CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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1Des changements majeurs ont très récemment atteint l’industrie du cinéma au Nigeria : des sociétés de production et de distribution, nationales et transnationales, ont mis sur pied un secteur formel qui coexiste désormais avec les structures d’origine de « Nollywood », ancrées elles dans l’économie informelle. Il est devenu nécessaire de réfléchir en profondeur aux conséquences de telles évolutions sur les paradigmes qui informent notre compréhension du cinéma nigérian [1].

2Les conséquences du Programme d’ajustement structurel nigérian des années 1980, suivi par une longue période d’« afropessimisme » du capitalisme global vis-à-vis de l’économie du pays, ont achevé de rompre les liens formels du Nigeria avec les institutions médiatiques transnationales. La quasi-totalité des salles de cinéma du pays ont mis la clef sous la porte. Une véritable « infrastructure du piratage » a vu le jour dans le secteur économique informel, avec pour objectif de pirater les films étrangers et de les diffuser sur cassettes vidéo. C’est sur cette base que s’est construite, au début des années 1990, l’industrie du film de « Nollywood [2] ».

3Les « marketers » (ces distributeurs qui financent aussi souvent les productions sont nommés ainsi parce qu’ils viennent et opèrent au sein des marchés informels nigérians) ont toujours contrôlé cette économie basée sur la vente de cassettes vidéo et, par la suite, de disques compacts. Pas totalement inscrits dans une logique capitaliste [3], ils gèrent un système d’opacité volontaire qui recourt très peu à l’écrit et au droit des contrats. Leurs bénéfices, dès qu’ils atteignent un certain niveau, tendent à être investis en dehors de l’industrie du film, de telle sorte qu’aucune société ne croît au-delà d’un seuil fort modeste.

4Les marketers ont su développer un instinct affûté des goûts de leur public, et leur solide organisation collective leur a permis d’acquérir et de maintenir un pouvoir sur ce qui est devenu une énorme industrie. Lorsqu’en 2007 le Bureau national de la censure pour le film et la vidéo (Nigerian Film and Video Censors Board) tenta de restructurer l’industrie du cinéma suivant une logique capitaliste destinée à encourager les gros investissements, les marketers s’y opposèrent avec succès.

5Lorsque, au cours de la première décennie des années 2000, l’afropessimisme a cédé le pas aux récits présentant le continent comme une terre de croissance, les investisseurs capitalistes transnationaux en sont peu à peu venus à considérer l’Afrique comme un nouveau marché où investir dans des productions originales et distribuer leurs produits audiovisuels. Les investisseurs capitalistes ont alors pénétré le marché nigérian en s’appuyant sur le passage, à l’échelle du monde, de la distribution médiatique sur des supports physiques comme le disque à une distribution immatérielle, satellitaire ou numérique, en salles et sur Internet, autant de supports qui, contrairement à ces « petits médias » qui avaient jadis permis le boom de la vidéo, requièrent beaucoup de capital et d’ingénierie [4].

6En 2013, une année charnière, les propriétaires transnationaux des chaînes de télévision par satellite Africa Magic et EbonyLife et du service Internet en continu iROKOtv, de même que les sociétés nigérianes gérant les nouveaux cinémas multiplexes des centres commerciaux haut de gamme ont tous investi des sommes importantes dans la production de contenus originaux. Ces nouvelles stratégies sont venues remplacer les achats de droits (dérisoires) qui avaient déjà épuisé leur potentiel sur le marché du disque. En 2013 également, alors que le gouvernement nigérian lançait pour la première fois d’importants investissements en soutien à la production, à la distribution et à la formation, Google et Facebook annoncèrent des initiatives d’ampleur en Afrique. Ainsi que le prédisait alors un rapport de McKinsey, Internet était susceptible de générer 300 milliards de dollars de revenus nouveaux en Afrique d’ici à 2025 [5]. La toute nouvelle dimension capitaliste et formelle de Nollywood venait soudain de voir le jour.

Un développement inégal de l’industrie audiovisuelle

7Les nouvelles entreprises commanditaires sont actives à deux niveaux. Elles investissent d’abord dans des projets qualitatifs de prestige, dotés de gros budget (selon les normes nigérianes), et dans des productions à forte valeur ajoutée. Les opérateurs d’Internet et de satellite gèrent aussi des plateformes affamées de contenus, ce qui les conduit à multiplier les investissements dans des productions à bas coût, dont un certain nombre de films long-métrage aux budgets avoisinant les 10 000 dollars ou moins. Ces productions offrent souvent des exemples de pure culture de masse capitaliste qui promeuvent un style de vie bourgeois et consumériste à l’américaine.

