CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Enivrés par les puissants effets du pouvoir, et débordants de confiance dans la vertu de leurs politiques, les présidents ont poursuivi leurs objectifs de politique étrangère avec force et en défiance des principes et interdictions constitutionnels. L’Attorney General Francis Biddle a justement observé que « la Constitution n’a jamais beaucoup gêné aucun président en temps de guerre » [1]. La trajectoire machiavélienne du pouvoir présidentiel menace de rendre la Constitution superflue, d’en faire une obstruction de parchemin. Cette approche du pouvoir est bien sûr anticonstitutionnelle, anti-intellectuelle même, et il n’est pas moins risible que par vertu d’arguties de salon les juristes de l’administration jouent avec le langage de la Constitution et les précédents historiques [2]. L’essor et la consolidation de la « présidence impériale » – gouvernement présidentiel assis sur une philosophie des « fins qui justifient les moyens » – est largement le résultat des tensions et des crises de la Guerre froide, réelles ou imaginaires [3]. Elle est fondée sur l’abus, l’agrandissement et l’usurpation du pouvoir, particulièrement dans le domaine des Affaires étrangères. L’expansion continue du pouvoir de l’Exécutif, marqué par la capture et le contrôle des Affaires étrangères et des pouvoirs de guerre depuis soixante ans, une marche inentravée par des limitations ou des contraintes constitutionnelles, repose sur un échafaudage fragile : affirmations de prérogatives présidentielles, distorsions de principes de droit et de clauses constitutionnelles, opinions judiciaires aberrantes, secrets et toute une série d’arguments mal conçus. Les présidents ont invoqué des motifs exaltés – Sécurité nationale et intérêt de la nation – comme justification de leurs actes d’usurpation, et ils ont cherché refuge dans cet inélégant refrain que « la Constitution n’est pas un pacte de suicide ».

2En plein débat sur la brûlante question de savoir si le président Harry Truman possédait l’autorité unilatérale d’engager les troupes américaines en Corée du Nord, c’est-à-dire si le pouvoir de guerre appartient au Congrès ou au président, avec tout ce que la guerre comporte, le secrétaire d’État Dean Acheson déclara que « le point de savoir à qui il appartient de décider ceci ou cela ou autre chose encore n’est pas exactement ce que l’on attend de l’Amérique à cette heure critique » [4]. Exprimant un dédain comparable pour les règles constitutionnelles, l’Attorney General Alberto Gonzalez déclara, lorsqu’il dirigeait les affaires juridiques à la Maison-Blanche, au milieu des révélations sur les « mémos sur la torture » et le traitement cruel et inhumain de prisonniers à Abu Ghraib, que se préoccuper de principes constitutionnels dans le contexte de la « guerre contre la terreur » était « naïf » [5].

3La négligence des règles constitutionnelles et des limites légales par le président, exercice d’« activisme présidentiel » qui fait écho à l’« activisme judiciaire » honni par le président George W. Bush, sent le machiavélisme et l’absolutisme des Stuart, qui invoquaient la prérogative royale pour justifier leurs actions et leurs politiques [6]. Les Pères de la Constitution favorisèrent un constitutionnalisme solide de terrien, et cherchèrent à assujettir le président à la Rule of Law. À l’époque de la Révolution américaine, la distinction précise entre monarchie et républicanisme résidait dans le fait que l’Exécutif était subordonné à la loi. Les États-Unis semblent revenir au concept d’un pouvoir exécutif sans limite et sans dissuasion.

4Cet article analyse les arguments, légaux et autres, avancés par les partisans du gouvernement présidentiel, notamment la domination par l’Exécutif des relations extérieures de l’Amérique. La politique présidentielle dans ce domaine exprime souvent l’abus, l’agrandissement et l’usurpation du pouvoir de l’Exécutif. Les citoyens américains peuvent légitimement se demander si ces mesures extra-légales servent les intérêts de la nation, c’est-à-dire si « les fins justifient les moyens ». Où nous conduit cet agrandissement présidentiel ? Quel intérêts nationaux sont défendus par des actes d’usurpation de l’Exécutif ? Des précédents historiques justifient-ils l’abus de pouvoir, et quelle leçon peut être tirée de ces pratiques [7] ? L’on peut s’inquiéter tout d’abord des moyens recherchés par les présidents pour justifier leur primauté en politique étrangère. En premier lieu, sont examinées les distorsions des principes de droit et constitutionnels comme moyen d’accroître le pouvoir présidentiel. En deuxième lieu, les arguments avancés pour défendre un pouvoir présidentiel étendu sont détaillés. Enfin, un commentaire sur l’impact des abus présidentiels conclut l’analyse, défendant l’idée que ni les intérêts nationaux ni le gouvernement constitutionnel ne s’en trouvent confortés.

Distorsions constitutionnelles

Un pouvoir de guerre présidentiel ?

