CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Quelles sont les répercussions de la situation actuelle de guerre sur les enjeux ordinaires de la vie sociale et politique dans les campagnes ? Nous proposons d’en rendre compte à partir de l’exemple du village de B. et de son environnement immédiat, dans le département d’Oumé (Centre-Ouest forestier ivoirien). Les informations sur cette micro-région – seulement distante, à vol d’oiseau, d’une centaine de kilomètres de la ligne de front – proviennent de l’observation directe, au cours de séjours réguliers, de l’un des auteurs de cet article. Le village de B., de population gban (ou gagou, selon la dénomination administrative), sert de site témoin d’étude du changement social depuis de nombreuses années à l’autre auteur. Un programme de recherche sur l’anthropologie des dynamiques foncières, auquel participent les deux auteurs, a par ailleurs été lancé dans la région depuis 2000. La connaissance fine du terrain permet donc de contextualiser précisément les informations relatives aux événements actuels au regard de la configuration sociopolitique villageoise.

2Nous ferons d’abord un rappel rapide mais indispensable du contexte local avant le conflit, puis nous indiquerons les principaux effets immédiats de ce dernier : attitudes des autorités civiles et militaires, organisation des « jeunes patriotes » qui contrôlent les barrages, sécurité des populations, situation économique. Nous ferons état, dans cette partie, de dispositions de sécurité prises par les forces loyalistes, mais sans trahir de secrets militaires : ces dispositions sont régulièrement relatées par la presse tant nationale qu’étrangère. Enfin, à titre d’indicateurs des processus sociaux en cours, nous suivrons plus particulièrement l’évolution, depuis le mois de septembre, de trois « enjeux » (au demeurant liés) qui, bien avant le conflit, contribuaient à structurer l’arène sociopolitique villageoise : les relations entre les autochtones et les différentes catégories de migrants; les relations entre les jeunes générations et les autorités familiales et villageoises ; l’enjeu que constitue le fonctionnement des coopératives dans la commercialisation du cacao et du café, principales sources de revenu des agriculteurs de la région et principale ressource pour les équipements collectifs villageois.

Avant le conflit : trois sources de tensions

3Le contexte local est marqué par la crise de la ruralité, l’ethnicisation des tensions foncières et l’antagonisme entre générations [1].

Un front pionnier ancien

4La zone est représentative de l’ancien front de colonisation ayant pris forme dans la région forestière à l’ouest du Bandama à partir de l’indépendance (1960), sous l’impulsion du nouvel État ivoirien qui cherchait alors la mise en valeur accélérée des ressources forestières. La région d’Oumé était, dans les années 1970, l’une des principales régions productrices de cacao et de café, après le déclin de la première « boucle du cacao » du Sud-Est, et avant que l’arrivée en phase productive des plantations plus récentes du Sud-Ouest, dans les années 1970, ne propulse la Côte d’Ivoire au premier rang mondial des pays producteurs de cacao.

5Les résultats du recensement de 1998 reflètent cette situation d’ancien front de colonisation agricole. Le département d’Oumé comptait en 1998 176 001 habitants (77,9 au km2). Les résidents issus des communautés autochtones – gban (ou gagou) et gouro – représentaient moins du quart de la population rurale (22,4 %).

6Les migrants baoulé du centre du pays, installés à partir de la fin des années 1950, avec l’appui de l’administration, sous le couvert d’une relation d’« hôtes » privilégiés des propriétaires coutumiers, en constituaient plus du tiers (33,2 %). Ils résident dans des « campements » à l’écart des villages autochtones. Les Ivoiriens originaires du Nord ne représentaient en 1998 que 3,7 % de la population rurale du département (mais 14,6 % de la population comptée comme urbaine). Considérés comme « dioula [2] » par les populations du Sud, ils vivent le plus souvent dans les mêmes quartiers ou les mêmes campements que les étrangers musulmans maliens et guinéens.

7Les non-Ivoiriens représentaient 31,7 % de la population rurale du département (contre 25,8 % pour l’ensemble rural national). Les seuls Burkinabè, venus d’abord comme main-d’œuvre puis ayant accédé à la terre à partir des années 1960, constituent à eux seuls 22,2 % de la population totale et près du quart (24,6 %) de la population rurale du département (contre respectivement 14,6 % et 18,5 % à l’échelle nationale).

8Ils vivent soit dans des quartiers distincts au sein des villages autochtones, soit dans des campements baoulé. Les Maliens et les Guinéens représentent également une autre minorité forte (7,2 % de la population totale et 5,2 % de la population rurale du département contre respectivement 6,7 % et 4,6 % à l’échelle nationale). Ils résident aussi, souvent en association avec les Ivoiriens du Nord, dans des quartiers distincts des villages autochtones ou dans des campements.

9On retrouve ces mêmes ordres de grandeur dans le village de B., situé à l’écart des principales voies de communication. On recensait 1 674 habitants en 1998 – pour 695 en 1975 et 170 en 1953. La majorité d’entre eux est d’origine étrangère au village : le quartier burkinabè – dit « mossi » – du village autochtone compte de 150 à 200 habitants et 920 personnes ont été recensées dans les campements baoulé, où résident par ailleurs des Burkinabè, et dans un campement où vivent des Tagbana, également de nationalité ivoirienne (apparentés au groupe sénoufo).

Une représentation politique locale disputée entre autochtones et migrants ivoiriens

10Le positionnement politique du département face aux échéances électorales reflète l’histoire agraire de cet ancien front de colonisation. Avant l’indépendance, les deux principaux « chefs de canton administratif » étaient partagés entre l’appui et l’opposition au RDA d’Houphouët-Boigny, au regard notamment de sa politique d’incitation à la migration des Baoulé dans la région [3].

11Depuis l’indépendance et jusqu’en 2001, l’importance numérique des migrants baoulé (mais aussi burkinabè, autorisés à voter jusqu’en 1990) a toujours facilité la victoire de candidats PDCI-RDA aux élections législatives et municipales, dès lors que ces candidats étaient originaires des ethnies autochtones. Pourtant, dès le début des années 1990, l’électorat gban s’est montré majoritairement favorable au FPI de Gbagbo, ce qui valut aux Baoulé d’être accusés de priver les populations autochtones d’une représentation politique correspondant à leurs aspirations. Dans la population autochtone du village de B., l’accession à la présidence de Laurent Gbagbo en 2000 a en outre provoqué un reflux de l’électorat minoritaire pro-PDCI vers la majorité FPI.

12Laurent Gbagbo était arrivé largement en tête aux présidentielles d’octobre 2000 (en l’absence du candidat PDCI, déclaré inéligible), et la liste FPI a remporté les élections aux conseils généraux du 7 juillet 2002. Entre-temps, une personnalité gban, originaire d’un village voisin de B., était entrée pour la première fois dans un gouvernement, aux côtés des ministres ressortissants des pays bété et dida également peu représentés dans les gouvernements précédents. Il est donc clair que les populations autochtones du département d’Oumé ont, dans leur très grande majorité, opté dès le début des événements pour une position légitimiste vis-à-vis du régime du président Gbagbo.

