CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis l’indépendance, la vie sociale, politique et économique au Sénégal reposait sur un système de valeurs et des figures de la réussite marqués à la fois par le « contrat social sénégalais [1] » et par le mythe de l’intellectuel, incarné par le modèle senghorien. Une rupture s’était pourtant produite en 1988, lorsque les jeunes étaient descendus dans la rue pour contester la réélection d’Abdou Diouf à la présidence et réclamer le changement. Douze ans plus tard, le 19 mars 2000, cette exigence de changement – sopi en wolof – trouvait un aboutissement politique dans la réalisation de la première alternance démocratique avec l’élection d’Abdoulaye Wade. Cependant, cette alternance n’est que l’un des aspects d’un mouvement plus global, porté massivement par les jeunes urbains Sénégalais, qui se caractérise par un certain nombre de ruptures par rapport au système de valeurs hérité des aînés, gangrené par la corruption et jugé responsable de la crise protéiforme dont ils sont les premières victimes.

2Les processus d’individuation [2] en cours, largement tributaires des effets conjugués de la scolarisation, de l’urbanisation et de la crise économique, ont permis à cette jeunesse urbaine « conjoncturée » d’exploiter de nouvelles marges d’autonomie et, ainsi, de s’approprier de nouveaux espaces d’expression culturelle et de reformulation des identités. Né dans les années 1990, un mouvement culturel, le bul faale, est devenu le vecteur privilégié de cette affirmation de la jeunesse, porteur d’un nouvel ethos et de nouvelles figures de la réussite [3].

3En Afrique urbaine peut-être plus qu’ailleurs, les cultures juvéniles sont d’abord des cultures de la rue [4]. En ce sens, le mouvement bul faale au Sénégal est exemplaire, car il est explicitement un mouvement juvénile et urbain, à la fois culturel – il repose sur des modes d’expression artistiques (le rap) et sportifs (la lutte sénégalaise) – et social, en ce qu’il véhicule un système de valeurs très marqué générationnellement. Il affiche en même temps une volonté de rupture et une remarquable capacité d’innovation, laquelle repose sur des processus de reformulation des identités, à l’interface des dynamiques du dedans et du dehors [5].

4Cette contribution propose de saisir le phénomène bul faale à travers ses acteurs, les jeunes urbains, et à travers ses principales figures de la réussite. En effet, les logiques identitaires sont avant tout des constructions, à la fois individuelles et collectives, qui reposent sur des processus d’identification et s’articulent autour de modèles, que nous appellerons ici des figures individualisées de la réussite. S’agissant du mouvement bul faale, ces figures individualisées sont celles du lutteur Tyson et de certains rappeurs. Mais elles renvoient aussi à des figures types de la réussite ou, pour le dire dans une perspective webérienne, à des « types idéaux », qui peuvent êtres identifiés au moyen d’une tentative de synthèse des références culturelles, morales, esthétiques et corporelles caractéristiques du bul faale.

5Pour cela, il est nécessaire d’appréhender ce mouvement à la fois dans sa dimension normative, c’est-à-dire comme production d’un système de valeurs, et dans sa dimension pratique, qui se décline à travers un ethos et des cultures matérielles propres dont nous rendrons compte en privilégiant le rendu d’observations ethnographiques.

PBS, Rap’Adio et Tyson : principales figures individualisées de la réussite « bul faale »

6C’est dans le contexte de crise des années 1990 qu’apparaissent les premiers groupes de rap, et en particulier Positive Black Soul (PBS), qui, de pionnier, allait devenir le groupe majeur du mouvement rap sénégalais. Avant de se rencontrer, les deux leaders du PBS jouaient depuis plusieurs années dans des groupes rivaux, à savoir Syndicate pour Didier Awadi, qui deviendra JFAwadi, et les King Mc’s pour Amadou Barry, qui prendra le nom de Doug E-Tee. En 1994, le PBS, qui connaissait déjà une réelle popularité, sortit une cassette intitulée Boule Fale[6]. La chanson du même nom remporta un énorme succès et devint le premier hymne du mouvement rap, qui connaît depuis lors un développement spectaculaire [7].

7En ce sens, les rappeurs du PBS sont donc les premières figures identifiées au mouvement bul faale, mais celui-ci va s’étendre et gagner en autonomie par rapport à ses « géniteurs ». Certes, la popularité du PBS chez les jeunes Sénégalais reste incontestable, mais, en passant du titre d’une chanson au slogan fédérateur de toute une génération en quête d’émancipation, le bul faale s’est trouvé de nouvelles figures, y compris au sein du mouvement rap qui, en se développant, a affirmé ses spécificités et ses capacités d’innovation. À la différence des États-Unis et de la France, où le rap s’est développé comme une parole juvénile, urbaine et contestataire au sein des ghettos et des banlieues, le rap sénégalais s’est d’abord implanté dans la petite bourgeoisie, plus ouverte aux modes et aux sonorités occidentales. Il est révélateur que Didier Awadi et Doug E-Tee soient respectivement issus des quartiers Sicap Amitié 2 et Sicap Liberté 6, deux quartiers résidentiels, et qu’ils appartiennent tous deux à des familles relativement aisées. Or, on observe à partir de 1995-1996 un renversement de tendances, avec la multiplication des groupes de rap dans les quartiers populaires de Dakar (Médina, Grand Dakar…) et, surtout, dans la grande banlieue (Pikine, Guédiawaye, Rufisque…). Ce faisant, de nouvelles figures ont émergé. Parmi celles-ci, on pense notamment à des groupes tels que Pee Froiss, WA BMG 44 et Rap’Adio, qui ont pour particularité d’être fortement identifiés à leur quartier.

