La politique étrangère du président Trump a été disruptive sur le plan rhétorique ainsi qu’en raison de son caractère imprévisible. S’il importe de ne pas minimiser le style présidentiel, les éléments de continuité ne doivent pas être sous-estimés, qu’il s’agisse de la politique de retrait du Moyen-Orient et de l’engagement dans une compétition de puissance dans l’Indo-Pacifique entamés sous Obama, ou de l’unilatéralisme déjà patent sous Bush fils. C’est donc probablement avec l’abandon de l’exceptionnalisme que la transgression de Donald Trump s’est avéré la plus spectaculaire. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, Washington a refusé d’endosser le rôle de chef de file des démocraties et a renoncé ouvertement à défendre la démocratie et les droits de l’homme, ne serait-ce que sur le plan discursif. L’Amérique se voulait exceptionnelle par sa générosité. Sous Trump, l’America First a revendiqué la fin de cette ère, tenté l’hégémonie illibérale et porté un coup dur à l’exceptionnalisme américain.
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Empruntée au premier gouverneur du Massachusetts, le pasteur puritain John Winthrop, la métaphore de la « cité sur la colline » irrigue abondamment la rhétorique exceptionnaliste américaine. Forgée en 1630 dans un sermon adressé à un groupe de Puritains s’apprêtant à quitter l’Angleterre pour fonder Boston, son ubiquité dans le discours politique n’en demeure pas moins relativement récente. Avant les années 1960, nul candidat à la Maison-Blanche ne songe à invoquer ce texte inspiré de l’Évangile de Matthieu. Longtemps oublié, le document réapparaît au milieu du xxe siècle dans les travaux de Perry Miller, professeur d’études américaines à Harvard, pour lequel il constitue à la fois l’acte de naissance de la nation américaine et la première manifestation de son caractère exceptionnel. Si la plupart des États sont le fruit de contingences géographiques, de guerres ou d’annexions, l’Amérique, estime-t-il, est née d’une volonté et d’une mission clairement articulées : être un modèle et une lumière pour l’humanité tout entière. Depuis lors, la « cité sur la colline » occupe une place de choix dans l’imaginaire politique aux États-Unis. De John F. Kennedy à Barack Obama, tous les présidents américains l’ont invoquée pour professer leur adhésion au concept d’exceptionnalisme américain. Plus que tout autre, Ronald Reagan en fut le chantre. Pour celui-ci, comme il l’expliqua dans son discours d’adieu, la cité sur la colline évoquait : « une ville grande et fière, bâtie sur le roc, battue par les vents, plus forte que les océans, bénie de Dieu et peuplée de gens très divers vivant en paix et en harmonie ; une ville dotée de ports ouverts sur le monde, débordants d’activité et de créativité »…
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Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 25/01/2022
- https://doi.org/10.3917/polam.037.0087
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