La crise de la ruralité

13La crise de la ruralité, commune aux régions d’agriculture de plantation et plus accentuée encore dans les régions de l’Ouest forestier, a pour toile de fond trois éléments majeurs. Le premier est la crise du modèle « pionnier » de mise en valeur agricole, appuyé sur la colonisation massive des terres de l’Ouest forestier. Ce modèle, qui a fait la fortune des années 1960-1970, a entraîné la quasi-disparition de la forêt (et, comme à B., la pénétration de la plus grande partie de la forêt classée attenante au terroir du village). Il en a résulté de fortes contraintes sur l’accès à la terre pour les jeunes générations, ainsi que des tensions vives entre pères et fils, et, lors des héritages, entre oncles et neveux patrilinéaires. Les conventions foncières entre autochtones et migrants, suscitées auparavant par les autorités, sont ainsi régulièrement remises en cause, souvent sous la pression des jeunes autochtones. D’autant que, si la reconversion vers des systèmes plus intensifs (surtout en travail) a été effective à partir des années 1980 chez tous les exploitants, y compris chez les autochtones, elle s’est surtout faite au profit des groupes qui avaient le plus d’accès à la force de travail familiale ou migrante et étaient en mesure de « s’auto-exploiter » le plus (donc surtout les migrants non ivoiriens, en particulier burkinabè).

14Le second élément majeur est la crise du modèle urbain d’ascension sociale des ruraux. Alimentée par les politiques de privatisation, elle a été fortement ressentie dans les campagnes ivoiriennes, déjà largement « rurbanisées ». Les enquêtes démographiques [4] corroborent les observations empiriques effectuées dans le village de B. (et d’autres dans le Centre-Ouest), qui indiquent un renversement du solde migratoire entre urbain et rural au profit du rural, avec une proportion significative de migrations de retour (incluant le repli de jeunes nés en ville de parents originaires des villages). Dans la région d’Oumé comme dans les zones forestières productrices de café et de cacao, cet afflux significatif de compressés, de retraités précoces et de jeunes en échec urbain a accru la demande d’accès à la terre, même si, assez souvent, il ne s’agit pas d’un projet d’investissement durable dans l’agriculture. On note ainsi depuis quelques années des tentatives, par de jeunes citadins de retour au village, de vendre clandestinement des parcelles plantées à des migrants pour financer leur passage en Europe par l’Italie. Les tensions intrafamiliales et intergénérationnelles se sont accrues, les parents restés au village préférant souvent louer, mettre en gage ou même « vendre » des parcelles à des migrants plutôt que de les laisser à la disposition des jeunes et des citadins de retour. Ces tensions alimentent à leur tour les tensions entre les autochtones et les migrants.

15Le troisième élément est la mise en œuvre brutale des politiques d’ajustement et de privatisation à partir des années 1980, et surtout 1990, dont les effets ont également contribué à exacerber ces tensions. Elle est largement à l’origine de la crise urbaine et de ses prolongements sur le milieu rural, mais a eu aussi d’autres effets indirects. Le plus notable est la stigmatisation des exploitants migrants, et particulièrement des Burkinabè, comme boucs émissaires de la crise foncière. L’abandon brutal et massif des politiques de soutien au secteur agricole et rural (crédit, accès aux intrants, prix garanti, appui aux GVC, participation accrue des populations aux infrastructures sociales) a rendu plus apparente en effet la réussite relative de ces exploitants, cristallisant la question foncière autour de l’occupation des terres par les étrangers. L’hostilité déjà ancienne des autochtones vis-à-vis des migrants baoulé (considérés comme protégés par les autorités politiques et accusés de confisquer, par leur poids électoral, l’issue du vote aux principales consultations électorales) s’est doublée d’une animosité encore plus vive à l’encontre des migrants burkinabè, dont les autochtones dépendaient pour l’accès à la main-d’œuvre, au crédit (dont la mise en gage de plantations) et pour la mise en marché des produits (de nombreux « pisteurs », traitants et transporteurs étant des migrants non ivoiriens). Les tensions foncières entre autochtones et migrants, notamment burkinabè, se sont également reflétées dans le fonctionnement des GVC et, aujourd’hui, des coopératives à statut privé (voir infra).

16Les catégories les plus vulnérables et les plus contestataires ont été les jeunes générations d’exploitants. Les jeunes autochtones, pour une part, subissent de plein fouet les conséquences de la crise urbaine, et, pour une autre, tiennent pour injustes leurs difficultés d’accès à la terre de leur propre lignage et le monopole des « vieux » sur la rente foncière et en travail tirée des étrangers. Les jeunes exploitants migrants, eux, courent le plus grand risque de voir dénoncer les conventions foncières qui avaient été accordées aux parents auxquels ils succèdent. En outre, la raréfaction des aides publiques et l’absence d’alternative au régime clientéliste utilisé par tous les régimes successifs ont encouragé les « courtiers politiques » (chefs, élus locaux, représentants des partis, cadres citadins) à jouer la carte ethnique pour assurer leur propre ancrage local et leur accès aux fonctions et aux ressources de l’État. La stigmatisation frappant les migrants non ivoiriens s’est étendue aux migrants ivoiriens musulmans originaires du Nord, qui résident souvent avec les premiers pour des raisons de commodité cultuelle. Cela a relâché d’une certaine manière les tensions entre autochtones et Baoulé, ces derniers se trouvant, comme les autochtones, dans une situation de décapitalisation.

17Enfin, la loi non encore appliquée sur le Domaine foncier rural (loi n° 98-750 du 23 décembre 1998), et surtout la perception qu’en ont eue les populations locales à travers les déclarations des politiciens locaux et nationaux pour légitimer leur action en faveur de leur électorat local, ont provoqué des effets d’annonce qui ont encore envenimé les relations intercommunautaires.

Principaux effets immédiats de la situation de conflit dans la région

18Plusieurs composantes des forces loyalistes concourent à assurer l’ordre, la défense et la sécurité: les autorités administratives et politiques locales, les forces de défense officielles et les « barragistes », sortes de forces supplétives locales constituées de « jeunes patriotes ».

Attitude des autorités administratives et politiques locales

19Dès le début du conflit, les autorités locales et régionales ont sillonné les campagnes pour expliquer la situation et répondre aux questions des populations. À la fin du mois de septembre, une importante tournée d’explication a été organisée par le conseiller régional, membre actif du parti au pouvoir [5].

Parmi les raisons évoquées de l’attaque, la volonté d’Alassane Ouattara de prendre le pouvoir à tout prix a été avancée, comme le soutien des peuples frontaliers à la rébellion, qui a provoqué la mort de plusieurs personnalités dont Émile Boga Doudou et Robert Gueï. Lors d’une réunion, l’évocation de la participation des étrangers provoqua un brouhaha de mécontentement dans l’assemblée. « Chassons les étrangers », pouvait-on entendre. Mais le conseiller a demandé que l’on ne commette aucune exaction et, en s’adressant plus particulièrement aux jeunes, que l’on garde son calme pour ne pas corroborer la réputation de xénophobie des habitants de ce pays. Il a toutefois sommé les jeunes de rester vigilants, de dresser des barrages et de procéder aux fouilles systématiques des véhicules de transport pour empêcher l’infiltration des assaillants. Par ailleurs, soulignant que cette guerre n’empêcherait pas l’application de la politique de développement décentralisé, il a laissé un papier dans chaque village visité pour y inscrire les besoins pressants.
Après la tournée du conseiller régional, plusieurs autres rencontres avec les populations ont été organisées par le sous-préfet et le préfet sur le même thème : amener les populations « à vivre dans l’amour et la fraternité ». Des rencontres ont également eu lieu avec les responsables des « patriotes barragistes » au cours desquelles, selon le responsable des jeunes patriotes de B., « les autorités nous demandent le respect des autres, qu’ils soient ivoiriens ou non, et de ne poser seulement des actes qui peuvent faire revenir la paix dans le pays ».