8Les cinémas, quant à eux, se heurtent à des problématiques opposées : les écrans sont encore très rares et les films nigérians, qui ne représentent que la moitié, voire moins, de leur programmation, restent peu de temps à l’affiche. Le coût de fonctionnement élevé des cinémas les rend en outre prudents, et ils préfèrent s’en tenir à des films stéréotypés ou à des comédies romantiques, dont ils savent qu’elles plairont à leur clientèle aisée.

9C’est donc ainsi que se développe l’industrie, et qu’équipements et compé- tences s’améliorent. Il y a également beaucoup de travail pour les cinéastes, mais ces professions sont généralement mal payées et peu gratifiantes d’un point de vue artistique. Certains affirment même qu’il y avait plus d’argent à gagner avant, dans l’économie du disque. Les investisseurs hésitent aussi à investir dans les films car le marché cinématographique est encore trop petit.

10Les associations de producteurs, de réalisateurs, d’acteurs et de scénaristes ont perdu la majeure partie de l’influence dont elles jouissaient auparavant parce qu’elles ne parviennent pas à négocier efficacement avec les nouveaux propriétaires. Les artistes ne se voient verser aucun droit lors de la diffusion et ils ne reçoivent aucun autre type de droits perpétuels pour la propriété intellectuelle qu’ils créent. Habitués aux conditions du marché informel, au sein duquel les paiements forfaitaires restent l’option la plus sûre face aux escroqueries endémiques, et craignant d’être mis sur liste noire par les sociétés de production, les cinéastes ne se sont pas non plus organisés pour dénoncer leur prolétarisation.

11L’ouverture et la vitalité de cette nouvelle scène ne doivent cependant pas être sous-estimées. Sur le plan formel d’abord, les choses bougent. Les cinémas encouragent des films plus courts en adéquation avec les normes internationales de durée, à l’opposé de la prédilection historique de Nollywood pour les formats longs ou en plusieurs épisodes. Les campagnes de publicité qui entourent les sorties en salle et le rôle clé des cinémas dans les stratégies de financement des films renforcent le prestige du long-métrage. Cela n’empêche pourtant pas d’autres formes émergentes de venir déstabiliser cette hégémonie.

12La culture filmique de Nollywood provient en grande partie des feuilletons télévisés auxquels l’industrie est restée inextricablement liée. Les sociétés de production apprécient les feuilletons parce qu’ils sont moins chers à produire que les longs-métrages par heure de contenu, et les cinéastes nigérians eux-mêmes sont bien conscients de l’« âge d’or » actuel de la télévision à l’échelle internationale.

13Les chaînes ont proliféré rapidement sur Internet, sur la télévision par satellite et sur la télévision terrestre, au fur et à mesure que le Nigeria passait de la diffusion analogique à la diffusion numérique. C’est parce que les bénéfices générés par des films individuels restent si maigres que producteurs et réalisateurs aspirent à créer leurs propres chaînes. On peut ainsi considérer les chaînes comme l’extension ultime du format série ; il n’en reste pas moins qu’elles méritent l’attention en tant qu’échelon de diffusion formel important.

14L’émergence de courts-métrages de différents types revêt aussi une importance particulière. L’industrie de Nollywood, basée sur le disque, ne leur offrait aucune place. Ils conviennent en revanche parfaitement à un visionnage sur téléphone portable en toutes circonstances, en particulier dans les conditions de connexion Internet lentes et onéreuses qui prévalent au Nigeria. « Le futur est sur Android », estimait en 2016 Jason Njoku, le fondateur d’iROKOtv. Les aspirants cinéastes apportent la preuve de leur talent en postant leurs courts-métrages sur YouTube. Les entreprises africaines de télécommunication, dont les bénéfices tirés des messages vocaux et textuels sont sur le déclin, créent des applications dédiées aux sketchs comiques et elles cherchent d’autres moyens d’accrocher leurs abonnés à des contenus audiovisuels. L’animation, jusqu’à il y a peu quasi inexistante, commence à se développer. Convaincue que, pour survivre, elle doit non seulement anticiper les goûts futurs en termes de contenus, mais aussi les modes émergents d’attention des consommateurs et de mise à disposition de ces contenus, iROKOtv ouvre la voie à des expérimentations en termes de placement de produits qui viennent « organiquement » brouiller la frontière avec la publicité.

15L’industrie musicale extrêmement dynamique du Nigeria exige de longue date que les producteurs locaux de clips travaillent selon les mêmes normes que leurs pairs américains – des normes exigeantes que Nollywood ne pouvait pas se permettre. Alors qu’il existe désormais une convergence croissante entre musique et film – les apprentis cinéastes font souvent aujourd’hui leurs classes dans l’industrie du clip (ou bien dans la publicité commerciale haut de gamme) –, les stars passent de plus en plus d’un monde à l’autre. Les producteurs de films investissent quant à eux de l’argent dans des musiques à la mode pour composer leurs bandes originales plutôt que d’embaucher un ou deux musiciens de studio à la journée comme cela se faisait auparavant.