5Les prétentions présidentielles à un pouvoir de guerre unilatéral, chose commune depuis que Harry Truman a le premier affirmé un tel pouvoir en engageant le pays contre la Corée du Nord en 1950, se réfèrent typiquement à la Clause du commandant en chef et la Vesting Clause[8]. Le président George W. Bush a porté l’assertion à un nouveau degré en annonçant la doctrine d’un pouvoir présidentiel unilatéral de lancer la « guerre préemptive » [9]. Ailleurs, les distorsions que renferment ces prétentions n’ont pas été découvertes, mais ici l’analyse la plus sommaire suffit [10]. L’argument en faveur d’un pouvoir de guerre présidentiel – l’autorité de lancer des hostilités militaires au nom du peuple américain – est sans relation avec le texte de la Constitution, les débats de la Convention constitutionnelle et les ratifications des conventions par les États, la structure de l’autorité de guerre et de politique étrangère établie par les Pères de la Constitution, les Federalist Papers, la pratique du gouvernement aux débuts de la République américaine, et enfin les premières décisions de justice. En effet, l’assertion d’un pouvoir de guerre présidentiel détruirait la Clause de guerre de la Constitution. La Convention constitutionnelle rejeta sans ambiguïté le concept d’un pouvoir de guerre du président. Son attachement à un pouvoir décisionnaire collectif en matière de paix et guerre était affirmé avec beaucoup de force dans la décision des délégués de conférer au Congrès l’autorité exclusive de lancer des hostilités militaires, limitées ou totales. La décision historique des Pères de la Constitution de reconfigurer le rôle de l’Exécutif dans la politique étrangère, de le priver d’importantes prérogatives qui étaient, à cette époque, largement admirées et exercées, a substitué aux prétentions absolutistes la suprématie du parlement et chassé le spectre d’un président gonflé de pouvoir qui pourrait conduire la nation vers la guerre pour de fallacieux motifs. Dans une lettre à Thomas Jefferson, James Madison explique dans un langage dont l’écho se fait entendre deux siècles plus tard : « La Constitution suppose, ce que l’histoire de tous les gouvernements démontre, que l’Exécutif est la branche du pouvoir la plus intéressée et la plus encline à la guerre. Elle a donc avec un soin étudié investi de ces questions la législature » [11]. Les débats et les votes sur la Clause de guerre de la Constitution établissent clairement que le Congrès seul possède l’autorité de déclencher les hostilités, petites ou grandes, au nom du peuple américain. À la fin de la Convention, aucun délégué ne s’écarta de cette interprétation. Le pouvoir de guerre fut spécifiquement retiré au président, qui ne reçut que l’autorité de repousser des attaques soudaines. Les commentaires de constituants dans les conventions des États, les premiers jugements de la Cour Suprême, la pratique institutionnelle et les déclarations des hommes politiques contemporains confirmèrent aller aussi dans le même sens [12]. James Wilson, peut-être à peine moins important que Madison comme architecte de la Constitution, résuma admirablement le dessein de la Convention de ratification de Pennsylvanie : « Ce système ne nous précipitera pas dans la guerre ; il est étudié pour nous en garder. Il ne sera pas du ressort d’un seul homme ou d’un seul groupe d’hommes, de nous engager dans une telle détresse, puisque l’importante responsabilité de déclarer la guerre appartient à l’ensemble de la législature ». Cette déclaration doit être faite en concours avec la Chambre des représentants : de cette circonstance on peut tirer la conclusion certaine que rien d’autre que notre intérêt peut nous entraîner dans la guerre [13]. La Constitution ne requiert pas une déclaration de guerre du Congrès avant que les hostilités puissent être légalement engagées mais simplement qu’elles le soient par le Congrès. Tout ce que le droit américain exige est une autorisation explicite du Congrès pour recourir à la force militaire contre un adversaire désigné.

6Que le pouvoir de guerre réside dans les mains du Congrès ne fut en aucun cas diminué par la désignation du président comme commandant en chef de l’armée et de la marine par la Convention. Ce titre ne conférait en aucune façon un quelconque pouvoir de guerre ; il conférait seulement l’autorité de repousser des attaques soudaines contre les États-Unis et de diriger la guerre « lorsqu’autorisée ou commencée ». Hamilton met à nu les contours de la fonction dans The Federalist N° 69 : « Le président est le commandant en chef de l’armée et de la marine des États-Unis. À cet égard, son autorité est nominalement la même que celle du roi de Grande-Bretagne, mais en substance très inférieure à elle. Elle ne correspond à rien de plus que le commandement suprême et la direction des forces militaires et navales, comme premier général et amiral de la Confédération, tandis que celle du roi britannique s’étend à la déclaration de guerre et à la levée et la régulation de flottes et d’armées – tout ce qui, selon la Constitution considérée, appartient à la législature » [14].

7L’objectif central de la Clause du commandant en chef était d’assurer la supériorité du pouvoir civil sur les opérations militaires, et de rassembler la direction, une fois la guerre enclenchée, en une seule et même personne plutôt qu’en des multiples commandants. La signification de la Clause de guerre de la Constitution était au-delà de toute équivoque dans la Convention. S’il n’y avait pas de confusion sur la Clause de guerre à Philadelphie, il est difficile de comprendre pourquoi il devrait y avoir confusion entre les dirigeants des branches de l’Exécutif, autres hommes d’État et universitaires. Il est douteux que la confusion soit sincère sur le pouvoir de recourir à la force militaire ; il y aurait plutôt de-ci de-là une volonté délibérée d’obscurcir les choses.

8Considérons quelques-unes des distorsions du pouvoir de guerre du Congrès par l’Exécutif. Les fervents partisans du pouvoir exécutif prétendent que le président est le « seul organe » de la politique étrangère américaine, pouvoir qui permet d’engager la guerre unilatéralement. De plus, certains universitaires comme Jefferson Powell, qui, en qualité de membre du Conseil juridique de l’administration Clinton, a tenté d’identifier et de faire valoir une autorité présidentielle dans l’usage de la force militaire, « tant que les hostilités ne représentent pas une « guerre » dans le sens constitutionnel » [15]. Cette interprétation, qui revient à ce que le président apprécie lui-même ce qu’est une « guerre », fait violence aux principes constitutionnels qui régissent la paix et la guerre, et réduirait la différence entre les pouvoirs de guerre présidentiel et royal à une simple question de degré et non plus de substance, comme le conçurent les Pères de la Constitution. Leur ferme rejet du modèle anglais, qui privilégie un contrôle et une direction de la guerre et des relations extérieures par l’Exécutif, reflétait non seulement leur attachement au républicanisme, principe cardinal de la décision collective dans les Affaires étrangères et intérieures, mais aussi leur profonde crainte d’un pouvoir exécutif sans contrepoids, tel qu’ils le perçurent de leur extraordinaire sens historique et de leur expérience personnelle sous George III [16].

9En outre, un pouvoir même limité de l’Exécutif d’initier des hostilités affaiblirait l’autorité du Congrès d’émettre des « lettres de marque et représaille ». L’attribution de ce pouvoir au Congrès vaut tous les commentaires sur l’attachement des Pères de la Constitution à ce que les pouvoirs offensifs de la nation soient exercés seulement et exclusivement par le Congrès. La lecture de la Convention n’a pas été contestée ; l’autorisation des lettres de marque et représailles était vue comme une espèce de guerre imparfaite, ce que Blackstone nommait un « état incomplet d’hostilités ». Madison, Hamilton et Jefferson, trois figures majeures, considéraient que l’autorisation de représailles était un acte de guerre et appartenait au Congrès. Et face à la théorie de Jefferson Powell sur le pouvoir présidentiel d’utiliser la force militaire sans atteindre le seuil de la « guerre », rappelons ce que Thomas Jefferson en dit en 1793 : « Le Congrès doit être appelé à les ordonner, le droit de représailles lui étant conféré expressément par la Constitution, et non à l’Exécutif » [17]. Dans plusieurs de ses premières décisions, la Cour Suprême admettait de même que seul le Congrès pouvait autoriser une guerre générale ou des hostilités limitées. Le recours à la force par le président, à quelque échelle que ce soit, représente une flagrante usurpation du pouvoir de guerre du Congrès.