Attitude des forces de défense et de sécurité

20Les forces armées gouvernementales (militaires des Fanci et gendarmes) ont mis en place des barrages de contrôle sur les routes principales et exécutent des tournées occasionnelles dans les villages stratégiques. Dans la micro-région dont nous parlons, ces tournées se concentrent sur le village de G., voisin de B.

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Ce gros bourg agricole et commercial, doté d’un marché quotidien, est situé sur un axe routier important (bien que non bitumé). De nombreux commerçants et exploitants dioula et burkinabè y demeurent, aux côtés de petites communautés de ressortissants de plusieurs pays de la sous-région engagés dans les activités les plus diverses. Lieu de passage vers le Sud, des réfugiés de la région sous contrôle rebelle de Vavoua s’y sont provisoirement installés. Les « sorties » sur G., assez régulières, ont des objectifs ambigus. Lors d’une première opération, les chefs militaires se sont rendus chez le chef de village ; ils ont expliqué que cette opération « n’avait rien de méchant » et ont demandé aux villageois de ne pas « chercher palabre » aux étrangers, car cela pourrait contribuer à mettre de l’huile sur le feu.

22Mais, d’un autre côté, ils disent aussi que leur objectif est d’intimider les étrangers.

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D’après le chef de village de G., d’autres éléments militaires de Gagnoa sont également venus. Ils auraient appris qu’un frère de Koné Zacharia, le chef rebelle de la zone de Vavoua, résidait à G. et que ce dernier aurait accueilli des hommes et rassemblé des armes pour une attaque de la ville de Gagnoa. Les militaires ont passé le village au peigne fin, mais ils n’ont rien trouvé et sont immédiatement repartis.

24La brigade de gendarmerie d’Oumé intervient plus régulièrement. Des patrouilles sillonnent régulièrement les campagnes.

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Au début des événements, leur présence s’inscrivait dans le cadre d’une campagne d’information sur la situation et sur la mise en œuvre du couvre-feu (toute personne aperçue après 21 heures doit être abattue sans sommation). D’autres patrouilles ont suivi, cette fois sur un autre registre. Des descentes ont été effectuées chez les migrants burkinabè. Dans le village de B., les informations font état de brutalités et de confiscations de vélos et de motos récupérables contre une somme d’argent. De nombreux Burkinabè du village ont pris le chemin de la brousse.

26Ce genre d’intervention par la gendarmerie locale aux dépens des Burkinabè ne date pas toutefois ni des événements actuels ni du nouveau régime.

27Dans son édition du 27 février 2003, le journal gouvernemental Notre Voie a révélé, pour la dénoncer violemment, l’irruption les 22 et 23 février à Oumé d’éléments français dans un article intitulé « Activisme des soldats de l’“opération Licorne” à Oumé. Les militaires français cherchent à introduire les rebelles à Gagnoa ». La présence des forces françaises d’interposition est effectivement discutée dans l’arène villageoise. La France y est perçue comme un pays ennemi et comme la source du « mal de la Côte d’Ivoire ». Les informations dont disposent les villageois proviennent des déplacés de guerre et des ressortissants citadins de passage, ainsi que des médias officiels (outre les transistors, quelques planteurs possèdent une télévision fonctionnant sur batterie). Ils sont convaincus que la France fait la guerre à la Côte d’Ivoire pour ses intérêts et qu’elle veut renverser le président Gbagbo pour le remplacer par un président à sa solde. Parmi les raisons invoquées, on trouve les arguments déjà diffusés par les cercles patriotes, comme la volonté de conserver le monopole de la commercialisation du café et du cacao et la mainmise sur l’économie ivoirienne.

« Jeunes patriotes » et « barragistes »

28Lors de sa tournée d’explication, le conseiller régional a indiqué que la guerre imposée à la Côte d’Ivoire devait mobiliser les jeunes car les « anciens » ne peuvent pas surveiller les entrées ni les sorties. Il a demandé aux parents ayant des fusils de chasse de les mettre à la disposition des jeunes afin que ces derniers gardent les villages [6]. Par cette simple consigne, les jeunes venaient d’acquérir un pouvoir. Nous en verrons plus loin l’enjeu au sein de l’arène politique villageoise, nous contentant ici d’indiquer l’organisation et les méthodes.

29Ceux que l’on nomme localement les « barragistes » se présentent comme les émules des « jeunes patriotes » popularisés par les médias pour leurs actions d’éclat à Abidjan. Ils sont organisés en association villageoise : un président, un trésorier, un superviseur. Le président est l’interface entre son groupe et les autorités publiques qui lui donnent des consignes. Le trésorier tient la « caisse » du groupe. Les barrages sont essentiellement composés de jeunes autochtones. Dans le village de B., la majorité des « barragistes » sont des jeunes de moins de trente ans. S’y sont joints des Gouro résidant dans le village (et de jeunes Baoulé dans certains autres villages). Chaque responsable de barrage a reçu des autorités d’Oumé des présents et de l’argent. Chacun possède une carte d’identification prouvant qu’il est un patriote au service de son pays, portant mention de ses noms, âge et village d’origine. Elle sert de laissez-passer, selon la consigne du sous-préfet.

30Chaque village et campement a dressé son barrage. Sur les 30 kilomètres du principal axe reliant Oumé au gros bourg de G., il existe au moins quatorze barrages, respectés de jour comme de nuit. Chauffeurs, piétons et cyclistes s’arrêtent pour le contrôle des pièces d’identité ou pour la fouille des camions. Malgré ces incommodités, ces barrages sont considérés par certains comme une garantie de sécurité. Celle-ci se réfère toutefois moins au conflit armé qu’aux braquages et aux vols, dont les barrages auraient permis cette année une réduction notable – d’autant que l’augmentation du prix du cacao pouvait être incitative… Ainsi les barragistes se sont-ils substitués aux « dozo », chasseurs traditionnels originaires du Nord, qui louaient auparavant leurs services de sécurité aux villages de la région.

31L’activité des « barragistes » a cependant évolué. D’après l’opinion locale, les barrages érigés dès les premières semaines de la crise, à la demande des autorités, pour éviter l’infiltration des assaillants ne jouent plus véritablement ce rôle. Plutôt que de procéder à des fouilles systématiques, les barragistes se cantonnent à des contrôles d’identité destinés à « racketter » chauffeurs et occupants des véhicules. La stratégie consiste à demander au chauffeur de sortir tous les bagages ; comme cela fait perdre beaucoup de temps, le chauffeur négocie selon la quantité des bagages transportés (en général entre 500 et 1 000 francs CFA – un chauffeur dépenserait plus de 5 000 francs CFA par jour). Dans le village de B., à l’écart des axes de communication, le racket touche les migrants burkinabè, mais aussi des Baoulé et des Tagbana, voire des Gban et des Gouro non originaires du village, sans papiers. Dans un autre village voisin, également excentré, les jeunes barragistes ont la réputation d’être prompts à user de violences sur les Burkinabè non coopératifs. Ils font désormais des émules dans les autres villages.