16Une extraordinaire effervescence des industries artistique et créative est en cours à Lagos – musique, film, mode, littérature, arts de la scène, beaux-arts de qualité, architecture et design –, des liens qui, sous l’égide du capitalisme néolibéral transnational, sont particulièrement forts entre cinéma, musique et mode. La présence d’un nouveau secteur des hautes technologies, complété par des incubateurs, des hubs de co-création ou des investisseurs providentiels de la Silicon Valley, n’est d’ailleurs pas sans rapport avec les nouveaux horizons offerts à l’industrie cinématographique.

17L’ancienne industrie du disque de Nollywood, quant à elle, produit toujours des films bon marché pour ses fans dévoués, mais cette industrie plus ancienne est de plus en plus séparée de la nouvelle, façonnée par les grandes entreprises. À partir de 2000, les distributeurs igbo des origines relocalisèrent leurs affaires à Onitsha, dans le Sud-Est du Nigeria. De nouveaux équipements numériques et des logiciels de montage faciles d’utilisation atténuèrent leur dépendance vis-à-vis des cinéastes de télévision basés à Lagos. Asaba, située en face d’Onitsha sur l’autre rive du fleuve Niger, devint le lieu de tournage de près de la moitié des productions de Nollywood et la ville a donné son nom à un certain type de film sans prétention. Dans la même veine, la production de films en langue yoruba, vigoureuse, se poursuit comme par le passé à Lagos, Ibadan, Abeokuta et ailleurs. Les marges bénéficiaires sont minces mais, selon Jade Miller, les distributeurs Igbo, qui gardent aujourd’hui le contrôle de la plus grande part de l’industrie cinématographique, sont susceptibles de le conserver [6]. Emily Witt rapporte quant à elle que les acteurs considèrent qu’il y a plus d’argent et de célébrité à engranger à Asaba [7].

18Les divisions à Nollywood sont affaire d’ethnicité et de géographie, mais elles dépendent avant tout de la classe sociale. Différents facteurs ont retardé la formation des cultures de classe au Nigeria, mais le néolibéralisme, venu renforcer les inégalités, a accéléré leur consolidation. Aux débuts de Nollywood, les cinéastes auraient dit que leur public cible était les femmes du marché. Le cœur de cible des cinémas multiplexes est aujourd’hui les jeunes de 18 à 30 ans issus de familles aisées. Ces jeunes, qui ont reçu une éducation en langue étrangère ou dans des institutions privées, et dont la famille a quitté son village d’origine depuis deux générations, sont saturés de culture populaire nord-américaine et parfois peu à l’aise dans les langues du Nigeria, pidgin excepté.

19Dès ses débuts il y a environ 25 ans, Nollywood s’est bâti sur une coalition entre les distributeurs igbo, qui avaient rarement dépassé l’école primaire, et des réalisateurs, des producteurs et des acteurs ayant pour la plupart fréquenté l’université et été formés par la télévision nationale (Nigerian Television Authority, NTA). Jetés dans le secteur informel du fait de la crise liée à l’ajustement structurel, les travailleurs du secteur créatif ont fait cause commune avec leur société, sous le feu d’un régime militaire brutal et d’un ordre économique qui ne l’était pas moins [8]. Ils étaient porteurs de l’héritage de la NTA qui avait été créée pour s’adresser à la nation tout entière ; et la nature des arts populaires africains du secteur informel s’adressait également à un public large et hétérogène [9]. C’est cette unité qui est aujourd’hui mise à mal.

20Le marché du disque était et reste radicalement démocratique : pour rester en tête des pirates, il faut inonder tout le marché avec un nouveau film. Le nouveau modèle fonctionne par « fenêtrage » : un film peut être montré en festival pour faire le buzz, avant une campagne de promotion et une sortie en salle – une forme de publicité – ; arrive ensuite la vidéo à la demande ou des services d’abonnement du type Netflix, la vente sur disques, la télévision payante et les diffusions en clair. Autant d’étapes qui peuvent sembler familières aux habitants du Nord global, mais dont la signification de classe est très différente au Nigeria, où les deux tiers de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Les cinémas sont situés dans des quartiers aisés et les places coûtent cher, à l’instar des forfaits Internet. L’électricité elle-même est un problème pour beaucoup. Et les films les plus haut de gamme mettent en scène un monde si distinct des vies et des préoccupations ordinaires qu’ils n’intéressent pas la majorité de la population : un monde apparemment autonome, peuplé de riches actifs parlant un anglais standard, habitant dans des quartiers fermés et préoccupés d’abord par leurs carrières et leurs problèmes relationnels de bourgeois. Nollywood a toujours adoré les représentations de la richesse, une chose que presque tous les Nigérians désirent, mais les films des deux premières décennies étaient aussi porteurs d’une critique féroce de la morale et des comportements sociaux et politiques de l’élite dirigeante. Comme on pouvait s’y attendre, cette dimension critique s’est atténuée dans les films financés par les grandes sociétés de production.

