CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Toutes sortes de détails concernant les révélations de Snowden et ses motivations, ainsi que les activités de la NSA, sont aujourd’hui de plus en plus connus par le public, étant donné qu’elles furent fortement médiatisées. Snowden rendit publiques des informations classées top secrète qui montrèrent que la NSA recueillait des renseignements sur le public américain à travers des programmes tels que PRISM, qui œuvrait à la collecte de renseignements à partir de communications Internet, y compris les courriers électroniques, les photos, les vidéos, les chats en ligne, le partage de documents, etc. Autorisé par la cour FISC (United States Foreign Intelligence Surveillance Court), ce programme permit au gouvernement d’exiger des grandes sociétés de télécommunications — Verizon, Google, Apple, Facebook et Microsoft — qu’elles transmettent des informations. Au-delà des programmes domestiques, dont les détails furent connus grâce à une série de fuites dans la presse, le scandale éclata lorsqu’il fut révélé que la NSA surveillait certains chefs étrangers, en particulier la chancelière allemande Angela Merkel, grâce à l’écoute de son téléphone mobile.

2Les questions concernant les programmes de la NSA ont porté sur leur légalité, les protections constitutionnelles auxquelles les citoyens américains peuvent s’attendre, notamment en vertu du quatrième amendement, et sur le problème de savoir si certains aspects du Patriot Act américain, telle sa section 215, ainsi que la section 702 du Fisa Amendments Act de 2008 vont trop loin en portant atteinte aux libertés civiles des citoyens américains. La section 215 du Patriot Act autorise le recueil en masse de métadonnées téléphoniques tandis que la section 702 du FISA Amendments Act fournit aux services de renseignement extérieur un cadre législatif pour la surveillance des personnes étrangères [1]. Tout ceci soulève des questions lorsqu’il s’agit de matières de sécurité et de démocratie : comment arbitrer entre le secret et la transparence ? Quel niveau de transparence les services de renseignements doivent-ils au public, et pour quelles raisons ? L’exigence d’ouverture démocratique s’applique-t-elle aux opérations de renseignement ? Il est évident que les attentes concernant l’ouverture varient en fonction des changements et des menaces politiques. Concernant les menaces, nous avons vu de vastes changements au cours des dernières décennies : la menace perçue, initialement concentrée sur l’Union soviétique pendant la guerre froide, se déplaçant vers les acteurs non étatiques et le terrorisme suite aux attentats du 11 septembre. Les États-Unis entrent actuellement dans une période de recalibrage, qui exige un champ d’intérêt plus large pour comprendre les menaces et y réagir. Les nouveaux défis comprennent des acteurs étatiques, comme la Russie dirigée par Poutine, mais également l’organisation armée bien plus ambiguë mais extraordinairement violente, l’État Islamique (EI), qui pourra éventuellement changer le mode de gouvernance du Moyen-Orient.

3Cet article tente d’évaluer la responsabilisation des services de sécurité américains au lendemain du 11 septembre 2001 et dans le sillage de l’affaire Snowden. L’un des aspects problématiques du débat sur le renseignement et la responsabilité se situe dans les positions extrêmement divergentes sur la question. Certains soutiennent que la responsabilité échoue complètement, tandis que d’autres maintiennent que les dispositifs de surveillance fournissent plusieurs niveaux de supervision. Globalement, il existe peu de preuves pour aucun de ces points de vue, quoique les deux possèdent des éléments de vérité. Les dispositifs de surveillance des services de renseignement, créant un cadre de responsabilisation, opèrent dans un environnement qui lui aussi demeure secret. Par définition, les individus ou les institutions « responsables » doivent être tenus pour responsables et pouvoir faire face aux conséquences de leurs actes. Dans ce contexte, les mécanismes de supervision constituent autant d’outils pour placer les individus et les institutions devant leurs responsabilités. Dans une démocratie, le public délègue ses pouvoirs à ses représentants élus. La notion de responsabilité implique que, dans les faits, les élus respectent les principes démocratiques et se soumettent à la loi. Couramment, lorsque le mot de « responsabilité » s’emploie, l’on pense que la transparence et l’accès public sont intégrés au sein des structures de supervision qui adhèrent à cette notion abstraite. En réalité, les dispositifs de supervision qui se sont développés au cours des années dans les trois pouvoirs du gouvernement américain garantissent que les opérations de renseignement demeurent secrètes et protégées de l’accès externe.

4Afin de mesurer l’efficacité avec laquelle la responsabilité fonctionne dans le cadre des défis provoqués par les révélations de Snowden, nous utilisons un ensemble de critères pour ventiler la notion de responsabilité et fournir des normes d’évaluation plus concrètes. Nous appliquerons ces critères à un dispositif de supervision récemment mis en œuvre aux États-Unis, le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles. Ce dernier est une agence indépendante créée en 2004 par la loi Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act (IRTPA) [2] pour offrir un moyen supplémentaire de responsabiliser les activités du renseignement. Le Conseil se concentre notamment sur les questions de libertés civiles et de respect de la vie privée, à la jonction entre les activités du renseignement et le grand public.

5Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous avons choisi d’analyser ce Conseil de supervision. Ses activités revêtent un intérêt tout particulier, car le Conseil détermina l’illégalité de plusieurs des programmes de la NSA, s’éloignant visiblement de l’attitude généralement acceptée aux États-Unis par rapport à cette question. En outre, le Conseil est un nouveau dispositif, conçu pour prendre en compte les dynamiques de l’environnement de sécurité dans un monde qui vit les contrecoups du 11 septembre. De même, il participe au rapport entre les services de renseignement et le grand public. Cette tâche explicite est novatrice dans le domaine des mécanismes de supervision des services de renseignements qui, au fil des années, ont plutôt tendance à établir un système interne de sécurité fermé.

6Les mécanismes de responsabilité peuvent être divisés en deux catégories : mécanismes externes et mécanismes internes. Les mécanismes externes de responsabilité sont situés en dehors des agences de renseignement. En termes de structures gouvernementales, ils comprendraient les dispositifs des pouvoirs législatif et judiciaire, ainsi que les mécanismes associés au pouvoir exécutif et qui renseignent le président avec une voix supplémentaire concernant l’intelligence, comme le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles, dont nous parlerons plus loin, et le President’s Intelligence Advisory Board (PIAB — Conseil consultatif du renseignement étranger pour le président). L’on peut également faire valoir que la responsabilisation externe inclut les médias et, dans certains cas, les particuliers. [3] Les mécanismes de responsabilité internes sont ceux qui existent à l’intérieur des agences elles-mêmes. Au sein de la CIA, on peut citer l’exemple de l’Inspecteur général (Inspector General) et de l’Avocat général (General Counsel), deux postes créés par la loi, ainsi que d’autres mécanismes ad hoc comme les Conseils de responsabilité qui sont créés pour répondre à un besoin ou à un problème spécifique à mesure qu’ils apparaissent.

7Les catégories qui constituent la responsabilisation externe sont : les conditions du savoir, la connaissance des activités et l’expertise nécessaire pour les comprendre ; l’autonomie externe, l’indépendance du surveillant par rapport aux surveillés ; la complexité organisationnelle, l’impact de la structure institutionnelle des surveillés sur le dispositif ; le recours, la possibilité du dispositif de changer le comportement, et la temporalité, le moment dans le cours des activités de renseignement où le dispositif se rend compte du programme, avant, pendant ou après ses activités. La transparence est une dernière catégorie — le niveau de transparence des activités du dispositif perçu par les autres membres du gouvernement ainsi que le public. Nous explorerons ces critères plus loin, de même que leur rapport au Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles.

Le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles

8En 2004, le Rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis réclama des protections plus robustes des libertés civiles en conséquence de la montée en puissance de l’exécutif. Il recommanda l’établissement d’un conseil au sein de l’exécutif qui garantirait l’adhésion du gouvernement aux directives du Rapport et la protection des libertés civiles, tout en luttant contre le terrorisme. [4] En conformité avec la recommandation de la Commission nationale, le Congrès adopta la loi sur la réforme du renseignement et la prévention du terrorisme de 2004 (Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act). Parmi les changements organisationnels au sein de la communauté de renseignement, telle la création d’un Directeur du renseignement national (DNI - Director of National Intelligence), la loi établit également le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles composé de cinq membres nommés par le président et entérinés par le Sénat. [5] Le Conseil fut conçu pour évaluer et fournir un conseil dans les politiques de lutte contre le terrorisme afin d’assurer la protection de la vie privée et des libertés civiles. [6]

9Le Conseil commença à se réunir à partir de 2006, mais en 2007 Lanny Davis, un membre du Conseil, a démissionné, déplorant que la Maison-Blanche contrôlât le contenu du rapport annuel du Conseil fourni au Congrès. [7] Il critiqua la loi sur la réforme du renseignement et la prévention du terrorisme, qui plaçait le Conseil au sein du Bureau exécutif du président des États-Unis, c’est-à-dire, le même bureau qu’il était censé surveillé. Après avoir démissionné, Davis appuya la proposition législative d’un membre démocratique du Congrès, Carolyn Maloney, qui souhaitait donner au Conseil une indépendance totale et le pouvoir d’assignation. Selon la proposition, le Conseil existerait au sein de l’exécutif mais en dehors de la Maison-Blanche. [8]

10Plusieurs mois plus tard, le Congrès adopta une loi relative aux recommandations de la Commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis (Implementing Recommendations of the 911 Commission Act of 2007), ce qui transforma le Conseil en une agence exécutive indépendante avec le pouvoir d’exiger des assignations de la part du procureur général. [9] Selon cette loi, le Conseil devait donner des avis et surveiller les programmes de lutte contre le terrorisme, afin d’assurer qu’ils soient élaborés et mis en œuvre en respectant le droit à la vie privée et les libertés civiles. [10] Le Conseil d’origine fut dissous et l’ancien président Bush nomma quatre personnes pour diriger ce nouveau Conseil de supervision plus autonome. Mais tout cela n’avait aucune importance. Le Comité judiciaire du Sénat des États-Unis n’entérina jamais les candidats nommés par Bush, ni les nouveaux candidats nommés par le président Obama en 2010 et 2011. Sans membres officiellement entérinés, le Conseil cessa d’exister. [11]

