CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Est-il nécessaire de faire référence à l’Europe pour comprendre les évolutions récentes des systèmes de protection sociale des pays européens ? Ceux-ci ont connu de nombreuses réformes depuis le milieu des années 1980 et plus encore au cours des années 1990, qu’il s’agisse des réformes des retraites, des indemnités de chômage, des systèmes de protection maladie, des politiques familiales ou des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Les recherches les plus récentes portant sur ces réformes ne semblent pas accorder une grande importance à la dimension européenne dans leurs modèles explicatifs (Esping-Andersen, (ed.) 1996 ; Ferrera, Rhodes, (eds.), 2000 ; Leibfried, (ed.), 2000 ; Scharpf, Schmidt, (eds.), 2000 ; Pierson, (ed.), 2000).

2 Dans la littérature actuelle sur les évolutions des systèmes de protection sociale, les débats sur les facteurs des changements opposent ceux qui accordent une importance croissante aux transformations du contexte économique international (globalisation économique) pour expliquer la nécessité des réformes (Mishra, 1999) à ceux qui soulignent que les principaux problèmes rencontrés par les Etats-providence sont d’ordre domestique (changements socio-démographiques, évolutions technologiques, transformations du travail, arrivée à maturité des programmes de protection sociale ; Pierson, 1998). Dans les deux cas, l’Europe apparaît comme un niveau intermédiaire entre transformations globales et variables nationales qui est peu pris en compte.

3 En outre, si les problèmes peuvent naître de facteurs internationaux, la littérature tient pour acquis le fait que les réformes sont nationales. L’Etat-providence, conçu au niveau national, continue d’être analysé en termes purement nationaux. Malgré une volonté initiale d’harmoniser les politiques sociales des six membres fondateurs des Communautés européennes dans les années 1950, la Commission n’a jamais reçu de compétence législative en matière de protection sociale (coordination des régimes de Sécurité sociale de base mise à part) et n’a donc pu mener de politiques d’intégration ou de convergence en matière sociale. Cependant, si les politiques européennes ne pouvaient directement faire converger les politiques sociales nationales, certains ont prédit une influence indirecte des politiques économiques européennes sur les politiques sociales au cours des années 1980. Les nouvelles théories de la convergence ont annoncé que les dynamiques de compétition fiscale et de « dumping social » engendrées par la mise en place du grand marché puis de l’union économique et monétaire impliqueraient une course vers le bas en matière de politiques sociales, les systèmes de protection sociale devant s’adapter aux contraintes (économiques) européennes et subir des politiques d’ajustement et de réduction des dépenses (Beck, van der Maesen, Walker, eds., 1997). Dans cette perspective, l’impact de la construction européenne sur les programme de protection sociale nationaux est principalement pensé en termes d’ « intégration négative » (Leibfried, Pierson, 1998 ; Scharpf, 2000).

4 Pourtant, dès le milieu des années 1990, de nombreux auteurs ont souligné que les gouvernements nationaux gardaient la haute main sur les dépenses sociales et n’organisaient pas de convergence par le bas, puisqu’au contraire ils n’arrivaient pas à maîtriser l’augmentation de ces dépenses (Majone, 1993 ; Montanari, 1995). Aujourd’hui, la plupart des travaux actuels concluent que ce qui contraint le plus les gouvernements nationaux qui veulent réformer leur système de protection sociale, ce sont les configurations institutionnelles et politiques spécifiques associées au système de protection sociale national (Esping-Andersen (ed.) 1996 ; Scharpf, Schmidt (eds.) 2000 ; Pierson (ed.) 2000). La force des engagements passés, le poids politiques des coalitions d’intérêts associées aux différents programmes de protection sociale, l’inertie des arrangements institutionnels créent des phénomènes de dépendance institutionnelle qui contraignent les systèmes de protection sociale à rester dans la voie tracée par l’histoire et induisent de fortes résistance au changement (Pierson, 1997 ; Palier, Bonoli, 1999). La grande diversité des systèmes de protection sociale européens et les phénomènes de path dependence expliqueraient donc qu’il n’y ait pas convergence des politiques sociales ni compétence européenne en matière de protection sociale et qu’il n’y ait pas besoin de faire référence à l’Europe pour comprendre les réformes récentes.

5 Par voie de conséquence, peu de travaux portant sur la construction européenne et les politiques européennes sont consacrés aux politiques sociales. Lorsque c’est le cas, celles-ci sont conçues dans une acception différente des programmes de protection sociale classiques, dans la mesure où ceux-ci sont restés de compétence nationale. Ainsi, G. Majone suggère que l’Europe sociale sera faite de politiques de régulation et non plus de politiques distributives (Majone, 1993) ; S. Leibfried et P. Pierson, lorsqu’ils étudient les politiques sociales européennes, traitent des politiques de développement régional, de l’égalité de traitement entre hommes et femmes, de la politique agricole commune, des politiques de migration ou des relations industrielles mais pas de politiques de protection maladie ni de retraite (Leibfried, Pierson, (eds.) 1998). Chacun semble donc avoir assimilé le principe de subsidiarité au point de négliger l’intégration de la dimension européenne dans l’analyse des transformations des systèmes de protection sociale européens ou d’avoir besoin d’une nouvelle définition des politiques sociales pour analyser « l’Europe sociale ».

6 Dans ce texte, qui repose en partie sur des travaux menés pour le Commissariat général au plan en 1999 (Maurice (dir.) 1999), nous chercherons à voir en quoi, mais aussi comment, la prise en compte du niveau européen s’avère de plus en plus nécessaire pour comprendre les évolutions des systèmes européens de protection sociale. Dans un premier temps, nous rappellerons que ces évolutions sont d’abord contraintes par les héritages historiques et institutionnels nationaux, sans que le niveau européen ait permis de dépasser la diversité des systèmes de protection sociale. En effet, dans un second temps, nous verrons que l’influence des politiques européennes sur les transformations des systèmes de protection sociale a longtemps été limité (en matière de politiques sociales communautaire) et surtout indirect (par l’influence par la mise en place du marché puis de la monnaie unique). Cependant, dans un troisième temps, nous ferons l’hypothèse qu’à défaut d’organiser une harmonisation institutionnelle des systèmes de protection sociale en Europe, les institutions européennes (Commission, Conseil, CJCE notamment) contribuent aujourd’hui à organiser une harmonisation cognitive et normative des réformes de la protection sociale en Europe : les récentes réformes des retraites menées dans les divers pays européens se font sur un modèle commun, lisible - entre autres - dans les textes communautaires ; la méthode dite « ouverte » de coordination des politiques d’emploi nationales mise en œuvre depuis quelques années vise explicitement une convergence des objectifs et des pratiques en la matière, à partir d’une stratégie définie au niveau communautaire.

Diversité persistante des principes et des institutions de protection sociale en Europe[2]

7 Depuis la fin du XIXème siècle, et surtout après 1945, tous les pays européens ont progressivement reconnu des droits sociaux à leurs citoyens. Ces droits sociaux doivent leur permettre d’être protégés face à certaines situations que tous les individus peuvent rencontrer : pauvreté, maladie, chômage, charges d’enfants, vieillissement notamment. Tous les Etats d’Europe ont mis en place un système de protection sociale afin de garantir ces droits sociaux. Cependant, chaque pays a suivi une voie particulière pour élaborer ses propres institutions de protection sociale. Ce qui a parfois été appelé « le modèle social européen » correspond en fait à différentes façons de penser et de faire de la protection sociale. Aussi bien les objectifs poursuivis au sein de ces systèmes que les modalités d’organisation retenues varient fortement (Esping-Andersen, 1990).

