CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Août 2007, dans un pub de Kampala, plusieurs centaines de personnes sont assises autour d’une grande table. C’est l’heure du talk-show radiophonique de la station privée Radio One : « ekimeeza », ou « table ronde » en luganda. Le sujet de la discussion : « Quel est le futur des partis d’opposition en Afrique ? » Deux ans après l’adoption du multipartisme, le 28 juillet 2005, un certain scepticisme a fait surface. L’opposition peine à trouver une unité face au National Resistance Movement (NRM), le parti du président Museveni, au pouvoir depuis 1986. « La multiplication des partis politiques est-elle bénéfique aux sociétés africaines ? » ; « Comment organiser le débat démocratique ? » Les questions débattues ce jour-là à l’ekimeeza traversent la vie politique ougandaise depuis le milieu des années 1980. Elles sont réactualisées par le format de l’émission : un débat politique entre citoyens et dirigeants, conduit chaque samedi pendant deux heures selon un protocole précis de représentativité et de prise de parole.

2Les émissions interactives, au cours desquelles les auditeurs peuvent s’exprimer, sont omniprésentes sur les ondes africaines. Elles ont cependant des origines différenciées. Certaines résultent de l’enthousiasme des bailleurs de fonds pour les formats participatifs [1], d’autres sont créées par des journalistes. Chacune s’insère dans une économie et un système politique et symbolique particulier qui leur confèrent des formes mais aussi des sens différents d’un cadre politique à l’autre. Les règles qui les gouvernent sont le produit de négociations entre les différents acteurs qui les investissent, notamment le pouvoir et les médias. Leur analyse permet d’interroger l’influence des rapports de force politiques et de la structure du champ journalistique sur les représentations du débat démocratique, du pluralisme, de la responsabilité des dirigeants et de la citoyenneté.

3En Ouganda, l’instauration, en 1986, par Yoweri Museveni, de la « démocratie de mouvement » a marqué ces représentations [2]. Inspiré du nyérérisme, ce modèle se caractérise par une hostilité au système représentatif et aux partis politiques, jugés responsables des violences qui ont rythmé l’histoire du pays depuis l’indépendance. De 1986 à 2005, les activités de mobilisation des partis étaient réduites à leur portion congrue. Les candidats aux élections se présentaient sans étiquette. Le régime s’appuyait sur des entités participatives locales, les Resistance Councils (RC), aujourd’hui Local Councils (LC). Selon Nelson Kasfir, ce maillage institutionnel et le discours idéologique du NRM, caractérisé par une emphase sur la valeur politique du jugement populaire, sont au cœur du système de légitimation du régime [3]. Avec l’instauration de ce système, les débats sur l’organisation du pluralisme et de la démocratie se sont multipliés entre le pouvoir, l’opposition et les médias.

4Dans ce contexte, l’ekimeeza est devenue un objet de débats. Les polémiques autour de son statut dans l’espace public et autour des règles qui doivent ou non la gouverner véhiculent des représentations divergentes de la norme démocratique et du droit à prendre la parole. Apparue cinq ans avant le passage au multipartisme, elle représente par ailleurs un lieu d’analyse privilégié des rapports de force et des opportunités sociopolitiques en jeu dans un contexte de transition.

5Parce qu’elle met en spectacle la démocratie, mais aussi parce qu’elle est un lieu d’apprentissage de la politique, de socialisation, de compétition et de présentation de soi, sans doute pourrait-on qualifier l’ekimeeza de « Polis Academy[4] ». Cette analogie pousse à s’intéresser de plus près à l’influence du champ médiatique sur les représentations de la démocratie et de la citoyenneté en Ouganda. Dans cet article, nous analyserons les usages de cet espace de délibération par les différents acteurs qui l’investissent [5], en observant notamment les effets de cet investissement sur leur carrière et sur leur position dans le champ politique. L’ekimeeza soulève en effet des enjeux majeurs pour l’exercice de la citoyenneté : qui a droit à la parole, et sous quelle forme, dans l’Ouganda contemporain ? Qui est « compétent » pour participer et comment se construit, socialement, le sentiment de « compétence politique » ? Le double sens de ce terme, désignant à la fois un droit et une somme de connaissances, pousse à analyser aussi bien les représentations de la citoyenneté véhiculées par les talk-shows radiophoniques que les phénomènes d’apprentissage, voire de professionnalisation politique des profanes selon un certain modèle socialement et politiquement situé [6]. En somme, dans cet article, nous tenterons d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : dans quelle mesure l’ekimeeza permet-elle de renégocier des modèles d’organisation du pluralisme et des modes d’intervention politique dans une société où l’espace public s’est historiquement structuré sur un mode institutionnel particulier, celui d’une « démocratie de mouvement » réfutant la légitimité des partis politiques [7] ?

La formation d’une sphère publique alternative

6L’apparition de l’ekimeeza est liée à une configuration politique inédite dans l’Ouganda mouvementiste. Le succès de l’émission a conduit à sa reproduction dans différentes radios de la capitale, ainsi que, dans une moindre mesure, dans le reste du pays. Il a également modifié profondément la composition sociale du public ainsi que la portée politique des débats.

La genèse de l’ekimeeza : un renouvellement des lignes de conflictualité politique

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« Ça a commencé avec les élections de 2001, c’est quand on a eu une campagne agitée, quand Kiiza Besigye est arrivé sur scène, et il a eu un nombre de partisans étonnamment important [8]. »

8C’est en pleine crise de légitimité du régime qu’apparaît l’ekimeeza. Le 30 octobre 2000, Kiiza Besigye annonce sa candidature à l’élection présidentielle de mars 2001. Depuis 1995, la critique du régime se faisait chaque jour plus explicite et la division du National Resistance Movement (NRM) plus profonde [9]. Freedom fighter, ancien médecin du président, ancien secrétaire général du NRM, plusieurs fois ministre, le colonel Besigye, en présentant sa candidature, provoque un séisme au sein du Mouvement et du champ politique ougandais. La campagne électorale divise le NRM et constitue pour la première fois un véritable enjeu pour Museveni. On voit disparaître un registre de conflictualité politique classique, entre le Mouvement d’une part, et les figures des anciens partis politiques, présentés comme des éléments extérieurs à un système national englobant, de l’autre. L’émergence d’une forte contestation interne et le resserrement du Mouvement autour d’une garde rapprochée met en évidence les limites du système mouvementiste, assimilé alors à un régime NRM. D’autant plus que Besigye ne rejette pas en bloc l’héritage du Mouvement : il reproche au NRM de s’être éloigné des bases et de ses idéaux.

9La particularité de l’ekimeeza est de ne pas être née de l’initiative de journalistes. À la fin de l’année 2000, quelques jours après l’annonce de Besigye, une dizaine d’amis prennent l’habitude de se retrouver chaque semaine dans un pub de Kampala pour commenter la campagne. Ce groupe est composé d’hommes quadragénaires appartenant à la classe moyenne supérieure (médecin, avocat, juriste, homme d’affaires), divisés sur le bien-fondé de la candidature Besigye. Au départ, les discussions tournent autour de l’évaluation des deux candidats [10]. Au fil du temps, le nombre de participants ne cesse d’augmenter. Persuadé de l’intérêt national des discussions, l’un des participants contacte Radio One afin de les diffuser, ce qui a pour effet d’augmenter considérablement le nombre de participants.

