acteurs qui construisent la Ville intelligente sur le territoire français. De plus, afin que cette étude de cas soit originale dans son propos et apporte une contribution nouvelle aux recherches déjà réalisées, nous nous intéressons davantage aux questions de management informationnel de la Ville intelligente. La donnée et l’information étant considérées par beaucoup comme l’élément moteur de la Ville intelligente, nous tentons de comprendre les interactions d’acteurs, et la vision de l’information et de la donnée qui régissent et alimentent la Ville intelligente.

39 La constitution d’un corpus de données primaires et secondaires est alors au cœur de la réalisation finale de cette typologisation pour alimenter la grille d’analyse. Il est donc primordial de définir les principaux critères utiles à la constitution de corpus :

  • Sources : données de type primaire (entretiens semi-directifs) et secondaire (blog, médias, sites institutionnels…).
  • Périmètre : sources francophones et anglophones.
  • Typologie des acteurs : trois collectivités territoriales.

41 Le travail empirique réalisé s’appuie alors sur l’analyse stratégique du discours et des pratiques des acteurs sur leur approche du concept de Ville intelligente. Notre positionnement épistémologique se veut donc résolument relativiste et interprétativiste, en admettant que les résultats de recherche soient ancrés dans les terrains étudiés tout en étant influencés par les propres schémas cognitifs des auteurs. Nous tenterons par ailleurs de dresser des typologies de nature explicative, qui permettent « de confronter les effets prédits par les théories avec les processus observés » (Dumez, 2005) dans une démarche abductive.

42 Dans un premier temps, la méthode d’analyse comprend une phase d’entretiens avec des chercheurs et spécialistes du concept de Ville intelligente, pour venir compléter la phase de revue de la littérature. Les résultats de ces entretiens ont ensuite été croisés avec ceux de la revue de littérature afin de construire deux grilles d’analyse. Pour alimenter ces grilles, les entretiens qui constituent les cas d’étude ont été traités sous forme d’encodage ouvert puis axial afin d’identifier des thématiques récurrentes au sein de ceux-ci. Ces données codées viennent donc alimenter une grille d’analyse issue de la revue de littérature basée sur les six axes de la Ville intelligente selon Giffinger et al. (2007), et une deuxième grille visant à étudier les représentations du concept par ces acteurs. Le tableau 1 synthétise les caractéristiques des trois cas étudiés.

Tableau 1

Tableau 1 : Caractéristiques des cas étudiés

Présentation généraleRépondants
Ville AVille moyenne de 70 000 habitants de la Métropole de Grand ParisDirecteur général de la société d’économie mixte
Ville BCapitale régionale de l’Ouest de la FranceVice-Président en charge de l’enseignement supérieur, la recherche et de l’innovation
Ville CCommunauté urbaine de 200 000 habitantsResponsable du centre de valorisation de données et Open Data Référente Smart City

Tableau 1 : Caractéristiques des cas étudiés

Source : auteur

43 La grille d’analyse ne vise pas à noter les différents projets selon des critères précis ou établis, ni même à noter la qualité des actions menées. Dans un contexte où nous cherchons à savoir si les praticiens de la Ville intelligente véhiculent ou non les idéologies de la Ville intelligente, la grille sera complétée via des verbatim issus des entretiens. On ne cherche ainsi pas à remplir la grille thème par thème, mais à détecter ceux qui émergent naturellement chez les acteurs interrogés. Nous nous intéressons également de manière transversale aux acteurs impliqués et à leurs rôles dans chacun des axes évoqués par les interrogés. La grille d’analyse se fonde ainsi sur les six axes de la Ville intelligente selon Giffinger et al. (2007) :

  • Smart economy : compétitivité globale de la ville, investissement en R&D, leadership de la ville
  • Smart people : éducation de qualité pour les citoyens, qualités des interactions, diversité culturelle, niveau de participation citoyenne
  • Smart governance : transparence de la gouvernance, inclusion des citoyens à la prise de décision
  • Smart mobility : promotion des transports en commun, optimisation via les TIC
  • Smart environment : gestion des ressources, planification urbaine durable
  • Smart living : qualité de vie des citoyens (services sociaux, santé, culture…)

45 Par ailleurs, afin d’identifier les représentations du concept de Ville intelligente par les interrogés, une seconde grille d’analyse qui emprunte à l’étude des représentations est construite. Les représentations sociales sont « un ensemble organisé de cognitions relatives à un objet, partagées par les membres d’une population homogène par rapport à cet objet » (Flament, 1994). Afin d’analyser le contenu de ces représentations sociales, nous nous appuyons sur les thématiques de l’opinion et de la stéréotypie (Moscovici, 1976) qui se matérialise par « le repérage des idées significatives et leur catégorisation » (Negura, 2006). Par ailleurs, la stéréotypie « exprime le degré de généralité d’une opinion, d’acceptation ou de rejet d’une représentation, d’un groupe ou d’une personne » (Moscovici, 1976) afin de comprendre le poids des stéréotypes dans la construction des représentations (Negura, 2006). Les données récoltées viennent donc alimenter cette seconde grille qui vise davantage à interroger la vision du concept de Ville intelligente que sa mise en place opérationnelle.

4. Résultats

46 Dans cette partie, nous présentons les résultats issus de l’analyse des données afin d’identifier les caractéristiques de chacune des trois villes et identifier des typologies d’approches. La même légende sera adoptée pour l’ensemble des représentations systémiques qui seront présentées dans les sections suivantes.

Figure 1
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4.1. Ville A : l’innovation au service de la transition énergétique et de l’attractivité

47 Le schéma 1 rend compte d’une représentation systémique de la ville A. Sont présentés en annexes A.1 et A.2 respectivement la grille d’analyse synthétisée des représentations et la grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une Smart City tels que définis en section III et permettant ainsi de justifier les analyses produites à l’aide de verbatims complémentaires.

Figure 2

Schéma 1 : Représentation systémique de la ville A

figure im3

Schéma 1 : Représentation systémique de la ville A

Source : auteur

4.1.1. Préparer la ville aux défis contemporains

48 La ville numérique ne représente ni plus ni moins qu’un tournant historique, au même titre que le fut la ville industrielle en son temps, dans lequel le numérique « bouscule tout dans la vie quotidienne, la vie professionnelle, les métiers, les rapports entre les gens, les rapports entre les institutions » [Interrogé Ville A]. Ceci induit de fait un fort enjeu de modernisation des services municipaux pour y faire face. Toutefois le numérique n’est qu’un des enjeux auxquels les villes feront face. La croissance démographique des villes « qui continue à grimper d’une manière exponentielle, même inquiétante » [Interrogé Ville A], mais surtout l’enjeu majeur, à savoir le dérèglement climatique. Ce dernier enjeu est même intégré à la définition de la Ville intelligente : « la Smart City c’est le numérique mis à contribution dans la lutte contre le changement climatique » [Interrogé Ville A].

4.1.2. L’innovation au centre du projet

49 Ce fut l’une des raisons principales de l’émergence de la politique de Ville intelligente. Celle-ci découlait d’ailleurs à l’origine d’une vaste stratégie d’innovation initiée en 1990 pour notamment renforcer l’attractivité de la ville. Ces derniers n’hésitent pas à placer l’innovation au centre du projet de Ville intelligente, qui permettrait ainsi de rendre la ville plus efficiente face aux différentes problématiques qu’elle rencontre, sans toutefois considérer la technologie comme « une baguette magique, et ce n’est pas non plus le grand méchant loup, donc il faut garder de la mesure dans tout ça » [Interrogé Ville A]. La vision de la ville à ce sujet est de considérer que celle-ci doit s’adapter aux nouveaux services urbains, et à ne pas s’y opposer afin de ne pas pénaliser le citoyen-utilisateur. Pour ce faire, les projets de Ville intelligente et d’innovation sont confiés à une société d’économie mixte dépendante de la ville. Celle-ci permet d’être « un outil plus agile qu’un service municipal, on a moins de contraintes administratives, c’est ce qui nous permet par définition d’aller plus vite et de pouvoir mener des expérimentations » [Interrogé Ville A].