1. Les cadres politiques et institutionnels de la protection sociale en Europe sont très diversifiés.

1.1. Références historiques

8 L’histoire européenne offre trois références principales en matière de protection sociale : l’assistance, les assurances sociales et l’universalisme. A chacune de ces trois conceptions correspond un ensemble d’objectifs spécifiques.

9 Les programmes d’assistance cherchent à lutter contre la pauvreté et à couvrir certains besoins vitaux. Ils trouvent leur origine dans les actions de charité organisées par l’Eglise, les lois sur les pauvres britanniques ou les lois d’assistance sociale votées en France à la fin du XIXème siècle. En France, les programmes actuels d’action sociale, d’aide sociale et certaines politiques d’intégration sociale s’inscrivent dans cette logique et relèvent du domaine de la solidarité nationale, par opposition au domaine des assurances sociales.

10 Les assurances sociales protègent les personnes assurées, qui paient des cotisations sociales, contre des risques sociaux en remplaçant le revenu perdu à l’occasion de l’occurrence de l’un de ces risques (maladie, accident du travail, vieillesse, chômage). Le chancelier allemand Bismarck fut le premier à créer une législation sociale visant à rendre obligatoires des assurances sociales pour les salariés allemands les plus pauvres dans les années 1880. Le système français de Sécurité sociale mis en place après 1945 fonctionne selon les principes de l’assurance sociale.

11 Les programmes sociaux universels visent d’une part à assurer un revenu pour tous les citoyens en toute circonstance. Les systèmes universels s’inspirent notamment du rapport Beveridge écrit en 1942 (Social Insurance and Allied Services) qui mettait en exergue le principe des « trois U » : universalité de la couverture sociale (tout le monde est protégé), uniformité de prestations sociales (tout le monde reçoit la même chose), unité du système de protection sociale (un même système pour tous). Dans son rapport, Beveridge ajoutait que ce système devait aller de pair avec l’instauration d’un service national de santé gratuit et une politique de plein emploi.

1.2. Quatre familles institutionnelles en Europe

12 Les années 1960 et 1970 ont constitué « l’âge d’or » de l’Etat-providence. Au cours de ces années, chaque pays européen a développé des programmes sociaux susceptibles d’améliorer la générosité et la couverture des droits sociaux. Cependant, les comparaisons internationales montrent que chaque pays s’est appuyé sur l’une ou l’autre tradition de protection sociale et a eu une façon particulière d’agencer ses institutions de protection sociale. On a ainsi pu identifier quatre familles institutionnelles de protection sociale en Europe (Commission européenne, 1995 ; Ferrera, 1996).

13

  1. Les pays nordiques (Danemark, Suède, Finlande, Norvège et Islande) apparaissent comme ceux qui ont poussé le plus loin la logique universelle avant même la parution du rapport Beveridge. L’Etat y intervient tout d’abord par une forte offre d’emplois publics qui garantissent de nombreux services sociaux gratuits à tous les citoyens. La protection sociale y est aussi un droit de tous les citoyens, la plupart des prestations en espèce sont forfaitaires et d’un montant élevé, versées automatiquement en cas d’apparition d’un besoin social. Les salariés reçoivent cependant des prestations complémentaires au travers de régimes obligatoires de protection, à base professionnelle. Ces systèmes sont financés principalement par des recettes fiscales (surtout au Danemark). Ils sont publics, placés sous l’autorité directe des pouvoirs publics centraux et locaux. Seule l’assurance chômage n’est pas intégrée au système public de protection sociale de ces pays.
  2. Les pays anglo-saxons (Grande Bretagne, Irlande) forment le deuxième groupe. Ils n’ont pas suivi toutes les recommandations de Beveridge. Si l’accès à la protection sociale n’est pas lié à l’emploi dans ces pays, seul le service national de santé (National Health Service) est véritablement universel (même accès gratuit pour tous). Les prestations en espèces (indemnités maladie, allocations chômage, retraites) servies par le système public d’assurance nationale (National Insurance) sont forfaitaires et d’un montant beaucoup plus bas qu’en Scandinavie, ce qui implique un rôle important joué par les assurances privées et par les régimes de protection sociale d’entreprise dans la protection sociale de ces pays. Les personnes qui n’ont pas pu suffisamment cotiser à l’assurance nationale perçoivent des prestations sous condition de ressources (income support). Ces systèmes de protection sociale sont en grande partie financés par l’impôt alors que Beveridge militait pour la cotisation sociale. Le système public, fortement unifié, est géré par l’appareil administratif de l’État central.
  3. Les pays du centre du continent européen (l’Allemagne, la France, le Bénélux et l’Autriche) constituent la troisième famille. C’est là que la tradition bismarckienne des assurances sociales est la plus forte. L’ouverture des droits est le plus souvent conditionnée par le versement de cotisations. Le niveau des prestations sociales est lié au niveau du salaire de l’assuré. Les assurances sociales sont obligatoires, sauf dans le cas de la santé pour les revenus les plus élevés en Allemagne et aux Pays-Bas. Les cotisations sociales, versées par les employeurs et par les salariés, constituent l’essentiel des sources de financement du système (la France a longtemps battu tous les records avec près de 80 % du système financé par les cotisations sociales jusqu’en 1996). Ces systèmes, souvent très fragmentés, sont organisés au sein d’organismes plus ou moins autonomes de l’État, gérés par les représentants des employeurs et des salariés (les caisses de Sécurité sociale en France). Ceux qui ne sont pas ou plus couverts par les assurances sociales peuvent recourir à un « filet de sécurité » constitué de prestations minimales, sous condition de ressources, financé par des recettes fiscales. Ces prestations se sont multipliées ces dernières années, sans pour autant former un ensemble cohérent et standardisé (il existe en France huit minima sociaux différents, dont le RMI).
  4. Les pays d’Europe du Sud (Espagne, Grèce, Italie, Portugal) sont parfois présentés comme la quatrième famille de l’Europe de la protection sociale (Ferrera, 1996). Si leurs traits principaux se rapprochent du modèle continental (assurances sociales pour les prestations de garantie de revenu), ils présentent cependant des aspects spécifiques : une grande hétérogénéité entre les différents régimes d’assurances sociales à base professionnelle (particulièrement généreux pour les fonctionnaires, d’autres professions étant beaucoup moins bien couvertes) ; des services de santé nationaux à vocation universelle dont le développement a commencé dans les années 1975-1985 ; une mise en place progressive et très récente d’un filet de sécurité garantissant un revenu minimum ; le particularisme du fonctionnement du système, notamment en Italie (distribution parfois clientéliste des prestations, fraudes aux prestations comme au financement).

