CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le 22 novembre 2005, Angela Merkel fut élue chancelière d’Allemagne, prenant la tête de la deuxième grande coalition dans l’histoire du pays. Pourtant, le jour où l’accord de grande coalition fut enfin conclu, les medias américains ne le mentionnèrent quasiment pas, préoccupés qu’ils étaient par les attentats en Jordanie. C’est que, depuis la fin de la Guerre froide, l’Allemagne a perdu son importance stratégique pour les États-Unis et les relations transatlantiques se sont profondément déséquilibrées. Les États-Unis s’intéressent dorénavant davantage à l’Asie et de moins en moins à l’Europe, seule région du monde où ils peuvent vivre sur leurs acquis, grâce à leurs efforts de reconstruction dans les décennies d’après-guerre, sans avoir à s’inquiéter d’une crise majeure. La politique étrangère de l’Allemagne, quant à elle, est avant tout une politique européenne.

2Les politiques extérieures de l’Allemagne et des États-Unis sont en outre de plus en plus fortement influencées par des faits de politique intérieure. Hier, la décision de mener une guerre contre le terrorisme en Irak était partiellement due à la nécessité de rassurer une population américaine traumatisée par le 11 septembre, tandis que la formulation radicale du refus d’une intervention en Irak et ses critiques à l’égard des valeurs du parti républicain aidèrent Gerhard Schröder à remporter sa réélection en 2002. Aujourd’hui, George W. Bush et Angela Merkel doivent tous deux tenter de convaincre une société scindée en deux groupes de taille à peu près égale, du bien fondé de leurs choix. La résolution de problèmes intérieurs constitue donc la tâche la plus urgente pour les deux dirigeants, si bien que la politique intérieure continuera à influencer fortement leurs décisions en politique étrangère où aucun changement de paradigme radical n’est à attendre, d’un côté comme de l’autre. Le changement de personnalités politiques en Allemagne devrait néanmoins créer un climat général plus détendu favorisant la consolidation des acquis de la relation bilatérale. Le souci du nouveau gouvernement de se rapprocher des États-Unis a été affirmé d’emblée, par une visite hautement symbolique d’Angela Merkel auprès de l’Otan le 23 novembre 2005, dès le lendemain de son élection. Ni George W. Bush ni Angela Merkel n’étant aujourd’hui au sommet de leur popularité, ils ne peuvent se permettre d’être trop exigeants vis-à-vis de leurs alliés et essayeront probablement de collaborer au mieux.

Les élections allemandes de 2005 : bouleversements et paralysie

3Les récentes élections en Allemagne ont été placées sous le signe de la crise et des bouleversements. Rarement des élections auront apporté autant de surprises – généralement mauvaises – aux dirigeants politiques de tous bords. Surprenante tout d’abord la décision des électeurs de la Rhénanie-Westphalie au mois de mai dernier de tourner le dos à la SPD pour la première fois depuis 1975. [1] Surprenante encore, car osée, la fuite en avant du chancelier Schröder, désavoué par ses électeurs, décidant d’appeler aux urnes dès le mois de septembre (espérant ainsi prendre de court ses opposants). Et surprenant enfin, le choix des électeurs d’accorder une part quasi égale des voix à la CDU/CSU et à la SPD, infligeant ainsi une sanction très lourde aux deux grands partis et plaçant les deux candidats dans la situation embarrassante de devoir crier victoire alors qu’ils venaient chacun d’essuyer une défaite amère. L’élection d’Angela Merkel à la chancellerie n’écarte cependant pas tout danger de paralysie car la chancelière n’a pas obtenu l’approbation de tous les parlementaires de la grande coalition (397 votes favorables sur les 448 de la grande coalition, dans un Bundestag de 611 sièges), ce qui lui impose une grande prudence si cette coalition doit se maintenir jusqu’au terme de son mandat de quatre ans.