4.1.3. Une approche libérale de la donnée

50 Pour favoriser l’innovation, la donnée constitue un enjeu clé, considérant même que « s’il n’y a pas de data on ne peut pas comprendre ce qu’il se passe » [Interrogé Ville A]. La donnée est donc ici abordée comme un élément majeur que les acteurs du territoire, et en particulier les entreprises, doivent s’approprier. Pour ce faire, la ville libère ses données sur sa plateforme Open Data, et la ville impose l’ouverture obligatoire de certaines données produites par les entreprises. Un répondant ne cache pas son scepticisme quant à l’avenir de l’Open Data en estimant que « dans les années qui viennent, on va plutôt acheter de la data plutôt que de les avoir gratuitement sur le marché » [Interrogé Ville A]. Par ailleurs, pour rejoindre le point précédent, les collectivités ne doivent pas s’opposer aux innovations, mais les réguler une fois celles-ci installées. Ceci rejoint la vision évoquée de l’Open Data qui par nature, inciterait à la réutilisation des données à des fins économiques, tandis que la collectivité n’a pas à intervenir dans les échanges de données ouvertes.

4.2. Ville B : construire ensemble la ville de demain

51 Le schéma 2 rend compte d’une représentation systémique de la ville B. Sont présentés en annexes B.1 et B.2 respectivement la grille d’analyse synthétisée des représentations et la grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une Smart City tels que définis en section III et permettant ainsi de justifier les analyses produites à l’aide de verbatim complémentaires.

Figure 3

Schéma 2 : Représentation systémique de la ville B

figure im4

Schéma 2 : Représentation systémique de la ville B

Source : auteur

4.2.1. Une Ville intelligente née de l’Open data et des questions d’innovation

52 Alors que les projets d’innovations technologiques devenaient nombreux, la volonté des responsables politiques fut d’y apporter une approche transversale et globale, par la création d’un Comité politico-technique de la Ville intelligente. Ce comité, composé d’élus, de services de la ville et de techniciens, vise à offrir un niveau d’information égal et à mobiliser les ressources pertinentes selon les projets, tout en évaluant l’intérêt des projets au regard des valeurs de la politique urbaine. Une émergence de projets innovants en partie liée à l’Open data avec la volonté de susciter « de l’innovation, de faire en sorte qu’il y ait de nouveaux services, de nouveaux usages qui puissent être mis en place avec l’ouverture des données de la métropole » [Interrogé Ville B], ou encore suite à des demandes d’acteurs locaux.

4.2.2. « Passer du faire ensemble à vivre ensemble », ou l’inclusion comme mot d’ordre

53 Si la technologie occupe un rôle important dans la Ville intelligente, celle-ci ne sert que des objectifs politiques déjà établis. Si les enjeux traditionnels tels que l’économie et l’écologie sont cités, celui de la solidarité occupe une place non négligeable dans le discours tenu avec la volonté de préserver les valeurs sociales de la métropole. Des projets tels que la Fabrique Citoyenne, le Budget participatif, la mobilité pour les personnes à mobilité réduite, la lutte contre la fracture numérique vont en ce sens, qui sont considérés comme des bases pour lutter contre « la défiance du citoyen vis-à-vis du politique, et c’est peut-être parce qu’on ne fait pas les choses assez ensemble, qu’on ne partage pas suffisamment le principe de réalité, les objectifs et les enjeux, et quand on fait ensemble on mesure tout ça, et finalement les projets qui se mettent en place sur les territoires sont bien mieux traités quand ils sont pensés et fait collectivement » [Interrogé Ville B]. Cette inclusion des acteurs doit in fine servir l’objectif de la transition au carré « à savoir la transition numérique et écologique, et je pense que c’est un enjeu dont on ne parle pas assez » [Interrogé Ville B].

4.2.3. Un service public de la donnée : une vision singulière de la gouvernance

54 À l’inverse de nombreuses collectivités sur ce sujet, si la Ville B possède sa plateforme Open Data, elle concentre sa politique de données autour d’un service public de la donnée. Celui-ci a pour objectif d’offrir une interopérabilité entre les données, de la rendre accessible à l’ensemble des acteurs du territoire tout en y régulant l’accès selon son statut en définissant une gouvernance stricte selon les objectifs et finalités du réutilisateur (citoyens, entreprises, universités…). La difficulté réside ainsi dans la définition d’une gouvernance de la donnée garantissant une réutilisation profitable aux acteurs du territoire, et ce tout en respectant le consentement des producteurs de données. Ce service contient par ailleurs des données personnelles spécifiques, comme des données issues du milieu hospitalier dans un projet de mutualisation des données entre services médicaux, et offre ainsi un panel de données bien plus large que celui de l’Open data. La vision de cette métropole se situe donc à l’encontre d’une approche libérale de la donnée.

4.3. Ville C : allier urbain et rural pour un territoire durable

55 Le schéma 3 rend compte d’une représentation systémique de la ville C. Sont présentés en annexes C.1 et C.2 respectivement la grille d’analyse synthétisée des représentations et la grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une Smart City tels que définis en section III et permettant ainsi de justifier les analyses produites à l’aide de verbatims complémentaires.

Figure 4

Schéma 3 : Représentation systémique de la ville C

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Schéma 3 : Représentation systémique de la ville C

Source : auteur

4.3.1. La spécificité d’un territoire urbain et rural

56 Projet porté par la Direction Énergie et Climat, celui-ci est né par pure opportunité dans le cadre de la convention Data Cités 2 menée par la Banque des territoires, et non par impulsion politique. C’est dans ce cadre qu’une Ville intelligente au service de la transition énergétique voit peu à peu le jour, avec la particularité d’un territoire hétérogène : « notre volonté c’est de dire que ce qu’on arrive à mettre en place dans la ville, on arrive à le répliquer dans des terres rurales » [Interrogé Ville C]. Avec plus de 40 communes, dont une majorité de rurale, faire converger les enjeux de territoires aussi différents semble être le principal défi. Ceci passe entre autres par le recours à des technologies peu onéreuses et éprouvées, comme en atteste l’expérimentation d’un réseau LoRa [4] sur le territoire. Cette inclusion de l’ensemble du territoire passe également par la volonté de collaborer avec des entreprises locales pour développer des solutions de Ville intelligente, à l’image des projets de chatbot sur la gestion des déchets ou encore d’un hyperviseur global du territoire. La réussite et l’efficacité de ce projet seront alors évaluées selon « l’attractivité du territoire, la transition énergétique, et le développement de service » [Interrogé Ville C].

4.3.2. Une Ville intelligente au service de la transition énergétique

57 L’émergence du projet, à savoir l’appropriation du sujet par la Direction Énergie et Climat, oriente naturellement le projet de Ville intelligente vers les questions de transition énergétique, sans toutefois exclure de l’étendre à d’autres domaines sur le long terme. Les projets en expérimentation cités précédemment vont en ce sens. Dans les faits, ceci se traduit par une implication directe du citoyen dans ce processus. Les données générées par la Ville intelligente, qui constituent une clé de compréhension nouvelle et objective, permettront de fournir des conseils pratiques aux citoyens pour réduire leur empreinte énergétique, le tout grâce à une application citoyenne de transition énergétique. Cet enjeu considéré comme majeur s’illustre également dans le choix des technologies, non seulement dans leur usage, mais également dans leur provenance.

4.3.3. Une acculturation nécessaire des différents acteurs

58 De l’Open data à la Ville intelligente, l’acculturation d’acteurs au départ peu sensibles à ces sujets apparaît comme vital, qui plus est dans un territoire où une part non négligeable de communes n’est pas concernée par l’obligation d’ouvrir les données. Un problème quand la donnée occupe un rôle central pour « permettre de mieux gérer mon patrimoine, et aussi d’inclure mieux mon citoyen et de lui rendre la vie plus facile » [Interrogé Ville C]. Seul acteur du territoire régional à œuvrer en faveur de l’Open data, La Ville C accompagne les territoires et communes rurales dans l’ouverture de données, pour non seulement leur permettre d’être en règle avec la loi, mais également de libérer des données représentatives d’un territoire majoritairement rural. Des actions de sensibilisation sont également menées auprès des différents acteurs (association citoyenne, universités, entreprises…) sur les sujets liés à la donnée en collaboration avec un tiers lieu numérique et un centre de culture scientifique et technique. Cette acculturation a également lieu en interne, où les phases d’expérimentation projet visent non seulement à prouver leur efficacité avant la phase opératoire, mais également d’inclure progressivement les acteurs municipaux à ces sujets, en témoigne le projet de chatbot de gestion des déchets dont le contenu est alimenté par les agents qualifiés.