21Ainsi, les grandes entreprises exploitent une industrie et une culture ciné- matographique – un star-system, un ensemble de genres, un style, une façon de travailler – à la création desquelles elles n’ont pas participé. Ramon Lobato et Julian Thomas ont montré qu’il n’y a là, d’un point de vue historique, rien d’exceptionnel : Hollywood a suivi le même chemin. Ils expliquent aussi que c’est une chose normale pour les environnements médiatiques à travers le monde d’allier dimensions formelle et informelle dans une relation toujours dynamique. Enfin, le cheminement historique qui a conduit à la prise de contrôle des productions et de la diffusion par des entreprises capitalistes n’est pas linéaire. Au moins la moitié de la distribution audiovisuelle à travers le monde reste encore informelle [10].

22Les formes les plus anciennes et les plus récentes de Nollywood sont donc susceptibles de continuer à coexister. Les sociétés de productions ne cherchent visiblement pas à développer un produit fordiste unique qui dominerait l’ensemble du marché de masse. Les salles de cinémas suivent les goûts de leurs patrons relativement élitistes, mais des « cinémas communautaires » en projet verront le jour pour satisfaire les goûts d’un public plus populaire. Le modèle économique des abonnements, développé par les sociétés d’Internet comme iROKOtv et par les diffuseurs de la télévision par satellite, dépend de la maximisation du nombre des clients, obtenue par l’agrégation de divers publics, plus encore que par le développement d’un marché destiné à une culture de masse standardisée. L’offre nombreuse du bouquet Africa Magic inclut une chaîne en yoruba et une autre en hausa, qui diffusent des films dans ces langues issues d’une industrie vigoureuse ; une chaîne igbo a beaucoup fait pour stimuler la production dans cette langue. Les chaînes Showcase et Urban proposent quant à elles des tarifs plus élevés, avec des productions plus élaborées et plus « ambitieuses » dans lesquelles l’entreprise a souvent investi, alors que la chaîne Epic diffuse des productions directement issues de l’axe Onitsha-Asaba.

Les conséquences pour l’analyse académique

23La complexité de notre objet de connaissance doit être répercutée dans notre positionnement intellectuel et disciplinaire. Lorsque les films de Nollywood sont apparus, ils s’intégraient évidemment très mal dans le paradigme dominant du cinéma africain. Ce dernier, inspiré par la théorie du « Third Cinema », suivait l’exemple des premiers cinéastes politisés comme Ousmane Sembène, Souleymane Cissé ou Med Hondo. J’ai écrit ailleurs que les films nigérians « ne sont pas ce que la critique veut et [que celle-ci] manque des outils nécessaires à la compréhension des vidéos [11] ». Pour donner sens à ces vidéos, Onookome Okome et moi-même avons importé le paradigme des « arts populaires africains » développé par Karin Barber [12] et d’autres [13]. Leurs travaux ont décrit les arts populaires africains comme des produits caractéristiques du secteur économique informel : nécessitant peu de capital ou de formation institutionnelle, leur culture existait dans la zone amorphe et mouvante située dans l’interstice entre culture « traditionnelle » et culture élitiste d’influence européenne. D’autres descriptions influentes du phénomène vidéo ont été informées par des modèles d’analyse de la communication issus de la nouvelle anthropologie ou des études culturelles [14].

24Ce paradigme reste aussi nécessaire qu’auparavant pour décrire la face de Nollywood toujours basée sur le disque, et la culture cinématographique que ses structures de production et de distribution ont créée et qui reste forte, unificatrice et fertile aujourd’hui encore. Mais ce paradigme montre clairement ses limites dès lors qu’il s’agit de décrire le nouveau secteur.

25Comme on l’a noté plus haut, les grandes entreprises ont soutenu deux formes bien différentes de productions : une culture de masse capitaliste et des projets de prestige, qui incluent des films d’auteurs aux aspirations artistiques. Ces derniers sont présentés dans des festivals internationaux sur un pied d’égalité avec d’autres films africains.

26Qu’est-ce que cela signifie ? Le vieux paradigme politique militant a perdu son hégémonie alors que les mouvements nationalistes et culturels de gauche qui le soutenaient s’essoufflaient. Le « grand récit » historique sur lequel il reposait a été sapé par le postmodernisme. Face aux attaques soutenues de plusieurs ouvrages, qui ont montré à quel point les pratiques actuelles des cinéastes africains avaient dévié de ce paradigme [15], rares sont ceux qui sont venus à son secours. Les travaux critiques sur le cinéma africain, à l’instar de ce cinéma lui-même, sont devenus plus éclectiques, informés par les théories postmoderne, postcoloniale et féministe (entre autres).

