Suivant les pas de Fernand Braudel, Ludovic Tournès, professeur d’histoire à l’Université de Genève, nous propose un ouvrage de synthèse sur l’américanisation dans une perspective d’histoire globale et de longue durée. Qu’entendre par cette notion souvent galvaudée ? Tournès la définit comme « le projet visant à construire une nation aux dimensions de la planète par un incessant mouvement de va-et-vient entre le continent nord-américain et le reste du monde » (p. 8).
L’historien a raison de déplorer que ce terme soit trop fréquemment entendu de manière incomplète. Son premier sens, forgé au milieu du xixe siècle mais popularisé au début du xxe siècle, désigne l’assimilation de populations immigrées dans la société états-unienne. Les vagues de migrations successives ont donné naissance à cette préoccupation des pouvoirs publics : fabriquer des Américains. D’où des campagnes d’américanisation dans les années 1910 visant à alphabétiser, notamment, les migrants. Plus encore, l’idée de Theodore Roosevelt était d’en finir avec les « hyphenated-Americans », ceux qui revendiquaient leur double appartenance (Irish-American par exemple). Une entreprise qui résonne avec la résurgence actuelle des revendications identitaires (la préférence d’« African-American » sur « Afro-American » par exemple).
Cette acception n’exclut pas le sens le plus habituel du mot américanisation pour les lecteurs français, à savoir la diffusion de produits et de pratiques conçus aux États-Unis. C’est bien ce sens auquel est consacré l’essentiel de l’ouvrage…