32Il existe une coordination entre les groupes de patriotes de villages voisins. On procède ainsi à des échanges de barragistes d’un village à l’autre : il s’agit de faciliter le racket des migrants. Les liens de connaissance antérieurs tissés entre les jeunes barragistes et les « étrangers » d’un village peuvent en effet entraver l’efficacité et le rendement d’un contrôle. Avec le temps, la composition sociologique des groupes de « barragistes » a évolué (voir infra). Actuellement, les « déplacés de guerre » sont plus nombreux aux barrages. « Et ceux-là, vu ce qu’on leur a fait subir dans les zones sous contrôle des rebelles, veulent se venger et par moments ils sont très vilains », dit un témoin.

33L’intérêt économique des barrages peut être considérable pour ces jeunes adultes, souvent sans ressources au village alors qu’ils sont mariés, quelquefois à plusieurs épouses. Outre le petit racket destiné à s’acheter des cigarettes ou de quoi manger, et le prix du passage payé par les véhicules de transport, les barragistes exigent un « droit » de ceux qui n’ont pas de papiers d’identité. On peut estimer à 20 000 francs CFA, voire plus, le gain quotidien d’un barrage ; les barragistes se répartissent la somme, dont ils versent une faible partie dans la caisse officielle. À titre indicatif, dans le village de B., la caisse des barragistes aurait reçu jusqu’à ce jour (fin février 2003) plus de 150 000 francs CFA, mais les jeunes barragistes se sont vraisemblablement partagé plus d’un million.

Aspects sécuritaires

34La circulation et la sécurité des personnes – hormis pour les Burkinabè – dans la zone contrôlée par le gouvernement légal sont malgré tout relativement assurées. Cela permet d’accomplir les principales obligations sociales (obsèques au village, par exemple), tout au moins pour les citadins qui en ont encore les moyens et pour ceux qui ne sont pas a priori suspects de soutenir la rébellion du fait de leurs origines et de leurs patronymes. Au village, les activités continuent ; la construction de maisons « en dur » se poursuit : de jeunes Guéré originaires de la région de l’Ouest mise à feu et à sang depuis le conflit sont même venus prêter main forte. L’inquiétude est cependant générale et la population constamment sur le qui-vive. Un autre gros village a connu un peu plus tard une fausse alerte et craint l’arrivée d’assaillants. Nombreux sont ceux qui pensent que la région d’Oumé sera occupée. L’arrestation en décembre par la gendarmerie, assistée par des habitants, d’une quinzaine de suspects dans la ville d’Oumé (dans un quartier majoritairement habité par des étrangers, des Ivoiriens du Nord) alimente les rumeurs.

35La relative sécurité de cette région rurale attire néanmoins les « déplacés de guerre » – l’augmentation du chômage liée aux fermetures d’entreprises et les prix des produits de consommation à Abidjan découragent de rejoindre les parents citadins. Dans le village de B. comme dans le département d’Oumé, les ressortissants gban qui résidaient dans les zones de conflit rejoignent leurs familles d’origine. Le retour des « déplacés » est fêté : « On tue des poulets pour dire merci à Dieu de les avoir gardés. » En outre, des Baoulé de la région de Bouaké (mais aussi, dans le village de B., des Tagbana du nord de Bouaké, en zone tenue par les rebelles) viennent trouver refuge dans les campements de leurs parents.

36Il en va différemment des ressortissants Burkinabè. La suspicion systématique dont ils sont l’objet de la part des autorités et les brimades des forces militaires, en particulier de la brigade locale de gendarmerie, les maintiennent dans une crainte perpétuelle, malgré les appels à la paix entre communautés lancés par ces mêmes autorités. Ils sont également les premiers rançonnés par les « barragistes ». Si l’on ne note pas de départs significatifs, c’est vraisemblablement parce qu’il serait plus risqué de fuir que de demeurer sur place, en laissant en outre l’essentiel de ses biens. Pour le chef de G., « les Burkinabè sont têtus. Malgré la situation, ils ne se gênent pas du tout. Nombreux parmi eux ne savent pas où aller. Depuis des générations, ils vivent ici. Certains enfants de ces migrants ne connaissent que la Côte d’Ivoire comme leur pays. Dans ces conditions, ils ne se gênent pas du tout ». Le chef des Burkinabè de B. déclare « qu’ils ne prient seulement que Dieu pour que les palabres s’arrêtent ». Car, dit-il, « nous avons tout ici, et nous ne voulons pas partir pour laisser tout ça ».

37Cependant, malgré la généralisation de la stigmatisation qui les frappe, on ne peut pas parler de « chasse aux étrangers » au niveau du village, ni même d’atteinte à leur accès à la terre, comme c’est le cas dans d’autres régions.

Aspects économiques

38La perturbation de la circulation des biens et des personnes a des répercussions importantes sur l’approvisionnement en denrées non locales. Les produits en provenance du nord du pays ont vu leurs prix flamber (cigarettes manufacturées par la Sitab, dont la production a été interrompue, et viande notamment) et l’ensemble de ceux des produits de base commercialisés ont augmenté (nous ignorons si le renchérissement des produits alimentaires à Abidjan a profité aux producteurs locaux, par exemple pour la banane plantain dont la région est une forte exportatrice). Enfin, l’accueil des « réfugiés de guerre » pèse sur les finances domestiques.

39Toutefois, le conflit n’a pas globalement remis en cause les bases économiques et matérielles de la société locale. On ne constate pas une situation d’insécurité telle que les travaux des champs, notamment concernant les produits vivriers, aient été entravés – comme cela semble le cas dans d’autres régions proches de la ligne de front. Ce sont plus les incommodités dues au zèle et au racket des barragistes qui gênent les déplacements – surtout des étrangers – vers les plantations et les champs. La « traite » du café et du cacao n’a pas été interrompue et les prix offerts aux producteurs (de 625 à 1 000 francs CFA le kilo pour le cacao) ont même été nettement supérieurs à ceux de l’année dernière. Toutefois, le paiement s’est fait avec un retard inaccoutumé de plusieurs semaines, justifié par les traitants auprès des producteurs locaux par la situation de guerre que connaît le pays : acheminement retardé par les barrages des forces armées ou des « jeunes patriotes ». Les planteurs et leurs familles sont donc obligés d’acheter à crédit. Une autre raison de ce retard tient certainement au fait que les « pisteurs » burkinabè ont cessé leurs activités depuis les événements. Le système de collecte et de mise en marché intégrait en effet jusqu’alors, parallèlement au circuit de vente directe par les groupements coopératifs auprès des traitants et des exportateurs, un circuit de pisteurs et de transporteurs très souvent d’origine burkinabè. Ces agents achetaient à un prix moindre et sans ristournes en fin de campagne, mais ils payaient directement et octroyaient en outre des avances remboursables en produit.