Une ekimeeza, des ebimeeza

10Aujourd’hui, sept ebimeeza[11] se tiennent régulièrement à Kampala. Le terme s’est généralisé pour désigner un format médiatique, celui d’un débat radiophonique interactif organisé dans un lieu public. L’ekimeeza de Radio One, qui a donné son nom à ces émissions, est la première à avoir été créée. Elle est l’une des plus importantes en termes de fréquentation – rassemblant jusqu’à 400 personnes, appelées « membres ». C’est aussi la seule à se tenir en anglais. Les autres émissions ont été lancées entre 2002 et 2006, encouragées par le succès de Radio One. Elles sont organisées en luganda. Deux d’entre elles, diffusées par des radios privées (Radio Simba, Akaboozi), rassemblent autour de 300 « membres » par semaine. Elles ont également lieu dans des pubs de quartiers populaires de Kampala (Kibuye et Nakulabye). Top Radio, Mama FM et Metro FM ont créé leurs ebimeeza plus récemment, entre 2004 et 2006. Elles ont pour cadre les locaux des différentes radios et ne réunissent qu’une trentaine d’habitués. La dernière, « Mambo Bado » (« Quoi de neuf ? » en swahili), est la plus fréquentée. Elle est produite par les Central Broadcasting Services (CBS), la radio du royaume du Buganda et se tient dans les jardins du Parlement du royaume. Les sept stations organisant ces débats font partie des plus écoutées de Kampala [12]. Elles émettent dans un rayon d’environ 70 kilomètres autour de la capitale.

11Des émissions reprenant le principe de l’ekimeeza (et présentées sous ce label) ont été créées en province, sans atteindre l’importance numérique et politique des ebimeeza de Kampala. Plusieurs fois par an, Radio Simba organise des ebimeeza en dehors de la capitale (comme à Busia, dans l’est du pays, au début de l’année 2008). D’autres talk-shows reprennent le même format participatif sans pour autant revendiquer le label. À Masaka, dans l’Ouest, Buddu FM a lancé en 2001 une émission participative et itinérante dans les villages de la région. L’émission « Kabake », enregistrée dans les camps de déplacés du nord du pays et sponsorisée par la Fondation Konrad Adenauer, est diffusée sur Mega FM, une radio gouvernementale basée à Gulu et mobilisée dans le cadre du processus de paix. Globalement, ces émissions sont rares en province. Si les stations de la capitale peuvent résister à l’hostilité du Conseil de la radiodiffusion – l’agence gouvernementale attribuant les fréquences sur la bande FM – à ce genre de format, cela est plus difficile pour les petites radios de province. De même, le coût de ces émissions explique qu’elles se cantonnent à la capitale : elles requièrent en effet la mobilisation d’un important matériel de diffusion et de personnel. Souvent dépendantes d’un sponsor, en général une ONG internationale, elles sont réticentes à aborder des sujets directement politiques et se cantonnent aux préoccupations de leur bailleur (souvent le sida et la santé publique).

La composition du public de l’ekimeeza

12En ce qui concerne Radio One, la diffusion radiophonique et le contexte des élections parlementaires de 2001 ont modifié la composition de son public : plus nombreux, plus jeune, comptant de plus en plus de partisans déclarés de l’un ou l’autre des candidats, voire des candidats aux élections locales et générales [13]. Le cercle s’ouvre à une population composée en grande partie d’étudiants, mais aussi d’employés, de petits fonctionnaires et d’instituteurs. Aujourd’hui, selon nos enquêtes [14], la majorité des participants (63 %) sont diplômés du supérieur (université, collège). La moyenne d’âge est de 32 ans. Les femmes sont ultra-minoritaires, ne dépassant jamais la demi-douzaine. Les origines ethniques sont extrêmement variées, avec une minorité de Baganda et une majorité d’Ougandais du Nord et de l’Est, reflétant une distorsion certaine par rapport à la région de Kampala [15]. Ainsi, des 112 personnes enquêtées, 34 sont originaires de l’Est (Teso, Japadhola, Karamojong, Gisu, Bagwere, Kumam, Samia), 26 du Nord (Acholi, Langi), 18 du Nord-Ouest (Alur, Madi, Jonam, Lugbara, Adala), 18 du Sud-Ouest (Banyankole, Banyoro, Bakiga, Bakonzo) et seulement 10 du Centre (Baganda, Basoga) [16]. Les Ougandais d’origine indienne sont totalement absents de ces débats. Cependant, d’autres minorités comme les Ougandais d’origine rwandaise sont présents en petit nombre dans les ebimeeza en luganda. L’entrée à l’ekimeeza est libre et gratuite, mais l’usage de l’anglais, les règles de prise de parole, la proportion importante de diplômés et le coût des transports urbains sont des facteurs de dissuasion sociale.

13L’investissement de l’espace par des candidats aux élections et la diffusion des discussions à la radio ont bouleversé le statut de l’ekimeeza, qui a alors pénétré le champ politique, symbolisant la structuration d’un canal de jugement politique populaire alternatif à l’État. La pratique originelle, incarnant l’existence d’un espace privé du jugement populaire par rapport aux instances participatives mises en place par le pouvoir (RC, LC), est devenue une affaire publique [17]. Dans ce processus, la candidature Besigye représente une brèche qui a accompagné la constitution d’un modèle crédible de sphère publique alternative au Mouvement. En effet, si les médias privés et les candidats « multipartistes » incarnent déjà une sphère publique alternative, les ebimeeza ont la particularité, tout comme la candidature de Besigye, de jouer sur les mêmes répertoires de légitimation que le NRM. De ce fait, elles ont un statut ambigu par rapport au système du Mouvement : elles sont en soi une mise en valeur de son échec à capter la prise de parole populaire, tout en légitimant le modèle de la démocratie participative (grassroots democracy) sur lequel s’appuie le régime.

La mise en concurrence de modèles de démocratie

14Le modèle démocratique mis en scène dans l’ekimeeza reflète les relations entre le gouvernement et les médias. Il est également influencé par les règles de procédure parlementaire.

L’influence du champ médiatique sur le règlement de l’ekimeeza

15L’ekimeeza de Radio One est sponsorisée par une marque de bière qui diffuse des spots publicitaires pendant l’émission. Le bar où elle se tient appartient à l’un de ses fondateurs. Ce modèle économique assure une certaine indépendance aux organisateurs dans la menée des débats. L’émission a par ailleurs la particularité de tenir les journalistes à l’écart, contrairement aux autres ebimeeza, modérées par des professionnels. À Radio One, la discussion est généralement animée par l’un des membres de l’ekimeeza, juriste dans une société privée. Sur place, la journaliste qui produit l’émission ne s’occupe que des aspects logistiques.

16Cependant, cette autonomie des participants est contrebalancée par le contrôle, en amont, de la rédaction de Radio One sur les sujets à traiter, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la définition des règles à suivre. La mise en place de ces règles fut concomitante aux débuts de la diffusion radiophonique de ces débats, afin de faire face à l’afflux de participants, mais aussi par souci de conformité avec la législation en vigueur sur les médias. Rassemblées dans un code écrit, elles ont été définies par les fondateurs et des journalistes de Radio One à partir de règles de déontologie médiatique et de la législation ougandaise sur la communication. Ainsi, l’émission doit « fournir une atmosphère informelle, commode et facile d’accès pour les Participants [avec une majuscule dans le texte] afin que ceux-ci diffusent leurs points de vue dans une atmosphère polie [civil], non combative et non confrontationnelle ». Il est précisé, en lettres capitales, que « l’ekimeeza est un forum dédié à la discussion de sujets et de politiques, pas [en gras dans le texte] de personnes individuelles ou de personnalités ». Il est ensuite rappelé, toujours en lettres capitales, que l’ekimeeza « est sujette aux lois ougandaises sur la calomnie et la diffamation ».