5. Discussion

59 Nous analysons dans cette partie les axes majeurs issus du croisement des données entre les acteurs.

5.1. Un opportunisme qui enfante des projets de Ville intelligente

60 Au-delà des impératifs auxquelles les villes font face et que les NTIC semblent pouvoir résoudre favorablement, nous avions évoqué le mimétisme comme potentiel facteur explicatif de cette diffusion du concept. Peu d’éléments permettent d’affirmer ou d’infirmer cette hypothèse, la plupart des cas étudiés faisant davantage écho à un opportunisme lié à l’attractivité que véhiculent l’image de la Ville intelligente et les innovations.

61 La Ville C s’est ainsi lancée dans l’aventure de la Ville intelligente à la suite d’un appel d’une convention de la Banque des Territoires, Data Cités 2, qui a pour objectif « de réunir des acteurs publics et privés du territoire pour co-produire une méthode de capacitation des territoires au travers d’un accompagnement personnalisé des territoires (“Do tank”) et d’un espace de travail, de réflexion et de partages de connaissances et de retours d’expérience (“Think Tank”) »[5]. L’orientation transition énergétique de son projet s’explique par le fait « qu’il n’y avait pas trop de services jusqu’alors qui se saisissaient du sujet, donc nous (la Direction Énergie & Climat) on a décidé de le prendre » [Interrogé Ville C].

62 Toutefois, il convient de ne pas exclure l’évolution naturelle de la majorité de ces acteurs vers les sujets de Smart City, en atteste les cas des villes A et B, qui avaient toutefois des objectifs initiaux bien distincts. Alors que La Ville B faisait davantage face à une volonté de s’organiser face à l’afflux de demandes de projets technologiques et de production de donnée, sans toutefois renier l’importance de l’aspect marketing territorial de la Ville intelligente, le projet de la ville A est né de la stratégie d’innovation initiée par le Maire dans les années 1990, face au constat « que les projets d’innovation étaient un grand facteur d’attractivité pour le territoire » [Interrogé Ville A], avec une volonté de rester à la pointe de l’innovation, sans négliger le fait que « la Smart City ce n’est ni plus ni moins qu’un outil formidable de contrôle de gestion d’une administration » [Interrogé Ville A]. La Ville intelligente constituerait alors un nouvel outil de gestion pour les collectivités.

5.2. Des innovations salutaires pour améliorer la ville

63 Les contextes émergents expliquent finalement l’omniprésence de l’innovation au centre des projets. Si pour la majorité des interrogés la Ville intelligente aborde l’ensemble des thématiques de la Ville, force est de constater que la gestion de celle-ci découle des unités et Directions liées à l’innovation, comme aux villes A et B. Par la nature même des projets, la question de la Ville intelligente est donc d’abord technologique avant d’être sociétal ou organisationnel, même si ces points sont évoqués par les interrogés et que nul ne renie les limites de la technologie seule. Cette dernière sert à faciliter la collaboration entre les acteurs de la ville, à créer un « écosystème de coopération » qui peut notamment se matérialiser par un centre de pilotage de la ville, procurant ainsi un pouvoir d’influence à la technologie. Cet écosystème est censé répondre aux problématiques de cloisonnement des services des collectivités, une vision partagée par de nombreux acteurs : « Aujourd’hui nos territoires sont largement informatiques et fonctionnent en silos… ce que le numérique peut leur apporter c’est la transversalité » [Interrogé Industriel A]. Un constat qui rappelle la Sociologie de la traduction, en attribuant à l’outil technologique un statut d’acteur (Latour et Woolgar, 1979) : l’objet non-humain, tel que le discours porté, prend alors l’ascendant en termes d’influence sur l’humain avec lequel il interagit, via un effet de boucle cybernétique (Barth et al ., 2014).

64 Tous les acteurs interrogés conçoivent l’innovation comme le centre des projets de Ville intelligente, avec la volonté de créer des espaces propices à celle-ci, celle-là même qui suscitera un développement multi sectoriel de la ville. Cette vision se rapproche du modèle des Systèmes urbains cognitifs (SUC) (Besson, 2014), milieu urbain créatif censé susciter l’innovation, souvent influencé par un certain déterminisme technologique. Ces SUC sont ainsi parfois critiqués dans leur capacité à « faire la ville » (Besson, 2017), car davantage pensés pour accueillir des innovations, plus que pour y créer des territoires de vie pour l’ensemble de la population, avec un fort scepticisme sur leur capacité à produire « même à long terme, une véritable vitalité urbaine » (Besson, 2017). Si la technologie ne représente pas le seul facteur de réussite des projets de Ville intelligente et n’est finalement qu’un outil au service de celle-ci, il paraît complexe d’établir des schémas managériaux entre les acteurs de la ville complexes sans un recours à celle-ci.

65 Toutefois, si l’opérationnalité des infrastructures de la ville peut être pilotée par la technologie, elles ne peuvent suffire à rendre la Ville intelligente en excluant les aspects « plutôt mineurs liés à la culture, à la vie sociale, et sociétale et je pense que ces sujets-là, les intelligences artificielles même les plus avancées auront du mal à les prendre en charge » [Sociologue interrogé] . Ce rôle central de l’innovation et de la technologie interroge de plus la capacité de la Ville intelligente à s’adresser à toute la population. Les projets de Ville intelligente les plus significatifs en France concernent majoritairement les Métropoles. Il convient ainsi de s’arrêter sur le caractère transposable des projets de Ville intelligente sur des territoires à la topographie et à la composition démographique plus complexe. En d’autres termes, comment ne pas entretenir une fracture numérique dans un territoire qui tend vers la technologisation de l’espace public ?

66 Non seulement dans la captation de données pour qu’elles soient représentatives du territoire, mais également dans leur réutilisation par l’ensemble des acteurs, le projet de la Ville C apparaît comme singulier, avec la volonté de répondre partiellement à cette problématique en créant une Ville intelligente urbaine-rurale réplicable quelle que soit la commune qui compose la communauté urbaine, « qu’à chaque fois que je teste quelque chose dans la ville centre par exemple dans une ville très urbaine, je veux que la solution puisse être adaptée dans une ville rurale intégrée à la communauté urbaine » [Interrogé Ville C]. Un rôle et un pouvoir de la technologie qui tend à voir son efficacité remise en cause hors d’un cadre urbain et métropolitain, dans des territoires à la composition complexe, la ville pouvant s’étendre au-delà de ses limites géographiques par le numérique. Ainsi, ce rôle complexe que doivent occuper la technologie et l’innovation, reste encore à définir, à l’instar de la Ville intelligente qu’elle sert. Comme vu précédemment, le flou sémantique entretenu autour du concept de Ville intelligente influe sur les composantes qui la constituent. La Ville intelligente se situe donc encore dans une perspective paradoxale car dans « une période de représentations (…) qui sont à la fois technophiles et technophobes » [Sociologue interrogé].

5.3. La question de l’environnement comme enjeu majeur

67 Si les technologies doivent servir la Ville intelligente dans leur globalité, elles le font dans un but consensuel et établi : la ville connectée pour servir la ville durable. Ce constat fait consensus dans la totalité des projets de Ville intelligente en France et chez nos interrogés. Du projet de la Ville C au service de la transition énergétique aux smart grids de la Ville A, tous invoquent une meilleure gestion des ressources de la ville par le biais des NTIC.