40Malgré la privatisation affichée des filières du cacao et du café, les autorités administratives luttaient depuis quelque temps contre les pisteurs, qu’ils considéraient comme des concurrents déloyaux des coopératives et des unités de conditionnement privées installées, souvent par des opérateurs proches du gouvernement, dans quelques villes de la zone forestière. Par exemple, lors d’une réunion à B. entre le sous-préfet d’Oumé et les villageois en avril 2001, le sous-préfet attaqua violemment les « pisteurs » pour le tort qu’ils faisaient subir à la coopérative du village finançant les infrastructures collectives villageoises. Il souligna « l’exploitation des paysans » dont ils se rendaient responsables en proposant des crédits remboursables en produit acheté à bas prix. Mais l’argument était encore renforcé par le fait que ces pisteurs, comparés à des « margouillats », étaient en outre des étrangers. Quelques extraits de cette réunion, tenue un an et demi avant les événements actuels, sont éloquents :

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« Est-ce que vous estimez qu’en partant prendre 15 000 F avec un Burkinabè, vous pensez que ce monsieur est plus riche que toi ? Vous pensez ? L’homme qui est venu à pied pour s’installer chez vous, vous partez prendre crédit chez lui. Est-ce que vous-même vous avez le sens de l’honneur même ? Vous avez l’honneur ? […] Il faut que l’Ivoirien ait la conscience qu’il est dans son pays. »
« Un pisteur qui va dans un village […], il est contre la coopérative. Alpha Oumar Konaré, le président du Mali passé, a fait la coopérative pendant vingt ans. Ça veut dire que c’est important chez eux. Et quand ils arrivent en Côte d’Ivoire, ils font du n’importe quoi. Non! Mais je suis là leur dire la vérité. […] Chez eux, ils organisent bien leur pays et chez nous, ils détruisent. Faire une coopérative là, ça coûte combien ? Mais les étrangers sont contre les coopératives. »
« Quand ils [les étrangers] rentrent dans leur pays, ils sont propres. Chaque année, tous leurs cars qui passent, chaque Burkinabè rentre avec au moins 8 000 000 F sur lui pour aller construire chez eux. Ils sont des propriétaires de maisons et c’est pourquoi Blaise Compaoré est dans les affaires de la Côte d’Ivoire. Parce que si ceux-là rentrent net, ça ne les arrange pas. Eux ils viennent et ils trompent nos parents en disant je vais te donner 10 000 F et tu vas me donner ton cacao. […] D’ici deux ans, ces gens-là ils vont comprendre. […] Eux ils viennent, ils ont trouvé des animaux [parlant des paysans ivoiriens], ils sont descendus sur eux, ils prennent tout l’argent pour aller construire chez eux au Mali ou au Burkina. Et ils maintiennent nos parents comme ça. D’ici deux ans, ils vont regretter. »
En fin de réunion, toutefois, le ton s’est fait plus conciliant. Après avoir demandé aux gens de détruire les véhicules des pisteurs, le sous-préfet ajoute : « Je dis, vous les jeunes, si lui là, il prend cacao pour appeler X [un traitant malien d’Oumé], bloquez ce camion. Je n’ai pas dit de gâter, vous ne faites pas palabre, bloquez seulement le camion. »
Et pour conclure la réunion : « Il y a un déficit de communication [entre villageois et étrangers]. C’est-à-dire dès lors que vous [les étrangers] êtes dans le village… Lui-même [indiquant un Burkinabè], on peut le mettre notable ici. Pourquoi pas ? Il est ici. Il a grandi ici. Quand on dit non, c’est pas chez lui, je dis non. […] Dès que vous vivez ensemble, vous avez les mêmes problèmes. Vous avez les mêmes intérêts. […] La nationalité n’a rien à voir avec le village. Le village n’a rien avoir avec la nationalité. S’il est chef, gban [indiquant le chef du village], il est le chef des Baoulé, de tout le monde. Celui qui est bon, il le prend et il travaille avec lui. Même s’il est mossi qu’il est bon, il dit : viens, on va travailler. Donc désormais, dans le village, travaillez ensemble. »

42Il est clair que, dans ces conditions, les événements actuels ont précipité le retrait des Burkinabè des filières de commercialisation et d’autres activités économiques au niveau des villages (voir infra).

Quelques enjeux locaux et leur dynamique dans la situation de conflit

43Si les événements ont quelque peu figé les « affaires » qui agitent quotidiennement le milieu villageois, ils ne les ont toutefois pas véritablement interrompues et, à certains égards, la situation nouvelle contribue à alimenter les dynamiques sociales et politiques préexistantes. Trois « enjeux » sont révélateurs des dynamiques de l’arène sociopolitique villageoise : les relations entre les autochtones et les différentes catégories de migrants ; les relations entre les jeunes générations et les autorités familiales et villageoises; l’enjeu que constitue le fonctionnement des coopératives de commercialisation du cacao et du café.

Les relations intercommunautaires

44Comme on pouvait s’y attendre, ces relations évoluent différemment selon l’origine des migrants. Cette évolution dépend également de l’attitude des autorités civiles et militaires, tant avant que durant le conflit. Nous examinons d’abord le cas des relations entre les autochtones et les Burkinabè, qui sont empreintes d’une grande et constante méfiance. La communauté burkinabè, déjà fortement stigmatisée avant le conflit, est l’objet de toutes les suspicions. Les villageois redoutent les Burkinabè parce qu’ils sont plus nombreux et tous armés. La rumeur court en effet qu’ils auraient reçu des armes des responsables du RDR (le parti d’Alassane Ouattara) en prévision d’un conflit généralisé. Inversement, les Burkinabè craignent des représailles de la part des autochtones à la suite des accusations d’implication du Burkina Faso dans le conflit : « Nous, on a rien fait. Mais comme on dit les Burkinabè sont dedans, nous tous on est dedans… », déclare un jeune. L’ostracisme des jeunes patriotes barragistes à leur égard et les exactions systématiques des forces de l’ordre – en contradiction apparente avec les appels au calme des autorités civiles et politiques – renforcent évidemment ces craintes. Le moindre incident peut déclencher une confrontation, comme le montre le récit suivant.

45

En octobre, dans les premières semaines de la guerre, les villageois s’interrogeaient sur l’identité des rebelles en s’informant auprès de réfugiés arrivés au village. Les villageoises, qui puisaient de l’eau dans l’un des puits (les Burkinabè ont leur propre puits), trouvent dans la puisette une tête de poulet égorgé. Leurs cris alertent le village ; les notables tentent d’élucider l’affaire. Qui a pu faire ça et contre qui ? Deux hypothèses sont immédiatement avancées. La première accuse un Burkinabè du village, dont six sacs de cacao ont été volés peu de temps auparavant, d’avoir jeté la tête pour que le responsable du vol soit puni en buvant de cette eau. La seconde, qui emporte la faveur des villageois, impute aux Burkinabè d’avoir voulu ensorceler les autochtones pour éviter qu’ils ne s’en prennent à eux. Le chef des Burkinabè est convoqué. Mais, avant qu’il n’arrive, la femme du chef de village déclare que la tête est celle d’un poulet mort, acheté au marché, qu’elle avait jetée avant de le cuisiner, et que ses enfants avaient cachée dans la puisette pour la manger. Un manœuvre, ignorant le subterfuge des enfants, avait ensuite utilisé la puisette sans remarquer la tête cachée. L’explication apaisa les inquiétudes et évita les débordements prévisibles.

46Il faut noter que les autorités villageoises s’efforcent d’apaiser les relations avec les Burkinabè. Par exemple, lors de l’incident décrit plus haut, un notable important du village présenta des excuses au chef burkinabè. Le chef de village convoqua également les responsables des barragistes pour leur demander « d’arrêter d’escroquer les populations ». Les autorités villageoises s’interposent aussi en cas de comportements abusifs à l’égard des « étrangers » résidant au village. En outre, tout différend entre autochtones et Burkinabè ne dégénère pas en confrontation collective ; toutefois, les sanctions imposées au contrevenant étranger semblent beaucoup plus lourdes qu’auparavant.

