L’existence d’une « doctrine Trump » en matière de conduite de la politique étrangère a fait l’objet d’interrogations régulières tout au long du mandat du 45e président américain. Le bilan de ses quatre années passées à la Maison-Blanche invite effectivement au questionnement tant il a adopté une approche volatile des relations internationales tributaire de ses instincts, de ses humeurs changeantes, de la valse de ses conseillers, de ses calculs politiques. Il n’est cependant pas le premier président à poser un problème de caractérisation. Son prédécesseur, le démocrate Barack Obama, avait tant brouillé les pistes en huit ans de mandature, oscillant entre réalisme et idéalisme, entre retranchement et interventionnisme ponctuel, que certains journalistes et intellectuels, d’orientation centriste ou progressiste, l’ont labellisé « président sans doctrine » quand d’autres ont tenté de catégoriser précisément l’aspect protéiforme de sa politique extérieure en associant les philosophies auxquelles il emprunte.
En dépit d’une mise en pratique erratique, la doctrine Trump existe bel et bien. Son élaboration remonte à la fin des années 1980 alors que le magnat de l’immobilier new-yorkais commence à lorgner vers la politique et envisage même une participation à la présidentielle de 1988 sous l’étiquette républicaine. Dans cette perspective, le 2 septembre 1987, il publie une lettre ouverte dans la presse nationale où il fustige la politique étrangère du président Ronald Reagan. Il condamne la protection militaire accordée à titre gracieux par l’Amérique à ses alliés, décrits comme des profiteurs, et exhorte les décideurs à monnayer ce service afin de venir en aide « à nos fermiers, à nos malades, à nos sans-abri » et de « mettre un terme à nos déficits sans fond, de réduire nos impôts et de faire en sorte que l’économie puisse prospérer sans obstacle »…