27Quant aux recherches sur la culture de masse capitaliste en cours de production à une échelle industrielle, un point commun aux tenants du paradigme des arts populaires et à ceux du cinéma politique africain est que nous avons tous été plus ou moins guidés par une opposition aux formes occidentales de cette culture de masse et de l’impérialisme culturel qui les déverse sur l’Afrique. Notre sympathie pour les formes africaines d’expression culturelle les plus variées nous rend peut-être quelque peu rétifs au fait de soumettre la culture populaire capitaliste africaine à une forme de dénonciation du type de celle produite par l’École de Francfort. Mon principal argument est que la plupart d’entre nous ne sommes en réalité pas habitués à travailler sur des produits issus de la culture de masse capitaliste et qu’il nous faut par conséquent renouveler nos répertoires.

28Dans un récent essai, Jörg Wiegratz souligne que de nombreuses villes africaines partagent aujourd’hui avec leurs homologues du Nord un nombre étonnamment similaire de caractéristiques sociales typiques des sociétés capitalistes tardives. Sa longue liste comprend :

29

« Les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, WhatsApp, Instagram, les influenceurs, les abonnés, les controverses, les infox) ; les applications de rencontres (Tinder) ; le marketing et la publicité ; l’industrie du divertissement (comédie, musique, loteries), la télévision commerciale, qui comprend les émissions centrées sur l’investissement, l’immobilier, les gros lots, les rencontres, les compétitions culturelles [chanson, comédie], et d’autres formats comme la télé réalité [Big Brother par exemple]… les événements sportifs internationaux à vocation commerciale, en particulier le football européen diffusé dans des bars, des établissements de nuit, des hôtels, des restaurants ou des salles de sport ; les galeries marchandes ; le mécénat d’entreprises durant des événements et initiatives sociales (éducation, santé, culture, sport) ; la promotion et la présentation de livres dédiés au succès individuel, à la richesse, au bonheur, invitant à changer de vie et à penser comme ceux qui réussissent ; les privatisations et les partenariats public-privé… les résidences et les quartiers fermés ; les expulsions de logements ; des activités commerciales et des boutiques ouvertes sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; une croissance sans emploi ; la précarité ; le sous-emploi ; des salaires de misère ; de la fraude et de la corruption ; des inégalités économiques. »

30La dimension polémique de l’essai de Wiegratz tient au fait que les études africaines en Europe et en Amérique du Nord ont largement échoué à appréhender le capitalisme en tant que phénomène social, concept et thématique, préférant au contraire recourir à des analyses statistiques qui attestent de l’impact réduit du « capitalisme » – ce qu’illustrent bien de nombreux intitulés de panels ou de présentation dans des conférences [16].

31Mon recours à la première personne du pluriel inclut ici le Nord du monde, ou en tout cas l’Amérique du Nord, et il comprend sans aucun doute une dimension générationnelle – les universitaires les plus jeunes ont suivi un cheminement intellectuel et politique différent de celui de leurs aînés, et ils sont plus habitués à vivre et à travailler dans un monde où la culture populaire est transnationale.

32Le Nigeria possède un grand nombre d’universités (165) au sein desquelles plusieurs centaines d’universitaires écrivent sur Nollywood. Leur rapport aux paradigmes théoriques diffère quelque peu. Dans le contexte nigérian, les films de Nollywood constituent bien entendu un phénomène social majeur et, en tant que tels, un sujet de recherche assez évident. Si justifier de l’intérêt théorique d’une recherche est un préalable quasi obligatoire au Nord, c’est moins important au Nigeria, et ce malgré le fait que de nombreuses analyses s’intéressent aussi à cette dimension. La majeure partie des travaux produits par des chercheurs basés au Nigeria s’intéresse aux films en tant qu’expression de cultures spécifiques [17] ou bien aux effets produits par les films de Nollywood sur tous les pans de la vie sociale, depuis les relations de genre jusqu’aux transformations linguistiques [18].

33Les universitaires nigérians travaillant dans le pays se trouvent néanmoins marginalisés dès lors qu’il s’agit de débattre, comme on le fait ici, des nouvelles perspectives de ce champ d’étude. Cette remarque a d’ailleurs une portée plus vaste : comme Harry Garuba l’a récemment souligné, si les débats importants sur la culture africaine d’il y a trente ans se déroulaient en Afrique, c’est aujourd’hui de l’extérieur du continent que s’élèvent les voix les plus importantes (souvent celles d’Africains expatriés) [19].