2. Diversité des problèmes et des trajectoires des systèmes de protection sociale.

14 Bien qu’ils doivent faire face au mêmes types de difficultés (ou chocs exogènes) - vieillissement de la population, transformation des structures familiales, transformation du travail, ouverture des économies… - les différents gouvernements nationaux ne se trouvent pas confrontés aux mêmes enjeux, notamment du fait de la diversité des institutions de protection sociale.

2.1. « La crise de l’État-providence » correspond à des problèmes différents selon le type de système de protection sociale

15 En Grande Bretagne, pour les gouvernements conservateurs de Margaret Thatcher et de John Major, les enjeux principaux ont été doubles : diminuer les coûts du Welfare State (pour réduire les déficits publics et les prélèvements obligatoires) ; accroître l’efficacité du système (notamment raccourcir les files d’attente dans le service national de santé et diminuer les désincitations au travail engendrées par les prestations sociales). Ces problèmes dérivent des caractéristiques institutionnelles du système britannique : les dépenses sociales sont un problème posé au budget de l’État (car elles sont financées par l’impôt et dépensées par les administrations de l’État central). L’importance des prestations sous condition de ressources explique aussi le développement de la rhétorique de la culture de la dépendance des bénéficiaires et des désincitations au travail. C’est en effet avec les prestations sous conditions de ressources offertes aux plus pauvres que l’on donne « quelque chose contre rien » à l’inverse des prestations servies à ceux qui ont contribué ou bien des prestations accessibles à tous les citoyens.

16 Les pays scandinaves, petits pays qui se sont très tôt ouverts à la concurrence économique, ont été particulièrement touchés par les changements de l’environnement économique international. Ils ont connu dans les années 1980-1990 de très fortes hausses du chômage et des taux d’intérêt. Les enjeux pour ces pays ont d’abord été formulés en termes de maintien du plein emploi, puis de réduction des dépenses de l’État-providence.

17 Dans les systèmes continentaux de protection sociale (Europe du Sud comprise), les deux problèmes principaux touchent d’une part le poids supposé des cotisations sociales sur le coût du travail (illustré par l’expression française de « charges sociales », qui sont censées grever la compétitivité des entreprises et empêcher les embauches), et d’autre part les limites de la couverture sociale restreintes aux assurés sociaux, qui renforcent les processus d’exclusion : dans un système où l’accès aux droits sociaux est fondé sur le travail, l’exclusion du marché du travail se trouve redoublée par une exclusion du système de protection sociale. Ces deux types de problèmes sont induits par les caractéristiques institutionnelles des systèmes continentaux de protection sociale (importance du financement par cotisation sociale, droits sociaux acquis par le travail).

18 Ces diversité des enjeux rencontrés par les différents gouvernements nationaux de l’UE permet en partie d’expliquer la difficulté d’élaborer un agenda commun au niveau européen pour les réformes des systèmes de protection sociale. Dès lors, chaque pays semble avoir suivi son propre chemin pour réformer ses programmes sociaux.

2.2. Les évolutions varient selon les systèmes

19 En Grande Bretagne, les politiques mises en œuvre pour faire face aux difficultés ont visé à se conformer aux pressions engendrées par l’internationalisation de l’économie en développant le rôle du marché dans la protection sociale, les politiques de ciblage des prestations pour les plus démunis et les plus méritants, et une flexibilisation croissante du marché du travail. L’ensemble de ces politiques n’a fait que renforcer la dimension libérale et résiduelle du système de protection sociale et l’aspect répressif et de contrôle social des politiques destinées aux pauvres.

20 Dans les pays scandinaves ont d’abord été mises en place des politiques qui visaient à maintenir le plein emploi avec des politiques actives où l’État intervenait comme employeur de premier ressort : extension des congés sabbatiques, développement des services publics, augmentation des impôts. Mais plus récemment, au cours des années 1990, face aux coûts et aux déficits publics engendrés par les politiques sociales de plein emploi, de nouvelles politiques ont été envisagées, visant à privatiser, décentraliser et « débureaucratiser » certains services, notamment en Suède. Ces nouvelles politiques accompagnent des politiques de réduction des dépenses sociales comme la restriction des critères d’éligibilité pour l’accès aux prestations ou la baisse du niveau des prestations et des services. Au total cependant, les systèmes scandinaves semblent avoir retrouvé une certaine stabilité, en particulier du fait de la légitimité politique de ce modèle, toujours forte aux yeux des populations scandinaves qui ne souhaitent pas le voir changer pour suivre une voie à la britannique (Voir Hagen dans ce volume).

21 Dans les pays d’Europe continentale, les changements, plus rares, plus tardifs et plus limités qu’ailleurs, restent eux aussi pour la plupart inscrits dans les logiques du système. Les réformes des retraites, en France comme en Allemagne, ont impliqué un changement du mode de calcul des pensions mais pas un changement de la logique du système. De même, les mesures de maîtrise des dépenses de santé sont restées inscrites dans le cadre des institutions de l’assurance maladie, en France comme en Allemagne (Voir Hassenteufel et alii dans ce numéro). Enfin, l’Allemagne a fait la preuve de la confiance qu’elle place dans sa façon de faire de la protection sociale en créant en 1995 une nouvelle assurance sociale pour les soins de longue durée qui fonctionne selon des modalités proches de celles des autres branches de son système.

22 Une comparaison rapide des évolutions des systèmes de protection sociale souligne donc leur dépendance par rapport à la voie empruntée à l’origine. Ces phénomènes de dépendance institutionnelle (ou path dependence) permettent de comprendre pourquoi les effets des politiques communautaires ne peuvent qu’être limités et indirects.

L’influence limitée et indirecte des politiques européennes

23 La diversité constitue le point d’achoppement de la construction d’une Europe sociale de grande ambition. En outre, chaque Etat-membre a longtemps souhaité conserver la haute main sur des domaines certes en difficulté mais en même temps source de grande légitimité. Dès lors, on comprend mieux que la construction européenne se soit faite sans véritable dimension sociale.

1. Les acquis limités de l’Europe sociale[3]

24 Depuis le début de la construction européenne, la disparité des systèmes de protection sociale a été considérée comme un problème, et plus précisément comme une cause de distorsion de concurrence. Beaucoup s’inquiétaient du fait que les entreprises implantées dans un pays où les taux de cotisations sociales sont plus élevés qu’ailleurs se trouveraient pénalisées lors de l’ouverture des frontières au sein du marché commun. C’est pourquoi les négociations du Traité de Rome visaient aussi une harmonisation des niveaux de protection sociale, permettant une unification des taux de cotisations sociales. Cependant, l’harmonisation du droit des prestations ne fut pas jugée nécessaire pour réaliser une communauté économique européenne dès lors que des solutions techniques étaient trouvées pour assurer la continuité de la protection sociale des travailleurs se déplaçant au sein de l’espace européen. Ainsi, le Traité de Rome n’a inclus dans son chapitre social que des articles déléguant à la Communauté des compétences en matière de coordination des régimes de sécurité sociale permettant la libre circulation des travailleurs (articles 48 à 51 – voir plus bas) ; des dispositions déclaratives relativement ambitieuses sur le niveau et le contenu de la protection sociale en Europe mais sans portée opérationnelle (articles 117 et 118 [4]) ; et des dispositions visant à éviter les distorsions de concurrence : l’article 119 concernant l’égalité de rémunération entre hommes et femmes, et la création d’un Fonds social européen (articles 123 à 125).

