CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Souvent cité pour attester l’existence ancienne (voire l’existence tout court) de l’homosexualité en Afrique [1], « Sexual Inversion among the Azande » repose sur un matériau recueilli par Edward E. Evans-Pritchard une quarantaine d’années avant la publication de l’article en 1970 [2]. Ce fait est lui aussi fréquemment souligné : l’anthropologue aura attendu la fin de sa carrière et le moment de sa retraite, trois ans avant sa mort, pour rendre ces données publiques, les sauvant ainsi in extremis de l’oubli. Comme l’écrit Stephen O. Murray dans un ouvrage séminal sur « les homosexualités » en Afrique, « l’ampleur de ces pratiques pourrait nous être totalement inconnue si Evans-Pritchard n’avait pas finalement décidé d’écrire à leur sujet peu de temps avant sa mort [3] ». Incontestablement, ce long délai de publication tient à l’objet de l’article, qui concerne certaines pratiques et unions « homosexuelles », comme nous le verrons tout d’abord. Pourtant, nous y reviendrons ensuite, les données exposées invitent précisément à penser au-delà du prisme de l’« homosexualité ».

Sexualités et unions entre personnes de même sexe chez Evans-Pritchard

2Élève de Bronislav Malinowski, réputé être l’inventeur de la méthode ethnographique (même si l’on sait que ce titre n’est qu’en partie justifié [4]), Edward E. Evans-Pritchard est l’un des premiers à l’avoir mise en œuvre sur le sol africain [5]. Entre 1926 et 1930, poussé par le professeur Charles Gabriel Seligman, il effectue plusieurs séjours de terrain chez les Azandé, au sud-ouest de l’actuel Soudan du Sud, sur la base desquels il écrira sa thèse (soutenue en 1927) ainsi que plusieurs ouvrages. Puis, à partir de 1930, il entreprend des enquêtes sur les Nuer, dans la même région. Dans ces deux populations, l’anthropologue recueille des données sur les unions entre personnes de même sexe.

3En effet, en dépit de l’accent souvent mis sur la publication tardive de l’article « Sexual Inversion among the Azande », la lecture attentive de l’œuvre d’Evans-Pritchard indique qu’elle comporte bien d’autres références aux pratiques ou unions « homosexuelles » – qui n’étaient d’ailleurs pas inédites dans la littérature sur les Azandé [6]. Dans son premier ouvrage publié en 1937 [7], il explique que les relations sexuelles entre femmes sont réprimées chez les Azandé car elles sont associées à la sorcellerie. Au sujet des Nuer ensuite, dans des textes portant sur le mariage et la parenté [8], il présente des données sur les mariages entre femmes (woman marriage). Documentés dans de nombreux pays d’Afrique, ces mariages répondent à des logiques diverses mais découlent généralement d’enjeux liés à la filiation : chez les Nuer, comme dans d’autres sociétés, une femme stérile peut s’acquitter d’une compensation matrimoniale pour devenir l’« époux » d’une femme qui est en mesure d’avoir des enfants, et le « père » de ces derniers. Les enfants appartiennent dès lors à la lignée de la femme-époux. Pour Evans-Pritchard, la femme-époux devient socialement un homme.

4En 1957, sont publiées pour la première fois certaines données sur les unions entre hommes chez les Azandé [9]. Après la parution de « Sexual Inversion among the Azande », la question est à nouveau évoquée dans deux recueils de textes sur les Azandé [10]. En revanche, un ouvrage composé de textes traduits en français publié en 1974 n’en comprend aucun sur le sujet [11].

5Par ailleurs, les matériaux présentés dans « Sexual Inversion among the Azande » ne sont pas entièrement inédites. En effet, on en trouve trace dès 1932 dans un ouvrage écrit par le professeur Seligman et son épouse [12]. À l’évidence, les données qu’ils présentent sur le sujet sont issues de matériaux recueillis par Evans-Pritchard, dont ils ont fait largement usage dans l’ouvrage, comme en témoignent l’hommage et les remerciements adressés à l’anthropologue dans l’avant-propos. De même, cet ouvrage fait état de l’existence de mariages entre femmes chez les Dinka et les Nuer, qui ne répondent d’ailleurs par exactement aux mêmes logiques dans les deux groupes [13].

6Ainsi, le fameux long silence d’Evans-Pritchard sur l’« homosexualité » fut bien relatif, mais il est vrai que la publication tardive de « Sexual Inversion among the Azande », plus de quarante ans après le recueil des informations qu’il présente, pose question. Elle a très souvent été mise en cause et perçue comme le symbole des obstacles qui se sont longtemps opposés à la publication de données sur l’« homosexualité » en anthropologie, soit que les auteurs n’aient pas cru utile de recueillir de telles informations, soit qu’ils aient jugé inopportun ou craint de les publier. Ainsi de cet extrait d’un texte de Kenneth E. Read :

7

« Assurément, l’idéologie occidentale et un biais masculin ont contribué à la relégation des comportements homosexuels dans les recoins du placard anthropologique. Pourquoi, sommes-nous tentés de demander, Evans-Pritchard a-t-il attendu si longtemps (presque trente ans) pour publier sur l’homosexualité institutionnalisée chez les hommes Azandé […] ? Il se peut qu’il ait considéré (mais j’en doute) que l’information n’était pas importante et qu’elle n’avait que peu de rapport avec ses principaux intérêts ; mais l’apparition tardive de ces données inspire des doutes au sujet de ce que nous pensions “savoir” sur l’idéologie Zandé, les relations masculines, et les structures politiques [14] ».

8Le dédain et la frilosité souvent prêtés à Evans-Pritchard pour expliquer le délai de publication de « Sexual Inversion among the Azande » reposent sur une vision faisant de lui un personnage distant de la problématique de l’article. Pourtant, bien plus marginalement, on rencontre parfois certaines informations sur l’homosexualité supposée du chercheur, comme dans cette remarque d’un autre anthropologue britannique de la même génération, Edmund Leach, dans le compte rendu d’un fameux ouvrage de Clifford Geertz commentant notamment l’œœuvre d’Evans-Pritchard [15] :

9

« Il ne fait aucune référence explicite au catholicisme d’Evans-Pritchard ni à son homosexualité, les deux ayant pourtant influencé son style d’écriture [16] ».