Le président comme « seul organe » de la politique étrangère américaine

10Les prétentions présidentielles d’autorité unilatérale de formulation et de conduite des Affaires étrangères reposent certes sur un dévoiement du texte constitutionnel et un corps de travaux universitaires qui privilégient l’Exécutif, mais aussi sur une opinion singulière de la Cour Suprême dans États-Unis c. Curtiss-Wright Export Corporation de 1936 [18]. Pendant près de 70 ans, les présidents se sont appuyés sur la position du juge George Sutherland justifiant virtuellement toute aventure de politique étrangère qu’ils aient entreprise : décision de guerre unilatérale, suspension et caducité des traités, actions secrètes et décision discrétionnaire quant aux nations avec lesquelles les États-Unis entretiennent des relations et quant à la teneur de ces relations [19]. Ces principes ne trouvent aucun fondement dans le texte de la Constitution ni dans les débats à Philadelphie. L’opinion de la Cour dans Curtiss-Wright, où elle déclare que le président est le « seul organe des Affaires étrangères », a très certainement été sa principale contribution à la croissance du pouvoir de l’Exécutif en matière de politique étrangère. Même lorsque la doctrine du seul organe n’a pas été nommément invoquée, son esprit a fourni un fil conducteur commun à des opinions qui ont porté le pouvoir présidentiel au-dessus des normes constitutionnelles. L’existence de cette doctrine, aussi indéfendable soit-elle, a engendré des débats visant à apaiser des critiques d’actions présidentielles constitutionnellement contestables dans le domaine des relations internationales. Curtiss-Wright portait sur un point de constitutionnalité concernant une résolution commune qui autorisait le président à suspendre la vente d’armes à la Bolivie et au Paraguay, puis à engager un conflit armé au Chaco afin de mettre un terme au combat. Dans une opinion du juge Sutherland, la Cour soutint la délégation de pouvoir contre l’accusation d’être trop large. Sutherland s’égara du sujet en cause, et dans une démonstration discutable créa cette chimère que les Affaires étrangères constituaient « le pouvoir précieux, entier et exclusif du président comme seul organe du gouvernement fédéral dans le domaine des relations internationales – un pouvoir dont l’exercice ne requiert pas un acte du Congrès » [20]. Le contexte historique dans lequel Sutherland devisa la doctrine du seul organe mérite attention. Le juge a déroulé le raisonnement du représentant John Marshall dans un discours en 1800, dans lequel il notait que « le président est le seul organe de la nation des relations extérieures […]. En conséquence, la demande d’une nation étrangère ne peut s’adresser qu’à lui » [21]. Marshall défendait la décision du président John Adams de remettre aux Britanniques un déserteur, Jonathan Robbins, comme le prévoyait le traité Jay. Dans l’affaire Robbins, une demande d’extradition fut adressée aux États-Unis, selon Marshall, et elle exigeait une réponse du président au nom du peuple américain. À aucun moment dans son discours Marshall ne défendit l’idée que l’autorité exclusive du président de communiquer avec des nations étrangères incluait le pouvoir de formuler et mettre en œuvre seul une politique. Edward Corwin a conclu avec justesse : « Ce que Marshall avait surtout en tête était simplement le rôle du président comme instrument de communication avec d’autres gouvernements » [22]. Ce point de procédure avait été reconnu en 1793 par Thomas Jefferson, alors secrétaire d’État [23] et cette vue n’avait pas été contestée. C’est donc Sutherland qui a promu un rôle de communication amplifié d’une fonction politique substantive, extrayant de la doctrine du seul organe de Marshall un considérable pouvoir. Cette approche revenait à affaiblir le dessein constitutionnel de la coopération dans la conduite des relations extérieures. Curtiss-Wright fut donc un cas radical. En dépit du fait qu’il fut le produit de l’imagination du juge Sutherland et que sa rhétorique ait été reléguée comme dictum, il aura prévalu longtemps – 70 ans aujourd’hui – parce qu’une Cour obéissante a resservi la doctrine du seul organe chaque fois qu’une logique devait justifier une action présidentielle de politique étrangère constitutionnellement douteuse, réveillant le vieux fantôme de Curtiss-Wright. Une revue même la plus superficielle des cas dans lesquels l’arrêt fut invoqué fait clairement apparaître qu’il s’agit, en essence, d’une grande déférence au jugement de l’Exécutif dans ce vaste domaine que sont les Affaires étrangères. La Convention constituante ne laissa jamais penser à un pouvoir présidentiel exclusif de décider de la politique extérieure. Au contraire, tous les arguments invoqués par les Pères fondateurs (et par les ratificateurs dans les conventions des États) reflétaient une préférence pour un processus décisionnaire collectif, et une profonde crainte d’un unilatéralisme de l’Exécutif. Les délégués rejetèrent donc le modèle prévalant pour la conduite de la politique étrangère qui laissait un pouvoir virtuellement sans limite à l’Exécutif, et choisirent le Congrès comme principal responsable des politiques internationales de la nation [24]. Cette préférence se retrouve dans les dispositions de la Constitution qui régissent la politique étrangère. L’article I confère au Congrès une autorité large et exclusive de réguler le commerce avec l’étranger et d’initier toute hostilité au nom des États-Unis, y compris une véritable guerre. Selon l’article II, le président partage avec le Sénat le pouvoir de signer des traités et de nommer les ambassadeurs. Le président est investi de seulement deux rôles exclusifs en politique étrangère. Il est le commandant en chef des forces armées, mais il agit dans cette capacité par et sous l’autorité du Congrès. Comme Hamilton l’expliquait dans The Federalist N° 69, dans cette capacité le président a autorité de conduire la guerre après qu’elle ait été autorisée par le Congrès ou dans le cas d’une attaque soudaine contre les États-Unis [25]. Le président a aussi la charge de recevoir les ambassadeurs. Hamilton, Madison et Jefferson partageaient l’idée que cette fonction cérémonielle ne conférait aucun pouvoir de décision [26]. Les pouvoirs constitutionnels des présidents en politique étrangère étaient peu de chose comparés à ceux du Congrès. Les prétentions de l’Exécutif à disposer en la matière d’une autorité souveraine à formuler, gérer et conduire ne sont qu’un détournement grossier du dessein constitutionnel.