17L’influence du champ journalistique sur les discours profanes prononcés dans l’émission est double. Ce sont d’abord les représentations médiatiques de la qualité d’un discours et les exigences éditoriales de la station qui jouent : les discours et les émissions sont jugés en fonction du contenu des interventions. C’est la connaissance savante du politique qui est valorisée par les journalistes et qui décidera, au sein du champ, de la qualité d’une émission. Par ailleurs, on le voit dans le code, les discours prononcés par les profanes à l’ekimeeza sont soumis au même régime pénal et civil que ceux des journalistes, et notamment aux lois condamnant la sédition et la diffamation. Ces dispositions encadrent fortement les prises de parole profanes, dévalorisant par exemple toute critique directe de la personne du Président (ce qui peut tomber sous la définition du crime de sédition).

L’influence du modèle parlementaire

18Dans les trois ebimeeza les plus fréquentées de Kampala (Ekimeeza, Mambo Bado et Simbawo Akatii), il est frappant de constater la reprise de vocabulaire et de procédures hérités du parlementarisme britannique, déjà présents dans les Conseils de résistance [18], et qui caractérisent l’organisation du Parlement ougandais. L’attribution de titres (« Honorable », « Member », « Mr Chairman » ou « Mr Speaker », etc.), le code de conduite, la distribution sur papier du sujet, la possibilité de sanctions en cas de désordre, la tenue d’archives (qui rassemblent la liste des participants et les sujets), l’interdiction de lire le journal ou de discuter pendant les échanges témoignent de la reprise des règles de procédure du Parlement [19].

19Dans ces trois ebimeeza, l’autorité est conférée à un comité (committee) rassemblant, selon les époques et les émissions, de trois à dix personnes. Dans l’ekimeeza de Radio One, il est composé de personnes appelées les « historiques [20] » – les premiers participants –, et de volontaires particulièrement assidus. Parmi ses membres, le chairman a un pouvoir discrétionnaire. Il peut modifier l’ordre de passage et le temps de parole, couper un orateur, exclure un participant, coller une amende de 5 000 shillings (2 euros) en cas d’interruption ou de chahut. Il fait le lien avec la rédaction de la chaîne. Cette suprématie de l’animateur des débats, la présence d’un comité chargé de superviser le respect des règles rappellent encore une fois le schéma parlementaire, dans lequel le speaker détient une autorité absolue sur les membres du Parlement, et dont le travail et le respect de la discipline sont organisés sous forme de comités. Cependant, l’exemple le plus frappant de cette reproduction des codes parlementaires se trouve dans l’ekimeeza de CBS, Mambo Bado. On y observe en effet un système de « maisons » (houses), désignant des groupes assis d’un même côté du speaker et évoquant le schéma des caucus ou des comités. Ainsi, les participants se rassemblent en groupes pour désigner en leur sein les orateurs qui interviendront lors du débat.

20Cette institutionnalisation participe d’une volonté de légitimation et de crédibilisation de l’espace de discussion que représente l’ekimeeza[21]. Elle reflète les précautions prises par rapport au pouvoir, puisqu’elle permet l’existence de représentants identifiables, en mesure d’émettre un discours unique en cas de litige. Tout comme le conformisme par rapport à la législation encadrant les médias, l’institutionnalisation par un mimétisme avec l’État prévient les attaques du régime via l’adoption de ses régimes procéduraux et légaux.

La définition d’un équilibre politique

21La « représentativité » des orateurs est l’une des principales préoccupations des organisateurs [22]. À Radio One, avant le début de l’émission, les personnes qui souhaitent prendre la parole viennent s’inscrire sur une feuille de papier, dans des colonnes « pour » ou « contre » – qui ont rapidement été assimilées à des colonnes « pour » ou « contre » le gouvernement, malgré les tentatives de certains organisateurs de décourager cette lecture :

22

« C’est un phénomène nouveau. Nous pratiquons cela maintenant, mais personnellement, je veux le décourager. Parce que ça polarise la discussion. Les gens vont commencer à s’identifier : je suis ci, je suis ça… Je ne veux pas que les gens nous disent à quoi ils appartiennent. Je veux seulement leurs points de vue… Mais oui, oui, ils les catégorisent, ils disent, “opposition”, “mouvement”. Je dis non : “pour le sujet”, “contre le sujet”. Je ne veux pas politiser tous les sujets [23]. »

23Cette volonté de ne pas diviser les débats sous la forme partisane provient d’un attachement au système mouvementiste du mérite mais aussi de l’idée courante dans les milieux de l’aide internationale, et présente chez certains journalistes africains, selon laquelle la rivalité partisane est nuisible à la conduite d’un débat utile au développement. Aujourd’hui cependant, cette tendance à l’affichage partisan n’a fait que s’accroître. La plupart des participants prennent la parole « en tant que partisan du NRM », ou « au nom du FDC [Forum for Democratic Change] », etc. Une fois toutes les personnes intéressées inscrites, le coordinateur établit l’ordre de passage et alterne les appartenances partisanes d’un orateur à l’autre. De manière générale, le modèle de démocratie mis en scène dans les ebimeeza est donc oppositionnel, contrairement aux RC, qui développaient un modèle de démocratie consensuelle [24].

24Cet imaginaire de la représentativité ou de l’équilibre sur le registre d’une binarité opposition/gouvernement est influencé, de la même manière que le code de l’ekimeeza, par les règles parlementaires et médiatiques. Dans les rédactions, les sujets des débats sont choisis pour leur potentiel de controverse, leur capacité à susciter des prises de position du type « pour » ou « contre » le gouvernement, ce qui est perçu comme étant le plus vendeur en termes d’audience. Par ailleurs, certains codes journalistiques de l’objectivité et de l’équilibre reposent sur la juxtaposition des voix, censée mettre en scène une absence de parti pris [25]. Au fondement de la crédibilité des médias, ces codes diffèrent de ceux de l’équilibre mouvementiste, reposant sur l’individu, et projettent un espace politique différent de l’espace institutionnel pré-2005.

25On assiste à une mise en abîme déformée de l’espace politique via la projection d’une égalité des forces illusoire entre deux blocs, opposition et gouvernement, alors même que le NRM est ultra-dominant dans les Parlements successifs depuis 1986 (on aurait pu imaginer une dose de proportionnelle dans les ebimeeza). Il est également intéressant de remarquer que, suivant la topographie parlementaire britannique, les différents partis d’opposition sont rassemblés sous un label unique, donnant l’illusion d’un bloc uni face au gouvernement. Cette unification témoigne de la reproduction des règles du débat parlementaire et d’un schéma normatif critique du morcellement de l’opposition. Cette binarité fait ressortir le caractère partisan (et non systémique) du NRM, en lui offrant un statut relatif, égal à celui d’une opposition extérieure.

26L’application de la règle de la binarité gouvernement/opposition permet à cette dernière de gagner en visibilité, puisqu’elle bénéficie du même temps de parole que le Mouvement. Si les partis d’opposition étaient déjà présents dans la sphère publique nationale grâce à la presse privée [26], le format de l’ekimeeza en fait une ressource particulièrement intéressante. En effet, ces espaces sont perçus comme alternatifs au mouvementisme tout en jouant sur des registres similaires de légitimation politique. Investir les ebimeeza permet en effet aux partis d’opposition d’essayer de concurrencer le NRM sur le registre de la valorisation politique de l’expression populaire.

27Giovanni Carbone décrit la manière dont l’un des principaux partis d’opposition, le Democratic Party, a tenté de multiplier avant 2005 « [les] contacts furtifs et individuels et l’utilisation de n’importe quelle occasion sociale […] comme une opportunité de rencontrer des membres et des partisans [27] ». En ce sens, l’ekimeeza est aussi une occasion de se rencontrer, d’être en contact avec des citoyens et de contourner les restrictions imposées par le pouvoir sur les activités de mobilisation.