68 Cependant, la ville durable et connectée est une source de paradoxe entre le rôle auquel elle prétend et sa nature. La question des externalités négatives engendrées par les technologies numériques hors de la ville reste encore nébuleuse pour nombre de nos interrogés, alors que le substrat technologique consomme plus d’énergie qu’il en économise (Laporte, 2017). Par ailleurs, si la question de la durabilité de la ville constitue un élément central du discours des interrogés, la prise en charge de cette problématique diffère selon les collectivités. Dans le cas de la Ville A, celle-ci relève de la responsabilité de la collectivité, en témoigne la mise en place de smart grids dans la ville. À l’inverse, d’autres collectivités déplacent cette responsabilité sur les citoyens et acteurs du territoire, avec une « prise en charge des enjeux par l’individu et non pas par la société, l’État ou les organismes urbains » . Un répondant considère à ce sujet que la Ville intelligente questionne trop peu la question de la durabilité des projets en occultant certains aspects essentiels, réduisant le développement durable à « l’économie grâce à la maîtrise des énergies à l’échelle individuelle, le monitoring de la consommation d’énergie au niveau des habitations, mais pour moi ça ne renvoie pas du tout à la prise en charge des enjeux du développement durable » .

69 Le cas de la Ville C illustre parfaitement ce constat, avec une volonté d’utiliser les données captées par la Ville pour prodiguer des informations et conseils permettant de mieux gérer sa consommation à l’échelle individuelle. Cette communication territoriale de la ville durable de nature dissuasive-persuasive, portant sur les pratiques responsables, est analysée comme une forme d’idéologie de culpabilisation (Gagnebien et Bailleul, 2011), en excluant ainsi la responsabilité des collectivités et des organismes urbains.

5.4. Des rôles à définir : du citoyen-utilisateur aux entreprises providentielles

70 La question du rôle de chaque acteur du territoire et donc de la gouvernance de la Ville intelligente se pose dans une complexité de l’articulation de l’ensemble des parties prenantes. On peut constater l’absence quasi systématique des universités dans les projets de Ville intelligente. Si celles-ci ne sont pas exclues, elles n’occupent pas un rôle aussi important que les citoyens ou les entreprises et sont reléguées au second plan. Le rôle du citoyen reste également à interroger dans nombre de projets, et de facto de l’émergence du Smart Citizen . Si l’on se réfère aux quatre rôles du citoyen (Cardullo et Kitchin, 2017), il est difficile d’en identifier un qui corresponde à la réalité de nos données empiriques. Force est de constater que le citoyen est fréquemment un producteur de données, dont le quotidien va être amélioré par l’arrivée de services urbains innovants. Ainsi, son imbrication dans le processus de Ville intelligente se matérialisera davantage par une meilleure qualité de services mis à sa disposition qu’à une réelle inclusion dans les processus de décision de la ville. Par ailleurs, la plupart des inclusions du citoyen dans la Ville intelligente se font dans une approche purement descendante top-down, à l’instar de la Ville servicielle.

71 Les projets de Ville intelligente basée sur l’hypervision sont une illustration de ce constat : si les citoyens émettent des données et produisent de l’information utile à la régulation de la Ville, ceux-ci transitent toujours par un organe central régulateur (la plateforme d’hypervision). La transversalité entre les citoyens semble donc encore peu envisagée, même si toutefois un projet tel que le service public de la donnée de la Ville B va en ce sens, le citoyen est donc fréquemment réduit à un producteur de données et un consommateur de services, plus qu’à un acteur inclus dans un écosystème de coopération avec une prise en compte des activités au sein de celui-ci, en d’autres termes, d’intelligence sociale (Cronin et Davenport, 1991). Par ailleurs, la conception de ces services urbains innovants, autrefois adage de la collectivité, semble aujourd’hui déléguée aux entreprises privées. Dans la majorité des schémas de Ville intelligente présentés précédemment, les innovations censées servir la ville doivent être créées par les entreprises à la suite de la réutilisation des données. Si l’amélioration des services et infrastructures existants constitue le cœur de pratique des collectivités, la création de nouveaux services semble relever du rôle des entreprises, un constat empreint d’un soupçon de fatalisme sur le sujet. La collectivité semble donc s’effacer doucement pour jouer un rôle d’animateur de l’écosystème plus que de régulateur et d’initiateur de projets.

5.5. Un cycle de la donnée nécessaire, mais chimérique

72 Le facteur différenciant qui permettrait l’arrivée de services urbains innovants semble se matérialiser par l’exploitation de données nouvelles captées par la Ville intelligente. La libération des données captées apparaît comme essentielle et primordiale pour l’ensemble des acteurs interrogés, pour une réutilisation par les acteurs économiques du territoire. L’Open data semble aller en ce sens dans la majorité des projets, avec des données captées par les NTIC reversées dans les plateformes d’Open data locales.

73 Cependant, la libération des données ne suffit pas à la rendre exploitable par les acteurs, mais surtout à insuffler une culture de la donnée à ceux-ci. La Ville intelligente fait face à de nombreuses problématiques encore non résolues autour de la donnée : quelles données libérer, sous quelles formes, et comment encourager leur réutilisation par les acteurs locaux ? Une thématique encore complexe pour les interrogés, tiraillés entre la certitude d’une animation nécessaire et un management complexe de la donnée.

74 Au-delà des enjeux d’acculturation se dresse le constat d’une Open Data omniprésente dépossédée de son sens originel. La donnée brute laisse place à de la donnée traitée, et dans la conception même de ces plateformes, la volonté de transparence laisse place à la valorisation économique, faisant ainsi écho à une réappropriation libérale de l’Open data (Le Béchec et Hare, 2017). Le service public de la donnée de la Ville B occupe ainsi une place singulière dans le management de la donnée territoriale, en constituant l’une des rares plateformes territoriales communes aux acteurs du territoire, élargissant le simple spectre de la donnée publique avec toutefois une régulation des données. Ce modèle semble ainsi offrir une option intéressante pour des données valorisables auprès des acteurs du territoire.

75 Face à l’absence de garantie de réutilisation des données, les collectivités étudiées réalisent de nombreuses actions d’acculturation et de sensibilisation des acteurs, parfois grâce des associations permettant de faire l’intermédiaire entre les acteurs et la collectivité. Chantelot et Errami (2015) décomposent la ville créative en trois strates (individus, communautés qui font office de « middleground » et les organisations) et montrent que la présence des middleground (communautés de pratiques) est essentielle à la circulation des connaissances entre les individus et les institutions. Toutefois, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer l’efficacité de ces démarches dans les villes étudiées. De ce fait, la donnée semble occuper un rôle quasi providentiel dans les Villes intelligentes, où résiderait une compréhension nouvelle et jusqu’ici inconnue de la ville qui permettrait la création d’innovations par les acteurs du territoire, faisant écho à une forme de populisme technologique, où la « mise en donnée » du monde permettrait d’ordonner la réalité de la ville (Rabot, 2019). Le tout sans même s’interroger sur la capacité de compréhension offerte par la donnée, où son management et son cycle de vie auprès des acteurs semblent rester une chimère, contraignant fortement les avancées dans ce domaine.

76 Enfin, la notion de biens communs (Ostrom, 1990) si elle n’est pas explicite dans nos analyses, et plus particulièrement la question de l’auto organisation des individus, est en accord avec l’idéologie de l’open data, mais l’est beaucoup moins avec la Ville intelligente. En effet, la notion de commun d’Ostrom part de l’hypothèse que les individus peuvent s’auto-organiser pour gérer des ressources communes, hors des solutions étatiques ou de privatisation par des firmes. Or, dans les visions de villes intelligentes décrites, l’impulsion provient toujours d’une institution publique qui va centraliser ces ressources, ou encourager leur gestion/exploitation par les acteurs de la Ville. Il s’agit d’ailleurs d’un point récurrent tant dans la littérature que dans les entretiens, à savoir la difficulté de susciter une appropriation et une gestion autonome de ces ressources par les acteurs de la ville.