8Les trajectoires et la territorialité des groupes participent pleinement des processus d’identification et des logiques de production. On remarque ainsi que ces groupes sont porteurs d’un rap qui se veut plus radical, « underground » ou « hardcore », selon leurs propres termes, en ce sens qu’il cherche à véhiculer un discours engagé sur une musique souvent jugée plus violente. Ce paradigme de la radicalité va d’ailleurs devenir le principal élément comparatif et déterminant de leur succès. Les jeunes « conjoncturés », en investissant ce nouvel espace leur permettant d’exprimer un regard critique sur la société sénégalaise, vont en effet encourager une surenchère dans la radicalité des textes. Autrement dit, le meilleur groupe est, pour beaucoup, celui qui va le plus loin dans ses messages. Quand sort une nouvelle cassette de Pee Froiss, de Rap’Adio ou d’un de leurs membres en solo, les rumeurs sur son contenu courent plusieurs semaines à l’avance. Sans doute cette radicalité même est-elle devenue un outil de promotion. Néanmoins, de véritables tabous ont été levés, comme lorsqu’Iba, de Rap’Adio, et Makhtar, de WABMG 44, ont dénoncé, dans une compilation qui a connu un grand succès [8], l’hypocrisie de certaines pratiques religieuses, faisant notamment référence à la concurrence entre les deux principales confréries mouride et tidjane. Cette radicalité des textes s’accompagne en même temps d’une mise en scène esthétique et corporelle très élaborée. Les membres de Rap’Adio ont ainsi marqué les esprits en montant sur scène avec des cagoules. Il s’agissait pour eux d’affirmer une posture de combat [9] et de se positionner comme les porte-parole anonymes de la jeunesse qui se reconnaissait dans leur musique. Makhtar, qui s’est rapproché d’Iba, s’est lui aussi approprié le port de la cagoule au point de se faire appeler « Makhtar le cagoulard ».

9Pourtant, ce n’est pas au sein du mouvement rap qu’a émergé la principale figure individualisée de la réussite bul faale, mais dans la lutte traditionnelle, à travers la personnalité de Mohammed Ndao, encore appelé Tyson. Né en 1972 à Kaolack, ce lutteur sérère s’est fait connaître depuis 1995 en « terrassant », selon l’expression consacrée, tous les champions historiques de ce sport (Mohammed Ali, Moustapha Gueye, Manga II…). Tyson a compris qu’il pouvait construire sa popularité, au-delà de ses succès sportifs, en soignant son image et son message. En diffusant les traits saillants de sa biographie, il parvenait ainsi à élargir son pouvoir d’identification. Son image s’est forgée de la manière suivante. Issu d’une famille populaire, il dut arrêter ses études avant le baccalauréat et se trouva confronté au chômage, comme tous les jeunes conjoncturés de sa génération. Profondément marqué par les mythes véhiculés par l’idéologie américaine du self-made man, M. Ndao va se construire un destin à la force du poignet. Conscient de ses qualités athlétiques, il s’est essayé d’abord à la boxe et au basket avant de choisir la lutte « traditionnelle ». En fait, la particularité de Tyson a été de rompre successivement avec tous les usages et les coutumes qui faisaient auparavant partie du paysage de la lutte sénégalaise. Traditionnellement, en effet, la lutte est un milieu très fermé, dans lequel il est souvent nécessaire d’avoir des relations familiales pour réussir. Par ailleurs, il est d’usage d’avoir été repéré et d’appartenir à l’une des grandes « écuries », nom donné aux clubs de lutte, lesquelles sont elles-mêmes souvent liées aux pouvoirs maraboutiques et politiques. Ne bénéficiant pas de ces « entrées » dans le milieu, Mohammed Ndao choisit au contraire de s’entraîner seul, fabriquant lui-même ses altères avec des boîtes de conserve, une barre de fer et un peu de ciment. Dès ses premiers succès, Tyson s’est identifié au bul faale – « t’occupe pas ! » –, qui est pour lui une réponse à tous ceux qui tenteraient de se mettre en travers de son chemin. Il s’est efforcé de véhiculer l’image d’un jeune ayant réussi par son seul travail et sans se préoccuper des préjugés renvoyés par ses aînés. Il s’agit là d’un message fort pour une jeunesse qui aspire à se libérer de certains carcans afin d’exprimer sa soif d’autonomie et son droit à la parole. En s’installant à Pikine, la plus importante banlieue de Dakar, qui concentre à l’extrême toutes les difficultés de la jeunesse urbaine sénégalaise (grande pauvreté, chômage, délinquance, promiscuité…), Tyson affirma encore un peu plus sa fonction exemplaire.