28Selon Nelson Kasfir, « le NRM a permis une forme de compétition partisane de facto, même si elle n’est pas reconnue, qui est devenue la véritable pratique de la démocratie ougandaise [28] ». Jusqu’à 2005, les ebimeeza ont participé de ce fait accompli. Elles sont un vecteur de promotion de représentations multipartistes et d’une exigence d’équilibre binaire dans les représentations de la légitimité politique. Elles relèvent d’une réinvention des imaginaires du multipartisme en vigueur avant l’instauration du système du Mouvement.

Des investissements idéologiques concurrents

29Les ebimeeza sont investies par des acteurs aux sensibilités politiques opposées qui les réintègrent dans des systèmes de sens différenciés [29], ce qui vient alimenter une concurrence symbolique autour du format. Pour certains participants, réclamant le rétablissement du multipartisme, ces émissions répondent à un projet politique normatif :

30

« [Les participants] avaient un code parce qu’ils voulaient opérer comme un Parlement devait le faire. […] Un vrai Parlement, où différents points de vue sont respectés, tolérés. […] L’ekimeeza, c’est comme créer un idéal. C’est comme avoir un projet pilote. Quand vous dites : “Qu’est-ce qui se passerait si l’espace politique était ouvert en Ouganda ?” Les choses qui ressortent à l’ekimeeza sortiraient. […] Je vois l’ekimeeza presque comme un pilote. Un pilote pour ouvrir l’espace politique [30]. »

31L’ekimeeza est donc associée au modèle parlementaire. Elle est d’ailleurs surnommée le « Parlement du peuple » et la comparaison avec le Parlement est récurrente dans les discours des participants. Pour d’autres, sympathisants du NRM, le phénomène est le résultat de la politique du Mouvement et notamment du rétablissement de la liberté d’expression par le régime. Dans une autre optique, certains journalistes de CBS présentent les ebimeeza comme la poursuite d’une « tradition » ganda, alors que d’autres les assimilent aux clubs de la Révolution française, signe d’extraversion culturelle et d’une volonté de souligner la nature élitiste des discussions. Certains journalistes, issus des médias privés, mettent l’accent sur des pratiques de diffusion clandestine de l’information sous Idi Amin, « Radio Katwe », « radiotrottoir » baptisée du nom d’un quartier ouvrier de Kampala, déniant de ce fait la paternité de ces pratiques participatives au NRM [31]. Les participants associent aussi les ebimeeza aux clubs de débat, très populaires dans les écoles ougandaises, mettant l’accent sur le caractère intellectuel de la pratique.

32Selon Erik Neveu, les émissions interactives s’inscrivent dans la mise en place d’un « mythe de la société de communication », promesse « d’actualisation de la démocratie » et d’une participation politique renouvelée [32]. Les discours des différents acteurs de l’ekimeeza sur ses supposées vertus démocratiques relèvent le plus souvent de ce type de registre, qui met en valeur l’idée que ce sont les médias, et la radio en particulier (plutôt que les conseils locaux ou le vote), qui permettraient aux citoyens d’avoir une influence sur le processus de prise de décision :

33

« Si [les leaders] ignorent ce que disent les gens c’est à leurs risques et périls. […] Ils doivent faire attention aux talk-shows parce qu’ils représentent l’opinion publique. Parce qu’à la fin, les politiciens sont dans leur bureau grâce au public. […] Il y a eu des cas où nous avons eu de l’influence sur la politique. Le gouvernement veut favoriser les sciences par rapport à la littérature [dans les programmes scolaires]. Mais nos protestations l’ont poussé à écrire un document correct et à l’amener au Parlement [33]. »

La réaction du pouvoir à la mise en place d’espaces alternatifs de prise de parole

34Au cours des huit années d’existence des ebimeeza, en fonction des configurations politiques et des acteurs en présence, on a assisté au déploiement de discours et de stratégies variées de la part du pouvoir face à ces espaces de délibération.

La crise de 2002 et la répression

35Construire des espaces se revendiquant plus représentatifs que le Parlement, des arènes de doléances alternatives aux conseils locaux, reprendre des promesses de démocratie sur des registres similaires à ceux du Mouvement revenaient à dénier son efficacité ou sa légitimité au système. Avec la multiplication des talk-shows, les journalistes contestent le monopole de la légitimité populaire et contrent le Mouvement sur son propre terrain. Face à cette menace, le gouvernement a réagi de façons diverses. En 2002, au moment de l’apparition des émissions en luganda, qui deviennent des plateformes pour les revendications du royaume du Buganda contre le gouvernement central, il change d’attitude et s’attaque directement aux ebimeeza. Si l’ekimeeza en anglais, considérée comme élitiste, avait jusque-là été épargnée, la répression de 2002 l’a également touchée. Cette crise permet d’analyser les différents répertoires utilisés par le régime pour discréditer les ebimeeza, voire les supprimer [34].

36En décembre 2002, le ministre de l’Information, Basoga Nsadhu, annonce lors d’une conférence de presse que ces émissions sont illégales et qu’il compte interdire leur diffusion sous peine du retrait de leur licence aux radios concernées. Aux arguments techniques a succédé l’assimilation des ebimeeza à des rassemblements de l’opposition (interdits avant la réforme de 2005). Le ministre accuse ensuite les ebimeeza d’encourager le tribalisme, la sédition, le terrorisme… Il tente enfin de les discréditer en évoquant l’ivresse des participants, le manque d’argumentation dans les opinions émises. Les participants sont qualifiés de personnes « oisives », « sans emploi » et « non éduquées [35] ». Davantage que les discours critiques, c’est le type d’espace dans lequel les prises de parole ont lieu (trois pubs de Kampala, au statut ambigu puisque ce sont des lieux privés mais ouverts au public) qui est invoqué [36]. Selon le gouvernement, un débat politique doit se tenir dans un espace approprié, notamment au sein des espaces étatiques dédiés à cet effet, le Parlement ou les LC.

37Ces tentatives de décrédibilisation de la parole populaire ont créé un paradoxe périlleux pour le régime, dont le système de légitimation repose en grande partie sur l’invocation du soutien des populations modestes. L’interdiction a suscité une mobilisation forte – la création d’un groupe de défense, une pétition, et des prises de position de différents hommes politiques, y compris du NRM, révélant un désaccord au sein du Mouvement, voire du gouvernement. L’ekimeeza de Radio One a continué à diffuser les débats malgré la pression. La crise s’est dénouée quand Museveni a affirmé dans un talk-show, au début de l’année 2003, qu’il n’était « pas au courant » de l’interdiction. Le ministre de l’Information s’est alors retrouvé isolé. Un changement à la tête du ministère, en mai 2003, à la suite du décès de M. Nsaduh, a achevé de clore la crise, même si la polémique resurgit au rythme de l’actualité politique. Si le gouvernement a reculé, les ebimeeza en luganda ne s’en sont pas sorties indemnes. Simbawo Akatii, qui avait lieu dans le New Life Bar, un pub du quartier populaire de Nakulabye, a dû se délocaliser pour un temps dans les jardins de la radio, en dehors du centre-ville, perdant de ce fait une grande partie de son public. Mambo Bado, qui se tenait dans le bar du même nom, à Mengo, dans le quartier rassemblant les structures administratives du Royaume, s’est également rabattu sur les jardins du Parlement du Buganda, où se trouve le siège de CBS. Cette délocalisation des deux ebimeeza en luganda a eu pour effet de les réintégrer dans l’espace privé des radios qui les organisent [37]. Cette menace a également poussé Radio Simba et CBS à formaliser des règlementations des débats et à créer des comités en charge de la discipline.

L’investissement mouvementiste des ebimeeza

38La mobilisation de l’opposition, des médias et des défenseurs des droits de l’homme, mais surtout les prises de position d’importants cadres du Mouvement et de plusieurs parlementaires ont rendu l’interdiction des ebimeeza particulièrement difficile politiquement. L’aile dure du gouvernement et les discours hostiles ont donc cédé la place à un autre type d’acteurs et à une stratégie d’investissement et d’intégration symbolique de ces espaces dans le système de consultation du Mouvement.