Le pouvoir présidentiel inhérent

11Le pouvoir exécutif inhérent invoqué par Harry Truman et George W. Bush, repose sur l’idée que les Pères de la Constitution défendaient le principe d’une autorité discrétionnaire pour faire face à une situation d’urgence. Cette vue, inspirée de la prérogative lockéenne, conçoit l’autorité de l’Exécutif comme suffisamment large pour permettre au président d’agir en l’absence de loi, et même en violation de la loi [27]. L’argument, faut-il noter, se fonde sur une origine constitutionnelle, et non extra-constitutionnelle, du pouvoir. Il ne faut donc pas accepter l’affirmation fantaisiste du juge Sutherland dans Curtiss-Wright que le président jouit d’« entiers » pouvoirs de politique étrangère issus non de la Constitution mais de la Couronne anglaise [28]. Les prétentions de Truman et Bush à propos d’un pouvoir inhérent de saisir l’un des aciéries, l’autre de placer en détention des citoyens américains indéfiniment sans protection judiciaire, ne résistent pas mieux à l’analyse, mais ont au moins la vertu d’invoquer la Constitution [29]. Un dévoiement reste toutefois un dévoiement.

12Les Pères de la Constitution rejetaient le concept d’une prérogative présidentielle. L’Article II de la Constitution dit que « Le pouvoir exécutif est conféré à un président des États-Unis ». Le débat à la Convention de Philadelphie sur ce qui allait devenir la Vesting Clause, portait sur la question de savoir s’il devait y avoir une présidence une ou plurielle. Edward Corwin a fort justement remarqué que « Les minutes de la Convention constitutionnelle établissent clairement que l’objectif de cette clause était simplement de déterminer si l’Exécutif devait être un ou pluriel et de lui attribuer un titre » [30]. Aucun délégué à Philadelphie n’avança le concept d’un pouvoir exécutif inhérent. Pour les Pères de la Constitution, le « pouvoir exécutif » était limité, comme James Wilson l’a expliqué, à « l’exécution des lois et la nomination des agents publics ». Roger Sherman « considérait la magistrature exécutive comme rien de plus qu’une institution traduisant la volonté de la Législature dans les faits ». Madison partageait la définition du pouvoir de Wilson, considérant qu’elle devait être précise ; le pouvoir exécutif « doit être confiné et défini » [31]. Ainsi fut-il. La conception du pouvoir exécutif défendue par Sherman, Wilson et Madison ne fut en aucun cas contestée. Wilson « ne considérait pas les prérogatives du monarque britannique comme un guide convenable pour définir les pouvoir de l’Exécutif » [32]. Si tel est le cas, observait Corwin, quel élément des minutes de Convention suggère l’existence d’un pouvoir inhérent ? [33]

13Ce qui est d’une importance cruciale, c’est que le président est tenu, en vertu du Rule of Law, de relier ses actes à la Constitution, charte dont il tire son autorité. Le juge Hugo Black déclara en 1957, dans Reid c. Covert, que « le gouvernement est une créature de la Constitution. Il ne dispose que des pouvoirs qu’elle lui a conférés » [34]. Puisque le président n’a pas reçu le pouvoir de prérogative – essentiellement un pouvoir « de révision » – mais prête le serment de « préserver et défendre la Constitution » et promet d’« exécuter fidèlement la loi », il n’est pas sensé ignorer ou remplacer les valeurs inscrites dans la Constitution par les siennes. Car en somme, la Constitution reflète les choix (constitutionnels) fondamentaux de la nation [35], et de nouvelles prérogatives improvisées par le président seraient une violation du choix d’un gouvernement constitutionnel, comme de la séparation des pouvoirs. Un président comme George W. Bush, qui condamne « l’activisme judiciaire » devrait, par intégrité et cohérence intellectuelle, condamner ou au moins se garder de tout « activisme présidentiel » [36]. Le combat historique pour une Constitution écrite, déclara le juge Black, était d’« assurer que les hommes seraient gouvernés par le droit, et non l’arbitraire du ou des détenteurs du pouvoir », et ce selon la « loi du pays », pas la « loi des juges » [37]. Le président n’a reçu aucun droit de transcender l’autorité conférée à sa fonction. « Aucun agent », remarqua Hamilton, « ne peut redessiner son office », et aucune invocation d’urgence ne justifie une révision de ses pouvoirs par l’Exécutif [38]. La perspective d’un pouvoir « de révision » du président – prémisse d’un pouvoir inhérent – ou une distorsion par l’Exécutif des limitations constitutionnelles, invite la réplique du président de la Cour Suprême John Marshall dans Marbury c. Madison : « À quelles fins les pouvoirs sont-ils délimités, et à quelle fin cette limitation est-elle inscrite dans le texte, si ces limites peuvent, à tout moment, être dépassées par ceux-là mêmes qu’elles sont sensées restreindre ? » [39] Les Pères avaient compris l’importance de restreindre l’exercice du pouvoir. Ils avaient la sagesse de penser, comme le dit Madison dans The Federalist N° 48, que « tout pouvoir est de nature possessive, et qu’il doit être empêché d’outrepasser les limites qui lui sont imposées » [40].