4En matière de politique étrangère, la détermination de la chancelière à régler la crise budgétaire européenne montre toutefois qu’elle s’engagera probablement davantage que Gerhard Schröder sur la voie européenne, tandis que les relations germano-américaines seront probablement aussi plus fructueuses que sous les dernières années du gouvernement Schröder, qui avaient vu un refroidissement sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les relations germano-américaines de la Guerre froide à la quête d’identité d’une nouvelle Allemagne

5Les relations entre l’Allemagne fédérale et les États-Unis depuis 1949 ont été caractérisées par une dépendance extrême de l’Allemagne face à la seule puissance alliée capable de la défendre contre la menace communiste à l’Est. Symbole d’un monde divisé par la Guerre froide, elle-même scindée en deux États et deux systèmes politiques opposés, la RFA et la RDA, tout affrontement entre les grandes puissances se ferait nécessairement à son détriment, opposant le bloc occidental et le bloc communiste sur son propre sol et non à l’ouest du Rhin, et forçant les Allemands à se battre contre leurs compatriotes. N’étant tout d’abord pas autorisée à disposer de sa propre armée et ayant par la suite placé cette armée sous le contrôle de l’Otan, la RFA avait un besoin vital de ses alliés occidentaux. Tous les chanceliers depuis Konrad Adenauer cherchèrent donc à s’assurer des bonnes grâces des États-Unis et le développement allemand se fit sous la protection du parapluie nucléaire américain. Pays-clé de la stratégie américaine de défense contre la menace communiste, l’Allemagne avait une économie puissante et ses soldats étant les seuls à avoir fait l’expérience du combat sur le sol russe, leurs conseils étaient très prisés des Américains, inquiétés par la présence des troupes soviétiques en RDA. La réunification de 1990 elle-même n’aurait pas été possible sans l’accord des quatre puissances alliées, mais c’est la position du président Reagan en faveur d’une Allemagne unie qui fut déterminante.

6La nouvelle Allemagne de Berlin devint, à son tour, un symbole, celui de la fin de la Guerre froide et d’un changement de paradigme essentiel dans la politique étrangère des deux grandes puissances. Après une période où leur cause commune et la crainte de l’URSS les poussaient toujours à trouver un accord, désormais les pays occidentaux pouvaient se permettre des lignes de partage plus apparentes. Les différences de valeurs entre l’Allemagne et les États-Unis s’expriment ainsi plus librement. Le « vide » laissé par l’absence d’ennemi commun et l’intérêt croissant que portent les États-Unis à d’autres régions du globe génèrent cependant parfois en Allemagne un manque de cohérence dans une politique étrangère qui demande encore à être mieux adaptée à la nouvelle situation géopolitique. [2] Désormais, l’Allemagne n’a plus à craindre une attaque massive venue de l’Est comme l’avait crainte la RFA depuis le début de la guerre de Corée en juin 1950, mais les agissements de petits groupes disparates contre lesquels les troupes américaines stationnées en Allemagne ne sont pas d’un grand secours. L’Allemagne ne ressent donc plus la nécessité de se définir comme une partie du système occidental mis en place par l’Amérique, mais vise à établir une politique plus affirmative et moins apologétique.

7L’Allemagne réunifiée est en quête d’une nouvelle identité qui ne soit plus directement liée à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Une nouvelle génération d’Allemands refuse dorénavant de se définir en fonction des crimes du national-socialisme. Cette quête d’identité pousse les Allemands à exprimer haut et fort leurs propres opinions, surprenant souvent leurs partenaires habitués à plus de docilité et de réserve. Selon la formule de Gerhard Schröder, l’Allemagne est aujourd’hui une « puissance moyenne différenciée », « confiante en elle, jamais arrogante ». [3] La nouvelle identité de l’Allemagne en tant qu’État réunifié et pleinement souverain au centre (et non à la frontière orientale) d’une nouvelle Europe en construction lui donne la confiance d’assumer des choix différents de ceux des Américains. La reconnaissance vis-à-vis des États-Unis demeure (encore que, pour la partie de la population ayant vécu en RDA, la tendance est plutôt à vouer une plus grande reconnaissance à Gorbatchev qu’aux Américains qui les avaient abandonnés à leur sort pendant plus de quarante ans), mais elle ne s’accompagne plus aujourd’hui d’une quelconque obligation d’action conforme à la ligne de Washington.