10Bien qu’elle soit moins répandue que dans le cas d’autres anthropologues célèbres, cette information semble avoir circulé dans le milieu académique puisque d’autres auteurs la mentionnent. Dans un texte sur les enjeux de l’orientation sexuelle du chercheur enquêtant sur l’« homosexualité » dans des cultures autres que la sienne, Walter L. Williams introduit son propos en rappelant la forte proportion d’homosexuel/les parmi les explorateurs et les premiers anthropologues, avant de préciser :

11

« Et il y en a beaucoup d’autres, comme Margaret Mead et E. E. Evans-Pritchard, dont la bisexualité leur a procuré une forme d’empathie qui a sans aucun doute favorisé leur capacité à se lier avec des personnes qui (comme eux) s’éloignaient fortement de la norme occidentale [17] ».

12Dans les deux exemples qui viennent d’être cités, à l’opposé du reproche de négligence ou de mépris adressé à Evans-Pritchard au sujet du délai de parution de « Sexual Inversion among the Azande », il est prêté à l’homosexualité supposée de l’anthropologue une influence sur sa pratique d’enquête ou d’écriture. Dans le même esprit, une lecture erronée du second exemple a pu donner lieu à des interprétations fantasmatiques sur la rencontre imaginaire entre l’anthropologue et les hommes engagés dans les unions décrites dans « Sexual Inversion among the Azande » [18] :

13

« Evans-Pritchard, qui lui-même était bisexuel, pouvait plus aisément nouer des liens avec des gens de la même nature que la sienne. Il nous permet ainsi une bien meilleure compréhension des Azande [19] ».

14Que ces affirmations sur l’orientation sexuelle d’Evans-Pritchard soient fondées ou non, le problème reste le même. C’est sans doute parce qu’ils les jugeaient trop délicates pour être publiées qu’il n’a pas rendu publiques plus tôt, sous la forme d’un article spécifique, les données que comporte « Sexual Inversion among the Azande ». Il est en effet peu probable qu’il les ait jugées d’un intérêt mineur pendant plusieurs décennies avant de réviser son avis au lendemain des événements de Stonewall [20] ! Il ne faut pas oublier que le contexte des travaux portant sur l’Afrique se caractérisait depuis fort longtemps et jusqu’à très récemment par une propension tenace à en faire un continent exclusivement hétérosexuel [21]. C’est sans doute bien plutôt d’une réticence à exposer ces données qu’il s’agissait là. Il suffit pour s’en convaincre de tenir compte du soin qu’Evans-Pritchard prit à recueillir de nombreuses données sur la sexualité, peut-être inspiré en cela par les travaux de Malinowski, autant que par son désir de se départir du maître (avec lequel il entretint une relation houleuse) lorsqu’il ne les publia pas [22].

15Mais il apparaît que l’anthropologue n’a pas seulement longuement différé la publication d’un article spécifiquement consacré à ces questions jugées délicates, il a aussi pu témoigner d’une vision clairement conservatrice. Une conférence prononcée en 1955, qui entend adopter une perspective comparative, révèle chez Evans-Pritchard une pensée normative bien moins perceptible dans ses autres écrits. Christine Obbo le souligne à propos de la question du mariage entre femmes :

16

« De manière surprenante, Evans-Pritchard, qui a enrichi nos connaissances au sujet des mariages entre femmes, semble les avoir considérés comme une anomalie. Après avoir écrit en 1945 (p. 20) et en 1951 (p. 108) que de tels mariages n’étaient en aucun cas inhabituels chez les Nuer, il affirme en 1955 que parmi les peuples “primitifs” toutes les filles trouvent un époux à un âge précoce, et qu’il n’existe pas de femme non mariée [23]. Il ne fait aucun doute que par époux, il entend ici “époux de sexe masculin” et non pas “femme-époux”. Ce qu’il veut dire par “pas de femme non mariée” n’est pas clair car il avait précédemment écrit qu’il existait des femmes non mariées dans presque tous les villages nuer, et que ces femmes étaient engagées dans des relations de simple concubinage. Les enfants appartenaient au lignage de la mère mais si le géniteur payait une compensation il pouvait les racheter (1945, p. 5). Ce qu’il est important de noter ici, c’est qu’Evans-Pritchard décline une idéologie (masculine) nuer : Toutes les femmes doivent être mariées [24] ».

17Dans cette même conférence prononcée en 1955, Evans-Pritchard exprime sans détour sa conception de l’homosexualité occidentale :

18

« […] on ne rencontre pas dans la famille primitive de mères trop possessives à l’égard de leurs fils, ni de filles trop sentimentalement attachées à leurs pères. Les diverses inadaptations qui pourraient en découler sont pratiquement absentes de la famille primitive. Ces inadaptations que j’évoque, si évidentes dans notre société et plus encore aux États-Unis, vous sont devenues familières par la littérature psychologique et psychiatrique, et de tels sujets conviennent peut-être mieux à la discussion professionnelle que publique. Il me semble cependant que je dois mentionner l’une d’entre elles, l’homosexualité masculine, parce qu’elle concerne le thème de notre débat, également parce que, si l’on en croit tous les rapports et les études, elle a pris des proportions très inquiétantes, voire alarmantes. Le psychiatre américain Kardiner la décrivait comme une “répulsion massive du mâle pour la femelle” ; et la plupart des psychiatres semblent s’accorder sur l’un des facteurs déterminants de ce phénomène : la domination de la mère et par conséquent la soumission du père. Ce symptôme d’une profonde dysnomie sociale est totalement absent des sociétés primitives. Lorsqu’on le rencontre, il constitue un fait exceptionnel ou un expédient passager, ou bien il joue un rôle culturel et par suite ne pose pas de problème social [25] ».

19Ces déclarations datent d’une période (les années d’après-guerre) qui fut le théâtre d’une répression importante de l’homosexualité dans de nombreux pays occidentaux, et tout particulièrement en Angleterre [26]. La première moitié des années 1950 y fut marquée par une répression policière accrue et quelques procès retentissants, notamment contre des personnalités (telles que le mathématicien Alan Turing), contexte qui inspira le film Victim de Basil Dearden, mettant en scène les pratiques de chantage auxquels se trouvaient soumis les homosexuels menacés par la loi. Durant cette période, plusieurs milliers d’homosexuels furent légalement condamnés. Mais ce fut aussi le début d’un combat militant pour la modification de la loi [27]. La prise en considération de ce contexte éclaire en partie le point de vue exprimé par Evans-Pritchard, y compris si l’on considère qu’il était lui-même homosexuel et donc potentiellement exposé à la répression.

