CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le 6 avril 1996, Monrovia, capitale du Liberia, vit naître une bataille qui, en quelques jours, allait conduire à certains des combats les plus violents jamais connus en Afrique de l’Ouest. Deux des six principales factions mirent en commun leurs efforts pour en éliminer une troisième, cette dernière ayant elle-même été rejointe par plusieurs autres mouvements qui craignaient les conséquences d’une victoire militaire de Charles Taylor, le leader de la plus grande armée privée du pays. La bataille fit rage durant plusieurs jours, et des milliers de personnes périrent [1].

2Des combattants de différentes factions, parfois très jeunes et presque toujours affublés d’amulettes censées les protéger des balles, remplirent les rues de cadavres. Les habitants de Monrovia furent choqués de voir ces hommes éventrer les corps de leurs victimes, manger leur chair et leurs organes, notamment le cœur. De telles pratiques sont issues de la croyance, fort connue dans l’histoire libérienne [2], selon laquelle l’essence d’une personne est contenue dans son cœur et son sang, et qu’en les consommant un guerrier acquiert une partie du pouvoir de sa victime. Certains combattants déclarèrent à la presse que « manger le cœur d’un homme valeureux sur le front nous rend aussi forts que lui [3] ».

3Un journaliste libérien, qui a risqué sa vie en rusant avec les balles pour interviewer ces jeunes combattants, n’exprime aucun doute quant aux termes qui doivent être utilisés pour décrire de tels actes. Certains combattants, écrit-il, « ont affirmé que la guerre était faite par des “hommes” et non par des “garçons”, ce qui signifie que la sorcellerie était utilisée [4] ». D’autres Libériens ont aussi parfois mentionné l’usage, par les combattants, de tactiques et techniques de guerre considérées comme relevant de la « sorcellerie » (en anglais à la fois « sorcery » et « witchcraft »). Ces termes sont le plus souvent employés pour désigner des techniques et des objets ayant la réputation d’exercer un pouvoir mystique susceptible d’être utilisé à des fins défensives ou offensives. Ainsi des amulettes censées rendre invulnérables ceux qui les portent, ou de la chair humaine réputée rendre les combattants plus forts. Parfois, des termes plus vagues encore, tels « juju » ou « vaudou », mots étrangers devenus courants dans l’anglais libérien, sont employés non seulement par les Libériens eux-mêmes, mais aussi par d’autres Ouest-Africains. Le terme « science africaine » (african science) est également d’usage courant [5].

4Toutes ces expressions sont utilisées de façon relativement indifférente par les acteurs locaux pour désigner l’usage de pouvoirs perçus comme mystiques, provenant de croyances religieuses proprement libériennes et locales (par opposition à l’islam et au christianisme, tous deux fort répandus au Liberia [6]), et considérés comme des réservoirs de puissance lors de situations de violence et de guerre. Le nombre de combattants ayant consommé du sang et des parties du corps humain [7] est si important qu’il permet d’affirmer que cette pratique, loin de se limiter à des excentricités individuelles, fut un élément standard de l’outillage guerrier des combattants libériens.

5Peu de chercheurs utilisent les expressions « juju » ou « science africaine » dans ce contexte. Ils ont plutôt tendance à employer le terme « vaudou », mais uniquement dans son sens technique, en tant que système de croyance religieuse courant en Haïti ou, sous des formes proches et habituellement dénommé vodun, au Bénin et au Togo. Tout comme les termes « sorcellerie » et (en anglais) « witchcraft », objets d’une riche littérature en plein renouveau [8], leur signification est, dans le meilleur des cas, difficile à saisir. Ces mots renvoient en effet à des phénomènes qui existent dans l’imaginaire, cette sphère de compréhension « qui n’est pas l’irréel, mais l’indiscernabilité du réel et de l’irréel [9] ». C’est en partie pour cette raison que les auteurs qui écrivent sur les sociétés contemporaines ou sur l’histoire européenne tendent à utiliser le mot « sorcellerie » (witchcraft) dans des sens si divers que l’on a parfois l’impression d’assister à un débat où les participants parlent de choses très différentes [10].