25 A l’occasion du premier élargissement de la Communauté européenne (1973 : Royaume-Uni, Irlande, Danemark), l’arrivée de systèmes de protection sociale fondés sur des principes différents (universalisme) a définitivement stoppé les perspectives d’harmonisation de la protection sociale en Europe. Ce premier élargissement a créé de nouvelles craintes en termes de « tourisme social », dès lors que certains pays donnaient accès à des prestations sur simple critère de résidence et non plus à la suite de versements de cotisations sociales. Les citoyens européens risquaient par exemple de vouloir profiter de la générosité du système danois de protection sociale, dont beaucoup de prestations sont accessibles à tout résident légal. C’est pourquoi la libre circulation est restée réservée aux travailleurs et aux personnes qui sont à leur charge et n’a pas été étendue à tous les citoyens européens.

26 C’est au cours des années 1980, et notamment lors de l’élargissement de la Communauté à la Grèce (1981) puis à l’Espagne et au Portugal (1986) et lors de la préparation de l’Acte unique (adopté en 1986), qu’il fut explicitement admis que la libre circulation des biens comme des travailleurs dans le marché commun peut et doit s’accommoder du principe de subsidiarité (Chassard, 1999). Ce principe pose que chaque Etat membre reste maître de son système de protection sociale, de sa conception, de son organisation et de son financement. Ce principe de subsidiarité a été inscrit dans le Traité d’Amsterdam.

27 Les années 1985-1992 ont cependant permis une relance de l’Europe sociale, non seulement avec l’adoption de directives basées sur l’article 118 et 119, mais aussi avec la relance du dialogue social à partir de 1985 (entretiens de Val Duchesse), la réforme et le doublement de l’enveloppe budgétaire des trois fonds structurels (Fonds social européen - FSE, Fonds européen de développement régional - FEDER, et Fonds européen d’orientation et de garantie agricole - FEOGA) dans le cadre du « Paquet Delors » de 1988. L’adoption de l’Acte unique a ainsi permis certaines avancées en matière sociale, notamment grâce à l’article 118a (amélioration du milieu de travail, qui a débouché sur de nombreuses directives en matière de santé-sécurité au travail, de congé maternité, et de durée maximale du travail), l’article 118b sur le dialogue social et l’article 130 sur la cohésion économique et sociale.

28 En 1989 ont aussi été affirmés un certain nombre d’objectifs généraux rassemblés dans la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs adoptée (sans le Royaume-Uni) sous présidence française. Cette charte propose en matière de protection sociale d’œuvrer à la convergence des politiques de protection sociale autour d’objectifs définis en commun. Mais les Etats membres n’étant pas prêts à accepter des objectifs que leur propres systèmes n’ont déjà atteints, les objectifs risquaient de se situer à des niveaux minimaux. On en resta aux déclarations de principe sans contenu réel. Le Conseil adopta ainsi en 1992 deux recommandations, l’une portant sur la convergence des objectifs et politiques de protection sociale, l’autre sur des critères communs concernant la garantie de ressources minimales dans les systèmes de protection sociale.

29 Au début des années 1990, soucieux de maintenir un équilibre entre progrès du marché intérieur et progrès social, certains pays ont manifesté leur volonté de faire aussi avancer la dimension sociale, parallèlement aux autres domaines de la construction européenne. Cela s’est traduit par le Protocole social annexé au Traité de Maastricht dont les avancées devaient être de trois ordres : extension des compétences communautaires en matière sociale, introduction du vote à la majorité qualifiée dans certains domaines et reconnaissance du rôle fondamental des partenaires sociaux.

30 Ces avancées sont prolongées par le Traité d’Amsterdam, d’une part avec la création d’un Titre sur l’emploi (titre 8, articles 125 à 130) et d’autre part avec l’incorporation (et le renforcement) dans le corps du traité (titre 11) du protocole social. L’Union est dotée de compétences en matière de relations de travail et de lutte contre l’exclusion (articles 136 à 145). Par ailleurs, le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes est renforcé et un nouvel article 13 permet au Conseil de prendre, à l’unanimité, « les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. » Cependant, les décisions concernant la protection sociale restent soumises à la règle de décision à l’unanimité.

31 Malgré quelques avancées, l’Union européenne ne s’est donc pas vraiment dotée des moyens de mettre en place des politiques sociales d’ampleur, les Etats membres ayant tenu à garder la protection sociale sous leur responsabilité. Cependant, les progrès beaucoup plus importants de l’union économique et monétaire ont eu un impact indirect sur les réformes des systèmes nationaux de protection sociale.

2. Les effets indirects de la construction (économique) européenne

2.1. La mise en place du grand marché

32 Afin d’assurer la réalisation d’une communauté économique, il était nécessaire d’assurer la libre circulation des travailleurs. Pour cela, un travailleur migrant d’un pays vers un autre ne devait pas être pénalisé par la perte de ses droits sociaux lorsqu’il quittait un pays ou par l’impossibilité d’acquérir de nouveaux droits sociaux dans son nouveau pays de travail. Dès les débuts de la mise en place des communautés européennes, afin de pouvoir organiser l’intégration économique de l’Europe, il s’est donc agi de coordonner les différents systèmes de protection sociale pour les travailleurs migrants au sein de l’Europe.

33 Le dispositif de coordination des régimes de sécurité sociale a fait l’objet des tout premiers règlements de la Commission. Il est fondé sur les quatre principes suivants : unicité de la législation applicable dans chaque pays ; égalité de traitement entre nationaux et non nationaux ; maintien des droits acquis ; agrégation des périodes d’assurance, d’emploi ou de résidence pour les droits en cours d’acquisition. L’accès à la sécurité sociale des travailleurs migrants a été établie par deux règlements adoptés dès 1959 et complétés par la suite en 1971 et 1972. Cette coordination s’applique principalement pour les prestations d’assurance sociale de base, mais difficilement pour les prestations sous condition de ressource ou pour les prestations de protection sociale complémentaire. En dépit d’une certaine complexité et de lacunes, ce dispositif a joué un rôle important dans la construction du marché unique. Dans les faits, 2,8 millions de ressortissants de l’Union européenne travaillent actuellement dans un autre Etat membre, soit moins de 2% de la population employée. La libre circulation des personnes autres que les travailleurs reste actuellement encadrée par les directives de 1990 (inspirées par la crainte du développement d’un « tourisme des prestations »), qui limitent en pratique la liberté de circulation aux assurés non travailleurs, aux étudiants et aux retraités qui peuvent apporter la preuve qu’ils ne seront pas à la charge de l’aide sociale dans le pays d’accueil (Chassard, 1999).

34 Parallèlement, l’adoption de l’Acte unique européen a accéléré la mise en place du grand marché intérieur, donnant ainsi à la Communauté les instruments juridiques pour mettre en œuvre deux libertés fondamentales supplémentaires à côté de la libre circulation des biens et des personnes : la libre circulation des capitaux et la libre prestations de services. L’application de ces quatre libertés et de la libre concurrence semble avoir de plus en plus d’impact indirect sur les systèmes nationaux de protection sociale.