20Quoi qu’il en soit, il apparaît ici que les connaissances accumulées par l’anthropologue sur les formes d’unions entre personnes de même sexe en Afrique ne transforment pas son discours sur la même question dans son pays d’origine, au sujet de laquelle il adopte sans originalité la conception alors dominante. Tel ne fut pas le cas d’autres anthropologues qui ont différemment tiré profit de leur savoir. Par exemple, Ruth Benedict, dans un ouvrage publié en 1934, certes durant la période d’entre-deux-guerres dont on sait qu’elle fut plus permissive, utilise les connaissances anthropologiques pour railler la conception occidentale de l’homosexualité :

21

« La civilisation occidentale tend à regarder même un inoffensif homosexuel comme un anormal. […] Nous n’avons qu’à regarder d’autres civilisations, cependant, pour réaliser que des homosexuels n’ont pas été uniformément impropres à la société. Ils n’ont pas toujours failli à leur fonction. Dans certaines sociétés, ils ont même été particulièrement loués [28] ».

22C’est deux ans après la conférence où Evans-Pritchard tient ces propos sévères sur l’homosexualité occidentale qu’il publie son premier texte sur les unions « homosexuelles » chez les Azandé, mais c’est seulement quinze ans plus tard qu’il donne à ce matériau la visibilité dont il jouit depuis, en publiant « Sexual Inversion among the Azande » dans la revue American Anthropologist Parmi les conditions qui rendent alors possible cette parution, on peut souligner d’une part l’évolution du contexte social et politique et celui de la production scientifique sur l’homosexualité, et d’autre part la logique de publication adoptée par l’auteur à la fin de sa carrière.

23En effet, entre la fin des années 1950 et la fin des années 1960, l’homosexualité commence à être progressivement dépénalisée en Angleterre. Durant la même période, les premiers travaux de sciences sociales consacrés au sujet font leur apparition [29], et en 1968 la publication de l’article « The Homosexual Role [30] » par la sociologue britannique Mary McIntosh signe l’avènement de l’approche constructionniste de l’homosexualité. Un point commun intéressant relie cet article à celui d’Evans-Pritchard : les deux paraissent dans des revues américaines. Alors que l’anthropologue avait publié la majeure partie de ses articles dans des revues européennes ou africaines, « Sexual Inversion among the Azande » est proposé à American Anthropologist.

24Trois ans plus tard, il publie dans la même revue un autre article singulier, pour être alors (et pour encore quelques décennies) l’un des rares textes en anthropologie s’intéressant à la sexualité dans le cadre du mariage [31]. Durant les quelques années qui séparent l’âge de sa retraite de celle de son décès, Evans-Pritchard cherche ainsi clairement à publier certaines données ou textes restés inédits, dans une logique que révèle une note de bas de page dans ce dernier article :

25

« Ces notes ont été rédigées il y a plus de quarante ans. Il aurait été mal avisé d’en avoir changé un mot (pour que ce soit clair), et je ne l’ai pas fait. Je pense que ce que j’ai écrit à l’époque doit être publié tel quel [32] ».

26Dans un article qui parait la même année, où il revient sur les enjeux de l’enquête ethnographique [33], il précise qu’une grande partie de ses notes de terrain sur les Azandé reste inédite :

27

« Je n’ai encore publié qu’une partie de mes notes sur les Azandé rédigées pendant une enquête qui a démarré en 1927 ! [34] ».

28Puis il explique sa politique de publication voulue la plus exhaustive possible, laissant penser qu’il avait peut-être anticipé, concernant ses derniers articles sur la sexualité, le fait que des questions jugées mineures ou superflues sur le moment pourront paraître plus tard comme importantes :

29

« Et combien des notes de terrain doivent être publiées ? Idéalement, je suppose, toutes, car ce qui n’est pas publié peut être, et est généralement, perdu pour toujours – le portrait de la façon de vivre d’un peuple à un moment donné de l’histoire se retrouve enfoui dans l’obscurité de caves insondables. Et on ne peut savoir à l’avance à quel point ce qui peut être jugé trivial à un moment donné, pourra être précieux plus tard pour un étudiant qui se posera des questions que l’on ne s’était pas posées. Je ressens comme un devoir de publier tout ce que je sais, bien qu’il s’agisse d’une charge lourde à porter – et les éditeurs pensent de même [35] ».

Au-delà de l’« homosexualité » : penser l’articulation entre genre, âge et sexualité

30Nous avons vu que le délai qui a séparé le recueil des données de la parution de « Sexual Inversion among the Azande » tient assurément au fait que l’article porte sur la question de l’« homosexualité ». Mais quel est donc plus précisément son objet ?

31Rappelons tout d’abord que les faits décrits datent d’une époque antérieure aux séjours de terrain d’Evans-Pritchard : ils n’avaient plus court au moment de son enquête et lui ont été relatés par des informateurs. Le texte est divisé en deux parties d’égal volume, l’une consacrée à « l’homosexualité masculine », l’autre à « l’homosexualité féminine », selon la terminologie utilisée dans l’introduction. Dans le premier cas, les hommes célibataires des compagnies militaires de la cour royale prenaient provisoirement pour « épouses » de jeunes garçons en raison de la difficulté d’accès aux femmes, tandis que dans le second cas, des femmes de foyers polygames entretenaient entre elles des relations clandestines, parfois sous couvert de pactes amicaux.