11La possibilité d’un Conseil de supervision sur les libertés civiles vraiment indépendant n’apparut qu’en 2012, lorsque le Sénat finit par entériner quatre des cinq candidats nommés. Le Sénat ne voulait toujours pas voter pour entériner le candidat nommé comme président du Conseil, David Medine, [12] mais les quatre autres membres entérinés constituaient un quorum et furent ainsi autorisés à opérer en tant que comité permanent. [13] Finalement, en mai 2013, près d’une décennie après la recommandation de la Commission nationale sur les attaques terroristes, Medine fut entériné et le Conseil devint opérationnel. [14]

12Quelques jours après l’entérinement de Medine, le gouvernement des États-Unis subit la plus grande fuite de renseignements de son histoire. [15] Edward Snowden, un ancien employé de la NSA, rendit publics des milliers de documents révélant des programmes de surveillance de masse, y compris la captation de métadonnées des appels téléphoniques aux États-Unis. La chronologie exceptionnelle des événements obligea le Conseil à passer en suractivité ; il commença à rédiger un rapport sur le programme de captation de métadonnées téléphoniques à la demande du président Obama et de plusieurs membres du Congrès. Lors de ses investigations, le Conseil tint des séances d’information à huis clos avec le Bureau du Directeur du renseignement national, la NSA, le Département de la justice, le Federal Bureau of Investigation (FBI), et la Central Intelligence Agency (CIA), et parla avec le personnel de la Maison-Blanche, des défenseurs des libertés civiles et des sociétés spécialisées dans la technologie. Le Conseil aurait bénéficié de « l’entière coopération des agences de renseignement ». [16] En janvier, le Conseil eut enfin l’occasion d’agir, en publiant un rapport audacieux — que certains qualifièrent de « cinglant » — de 238 pages et qui déclarait illégal le programme de la NSA. [17]

13Le rapport fournit une évaluation juridique approfondie du programme de collecte massive de relevés téléphoniques de la NSA en vertu de la section 215 du Patriot Act. [18] Il remettait en question la légalité du programme sur des bases législatives et constitutionnelles. Il analysait également les implications politiques du programme, les opérations de la Foreign Intelligence Surveillance Court et, donna 12 fortes recommandations en matière de politique — mais ce ne fut pas tout ceci qui fit la une des journaux. [19]Le Conseil choqua en votant, 3 en faveur et 2 contre, pour déclarer le programme illégal. Quoique les explications des deux membres en désaccord du Conseil se trouvent dans l’annexe du rapport, ledit Conseil fonctionna comme une entité politique unifiée [20]. Par le biais de ce vote, il atteint une conclusion ferme et déterminante.

14Premièrement, le Conseil établit que le programme n’avait pas de base législative en vertu de la section 215, car les relevés recueillis n’étaient pas liés à des investigations spécifiques du FBI ; en outre, comme les relevés étaient recueillis massivement, ils ne pouvaient pas tous être « pertinents » par rapport à des investigations du FBI comme stipulé dans la section 215. De plus, selon le Conseil, le programme obligeait les sociétés téléphoniques à fournir quotidiennement de nouveaux relevés d’appel — et non pas seulement les relevés déjà en leur possession — ce qui n’était pas autorisé selon la section 215. Finalement, le Conseil détermina qu’il n’y avait pas de fondement juridique pour le programme, car la section 215 n’autorise que le FBI, et non pas la NSA, à la collecte de données pour ses investigations. [21]

15Bien que le Conseil n’allât pas jusqu’à déclarer le programme de collecte non constitutionnel, il suggéra que le programme touchait aux premier et quatrième amendements de la Constitution et pouvait les menacer. Il soutint que la doctrine existante de la Cour suprême n’adressait pas la légalité du programme de collecte de données téléphoniques parce que « l’étendue et la durée du programme de collecte de données téléphoniques de la section 215 vont au-delà de ce à quoi les tribunaux ont jamais eu affaire ». [22] De nouveaux développements technologiques ont permis au gouvernement de recueillir, conserver et analyser les données téléphoniques à un niveau massif et sans précédent. Le Conseil demanda à tous les pouvoirs du gouvernement de reconnaître que les litiges ayant fait jurisprudence en matière de surveillance en 1979 n’offraient peut-être pas de directives efficaces pour déterminer la constitutionnalité des pratiques de surveillance d’aujourd’hui. [23] Le rapport du Conseil rendit l’exécutif responsable du point de vue politique et juridique.