8Depuis fort longtemps, les relations germano-américaines sont fonction du parti au pouvoir en Allemagne. Traditionnellement, la SPD prônait l’ouverture à l’Est, avec notamment la politique « des petits pas » de Willy Brandt favorisant le rapprochement entre Est et Ouest, et qui mena au Traité fondamental – « Grundlagenvertrag » – entre la RFA et la RDA en 1972. La CDU depuis Konrad Adenauer a toujours été plus en phase avec les États-Unis, ce qui explique la sympathie dont Angela Merkel y bénéficia et son accueil par le président Bush avant son élection – sympathie qui reposait moins sur la connaissance de ses choix politiques personnels que sur son appartenance au parti traditionnellement « pro américain ». Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les changements en Allemagne depuis l’ère du dernier chancelier de la CDU, Helmut Kohl. Tous les hommes politiques allemands avant Gerhard Schröder étaient conditionnés dans leurs choix politiques par des contraintes extérieures très fortes, ainsi que par le préambule de la Loi fondamentale précisant que la réunification devait être le but de toute politique étrangère ouest-allemande. Gerhard Schröder fut le premier chancelier à n’avoir pas eu à se préoccuper de la relation entre les deux Allemagnes. Sa prise de position radicale contre la guerre en Irak au beau milieu de sa campagne électorale en 2002 a témoigné d’une autonomie plus grande par rapport aux États-Unis, épousant l’état d’esprit d’une population qui n’est plus prête à suivre inconditionnellement les Américains, en particulier lorsqu’elle ne parvient pas à s’identifier avec leur politique étrangère. L’épisode irakien a aussi reflété, par le succès électoral de Schröder, la conviction profonde de la population que l’usage de la force non autorisé par les Nations unies ne pouvait qu’être nocif, révélant que malgré sa quête d’une identité plus affirmée et affranchie du passé, l’Allemagne est toujours si marquée par son passé nazi qu’elle refuse toute intervention militaire qui ne soit pas autorisée par l’ONU.

9Le public allemand ainsi que tous les commentateurs souhaitaient certes une victoire démocrate en 2004, mais contrairement à la France, on ne trouve pas en Allemagne d’anti-américanisme prononcé, voire même de bon ton. Alors que la France souffre de ce qu’on pourrait qualifier d’un traumatisme post-napoléonien de ne plus être à même de satisfaire ses aspirations de « grandeur », les deux guerres mondiales ont définitivement mis fin aux ambitions allemandes. Les Allemands n’ont pas peur d’une « invasion des barbares » et sont au contraire fascinés par la culture américaine et la langue anglaise. Les sondages montrent que les Allemands voient plutôt les États-Unis d’un bon œil et que, s’ils condamnent les politiques de Bush, ils ne condamnent pas pour autant les Américains et l’American way of life. S’il y a donc une quête d’autonomie de l’Allemagne réunifiée par rapport aux États-Unis, ceci ne revient pas à une remise en question globale des relations germano-américaines, ni même des « valeurs américaines ».