39Cette stratégie a participé d’un renouvellement des registres de légitimation du régime. Elle est liée au discours du NRM sur les médias et sur la liberté d’expression en général. Même si « le NRM ne peut être crédité d’avoir établi la liberté de la presse en Ouganda [38] », la liberté offerte aux médias et aux talk-shows en particulier sert à légitimer le contrôle opéré sur les autres champs, notamment le champ des partis [39]. Les médias, et notamment les talk-shows interactifs, sont souvent présentés par des cadres mouvementistes comme les premiers garants d’accountability, avant même le système des LC. Selon l’un d’eux,

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« […] l’opposition se contredit quand ils disent que l’espace politique n’est pas ouvert alors qu’en fait ils ont tous les forums qu’ils veulent pour influencer les votants. Je ne pense pas qu’il y ait des canaux plus démocratiques que tous ces talk-shows. […] Vous pourriez faire un rassemblement d’un million de personnes. Mais avec une radio, vous atteignez autant de gens que cela est possible [40]. »

41Après la baisse de fréquentation des LC, les ebimeeza ont renouvelé le discours autour de la prise de parole populaire et de la responsabilité des dirigeants devant les dirigés.

42Au-delà de la rhétorique, la tentative d’assimilation s’est notamment traduite par une hausse de la fréquentation mouvementiste de ces espaces. Les partisans du NRM ont participé aux ebimeeza dès leur création et les principaux membres fondateurs de l’ekimeeza de Radio One étaient et sont pour la plupart restés partisans du système du Mouvement. Cependant, après l’échec de la tentative d’interdiction au début de l’année 2003, on a assisté à une amorce d’investissement plus systématique, organisé notamment par la Ligue de la jeunesse du NRM. Museveni s’est lui-même rendu à Mambo Bado et on a assisté aux premiers recrutements par le gouvernement d’orateurs issus des ebimeeza, notamment au sein du département de la recherche de la présidence.

43Depuis les débuts de la diffusion radiophonique des débats, des élus de l’opposition comme du gouvernement fréquentent les ebimeeza de manière assidue, en tant qu’invité ou simple participant, pour prendre la parole, faire campagne mais aussi rencontrer les citoyens hors antenne. On a vu combien ces espaces étaient utiles à l’opposition avant le rétablissement du multipartisme. Cependant, certains politiciens, de toutes les sensibilités, vont plus loin et « sponsorisent » des participants sur leurs propres fonds en leur remboursant leurs frais de transport ou en leur offrant une gratification oscillant autour de 10 000 shillings (4 euros).

44La véritable réplique à la domination numérique des ebimeeza par les partisans de l’opposition et les jeunes royalistes baganda a cependant été lancée en 2005, au moment du passage au multipartisme et avec la campagne électorale de 2006, dans un contexte de répression contre les médias et de hausse des tensions entre le gouvernement central et le royaume. On a en effet assisté à la mobilisation de moyens à la fois financiers et humains, destinés à assurer une visibilité politique du NRM d’une part, et du gouvernement de l’autre, au sein de ces assemblées. Le Media Centre, cellule de communication du gouvernement créée pendant la campagne électorale de 2005-2006 et directement placée sous l’autorité de la présidence, a pris un rôle central dans cette opération de mobilisation, organisant chaque semaine des réunions de formation sur les politiques gouvernementales destinées aux participants aux ebimeeza. Certains militants du NRM se sont regroupés en différentes associations plus ou moins rivales. La plus importante est le NRM Media Mobilizers Forum, qui a reçu un soutien financier de la présidence, destiné notamment à offrir à ses membres une compensation financière (autour de 5 000 shillings, soit 2 euros) pour les frais de transport.

45Malgré cette mobilisation, l’hypothèse d’un quelconque effet des ebimeeza sur l’ordre du jour politique est difficile à vérifier et à prendre avec précaution. Comparant les agendas médiatiques et politiques, Peter Mwesige a montré que si le personnel politique fréquente les talk-shows avec assiduité, ces émissions n’ont qu’un effet marginal sur les priorités nationales, venant contrer l’idée d’une intégration effective des ebimeeza dans un système de consultation [41].

Une citoyenneté inclusive et compétitive

46Selon le code de l’ekimeeza de Radio One, « tous les membres de la société civile » peuvent prendre part aux discussions. L’encadrement de ce droit à la prise de parole, reflétant des dynamiques sociales et politiques, participe de la délimitation de cette « société civile » et nous renseigne sur les représentations de la citoyenneté dans l’Ouganda contemporain.

La portée de l’usage de l’anglais

47L’ekimeeza définit un espace politique ouvert ethniquement mais basé sur un modèle oligarchique, faisant de la connaissance savante du politique une condition à la participation politique, malgré un discours public de promotion de la démocratie participative populaire. Cette double dimension, ouverture ethnique/modèle oligarchique, est contenue dans le fait que l’émission se tient en anglais. L’anglais permet en effet d’intégrer les populations non lugandophones, et notamment les Acholis, les West-Nilers et les Ougandais de l’Est, qui représentent la majorité des participants et qui sont moins visibles que d’autres communautés au sein de la vie politique. L’usage de l’anglais est invoqué parmi les participants comme une preuve de la dimension nationale et, par là, de la représentativité des débats. Il permet par ailleurs une expérience commune de la communauté nationale nécessaire à son imagination, selon le processus que décrit Benedict Anderson [42].

48L’invocation de la nationalité ougandaise est le registre le plus visible d’expression de son droit à prendre la parole dans l’ekimeeza de Radio One. À l’encontre des évolutions analysées en Afrique et ailleurs par Bayart, Geschiere et Nyamnjoh [43], et des registres autochtonistes observables dans la région centrale en particulier depuis l’exacerbation des tensions entre le gouvernement central et le royaume du Buganda, les participants à l’ekimeeza en anglais prônent une égalité dans les prises de parole entre les différents groupes ethniques. Pour certains participants qui se trouvent aux marges de la citoyenneté ougandaise, dans le sens de la participation au débat national (Banyarwanda, Acholi, Ougandais de la diaspora), et dont certains n’ont pas accès au vote [44], l’ekimeeza représente l’occasion de prouver une valeur intellectuelle et une intégration de leur communauté dans la vie politique nationale. Cette démarche inclusive se traduit par une ignorance volontaire de l’identité ethnique ou religieuse dans la construction de la représentativité de l’assemblée (contrairement au genre) plutôt que par un travail d’équilibrage [45]. Ce rejet des registres de l’ethnicité rejoint le langage du pouvoir – qui a tenté de décrédibiliser les ebimeeza en les accusant d’incitation à la haine tribale – et permet de se protéger des attaques du régime. La situation est différente dans les ebimeeza en luganda. Depuis 2007, les tensions croissantes entre le gouvernement et le Buganda ont réactualisé les invocations d’un droit à la terre exclusif dans la région centrale, invocations qui se sont parfois traduites par des débats autour du droit à prendre la parole ou non dans les ebimeeza[46].

49L’anglais est également invoqué comme un gage de qualité des débats. Il est associé à la vie intellectuelle et parlementaire. Au sein des règles de l’ekimeeza, et en partie du fait de l’influence des codes médiatiques et de la peur de la répression, l’usage des registres du témoignage ou de l’émotion est vivement rejeté. Les participants doivent émettre un discours qui relève de l’argumentation politique, monter en généralité et donner des preuves de ce qu’ils avancent, en faisant de l’ekimeeza un lieu particulièrement exigeant en termes de connaissance savante du politique [47]. En relation à cela, les participants émettent des discours dépréciatifs sur l’usage des langues vernaculaires, associé au manque d’argumentation et à l’émotion, et valorisent la barrière sociale que représente l’usage de l’anglais.