34Des décennies de sous-financement et de sureffectifs dans les universités du Nigeria ont conduit à un grave déclin de la qualité des travaux produits, et ce malgré un grand nombre d’exceptions honorables à la règle. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les universités n’aient pas été très promptes à réagir au nouveau secteur capitaliste de Nollywood.

35Aucune université nigériane ne possède un cursus intégralement dédié aux études cinématographiques. Des individus issus de divers départements universitaires écrivent sur les films nigérians, ce qui a des conséquences interdisciplinaires salutaires mais fait aussi que chacun travaille dans son coin. Des conférences rassemblent parfois ces chercheurs mais aucune revue nigériane ne s’impose comme étant capable de fixer des normes et de porter le débat sur les paradigmes théoriques ou d’autres sujets pertinents.

Élargir les paradigmes

36La communauté des universitaires basés au Nord et travaillant sur le cinéma africain a récemment émis deux appels à élargir ses horizons : le premier vise à faire de « African screen media » le vocable de ce qui est étudié [20] ; le second est un appel à l’inclusion des publics par-delà les études africaines.

37La terminologie « African screen media » présente l’avantage de ne pas renforcer l’opposition malvenue entre « cinéma africain » d’une part, et Nollywood et les autres industries africaines de la vidéo d’autre part [21]. Cela permet aussi de limiter la division inutile entre cinéma et télévision, deux mondes qui, au Nigeria comme ailleurs, ont toujours été fortement imbriqués. Il s’agit aussi de prendre en compte la profusion de nouvelles formes digitales de création et de réception. L’âge moyen en Afrique est de 18 ans, ce qui fait de sa population la plus jeune au monde. Presque tous les jeunes africains possèdent un téléphone portable ou voudraient en avoir un, et les écrans de leurs mobiles forment le principal vecteur de leur vie culturelle. Ce qu’ils regardent sur ces écrans représente probablement l’une des questions les plus importantes qui se pose sur la culture mondiale au XXIe siècle. Il nous faut donc être prêts à aborder ce sujet de manière intelligente.

38L’attention demande aussi à être déplacée vers des environnements médiatiques totaux – vers tout ce que tout le monde regarde –, ce qui aura pour conséquence de mettre l’accent sur la culture populaire et, implicitement, de détourner l’attention du cinéma comme forme artistique supérieure. Une telle perspective n’est pas pour plaire à ceux qui se sont battus depuis de longues années pour faire du cinéma africain une niche dans les prestigieuses institutions cinématographiques internationales.

39Moradewun Adejunmobi, ardente défenseuse de cette approche en termes d’« African screen media », souligne que les universitaires travaillant au Nord qui publient sur le cinéma africain et sur Nollywood sont rarement basés dans des départements universitaires dédiés à l’étude des médias (beaucoup sont employés dans des départements de langue et de littérature ou dans des programmes d’études africaines, et un nombre moindre, mais significatif, sont en anthropologie). Cela explique notamment pourquoi ils ont selon elle été largement marginalisés au sein des études cinématographiques ou en communication [22]. Tsika observe en outre que les chercheurs basés dans des départements de langue et littérature ont tendance à interpréter les films comme des textes et qu’ils ne suivent pas les évolutions des études en communication. Autant de points qui contribuent à empêcher les études sur Nollywood de s’éloigner des paradigmes d’analyse cinématographique proches de ceux de l’analyse littéraires.

40Adejunmobi est aussi partisane de la rupture de l’insularité des études africaines. Elle remarque que les chercheurs africains travaillant sur les médias ont tendance à publier dans des revues d’études africaines et qu’ils ont jusqu’ici fait montre de quelque réticence à débattre hors de ce contexte. Elle développe deux arguments forts en faveur d’un tel déplacement. Le premier est qu’il nous revient de défendre l’inclusion de l’Afrique dans le monde au sein de contextes intellectuels qui marginalisent le continent : il nous revient de produire des arguments convaincants sur la contribution qu’un regard sur l’Afrique est à même d’apporter dans de nombreuses disciplines [23]. Son second argument relève de la prudence et de la stratégie : les financements et le soutien institutionnel aux études africaines ont été drastiquement réduits, de telle sorte que seul un nombre très limité de diplômés peuvent espérer être employés un jour en études africaines. Le néolibéralisme n’a pas seulement ravagé l’Afrique, il a produit des effets néfastes au cœur même des universités métropolitaines [24].