10Au cours de sa carrière, Mohammed Ndao Tyson est ainsi devenu la figure emblématique de la génération bul faale, notamment en provoquant une série de ruptures. Il répond tout d’abord à l’effet attractif d’une réussite idéalisée des Noirs américains sur la jeunesse sénégalaise – se faisant, bien sûr, appeler Tyson en référence au boxeur noir américain du même nom, qui marqua lui aussi l’émergence d’une nouvelle génération de boxeurs, après celle de Mohammed Ali. En battant justement le lutteur qui s’était approprié ce même nom de Mohammed Ali, il parvenait à réaliser un transfert symbolique de la boxe américaine à la lutte sénégalaise. Pour affirmer un peu plus ses références, et usant d’un sens naturel pour le spectacle, il prit l’habitude d’arriver dans l’arène enroulé du drapeau étoilé américain. Bientôt, on vit même apparaître une danse bul faale, reposant sur des rythmes traditionnels sérères, ainsi qu’une nouvelle coupe de cheveux bul faale, très courte sur le haut du crâne, marqué de trois fines raies rasées, le reste de la tête étant entièrement rasé : la « coupe Tyson [10] ». Il n’hésita pas non plus à défier la génération de ses aînés sur sa valeur propre, rejetant notamment toute la mise en scène mystique qui précédait traditionnellement les combats, et pouvait les retarder de plusieurs heures. Ainsi, au début du combat contre Manga II, en juillet 1999, pendant la préparation mystique de celui-ci, il provoqua son adversaire en lui montrant son poignet à l’emplacement de sa montre pour lui signifier qu’il était temps de commencer : « Luy, jot jotna ![11] ». Une fois le combat débuté, il ne fallut que deux minutes à Tyson pour terrasser Manga II, sous les acclamations de toute la jeunesse bul faale, qui descendit alors dans la rue pour fêter la victoire de son champion. On ne peut comprendre l’ampleur de cette explosion de joie sans saisir la charge symbolique de cette victoire, qui dépasse largement le cadre sportif pour apparaître comme la revanche de la génération bul faale sur celle de ses aînés, et plus encore comme un signe du destin annonciateur d’une possible victoire sur le régime socialiste. Il faut rappeler que cet événement a eu lieu moins d’un an avant l’échéance présidentielle qui a consacré l’alternance.

11À partir de cette victoire, Tyson s’est véritablement imposé comme le leader emblématique et, en ce sens, comme la principale figure individualisée de la génération bul faale. Il a alors mis à son profit cette hyper-identification en permettant une récupération commerciale et politique du slogan bul faale. Les publicités utilisant son image et son équation personnelle (« Tyson = bul faale ») se sont multipliées, tant pour vendre du lait en poudre ou des cahiers que pour assurer la politique de relations publiques de certaines entreprises. Le Parti socialiste, qui se savait massivement rejeté par la jeunesse urbaine, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de février 2000, a également tenté de récupérer l’image de Tyson et, ce faisant, du bul faale[12]. Mais cette tentative s’est retournée contre Tyson lui-même, qui fut immédiatement désigné comme un traître [13]. En ce sens, la récupération-incarnation du bul faale à son profit par Tyson a annoncé son déclin en tant que slogan. D’une certaine façon, en 1990, le mouvement set setal[14] avait, sous plusieurs aspects, préfiguré le mouvement bul faale comme tentative de réappropriation identitaire et générationnelle de l’espace public. Mais, déjà, la capacité de mobilisation du set setal chez ces mêmes jeunes urbains avait été l’objet d’une récupération politique, entraînant là aussi son déclin en tant que slogan. Néanmoins, certaines spécificités inhérentes au set setal ont survécu à cette récupération. De la même façon, les valeurs, les attitudes et les aspirations qui s’étaient incarnées dans le syntagme bul faale, et qui participent de la définition d’un ethos bul faale, lui ont survécu et se sont même diffusées.

L’ethos et les figures types de la réussite pour la génération « bul faale »

12Véritables leaders charismatiques, Tyson et les chanteurs de rap se sont ainsi imposés comme figures individualisées de la réussite bul faale auprès de la jeunesse urbaine de Dakar et, ce faisant, ont fourni à celle-ci ses principaux modèles d’identification personnifiés. Chacun à leur manière, ils ont contribué à définir l’ethos bul faale à partir duquel on peut définir des figures types, ou des types idéaux, pour reprendre la terminologie webérienne, en ce sens qu’ils agrègent les valeurs et cultures matérielles qui renvoient au phénomène bul faale.

13La figure de Tyson s’est largement construite sur sa capacité à réussir par lui-même, c’est-à-dire en procédant à une double rupture, d’une part avec les règles internes au milieu très fermé de la lutte, et d’autre part avec les principes du modèle éducatif traditionnel. Dans celui-ci, les trajectoires individuelles devaient suivre en priorité la voie définie par les aînés, en particulier la génération des parents, et, dans certains cas, par l’héritage, notamment dans les cas d’appartenance à une caste ou à une grande famille religieuse. Les jeunes se sont reconnus dans cette volonté d’émancipation et d’affirmation par la différenciation, qui s’exprime notamment dans les pratiques corporelles, spirituelles et culturelles.

Corporéité

14Une des manifestations les plus évidentes repose sur une reformulation du rapport au corps, préfigurée en 1996 par la réactualisation du personnage de Birima dans une chanson de Youssou Ndour [15], mais qui s’est véritablement affirmée à travers la figure de Tyson. En particulier, le spectacle qu’offrent les plages est chargé de sens du fait de la multiplication des mises en scène du corps dans des exercices de musculation, des combats de lutte, d’arts martiaux… On peut même y déceler tout un jeu de miroirs, de défis et de repositionnements qui permettent de dépasser certains rapports de domination traditionnels. Il n’est plus seulement question d’être dominant ou dominé en référence à son âge ou à sa caste. Ici, le meilleur est celui qui peut valoriser ses qualités physiques, celui qui gagne son combat et, selon un avis largement partagé, celui qui a le plus travaillé.