32D’emblée, l’article révèle une certaine ambiguïté quant à la façon de penser ces relations. Dans le titre, la notion d’« inversion sexuelle » peut se comprendre de deux manières. Elle évoque tout d’abord une conception de l’homosexualité datée quoique fondatrice, développée à la fin du XIX siècle notamment dans un ouvrage du sexologue Havelock Ellis (traduit en français par le folkloriste et ethnologue Arnold Van Gennep) [36] dont seraient inspirées les théories freudiennes, qui prêtait aux personnes ayant des pratiques homosexuelles une disposition particulière de l’esprit, caractérisée par une interversion du masculin et du féminin. En effet, à suivre les célèbres lignes consacrées au sujet par Michel Foucault,

33

« la catégorie psychologique, psychiatrique, médicale de l’homosexualité s’est constituée du jour où on l’a caractérisée […] moins par un type de relations sexuelles que par une certaine qualité de la sensibilité sexuelle, une certaine manière d’intervertir en soi-même le masculin et le féminin. L’homosexualité est apparue comme une des figures de la sexualité lorsqu’elle a été rabattue de la pratique de la sodomie sur une sorte d’androgynie intérieure, un hermaphrodisme de l’âme. Le sodomite était un relaps, l’homosexuel est maintenant une espèce [37] ».

34Mais l’expression « inversion sexuelle » peut aussi faire référence aux formes d’inversion de genre que l’on retrouve dans de nombreuses sociétés où la notion d’« homosexualité » n’existe pas, les données exposées dans ce texte étant en quelque sorte de cet ordre. Pourtant l’auteur utilise aussi à plusieurs reprises les termes « homosexualité » ou « relation homosexuelle », laissant penser qu’il ne cherche pas à éviter l’analogie avec l’homosexualité pensée comme « espèce », même s’il précise lui-même en cours d’article qu’« il n’y avait aucun homosexuel (urnings, NdT) au sens européen moderne du terme ». Le terme allemand « urnings », forgé et utilisé par Karl-Heinrich Ulrichs (considéré comme l’un des pères du militantisme homosexuel moderne) à la fin du XIX siècle avant même l’invention du mot « homosexuel », renvoie lui aussi à l’idée d’une inversion du désir sexuel, celui d’une femme dans un corps d’homme, mais dans une optique descriptive et non pathologisante [38]. Son usage en 1970 par Evans-Pritchard ne laisse de surprendre tant le terme est alors désuet, si bien que l’on en vient à se demander si l’anthropologue n’a pas choisi délibérément de se référer à des notions contemporaines de la réalité décrite dans son article (fin du XIX – début du XX ) [39].

35L’utilisation par Evans-Pritchard du vocabulaire de l’homosexualité, alors que les données qu’il présente imposent le constat d’une différence fondamentale avec celle que ce vocabulaire est censé désigner, nous instruit sur ce qu’est pour l’auteur le thème de l’article, que l’on identifie également au niveau du seul point commun qui relie les situations masculines et féminines : il s’agit des pratiques sexuelles entre personnes de même sexe, possiblement motivées par le désir, mais qui n’impliquent aucunement, comme l’auteur l’affirme lui-même, l’existence d’une catégorie sociale spécifique. Ainsi, l’anthropologue oriente (involontairement ?) la compréhension des faits qu’il décrit vers une conception qui fait sens pour le lectorat mais qui n’existait en aucune manière chez les individus concernés.

36On retrouve très tôt ce même travers dans une partie de la littérature sur les variations de genre dans certaines cultures non-occidentales, comme par exemple dans le texte de Ruth Benedict cité plus haut (au sujet du « berdache » amérindien), ou dans d’autres écrits de la même période [40], assimilant trop rapidement certaines figures de la diversité de genre à l’« homosexualité », et allant même jusqu’à distinguer homosexuels « actifs » et « passifs » [41] dans le cas du fameux article de Ruth Landes (le « berdache » devient ici un « homosexuel passif »). Ce fut plus tard l’un des apports de l’approche constructionniste de l’homosexualité de nous apprendre qu’elle est une catégorie historiquement et géographiquement située. Pourtant, il est resté longtemps difficile de penser la pratique « homosexuelle » séparément de la catégorie (« l’espèce ») ou du « rôle » homosexuels. L’article fondateur de Mary McIntosh publié en 1968, qui visait à le montrer, n’évite pas tout à fait cet écueil, comme l’affirme elle-même son auteure treize ans plus tard [42]. Il en fut de même du développement ultérieur de travaux sur les pratiques « homosexuelles » dans des contextes non-occidentaux. L’un des premiers du genre, aujourd’hui encore parmi les plus fameux, concerne l’« homosexualité ritualisée » par laquelle sont désignées des pratiques se déroulant lors des rituels de masculinité en Papouasie Nouvelle Guinée, au cours desquels les garçons les plus jeunes doivent ingérer le sperme des aînés au moyen de fellations. Quelques années après avoir révélé ces pratiques et créé l’expression aujourd’hui consacrée pour les désigner, l’anthropologue Gilbert Herdt écrivait qu’il n’aurait pas dû pour cela utiliser le terme « homosexualité » [43].

37À partir du milieu des années 1980, différents auteurs ont cherché à catégoriser les formes de pratiques « homosexuelles » observables à travers les cultures [44]. En simplifiant, on peut dire qu’il en existe en particulier deux grandes formes. La première se fonde sur une différenciation genrée (les deux partenaires sont considérés comme de genres différents), la seconde sur une différenciation générationnelle, l’une et l’autre se distinguant du modèle « égalitaire » qui domine depuis quelques décennies dans les pays occidentaux. En général le cas des hommes Azandé est assimilé à la forme basée sur une différenciation générationnelle. Mais la situation dépeinte par Evans-Pritchard ne s’y limite pas.

38En effet, on constate clairement dans la partie du texte consacrée aux hommes l’existence de deux catégories d’individus décrites comme séparées et fortement différenciées, notamment au niveau du statut social : d’un côté les « guerriers » (« jeunes »/« maris »/« amants »/« amants de cour »/« compagnons guerriers ») ; de l’autre les « garçons » (« garçons-épouses »/« garçons-amours »/« amours »). La seconde catégorie se caractérise non seulement par un plus jeune âge (entre douze et vingt ans) mais aussi par une situation d’inversion de genre, cependant relative à deux égards : tout d’abord parce que les garçons-épouses ne remplissent pas l’ensemble des tâches qui incombent aux femmes ; ensuite et surtout parce que le statut de garçon-épouse est provisoire et que si l’on appréhende la situation de chacun sur l’ensemble du cycle de vie, on constate que tous ne forment en réalité qu’une seule et même catégorie. Les garçons seront d’abord des épouses, puis eux-mêmes des guerriers mariés avec des garçons-épouses, avant de se marier avec des femmes lorsque cela est possible.