La logique d’une dominance de l’exécutif

14Les présidents et les avocats de la prééminence présidentielle dans les Affaires étrangères et de défense, ont avancé moult arguments pour justifier les actes présidentiels d’usurpation et d’élargissement. L’un de ceux-là est que la Constitution date du XVIIIe siècle et qu’elle est devenue obsolète, le président devant donc exercer des pouvoirs discrétionnaires élargis dans le but de protéger les intérêts extérieurs de l’Amérique. Les avancées technologiques auraient rendu la prééminence du Congrès dans la politique étrangère et de défense dépassée. Rappelons l’observation de Hamilton, figure chérie des enthousiastes de l’Exécutif, que « l’autorité déléguée ne peut altérer l’acte constituant sans autorisation expresse du pouvoir constituant » [41]. La « doctrine » des circonstances changeantes, comme d’autres slogans tels que l’« adaptation par la pratique » ou la « ratification par acquiescence », euphémisme pour un élargissement des pouvoirs présidentiels sans consultation de la nation, vise à contourner les dispositions d’amendement de la Constitution, mettant en jeu rien moins que le Rule of Law, qui prévoit la subordination du président à la Constitution, et ignorant l’article V. Hamilton écrit dans The Federalist N° 78 : « Jusqu’à ce que le peuple ait, par un acte solennel, annulé ou changé la forme établie, elle les lie collectivement et individuellement, et aucune présomption, ou même connaissance de ses sentiments, ne peut en affranchir leur représentant, avant un tel acte » [42]. Les limites constitutionnelles imposées au président dans la politique étrangère et de défense il y a deux siècles, demeurent actuelles, vitales et contraignantes. La question, alors comme aujourd’hui, met aux prises les valeurs de l’unilatéralisme avec celles de la décision collective. La pratique présidentielle confirme la sagesse du dessein originel, la théorie de l’unilatéralisme de l’Exécutif, comme ses fondements logiques traditionnels, s’étant fracassés sur la tragédie de la guerre du Vietnam. La déférence au président ne ferait que réduire le Congrès à un rôle de spectateur et exalter le gouvernement par décret présidentiel. Elle rappelle le sentiment diffus de la Guerre froide et toute une littérature qui plaidait pour une confiance aveugle dans l’Exécutif au motif que lui seul disposait de l’information et de l’expertise nécessaire à la sauvegarde des intérêts américains. Rarement un sentiment a été si troublant, dangereux et antidémocratique. Il a conduit à la guerre du Vietnam, la présidence impériale, l’Iran-Contra et maintenant la guerre d’Irak, ainsi que la consolidation de la suprématie présidentielle dans la politique étrangère, avec son cortège d’échecs militaires et politiques, de Cuba au Cambodge, du Liban à la Somalie. Rien dans notre histoire, en outre, ne suggère que la conduite des relations extérieures par les élites de l’Exécutif a jamais produit de grands résultats. Le fracas des empires sur les écueils d’une politique étrangère menée par l’Exécutif montre en effet amplement, comme l’a noté Lord Bryce, que la sagesse des « hautes classes » n’est pas supérieure à celle des « masses ». L’idée que la sagesse d’un seul est supérieure à celle de beaucoup est philosophiquement spécieuse, historiquement intenable, et fondamentalement non-démocratique. L’on sait bien, depuis Aristote, que l’information seule n’est pas une garantie de succès politique ; les valeurs du système et in fine celles des décideurs, importent davantage. Depuis cinquante ans qu’ils font une confiance implicite au président, les Américains n’ont-ils pas appris qu’en dépit de la haute information à sa disposition, la perception de l’Exécutif, son jugement et sa vision, peuvent être défaillants ? Les présidents américains n’ont pas retenu la leçon de l’expérience française au Vietnam ; à son tour, Bush Jr n’a pas appris de Bush Sr que l’Irak aussi s’avèrerait être un bourbier pour les États-Unis. Ces échecs donnent crédit à la dérision avec laquelle John Stuart Mills traitait l’infaillibilité du gouvernement. « Rien n’est plus faillible », écrivait James Iredell, l’un des premiers juges suprêmes, que « le jugement humain » – approche philosophique qui nourrit l’adhésion des Pères de la Constitution aux principes de la séparation des pouvoirs et aux checks and balances, et leur rejet d’un unilatéralisme présidentiel [43]. Aujourd’hui, continuer dans la voie empruntée jusqu’ici d’un élargissement et d’une usurpation du président serait dévastateur pour le constitutionnalisme américain.

Les conséquences des abus et de l’élargissement présidentiels

15Les Pères de la Constitution étaient d’avides étudiants de l’histoire et comprenaient les dangers du pouvoir et de l’ambition, la fondamentale incapacité des hommes de résister à la tentation d’un pouvoir qu’ils voyaient comme corrupteur, malin et pernicieux, comme une force menaçant en permanence la loi et la liberté. Ils savaient aussi que parmi les passions des hommes, les rêves de gloire militaire sont un couronnement, et que les Américains ne sont pas insensibles aux sirènes de la renommée, de l’honneur et du pouvoir. Madison écrit : « c’est dans la guerre, finalement, que l’on se couvre de lauriers, et c’est sur la tête de l’Exécutif qu’ils se déposent. Les passions les plus fortes et les plus dangereuses faiblesses de la race humaine, ambition, avarice, vanité, le désir honorable ou vénal de la gloire, conspirent tous contre la recherche et le devoir de paix » [44]. George Logan, Quaker célèbre, fit écho aux sentiments de la génération des fondateurs en observant en 1798 que « les guerres ouvertes par des dirigeants ambitieux ont plus été entreprises pour servir leur pouvoir que la protection de leur pays » [45]. Craignant qu’un président puisse plonger la nation dans le carnage ou la détresse pour des raisons non de mérite ou d’intérêt national, mais pour des motifs moins vertueux – objectifs personnels, motifs politiques ou trompettes de la fortune, entre autres – les fondateurs ont remis au Congrès l’unique et exclusive autorité de décider les hostilités militaires au nom du peuple américain. Les archives et documents des origines de la République américaine regorgent de références à cette crainte, à ces doutes de la capacité de l’Exécutif à percevoir l’intérêt national dans le domaine de la paix et de la guerre. L’explication de Hamilton, dans The Federalist N° 75, du refus de la Convention de conférer au président l’autorité unilatérale de conclure des traités, s’applique avec une égale force à celle de faire la guerre : « L’histoire de la vertu des hommes ne porte pas à se fier à cette opinion exaltée de la nature humaine qu’il serait sage à une nation de commettre des intérêts aussi délicats et importants que ses relations avec le reste du monde, entre les seules mains d’un magistrat créé et sujet aux circonstances comme le serait un président des États-Unis » [46].