15Par ailleurs, en tant que véhicule musical de la contestation, le mouvement rap constitue une rupture avec la tradition musicale griotique, incarnée aujourd’hui par le succès du mbalax [16]. Dans cette tradition, les chanteurs et les musiciens assument une double fonction laudative et festive, à la différence du rap qui épouse le terrain revendicatif. Autour de ce mouvement rap, les jeunes ont développé et adopté diverses stratégies de différenciation par rapport à leurs aînés. C’est le cas notamment du point de vue linguistique. Certes, la génération de leurs parents avait créé le kal, une forme de verlan. Mais le langage bul faale se caractérise davantage par l’apport de mots et d’expressions d’origine anglo-saxone et de détournements du wolof traditionnel. À titre d’exemples : « dafa nice » (« il est sympathique »), « Seen bisness la » (« c’est leur affaire »), ou encore l’utilisation du mot water à la place du ndox wolof pour signifier l’eau. Le lien entre l’identité et la territorialité puise également dans les références anglo-saxonnes. Ainsi, les jeunes Dakarois s’identifient volontiers comme étant des boys Dakar. Le quartier populaire de Grand Dakar devient « Big Town », et l’un de ses sous-quartiers est même appelé « Coin FBI ». Quant aux chanteurs du groupe Rap’Adio et ceux qui s’identifient à leur message, ils se désignent eux-mêmes comme étant des crazy boys

16Toujours dans le sillage du mouvement bul faale, certains prénoms sont transformés : Saliou devient Zal, Lamine se change en Laamzo, Seynabou en Zeina ou Aziz en Zig. On pourrait encore signaler de très nombreuses expressions qui renvoient au même mouvement et qui ont toutes pour finalité de participer à des stratégies de différenciation et d’autonomisation. On a déjà insisté sur l’importance des apports anglo-saxons. Mais ce qui caractérise plus globalement le langage des jeunes urbains sénégalais est une dynamique d’hybridation, qui mélange un wolof approximatif (comparé au wolof traditionnel encore parlé par certains aînés et en milieu rural) et des apports successifs de mots français, anglais et arabes. Au final, on assiste véritablement à la création d’une expression verbale propre au bul faale mais qui, en pénétrant peu à peu tous les milieux de la société sénégalaise, devrait lui survivre.

Religiosité

17Un autre aspect significatif du phénomène bul faale est qu’il s’accompagne d’une reformulation des allégeances dans le domaine spirituel, marquées par le développement de nouvelles formes d’appartenance à la confrérie mouride. Les facteurs explicatifs sont très divers. Tout d’abord, dans un contexte de crise économique et sociale, il ne faut pas négliger l’effet attractif de la réussite économique de la confrérie, tant dans la ville religieuse de Touba qu’à travers la diaspora des commerçants mourides. On pense notamment au modèle présenté par les móodu móodu[17], devenus d’importantes figures de la réussite au Sénégal, mais que l’on ne peut pas directement associer au mouvement bul faale. On notera encore l’influence de certaines figures charismatiques au sein de la classe maraboutique mouride, en particulier Serigne Modou Kara Mbacké, qui se fait appeler le « marabout des jeunes », ou encore Cheikh Bethio Thioune, qui peut se prévaloir de la confiance du khalife général, Serigne Saliou Mbacké, et qui présente la particularité de ne pas être un descendant du fondateur de la confrérie, Cheikh Ahmadou Bamba. En ce sens, même s’il ne le revendique pas, son parcours présente certains points communs avec celui de Tyson.

18Si l’on ajoute à ces facteurs la déstructuration des modèles familiaux, on peut faire le constat d’une crise des références identitaires qui trouve une de ses réponses dans l’appartenance à la confrérie mouride. En effet, au sein des dahiras[18] et autour de leur marabout ou de son représentant, les jeunes se reconstituent une nouvelle famille symbolique, dont ils revendiquent l’appartenance à travers différents signes extérieurs et attitudes corporelles, parfois différenciés selon leur proximité avec certains courants de la confrérie. Il s’agit notamment de signes vestimentaires : port du krouss (un chapelet constitué de perles relativement importantes), bonnet en laine à l’image de Serigne Modou Kara, ou encore, pour les mourides proches du mouvement Hiztbut Tarqiyyah, ample boubou en référence au précédent khalife, Serigne Abdou Lahat Mbacké. Quant aux adeptes de la mouvance Baye Fall, en signe d’allégeance à Cheikh Ibra Fall, illustre compagnon et disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, ils portent le plus souvent des vêtements bariolés et la coiffure rasta, les dread locks. À travers la perception d’un style de vie baye fall, qui se résume pour certains à de moindres contraintes du point de vue des pratiques religieuses et à une tolérance toute particulière du reste de la population, de jeunes urbains déstructurés ont trouvé dans le baye-fallisme un moyen de vivre leur marginalité (consommation d’alcool et de yamba, mendicité parfois agressive…) sans être systématiquement rejetés par la société [19].

19On constate également une très large diffusion des photos et des images de Cheikh Ahmadou Bamba et de son compagnon, Cheikh Ibra Fall, notamment sous forme de pendentifs. Parmi les principales attitudes corporelles, le mode de salutation appelé suu jot est particulièrement répandu. Il consiste à prendre successivement la main de son interlocuteur et à la poser sur son front, voire, dans certain cas, à l’embrasser. Les Khassaïdes, des poèmes mystiques écrits par Cheikh Ahmadou Bamba, sont également chantés par la plupart des disciples. Par ailleurs, le Grand Magal de Touba, principale fête religieuse de la communauté mouride, est devenu le plus grand rassemblement annuel du Sénégal, réunissant jusqu’à près de trois millions de personnes, dont une majorité de jeunes des différents centres urbains [20]. Tous ces signes extérieurs exercent un fort effet attractif sur cette jeunesse urbaine. En ce sens, le diffusionnisme mouride repose largement sur l’effet attractif d’un mode de vie ostentatoire [21]. Par conséquent, on ne peut voir dans ce phénomène ni le retour d’un fondamentalisme religieux, ni même une démarche purement spirituelle. Il est révélateur qu’au cours d’entretiens individuels, beaucoup de jeunes se disent encore appartenir à la confrérie tidiane par héritage de leurs parents. Pourtant, replacés dans leur environnement, on peut entendre ces mêmes jeunes jurer sur la grandeur de Cheikh Ahmadou Bamba ou les voir arborer autour du cou la photo d’un marabout mouride et se saluer en utilisant le suu jot.