41Je trouve ces arguments convaincants. Les principaux théoriciens du postmodernisme, de la mondialisation et du néolibéralisme – Jameson, Sassen et Harvey par exemple – ont presque totalement ignoré l’Afrique [25], et cela a causé du tort à tout le monde. Achille Mbembe a proposé des façons de parler d’une réalité africaine disparate sans pour autant recourir à la notion essentialiste d’identité africaine [26], qui influencent la conception par Garritano d’un « attachement au monde [27] » comme cadre d’analyse des « African screen media ». L’Afrique est insérée dans un système monde qui l’a façonnée depuis un demi-millénaire – de façon souvent particulièrement horrible, mais aussi au fil de résistances africaines. Il est dangereux de débattre de cette insertion sans entamer au préalable un rigoureux travail sur les contextes historiques qui sous-tendent les processus globaux. Il faut aussi faire montre d’habileté pour parler ou écrire en connaissance de cause sans pour autant brouiller le message à l’attention d’un public non spécialiste. Nous n’avons pourtant pas d’autre choix que celui d’essayer.

42Ceci dit… dans la pratique, je continue moi-même à m’adresser d’abord à la communauté des africanistes, ou du moins des spécialistes de Nollywood, plutôt qu’à un public situé au-delà au sein de mes disciplines de rattachement. La raison en est que je reste conscient en permanence du travail de base qu’il reste à produire sur Nollywood – personne n’a encore publié d’histoire chronologique de l’industrie ou d’étude exhaustive de l’importance de sa branche en langue yoruba, par exemple ; je suis également conscient de ce qu’implique le fait, pour une industrie cinématographique, de ne pas reposer sur une infrastructure intellectuelle développée : condescendance, sur-généralisations, répétitions, projets insuffisamment ciblés et ignorance généralisée. Les tâches les plus urgentes concernent la préservation matérielle des productions, sans laquelle la possibilité même de raconter l’histoire de Nollywood disparaîtrait. Cela ne veut pas dire que tout le monde devrait s’atteler à des projets aussi essentiels. Dans une situation où le travail intellectuel est une ressource finie, il y a néanmoins des raisons pour rester concentrés sur les lieux de production de cette culture extraordinairement créative plutôt que de succomber à l’attraction gravitationnelle de nos divers contextes disciplinaires.