Conclusion

77 Il reste complexe de définir clairement des projets de Ville intelligente selon les idéologies qui les ont portés en dépit d’un relatif consensus entre les interrogés sur les enjeux majeurs auxquelles la ville doit répondre et des divergences d’opinions idéologiques. La Ville intelligente apparaît donc ici comme un concept qui dépasse les cadres idéologiques. Ce constat est à mettre en perspective avec la forme d’apolitisme qu’impose la Ville intelligente dans sa représentation systémique (Söderström et al., 2014), afin de tendre vers une nouvelle forme d’objectivité quand bien même « les utopies techniciennes peuvent être mobilisées par des acteurs se positionnant de manière parfaitement contradictoire sur le plan des idéologies politiques » (Rabot, 2019), les projets cybernétiques servant tant des idéologies capitalistes aujourd’hui, que soviétiques par le passé. Sans tendre vers de telles extrémités idéologiques, nous pouvons constater que la représentation systémique de la Ville intelligente dépasse la couleur politique des villes. Cependant, il serait erroné de considérer que la Ville intelligente est en dehors de tout cadre idéologique ou politique : des processus administratifs contraignants, une administration à « désiloter », une extension du secteur privé dans la sphère publique par l’incursion d’acteurs privés dans les systèmes organisationnels et techniques des collectivités, l’omniprésence du management entrepreneuriale pour susciter l’innovation, pour certains la volonté de placer la liberté des citoyens au-dessus du cadre politique, ou encore la volonté pour les collectivités de ne jouer qu’un rôle d’animateur dans un environnement autorégulateur.

78 Sans un certain paradoxe, nous pouvons noter l’importance d’une idéologie régulatrice dans ces projets français, avec une volonté pour certains de garder la main sur l’environnement et dans la diffusion de l’innovation. Ainsi, les projets de Ville intelligente tendraient à mieux articuler les actions entre le public et le privé plutôt qu’à déléguer l’ensemble de ces problématiques au secteur privé.

79 Ce travail de recherche peut trouver ses limites dans le corpus étudié qui n’a pas vocation à être exhaustif et prétendre représenter la vision française de la Ville intelligente. Nos résultats ne peuvent s’appliquer que dans le contexte de recherche, à savoir l’étude de ces trois collectivités. Par ailleurs, l’étude de terrain s’est majoritairement basée sur l’étude du discours des acteurs à l’initiative ou directement impliqués dans la gouvernance d’une expérience de Ville intelligente ; une recherche future pourrait consister à interroger d’autres types d’acteurs et parties prenantes tels que des citoyens (engagés ou non) utilisateurs de services liés à la Ville intelligente. Outre le caractère interprétatif des résultats et de l’analyse, ceux-ci peuvent ne pas refléter l’entièreté des faits. Si l’on se réfère aux 6 axes étudiés dans le cadre d’analyse, nous ne prétendons pas que certains axes ne sont pas traités par les acteurs, mais simplement que ceux-ci n’apparaissent pas naturellement dans le discours. Cette recherche est donc à replacer dans une démarche d’étude des représentations, et non dans une analyse opérationnelle du sujet.

80 Le travail de recherche ouvre de nombreuses perspectives de recherche et hypothèse, tant la notion de Ville intelligente s’apparente à une chimère, et ce au sein d’un même territoire et d’une même culture. Le concept même d’intelligence reste à interroger plus en profondeur. Comment expliquer par exemple l’écart de sens entre la Ville intelligente et l’intelligence territoriale, que tout unit par le nom, mais qui dans les faits, sont bien distinctes. Si nous avons pu constater un consensus dans le discours des interrogés sur l’incapacité de la technologie seule pour résoudre les maux de la société, force est de constater l’omniprésence des technologies numériques comme outil majeur pour y répondre au point de tendre vers un mythe rationnel et d’efficience, voire de représenter une sorte de « populisme technologique » et d’utopie urbaine conjuguant critique du système, croyances, peur du désordre et narcissisme (Rabot, 2019).

Annexe A – Traitement des données de la Ville A

81

Tableau 2

Tableau A.1 – Grille d’analyse synthétisée des représentations de la ville A

RésultatsExemples de verbatim
Enjeux
  • Environnement
  • Démographique
  • Rôle du numérique
Il y a des défis urbains, qui sont liés notamment à l’augmentation des populations, de la croissance démographique des villes qui continue à grimper d’une manière exponentielle, même inquiétante / Et c’est l’un des enjeux évidemment de demain, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique et comment on va adapter les villes dans ce contexte-là
Origine
  • Initiative politique
  • Implication des leaders
  • Facteur d’attractivité
Il est clair que s’il n’y a pas la volonté politique d’une ville, et comme d’une entreprise d’ailleurs, si le patron n’est pas conscient de l’intérêt, d’un impact de ces nouvelles technologies, ça ne peut pas marcher / Alors au tout début d’internet, c’est le maire, c’est lui qui a porté l’impulsion, c’est lui qui nous a poussés à réfléchir à ces questions-là
Vision
  • La ville territoire de vie
  • Un tournant historique
  • Smart vs intelligence
  • Écologique/Évolutionniste
  • les technologies au service de l’existant
Une ville, c’est un lieu où des hommes et des femmes vivent, travaillent, circulent. Nous sommes des territoires de vie, c’est les gens qui font la ville / Moi je prends souvent l’exemple des villes qui, au XIXe siècle, avaient refusé d’accueillir une gare de chemin de fer. Ces villes-là, ce jour-là, elles se sont arrêtées de progresser / On ne demande pas d’avoir une vie réglée comme du papier à musique, avec un ascenseur le matin qui nous dit ce que l’on doit faire dans la journée, qui nous amène directement au parking, avec une voiture autonome qui va se conduire automatiquement, on s’installe dedans et on va au bureau…
Objectifs
  • Attractivité
  • Modernisation
  • Anticipation des défis futurs
Renforcer l’attractivité de la ville pour attirer des nouvelles entreprises et donc des emplois et pour attirer de nouvelles populations / Un objectif davantage sociétal qui était d’anticiper les évolutions futures pour aider notre population, ou préparer plus tôt notre population aux défis de demain et lui donner plus de chance qu’ailleurs parce qu’on y aura réfléchi plus tôt
Vision de la donnée
  • Transparence/disponibilité
  • Utopie
  • Compréhensive
  • Impact organisationnel
  • Économique non soutenable
  • Réutilisations
  • Scepticisme sur la privatisation de la donnée
  • Règles d’ouverture
Il faut le faire, c’est pour la transparence, c’est pour plus de démocratie, en plus comme ça les start-up vont pouvoir développer de nouveaux services et des applications, vous allez voir ça va être le grand boum de la créativité au service de la population…. Enfin vraiment là un truc pour le coup un peu utopique / C’est là que je dis qu’il faut que les secteurs s’adaptent, ça veut dire aussi dépenser, ça veut dire investir dans de nouveaux serveurs, investir dans de nouveaux Systèmes d’Information, veiller à la sécurité informatique… ça a quand même un vrai impact en termes d’organisation / Après on peut effectivement se dire que ce n’est quand même pas une bonne chose que des gens fassent de l’argent sur notre dos, mais c’est le principe de l’Open Data. Et dans ce cas-là, il fallait changer ou ajouter une règle différente à partir du moment où l’on fait ça / Il faut être patient, et c’est pour ça qu’on finit par y arriver, parce qu’ils savent très bien que dans nos futurs appels d’offres, il y aura besoin d’explications, donc on ne leur demandera plus, ce sera imposé.

Tableau A.1 – Grille d’analyse synthétisée des représentations de la ville A

82

Tableau 3

Tableau A.2 – Grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une smart city Ville A