Africanité

20La reformulation du rapport à l’africanité constitue une autre thématique centrale et structurante de l’ethos bul faale. Le mouvement rap est sans doute le lieu où cette problématique est la plus visible. Elle suit deux directions principales. On trouve à la fois des textes qui dénoncent la corruption des sociétés africaines, et en particulier de ses élites politiques (Le bourreau est noir, de PBS [22]), et d’autres qui, au contraire, se font les porte-parole d’une africanité radicale, anti-impérialiste (voir Le président d’Afrique est mort, sur Thomas Sankara, de Black Power System [23]), parfois religieuse (My Line, de Bamba J-Fall), mais une africanité, dans tous les cas, très idéalisée, qui fait écho à d’autres formes d’« écritures africaines de soi [24] ». Par ailleurs, la plupart des noms de groupes contiennent une référence à l’africanité, et ce différemment selon qu’ils recourent en priorité à l’anglais, du fait de l’influence du rap américain (Positive Black Soul, Black Muslims, Black Power System…) ou à travers l’utilisation du wolof (Bedeew Bou Bess, Jant Bi, Domou Jolof [25]). De façon globale, le mouvement bul faale renvoie à une conception ambivalente de l’africanité, entre une tradition mythique et une modernité idéalisée, importée des États-Unis. Ainsi, les rappeurs sont de plus en plus nombreux à revendiquer une parenté entre le rap et certaines traditions orales et musicales griotiques, telles que le taassu, le kassak et le taxuuran. On est également frappé par la multiplication des références à plusieurs héros fondateurs, dans des registres différents, de l’imaginaire islamo-wolof, qu’il s’agisse de Kocc Barma de Lat Dior [26], ou de Cheikh Ahmadou Bamba. En même temps, à l’image du lutteur Tyson, la jeunesse urbaine sénégalaise mixe ces traditions réinventées avec des références à une modernité supposée incarnée par les Noirs américains. Il y a là une logique afrocentrique qui joue un rôle déterminant dans les processus d’identification musicaux (le rap), esthétiques (les vêtements), linguistiques et idéologiques, certains leaders tels que Martin Luther King et Malcolm X faisant désormais pleinement partie de l’imaginaire de la jeunesse bul faale.

21En fait, loin de s’opposer, ces deux conceptions doivent être comprises dans une logique de reformulation et d’hybridation. On est ici au cœur d’un jeu dialectique entre des « dynamiques du dehors » qui résultent des contacts et des échanges, réels ou imaginaires, entretenus avec d’autres sociétés, et des « dynamiques du dedans » qui renvoient aux tensions internes à la société considérée. À travers le rap ou leurs modes vestimentaires, les jeunes produisent un véritable « recyclage » des identités. On perçoit particulièrement ces logiques syncrétiques à travers les pratiques vestimentaires qui associent volontiers certains attributs du talibé mouride (bonnet, krouss…) et d’autres référents, influencés par l’esthétique du rap américain (pantalon large « treillis » porté très bas sur les fesses, T-shirts à l’effigie des stars du rap américain…). La figure type du jeune bul faale est donc une figure sociale hybride, que l’on pourrait situer, grosso modo, entre un modèle islamo-wolof et une idéalisation des Noirs américains, entre pudeur islamique et stratégie d’affirmation du corps, entre Cheikh Ahmadou Bamba et Tyson [27]. Le jeune bul faale revendique également un désir d’émancipation qui renvoie aux dynamiques contemporaines d’individuation en Afrique urbaine, en même temps que la recherche de nouvelles familles symboliques à travers la dahira, mais aussi le groupe de rap, le quartier ou l’ASC (Association sportive et culturelle). Pour ce faire, la jeunesse bul faale a su témoigner de remarquables capacités d’innovation. Ces figures ne sont donc pas subies mais bien le résultat d’un travail de reconstruction identitaire, qui fait réponse à la crise protéiforme que traverse le pays depuis une quinzaine d’années.

L’ethos « bul faale » dans l’espace politique et social sénégalais

22Le bul faale n’est donc pas, comme certains ont parfois voulu le croire ou le faire croire, l’expression d’une jeunesse résignée. Bien au contraire, il apparaît comme le rejet d’un certain fatalisme qui imprègne « traditionnellement » l’imaginaire sénégalais.