39D’ailleurs, Evans-Pritchard insiste fortement, en reprenant à son compte les affirmations de ses informateurs, sur le fait que les relations entre hommes s’expliquaient par la non-disponibilité des femmes. Comme dans l’Athènes classique, les conditions de possibilité des relations entre personnes de même sexe seraient ici notamment le mariage tardif des hommes, le mariage précoce des filles et les dangers de l’adultère, favorisant donc l’attrait pour les garçons [45]

40Si l’on s’en tient à l’Afrique, à la même période que celle sur laquelle porte l’article d’Evans-Pritchard, la situation des Azandé rappelle fortement les mariages provisoires qui unissaient également des hommes à de jeunes garçons-épouses dans les mines d’or de l’actuelle Afrique du Sud, où l’absence de femmes et les dangers sanitaires des relations avec les prostituées expliquaient le phénomène selon les auteurs qui l’ont étudié [46]. Cette explication est encore avancée au sujet d’une période encore antérieure, au Buganda (actuel Ouganda), où à partir de la moitié du XVIII siècle, dans un contexte d’expansion militaire, les pages envoyés servir le roi se retrouvent à vivre dans un univers unisexe :

41

« La concentration d’adolescents, hiérarchisés, sans femme, laissés à eux-mêmes, mène automatiquement à une augmentation de l’homosexualité, tout comme dans les prisons, les pensionnats et les casernes en Europe [47] ».

42Cette insistance sur la difficulté d’accès aux femmes comme raison expliquant les unions entre personnes de même sexe renvoie à la distinction que l’on trouve déjà dans la littérature à l’époque où Evans-Pritchard publie son article, entre homosexualité « situationnelle », c’est-à-dire exercée sous la contrainte de conditions non favorables à l’hétérosexualité, tel que dans des contextes non mixtes par exemple (notamment la prison), et homosexualité « véritable », à savoir motivée par des dispositions ou une appétence présentes chez l’individu indépendamment de conditions extérieures [48]. Pour attester l’importance de ce facteur, Evans-Pritchard souligne la disparition des unions de même sexe dans la période qu’il qualifie de « post-européenne », en raison selon lui du déclin de la morale et de la suppression des punitions traditionnelles en cas d’adultère, rendant désormais plus facile l’accès aux femmes. En revanche, il ne s’interroge pas sur d’autres facteurs découlant précisément de la présence européenne, notamment ceux liés à la mission civilisatrice à laquelle furent exposées bien des populations africaines à cette époque, dont on sait qu’elle a eu des effets sur les normes de genre et de sexualité (même si la littérature reste très lacunaire sur ces questions) [49].

43Parallèlement au cas des unions entre hommes, officielles et institutionnalisées, Evans-Pritchard présente les matériaux recueillis sur les relations entre femmes, qui n’étaient pas reconnues mais réprimées. Elles se déroulaient entre épouses d’un même foyer polygame, qui scellaient parfois leur union clandestine par un pacte d’amitié officiel, là encore en raison du délaissement par leurs maris qui avaient généralement de très nombreuses épouses. Dans l’article, les cas des hommes et des femmes sont simplement juxtaposés et aucune comparaison n’est véritablement tentée. Je proposerai donc pour finir quelques éléments de réflexion comparatifs.

44Si les unions entre hommes se caractérisent par une forte différenciation et hiérarchisation des partenaires, entre femmes à l’inverse les relations décrites semblent plus « égalitaires ». Evans-Pritchard explique d’ailleurs que le pacte d’amitié que célèbrent parfois les femmes pour masquer la nature de leur relation est inspiré du rituel masculin de la fraternité de sang, dont l’une des caractéristiques est de produire de l’égalité, à l’inverse de la fraternité ordinaire, toujours hiérarchisée [50].

45Du point de vue du genre, la différence entre les partenaires semble également moins marquée chez les femmes que chez les hommes. Mais il subsiste sur ce point une incertitude. En effet, Evans-Pritchard affirme que les femmes intervertissaient les rôles féminins et masculins lors de l’acte sexuel, comme si le rôle sexuel n’était associé à aucun rôle social, tandis que dans les récits de l’informateur le rôle semble socialement plus déterminé, notamment à travers la référence à la figure de la femme-époux [51]. De plus, la vision des relations entre femmes exposée par l’anthropologue est sujette à caution. Elle a été critiquée par une auteure documentant une forme relationnelle entre femmes au Lesotho qui présente de fortes similarités avec celle exposée dans « Sexual Inversion among the Azande », mais au sein de laquelle la relation sexuelle serait absente, ce qui la conduit à douter qu’elle soit présente chez les femmes Azandé :

46

« Les informations de seconde main d’Evans-Pritchard sont remplies de ces sortes de fantasmes masculins sur la façon de faire l’amour des lesbiennes dont se délectent les hommes européens [52] ».

47Si l’on élargit la focale de comparaison, on note, toujours à propos de la question du genre, que la situation des garçons-épouses de l’article se distingue clairement de celle des femmes-époux rencontrées chez les Nuer, qui endossent durablement un statut masculin. Dans la littérature consacrée aux mariages entre femmes, la question du genre de la femme-époux a été l’objet d’interprétations divergentes. Sur ce point la position d’Evans-Pritchard est claire : il affirme sans ambiguïté que la femme-époux est socialement considérée comme un homme [53]. Certes il le dit également du garçon-épouse chez les Azandé, mais nous avons vu que cette inversion (relative) du rôle de genre ne couvre dans ce cas qu’une période délimitée du cycle de vie.

48Par ailleurs, si l’on compare les hommes de « Sexual Inversion among the Azande » aux femmes du même article ou encore à celles engagées dans des mariages entre femmes dans d’autres groupes, il apparaît une autre différence importante, qui concerne la dimension générationnelle. Dans le cadre des unions entre hommes, dans cet article mais aussi plus largement dans d’autres cas documentés en Afrique dont ceux des mines sud-africaines, il existe presque toujours une différence générationnelle, tandis qu’il n’en existe pas nécessairement dans les mariages ou dans les pactes amicaux entre femmes [54]. Il n’est que de considérer les expressions consacrées « boy wives » et « woman husband » (dans l’article d’Evans-Pritchard) ou « female husband » (dans les textes d’autres auteurs) pour s’en convaincre : seule celle relative au cas masculin comporte une connotation générationnelle. Chez les hommes, la différence générationnelle se substitue à la différence de sexe, ou plus exactement le rapport générationnel produit le rapport de genre, montrant la consubstantialité de ces deux types de rapports sociaux [55].