Vision/ Objectifs/ActionsVerbatim
Economy
  • Les innovations numériques vectrices d’attractivité : accueil de sièges sociaux, image forte & rayonnement
  • Acculturation : partage optimal des informations &règles d’ouverture de données auprès des entreprises
  • Moderniser les processus administratifs
On s’est rendu compte que les projets d’innovation étaient un grand facteur d’attractivité pour le territoire / On a doublé le nombre d’emplois - c’est le patron de XXX Immobilier qui est allé voir le maire et qui lui a dit « Tiens, on ferait bien un smart grid pour voir ce que ça donne », et tout ça, ça nous rapporte beaucoup en termes d’image, parce qu’évidemment on parle beaucoup de ce projet qui était le premier et le plus grand de cette ampleur / Il faut aller vite vous savez, c’est un peu comme l’esprit start-up, il faut occuper le terrain tout de suite
People
  • Confier la stratégie à un profil utilisateur
  • Budget participatif & plateforme
  • Ne pas tout miser sur les technologies
À l’époque l’idée était de justement ne pas confier ces questions-là ni à un informaticien, ni à un communicant, mais à un utilisateur / La technologie c’est un outil formidable, qui peut nous aider à faire plein de choses, qui peut vraiment nous aider à progresser dans plein de domaines, mais ce n’est pas une baguette magique, et ce n’est pas non plus le grand méchant loup, donc il faut garder de la mesure dans tout ça
Governance
  • Optimiser les processus municipaux : moderniser, standardisation & dématérialisation
  • Définir une méthodologie permettant de favoriser l’innovation : agilité, expérimentation, collaboration
  • Définir le rôle des collectivités : indépendance des échanges de données, adaptation aux nouveaux services, efficiences & régulation des innovations une fois les services installés
la différence avec un service municipal, c’est qu’on est plus agile - Il faut savoir que la population a augmenté d’un tiers depuis 20 ans, mais notre effectif de fonctionnaire n’a pas bougé / Alors ça c’est presque le côté sympathique de l’Open Data, puisque ça nous a permis de structurer davantage notre manière de travailler / Si l’Open Data a un impact visible sur quelque chose, c’est quand même sur le mode de fonctionnement de l’administration / Moi ma position c’est de dire que c’est un problème, mais que nous, collectivités, devons régler. Ce n’est pas à l’automobiliste de subir le fait que l’on a peut-être un problème d’aménagement de la circulation / Donc alors après qu’on revienne pour réguler parce qu’il ne faut pas que le balancier aille trop loin, et qu’on revienne un peu au centre, là c’est normal dans ce cas. L’acteur public revient, il dit « C’est très bien, vous avez changé les choses, mais on va quand même réguler un peu parce que vous allez un peu trop loin, il y a des choses qui ne sont pas acceptables »
Mobility
  • Contribuer à la lutte contre le dérèglement : mobilités plus douces
On pousse à fond le passage aux voitures électriques, hydrogène / Les bus urbains qui sont donc sous notre responsabilité sont tous électriques aujourd’hui
Environment
  • Création d’écoquartiers
  • Utilisation du numérique
  • Faire de la ville un acteur
donc là on contribue clairement en faveur des énergies renouvelables / Alors par exemple je vais prendre des choses qui s’éloignent du numérique, car on rentre plus dans l’environnement, mais sans le numérique il y aurait des dispositifs qui n’auraient jamais été possibles
Living
  • Préparer la population aux défis de demain : ville connectée (fibre) & optimiser
  • l Les domaines de vie de la ville
Donc le domaine de l’éducation, du social, de l’administration, de l’urbanisme (…) je ne veux pas dire qu’on a fini parce que ce sont des choses qui évoluent tout le temps et qui peuvent encore s’améliorer, mais on a vraiment fait le job dans plein de domaines

Tableau A.2 – Grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une smart city Ville A

Annexe B – Traitement des données de la Ville B

83

Tableau 4

Tableau B.1 – Grille d’analyse synthétisée des représentations de la ville B

RésultatsExemples de verbatim
Enjeux
  • Innovation
  • Volonté d’expérimentation
  • Besoin de transversalité
C’est en fait par l’entrée innovation que je me suis intéressé à tout ce qui concerne les villes intelligentes, et c’est à ce titre que j’ai mis en place une réflexion sur ce sujet / au titre de la recherche et de l’innovation, on avait des dossiers, des projets qui étaient des projets innovants, des souhaits d’acteur d’expérimenter des choses
Origine
  • Slogan de la ville lié à l’intelligence
  • Projet politique
C’est vrai que le terme Smart City est un peu galvaudé, mais nous à Ville B ça fait 30 ans que notre slogan c’est « Ville B, vivre en intelligence » / de ces services et de ces usages nouveaux qu’on peut proposer aux citoyens, aux habitants de la ville ou de la métropole, il y a aussi un projet politique derrière
Vision
  • Approche globale
  • Transformer le territoire
  • Valeurs sociales
  • Mouvement constant
  • Efficience
  • Du vivre ensemble à faire ensemble
  • Comité de pilotage
  • Pas que des technologies
Et à un moment donné, les services avaient également à traiter ce type de sujet, et avaient un peu de difficulté à avancer, parce que ce type de projet nécessitait à la fois une approche politique un peu globale et systémique, mais il fallait aussi qu’il y ait une approche technique, enfin un regard croisé de manière technique sur les sujets / il y a l’idée de la transformation des territoires via les nouvelles technologies du numérique. C’est-à-dire la transformation des villes avec ces nouveaux outils, ces nouveaux usages, ces nouvelles technologies / pour moi c’est ça une Ville intelligente, c’est une ville qui utilise les apports de la technologie et de la science, mais toujours au service d’objectifs politiques / On n’a pas d’idéologie Smart City parce qu’en fait l’idéologie elle bouge tous les jours, et c’est bien / la Ville intelligente c’est la ville qui bouge, qui s’adapte aux enjeux économiques, écologique en tout cas, environnementaux ça c’est sûr, et puis aux enjeux de solidarité / Tout ce qui est Smart City ce n’est pas forcément la technologie qui pose problème, parce qu’on arrive assez vite à mettre en place un système qui fonctionne bien.
Objectifs
  • Marketing territorial
  • Préserver les valeurs sociales de la ville
  • Servir les projets politiques
  • Plus de transversalité
  • Transition « au carré »
Écrire un récit, de pouvoir utiliser ce travail, tout ce qui se faisait sur la métropole pour faire un peu de marketing territorial / dans notre façon de réfléchir à la Smart City, il y a toujours l’idée de préserver la solidarité, l’accès à la culture, au sport, à la mobilité pour tous… / pour nous la Ville intelligente c’est de dire un petit peu différemment le message politique qu’on porte, et voir si à travers des nouvelles technologies on trouve des nouveaux moyens à mettre au service de nos politiques, y compris nos politiques publiques / Bien sûr des projets très liés aux nouvelles technologies et au numérique, et donc à un moment donné j’ai réalisé que ces dossiers et ces projets qui foisonnaient nécessitaient une approche un peu plus transversale que ce qui existait
Vision de la donnée
  • Toutes les données ne doivent pas être ouvertes
  • Définition des usages et des consentements
  • Au service des intérêts communs
  • Respect de la vie privée
  • Contrôle des usages
Donc il y avait une volonté en fait de susciter de l’innovation, de faire en sorte qu’il y ait des nouveaux services, de nouveaux usages qui puissent être mis en place avec l’ouverture des données de la métropole / Tout ne doit pas être ouvert justement, quand on parle de sécurité et de garantie y compris vis-à-vis du citoyen, il y a bien cette préoccupation de ne pas ouvrir les données à tous et d’en faire n’importe quoi / Le sujet du partage de la donnée c’est une acceptation, par l’entreprise qui va partager ses données avec la collectivité, ou des citoyens qui acceptent parce qu’ils ont des capteurs sur leur vélo de nous donner des données de qualité de l’air, il y a une acceptation de l’utilisation de la donnée pour un objectif bien précis / Les Canadiens réfléchissent un peu à ça, ça peut être du consentement dynamique, c’est-à-dire que le citoyen accepte de donner pour un certain nombre de projets, mais il peut décider de retirer son consentement pour d’autres projets

Tableau B.1 – Grille d’analyse synthétisée des représentations de la ville B

Tableau 5

Tableau B.2 –Grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une smart city Ville B