Un droit à la parole basé sur la compétence

50À l’encontre de l’idée d’un espace public ouvert à tous, les ebimeeza reflètent donc des inégalités quant à l’accès au politique. L’usage de la parole et de la critique est réparti de manière inégale. Ces inégalités se traduisent au niveau de la topographie des débats. Au sein de la petite assemblée, on observe l’existence de deux cercles concentriques. D’abord un cercle central rassemblant les habitués, dont certains prennent la parole toutes les semaines, puis un deuxième cercle d’un public plus passif, même si certains sont présents tous les samedis. Parmi ces derniers, certains n’ont jamais pris la parole.

51On remarque tout de même une certaine mobilité au sein de cet espace, même si elle s’opère sur une temporalité longue. Certains des habitués ont passé plusieurs années dans le « deuxième cercle » avant d’oser prendre la parole, décrivant un processus d’accumulation de connaissances et de maîtrise des techniques oratoires préalable à la première expérience de contribution à l’ekimeeza. Un capital scolaire élevé, la volonté d’entamer une carrière politique, une candidature à des élections à l’Université, une expérience préalable de prise de parole en public (club de débat à l’école, Église, conseils locaux, parti), la défense d’une cause particulière, le versement d’un per diem par un mentor, font partie des caractéristiques des membres les plus actifs.

52Le sentiment d’illégitimité de certains membres du « deuxième cercle » à participer aux débats est encouragé par les pratiques du chairman et l’influence des représentations journalistiques sur l’évaluation de la qualité d’une prise de parole. En effet, le chairman aura tendance à favoriser les orateurs dont il connaît déjà le succès auprès du public et, de ce fait, à encourager un phénomène de verrouillage de la participation [48]. Cependant, la pression la plus forte vient sans doute du public lui-même. Le type d’humour employé est sans doute le phénomène le plus révélateur de la mise en valeur d’un droit à la parole basé sur la compétence, les plaisanteries ayant le plus de succès reposant le plus souvent sur le mauvais niveau d’anglais de tel orateur, son bas niveau d’étude, le manque de pertinence de ses raisonnements, etc. Ainsi, lors d’une ekimeeza, un orateur faisant une faute d’anglais se verra lancer d’une voix forte par un membre de l’assistance : « C’est de l’anglais UPE [Universal Primary Education, formation de base, donc mauvais anglais] ! », déclenchant des rires francs au sein du public [49]. Émise au moment où l’on déplore la mauvaise qualité de l’éducation primaire, mise sur le dos de sa démocratisation, cette remarque met aussi en valeur le fait que cet orateur n’est pas diplômé du supérieur. L’attribution de titres de « docteur » à certains hommes politiques dénote, quoique de manière ironique, une déférence à l’égard du titre universitaire et vient mettre en valeur le fait que l’homme politique en question ne possède pas ce diplôme [50]. Le public de l’ekimeeza peut déployer une certaine cruauté envers les orateurs les moins expérimentés, manifestée par des huées ou des moqueries.

53Une autre source d’inégalité se trouve dans le rapport à la répression. Certains orateurs choisiront avec soin le type de sujets sur lesquels ils interviennent, par peur de perdre leur emploi ou parce qu’ils occupent des responsabilités publiques (notamment dans des associations de professionnels ou des groupes caritatifs). Par crainte d’être associé à un camp ou à l’autre, ils préféreront des débats moins sujets à polémique, comme le sport, les mœurs, etc. Un sentiment de sécurité est observable chez les participants les plus proches des élites politiques (élus et dirigeants de partis, NRM ou opposition), favorisant une fois de plus un verrouillage des débats par les orateurs les plus intégrés dans le champ politique.

54Ce critère de la compétence est, dans une certaine mesure, également appliqué aux dirigeants. La plupart des participants voient les ebimeeza comme des outils d’évaluation des responsables politiques. Le leader légitime doit avoir le courage de répondre de ses actes devant l’opinion publique figurée par l’ekimeeza et celui qui fait faux bond à une invitation est considéré comme un « trouillard ». Au sein de l’assemblée, élus et responsables politiques se voient accorder une position particulière : parfois invitées par la rédaction, parfois présentes de leur propre initiative, ces personnes mettent en valeur leur rang par leur mise vestimentaire (le port de la cravate étant un signe important de distinction) et en venant s’asseoir au centre du cercle. Ce rang est justifié par les participants par le statut d’élu. Cependant, les prises de parole de ces acteurs s’opèrent dans des conditions similaires à celles des citoyens ordinaires. Si leur temps de parole est légèrement plus long (trois minutes pour les citoyens, cinq pour les invités), ils n’ont le droit d’intervenir qu’une seule fois, et de la même tribune, contrairement au schéma classique des émissions interactives où les politiciens professionnels ont un droit de suite [51]. Les citoyens ne posent pas des questions aux élus présents. Dans les deux cas, on assiste au déploiement d’un argumentaire politique défendant une opinion, le temps de parole étant bien souvent la seule manière de distinguer un citoyen d’un responsable politique. Les critères de jugement d’une intervention sont les mêmes pour les deux catégories. L’ekimeeza participe de ce fait d’une relative désacralisation de la parole des dirigeants, tout en promouvant un modèle élitiste d’intervention politique.

La professionnalisation de certains participants

55Une minorité de participants, en particulier des étudiants de la faculté des sciences sociales de l’université de Makerere, ont pour objectif d’améliorer leurs capacités d’orateur et de se construire une notoriété publique, dans l’idée d’entamer une carrière politique. Un certain nombre de candidats aux élections de l’association des étudiants de Makerere (Guilde) fréquentent les ebimeeza de manière assidue, projetant les enjeux politiques étudiants en dehors du campus.

56

« Ici vous apprenez beaucoup, grâce aux leaders qui viennent, vous échangez avec eux, vous faites une connexion. Ensuite quand vous cherchez un poste dans votre zone d’origine, ça devient plus facile [52]. »

57L’ekimeeza est un lieu où l’on vient se faire repérer, recruter et où il est possible de fréquenter les puissants et de cultiver des relations. Certains participants, qui comptent en général une expérience politique ou associative préalable, ont ainsi décroché des missions de mobilisation locale, rémunérées en per diem :

58

« La plupart du temps, depuis que je viens ici, des députés, pendant la période électorale, demandent aux gens de faire campagne pour eux. [question de FBF : quels politiciens ?] J’ai été à Masaka, et j’ai été à Gulu… [question de FBF : pour qui ?] Pour l’un des députés… À Gulu, c’était pour la municipalité. Nous devions prendre en charge une équipe de jeunes, parce qu’on avait été impliqués dans la politique à l’Université alors nous nous connaissions. Il y avait le député pour les jeunes à Gulu, nous avons aussi fait sa campagne. J’étais à Arua pour la campagne d’un des députés [53]. »

59Ces personnes deviennent de véritables professionnels du discours public, que ce soit en termes d’acquisition de connaissances ou du fait qu’elles tirent une partie de leurs revenus de cette activité. Ces émissions sont des aubaines pour des acteurs en mal de carrière politique, car elles permettent de contourner le handicap du manque de connexions intimes aux élites sociales et politiques et représentent un mode d’inscription dans la sphère publique et sociale pour de jeunes intellectuels qui occupent souvent des emplois ne correspondant pas à leur qualification.