Notes

  • [1]
    Pour une version plus complète de ces remarques, voir J. Haynes, « Keeping Up : The Corporatization of Nollywood’s Economy and Paradigms for Studying African Screen Media », Africa Today, vol. 64, n° 4, 2018, p. 3-29.
  • [2]
    B. Larkin, Signal and Noise : Media, Infrastructure, and Urban Culture in Nigeria, Durham, Duke University Press, 2008 ; J. Haynes, Nollywood : The Creation of Nigerian Film Genres, Chicago, University of Chicago Press, 2016.
  • [3]
    J. C. McCall, « The Capital Gap : Nollywood and the Limits of Informal Trade », Journal of African Cinemas, vol. 4, n° 2, 2012, p. 21. ; J. Haynes, « Between the Informal Sector and Transnational Capitalism : Transformations of Nollywood », in K. W. Harrow et C. Garritano (dir.), A Companion to African Cinema, Hoboken, Wiley Blackwell, 2018, p. 244-268.
  • [4]
    A. Jedlowski, « African Media and the Corporate Takeover : Video Film Circulation in the Age of Neoliberal Transformations », African Affairs, vol. 116, n° 465, 2017, p. 671-691.En ligne
  • [5]
    M. Pizzi, « Africa on the Verge of Internet Boom », Aljazeera America, 22 novembre 2013, <http://america.aljazeera.com/articles/2013/11/22/africa-on-the-vergeofinternetboom.html>, consulté le 28 octobre 2019.
  • [6]
    J. L. Miller, Nollywood Central : The Nigerian Videofilm Industry, Londres, British Film Institute, 2016.
  • [7]
    E. Witt, Nollywood : The Making of a Film Empire, New York, Columbia Global Reports, 2017.
  • [8]
    J. Haynes, « Between the Informal Sector and Transnational Capitalism… », art. cité.
  • [9]
    K. Barber, « Popular Arts in Africa », African Studies Review, vol. 30, n° 3, 1987, p. 1-78En ligne
  • [10]
    R. Lobato et J. Thomas, The Informal Media Economy, Cambridge/Malden, Polity Press, 2015.
  • [11]
    J. Haynes, « Introduction », in J. Haynes (dir.), Nigerian Video Films, Athens, Ohio University Press, 2000, p. 13.
  • [12]
    K. Barber, « Popular Arts in Africa », art. cité.
  • [13]
    J. Haynes et O. Okome, « Evolving Popular Media : Nigerian Video Films », Research in African Literatures, vol. 29, n° 3, 1998, p. 106-128
  • [14]
    M. Adejun mobi, « Video Film Tec h nolog y and Serial Narrat ives i n West Africa », in F. Ogunleye (dir.), African Video Film Today, Manzini, Academic Publishers, 2003, p. 51-68 ; B. Larkin, « Indian Films and Nigerian Lovers : Media and the Creation of Parallel Modernities », Africa, vol. 67, n° 3, 1997, p. 406-440 ; B. Larkin, « Hausa Dramas and the Rise of Video Culture in Nigeria », in J. Haynes (dir.), Nigerian Video Films, op. cit., p. 209-242 ; J. McCall, « Madness, Money, and Movies : Watching Nigerian Popular Videos with a Native Doctor’s Guidance », Africa Today, vol. 49, n° 3, 2002, p. 79-94 ; J. McCall, « Juju and Justice at the Movies : Vigilantes in Nigerian Popular Videos », African Studies Review, vol. 47, n° 3, 2004, p. 51-67 ; B. Meyer, « The Power of Money : Politics, Occult Forces, and Pentecostalism in Ghana », African Studies Review, vol. 41, n° 3, 1998, p. 15-37 ; B. Meyer, « Popular Ghanaian Cinema and “African Heritage” », Africa Today, vol. 46, n° 2, 1999, p. 93-114.
  • [15]
    M. Diawara, African Film : New Forms of Aesthetics and Politics, New York/Munich, Prestel, 2010 ; K. W. Harrow, Postcolonial African Cinema : From Political Engagement to Postmodernism, Bloomington, Indiana Un iversit y Press, 2007 ; K. W. Harrow, Trash : Af rican Cinema f rom Below, Bloomington, Indiana University Press, 2013 ; A. Tcheuyap, Postnationalist African Cinemas, Manchester, Manchester University Press, 2011.
  • [16]
    J. Wiegratz, « The Silences in Academia about Capitalism in Africa », Africa is a Country, 13 décembre 2018, <https://africasacountry.com/2018/12/the-silences-in-academia-about-capitalism-in-africa>, consulté le 28 octobre 2019.
  • [17]
    A. U. Adamu, « Transgressing Boundaries : Reinterpretation of Nollywood Films in Muslim Northern Nigeria », in M. Krings et O. Okome (dir.), Global Nollywood : The Transnational Dimensions of an African Video Film Industry, Bloomington, Indiana University Press, p. 287-305 ; O. S. Omoera, « Audience Reception of the Benin Language Video Film in Nollywood », Journal of African Cultural Studies, vol. 26, n° 1, 2014, p. 69-81 ; I. E. Uwah, « Nollywood Films as a Site for Constructing Contemporary African Identities : The Significance of Village Ritual Scenes in Igbo Films », African Communication Research, vol. 1, n° 1, 2008, p. 87-112.
  • [18]
    Pour une sélection récente et représentative, voir S. Fosudo et T. Azeez (dir.), Inside Nollywood : Issues and Perspectives on Nigerian Cinema, New York, Franklin International Publishers, 2017.
  • [19]
    H. Garuba, « Lagos Book and Art Festival », novembre 2018.
  • [20]
    M. Adejunmobi, « African Media Studies and Marginality at the Center », Black Camera, vol. 7, n° 2, 2016, p. 125-139 ; M. H. Brown, « African Screen Media Studies : Immediacy, Modernization, and Informal Forms », Black Camera, vol. 7, n° 2, 2016, p. 140-158 ; L. Dovey, « On the Matter of Fiction : An Approach to the Marginalization of African Film Studies in the Global Academy », Black Camera, vol. 7, n° 2, 2016, p. 159-173 ; C. Garritano, African Video Movies and Global Desires : A Ghanaian History, Athens, Ohio University Press, 2013.
  • [21]
    Pour une définition du terme « African screen media », voir L. Dovey, « African Film and Video : Pleasure, Politics, Performance », Journal of African Cultural Studies, vol. 22, n° 1, 2010, p. 1-6.
  • [22]
    M. Adejunmobi, « African Media Studies and Marginality at the Center », art. cité. Voir aussi l’ensemble du numéro suivant : Black Camera, vol. 7, n° 2, 2016.
  • [23]
    Comparer K. W. Harrow et C. Garritano (dir.), A Companion to African Cinema, op. cit., et la littérature sur l’Afrique et les disciplines concernées.
  • [24]
    Comparer aussi L. Dovey, « On the Matter of Fiction… », art. cité, et les autres contributions au numéro spécial de Black Camera, vol. 7, n° 2, 2016.
  • [25]
    J. Ferguson, Global Shadows : Africa in the Neoliberal World Order, Durham, Duke University Press, 2006.
  • [26]
    A. Mbembe, « À propos des écritures africaines de soi », Politique africaine, n° 77, 2000, p. 16-43.
  • [27]
    C. Garritano, « Introduction. Nollywood : An Archive of African Worldliness », Black Camera, vol. 5, n° 2, 2014, p. 44-52.
Jonathan Haynes
Long Island University
Traduction de
Raphaël Botiveau
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 27/11/2019
https://doi.org/10.3917/polaf.153.0129
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