Un nouveau clivage sur les affaires internationales

10Au cours des dernières années, cette recherche d’une plus grande autonomie allemande a fait apparaître un clivage prononcé dans la vision des relations internationales. Les Allemands restent fidèles au système international existant et se sentent enfin prêts à y prendre leur place, demandant notamment d’accéder à un siège permanent au Conseil de Sécurité. Les États-Unis de George W. Bush définissent au même moment une politique étrangère basée sur la recherche de la sécurité et de l’indépendance américaines face aux nouvelles menaces, où ce système est considéré comme dépassé. L’aspiration allemande intervient donc non seulement alors que Berlin, membre par rotation du Conseil pour deux ans, s’était violemment opposé aux États-Unis sur l’Irak, mais dans un contexte global qui la rend secondaire. Que certains Allemands fussent opposés à l’idée d’un siège pour Berlin et plus favorables à la création d’un siège européen unique reflétant mieux la réalité européenne ne change rien à l’affaire ; les Américains sont d’autant plus réticents à accorder un siège permanent à l’Allemagne qu’une telle évolution correspond à une logique de transformation interne d’une organisation cinquantenaire, compliquée et tentaculaire et à leurs yeux inappropriée aux défis du temps. De plus, les États-Unis considèrent que l’Europe est déjà surreprésentée par rapport au reste du monde et qu’une Allemagne en déclin économique et démographique n’est certainement pas le meilleur candidat en cas de redistribution des sièges.

11Un débat similaire oppose l’Allemagne et les États-Unis sur l’Otan. Si 70 % des Allemands considèrent que l’Otan est toujours essentielle à la sécurité de leur pays [4], depuis 2002 l’Organisation leur apparaît plus nettement comme un instrument d’hégémonie américain. Alors que les Allemands (et les Européens en général) s’interrogent sur l’avenir de la nouvelle politique de sécurité européenne et ses liens possibles avec l’Otan, de leur côté les Américains restent sur l’échec européen dans les Balkans et le souvenir de comités otaniens qui ne firent qu’entraver leurs actions militaires. [5] Forts de leur expérience au Kosovo, ils ont préféré ne pas y avoir recours pour les opérations en Afghanistan afin éviter d’avoir à rendre des comptes à leurs alliés.

12Le débat sur une réforme de l’Otan soulève également le problème de l’usage de la force. L’Allemagne a l’impression de faire de grands pas vers une contribution militaire importante en envoyant pour la première fois en soixante ans ses troupes à l’étranger pour des opérations de maintien de la paix. La réforme des forces armées de la Bundeswehr a ainsi suscité bon nombre de controverses au cours des deux dernières années et il a fallu un vote de confiance au Bundestag pour décider d’envoyer des troupes en Afghanistan. La Loi fondamentale (« Grundgesetz ») précise que l’emploi de la force armée n’est légitime qu’en cas de défense (« Streitkräfte zur Verteidigung ») [6] constaté par le parlement (« Feststellung des Verteidigungsfalls »). [7] Lors de sa première visite à l’Otan, Angela Merkel a certes souligné l’importance de l’Otan en tant qu’organisation militaire et politique, mais elle a réitéré le refus de l’Allemagne d’envoyer des troupes en Irak. L’approche américaine du domaine militaire est diamétralement opposée à celle des Allemands, la Constitution des États-Unis précisant simplement : « The Congress shall have power to [...] declare war ». [8] La mission d’une armée du point de vue américain est avant tout de se battre et non de participer à la reconstruction d’un pays ou même au maintien de la paix. L’armée allemande peut apporter une aide précieuse dans certains domaines précis, mais le moment où l’on pourra déléguer des pans de mission entiers aux Allemands semble encore bien loin. Au-delà des questions de capacité militaire, le rôle des deux armées reflète donc une différence de valeurs fondamentale entre les deux pays : les Allemands se dressent contre la violence sous toutes ses formes, mais sans pour autant proposer d’alternative valable et viable – quel avenir peuvent en effet avoir les mesures diplomatiques des Allemands (comme celles qu’ils ont entreprises en coopération avec les Français et les Britanniques envers l’Iran) s’il n’y a pas, en dernier recours, l’appui militaire des Américains ?