60Cette dynamique est entretenue par des modèles de réussite : certains participants ont en effet accédé à des responsabilités politiques ou administratives après s’être fait remarquer dans un talk-show. Les recrutements s’opèrent en majorité à l’intérieur de chaque camp, même si des phénomènes de « floor crossing » ont été constatés. Selon ces personnes, l’expérience du talk-show a permis d’accélérer leur carrière politique. Ces recrutements permettent aux partis (majoritairement le NRM, qui dispose de davantage de ressources) de fidéliser des personnes connues et aux compétences oratoires certaines. Parmi ces figures de la réussite, on peut citer Lydia Wanyoto-Mutende, membre de l’Assemblée législative de la Communauté est-africaine, Moses Byaruhanga, conseiller politique du chef de l’État, Tamale Mirundi, attaché de presse à la présidence, Fred Bamwine, chef d’une circonscription administrative à Kampala, Hussein Kashillingi, assistant du Président pour les Affaires légales et Frank Tumwebaze, assistant spécial du Président pour la Recherche. Ce dernier, ancien membre du conseil de l’ekimeeza, diplômé de l’Université, militant du NRM, fonctionnaire, décrit le processus qui l’a conduit de la radio à la présidence :

61

« Ce n’est pas étonnant que le Président m’ait nommé […]. C’est en réalité via les talk-shows, via mes lettres dans les journaux, mes articles, que j’ai été identifié ! Le Président me connaît, il m’a entendu très bien défendre son parti et le système politique dans les médias. C’est un des moyens pour identifier les gens talentueux. […] J’ai commencé à être actif quand j’étais à l’Université. […] Ensuite, j’ai trouvé du travail au service des Impôts. Je suis venu à Kampala. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à Radio One. À l’ekimeeza. On a eu la campagne électorale [de 2001], j’étais très actif, et en particulier dans les médias, j’écrivais. Je me souviens de mon premier rendez-vous avec le Président. C’était grâce à un article que j’avais écrit dans le journal. Il a lu mon article et a été intéressé. Il a senti qu’il pouvait me donner plus d’informations pour le rendre meilleur. Alors ils m’ont appelé. Ils m’ont emmené dans un de ses hélicoptères. Je l’ai rencontré dans un de ses ranchs à la campagne. Il m’a demandé : “Que fais-tu dans la vie ? Ca te dirait de travailler dans mon cabinet [54] ?” »

62Ce phénomène de recrutement a poussé à la cristallisation d’identités partisanes. Certains participants cherchent en effet à démontrer une loyauté partisane afin de favoriser leur repérage par les élites politiques. D’autres, cependant, restent « neutres », ou oscillent entre plusieurs partis, à la fois par attachement au système mouvementiste du mérite et par volonté de faire monter les enchères de la cooptation.

63Au moment où l’Ouganda emprunte le chemin multipartiste et cherche à réinventer les règles de sa compétition politique, les ebimeeza reflètent les processus de redéfinition de différents modèles de pluralisme et de légitimité à participer au débat national. Elles sont des lieux d’apprentissage du multipartisme, mais aussi de réinvention et de réinterprétation du modèle mouvementiste, certains y voyant une occasion de dépasser des lignes partisanes et d’évacuer le langage de l’ethnicité des identifications politiques. Hostiles au morcellement partisan de par le modèle de débat qu’elles mettent en scène, elles sont aussi le lieu de la fixation des identités partisanes dans la compétition politique, du fait des opportunités de mobilisation et d’emploi qu’elles offrent.

64Cette ambiguïté par rapport au modèle mouvementiste est également visible dans la valorisation politique de la parole profane dont les ebimeeza sont l’occasion. Cette emphase sur la participation populaire fait appel aux registres mouvementistes de légitimation, tout en ayant recours à un langage nouveau, celui de la société de communication. En réinterprétant les valeurs du Mouvement, les ebimeeza ont émancipé le potentiel légitimateur que constitue le recours au jugement public de l’appareil idéologique du NRM. Parce qu’elles ont su jouer sur ces registres, mais aussi grâce à un conformisme au cadre pénal et à un certain modèle d’équilibre politique, les ebimeeza représentent un outil critique solide et crédible face à un régime qui jouit encore d’un soutien populaire certain. Cependant, elles sont aussi l’occasion pour les partisans du Mouvement de donner une nouvelle jeunesse à des registres de légitimation usés par leur association à un régime vieillissant.

65Un troisième point de contact avec le système mouvementiste reste l’idée d’une légitimité à prendre la parole fondée sur la compétence et le mérite. Le modèle démocratique mis en scène par l’ekimeeza reprend en effet la même ambiguïté que le modèle promu par Museveni, basé sur un discours égalitariste mais favorisant le jeu des inégalités sociales, scolaires et financières entre les candidats. La réflexion sur cette ambiguïté et sur cette citoyenneté de la compétence est sans doute à replacer dans une perspective historique plus longue, celle de la légitimation d’une centralité politique basée sur l’accès au système éducatif et sur l’antagonisme politique observable dans l’histoire de l’Ouganda postcolonial entre les classes supérieures éduquées et les school drop outs[55] associés aux régimes autoritaires [56].