16Six mois plus tard, en juillet 2014, le Conseil publia son deuxième rapport majeur sur les programmes de surveillance opérés en vertu de la section 702 du Foreign Intelligence Surveillance Act.[24] L’évaluation du Conseil fut bien moins critique cette fois-ci. Il trouva que le programme avait grandement contribué à protéger la sécurité nationale ; qu’il opérait en vertu d’une disposition discutée publiquement et qui décrivait de manière explicite sa structure de base ; et qu’il avait été soumis à une surveillance judiciaire ainsi qu’à une supervision interne. Le programme avait été entériné par le Congrès et ne menaçait pas le quatrième amendement. Cependant, le Conseil exprima quelques préoccupations concernant la collecte ponctuelle de communications de citoyens américains et l’emploi de termes de recherche pour cibler certains individus américains. [25] En fin de compte, il fournit des recommandations politiques mais décréta que le programme en soi était légal.

17Les groupes de défense des libertés civiles se sont rapidement insurgés contre le rapport du Conseil. [26] L’ACLU (American Civil Liberties Union — Union américaine pour les libertés civiles) décrivit le Conseil comme ayant « du retard par rapport au Congrès, aux tribunaux, et au peuple américain » [27] ; le Center for Democracy and Technology dit que le rapport était « une immense déception » et qu’il était accompagné de « faibles recommandations ». [28] Les groupes de défense des libertés civiles le critiquèrent pour ne pas avoir traité les problèmes liés à la liberté de parole, à la sécurité juridique et au droit à la défense impliqués par les programmes de surveillance en vertu de la section 702, [29] ainsi que pour avoir omis d’analyser les programmes en amont et leur impact sur la vie privée des citoyens américains et étrangers. [30] Le Conseil ne fut plus caractérisé comme audacieux, mais comme faible et timide. Il est évident que les groupes de protection de la vie privée ne faisaient que jouer leur rôle. Ce qui est important, c’est que le Conseil montra la capacité et la volonté de pouvoir critiquer et défendre l’administration quand il s’agissait de pratiques controversées de surveillance. Avec seulement deux rapports, chacun provoquant une réaction politique diamétralement opposée, la position du Conseil demeure toujours très difficile à cerner.

18Le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles constitue un des plus nouveaux dispositifs de responsabilisation conçus pour surveiller les opérations d’antiterrorisme ; à ce jour, son travail s’est concentré sur les pratiques de surveillance électronique susmentionnées. Quoique le Conseil tente toujours de délimiter son rôle au sein de l’exécutif et du discours public, son activité au cours des dix-huit derniers mois peut nous éclairer concernant son identité, sa structure, ses procédures internes, ses rapports institutionnels et même son efficacité. À plusieurs égards, il est différent des mécanismes de responsabilité traditionnels et sera peut-être capable de fournir une nouvelle dimension utile à la supervision dans la communauté du renseignement américaine. Cela semble particulièrement vrai car, au sein du système démocratique américain, la structure de responsabilité typique consiste à confier à un des trois pouvoirs la supervision d’un autre pouvoir. Le Congrès doit donc se charger de la supervision des agences. Avec le Conseil, le pouvoir exécutif supervise ses propres activités. L’application de facteurs de responsabilité externes et internes démontre que la conception du Conseil surmonte nombre des faiblesses structurelles qui handicapent d’autres formes de supervision. Mais finalement, le Conseil possède lui aussi son talon d’Achille : ne disposant pas de recours ou de puissance coercitive pour contrôler les institutions qu’il surveille, ce dispositif bien conçu finit peut-être par avoir un effet purement esthétique.

Les conditions du savoir

19Le Conseil jouit d’un accès important aux renseignements à travers toutes les agences exécutives. Il peut accéder aux informations classifiées, convoquer des responsables gouvernementaux, recueillir la déposition de tout employé ou chef de l’exécutif et exiger par écrit que le procureur général émette une assignation au nom du Conseil pour les informations pertinentes. Si le procureur général refuse une demande d’assignation, il doit informer la Chambre des représentants et le Comité judiciaire du Sénat. En outre, le Conseil a le droit d’accéder à tous les rapports, audits, révisions, documents, recommandations et autres dossiers pertinents des agences exécutives. [31], [32] L’ampleur de l’accès dont il bénéficie facilite la circulation des informations et lui offre une vue d’ensemble des programmes interinstitutions. En même temps, il est en mesure d’entrer dans les moindres détails d’un programme particulier, étant donné son accès aux documents internes, comme les directives de mise en œuvre d’une agence.

20Toutefois, les dispositions règlementaires ne se traduisent pas toujours en pratique. Quoique le Conseil, en tant qu’entité juridique, détienne un droit d’accès important aux informations, l’asymétrie d’informations existera toujours. L’exécutif possède les renseignements et contrôle la façon dont ils circulent et sont utilisés. Les pouvoirs légaux du Conseil ne prennent leur sens qu’au sein d’une perception publique profondément ancrée selon laquelle nous acceptons que les renseignements soient très secrets, qu’ils appartiennent à l’exécutif et qu’ils ne fassent pas partie du système traditionnel de freins et de contrepoids. Certains signes tendent à montrer que le contrôle exécutif continue à prévaloir. Par exemple, dans le premier rapport du Conseil, celui-ci dit : « Le procureur général devrait informer pleinement le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles des activités du gouvernement en vertu du Foreign Intelligence Surveillance Act et fournir au Conseil des copies de tous les rapports soumis à la Foreign Intelligence Surveillance Court… Ceci devrait comprendre la fourniture de copies des décisions de la cour FISC devant être produites en vertu de la section 601(a) (5). » [33] Une telle recommandation laisse penser que le Conseil s’était vu refuser l’accès, ou du moins éprouva certaines difficultés à obtenir un accès total. Mais malgré l’asymétrie d’informations inévitable, l’accès du Conseil, en termes d’ampleur et de profondeur, demeure considérable par rapport à d’autres dispositifs de responsabilisation.