49Enfin, une dernière différence de taille entre les hommes et les femmes doit être soulignée : alors que tout est organisé pour que les premiers puissent de manière très officielle trouver les moyens de leur satisfaction sexuelle en dépit de la difficulté d’accès aux femmes, dans le cas des secondes ce sont des stratégies clandestines qui permettent d’atteindre ce but, sachant que même dans les situations de mariages entre femmes la sexualité est réputée absente. Il est vrai que les femmes ne sont pas dénuées de ressources ni de pouvoir ; Kendall souligne à ce sujet l’affirmation de l’informateur d’Evans-Pritchard selon laquelle le fait que les femmes trouvent du plaisir entre elles est dangereux pour les hommes car cela amoindrit leur emprise et leur pouvoir [56]. Mais cela montre aussi que les hommes cherchent à conserver le contrôle sur les femmes à travers celle de leur sexualité. Dans ce même esprit, d’autres auteures ont souligné au sujet des hommes Azandé [57] que l’inversion que suppose le rôle du garçon-épouse ne déstabilise pas le système de genre mais permet au contraire de le renforcer en même temps que la domination masculine, puisque cette union reproduit la forme relationnelle homme-femme et qu’elle est de surcroît censé y conduire.

50Il reste que la non-symétrie entre les formes de sexualité ou d’union entre hommes d’un côté et entre femmes de l’autre, comme les autres différences relevées au sujet des dimensions genrée et générationnelle, montrent bien que la distinction fondamentale ici n’est pas celle qui sépare les personnes qui ont des pratiques « homosexuelles » des autres, mais bien celle qui sépare les hommes et les femmes.

51Dans « Sexual Inversion among the Azande », Evans-Pritchard a fait le choix de réunir deux formes de pratiques « homosexuelles » bien différentes. Il aurait pu faire celui de comparer les mariages entre hommes et ceux entre femmes par exemple. Il aurait aussi pu comparer les pactes amicaux entre femmes avec ceux de la fraternité de sang, puisque lui-même écrit que les premiers sont inspirés des seconds. Le choix de présenter conjointement des situations (certes en restant dans un même groupe, les Azandé) qui n’ont en commun que l’existence de pratiques sexuelles entre personnes de même sexe (pratiques réputées absentes dans le cadre des mariages entre femmes comme dans celui de la fraternité de sang) montre bien que le thème de l’article est l’« homosexualité » pensée comme sexualité entre personnes de même sexe biologique, ce qui oriente inévitablement la compréhension des faits décrits et explique les usages qui sont faits de l’article depuis.

52Alors que « Sexual Inversion among the Azande » est souvent cité pour attester l’existence (ancienne) de l’« homosexualité » en Afrique, il importe de souligner que ce qui y est décrit n’a sans doute pas grand rapport avec les formes d’« homosexualité » qui existent probablement de nos jours au Soudan du Sud (puisqu’elles y sont punies de mort !). C’est que le tableau dépeint par Evans-Pritchard est pour le moins daté. Non seulement il s’est écoulé quarante ans entre le recueil de données et la publication de l’article, puis de nouveau quarante ans entre la publication et aujourd’hui, mais en plus les données présentées portent sur une période bien antérieure aux séjours de l’anthropologue sur le terrain (seuls les informateurs les plus anciens avaient pu être impliqués dans ces unions), ce qui ajoute encore quarante ans d’ancienneté supplémentaire. Ce sont donc au bas mot cent vingt ans qui nous séparent des faits décrits dans « Sexual Inversion among the Azande », une époque où le mot « homosexualité » venait à peine d’être créé ! Aujourd’hui, ces pratiques « homosexuelles » du passé ont disparu de la mémoire collective et les Azandé nient fortement qu’elles aient existé [58].

53L’intérêt de l’article est plutôt (et justement) de documenter clairement la pensée des pratiques « homosexuelles » d’avant l’invention de l’homosexualité, en montrant bien (surtout dans le cas des hommes) l’articulation entre différenciation genrée et différenciation générationnelle dans cette pensée, ce qui permet de relativiser les classifications qui séparent ces deux formes. Comparer les situations masculine et féminine et élargir la comparaison à d’autres matériaux que ceux contenus dans l’article nous a permis d’éclairer une ligne de démarcation entre les hommes et les femmes probablement plus clivante que celle qui concerne les pratiques « homosexuelles » et nous invite à considérer que plutôt que d’envisager ces questions à travers le seul prisme des pratiques sexuelles, il faut les comprendre comme des formes particulières d’agencement entre genre, âge et sexualité.