Vision/ Objectifs/ActionsVerbatim
Economy
  • Valorisation/utilité des données
  • préserver les valeurs
  • stratégie de marketing territorial
  • Inclure les entreprises
Et donc ces applications-là elles sont développées par des entreprises ? Oui oui. Après les données de l’Open Data elles peuvent être utilisées par d’autres acteurs, mais en tout cas l’opérateur de mobilité avec son réseau développe pas mal de choses, au bénéfice des mobilités
People
  • Démocratie participative (fabrique citoyenne, budget participatif)
  • Inclusion/implication du citoyen dans l’aménagement urbain et sur les problématiques d’Open Data
Quand on fait ensemble on mesure tout ça, et finalement les projets qui se mettent en place sur les territoires sont bien mieux traités quand ils sont pensés et fait collectivement / On a fait des ateliers, on a fait plein d’actions comme ça pour sensibiliser à la fois les élus communautaires, les élus municipaux, les citoyens à ce sujet de la donnée, parce que l’on considère que c’est un sujet sociétal qui peut-être même un sujet socialement vif
Governance
  • Code de valeurs servant les intérêts de tous les acteurs
  • Vision et compréhension globale
  • Garantir une réutilisation profitable
  • Respecter le consentement des producteurs de données
  • collaboration avec des acteurs privés
Donc je conçois que ça puisse être une posture de dire « on ouvre et puis les acteurs s’en emparent », en fait c’est une vision assez libérale de la chose, on ouvre la donnée et on regarde mais ça c’est pas la nôtre / Data Health, enfin un partage de la donnée médicale, entre les données de l’hôpital, les données du secteur privé et tout le paramédical, et en fait l’objectif c’est de pouvoir suivre un parcours de santé d’un patient, et de pouvoir avoir une vision un peu systémique de son état de santé, parce que pour l’instant c’est très très cloisonné, y compris entre les services d’un hôpital donné.
Mobility
  • Faciliter les déplacements alternatifs à la voiture
  • Proposer de nouveaux services de mobilité
On a tout l’aspect mobilité pour essayer de trouver de nouveaux usages et de nouvelles mobilités, faciliter les déplacements alternatifs à la voiture, à travers des applications / On a un réseau qui développe des applications pour le covoiturage sur la métropole, on est en train de remplacer progressivement notre flotte de bus par des bus électriques
Environment
  • Développement durable
  • Réduire la dépense énergétique
  • Utiliser le numérique pour lutter contre le dérèglement climatique
Je parlais d’un réseau qu’on développe pour pouvoir analyser la consommation des bâtiments publics, on sait que déjà en maîtrisant mieux les consommations on peut économiser 10 à 20 % d’énergie / les territoires intelligents ce sont les territoires qui vont traiter ces questions-là et non pas déployer du numérique parce que ça fait bien, parce que ça fait moderne
Living
  • Mettre la technologie au service des valeurs sociales
  • Préserver les intérêts individuels des citoyens
  • Passer du vivre ensemble au faire ensemble
Smart City, c’est trouver de nouveaux moyens, de nouveaux services et de nouvelles technologies au service de politique qui sont les mêmes depuis plus de 30 ans, qui sont des politiques de solidarité, d’égalité, de lutte contre les inégalités, contre les fractures (y compris numérique) / On peut mettre de la vidéosurveillance, on peut faire de la reconnaissance faciale, on peut avoir une ville numérique, très technologique, sans prendre la précaution de la lutte contre la fracture numérique, contre le développement durable… / il y a une application qui a pas mal marché qui permettait aux personnes porteuses de handicaps de mieux se déplacer dans la ville avec les hauteurs de trottoir, tous les passages un peu compliqués

Tableau B.2 –Grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une smart city Ville B

Annexe C – Traitement des données de la Ville C

84

Tableau 6

Tableau C.1 – Grille d’analyse synthétisée des représentations de la ville C

RésultatsExemples de verbatim
Enjeux
  • Création d’une Direction
  • Collaborations externes
  • Travail en temps réel
  • Territoire mixte rural/urbain
  • Organiser et exploiter les données produites
La Direction Énergie et climat a été créée il y a plus de 2 ans maintenant suite à une réorganisation des services / Et en fait il n’y avait pas trop de services jusqu’alors qui se saisissaient du sujet, donc nous, on a décidé de le prendre / on a plus un volet territorial ; c’est-à-dire que l’on n’agit pas que sur notre patrimoine, mais on a vocation à agir auprès de tous les acteurs du territoire / quand vous avez une politique territoriale de communauté urbaine, vous essayez a minima que les enjeux convergent / Le constat que l’on a nous en interne c’est qu’effectivement on avait des données un peu partout, l’idée c’est d’apporter des services et des applications citoyennes pour simplifier un nombre de choses
Vision
  • Projet rural/urbain partagé
  • Mutualisation
  • Au service de la transition énergétique
  • Outil de gestion
  • La donnée a un rôle central
Parce qu’en fait on n’arrivera pas non plus à changer les mœurs et à faire évoluer les normes si jamais d’avenir on n’adapte pas aussi nos territoires ruraux et la Ville intelligente de demain / Donc nous le prisme d’entrée de la ville de demain c’est la transition énergétique / la Smart City ce n’est ni plus ni moins qu’un outil formidable de contrôle de gestion d’une administration / C’est vraiment dans ce sens-là qu’on le voit, moi c’est pourquoi est-ce qu’on met des capteurs, on met des capteurs parce qu’on veut récupérer de la donnée, et que cette donnée-là va me permettre de mieux gérer mon patrimoine, et aussi d’inclure mieux mon citoyen et de lui rendre la vie plus facile
Objectifs
  • Une VI urbaine-rurale
  • Transposabilité
  • Rationalisation des données
  • Tendre vers prédictif
  • Données issues des IoT
  • Attractivité du territoire, et développement de services
La Smart City ne doit servir qu’à rationaliser les données publiques et offrir du service aux citoyens / on expérimente aussi avec deux start-up et alors avec eux on est en train de travailler sur un superviseur qui serait couplé avec une application citoyenne / Parce qu’aujourd’hui les logiciels métier ça sert à récupérer les données, mais que sur les métiers, et pas à un niveau transversal, donc moi je voulais que le superviseur ait ce rôle-là, c’est-à-dire que toutes les données des logiciels métier remontent dedans, et que lui les croise, et qu’on arrive à croiser les données pour faire du prédictif et qu’on rentre demain la ville plus intelligente / Mais aussi que le superviseur demain puisse accueillir et en direct tous les objets connectés que je mettrai sur la ville
Vision de la donnée
  • Standardisation des données
  • Tiers de confiance
  • Approche descendante
  • Pas d’exploitation de données personnelles
  • Connaissances objectives utiles aux projets politiques
  • Capter sur tout le territoire
  • Ouvrir les données non nominatives en temps réel
  • un service public
Alors nous, Service de valorisation de données, en tout cas la mission nous a été confiée parce qu’on avait déjà un portail géographique ouvert au grand public et que déjà on pouvait peut-être dans un premier temps très rapidement ouvrir des données sur le territoire à caractère géographique / je pense que l’on doit être plus positionné en tiers de confiance qu’en maître de la donnée, ce n’est pas notre rôle en tant que collectivité / L’État n’a pas forcément envie d’aller mettre des sanctions pour le moment, mais a plutôt envie d’être dans une démarche participative et d’incitation à ce que les territoires aillent d’eux-mêmes vers l’Open Data / dans notre administration on est des techniques, on va pouvoir préconiser des solutions que l’on va pouvoir proposer à nos élus, mais en fait la gouvernance de la donnée c’est quand même quelque chose de politique dans la décision qui sera prise / Les données énergétiques ce sont des données personnelles. Donc du coup ça la collectivité n’a pas à s’ingérer là-dedans / on garde toujours la logique open data et on ne donne pas de données nominatives / Donc en tout cas la volonté c’est qu’il y ait un maximum de données en temps réel qui soient ouvertes, et soient utilisées par tout le monde, et pas que via la startup avec un hyperviseur, car ce n’est pas ouvert comme nous, on l’entend, et du coup on souhaite vraiment ça aille jusqu’au bout dans la logique open data

Tableau C.1 – Grille d’analyse synthétisée des représentations de la ville C

Tableau 7

Tableau C.2 – Grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une smart city pour la Ville C