47Il n’est pas rapporté de cas de confrontation suivie de morts d’hommes dans le canton du département d’Oumé considéré ici. Et, si des agressions mortelles et des expulsions ont eu lieu dans d’autres cantons et sous-préfectures, elles restent isolées. Dans ce contexte de peur diffuse, l’attitude générale des Burkinabè est la discrétion. La méfiance et la peur réciproques entre les deux communautés ont-elles interféré sur les échanges sociaux et surtout économiques ? Les pratiques foncières antérieures, telles que la prise en garantie de plantations et les achats de portions de terre par des Burkinabè auprès d’autochtones, ne sont plus de mise (elles se raréfiaient déjà depuis la proclamation de la loi sur le Domaine foncier rural). Par exemple, un vieux planteur gban qui cherchait à vendre une portion de terre pour faire face aux besoins scolaires de son enfant a dû y renoncer, faute de trouver un acheteur. Toutefois, les autochtones continuent de louer de la terre aux Burkinabè pour leurs cultures vivrières. Les pratiques de crédit auprès des Burkinabè semblent aussi interrompues. Elles étaient déjà moins courantes depuis quelques années du fait des difficultés croissantes de remboursement auprès des autochtones. La proclamation de la loi sur le Domaine foncier rural, qui ne reconnaît pas les cessions de terre à des non-Ivoiriens, ainsi que les propos agressifs à l’égard des Burkinabè dans le contexte actuel n’encouragent pas ceux-ci à répondre aux demandes de crédit des autochtones. Selon la rumeur, si les Burkinabè refusent de prendre des créances, c’est notamment parce qu’ils auront besoin de tout leur argent s’ils doivent quitter le pays.

48L’évolution des relations entre les autochtones et les Baoulé, l’autre composante majeure de la population migrante, est fort différente. Il existe une méfiance ancienne entre les deux communautés, mais il est peu question d’eux dans les discours et les causeries des villageois gban. On note une sorte de rapprochement entre les Baoulé et les Gban, qui semblent partager les mêmes problèmes et, surtout, la même cible de critiques : ensemble, ils accusent les étrangers, notamment les Burkinabè, « d’avoir endeuillé des milliers de familles ». Dans certains villages, de jeunes Baoulé figurent d’ailleurs parmi les barragistes. Mais cela ne semble pas la règle ; ce n’est par exemple pas le cas à B. Il est difficile cependant de savoir si les arguments ethno régionalistes qui apparaissent ponctuellement dans la presse rencontrent des échos à l’échelle villageoise [7].

Les relations entre générations et le nouveau pouvoir des « jeunes »

49Les événements ont fortement contribué à renforcer la position des « jeunes [8] » dans l’arène politique villageoise. En rappelant leurs responsabilités particulières dans la situation actuelle, en leur confiant les armes des « vieux » et en officialisant leur fonction et leur statut de patriotes défendant la patrie en danger, les autorités civiles et politiques leur ont donné un pouvoir symbolique considérable. Cette attitude n’est pas vraiment nouvelle. Elle correspond à une tendance constante, depuis au moins les années 1990, à encourager la promotion des jeunes villageois, surtout s’ils sont lettrés et ont une expérience qui déborde le cadre du village. De multiples fonctions assumées par les notables vieillissants (chefferie de village, présidence de groupements coopératifs, d’associations de parents d’élèves, de commissions foncières et de comités villageois de tous ordres – y compris les comités des partis politiques) sont « doublées » par des « secrétaires » et des membres de bureau occupant des postes techniques qui possèdent ce profil essentiellement « rurbain ». De tels jeunes sont nombreux dans les villages depuis que la crise économique urbaine a suscité leur retour, non voulu la plupart du temps, en milieu rural. Tous n’accèdent pas à ces fonctions, mais leur nombre permet précisément une compétition entre eux (et leurs familles ou leurs lignages) pour les petits avantages matériels que ces fonctions procurent. Dans des cas de plus en plus nombreux, des jeunes – ou des adultes encore peu âgés – accèdent directement aux fonctions d’autorité et de représentation, sous l’impulsion des sous-préfets, des services techniques et des projets d’aide.

50Cette volonté politique de rajeunir les responsables villageois correspond certainement au souci de « moderniser » les sociétés locales. Elle correspond aussi à la nécessité, pour les autorités politiques, de répondre au malaise et aux problèmes politiques provoqués par le sous-emploi de cette catégorie sociale perçue comme « dangereuse ». Les programmes ciblés sur les déscolarisés et les diplômés au chômage, lancés depuis les années 1970 pour promouvoir le petit entreprenariat urbain ou l’installation de « jeunes agriculteurs modernes », ont échoué, quelquefois à cause de la répugnance des « vieux » à céder leurs prérogatives foncières. Mais la préoccupation demeure. Par exemple, l’une des raisons du lancement du Plan foncier rural de 1990 [9] était de poursuivre l’opération de recensement des jachères entreprise dans les années 1980 et destinée, notamment, à faciliter l’établissement de jeunes agriculteurs. Autre exemple : parmi les Propositions pour gouverner la Côte d’Ivoire du FPI [10] en 1987, le départ à la retraite des agriculteurs âgés et l’installation des jeunes tenaient une large place dans la « politique moderne de développement agricole ».

51C’est à juste titre que les responsables politiques des régimes successifs se sont inquiétés du devenir de ces jeunes « rurbains », sans véritablement avoir, ou se donner, les moyens d’une politique cohérente. Leurs difficultés à s’insérer en milieu villageois et à accéder à des ressources foncières raréfiées font de ces jeunes une véritable « population flottante [11] » à l’affût de toute opportunité de gain, d’aventures en migrations lointaines… ou d’enrôlement dans des mouvements de contestation.

52Dans le village de B., ces jeunes ont durant la dernière décennie influé sur la vie sociale et politique locale, en participant aux organisations villageoises, en protestant collectivement et bruyamment dans certaines occasions (les morts suspectes de jeunes ont servi à plusieurs reprises à condamner publiquement les activités occultes des vieux), en provoquant ou en attisant les conflits avec les migrants et, tout récemment, en participant activement au renversement de l’ancien chef de village – le nouveau, employé d’un service administratif dans une grande ville, est considéré comme correspondant davantage aux aspirations des jeunes. Bien souvent, dans les villages du sud du pays, les jeunes et les « ressortissants citadins » des villages se retrouvent en coalition d’intérêts contre les notables et les vieux. La situation actuelle de conflit est donc un élément nouveau qui s’inscrit dans une dynamique de confrontation au sein de l’arène politique villageoise. Avec l’appel officiel des autorités à s’organiser, la nouvelle donne renforce la position des jeunes et leur offre l’occasion d’agir collectivement en tant que tels. D’autant que les bénéfices tirés des barrages leur donne une autonomie économique inattendue et conséquente (voir supra).

53La composition sociale du « bureau » des barragistes de B., composé de cinq personnes, appellent d’abord plusieurs observations : ils sont âgés d’une trentaine d’années ou moins ; ils ont connu des difficultés de scolarisation ou professionnelles ; certains ont déjà eu des démêlés, à propos de questions foncières, avec des migrants burkinabè ; les trois grands lignages composant le village autochtone sont représentés, et certains sont des fils de notables importants dans le village ; enfin, si la majorité d’entre eux affichent leur affiliation au FPI, l’un est le représentant villageois du PDCI.