Notes

  • [1]
    Ce fait n’est plus à démontrer. Voir par exemple M. Epprecht, Hungochani : The History of a Dissident Sexuality in Southern Africa, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2004.
  • [2]
    E. E. Evans-Pritchard, « Sexual Inversion among the Azande », American Anthropologist, vol. 72, n° 6, 1970, p. 1428-1434.
  • [3]
    S. O. Murray, « Preface : “All Very Confusing” », in S. O. Murray et W. Roscoe (dir.), Boy-Wives and Female Husbands : Studies of African Homosexualities, Londres/New York, St Martin’s Press, 1998, p. xiii. Toutes les citations originales en anglais ont été traduites par l’auteur.
  • [4]
    G. W. Stocking Jr., « La magie de l’ethnographie : l’invention du travail de terrain de Tylor à Malinowski » [1983], traduit par É. Ficquet et D. Cefaï in D. Cefaï (textes réunis, présentés et commentés par), L’Enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003, p. 89-138.
  • [5]
    Sur Evans-Pritchard et son œœuvre, voir notamment T. O. Beidelman (dir.), The Translation of Culture: Essays to E. E. Evans-Pritchard, Londres, Tavistock Publications, 1971 ; A. Kuper, LAnthropologie britannique au XX siècle, Paris, Karthala, 2000 [1973] ; M. Douglas, Edward Evans-Pritchard, New York, The Viking Press, 1980 ; J. W. Burton, An Introduction to Evans-Pritchard Fribourg, Fribourg University Press, 1992.
  • [6]
    S. O. Murray, « Overview », in S. O. Murray et W. Roscoe (dir.), Boy-Wivesop. cit., p. 26-28.
  • [7]
    E. E. Evans-Pritchard, Sorcellerie, oracles et magie chez les Azandé, Paris, Gallimard, 1972 [1937].
  • [8]
    E. E. Evans-Pritchard, Some Aspects of Marriage and the Family among the Nuer, Rhodes-Livingstone Institute Papers, n° 11, 1945 ; E. E. Evans-Pritchard, Parenté et mariage chez les Nuer, Paris, Payot, 1973 [1951].
  • [9]
    E. E. Evans-Pritchard, « The Zande Royal Court », Zaïre, vol. 11, n° 4, 1957, p. 361-389 ; n° 5, 1957, p. 493-511 ; n° 7, 1957, p. 687-713.
  • [10]
    E. E. Evans-Pritchard, The Azande : History and Political Institutions, Oxford, Clarendon Press, 1971 ; E. E. Evans-Pritchard (dir.), Man and Woman among the Azande, Londres, Faber and Faber, 1974.
  • [11]
    E. E. Evans-Pritchard, Les Anthropologues face à l’histoire et à la religion, Paris, PUF, 1974.
  • [12]
    C. G. Seligman et B. Z. Seligman, Pagan Tribes of the Nilotic Sudan, Londres, George Routledge & Sons, 1932, p. 506-507.
  • [13]
    Kathleen Gough souligne la différence entre les mariages entre femmes observés respectivement chez les Dinka et les Nuer et l’explique par la relation de pouvoir qui existait entre les deux groupes. Voir K. Gough, « Nuer Kinship : A Re-Examination », in T. O. Beidelman (dir.), The Translation of Cultureop. cit., p. 116-117.
  • [14]
    K. E. Read, « The Nama Cult Recalled », in G. Herdt (dir.), Ritualized Homosexuality in Melanesia Berkeley, University of California Press, 1984, p. 215.
  • [15]
    C. Geertz, Ici et là-bas : l’anthropologue comme auteur, Paris, Métailié, 1996 [1988].
  • [16]
    E. Leach, « Writing Anthropology », American Ethnologist, vol. 16, n° 1, 1989, p. 139.
  • [17]
    W. L. Williams, « Being Gay and Doing Research on Homosexuality in Non-Western Cultures », Journal of Sex Research, vol. 30, n° 2, 1993, p. 115.
  • [18]
    Cette rencontre n’a jamais eu lieu puisque « Sexual Inversion among the Azande » porte sur des faits du passé qui n’ont pas pu être observés par Evans-Pritchard mais qui lui ont été relatés par des informateurs.
  • [19]
    D. Vangroenweghe, « L’homosexualité et la bisexualité en Afrique », in D. Vangroenweghe, Sida et sexualité en Afrique, Bruxelles, EPO, 2000 [1997], p. 203.
  • [20]
    Des émeutes provoquées en juin 1969 par des travestis et des homosexuels contre les répressions policières dans un bar de New York (le Stonewall Inn), inspirant dès 1970 une marche commémorative qui allait devenir la Gay Pride, sont considérées depuis comme l’acte de naissance du mouvement de « libération » homosexuelle dans les pays occidentaux.
  • [21]
    M. Epprecht, Heterosexual Africa ? The History of an Idea from the Age of Exploration to the Age of AIDS, Athens, Ohio University Press, 2008.
  • [22]
    Certains commentateurs insistent néanmoins sur l’influence durable de Malinowski sur l’œuvre d’Evans-Pritchard. Voir J. W. Burton, « The Ghost of Malinowski in the Southern Sudan : Evans-Pritchard and Ethnographic Fieldwork », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 127, n° 4, 1983, p. 278-289.
  • [23]
    « Il me semble qu’un des faits qui frappe d’abord l’étranger chez un peuple primitif, c’est l’absence de femme adulte célibataire. Toutes les filles trouvent un époux et se marient, à notre avis, habituellement très jeunes » : E. E. Evans-Pritchard, « La condition de la femme dans les sociétés primitives et dans la nôtre » [1955], in E. E. Evans-Pritchard, La Femme dans les sociétés primitives et autres essais d’anthropologie sociale, Paris, PUF, 1971 [1965], p. 45.
  • [24]
    C. Obbo, « Dominant Male Ideology and Female Options : Three East African Case Studies », Africa, vol. 46, n° 4, 1976, p. 383-384.En ligne
  • [25]
    E. E. Evans-Pritchard, « La condition de la femme… », art. cité, p. 34.
  • [26]
    J. Weeks, Coming Out : Homosexual Politics in Britain from the Nineteenth Century to the Present Londres, Quartet Books, 1977.
  • [27]
    S. Jeffery-Poulter, Peers, Queers and Commons : The Struggle for Gay Law Reform from 1950 to the Present, Londres/New York, Routledge, 1991.
  • [28]
    R. Benedict, Échantillons de civilisations, Paris, Gallimard, 1950 [1934].
  • [29]
    C. Broqua (dir.), « La construction sociale de l’homosexualité », Genre, sexualité & société, hors-série n° 1, 2011.
  • [30]
    M. McIntosh, « Le rôle homosexuel » [1968], traduit par C. Broqua avec la collaboration de N. Paulme, in ibid.
  • [31]
    E. E. Evans-Pritchard, « Some Notes on Zande Sex Habits », American Anthropologist, vol. 75, n° 1, 1973, p. 171-175.
  • [32]
    Ibid., p. 175.
  • [33]
    Sur son expérience ethnographique, voir aussi E. E. Evans-Pritchard, « Some Recollections on Fieldwork in the Twenties », Anthropological Quarterly, vol. 46, n° 4, 1973, p. 235-242.