21Mais l’accès n’est pas tout. Une solide expérience en libertés civiles et les détails techniques des opérations de surveillance électronique sont nécessaires pour exercer une surveillance effective et fournir des conseils concernant l’élaboration et la mise en œuvre des programmes anti terroristes. Les membres du Conseil sont choisis « uniquement sur la base de leurs compétences professionnelles, de leurs réussites, de leur stature publique, de leur expertise en matière de libertés civiles et de la vie privée, et de leur expérience pertinente. » [34] Pour l’exercice 2014, le Conseil s’est vu attribuer un budget de 3,1 millions de dollars américains par an. Il dispose actuellement de 10 membres à temps plein, y compris un directeur exécutif, un avocat général par intérim quatre avocats-conseillers, un chef de la sécurité, un fonctionnaire d’administration hors classe, un dirigeant principal de l’information par intérim, et un conseiller en technologie. [35] En tant qu’experts dans leur domaine, ces membres savent ce qui constitue une violation du droit à la vie privée et quand des garanties plus fortes sont nécessaires. En outre, puisque les membres exercent des mandats de six ans échelonnés et qu’il y a également du personnel permanent, le Conseil peut développer et conserver des connaissances institutionnelles concernant les aspects techniques de la surveillance électronique. [36] La compréhension de systèmes compliqués de collecte de données donne au Conseil le pouvoir d’engager et de défier la communauté du renseignement d’une façon qui mettrait le Congrès peut-être mal à l’aise. En outre, bénéficiant d’un ensemble plus limité d’obligations et de responsabilités par rapport aux comités du Congrès, le Conseil serait capable de mieux comprendre les pratiques de surveillance afin de les gérer de manière efficace. [37]

Autonomie

22Avant l’amendement de 2007, le Conseil avait du mal à conserver son autonomie. Dans une entrevue accordée à Newsweek par Lanny Davis, qui avait démissionné en 2007 à cause de ses doutes concernant l’indépendance du Conseil, Davis admit qu’il avait d’abord souhaité que le Conseil existe au sein du Bureau exécutif du président. Il croyait que le Conseil aurait pu maintenir son indépendance au sein de la Maison-Blanche, tout en bénéficiant d’un accès plus direct aux renseignements. Selon lui, « au sein de » ne voulait pas dire « sous l’autorité de ». Mais lorsqu’il tenta d’afficher une annonce dans la salle de presse de la Maison-Blanche déclarant que le Conseil s’était réuni pour la première fois, le service de presse ne le permit pas. Plus tard, lorsque le Conseil essaya d’organiser un forum public avec des groupes de défense des libertés civiles, la Maison Blanche interdit l’accès aux médias et le Conseil finit par annuler l’évènement. Pour Davis, la goutte de trop fut quand le personnel de la Maison-Blanche modifia énormément le rapport annuel du Conseil présenté au Congrès. [38] Lorsque Davis démissionna, les tensions profondes entre le mandat du Conseil et sa position institutionnelle furent exposées tout d’un coup : le Conseil était censé surveiller la stratégie d’antiterrorisme du président, tout en étant lui-même géré par le Bureau exécutif de celui-ci.

23En 2007, donc le Congrès reconstitua le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles en tant qu’agence indépendante au sein de l’exécutif. Il devint évident que la Maison- Blanche ne pouvait plus limiter ou contrôler le Conseil avec la publication de son premier rapport déclarant que le programme de captation de métadonnées téléphoniques était illégal, malgré la position de l’administration disant que le programme était légal, même s’il nécessitait quelques réformes. Le statut du Conseil maintenant ressemble plus à ceux des inspecteurs généraux ou de la Federal Trade Commission. Par exemple, les inspecteurs généraux sont relativement autonomes, ayant un rôle externe à leurs services d’attache. L’inspecteur général de la CIA doit rendre des comptes au directeur de celle-ci et au Congrès. Enfin, puisque les membres du Conseil ont des mandats de six ans échelonnés, aucun président ne peut avoir la possibilité de piper les dés en sa faveur.