13Confronté au désaveu d’une partie croissante de l’opinion publique et de son parti ainsi qu’à des critiques de plus en plus farouches de sa politique en Irak, le président américain aurait quant à lui tout intérêt à s’assurer du soutien des Européens pour les opérations de stabilisation ou de reconstruction qu’il s’agit maintenant d’entreprendre. Mieux qu’au Conseil de sécurité, c’est à travers une utile division des tâches que les Allemands ont aujourd’hui une chance de montrer qu’ils peuvent être un partenaire des États-Unis traité comme un égal – ce qu’ils réclament depuis quelques années déjà. Une telle coopération est d’ailleurs déjà en place, contrairement à ce que peuvent laisser croire les analystes de part et d’autre de l’Atlantique. L’Allemagne fournit ainsi la deuxième force étrangère en Afghanistan, elle contribue à former des policiers irakiens (hors Irak), met à disposition des troupes au Kosovo et prend une part active à diverses opérations de maintien de la paix. La nouvelle chancelière a aussi promis de renforcer la collaboration transatlantique, mais c’est au plan économique que les choses changent également, ses problèmes économiques faisant reculer le rôle de l’Allemagne.

14L’Allemagne n’a plus aujourd’hui ni les moyens ni l’envie de pratiquer ce que l’on appelait la « diplomatie du chéquier ». [9] La crise économique exige des réformes structurelles, notamment une dérégulation du marché du travail que la chancelière, un moment annoncée comme une Margaret Thatcher « à l’allemande », ne sera pas en mesure de réaliser – il n’est que d’entendre le discours de campagne anti-libéral du vice-chancelier Franz Müntefering (SPD) pour s’en convaincre.

L’influence des élections sur l’avenir des relations germano-américaines ?

15Le nouveau gouvernement de coalition va-t-il maintenant permettre un rapprochement entre l’Allemagne et les États-Unis ? Traditionnellement, la CDU est certes plus proche des États-Unis par son attachement aux valeurs religieuses chrétiennes, à l’entreprise privée ou à la limitation de l’interventionnisme étatique, mais les contraintes politiques de la coalition interdisent d’adopter les mesures radicales un moment envisagées. [10] Les élections allemandes ont porté avant tout sur la politique intérieure, et aucun changement majeur dans la politique étrangère allemande n’est à attendre, d’autant plus que le nouveau ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, est l’ancien chef de la chancellerie de Gerhard Schröder. Les nuances auront cependant leur importance, et un changement de ton par rapport au gouvernement précédent serait, somme toute, déjà de bon augure pour une meilleure compréhension avec les États-Unis, les dégâts dans ce domaine n’étant pas aussi importants que ne l’ont laissé penser les commentaires.

16La relation entre Allemagne et États-Unis dépendra de façon cruciale de l’avenir des relations entre États-Unis et Union Européenne, ainsi que de l’avenir de l’Otan. Elle sera également fortement influencée par les rapports que chacune des deux puissances voudra et pourra entretenir avec la Russie. La russophone Angela Merkel sera probablement moins conciliante que Gerhard Schröder vis-à-vis de Vladimir Poutine, même si la Russie fournit jusqu’à un tiers de l’énergie allemande. La question de la Turquie jouera aussi un rôle important. Alors que les États-Unis sont très favorables à une entrée de la Turquie dans l’Union et avaient trouvé un terrain d’entente avec Gerhard Schröder sur ce point, Angela Merkel préfère l’idée d’un partenariat privilégié UE-Turquie. La relation dépendra enfin de la volonté des dirigeants des deux grands partis allemands de faire réussir ce gouvernement - l’exemple de la première grande coalition -19 montre qu’un tel « mariage de raison » (Matthias Platzeck) n’est pas forcément synonyme d’immobilisme.