  • [34]
    E. E. Evans-Pritchard, « Some Reminiscences and Reflections on Fieldwork », Journal of the Anthropological Society of Oxford, vol. 4, n° 1, 1973, p. 3.
  • [35]
    Ibid., p. 12.
  • [36]
    H. Ellis, Études de psychologie sexuelle. Tome II. L inversion sexuelle, Paris, Mercure de France, 1909 [1897].
  • [37]
    M. Foucault, Histoire de la sexualité. I. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 59.
  • [38]
    M. A. Lombardi-Nash, Sodomites and Urnings : Homosexual Representations in Classic German Journals, New York, Harrington Park Press, 2006.
  • [39]
    De même, l’usage en toute fin d’article des termes « pédérastie » et « tribadisme » indique la volonté manifeste de faire référence à des notions datées.
  • [40]
    G. Devereux, « Institutionalized Homosexuality of the Mohave Indians », Human Biology, vol. 9, n° 4, 1937, p. 498-527 ; R. Landes, « A Cult Matriarchate and Male Homosexuality », Journal of Abnormal and Social Psychology, vol. 35, n° 3, 1940, p. 386-397.
  • [41]
    Ces termes sont utilisés pour désigner les rôles insertif (actif) et réceptif (passif) dans le cadre de la pénétration anale.
  • [42]
    M. McIntosh, « “Le rôle homosexuel” revisité. Entretien avec Mary McIntosh » [1981], traduit par C. Broqua avec la collaboration de N. Paulme, in C. Broqua (dir.), « La construction sociale de l’homosexualité », op. cit.
  • [43]
    G. Herdt, « Introduction to the Paperback Edition », in G. Herdt (dir.), Ritualized Homosexualityop. cit., p. ix.
  • [44]
    B. Adam, « Age, Structure, and Sexuality : Reflections on the Anthropological Evidence on Homosexual Relations », in E. Blackwood (dir.), The Many Faces of Homosexuality : Anthropological Approaches to Homosexual Behavior, New York, Harrington Park Press, 1986, p. 19-33 ; D. F. Greenberg, The Construction of Homosexuality, Chicago, The University of Chicago Press, 1988 ; G. Herdt, Same Sex, Different Cultures : Gays and Lesbians Across Cultures, Boulder, Westview Press, 1997 ; S. O. Murray, Homosexualities, Chicago, The University of Chicago Press, 2000.
  • [45]
    D. Cohen, Law, Sexuality, and Society : The Enforcement of Morals in Classical Athens, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, p. 194.
  • [46]
    T. D. Moodie, V. Ndatshe et B. Sibuyi, « Migrancy and Male Sexuality on the South African Gold Mines », Journal of Southern African Studies, vol. 14, n° 2, 1988, p. 228-256 ; P. Harries, « La symbolique du sexe : l’identité culturelle au début de l’exploitation des mines d’or du Witwatersrand », Cahiers détudes africaines, vol. 30, n° 120, 1990, p. 451-474.
  • [47]
    H. Médard, « L’homosexualité au Buganda, une acculturation peut en cacher une autre », Hypothèses, vol. 1, 1999, p. 172.
  • [48]
    De manière révélatrice, cet aspect du texte d’Evans-Pritchard a parfois été le seul retenu, comme dans le cas suivant : « Écrivant sur les Azandé du Soudan, Evans-Pritchard (1974) fait état d’une bisexualité adolescente et situationnelle dans le cadre d’un phénomène de “mariage avec des garçons”. Cette relation offrait aux hommes qui ne pouvaient pas encore bénéficier d’un accès légal aux femmes, un moyen de se satisfaire par un orgasme obtenu entre les cuisses des garçons » : J. K. Anarfi et P. Antwi, « Street Youth in Accra City : Sexual Networking in a High-Risk Environment and its Implications for the Spread of HIV/AIDS », Health Transition Review, vol. 5, 1995, p. 131.
  • [49]
    Voir par exemple R. Hyam, Empire and Sexuality : The British Experience, Manchester, Manchester University Press, 1990.
  • [50]
    E. E. Evans-Pritchard, « Zande Blood-Brotherhood », Africa, vol. 6, n° 4, 1933, p. 369-401.
  • [51]
    Ce n’est d’ailleurs pas le seul point relatif à la différenciation des rôles de genre sur lequel Evans-Pritchard se contredit. Alors que l’anthropologue écrit dans « Sexual Inversion among the Azande » que le guerrier s’adresse au garçon en disant diare (« ma femme ») et que ce dernier appelle le guerrier kumbami (« mon mari »), dans l’ouvrage The Azande : History and Political Institutions paru l’année suivante (1971), il écrit que chacun s’adresse à l’autre par le terme badiare (« mon amour ») (p. 199).
  • [52]
    K. Kendall, « “When a Woman Loves a Woman” in Lesotho : Love, Sex, and the (Western) Construction of Homophobia », in S. O. Murray et W. Roscoe (dir.), Boy-Wivesop. cit., p. 235.
  • [53]
    E. E. Evans-Pritchard, Parenté et mariage… op. cit.
  • [54]
    Ce n’est cependant pas toujours vrai. Des cas singuliers de mariages entre personnes de même sexe, observés dans des villages du sud-ouest du Ghana au moment où Evans-Pritchard publiait « Sexual Inversion among the Azande », ne comportent pas cet élément de différenciation générationnelle. Ils ne supposent pas non plus de rapports sexuels, bien qu’ils soient fondés sur l’attraction physique éprouvée par au moins l’un des deux partenaires… Voir I. Signorini, « Agonwole Agyale : The Marriage Between Two Persons of the Same Sex among the Nzema of Southwestern Ghana », Journal de la Société des africanistes, vol. 43, n° 2, 1973, p. 221-234.
  • [55]
    Sur la consubstantialité des rapports sociaux, voir D. Kergoat, Se battre, disent-elles…, Paris, La Dispute, 2012.
  • [56]
    K. Kendall, « “When a Woman Loves a Woman”…”, art. cité, p. 235.
  • [57]
    N.-C. Mathieu, « Identité sexuelle/sexuée/de sexe ? Trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe et genre » [1989], in N.-C. Mathieu, L’Anatomie politique : catégorisations et idéologies du sexe Paris, Côté-femmes, 1991, p. 227-266 ; M.-É. Handman, « L’anthropologue et le système sexe/genre », Connexions, n° 90, 2008, p. 77-85.
  • [58]
    T. Allen, « Witchcraft, Sexuality and HIV/AIDS among the Azande of Sudan », Journal of Eastern African Studies, vol. 1, n° 3, 2007, p. 381.En ligne
Christophe Broqua
Lasco/Sophiapol et UMI 233 TransVIHMI
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 27/12/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.126.0121
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Karthala © Karthala. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...