35 C’est principalement l’organisation de la protection sociale par rapport au droit de la concurrence qui est en jeu. La mise en place du marché intérieur a en effet fait surgir un certain nombre de problèmes menaçant le monopole des organismes de protection sociale et de certains organismes de retraite complémentaire. Aucun arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) n’a cependant conduit à bouleverser dans ce domaine les systèmes nationaux de protection sociale. En effet, la CJCE a conclu en 1993 que les caisses de sécurité sociale n’étaient pas des entreprises et que l’obligation d’affiliation n’était pas contraire au droit de la concurrence [5] et semble depuis reconnaître une spécificité du secteur social.

36 La mise en œuvre des libertés de prestation de service et de circulation des marchandises a fait l’objet d’arrêts qui pourraient cependant avoir des conséquences plus importantes. La liberté de circulation des services est engagée dans le domaine des transports, des banques, assurances etc. Les arrêts Kohll et Decker de 1998 amènent a inclure les prestations de santé [6]. Avec ces arrêts, la CJCE a en effet estimé en 1998 que le fait de subordonner le remboursement de frais médicaux réalisés hors du territoire national à une autorisation par l’organisme de sécurité sociale constituait une entrave à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation de services. La mise en œuvre de la libre circulation des services, qui monte progressivement en puissance, pourrait donc avoir des effets important sur l’organisation de la protection sociale notamment dans les pays où celles-ci est organisée au sein de caisses d’assurances sociales. Celles-ci seraient amenés à rembourser des dépenses sur lesquelles elles ne peuvent exercer aucun contrôle. Cependant, cette jurisprudence n’a pas eu encore d’implication visible au niveau des politiques nationales de réorganisation des systèmes de protection sociale.

37 Ces effets indirects de la mise en place du marché unique restent donc encore très limités notamment dans la mesure où la jurisprudence de la CJCE réserve toujours un statut spécifique aux organismes de protection sociale et leur reconnaît un monopole légitime. Ces processus d’intégration négative n’ont donc pas impliqué de démantèlement ni de refonte fondamentale des différents systèmes européens de protection sociale. Il semble cependant que la préparation de la monnaie unique ait eu des impacts plus directs sur les réformes des systèmes de protection sociale, du moins en terme de calendrier et de délimitation des options disponibles.

2.2. La préparation de l’Euro.

38 Au début des années 1990, la mise en place du marché unique s’achève et les pays européens s’engagent dans la préparation d’une monnaie unique européenne organisée par le traité de Maastricht adopté en 1992. Ce nouveau contexte semble avoir particulièrement pesé sur les pays d’Europe continentale dont les systèmes de protection sociale sont financés par des cotisations sociales. L’ouverturedu marché commun a eu pour effet de renforcer la compétition économique entre les entreprises européennes. Le coût du travail est devenu un élément déterminant de cette compétition. Toute nouvelle hausse des cotisations sociales payées par les employeurs apparaît (à salaire brut donné) comme une aggravation du coût de la main d’œuvre. Tandis qu’au cours des années 1980, la plupart des pays continentaux avaient fait face à l’augmentation de leurs dépenses sociales par une augmentation des cotisations sociales destinées à les financer, cette solution devient donc de plus en plus difficile à utiliser. En outre, les phénomènes de compétitivité-prix se sont aussi accrus avec l’ouverture du grand marché. Dès lors, la lutte contre l’inflation est devenue un des objectifs essentiels des gouvernements. Cette lutte repose aussi sur un ralentissement de la croissance des cotisations et des dépenses sociales.

39 Mais c’est sans doute la préparation de la monnaie unique qui a eu le plus d’impact sur les évolutions des systèmes de protection sociale. L’adhésion à la monnaie unique est conditionnée par le respect d’un certain nombre de critères de convergence économique inscrits dans le traité de Maastricht. Celui-ci prévoit notamment la réduction de l’inflation et le maintien des déficits publics sous la barre des 3% du PIB. Cette limitation des déficits en période de difficulté économique empêche toute mesure nationale de relance (Reboud, 1995). Du fait des critères de Maastricht élaborés et acceptés par les pays membres, il n’est donc plus possible d’utiliser les dépenses sociales pour relancer l’activité économique par une augmentation du pouvoir d’achat comme cela était le cas auparavant. Les politiques sociales apparaissent dorénavant comme des coûts, dont il s’agit de contrôler l’augmentation si l’on veut respecter les critères de Maastricht. Plus crucial encore : on ne peut plus jouer sur le taux de change entre Etats membres pour concilier évolution différentes des coûts salariaux par unité produite et maintien de la compétitivité.

40 La mise en place du marché unique comme la perspective de la monnaie unique imposent donc de réduire l’ensemble des dépenses publiques ou du moins d’en limiter la croissance. Parmi celles-ci, celles qui augmentent le plus vite sont les dépenses sociales, qu’il faudra désormais mieux contrôler. De même, au regard des critères européens, les déficits sociaux font désormais partie des déficits publics au même titre que le déficit budgétaire de l’État (ce qui n’était pas conçu ainsi dans les pays où le budget social, géré par les caisses d’assurances sociales et non l’État, apparaissait différencié). L’impératif de réduction du déficit des Assurances sociales (de la Sécurité sociale en France) relève donc des engagements européens des Etats membres. Ainsi, en France, la « nécessité de respecter les critères de Maastricht » à partir de 1996 et plus encore en 1997 a été pour beaucoup dans l’annonce du plan Juppé en novembre 1995. Dans de nombreux autres pays européens (principalement continentaux), les réformes des programmes sociaux qui n’apparaissaient pas possibles à mettre en œuvre jusqu’alors se multiplient : Réforme Seehofer (du système de santé) en Allemagne (1992), Réforme des retraites Amato (1992) et Dini (1995) en Italie, réforme Balladur des retraites du régime général de la Sécurité sociale (secteur privé) en 1993 et plan Juppé en 1995 en France. D’une façon plus générale, au cours de cette période, certains pays européens (Pays-Bas, Irlande, Danemark, Espagne, Italie notamment) ont conclu des pactes sociaux nationaux visant à garantir modération salariale et acceptation des réformes des systèmes de protection sociale dans le cadre du respect des critères de Maastricht puis du pacte de stabilité (Rhodes, 2000).

41 L’achèvement du marché intérieur et la préparation de la monnaie unique ont donc joué un rôle important dans le cadrage des réformes des systèmes de protection sociale. Ils en ont imposé le calendrier et l’orientation générale : contenir voire réduire l’augmentation des dépenses sociales publiques. Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, le contenu des réformes a varié selon les pays et les situations. L’Union Européenne ne semble donc pas avoir pesé sur le contenu des réformes des systèmes de protection sociale. Cependant, si l’on ne peut en effet prétendre que la Commission européenne (ou toute autre instance communautaire) ait pu dicter le contenu des réformes de la protection sociale menées en Europe, le développement de certaines politiques tend à montrer des tendances convergentes plus ou moins explicites (Voir Hassenteufel et alii dans ce volume pour les politiques de protection maladie) dont on peut se demander si elles ne sont pas liées à la construction européenne. Il semble que la Commission européenne notamment participe de plus en plus à l’élaboration de normes d’action communes en matière de protection sociale.