17Il faudra également que dans sa quête d’une nouvelle identité nationale et internationale, l’Allemagne prenne la pleine mesure de ce processus en acceptant de ne plus être une priorité pour les États-Unis et en jouant véritablement ce rôle de « puissance moyenne différenciée » qu’elle s’est choisi. Car la vision américaine du monde est radicalement transformée depuis le 11 septembre et les élections allemandes n’y tiennent qu’une place infime. Peut-être faut-il donc voir dans le désintérêt politique de ceux qui firent figure de protecteur pendant plus de cinquante ans la preuve finale du passage de l’Allemagne à l’état de nation « normale » ?

Notes

  • [*]
    Ruth Lambertz est chercheur associé au Centre français sur les États-Unis (CFE) de l’Institut français des relations internationales (Ifri) et chargée de cours à l’Université Paris IV-Sorbonne. Agrégée d’allemand, elle est ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Fontenay-St-Cloud et de la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies (SAIS) à Washington.
  • [1]
    Pour une analyse détaillée des résultats, voir “Machtwechsel in Nordrhein-Westfalen”, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 23 mai 2005.
  • [2]
    Voir Klaus Otto Nass, “Stilfragen deutscher Aussenpolitik”, Neue Zürcher Zeitung, 8 novembre 2005.
  • [3]
    Voir Gunter Hofmann, “Sein letztes Basta”, Die Zeit, 10 novembre 2005, Nr. 46, 2005.
  • [4]
    “Transatlantic Trends 2005”, The German Marshall Fund, http://www.transatlantictrends.org/
  • [5]
    Voir Guillaume Parmentier “Les États-Unis et l’Otan. De l’alliance à la coalition”, in Annuaire Français des Relations Internationales 2005, Volume IV, La Documentation Française, Editions Emile Bruylant 2005.
  • [6]
    Voir article 87a du “Grundgesetz” (modifié en 1956).
  • [7]
    Voir article 115a du “Grundgesetz” (modifié en 1956).
  • [8]
    Article I, Section 8.
  • [9]
    Gerhard Schröder: “Die Zeit der Scheckbuchdiplomatie ist vorbei”, cité d’après Klaus Otto Nass, “Stilfragen deutscher Aussenpolitik”, Neue Zürcher Zeitung, 8 novembre 2005.
  • [10]
    Les mesures acceptées par la coalition sont réduites: TVA portée de 16 % à 19 % (correspondant à des recettes publiques supplémentaires de 10 milliards), réduction du budget de l’État de 10 milliards d’euros d’ici 2007, réduction des subventions fiscales de 5 milliards et dérégulation – très limitée – du marché du travail.
Français

Résumé

Elle-même en quête d’une nouvelle identité et d’une autonomie plus grande, l’Allemagne ne constitue pus aujourd’hui une priorité de la politique étrangère américaine. Il en résulte un décalage significatif entre les deux pays, notamment en ce qui concerne les institutions internationales et l’usage de la force militaire. Le changement politique à la chancellerie devrait faciliter un renouveau des liens historiquement étroits entre les États-Unis et l’Allemagne, mais l’éloignement observé au cours des années Schröder est le signe d’une approche géopolitique nouvelle de chaque côté de l’Atlantique.

English

German-U.S. relationships after Merkel’s election

German-U.S. relationships after Merkel’s election

Itself in search of a new identity and greater independence, Germany is no longer the priority it once was in U.S. foreign policy. The result of these reassessments is a widening gap between the two countries’ approach to foreign affairs, particularly with respect to the role of international institutions and the use of military force. While the recent change of government in Germany should serve in part to reinvigorate a historically close relationship, the growing divergence between Germany and the United States experienced during the Schroder years is likely to be a longstanding phenomenon.

Ruth Lambertz [*]
  • [*]
    Ruth Lambertz est chercheur associé au Centre français sur les États-Unis (CFE) de l’Institut français des relations internationales (Ifri) et chargée de cours à l’Université Paris IV-Sorbonne. Agrégée d’allemand, elle est ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Fontenay-St-Cloud et de la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies (SAIS) à Washington.
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polam.004.0093
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