Vision/ Objectifs/ActionsVerbatim
Economy
  • Les innovations numériques vectrices d’attractivité : accueil de sièges sociaux, image forte & rayonnement
  • Acculturation : partage optimal des informations &règles d’ouverture de données auprès des entreprises
  • Moderniser les processus administratifs
On s’est rendu compte que les projets d’innovation étaient un grand facteur d’attractivité pour le territoire / On a doublé le nombre d’emplois - c’est le patron de XXX Immobilier qui est allé voir le maire et qui lui a dit « Tiens, on ferait bien un smart grid pour voir ce que ça donne », et tout ça, ça nous rapporte beaucoup en termes d’image, parce qu’évidemment on parle beaucoup de ce projet qui était le premier et le plus grand de cette ampleur / Il faut aller vite vous savez, c’est un peu comme l’esprit start-up, il faut occuper le terrain tout de suite
People
  • Confier la stratégie à un profil utilisateur
  • Budget participatif & plateforme
  • Ne pas tout miser sur les technologies
À l’époque l’idée était de justement ne pas confier ces questions-là ni à un informaticien, ni à un communicant, mais à un utilisateur / La technologie c’est un outil formidable, qui peut nous aider à faire plein de choses, qui peut vraiment nous aider à progresser dans plein de domaines, mais ce n’est pas une baguette magique, et ce n’est pas non plus le grand méchant loup, donc il faut garder de la mesure dans tout ça
Governance
  • Optimiser les processus : moderniser, standardiser & dématérialiser
  • Définir une méthodologie permettant de favoriser l’innovation : agilité, expérimentation, collaboration
  • Définir le rôle des collectivités : indépendance, adaptation aux nouveaux services, efficiences & régulation des innovations
la différence avec un service municipal, c’est qu’on est plus agile - Il faut savoir que la population a augmenté d’un tiers depuis 20 ans, mais notre effectif de fonctionnaire n’a pas bougé / Alors ça, c’est presque le côté sympathique de l’Open Data, puisque ça nous a permis de structurer davantage notre manière de travailler / Si l’Open Data a un impact visible sur quelque chose, c’est quand même sur le mode de fonctionnement de l’administration / Moi ma position c’est de dire que c’est un problème, mais que nous, collectivités, devons régler. / Donc alors après qu’on revienne pour réguler parce qu’il ne faut pas que le balancier aille trop loin, et qu’on revienne un peu au centre, là c’est normal dans ce cas. L’acteur public revient, il dit « C’est très bien, vous avez changé les choses, mais on va quand même réguler un peu parce que vous allez un peu trop loin, il y a des choses qui ne sont pas acceptables »
Mobility
  • Contribuer à la lutte contre le dérèglement : mobilités plus douces
On pousse à fond le passage aux voitures électriques, hydrogène / Les bus urbains qui sont donc sous notre responsabilité sont tous électriques aujourd’hui
Environment
  • Création d’écoquartiers
  • Utilisation du numérique
  • Faire de la ville un acteur
donc là on contribue clairement en faveur des énergies renouvelables / Alors par exemple je vais prendre des choses qui s’éloignent du numérique, car on rentre plus dans l’environnement, mais sans le numérique il y aurait des dispositifs qui n’auraient jamais été possibles
Living
  • Préparer la population aux défis de demain : ville connectée (fibre) & optimiser les domaines de vie de la ville
Donc le domaine de l’éducation, du social, de l’administration, de l’urbanisme (…) je ne veux pas dire qu’on a fini parce que ce sont des choses qui évoluent tout le temps et qui peuvent encore s’améliorer, mais on a vraiment fait le job dans plein de domaines

Tableau C.2 – Grille d’analyse synthétisée des six axes caractérisant une smart city pour la Ville C

Notes

  • [1]
    Guide « Smart City versus stupid village », Caisse des Dépôts, 2016
  • [2]
    Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies, 1987
  • [3]
    Opengovdata, 8 Principles of Open Government Data, 2007 : https://public.resource.org/8_principles.html
  • [4]
    « Le réseau LoRa signifie Long Range ou « longue portée » en français. Il s’agit d’une technologie qui permet aux objets connectés d’échanger des données de faible taille en bas débit. (…) Peu gourmande en débit et en énergie, elle a l’avantage d’être très économique » - Tout savoir sur le réseau LoRa de Bouygues (2018). Objetconnecte.com. En ligne : https://www.objetconnecte.com/tout-savoir-reseau-lora-bouygues
  • [5]
    Appel à Candidatures DataCités2. (2019). Echosciences-normandie.fr . En ligne : https://www.echosciences-normandie.fr/annonces/appel-a-candidatures-datacites2
Français

La recherche présentée interroge la problématique du management de la donnée publique dans le cadre de trois projets de Villes intelligentes : quelle gouvernance, quelle propriété, quels utilisateurs ? Une analyse qualitative des représentations et discours portant sur la nature et idéaux-types sur ces projets laisse entrevoir un contraste entre les déclarations portées par les parties-prenantes et une approche plus classique autour de l’opposition « Ville intelligente » versus « Village stupide ». Finalement, les auteurs associent ce nouvel outil de gestion qu’est la ville intelligence à une nouvelle forme de mythe rationnel dont le management de la donnée est au cœur des préoccupations.
© 2021 IDMP/Lavoisier SAS. Tous droits réservés

Mots clés

  • Ville intelligente
  • idéologie
  • donnée ouverte
  • management de la connaissance
  • intelligence territoriale
English

Ideologies and representations of the Smart City. The research presented here questions the issue of public data management in the context of three Smart City projects: what governance, what ownership, what users? A qualitative analysis of the representations and discourses on the nature and ideal-types of these projects reveals a contrast between the declarations made by the stakeholders and a more classical approach based on the opposition “Smart City” vs “stupid village”. Finally, the authors associate this new management tool, the Smart City, with a new form of rational myth in which data management is at the heart of the concerns.
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Keyword

  • Smart City
  • ideology
  • open data
  • knowledge management
  • territorial intelligence
  1. Introduction
  2. 1. La Ville intelligente : vers nouveau mythe rationnel
    1. 1.1. Les prémices de la Ville intelligente
    2. 1.2. Les enjeux de la Ville intelligente comme miroir du XXIe siècle
    3. 1.3. Une complexe définition de la Ville intelligente
      1. 1.3.1. Ville intelligente vs Smart City
      2. 1.3.2.L’ingérence des industriels
      3. 1.3.3. Vers une définition de la Ville intelligente
  3. 2. Différentes visions et problématiques de la Ville intelligente
    1. 2.1. Ville intelligente vs village stupide : comment mesurer l’intelligence d’une ville ?
    2. 2.2. Un facteur d’attractivité territoriale
    3. 2.3. Une multitude de visions de la Ville intelligente
    4. 2.4. Quelle gouvernance de la Smart City ?
    5. 2.5. Open data et Ville intelligente : un mariage de raison
  4. 3. Méthodologie de la recherche
  5. 4. Résultats
    1. 4.1. Ville A : l’innovation au service de la transition énergétique et de l’attractivité
      1. 4.1.1. Préparer la ville aux défis contemporains
      2. 4.1.2. L’innovation au centre du projet
      3. 4.1.3. Une approche libérale de la donnée
    2. 4.2. Ville B : construire ensemble la ville de demain
      1. 4.2.1. Une Ville intelligente née de l’Open data et des questions d’innovation
      2. 4.2.2. « Passer du faire ensemble à vivre ensemble », ou l’inclusion comme mot d’ordre
      3. 4.2.3. Un service public de la donnée : une vision singulière de la gouvernance
    3. 4.3. Ville C : allier urbain et rural pour un territoire durable
      1. 4.3.1. La spécificité d’un territoire urbain et rural
      2. 4.3.2. Une Ville intelligente au service de la transition énergétique
      3. 4.3.3. Une acculturation nécessaire des différents acteurs
  6. 5. Discussion
    1. 5.1. Un opportunisme qui enfante des projets de Ville intelligente
    2. 5.2. Des innovations salutaires pour améliorer la ville
    3. 5.3. La question de l’environnement comme enjeu majeur
    4. 5.4. Des rôles à définir : du citoyen-utilisateur aux entreprises providentielles
    5. 5.5. Un cycle de la donnée nécessaire, mais chimérique
  7. Conclusion
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Olivier Coussi
Institut d’Administration des Entreprises - Laboratoire CeReGe (EA 1722), Université de Poitiers, Bat E1, 20 rue Guillaume VII Le Troubadour, TSA 61116, 86073 Poitiers
Maël Henaff
Institut d’Administration des Entreprises - Laboratoire CeReGe (EA 1722), Université de Poitiers, Bat E1, 20 rue Guillaume VII Le Troubadour, TSA 61116, 86073 Poitiers
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 21/06/2022
https://doi.org/10.3166/pmp.38.2021.0017
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