54Toutefois, l’effectif des barragistes a évolué au cours des événements. Nombreux au début, certains se sont retirés, jugeant que c’était pour eux une perte de temps (les événements sont survenus au début de la cueillette et de la commercialisation du cacao et du café et de l’entretien du verger après récolte). On remarque surtout aujourd’hui, parmi les barragistes, de jeunes déscolarisés faiblement dotés en terre ou dont les plantations ne sont pas encore productives, entretenant des relations conflictuelles avec les autorités familiales proches (leur père ou, quand celui-ci est décédé, l’oncle ou le grand frère, par qui a transité l’héritage du patrimoine foncier familial). Pour ces jeunes, dont l’engagement dans l’agriculture est le plus souvent un pis-aller, le bénéfice tiré des barrages constitue une aubaine providentielle : « Gbagbo a dit que s’il accédait au pouvoir, il allait trouver du travail à tout le monde ; c’est ce que nous sommes en train de faire. »

55Aussi les barrages et la gestion de la situation de guerre sont-ils devenus de nouveaux enjeux révélateurs des conflits de pouvoir au sein du village. On peut souligner plusieurs indices significatifs de la compétition entre les autorités familiales et villageoises et le « pouvoir jeune ».

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Un certain nombre de chefs de famille âgés de B. ont, depuis le début de la guerre, récupéré les fusils de chasse laissés aux jeunes, de peur que ceux-ci ne s’érigent en « bandes de voleurs ». Mais, dans d’autres villages, on entend certains jeunes dire que « même si cette guerre finit, nous, on finira pas de dresser les barrages ».
Lorsque la nouvelle est arrivée au chef de village que certains barragistes s’adonnaient au « rackettage », notamment sur les « étrangers » du village démunis de papiers se rendant à leurs plantations, il les convoqua et, en des termes très vifs, leur demanda « d’arrêter d’escroquer les populations ». Mais cette interposition rencontre la désapprobation des jeunes, surtout lorsqu’il s’agit de Burkinabè. Ils expriment leur mécontentement vis-à-vis du chef et de ses notables car, disent-ils, lorsque ceux-ci apprennent qu’un jeune a mal agi à l’égard d’un étranger, ils lui font des reproches devant ce dernier. Les jeunes souhaitent que, si l’étranger a raison, on lui reconnaisse d’abord le tort qui lui a été fait et que le jeune soit réprimandé ensuite, hors de sa présence.

57La situation de guerre contribue ainsi à une reconfiguration du champ du pouvoir au sein du village. Elle s’inscrit certes dans le sens des dynamiques préexistantes, mais elle introduit aussi pour l’avenir des arguments nouveaux et des marges de manœuvre différentes. D’autant qu’intervient aussi un autre élément, avec le retour au village comme « déplacés de guerre » d’autres personnalités influentes, comme par exemple un « cadre » retraité relativement fortuné qui résidait à Bouaké.

Scission de la coopérative et instrumentalisation du « tutorat » entre autochtones et Burkinabè

58L’affaire de la coopérative de commercialisation du cacao et du café illustre comment la gestion des enjeux ordinaires, mais stratégiques du point de vue de la micro-politique villageoise, s’alimente de la situation de guerre. La coopérative est un enjeu important à bien des égards. Elle permet l’accès aux ristournes sur la vente, qui financent les équipements collectifs du village (école, électrification, puits) ; les coopératives faîtières (qui sont en concurrence) délivrent également des services (prêts scolaires, approvisionnement en produits agricoles et même en ciment à des prix préférentiels, usage d’un véhicule pour transporter le produit depuis le champ…). Son contrôle permet aussi de délivrer des services de crédits de dépannage aux réseaux de parenté et d’affinité, et, pour les membres du bureau, de tirer quelques « à-côtés » de petites fraudes systématiques, voire, dans les cas les plus graves, de détournements.

59La coopérative est aussi un enjeu important dans les rapports intercommunautaires entre autochtones et migrants. La participation des planteurs baoulé et burkinabè, dont la production est bien plus importante que celle des autochtones, est en effet le moyen de bénéficier d’une rente collective sur les ristournes correspondant au volume de leur production. C’est pour cette raison que la violente attaque du sous-préfet en avril 2001, relatée plus haut, contre les « pisteurs » (essentiellement burkinabè) accusés de détourner le produit de la coopérative villageoise, a été accueillie avec satisfaction par beaucoup de villageois autochtones, en particulier les jeunes qui participent, au gré des changements de bureau (au moins trois depuis le début des années 1990), au fonctionnement de la coopérative.

60Au mois d’août, peu avant le déclenchement des hostilités, une coopérative concurrente fut créée par l’ancien président de la coopérative villageoise, destitué peu de temps avant pour mauvaise gestion. Il s’agit d’un homme jeune, ancien encadreur d’une société d’État spécialisée dans le développement agricole. « Compressé » lors de l’ajustement structurel des années 1980, il vivote au village en travaillant sur les terres familiales et en servant d’« instituteur bénévole » au village. Il est propriétaire d’une petite plantation de cacao. Il a pris une part active aux manœuvres souterraines pour le remplacement de l’ancien chef de village. Son nom circulait d’ailleurs comme candidat possible de certains « cadres » citadins, mais il eut le tort d’affirmer trop ouvertement ses ambitions au poste de chef, alors qu’il était déjà président de la coopérative. En outre, sa position sociale de « jeune » et sa faible position économique ont éveillé des soupçons de pur opportunisme.

61On retrouve dans cet épisode villageois les principaux ingrédients déjà soulignés : les rapports entre générations et les relations intercommunautaires. Au départ, l’affaire reposait sur une histoire de susceptibilité entre familles autochtones et sur la stratégie de positionnement d’un « jeune » au profil sociologique proche de celui des « barragistes ». Au final, elle interfère sur les relations entre communautés et, dans la situation actuelle, elle contribue à accroître les craintes des Burkinabè. L’essentiel des adhérents de la seconde coopérative appartient au lignage de son président. Ils sont nettement moins nombreux, parmi les autochtones, que les adhérents de la coopérative originelle. Mais, pour rassembler plus de produits, le président a fait le tour des « étrangers » auxquels son père (important « vendeur » de terre) ou des membres de son lignage avaient cédé des portions de terre, parmi lesquels de nombreux Burkinabè ; il réussit ainsi à capturer, pour le compte de la coopérative, des Burkinabè dont les membres de sa famille étaient les « tuteurs ». Les menaces qui pesaient sur eux (tout cela se passait durant le conflit) ne leur laissaient pas le choix, en dépit du risque de mécontenter les adhérents de la coopérative majoritaire. Le quartier burkinabè du village reçut effectivement la visite de représentants des coopérateurs mécontents.

62De cette tentative d’analyse « à chaud » (elle exigerait certainement des investigations supplémentaires) se dégagent quelques traits essentiels. Une atmosphère de peur et d’insécurité prévaut dans cette micro-région, alimentée de temps en temps par un vent de panique du fait de la relative proximité de la ligne de front. Toutefois, depuis le déclenchement de la guerre, malgré la perturbation de la circulation des biens et des personnes et les répercussions sur la vie économique, il est difficile de parler d’une situation d’insécurité généralisée. Les relations entre autochtones et Ivoiriens, d’une part, et Burkinabè d’autre part, sont basées avant tout sur la peur de l’autre et la méfiance. Ce sont évidemment les ressortissants burkinabè qui souffrent le plus de cette situation, moins d’ailleurs du fait de l’administration locale et des autorités villageoises que des forces de défense qui, tout en reprenant le discours officiel sur la pacification des relations entre les différentes communautés, se livrent à des opérations d’intimidation systématiques, non accompagnées toutefois de morts d’hommes signalées.