16Un pouvoir de guerre unilatéral peut parfaitement ruiner la réputation du président. Pis encore, des guerres déclenchées sans l’autorisation du Congrès peuvent ébranler la présidence, et mettre en péril la sécurité nationale. Quelques exemples d’abus et d’élargissement des pouvoirs présidentiels suffisent à en illustrer les conséquences pour le pays. L’usurpation du pouvoir de guerre en deux occasions récentes – Harry Truman en Corée et Lyndon Johnson au Vietnam – s’est révélée mal inspirée, du moins du point de vue de ses effets négatifs sur leur image dans l’histoire, celle de leur parti et celle des États-Unis. La guerre de George W. Bush en Irak aura probablement un effet comparable. La guerre de Corée, connue comme « la guerre de M. Truman », fut dévastatrice pour sa présidence et dérouta les plans, les politiques et les objectifs du parti démocrate. Elle s’avéra même si coûteuse, sanglante et controversée qu’elle mit fin à vingt ans de règne démocrate à la Maison-Blanche. Une idée familière est qu’en engageant les États-Unis dans la guerre de Corée, Truman fut le premier président à prétendre à un pouvoir de guerre unilatéral de l’Exécutif. N’ayant pas sollicité l’autorisation du Congrès comme la Constitution l’exige, il expliqua par la voix de son secrétaire d’État Dean Acheson, qu’il agissait « sous le sceau des Nations unies » [47], assertion erronée et trompeuse puisqu’il engagea les forces américaines avant que le Conseil de sécurité de l’ONU n’ait appelé ses membres à une assistance militaire. L’hérédité depuis la Corée est lourde. Virtuellement chaque président depuis Truman a suivi son exemple en prétendant à un pouvoir de guerre unilatéral dont il n’est aucune trace dans la Constitution. Les présidents ont ainsi ordonné des frappes militaires, sous une forme ou une autre, au Vietnam, à Grenade, en Libye, à Panama et en Irak, entre autres. Certes, depuis le Vietnam la plupart de ces actions ont été d’une ampleur et d’une durée limitées, l’action du président Clinton en Yougoslavie en mars 1999 ayant été la plus intense et la plus longue campagne de toutes depuis le Vietnam [48]. Il n’en demeure pas moins que l’autorisation du Congrès est nécessaire et que le président Truman a donné vie à une pratique qui détourne de façon indéfendable les principes de la Constitution. Son invocation de l’ONU pour justifier l’envoi de troupes américaines, en lieu d’une autorisation parlementaire, fut tout aussi radicale dans sa portée révisionniste, d’autant que Truman connaissait parfaitement les circonstances, ayant dressé les contours du U.N. Participation Act de 1945 par lequel les États-Unis répondent à l’appel des Nations unies pour une assistance militaire. Ainsi que Louis Fisher l’a souligné, « l’histoire législative du U.N. Participation Act renforce l’exigence d’une approbation parlementaire préalable » [49]. Dans une audition devant la Commission des Affaires étrangères de la Chambre, Dean Acheson en expliqua clairement les procédures, assurant que le président ne répondrait à aucune sollicitation d’assistance américaine sans autorisation du Congrès. Dès l’approbation reçue, le président est « tenu de fournir ce contingent de troupes au Conseil de sécurité, et n’est pas autorisé à fournir davantage que ce que vous avez approuvé » [50]. L’absence d’une autorisation parlementaire dans le déploiement en Corée a donc violé à la fois la Constitution et l’U.N. Participation Act. L’on pouvait probablement s’attendre à ce que les successeurs de Truman fassent leur orientation et invoquent l’ONU pour circonvenir le Congrès. C’est ce que fit le président George H.W. Bush lors de la guerre du Golfe en 1991, avant de recevoir l’autorisation du Congrès. Sans soutien ni de l’ONU ni du Congrès pour ses projets en Yougoslavie, le président Clinton obtint une « autorisation » de l’OTAN. Les projets politiques finirent ainsi par trouver une « logique » légale. La tragédie de la guerre du Vietnam a scellé le sort de Lyndon Johnson, fait échec aux très louables objectifs intérieurs de son administration et au parti démocrate. Comme l’épisode coréen, la mésaventure de Johnson fut brutale, coûteuse et profondément controversée. La guerre du Vietnam continue de hanter les États-Unis. Dès le début, sa conduite de la guerre fut marquée par des considérations liées à son ego, sa stature politique et sa place dans l’histoire, et caractérisée par la ruse et la duperie. Johnson poursuivit ses intérêts politiques et ses aspirations historiques, mais le résultat fut un magistère de carnage. Cette guerre défendue par les prétentions d’une autorité exécutive exclusive, a représenté un grossier abus de pouvoir, vérifiant les premières suspicions des fondateurs que les dirigeants poursuivent moins dans la guerre l’intérêt général que leur intérêt particulier. Les exemples d’abus de pouvoir présidentiel abondent. Richard Nixon a abusé du pouvoir de guerre, offert une version indéfendable du privilège de l’Exécutif et cherché à étouffer le premier Amendement, sans que rien ne montre comment ces abus ont pu servir l’intérêt national. Gerald Ford au Cambodge, Jimmy Carter en Iran et Ronald Reagan à Grenade et en Libye ont usurpé le pouvoir de guerre, sans qu’aucun d’eux n’ait pu indiquer que leurs actes avaient renforcé la sécurité nationale. De même George H. W. Bush lorsqu’il envahit Panama, ou lorsqu’il usurpa le pardon présidentiel en grâciant Caspar Weinberger pour son rôle dans l’Iran-Contra, un pardon qui s’appliquait à lui-même pour ne pas laisser le procureur indépendant Lawrence Walsh poursuivre son instruction [51]. Bill Clinton viola la War Clause et abusa également du pardon. Il est clair aujourd’hui que George W. Bush a trompé le pays en avançant de fausses justifications à l’invasion de l’Irak, mais cet abus-là pourrait être éclipsé par ce qui sera perçu comme une immoralité suprême, à savoir induire la nation en erreur pour se lancer dans une guerre dont les conséquences sont désastreuses pour les États-Unis comme pour l’Irak. La présidence américaine, assurée par des hommes d’une ambition et d’un ego considérables, peu respectueux des principes constitutionnels, représente une menace permanente pour la République. Le but des fondateurs de subordonner l’Exécutif à la Constitution et au Rule of Law paraît de plus en plus lointain et illusoire. La trajectoire du pouvoir présidentiel est claire et menace les fondations même du constitutionnalisme. L’Amérique ne semble plus marcher dans l’ombre de Washington, Madison et Jefferson. Elle semble plutôt se tenir dans celle plus sombre et inquiétante de Machiavel.