23Ce fatalisme prend d’abord sa source dans la compréhension populaire de l’Islam qui transparaît à travers l’utilisation de plusieurs expressions caractéristiques (Inch Allah, Yalla Baaxna, Yalla xam, Jappal ci Yalla…[28] ) qui renvoient toutes à une conception essentiellement providentielle du destin. Or, sans vouloir entrer dans les subtilités de la théologie musulmane, la prédétermination et l’omnipotence divine n’entrent pas en contradiction avec la liberté et, par conséquent, avec la responsabilité individuelle, laquelle donne tout son sens au dogme du « Jugement dernier ». Il existe donc un hiatus entre le dogme musulman et sa compréhension populaire, ce qui n’est propre bien sûr ni à la religion musulmane, ni à la population sénégalaise. Cette conception a notamment pour conséquence de justifier l’acceptation de son sort et de présenter comme le signe d’une bénédiction divine la réussite de toute entreprise, notamment politique et économique, indépendamment de son rapport à la morale. Associée à un certain nombre de valeurs traditionnelles et constitutives de la philosophie morale wolof, telles que l’honneur (jom), la patience (mun) et la maîtrise de soi (kersa)[29], cette posture religieuse a pu favoriser une propension au fatalisme et au respect de l’ordre établi, comme si celui-ci renvoyait à une identité primordiale. On devine donc ici les contours d’un système de valeurs très différent de celui véhiculé par la génération bul faale, qui appelle à l’émancipation par rapport aux carcans culturels, sociaux et familiaux, et met en avant l’individu, qui n’est plus seulement le produit de son milieu mais aussi le produit de ses actes.

24En ce sens, la jeunesse sénégalaise a produit une philosophie de l’action qui passe notamment par une revalorisation de la réussite par l’effort et le travail, que l’on retrouve véritablement de façon transversale dans toutes les formulations et manifestations du bul faale, notamment à travers les figures individualisées de la réussite que l’on a pu identifier. Dès lors, il est intéressant d’établir des connexions entre la place du travail dans l’éthique bul faale et celle qu’il occupe dans la mystique mouride, où il est présent dans une triple acception. Pour les mourides, le travail est à la fois al kasb, c’est-à-dire le travail comme moyen d’obtenir des moyens de subsistance, al amal, qui renvoie à l’effort spirituel que doit fournir chaque disciple, et al khidmat, qui désigne le travail au service de la confrérie et du marabout [30]. Sans perdre de vue que cette idéalisation du travail rencontre empiriquement de nombreuses contradictions, dans la mesure où les logiques de la débrouille, gorgoorlu en wolof, prennent souvent le pas sur le travail en tant que tel, elle joue néanmoins un rôle considérable dans l’imaginaire et les processus de construction identitaire qui renvoient au phénomène bul faale. On trouve notamment plusieurs expressions très populaires qui rendent compte de cette place centrale du travail : « Liggey, liggey, rekk ! », que l’on peut traduire par « travaille, travaille, il n’y a que ça de vrai (pour réussir) », « Jëf Jël », à savoir « Si tu travailles, tu gagnes », ou encore « ñakh jareñu », soit « seule la sueur paie ».

25Tous ces renversements et reformulations constituent un retour de sens considérable sur les relations entre aînés et cadets sociaux, tant au sein de la famille que dans le rapport au politique, les matrices morales du pouvoir légitime reproduisant en partie les rapports d’autorité en vigueur dans l’espace domestique. Les logiques d’individuation au sein de l’espace familial ont ainsi trouvé un écho dans l’espace politique. En 1988, au cours de la campagne présidentielle, Abdou Diouf fustigeait lors d’un meeting cette « pseudo jeunesse malsaine » qui osait le défier, et rappelait autoritairement qu’il était « le père de tous les Sénégalais ». Ces déclarations ont révélé l’étendue du divorce entre le pouvoir socialiste et les jeunes. En réaction, la génération bul faale a produit deux types de nouveaux acteurs politiques. Tout d’abord les rappeurs, qui sont apparus comme de nouveaux porte-parole des aspirations politiques des jeunes et dont on peut résumer le discours en trois points : volonté d’afficher une distance avec la classe politique, affirmation de la nécessité d’une alternance du pouvoir, mais, en même temps, refus de soutenir un candidat en particulier (au cours de la campagne présidentielle de février 2000, plusieurs rappeurs sont intervenus pour encourager les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et ont ainsi joué un rôle certain dans la mobilisation). Mais le mouvement a pris aussi la forme d’une expression partisane avec l’émergence du parti politique Jëf Jël de Talla Sylla. Cette formation semble agréger plusieurs des références caractéristiques du mouvement bul faale : jeunesse, discours apologétique sur le travail (voir le nom du parti), liens avec la communauté mouride (Talla Sylla est un disciple de Serigne Modou Kara), radicalité des discours à l’image des rappeurs [31]