63En outre, contrairement à une opinion courante, les populations rurales ne subissent pas passivement la guerre et l’insécurité. Certes, dans la continuité d’un contexte antérieur propice à l’explosion des tensions, la situation actuelle alimente et réactive les antagonismes structurels, notamment entre les générations, entre les « jeunes » et les autorités villageoises et, par répercussion, entre autochtones et migrants. Mais, dans la mesure où le conflit ne remet pas encore en cause, au moins à court terme, les bases économiques de la société villageoise, il n’aboutit pas à une désagrégation des relations sociales et ne suscite généralement pas, du côté des autorités villageoises, d’initiatives irrémédiables d’exclusion, comme tendrait à le faire la nouvelle génération des « rurbains » villageois, largement sacrifiés depuis trente ans par les gestionnaires des affaires du pays.

64Le conflit actuel s’ancre dans les dynamiques sociales locales antérieures et, à leur tour, ces dynamiques se nourrissent du conflit. Les marges de manœuvre des différentes composantes sociopolitiques locales se reconfigurent, laissant apparaître de nouveaux enjeux dont le dénouement risque de se jouer à peu de choses. Que penser par exemple du fait que les bénéfices tirés en cinq mois des activités des « barragistes » d’un petit village excentré représentent une somme plus importante que la capacité annuelle d’épargne de la coopérative pour financer les équipements collectifs ? Qu’adviendra-t-il si les bases économiques locales se délitent ?

65Pour cette région relativement épargnée par le conflit, l’après-guerre constituera certainement un tout autre défi, dont la portée est nationale : surmonter les fractures structurelles héritées de la longue période d’houphouétisme, aggravées par la « politique du ventre » des élites politiques et intellectuelles, et que les politiques d’ajustement structurel et d’affaiblissement de l’État imposées par les bailleurs de fonds ont largement contribué à occulter.

Notes

  • [1]
    Voir K. S. Bobo, La Question de l’accès à la terre des jeunes et des citadins de retour au village : cas de Donsohouo dans la sous-préfecture d’Oumé, mémoire de maîtrise, Université de Bouaké, Département d’anthropologie et de sociologie, 2001 ; J.-P. Chauveau, « Question foncière et construction nationale en Côte d’Ivoire. Les enjeux silencieux d’un coup d’État », Politique africaine, n° 78, juin 2000, pp. 94-125, « La loi ivoirienne de 1998 sur le domaine foncier rural et l’agriculture de plantation villageoise : une mise en perspective historique et sociologique », Réforme agraire, n° 1, 2002, pp. 62-78, et The Institution of the « Tutorat » between Locals and Migrants, and its Evolution. The Moral Economy, State, Inter-Ethnic Relations and Land Rights (Gban Region, Côte d’Ivoire), Colloque « Land rights and the politics of belonging in West Africa », Francfort, 2002. Des informations proviennent également de recherches menées par V. Bonnecase, M. Koné, M. Soro et M. Zongo. En ligne
  • [2]
    Terme désignant dans le sud du pays les migrants originaires du Nord, généralement musulmans, qu’ils soient de nationalité ivoirienne (Malinké et Sénoufo) ou non (Maliens et Guinéens). Le terme peut englober selon les circonstances les Burkinabè. Voir C. Bouquet, « Être étranger en Côte d’Ivoire : la nébuleuse “dioula” », Géopolitique africaine, n° 9, 2003, pp. 27-42.
  • [3]
    H. Raulin, « Mission d’études des groupements immigrés en Côte d’Ivoire », Fascicule 3, Problèmes fonciers dans les régions de Gagnoa et de Daloa, Orstom, multigr., Paris, 1957.
  • [4]
    C. Beauchemin, Le Temps du retour ? L’émigration urbaine en Côte d’Ivoire, une étude géographique, thèse de doctorat, Université Paris-VIII, Institut français d’urbanisme, Recensement général de la population et de l’habitat 1998, 2000.
  • [5]
    Candidat battu aux législatives de janvier 2001, remportées par le PDCI, il a été élu en juillet 2002. Comme dans bien d’autres circonscriptions, il est issu d’une catégorie sociale ne résidant pas sur place, comme les cadres du gouvernement, les politiciens citadins ou les universitaires. Malgré la guerre, le gouvernement a mis des véhicules à disposition des élus régionaux pour faciliter leurs contacts avec les populations locales. Ces élections régionales passent pour avoir été une revanche des élections municipales de mars 2001, où le RDR s’était taillé un beau succès, y compris dans des fiefs électoraux du FPI et du PDCI. Voir C. Bouquet, « Côte d’Ivoire : quatre consultations pour une transition (décembre 1999-mars 2001) », L’Afrique politique, 2002, pp. 313-342.
  • [6]
    Aucune indication ne permet de penser qu’ils aient été armés par les autorités officielles.
  • [7]
    Un article sur « Une campagne pernicieuse dans les villages du Centre » (en pays baoulé), paru dans Notre Voie du 19 février 2003, illustre la défiance du pouvoir à l’encontre de H. Konan Bédié.
  • [8]
    La définition de cette catégorie d’acteurs est autant sociale que biologique. L’âge peut varier de la vingtaine à la trentaine d’années. Les critères sociaux combinent la dépendance sociale et économique à l’égard des aînés de la famille, le niveau de scolarisation et, souvent, l’expérience citadine.
  • [9]
    Voir J.-P. Chauveau, P.-M. Bosc et M. Pescay, « Le Plan foncier rural en Côte d’Ivoire », in P. Lavigne Delville (dir.), Quelles politiques foncières pour l’Afrique rurale ? Réconcilier pratiques, légitimité et légalité, Paris, Karthala-Coopération française, 1998, pp. 553-582.
  • [10]
    Front populaire ivoirien, Propositions pour gouverner la Côte d’Ivoire, 1re partie, introduction de Laurent Gbagbo, Paris, L’Harmattan, 1987.
  • [11]
    Pour reprendre l’expression coloniale qui désignait les jeunes hommes, réputés querelleurs, en quête d’emploi dans les villes du Sud, et tout particulièrement les « Bété » et les ressortissants de l’Ouest forestier. J.-P. Dozon, La Société bété, Côte d’Ivoire, Paris, Orstom-Karthala, 1985.
Français

Les implications de la situation actuelle sur les enjeux ordinaires de la vie sociale et politique dans les campagnes sont examinées à partir de l’étude de cas d’un village et de sa région proche. Les informations montrent comment le conflit s’ancre dans les dynamiques sociales locales préexistantes et, réciproquement, comment ces dynamiques se nourrissent de la situation actuelle et de la recomposition des marges de manœuvre des principaux groupes d’acteurs.

Jean-Pierre Chauveau
IRD-UR Refo-UMR Moisa, Montpellier
Koffi Samuel Bobo
Étudiant à l’université de Bouaké associé à l’UR Refo
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.089.0012
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