Notes

  • [1]
    En particulier dans des objectifs de résolution de conflit. Voir le projet de l’ONG américaine « Search for Common Ground, Radio for Peace Building in Africa » basé sur les talk-shows interactifs. Voir aussi S. Lefranc, « Pacifier scientifiquement », in C. Vidal, M. Le Pape et J. Siméant (dir.), Crises extrêmes, Paris, La Découverte, 2006, p. 238-254.
  • [2]
    R. Banégas, « Entre guerre et démocratie : l’évolution des imaginaires politiques en Ouganda », in D.-C. Martin (dir.), Nouveaux Langages du politique en Afrique orientale, Nairobi, Ifra, Paris, Karthala, 1998, p. 189.
  • [3]
    N. Kasfir, « Démocratie de “mouvement”, légitimité et pouvoir en Ouganda », Politique africaine, n° 75, octobre 1999, p. 20-42. En ligne
  • [4]
    Merci à M. Domergue de m’avoir soufflé cette expression.
  • [5]
    Voir les recommandations de B. Le Grignou, « Le rêve démocratique de la télévision : l’exemple des vox pop talk-shows », Cahiers politiques, n° 4, février 2000, p. 30-47.
  • [6]
    Voir D. Gaxie, Le Cens caché. Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Le Seuil, 1978, ainsi que L. Blondiaux, « Faut-il se débarrasser de la notion de compétence politique ? Retour critique sur un concept classique de science politique », Revue française de science politique, vol. 57, n° 6, déc. 2007, p. 759-774.
  • [7]
    Ce travail est basé sur trois enquêtes de terrain réalisées entre 2005 et 2008, au cours desquelles nous avons associé à l’observation approfondie des émissions des entretiens semi-directifs avec des journalistes, des cadres politiques et des participants.
  • [8]
    Entretien avec J. Wasula, fondateur et modérateur de l’ekimeeza, Kampala, 3 mai 2005.
  • [9]
    Pour une analyse détaillée de la fracture du Mouvement, voir S. Perrot, Le Processus de reconstruction d’un ordre politique dans l’Ouganda de Y. Museveni (1986-2001) : de la réversibilité du chaos ?, thèse de doctorat de science politique, Université Bordeaux-IV, 2003, p. 393-415.
  • [10]
    Entretien avec J. Wasula, Kampala, 3 mai 2005.
  • [11]
    Ebimeeza est le pluriel d’ekimeeza.
  • [12]
    Steadman Research Services, « Single source report. Radio media section. Kampala, Mukono, Luwero, Mpigi, Entebbe », novembre-décembre 2004.
  • [13]
    Entretien avec E. Kayondo, fondateur de l’ekimeeza, 6 août 2007.
  • [14]
    Les chiffres qui suivent sont issus de notre enquête par questionnaires menée de juillet à septembre 2008.
  • [15]
    Ces chiffres sont à manier avec précaution : selon nos observations, les proportions peuvent varier en fonction du sujet traité.
  • [16]
    L’un des répondants est kényan, cinq n’ont pas indiqué leur origine ethnique.
  • [17]
    Conformément à un processus que décrit J. Habermas pour la mise en place de la sphère publique bourgeoise, L’Espace public, Paris, Payot, 1993, p. 35.
  • [18]
    R. Banégas, « Entre guerre et démocratie… », art. cit., p. 212 et 215.
  • [19]
    « Rules of procedures of the Parliament in Uganda. Commencement 14th of June 2006 », Parliament of Uganda, Republic of Uganda, www.parliament.go.ug.
  • [20]
    Ce qui rappelle davantage l’organisation du NRM, au sein duquel les « historiques », les premiers militants, souvent anciens « freedom fighters », occupent une place particulière.
  • [21]
    J. Habermas, L’Espace public, op. cit., p. 79-80.
  • [22]
    Contrairement à d’autres émissions de ce genre, l’ekimeeza ne va pas jusqu’à « caster » ses participants ; voir D. Cardon, « Comment se faire entendre ? Les prises de parole des auditeurs de RTL », Politix, n° 31, 1995, p. 145-196. E. Darras, « Télévision et démocratisation. La télévision forum en France et aux États-Unis », in B. François et E. Neveu (dir.), Espaces publics mosaïques. Acteurs, arènes et rhétorique des débats publics contemporains, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 61-84. Pour un exemple en Afrique, voir F. Brisset-Foucault, « La campagne électorale à la télévision. Stratégies de communication et modèles de démocratie », Les Cahiers de l’IFRA, numéro spécial sur les élections kényanes, n° 37, avril-juin 2008, p. 247-291.
  • [23]
    Entretien avec J. Wasula, 3 mai 2005.
  • [24]
    R. Banégas, « Entre guerre et démocratie… », art. cit., p. 212.
  • [25]
    J. Le Bohec, Les Mythes professionnels des journalistes, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 231.
  • [26]
    Les partis politiques avaient le droit d’avoir des publications, de faire des déclarations à la presse et de tenir des conférences de presse.
  • [27]
    G. Carbone, « Political parties in ”no party” democracy. Hegemony and opposition under ”Movement democracy” in Uganda », Party Politics, vol. 9, n° 4, juillet 2003, p. 485-501.En ligne
  • [28]
    Cité par G. Carbone, « Political parties in ”no party” democracy… », art. cit.
  • [29]
    Conformément à ce qu’analyse, à propos des répertoires d’action, C. Tilly, La France conteste. De 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986, p. 549.
  • [30]
    Entretien avec le journaliste à l’initiative de la diffusion de l’ekimeeza sur Radio One, Kampala, 3 mai 2005.
  • [31]
    Entretien avec A. Mwenda, journaliste et présentateur de talk-show, Kampala, 19 avril 2005.
  • [32]
    E. Neveu, Une société de communication ?, Paris, Montchrestien, 2006, p. 54.
  • [33]
    Entretien avec J. Wasula, participant, Kampala, 23 avril 2005.
  • [34]
    Voir S. C. Kulubya, « Government cracks whip on bimeeza but there might be a light at the end of the tunnel ? », The Defender, vol. 8, n° 1, 2003, p. 13-16.
  • [35]
    Ibid.
  • [36]
    B. Mulumba, « Museveni cautions on bimeeza », The Monitor, 1er févier 2003.
  • [37]
    Cependant, en rapprochant Mambo Bado des institutions du royaume du Buganda, il a pris le risque de l’associer davantage aux revendications de ce dernier, ce qui s’est révélé dans les différents affrontements entre Museveni et le Kabaka qui ont rythmé 2007 et 2008.
  • [38]
    Z. Gariyo, The Media, Constitutionalism and Democracy in Uganda, working paper n° 32, CBR, Kampala, août 1993, p. 36. La liberté de la presse, selon l’auteur, résulte plutôt des luttes des journalistes. Les attaques contre les médias, qui se sont multipliées à partir de 2001, sont également là pour rappeler que le gouvernement se caractérise par une certaine frilosité à la critique médiatique.
  • [39]
    Selon une dialectique du contrôle et de l’autonomie déjà employée en Ouganda grâce aux RC et analysée dans le cas de la Tanzanie par D.-C. Martin, Tanzanie. L’invention d’une culture politique, Paris, Presses de la FNSP, Karthala, 1988, p. 74-76.
  • [40]
    Entretien avec F. Tumwebaze, conseiller du Président pour la recherche, Kampala, 5 mai 2005.
  • [41]
    P. Mwesige, « Can you hear me now ? » Radio Talk-Shows and Political Participation in Uganda, thèse de doctorat, Indiana University, School of Journalism, 2004.
  • [42]
    B. Anderson, L’Imaginaire national. Réflexions sur l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 2002, p. 138.
  • [43]
    J.-F. Bayart, P. Geschiere et F. Nyamnjoh, « Autochtonie, démocratie et citoyenneté en Afrique », Critique internationale, n° 10, janvier 2001, p. 177-194.
  • [44]
    Une prochaine réforme de la loi sur la citoyenneté devrait donner la possibilité aux Ougandais de l’extérieur ayant été naturalisés dans leur pays d’accueil d’acquérir la double nationalité et de récupérer leur citoyenneté ougandaise.
  • [45]
    Ce travail d’équilibrage ethnique en revanche est observable au Kenya. Voir F. Brisset-Foucault, « La campagne électorale à la télévision… », art. cit.
  • [46]
    Observation, « Simbawo Akatii », Kampala, 20 juillet 2008. La suggestion de l’un des participants de ne donner la parole qu’aux Baganda a eu lieu dans le contexte particulier de l’arrestation de trois fonctionnaires du Royaume par le gouvernement central, sujet sur lequel portait le débat. Elle a été très vivement contredite par le modérateur et suivie de commentaires désapprobateurs de l’assistance.
  • [47]
    Dans une conception classique de la compétence politique telle que la décrit L. Blondiaux, « Faut-il se débarrasser de la notion de compétence politique ? », art. cit.
  • [48]
    Entretien avec J. Wasula, Kampala, 24 juillet 2008.
  • [49]
    Observation, Ekimeeza, 23 août 2008.
  • [50]
    Observation, Ekimeeza, 23 août 2008. La plaisanterie fait également référence à l’ancien président Milton Obote, dont le titre de docteur fait l’objet de polémiques.
  • [51]
    C. Deleu, Les Anonymes à la radio. Usages, fonctions et portée de leur parole, Bruxelles, De Boeck Université, Paris, INA, 2006, p. 80-82.
  • [52]
    Entretien avec V. Jadribo, 18 août 2007.
  • [53]
    Ibid.
  • [54]
    Entretien avec Frank Tumwebaze, Kampala, 5 mai 2005.
  • [55]
    Personnes ayant quitté le système scolaire en cours de route.
  • [56]
    C. Obbo, « What went wrong in Uganda ? », in H. B. Hansen et M. Twaddle (dir.), Uganda Now. Between Decay and Development, Londres, James Currey, 1988, p. 205-223.
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Chaque samedi, à Kampala, des citoyens se regroupent pour débattre de l’actualité selon des règles précises de prise de parole et de représentation de la pluralité. Ces débats, retransmis en direct à la radio, mettent en scène un modèle de démocratie et de citoyenneté en réinterprétant les mythes de la démocratie représentative comme de la démocratie directe du « Mouvement ». Ces émissions sont l’occasion pour les journalistes, le pouvoir, l’opposition et certains profanes de négocier leur position dans l’espace politique ougandais du passage au multipartisme.

Florence Brisset-Foucault
CRPS-Université Paris 1
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.113.0167
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