Notes

  • [*]
    David Gray Adler est professeur de science politique à l’Idaho State University. Il est l’auteur de The Constitution and the Termination of Treaties (1986), a codirigé The Constitution and the Conduct of American Foreign Policy (1996) et de nombreux articles universitaires. Son prochain ouvrage, codirigé, s’intitule The Presidency and the Law: The Clinton Legacy, University Press of Kansas.
  • [1]
    Francis Biddle, In Brief Authority, Doubleday, 1962, p. 219.
  • [2]
    En 1999, dans l’arrêt Campbell c. Clinton, 26 membres de la Chambre des représentants cherchèrent une résolution judiciaire établissant comme inconstitutionnelle l’usage de la force au Kosovo par le président Clinton, en l’absence d’une autorisation parlementaire. La Cour du District fédéral récusa le cas sur la base d’une incompétence du législateur à engager la procédure. Mais les conseillers juridiques de Clinton furent forcés de fournir l’analyse la plus détaillée jusqu’ici de leur interprétation de la Clause de guerre (War Clause) de la Constitution. Leur argument était frivole. Le conseil de Clinton déclara à la cour : « Le pouvoir de guerre n’est certainement pas conféré au seul Congrès ». 52 F. Supp. 34, D.D.C., 1999. La War Clause (Art. I, sec. 8) dit : « Le Congrès aura le pouvoir (shall have power)… de déclarer la guerre ». L’exclusivité du pouvoir parlementaire de déclarer ou d’autoriser la guerre est extrêmement clair, ainsi que le montrent les archives de la Convention constitutionnelle. Voir David Gray Adler, “The Clinton Theory of the War Power”, Presidential Studies Quarterly, 2000, pp. 155-168. Les juristes de l’administration se montrèrent légers avec les faits historiques en prétendant devant la cour qu’il n’y avait eu que « cinq » déclarations de guerre dans l’histoire des États-Unis. L’affirmation est facile à démontrer. Le Congrès a approuvé six déclarations de guerre durant la seule Seconde Guerre mondiale. Noter les travaux de Francis Wormuth et Edwin Firmage, To Chain the Dogs of War, Southern Methodist University Press, 1986, pp. 53-54. Voir Louis Fisher, Presidential War Power, University Press of Kansas, 2004.
  • [3]
    Voir Arthur Schlesinger Jr., The Imperial Presidency, Houghton-Miffl in, 1973.
  • [4]
    Cité dans Arthur Schlesinger Jr., “Congress and the Making of American Foreign Policy”, Foreign Affairs, 1972, pp. 78, 95 et 96. Au contraire, la question de savoir quelle branche du gouvernement est investie de l’autorité d’agir est au cœur du gouvernement constitutionnel. Identifier le détenteur de l’autorité n’est donc ni impertinent ni dépassé.
  • [5]
    Voir Derek Jinks et David Sloss, “Is the President Bound by the Geneva Convention?”, Cornell Law Review, 2004, pp. 90-97.
  • [6]
    Voir Francis Wormuth, The Royal Prerogative, Cornell University Press, 1939 ; Donald Hanson, From Kingdom to Civic Consciousness, Harvard University Press, 1970.
  • [7]
    Edward Corwin écrit : « Prise dans son ensemble, l’histoire de la présidence est l’histoire d’un agrandissement ». Edward Corwin, The President: Office and Powers, 1787-1984, New York University Press, 1984, p. 29. Richard Pious présente une analyse documentée et instructive de l’impact des auto-affirmations de prérogatives présidentielles. Richard Pious, The American Presidency, Basic books, 1979, pp. 47-85.
  • [8]
    Voir David Gray Adler, “The Constitution and Presidential Warmaking: The Enduring Debate”, Political Science Quarterly, 1988, pp. 1-36. La Vesting Clause confère tous les pouvoirs judiciaires aux cours [NdR].
  • [9]
    Pour plus d’éléments, voir Louis Fisher, Presidential War Power, University Press of Kansas, 2004, pp. 202-235.
  • [10]
    Voir David Gray Adler, art. cit. ; Louis Fisher, op. cit. ; Francis D. Wormuth et Edwin B. Firmage, To Chain the Dogs of War.
  • [11]
    James Madison, Writings, 1906, vol. 6, p. 312.
  • [12]
    Voir David Gray Adler, art. cit. ; Louis Fisher, op. cit. ; Francis D. Wormuth et Edwin B. Firmage, op. cit.
  • [13]
    Jonathan Elliot, Debates in the Several State Conventions on the Adoption of the Federal Constitution, 1836, vol. 2, p. 528.
  • [14]
    Alexander Hamilton, The Federalist, N° 69, p. 448.
  • [15]
    Jefferson Powell, The President’s Authority Over Foreign Affairs: An Essay in Constitutional Interpretation, North Carolina Academic Press, 2002, p. 125.
  • [16]
    Voir David Gray Adler, “Court, Constitution and Foreign Affairs”, dans David Gray Adler et Larry N. George (dir.), The Constitution and the Conduct of American Foreign Policy, University Press of Kansas, 1996, pp. 1-6 et pp. 19-22.
  • [17]
    Cité dans John Bassett Moore, A Digest of International Law, 1906, vol 7, p. 123.
  • [18]
    299 U.S. 304, 1936. [list of U.S. Suprem Court Cases, vol. 299, U.S. c. Curtiss-Wright Export Corporation, NdR]
  • [19]
    Voir David Gray Adler, “The Framers and Treaty Termination: A Matter of Symmetry”, Arizona State Law Journal, 1981, pp. 891-923 et “Termination of the ABM Treaty: Judicial Succor for Presidential Power”, Presidential Studies Quarterly, 2004, vol. 34, pp. 156-167 ainsi que “The President’s Recognition Power”, dans David Gray Adler et Larry N. George, Constitution and Foreign Policy, pp. 133-158.
  • [20]
    299 U.S. 328. [list of U.S. Suprem Court Cases, vol. 299, NdR]
  • [21]