L’élaboration de normes d’action communes

42 En matière de politique macro-économique, le traité de Maastricht ne fait pas seulement qu’imposer des critères techniques. Ces critères correspondent à une vision cohérente de politique économique, ils sont significatifs de l’adoption collective d’un nouveau paradigme de politique économique, différent des politiques keynésiennes. Il s’agit de politiques de l’offre (monétariste, néo-classiques) qui promeuvent la libre concurrence (dérégulation, flexibilisation) et reposent sur l’orthodoxie budgétaire (dette et déficits réduits, taux d’intérêts bas, taux d’inflation réduits). Alors que ce « tournant néo-libéral » (Jobert, 1994) en Europe a commencé dès la fin des années 1970 et s’est effectué tout au long des années 1980 en matière de politiques économiques, les politiques sociales ont longtemps continué de fonctionner sur les logiques du passé (keynésien). Les politiques sociales se sont trouvées en crise (cognitive et normative) du fait de ce décalage avec les logiques (économiques) globales nouvelles.

43 De même que les programmes de protection sociale développés au cours des années 1950-70 faisaient partie du paradigme macro-économique keynésien, les politiques sociales semblent devoir trouver leur place dans ce nouveau paradigme macro-économique. Comme d’autres organisations internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Organisation de la coopération et du développement économique), la Commission européenne contribue à définir ce que devraient être les politiques sociales adaptées à la nouvelle donne économique, elle participe à la définition des nouveaux termes du « rapport global/sectoriel », pour reprendre la notion de Bruno Jobert et Pierre Muller (1987). Si l’on a pu montrer que les réformes des systèmes de protection sociale suivent les chemins institutionnels hérités par l’histoire, on peut aussi montrer que la direction générale suivie dans chaque pays est commune, marquée par un cadre normatif commun.

44 En effet, il s’agit partout d’adapter les systèmes de protection sociale à une politique d’offre et non plus de demande. Selon les nouvelles normes en cours d’élaboration, l’État providence doit être mis au service de la compétitivité. Les réformes doivent rendre les systèmes de protection sociale plus favorables à l’emploi en réduisant leur coût (notamment les charges sociales qui pèsent sur le travail) et non plus en augmentant les dépenses sociales. Les programmes sociaux doivent aussi être plus favorables à l’emploi et offrant des prestations plus incitatives, qui rendent préférable de travailler plutôt que de recevoir une prestation sociale à ne rien faire. Ainsi se multiplient partout en Europe les politiques d’activation des dépenses sociales (Barbier, Gautié, 1998). Autre principe général, congruent avec la nécessité de contrôler les dépenses, il s’agit de cibler l’intervention publiques sur ceux qui en ont le plus besoin et non plus de promouvoir des politiques sociales universelles. Il s’agit enfin de faire appel à tous les acteurs de la protection sociale : Etat, mais aussi marché, famille, secteur associatif pour promouvoir une protection sociale qui serait plus efficace et proche des individus que celle délivrée par des administrations. Une analyse transversale des réformes des retraites, qui insiste sur les logiques et les référentiels de l’action publique, permet d’illustrer concrètement ces évolutions générales [7].

1. L’exemple des retraites

45 Dans un article publié avec Giuliano Bonoli (Palier, Bonoli, 2000), nous avons montré que si chaque pays suit son propre chemin pour réformer son système de retraites, cela se fait dans un nouveau paysage commun, structuré par un modèle de système de retraite global où la capitalisation joue un rôle important. La transformation progressive de tous les systèmes de retraite s’appuie sur un même mécanisme de « vase communiquant » qui procède en deux temps. En premier lieu, le niveau de remplacement offert par les retraites collectives de base est diminué. Cette rétraction des régimes de base offre dès lors un espace de développement pour les retraites complémentaires par capitalisation. Chaque pays suit son propre chemin, mais tous les chemins mènent aux fonds de pension. Et la Commission européenne joue un rôle important dans l’élaboration, la formulation, la cristallisation de ces normes communes.

46 La Commission européenne a produit des textes sur les retraites, mais ses compétences étant limitées en ce domaine, il n’est pas possible de trouver un texte prônant des réformes globales et proposant un modèle complet et cohérent. Cependant, une lecture synthétique de certains textes réglementaires de la Commission européenne ainsi que des chantiers qu’elle a ouvert dans ce domaine permet de reconstruire la conception d’ensemble des régimes de retraite qui se dessine au niveau européen. Les deux entrées qui ont justifié jusqu’à présent l’intervention de la Commission européenne dans le domaine des retraites sont d’une part la coordination des régimes de protection sociale et d’autre part le développement du marché unique. Le schéma général dans lequel s’inscrit l’action de la Commission européenne en matière de retraite est ternaire. Dans le vocabulaire de la Commission, le premier pilier des systèmes de retraite est constitué des régimes dits légaux (minimum vieillesse et régimes de base obligatoires) ; le second pilier est constitué des régimes d’entreprise ou issus d’accords collectifs (régimes dits d’initiative professionnelle) ; le troisième pilier relève de la prévoyance individuelle facultative (régimes dits d’initiative individuelle).

47 En matière de premier pilier, la Commission a organisé la coordination des régimes légaux pour les travailleurs migrants. Depuis une dizaine d’années, la Commission prend des initiatives pour fixer un cadre destiné à l’ensemble des régimes de retraite complémentaires (régimes professionnels privés, caisses complémentaires, fonds de pension). Après l’échec d’une première proposition de directive sur la liberté de gestion et d’investissement des fonds collectés par les institutions de retraites, elle a lancé une vaste consultation en présentant en juin 1997 un Livre vert sur « les retraites complémentaires dans le marché unique ». La Commission ayant achevé l’examen des réactions à son Livre vert, elle a publié en juin 1999 une communication proposant l’adoption d’une directive intitulée « vers un marché unique pour les retraites complémentaires »  [8].

48 Cette communication, qui propose de donner un cadre juridique communautaire aux régimes professionnels du deuxième pilier, ne traite que des fonds de retraite financés par capitalisation. Les objectifs assignés à cette directive sont de permettre à ces régimes complémentaires financés en capitalisation de profiter des libertés du Marché Unique et des nouvelles perspectives qu’offre l’euro, de participer à l’essor des marchés des capitaux européens, de parachever l’intégration des marchés financiers de l’Union. D’après le texte de cette communication, atteindre ces objectifs devrait permettre d’offrir davantage de choix et de flexibilité aux futurs retraités, d’améliorer le rendement et l’efficacité des fonds de retraite. L’ensemble devrait permettre d’une part de limiter le coût indirect du travail et de créer des emplois, et d’autre part de renforcer les fondements économiques de la protection sociale. Tout comme la Banque mondiale (1994), la Commission européenne promeut donc la mise en place de fonds de retraite financés en capitalisation pour compléter les retraites de base dont la taille doit être réduite.