26Au cours de la campagne de février 2000, les jeunes de la génération bul faale ont provoqué toute une série de ruptures avec les modes de dire et les modes de faire traditionnels de la politique au Sénégal. La plus spectaculaire de ces ruptures fut sans doute la remise en cause du principe du ndiguël politique, la consigne de vote donnée par les marabouts, laquelle était le fondement même du « contrat social sénégalais [32] ». Ainsi, le 31 décembre 1999, le marabout mouride Serigne Modou Kara, pourtant très populaire chez les jeunes, a été hué par ses disciples alors que, lors d’une manifestation religieuse, il affichait son soutien au PS. Une réaction qui était impensable seulement quelques années plus tôt. On note encore que les deux marabouts mourides, Cheikh Abdoulaye Dieye et Ousseynou Fall, qui se sont présentés à l’élection présidentielle, ont obtenu ensemble moins de 2 % des suffrages. Plus globalement, les jeunes ont étendu la problématique de la ruse au champ politique, en acceptant les offres de corruption du parti au pouvoir, tout en votant pour le candidat de leur choix. Ils ont donc témoigné d’une réelle maturité en refusant les stratégies habituelles de récupération politique, l’exemple de Tyson étant le plus significatif. Parfois, cependant, les tentatives de récupération ont été plus subtiles. Ainsi, Talla Sylla, conscient de la proximité entre son mouvement politique et le mouvement bul faale, est apparu habillé d’un treillis militaire lors de la conférence de presse du syndicaliste Mademba Sock [33], annonçant en juillet 1999 sa candidature à l’élection présidentielle. Or, quelques jours plus tôt, Tyson avait choisi la même tenue pour la conférence de presse dans laquelle il faisait part de son fameux combat contre Manga II. Un autre candidat, l’ancien socialiste Djibo Leyti Ka, reprenait sur ses affiches de campagne la pose de Tyson avant ses combats quand il montrait l’emplacement de sa montre (« Luy jot, jotna! »), signifiant ainsi qu’il était temps de réaliser l’alternance, devenue inéluctable, en votant pour lui. Moustapha Niasse, par ailleurs, en obtenant le soutien de Talla Sylla, trouvait à travers le Jëf Jël une caution à l’égard des jeunes les plus radicaux qui auraient pu lui reprocher sa carrière au PS. Latif Gueye, le responsable de l’ONG islamiste Jamra, relooké en Malcolm X, a même tenté un rapprochement entre son mouvement politico-religieux, le Rassemblement démocratique des Sénégalais (RDS), et le mouvement rap [34]. Quant à Abdoulaye Wade, il fut celui qui, dès 1988, a su cristalliser politiquement les frustrations de la jeunesse à travers son slogan, le sopi. À sa suite, plusieurs partis ont bien essayé d’incarner, en vain, ce désir de changement dans des slogans (Folli, Jallarbi[35]), ou à travers des noms de parti puisant dans le champ lexical des synonymes de changement : Union pour le renouveau démocratique (URD), Alliance des forces de progrès (AFP), Front de rupture pour une alternative populaire (FRAP)…

27Ainsi, à travers l’étude de la génération et du mouvement bul faale au Sénégal, se donnent à voir les dynamiques d’hybridation qui caractérisent les processus de reconstruction et de reformulation des identités, individuelles et collectives. La distinction entre des figures individualisées et des figures types de la réussite a notamment permis de mettre en évidence l’articulation entre deux niveaux d’identification au cœur des processus de construction identitaire. La figure individualisée doit être comprise comme un modèle édifiant, une incarnation, qui ne résulte pas d’une essence primordiale mais de la rencontre interactive entre un individu, porteur d’un message et d’une image, à un moment donné et dans un contexte particulier, et de l’attente d’une population qui s’inscrit dans une dynamique dialectique de crise et de reconstruction de ses identités. Par rapport à cette figure individualisée, la figure type répond en écho comme une tentative de synthèse des valeurs, attitudes et cultures matérielles, représentatives des évolutions tendant à cette recomposition collective des identités, mais saisie au niveau de ses acteurs.

28En ce sens, la notion de figure type renvoie à celle de l’idéal type, dans son acception webérienne, avec laquelle elle partage notamment la logique homogénéisante. Mais, à la différence de l’idéal type, la figure type n’est pas seulement une construction subjective objectivante, produite à des fins scientifiques, car elle recouvre aussi une réalité empirique, chargée de sens pour les acteurs eux-mêmes. Par conséquent, c’est bien parce que ces figures individualisées et ces figures types sont le résultat, même de façon plus ou moins conscientisée, de processus d’innovation, et qu’elles ne sont pas imposées, subies ni même construites a posteriori comme des modèles analytiques, que l’on peut véritablement parler de nouvelles figures de la réussite.