24Malgré sa nouvelle autonomie, le Conseil demeure toujours un amalgame interinstitutionnel de formes d’indépendances interne et externe. [39] C’est une agence indépendante, mais il existe également au sein de l’exécutif. Sa position au sein de l’exécutif le soustrait du processus démocratique que nous avons tendance à voir comme étant inextricablement lié avec la responsabilité. Aux États-Unis, il existe la croyance prédominante que le peuple doit considérer le gouvernement comme responsable, même si cela s’opère parfois de manière indirecte. Néanmoins, le Conseil n’est pas redevable au Congrès ou à l’opinion publique ; il opère en dehors du système traditionnel de freins et de contrepoids entre les trois pouvoirs puisqu’il fournit des informations au pouvoir exécutif depuis le pouvoir exécutif. Conséquemment, l’identité du Conseil, y compris son autonomie, dépend de la culture institutionnelle et de sa crédibilité. Si le Conseil et son personnel épousent le conflit, l’esprit critique et s’engagent à défendre les libertés civiles contre vents et marées, il aura une allure différente que s’il privilégie de forts rapports bureaucratiques afin de conserver son accès aux renseignements et le dialogue coopératif afin de promouvoir la conformité. Ainsi le comportement et les valeurs du Conseil définiront progressivement son niveau d’autonomie.

25Ce niveau d’indépendance est accompagné de risques et d’avantages. Trop de dispositifs de responsabilisation au sein de l’exécutif peuvent produire des conséquences coûteuses en matière de contrôle judiciaire et législatif, et risquent de dépolitiser le processus administratif. [40] La dépendance aux dispositifs de supervision exécutifs peut se transformer en complaisance au sein des pouvoirs législatif et judiciaire. Par exemple, si les comités du Congrès sont trop dépendants de rapports du Conseil, au lieu de mener leurs propres investigations indépendantes ou s’ils n’affectent pas autant de temps et de ressources à la surveillance électronique parce qu’ils font confiance au Conseil, alors le gouvernement perd sa responsabilité démocratique. Mais si en revanche le Conseil fournit un niveau supplémentaire de responsabilité, il peut exploiter les avantages des mécanismes internes sans frais. Par exemple, en faisant partie de l’exécutif, le Conseil jouit d’un meilleur accès aux renseignements et de rapports plus coopératifs avec les organismes gouvernementaux.

26Il faut aussi ajouter que les formes démocratiques de responsabilité ne sont pas toujours plus autonomes. Après les attentats du 11 septembre, non seulement le public était prêt à accepter de nouvelles limitations sur ses libertés civiles, mais encore il demanda lui-même l’imposition de ces limitations. En février 2001, « 62 % des personnes répondants d’un sondage Greenberg étaient d’accord que ‘les Américains auront besoin d’accepter de nouvelles restrictions sur leurs libertés civiles s’il veulent gagner la guerre contre le terrorisme.’ » [41] Le Congrès subit des pressions pour soutenir aveuglément les décisions exécutives. En période d’urgence touchant à la sécurité nationale, le législatif perd son autonomie par rapport à l’exécutif : il est poussé à coopérer et à soutenir l’exécutif. Son pouvoir relatif peut s’atténuer, cessant ainsi d’être effectif en tant que dispositif de responsabilisation. Même aujourd’hui, l’opinion publique est divisée sur de nombreuses questions de surveillance par le gouvernement. [42] Le Conseil peut librement s’acquitter de son mandat sans trop se préoccuper de l’opinion publique, tandis que le Congrès est souvent limité par la soumission du public par rapport à l’exécutif en matière de politique de sécurité nationale, surtout lorsque l’on traite de problèmes aussi délicats que la lutte anti terroriste.

La complexité organisationnelle

27La portée du mandat confié au Conseil est impressionnante. Chargé de surveiller toutes les opérations du gouvernement aux objectifs antiterroristes, le Conseil doit rendre compte d’un réseau énorme et complexe de services de renseignements et de l’application de la loi. En outre, la loi exige que le Conseil assure le respect de la vie privée et des libertés civiles de manière générale, et non pas seulement pour les citoyens américains. Depuis la création du Conseil, une controverse particulièrement intense s’est développée sur la question de savoir si le mandat du Conseil s’applique aux libertés civiles des ressortissants étrangers — comme les prisonniers de Guantanamo. [43] Dans le rapport le plus récent du Conseil, le traitement des ressortissants étrangers sous les programmes de surveillance américains fut abordé, [44] mais pas de manière suffisante pour satisfaire aux groupes de défense de la vie privée. [45] Donc en plus du grand nombre d’organismes ayant des objectifs, des responsabilités, des règlements et des contraintes juridiques différents, le Conseil est également chargé de surveiller comment tous ces organismes affectent les libertés civiles et des citoyens américains et des ressortissants étrangers. Il devient ainsi presque impossible pour lui de continuellement surveiller tout ce qui relève de sa juridiction ; donc il identifie les questions spécifiques à investiguer et à aborder une par une.