49 Notre analyse des réformes des retraites menées en Europe au cours des années 1990 tend à montrer que la tendance générale est effectivement à la rétraction des régimes de base (publics et obligatoires) et conséquemment à la croissance de la constitution de retraites par capitalisation. Les Britanniques ont réduit le niveau des prestations forfaitaires de retraite de base servies par l’État, et ont lancé une privatisation progressive du régime de retraite complémentaire public (SERPS) à partir de 1986. A la suite de longues négociations, les Suédois ont transformé leur système de retraite en 1998. Les retraites de base autrefois universelles ont été mises sous condition de ressources. Les salariés suédois cumulent dorénavant une retraite contributive, obligatoire, publique et nationale, et une deuxième issue des accords d’entreprise qui est financée par capitalisation. Dans les systèmes de retraite « bismarckiens », les réformes des années 1989-1993 ont toutes contribué à réduire le niveau des retraites de base, les gouvernements cherchent aujourd’hui à encadrer le développement de retraites complémentaires volontaires financées en capitalisation : en Italie, en Allemagne comme en France, des discussions portent sur un encadrement législatif du développement de l’épargne volontaire privée (Plan partenarial d’épargne salariale en France) (Palier, Bonoli, 2000).

50 L’ensemble de ces évolutions montre qu’une majorité d’acteurs participants aux réformes des retraite en Europe semble convaincue que l’avenir des retraites passe par une combinaison des régimes par répartition (qui assurent la plus grosse part des revenus de remplacement) avec un complément fourni par de la capitalisation. Ce consensus autour de la nécessité de mettre en place un système mixte de retraite a été travaillé par la Banque mondiale depuis le début des années 1990, mais aussi par la Commission européenne, qui a contribué à diffuser les idées selon lesquelles les régimes par répartition ne sont pas viables et grèvent la compétitivité de l’économie, les réformes paramétriques des systèmes par répartition sont insuffisantes, il faut développer les retraite par capitalisation aussi bien pour garantir une retraite aux citoyens européens que pour renforcer la croissance économique. En matière de retraite, il est cependant difficile de tracer une ligne directe entre les idées promues au niveau international et les réformes mises en œuvre dans les pays européens. En revanche, les liens entre les réformes nationales des politiques d’emploi et les conceptions définies au niveau européen sont beaucoup plus explicites, notamment depuis le milieu des années 1990.

2. La convergence à marche lente : la « méthode ouverte de coordination » des politiques de l’emploi.

51 A partir du livre Blanc « Croissance, compétitivité et emploi » de 1993 et des conclusions du Conseil européen d’Essen de 1994, une stratégie de l’emploi a commencé à se dégager au niveau communautaire. Le Conseil européen d’Essena défini cinq grands axes : formation professionnelle, flexibilité, modération salariale, réduction des coûts salariaux, activation des politiques de l’emploi. Mais les bases d’une politique de l’emploi au niveau communautaire ont véritablement été jetées à la suite du Conseil de Luxembourg avec « les lignes directrices pour l’emploi » (résolution du Conseil de Luxembourg du 15 décembre 1997). Celles-ci sont structurées autour de quatre priorités : améliorer la capacité d’insertion professionnelle ou employabilité (mesures actives de lutte contre le chômage, formation professionnelle, amélioration de la qualité de l’enseignement public, rapprochement des formations des besoins des entreprises) - développer l’esprit d’entreprise (réduction des coûts et des contraintes administratives pour les entreprises, réduction de la fiscalité sur le travail et éventuellement la TVA sur les services intensifs en main d’œuvre non exposés à la concurrence étrangère, développement d’activités nouvelles correspondant à des besoins non satisfaits) - encourager la capacité d’adaptation (modernisation de l’organisation du travail dans les entreprises visant un certain équilibre entre flexibilité et sécurité, annualisation du temps de travail, réduction du temps de travail, des heures supplémentaires, travail à temps partiel, interruptions de carrière, formation permanente, création de formes de contrats de travail souples répondant à la diversité des formes d’emploi, encouragement de la formation en entreprise) - renforcer la politique d’égalité des chances (réduction de l’écart de chômage entre hommes et femmes et de la sous-représentation des femmes dans certains secteurs et certains types d’emploi, aménagement des interruptions de carrières, des congés parentaux et du travail à temps partiel, développement des services pour les personnes dépendantes et la garde des enfants afin de favoriser la participation des femmes au marché du travail, amélioration de l’intégration des personnes handicapées dans le milieu professionnel).

52 Cette stratégie est mise en œuvre par une procédure d’examen réciproque des dispositions prises dans les différents Etat membres. Chaque pays doit transmettre annuellement au Conseil et à la Commission son « plan d’action national pour l’emploi » dans lequel il définit son attitude à l’égard de chacune des lignes directrices, assorti d’un rapport sur les dispositions mises en œuvre. Le Conseil reçoit l’avis du Comité de l’emploi et du marché du travail sur la façon dont les Etats membres ont transposé les lignes directrices dans leur politique nationale. La Commission établit un rapport annuel sur la situation de l’emploi dans la Communauté et sur les principales mesures prises par les Etats membres pour mettre en œuvre leur politique de l’emploi à la lumière des lignes directrices.

53 Après seulement deux ans de mise en œuvre, il est difficile d’évaluer l’efficacité (ou l’inefficacité) de ces initiatives en matière de politiques d’emploi. On peut cependant remarquer combien ces principes entrent en résonance avec certaines des politiques françaises d’emploi, qu’elles soient mises en œuvre par le gouvernement ou bien négociées par les partenaires sociaux. Avec le processus de Luxembourg, les instances communautaires semblent avoir créé une nouvelle forme d’intervention qui vise moins l’harmonisation des politiques nationales ou le développement de politique proprement communautaire mais beaucoup plus un travail d’harmonisation des conceptions, des connaissances et des normes d’action qui permettront de faire converger les politiques sociales tout en respectant les diversité nationales. Pour reprendre les termes de la note de la présidence du conseil de l’Union européenne (9088/00) du 14 juin 2000 qui fait le point sur cette « méthode ouverte de coordination », il s’agit de « tirer les enseignements de l’expérience acquise afin de faire face, de manière coordonnée mais en respectant les diversités nationales, aux défis communs que pose l’économie globale… Conçue pour aider les Etats membres à développer progressivement leurs propres politiques, cette méthode consiste à définir des lignes directrices pour l’Union… établir le cas échéant des indicateurs quantitatifs et qualitatifs […] de manière à pouvoir comparer les meilleures pratiques… procéder périodiquement à un suivi, une évaluation et un examen par les pairs… Le but de la méthode ouverte de coordination n’est pas d’établir un classement général des Etats membres pour chaque politique mais plutôt d’organiser, au niveau européen, un processus d’acquisition de connaissances… » Il s’agit donc principalement d’élaborer des éléments de connaissance communs, des outils d’analyse, des statistiques communes et des standards ou étalons (benchmarks) communs. En matière de politiques sociales, les institutions communautaires s’orientent vers une harmonisation cognitive et normative des pratiques nationales bien plus que vers une harmonisation des institution ou l’élaboration de politiques communes.

54 Cette méthode ouverte de coordination des politiques nationales, rodée avec les politiques d’emploi, est appelée à se développer pour d’autres domaines de la protection sociale afin d’aider les pays membres à « améliorer et moderniser »  [9] leurs systèmes de protection sociale. Si cette méthode se développe, les instances communautaires vont jouer un rôle de plus en plus important dans la définition des politiques sociales européennes, et notamment dans les réformes des systèmes de protection sociale. La contribution de l’Europe aux transformations des systèmes de protection sociale sera d’autant plus visible qu’on analysera les réformes moins en termes d’ajustement et d’adaptation à des chocs exogènes (globalisation, vieillissement démographique par exemple) que comme des politiques publiques à la construction desquelles (diagnostic des problèmes, élaboration des solutions, évaluation des pratiques) les institutions européennes participent de plus en plus activement.