    Joseph Gales and William Seaton, Annals of Congress, 6th Sess., vol. 10, 1851, pp. 613-614.
  • [22]
    Edward S. Corwin, The President: Office and Powers, p. 216.
  • [23]
    Thomas Jefferson, Works, 1895, vol. 6, p. 451.
  • [24]
    David Gray Adler, “The President’s Recognition Power”, dans David Gray Adler et Larry N. George, Constitution and Foreign Policy, pp. 133-157.
  • [25]
    Alexander Hamilton, The Federalist, N° 69. Voir David Gray Adler, “Presidential Warmaking”, pp. 1-36.
  • [26]
    David Gray Adler, art. cit., David Gray Adler et Larry N. George, Constitution and Foreign Policy, pp. 133-157.
  • [27]
    Voir l’analyse de l’interprétation lockéenne de la prérogative par Robert Scigliano, qui dément un ensemble de littérature se fondant précisément sur ladite Prérogative lockéenne pour justifier une action unilatérale de l’Exécutif. Robert Scigliano, “The President’s Prerogative Power”, dans Thomas Cronin, Inventing the Presidency, University Press of Kansas, 1989, pp. 236-256. Voir également David Gray Adler, “The Steel Seizure Case and Inherent Presidential Power”, Constitutional Commentary, 2002, vol. 19, pp. 155-213.
  • [28]
    Pour une critique de la théorie de Sutherland sur le pouvoir présidentiel extra-constitutionnel, voir David Gray Adler, “Constitution and Presidential Warmaking”, pp. 30-35 ; et Louis Fisher, Presidential War Power, pp. 69-73.
  • [29]
    Truman prétendit à un pouvoir inhérent pour saisir les aciéries en 1952. Voir l’analyse de David Gray Adler, “The Steel Seizure Case”. Sur Bush, voir Louis Fisher, Presidential Warmaking, pp. 202-235.
  • [30]
    Edward S. Corwin, “The Steel Seizure Case: A Judicial Brick Without Straw”, Columbia Law Review, 1953, p. 53.
  • [31]
    Max Farrand, Records, vol. 1, pp. 65-70.
  • [32]
    Ibid., p. 70.
  • [33]
    Robert Scigliano a justement observé que le pouvoir de prérogative avait été « greffé sur la présidence » par des juristes, des universitaires et des présidents. Robert Scigliano, “President’s Prerogative Power”, pp. 236-256. Voir David Gray Adler, “Presidential Warmaking” pour l’argument selon lequel les Pères fondateurs n’avaient pas incorporé ladite Prérogative lockéenne, pp. 32-33.
  • [34]
    Reid c. Covert, 354 U.S. 1, 1957.
  • [35]
    John Adams, l’auteur de la Constitution du Massachusetts de 1780, déclara : « Une récurrence fréquente des principes fondamentaux de la Constitution… {est} absolument nécessaire pour préserver les avantages de la liberté et maintenir un gouvernement libre… Le peuple… a le droit d’exiger que ses législateurs et magistrats en fassent une stricte et constante observance ». Article XVIII, Benjamin Poore, Federal and State Constitutions, Colonial Charters, Government Printing Office, 1877, vol. 1, p. 959.
  • [36]
    Au premier Congrès, Alexander White de Virginie déclara : « Ceci est un gouvernement constitué seulement pour des motifs particuliers ; et les pouvoirs conférés pour les mettre en œuvre sont énumérés spécifiquement… Si ces pouvoirs sont insuffisants… il n’est pas… dans notre pouvoir d’y remédier. Le peuple qui les a conférés doit en attribuer d’autres… Tel fut le principe sur lequel les amis du gouvernement ont soutenu la Constitution…{sinon} la Constitution n’aurait jamais été ratifiée » en Virginie. Annals of Congress, pp. 514-515.
  • [37]
    In Re Winship, 397 U.S. 358, 384, 1970, opinion dissidente.
  • [38]
    Alexander Hamilton, Works, 1904, vol. 6, p. 166. « Ceux [qui sont] au pouvoir, déclara Iredell, sont les serviteurs du peuple et ses agents », Jonathan Elliot, Debates, vol. 4, p. 9.
  • [39]
    L’historien du droit Julius Goebel a souligné que le « principe selon lequel le gouvernement doit être en conformité avec les termes de la Constitution est devenu une conception politique fondamentale », Julius Goebel, Antecedents and Beginnings to 1801, History of the Supreme court of the United States, 1971, vol. 1, p. 89.
  • [40]
    James Madison, The Federalist, N° 48, p. 217.
  • [41]
    Alexander Hamilton, op. cit., p. 166.
  • [42]
    James Madison, The Federalist, N° 78, p. 509.
  • [43]
    Jonathan Elliot, Debates, vol. 4, p. 14.
  • [44]
    James Madison, Writings, vol. 6, p. 152.
  • [45]
    Cité dans Alexander DeConde, Presidential Machismo, Northeastern University Press, 2000, p. 18.
  • [46]
    Alexander Hamilton, The Federalist, N° 75, p. 487.
  • [47]
    Department of State Bulleting, 1950, vol. 23, p. 43.
  • [48]
    David Gray Adler, Clinton Theory of the War Power, p. 155.
  • [49]
    Louis Fisher, Presidential War Power, p. 81.
  • [50]
    Ibid.
  • [51]
    Voir Lawrence Walsh, Firewall : The Iran-Contra Conspiracy and Coverup, Norton, 1997, pp. 467-519 ; David Gray Adler, “The President’s Pardon Power”, dans Thomas E. Cronin, Inventing the President, pp. 209-236.
David Gray Adler [*]
  • [*]
    David Gray Adler est professeur de science politique à l’Idaho State University. Il est l’auteur de The Constitution and the Termination of Treaties (1986), a codirigé The Constitution and the Conduct of American Foreign Policy (1996) et de nombreux articles universitaires. Son prochain ouvrage, codirigé, s’intitule The Presidency and the Law: The Clinton Legacy, University Press of Kansas.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polam.007.0023
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