La temporalité

28Étant donné l’accès illimité du Conseil aux renseignements, celui-ci est techniquement capable de mener un examen ex ante. Il peut surveiller le développement de politiques et de règlements internes et donner des conseils concernant certaines propositions. Mais il est davantage susceptible de surveiller et de présenter des rapports sur des programmes anciens ou actuels, car, compte tenu de la vaste portée de son mandat, il est bien plus pratique de répondre aux allégations publiques d’irrégularités que de passer chaque organisme au peigne fin pour trouver des violations. Jusqu’à présent, les rapports du Conseil ont été élaborés en réponse à des demandes précises, de la part de membres du Congrès ou du président, de revoir les programmes faisant partie des fuites publiées par Edward Snowden. [46]

29Il est également plus difficile pour le Conseil de mener un examen ex ante puisqu’il ne peut pas publier de rapports publics ayant trait à des programmes secrets. En mars, avant les fuites de Snowden, les quatre membres entérinés du Conseil avaient tenu une réunion où ils avaient identifié les sujets à privilégier lors de l’examen, comme, par exemple, « la mise en œuvre du FISA Amendments Act of 2008. » [47] Mais s’il n’y avait pas eu de fuites de renseignements pendant l’été 2013, il est peu probable que le Conseil aurait été autorisé à mener un examen si compréhensif du programme de captation de métadonnées téléphoniques ou à mettre en œuvre la section 702 du FISA. Les restrictions concernant le partage des informations classifiées — outre les nombreux programmes et politiques relevant du champ d’application du Conseil — obligent le Conseil à répondre le plus souvent de manière rétroactive.

30Ce caractère rétroactif suscite certaines inquiétudes. Si les fuites de Snowden n’avaient pas eu lieu, qu’est-ce que le Conseil aurait pu faire ? Aurait-il été informé des programmes de surveillance controversés ? Et sinon, si le Conseil avait été tenu dans l’ignorance ou bâillonné, comment aurait-il pu servir de dispositif de responsabilisation effectif ? Évidemment, il est difficile de savoir ce à quoi les rapports du Conseil auraient ressemblé si les fuites de Snowden ne s’étaient pas produites, mais il sera intéressant de voir comment le Conseil se comportera lorsque le puits profond de renseignements fournis par Edward Snowden sera à sec.

Le recours

31La plus grande faiblesse du Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles des États-Unis, en tant que dispositif de responsabilisation, est son manque de recours. Qu’importe la quantité de renseignements ou le niveau d’autonomie que le Conseil acquiert ! Il ne pourra jamais tenir l’exécutif pour responsable jusqu’à ce qu’il obtienne le pouvoir d’exercer un certain niveau de contrôle sur les organismes gouvernementaux. Actuellement, le Conseil ne peut influencer les politiques d’antiterrorisme que par le biais de son soft power. Il peut convaincre les différentes agences d’adopter des protections des libertés civiles et publier des rapports dans l’espoir d’accroître la pression publique ou de pousser le Congrès à agir. Mais même sa capacité à publier des rapports publics est limitée par le fait que les renseignements demeurent la propriété de l’exécutif.

32Dans le premier rapport du Conseil, celui-ci testa ses limites légales en adoptant un rôle quasi judiciaire, et déclara le programme de métadonnées téléphoniques « illégal », avec trois voix pour et deux voix contre. De nombreuses personnes, y compris un membre du Conseil, remirent en question le pouvoir du Conseil de déclarer un tel programme illégal. Paul Rosenzweig, le fondateur de Red Branch Consulting PLLC, « n’était pas sûr que les obligations du Conseil lui donnaient le droit de se prononcer sur la légalité du programme. » [48] En outre, dans l’annexe du premier rapport, il y avait une déclaration séparée, émise par le membre du Conseil Rachel Brand, expliquant son désaccord avec certaines des conclusions du Conseil. Elle explique que « la question légale sera réglée par les tribunaux, et non pas par ce Conseil, qui ne possède pas l’avantage des briefings juridiques traditionnels et n’est pas particulièrement bien adapté pour mener un examen de novo de toutes les interprétations juridiques de longue date. » [49]

33Quoi qu’il en soit du pouvoir du Conseil d’évaluer la légalité des programmes de surveillance américains, cette évaluation n’eut pas beaucoup d’impact sur la politique de l’administration. Répondant au rapport, le secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Jay Carney, dit : « Nous sommes tout simplement en désaccord avec l’analyse du Conseil sur la légalité du programme. » [50] Quoique l’administration Obama ait intégré certaines des recommandations du Conseil dans son programme de réforme de la NSA, beaucoup d’autres furent ignorées. [51] Dans des cas comme celui-là, le Conseil ne peut pas imposer ses recommandations, mais doit simplement passer à d’autres questions après avoir donné son avis. Avec si peu de pouvoir pour changer le comportement de l’exécutif, le Conseil ne saurait profiter pleinement de son accès, de son expertise et de son autonomie.