Notes

  • [1]
    Je tiens à remercier Joël Maurice et Yves Surel pour leur lecture attentive d’une version antérieure de ce texte.
  • [2]
    Cette partie repose sur nos travaux de thèse (Palier, 1999) et reprend une partie de la réflexion menée en 1999 au sein du groupe « Europe sociale » du Commissariat Général au Plan, présidé par Joël Maurice. Voir Maurice, dir., 1999, première partie.
  • [3]
    Cette sous-partie repose sur la réflexion menée au Plan déjà citée et plus particulièrement sur les contributions de Jean-Louis Rey, et de Yves Chassard (1999).
  • [4]
    Article 118 : Sans préjudice des autres dispositions du présent traité, et conformément aux objectifs généraux de celui-ci, la Commission a pour mission de promouvoir une collaboration étroite entre les Etats membres dans le domaine social (…). A cet effet, la Commission agit en contact étroit avec les Etats membres, par des études, des avis et par l’organisation de consultations, tant pour les problèmes qui se posent sur le plan national que pour ceux qui intéressent les organisations internationales…
  • [5]
    Arrêt Poucet et Pistre de 1993, qui justifie le maintien de systèmes publics en situation de monopole dès lors que des mécanismes de redistribution au service de la solidarité nationale sont en jeu
  • [6]
    Dans les deux cas Kohll et Decker, les plaignants s’étaient vu refuser, par leur caisse d’assurance maladie, le remboursement de frais médicaux effectués à l’étranger pour ne pas avoir demandé d’autorisation préalable.
  • [7]
    On trouvera dans ce numéro d’autres illustrations en matière de santé (Hassenteufel et alii) et de politiques communautaires de formation professionnelle (Rouault).
  • [8]
    COM (99) 134 datée du 11/05/99.
  • [9]
    Pour reprendre le titre d’une communication de la Commission COM (97) 102 datée du 12.03.1997.
Français

Ce texte fait l’hypothèse qu’à défaut d’organiser une harmonisation institutionnelle des systèmes nationaux de protection sociale (les systèmes de protection sociale européens sont divers et ils le sont restés après les nombreuses réformes récentes), les institutions européennes contribuent à organiser une harmonisation cognitive et normative des réformes de la protection sociale en Europe : les récentes réformes des retraites menées dans les divers pays européens se font sur un modèle commun, lisible - entre autres - dans les textes communautaires ; la méthode dite "ouverte" de coordination des politiques d’emploi nationales mise en œuvre depuis quelques années vise explicitement une convergence des objectifs et des pratiques à partir d’une stratégie définie au niveau communautaire.

BIBLIOGRAPHIE

  • Banque mondiale (1994) Averting the Old Age Crisis : Policies to Protect the Old and Promote Growth, New York, Oxford University Press.
  • Barbier Jean-Claude, Gautié Jérôme (1998) Les politiques d’emploi en Europe et aux USA, Paris, PUF.
  • Chassard, Yves (1999), “La protection sociale et la construction européenne à la veille de l’élargissement de l’Union”, Droit social, mars.
  • Commission européenne (1995), La protection sociale en Europe, Bruxelles, Commission européenne, DGV.
  • Esping-Andersen Gøsta (1990), The Three Worlds of Welfare Capitalism, Cambridge, Polity Press.
  • Esping-Andersen Gøsta, ed. (1996) Welfare States in Transition. National Adaptions in Global Economies, London, Sage.
  • En ligne Ferrera, Maurizio (1996), “The Southern model of welfare in social Europe”, Journal of European Social Policy, 6 (1), pp. 17-37.
  • En ligne Ferrera Maurizio, Rhodes, Martin, eds. (2000), “Recasting European Welfare States”, West European Politics (Special Issue), avril, 23 (2).
  • Jobert Bruno, Muller Pierre (1987) L’État en action. Politique publiques et corporatismes, Paris PUF.
  • Jobert Bruno (dir.) (1994) Le tournant néo-libéral en Europe, Paris, L’Harmattan.
  • En ligne Leibfried Stephan, ed. (2000) “Welfare State Futures”, European Review, 8 (2).
  • Leibfried Stephan, Pierson, Paul (1998) Politiques sociales européennes, entre intégration et fragementation, Paris, L’Harmattan.
  • En ligne Majone Giandomenico (1993), “The European Community Between Social Policy and Social Regulation”, Journal of Common Market Studies, 1 (2), pp. 153-170.
  • Maurice Joel (dir.) (1999) Emploi, négociations collectives, protection sociale : Vers quelle Europe sociale ?, Paris, La documentation française.
  • Mény Yves, Muller Pierre, Quermonne Jean-Louis (dir.) (1995) Politiques publiques européennes, Paris, L’Harmattan.
  • Mire (1997) Comparer les systèmes de protection sociale en Europe du Sud, volume III : Rencontres de Florence, Paris, Mire.
  • Mishra Ramesh (1999) Globalization and the Welfare state, Cheltenham, Edward Elgar.
  • En ligne Montanari I J (1995), “Harmonization of Social Policies and Social Regulation in the European Community”, European Journal of Political Research, 27 (1), pp. 21-45.
  • Palier Bruno (1999), Réformer la Sécurité sociale, les interventions gouvernementales en matière de protection sociale depuis 1945, la France en perspective comparative, thèse de doctorat, IEP de Paris.
  • En ligne Palier Bruno, Bonoli Giuliano (1999), “Phénomènes de path dependence et réformes des systèmes de protection sociale”, Revue française de science politique, 49 (3), pp. 399- 418.
  • Palier Bruno, Bonoli Giuliano (2000), “La montée en puissance des fonds de pension”, L’année de la régulation, Paris, La Découverte.
  • Pierson, Paul (1997), “Increasing Returns, Path dependence and the Study of Politics”, Jean Monnet Chair Paper n°44, Institut Universitaire européen, Centre Robert Schuman.
  • Pierson Paul, ed. (2000) The New Politics of the Welfare State, New York etc. : Oxford University Press, à paraître.
  • En ligne Pierson Paul (1998), “Irresistible Forces, Immovable Objects : Post-industrial Welfare States Confront Permanent Austerity”, Journal of European Public Policy, 5 (4), Décembre, pp.539-560.
  • Reboud Louis (1995), “Politiques budgétaires et relance conjoncturelle ?”, in Mény, Muller, Quermone, (dir.), pp. 319-331.
  • Rhodes Martin (2000), “The Political Economy Of Social Pacts : ‘Competitive Corporatism’ And European Welfare Reform”, in Pierson (ed.), 2000.
  • Scharpf Fritz W., Schmidt, Vivien A., eds. (2000) From Vulnerability to competiveness : Welfare and Work in the Open Economy, Oxford, Oxford University Press, 2 volumes, à paraître.
  • Scharpf Fritz, W. (2000) Gouverner l’Europe, paris, Presses de la FNSP.
Bruno PALIER
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/poeu.002.0007
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan © L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...