Notes

  • [1]
    Voir D. Cruise O’Brien, « Le contrat social sénégalais à l’épreuve », Politique africaine, n° 45, mars 1992, pp. 9-20.
  • [2]
    Sur les processus d’individuation sociale, voir A. Marie (dir.), L’Afrique des individus, Paris, Karthala, 1997.
  • [3]
    En wolof, la langue véhiculaire du Sénégal et en particulier la langue de l’urbanité, le lexème bul faale peut être approximativement traduit par les expressions « laisse faire », « t’occupe pas » ou encore « t’en fais pas ».
  • [4]
    T. K. Biaya, « Jeunes et cultures de la rue en Afrique urbaine (Addis-Abeba, Dakar et Kinshasa) », Politique africaine, n° 80, décembre 2000, pp. 12-31. En ligne
  • [5]
    Ces problématiques renvoient bien sûr aux travaux fondateurs de Georges Balandier, et notamment Sens et puissance, les dynamiques sociales, Paris, PUF, 1971. Voir également D.-C. Martin, « La découverte des cultures politiques. Esquisse d’une approche comparatiste à partir des expériences africaines », Les Cahiers du CERI, n° 2, 1992.
  • [6]
    Nous respectons ici la transcription wolof telle qu’elle fut utilisée sur la cassette Boule Fale. Nous continuerons néanmoins d’utiliser la forme « bul faale », plus conforme aux règles officielles de transcription.
  • [7]
    On estime généralement entre 3 000 et 4 000 le nombre de groupes de rap dans l’agglomération dakaroise, d’ailleurs souvent considérée comme la capitale africaine du mouvement hip-hop.
  • [8]
    100 Commentaires dans la compilation D-Kill Rap, Fitna, 1999.
  • [9]
    Iba est parfois monté sur scène en faisant des étincelles sur le sol avec un coupe-coupe.
  • [10]
    Voir à ce sujet l’article de T. K. Biaya, « Le message des cheveux dans les villes africaines : la belle, le mystique et le fou », Bulletin du Codesria, no 1-2, 1999, pp. 35-41.
  • [11]
    « Ce qui doit arriver, arrivera », autrement dit, dans ce contexte, « ça y est, le moment est venu ».
  • [12]
    Lors d’un meeting à Rufisque, Tyson est apparu sur la tribune aux côtés d’Abdou Diouf.
  • [13]
    M. Fall, « “Tyson”, vous avez terni le bul faale »,Wal Fadjri (quotidien sénégalais), 15 février 2000, n° 2377, p. 10.
  • [14]
    T. K. Biaya « Jeunes et cultures de la rue… », art. cit., mais surtout M. Diouf, « Fresques murales et écriture de l’histoire. Le Set/Setal à Dakar », Politique africaine, n° 46, juin 1992, pp. 41-55.
  • [15]
    T. K. Biaya, « Jeunes et cultures de la rue… », art. cit.
  • [16]
    Depuis les années 1980, le mbalax est le style musical le plus représentatif du Sénégal. Il repose sur une exploitation modernisée des rythmes traditionnels (sabars, tama…). Ses principaux représentants sont Youssou Ndour, Omar Pène, Thione Seck, Ismaël Lo, Alioune Mbaye Nder…
  • [17]
    Voir M. Ndiaye, L’Éthique ceddo et la société d’accaparement, ou les conduites culturelles des Sénégalais d’aujourd’hui, tome 2, Les Móodu Móodu, ou l’ethos du développement au Sénégal, Dakar, Presses universitaires de Dakar, 1998.
  • [18]
    Les dahiras, en milieu urbain, constituent des centres de formation et d’éducation religieuse, structurés autour d’un marabout et dont les membres sont des disciples, encore appelés talibés.
  • [19]
    Pourtant, de plus en plus de Sénégalais font désormais la différence entre les « véritables baye fal » et ceux qu’ils appellent les « baye fous » ou « baye faux ».
  • [20]
    C. Coulon, « Touba, lieu saint de la confrérie mouride (Sénégal) », Lieux d’Islam. Cultes et cultures de l’Afrique à Java, Paris, Autrement, 1991-1992, pp. 226-238, et « “The Grand Magal“ in Touba : a religious festival of the Mourid brotherhood of Senegal », African Affairs, 98, 1999, pp. 195-210.En ligne
  • [21]
    S. Drame, Le Musulman sénégalais face à l’appartenance confrérique, mémoire de maîtrise, université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, 1997.
  • [22]
    Album Salaam,1995.
  • [23]
    Compilation Petit frère 1, produite par le groupe Sunu Flavor, 1997.
  • [24]
    Voir A. Mbembé, « À propos des écritures africaines de soi », Politique africaine, n° 77, mars 2000, pp. 16-43.
  • [25]
    Signifient respectivement « la nouvelle étoile », « le soleil » et « les enfants du pays (le Sénégal) ».
  • [26]
    Kocc Barma est un sage et un philosophe wolof du xviie siècle qui incarne la noblesse de la langue et de la culture wolof ; devenu roi du Cayor en 1862, Lat Dior s’oppose au pouvoir colonial et meurt lors d’une bataille en 1886. Il est devenu un symbole des valeurs traditionnelles wolof.
  • [27]
    On trouve une représentation remarquable de cette synthèse avec les photos souvent affichées en haut de la cabine des chauffeurs des « cars rapides » qui font souvent apparaître côte à côte des personnalités apparemment aussi contradictoires qu’un chef religieux, un rappeur, Tyson.
  • [28]
    Respectivement: « Si Dieu le veut », « Dieu n’est que bonté », « Dieu seul sait » et « Prends appui en Dieu ».
  • [29]
    Voir A. Sylla, La Philosophie morale des Wolofs, Dakar, IFAN/université de Dakar, 1994.
  • [30]
    Lire le mémoire de F. Sow, Les Logiques de travail chez les mourides, mémoire de DEA, université Paris-I Panthéon-Sorbonne, 1998.
  • [31]
    Talla Sylla a déclaré à plusieurs reprises pendant la campagne : « En 1988, nous avions des pierres, mais pour l’essentiel, nous n’avions pas de cartes. En 1993, une bonne partie d’entre nous avait des cartes mais il n’y a pas eu de pierres. Ces fois-ci, nous avons des cartes et nous aurons des pierres. »
  • [32]
    Voir M. C. Diop, M. Diouf et A. Diaw, « Le baobab a été déraciné. L’alternance au Sénégal », Politique africaine, n° 78, juin 2000, pp. 157-180. En ligne
  • [33]
    À l’occasion de sa candidature, l’hebdomadaire Nouvel horizon du vendredi 23 juillet 1999, n° 179, faisait sa couverture sur Mademba Sock en titrant « Sock, candidat Boul Falé ».
  • [34]
    Propos entendus lors de la rencontre du 26 février 2001 entre Latif Gueye et des rappeurs : « Le rap, c’est la vérité et la vérité, c’est Dieu. »
  • [35]
    Slogans d’AJ/PADS de Landing Savané et de la LD/MPT d’Abdoulaye Bathily, deux partis de gauche, et qui sont, à quelques nuances près, deux synonymes de sopi.
Français

À travers le mouvement « bul faale » (« t’occupe pas »), la jeunesse urbaine sénégalaise exprime aujourd’hui son désir d’émancipation et sa capacité d’innovation. Incarné par des figures emblématiques (les chanteurs de rap, Tyson le lutteur) qui fonctionnent comme des modèles d’identification, ce mouvement est porteur d’un véritable « ethos » qui valorise la réussite par l’effort et le travail et traduit un indéniable processus d’individualisation. L’impact de ce mouvement générationnel est considérable, tant du point de vue social que politique.

Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.082.0063
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