34Le Review Group on Intelligence and Communications Technologies du président (Comité d’examen des technologies de renseignement et de communication) a recommandé la création d’une nouvelle (et troisième) version du Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles qui aurait plus d’influence directe sur l’administration. La 27e recommandation du Comité envisage un « Civil Liberties and Privacy Protection Board » (Conseil pour la protection de la vie privée et des libertés civiles) pour surveiller les activités de la communauté du renseignement ayant objectif pour tout renseignement étranger, et non pas seulement l’antiterrorisme. Ce nouveau Conseil serait autorisé à recevoir les plaintes liées à des questions de violations de la vie privée et des libertés civiles. Il aurait également sous son contrôle un Bureau d’évaluation des technologies pour évaluer les programmes technologiques et soutenir les technologies pour la protection de la vie privée. Finalement, le Conseil opérerait comme un auditeur et se verrait confier le rôle de vérifier la conformité — ce qui actuellement à lieu de manière interne, au sein des agences individuelles. [52]

La transparence

35La loi exige que le Conseil soumette un rapport aux comités pertinents du Congrès au moins deux fois par an. Les rapports doivent être présentés de manière « non secrète dans la mesure du possible, avec une annexe secrète le cas échéant ». [53] Dans ses rapports, il doit inclure une description de ses activités principales pendant la période visée, ainsi que ses constatations, ses conclusions et les recommandations issues de sa fonction de surveillance et de conseil. [54]

36Un programme transparent permet au Congrès et au public de vérifier la responsabilité du Conseil. Un inspecteur général est responsable s’il opère une investigation et si plus tard, il s’avère qu’il n’avait pas découvert, un manquement juridique ou déontologique aux normes de conduite ou n’avait pas répondu de manière adaptée. De même, avec un programme transparent, le Conseil devient responsable des programmes qu’il choisit de défendre. Les niveaux de responsabilité renforcent tout le système de freins et de contrepoids. Le Conseil est incité à investiguer et à examiner de manière compréhensive les menaces potentielles aux libertés civiles s’il sait qu’il sera tenu publiquement responsable pour toute violation qui passe inaperçue.

Conclusion

37La question de la transparence est essentielle à toute analyse de la responsabilité. Elle fonctionne à de nombreux niveaux et a joué un rôle central dans le discours public concernant les fuites de renseignements de Snowden. Il existe des suppositions profondément enracinées dans les attentes de la gouvernance démocratique, en particulier le fait que pour que la responsabilité soit maintenue, le public doit avoir accès aux entités gouvernementales. Les questions de sécurité nationale entrent en conflit avec ces suppositions d’accès public. Théoriquement, le Conseil pourrait repousser les limites du secret nécessaire dans le domaine de la sécurité nationale et agir pour informer le public des activités de sécurité nationale, bien que cet accès soit restreint. Ce mouvement vers la transparence est cependant limité par les contraintes institutionnelles susmentionnées.

38Cet article avait pour objectif de commencer à évaluer les dispositifs de responsabilisation sans le détail. En ventilant la notion de responsabilité, nous pouvons tenter de déterminer où les suppositions doivent s’arrêter et une analyse pratique des limitations structurelles de la responsabilité doit commencer. Le Conseil offre une contribution à cette discussion car c’est un nouveau dispositif, conçu exprès pour faire face aux problèmes complexes liés à la lutte contre le terrorisme dans le contexte de l’après - 11 septembre. En outre, le Conseil a repoussé la politique du gouvernement en remettant en question la légalité de certaines composantes des programmes de la NSA. Quoique la résistance ait été faible et largement ignorée par l’administration, le Conseil a pris quelques mesures pour émettre un avis divergent par rapport à ces questions urgentes ayant trait à la responsabilité. Dans la durée, le Conseil aura peut-être la possibilité d’assumer un rôle potentiellement transinstitutionnel, devenant un canal pour l’échange d’informations concernant les programmes de renseignement à travers les pouvoirs différents du gouvernement, ainsi qu’entre le gouvernement et le public. Inversement, le Conseil évoluera peut-être de la même façon que les autres dispositifs de surveillance, au sein du législatif et du judiciaire, devenant un milieu de sécurité fermé laissant peu de place à l’accès extérieur.

Notes

Français

Cet article tente d’évaluer la responsabilisation des services de sécurité américains au lendemain du 11 septembre 2001 et dans le sillage de l’affaire Snowden. Afin de mesurer l’efficacité avec laquelle la responsabilité fonctionne dans le cadre des défis provoqués par les révélations de Snowden, nous utilisons un ensemble de critères pour ventiler la notion de responsabilité et établir des normes d’évaluation plus concrètes. Nous appliquerons ces critères à un dispositif de supervision récemment mis en œuvre aux États-Unis, le Conseil de supervision sur la vie privée et les libertés civiles.

Bibliographie indicative

Genevieve Lester
Ellen Noble [*]
  • [*]
    Genevieve Lester, titulaire d’un doctorat en science politique de l’Université Berkeley est chercheuse au Center for Security and International Studies (CSIS) et enseigne au Centre de l’université de Californie à Washington DC. Elle vient d’écrire When Should State Secrets Stay Secret ? Acountability, Democratic Governance and Intelligence chez Cambridge University Press, 2015. Ellen Noble est étudiante en droit au Georgetown University Law Center.
Texte traduit de l’anglais (américain) par
Sarah-Louise Raillard
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 06/05/2015
https://doi.org/10.3917/polam.024.0087
Pour citer cet article
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