6Que voulaient dire les Libériens lorsqu’ils utilisaient le terme « witchcraft » pour décrire les activités des combattants durant la guerre civile ? Quel bagage historique ce mot transporte-t-il avec lui ? J’espère fournir dans les pages qui suivent une réponse préliminaire à ces questions à partir de l’histoire politique et religieuse du Liberia. Cependant, un malentendu, ou un contresens, doit être immédiatement levé : la guerre du Liberia ne fut en aucun cas une guerre « pour » la sorcellerie (witchcraft) – quel que soit le sens attribué à ce mot. En effet, la sorcellerie (witchcraft) ne fut ni à l’origine de la guerre, ni l’enjeu de celle-ci ; les personnes qui combattaient n’étaient pas des sorciers dans le sens où Français et Anglais comprennent le mot. Si la guerre fut menée « pour » quelque chose, ce fut pour le pouvoir, l’argent, le pillage et la revanche.

7Une présentation historique rapide permet d’éclairer la manière dont la signification de ces mots et de ces concepts s’est modifiée au cours du temps. Elle montre en outre qu’un mot comme witchcraft renvoie également à des actions, des rituels et des pratiques ayant eux-mêmes évolué dans le temps. Certaines des pratiques religieuses qui ont été rangées par la suite dans le chapitre de la sorcellerie (witchcraft) appartenaient auparavant à des répertoires d’action bien établis, d’une importance religieuse et politique considérable et qui, au Liberia, commencèrent à échapper à tout contrôle institutionnel au cours du xxe siècle, contribuant ainsi à faire de la guerre ce long et horrible conflit. Cet aspect particulier de l’histoire complexe de la guerre permet de mieux approcher les raisons de la déclaration des hostilités au Liberia, et de leur poursuite.

La sorcellerie (witchcraft) au Liberia : l’histoire d’un mot

8La définition la plus classique de la sorcellerie (en anglais à la fois sorcery et witchcraft) dans la littérature anthropologique nous est sans doute offerte par Evans-Pritchard qui, en 1937, décrivit la sorcellerie (sorcery) comme « la magie qui est considérée comme illicite ou immorale », et la sorcellerie (witchcraft) comme « une supposée émanation psychique de la substance-sorcellerie, dont on croit qu’elle porte préjudice [11] ». Dans cette perspective, la sorcellerie était une technique mystique que les Azande du Soudan jugeaient accessible à tout individu voulant faire du mal à un autre. Un sorcier n’est donc pas une personne qui possède des dons spécifiques, pas plus qu’une personne qui tire avec un fusil ne possède des capacités particulières.

9De son côté, la sorcellerie (witchcraft) était considérée par les Azande (toujours selon l’interprétation d’Evans-Pritchard) comme un état, une façon d’être. Certaines personnes naissaient sorciers et pouvaient passer leur vie durant sans jamais le savoir. Bien que certains anthropologues aient montré depuis que la distinction rigide entre mal inné (witchcraft) et utilisation d’un pouvoir mystique comme instrument (sorcery) ne reflétait pas toujours les situations de leur terrain de recherche, celle-ci continue à jouir d’une certaine crédibilité dans la littérature académique [12]. Pour l’intérêt du débat, il est moins important de savoir si cette définition reflète la situation libérienne que d’en retenir deux aspects essentiels : la sorcellerie (sorcery et witchcraft) est, par nature, un processus mystique dont ceux qui croient en elle pensent qu’il agit en partie à travers des forces invisibles, inconnues de la science naturelle occidentale [13] ; ou, pour reprendre la vision classique d’Evans-Pritchard, la sorcellerie est par essence mauvaise dans la mesure où elle est délibérément destinée à faire du mal.

10On se heurte à un problème considérable lorsque l’on essaie de prouver que ces notions ont une quelconque pertinence pour les croyances ayant eu cours au Liberia durant les deux derniers siècles. Les groupes de population les mieux connus dans le Liberia moderne sont ceux qui vivent dans les colonies urbaines fondées au xixe siècle par les immigrants, notamment américains. Ces derniers, qui fondèrent et dirigèrent la République du Liberia, reconnue internationalement comme État souverain en 1847, étaient des gens dont les idées et la culture avaient été formées en Amérique du Nord, dans les communautés d’esclaves où eux-mêmes et leurs ancêtres vivaient avant de traverser l’Atlantique pour s’établir en Afrique, retraversant le Middle Passage. Les membres de l’élite américano-libérienne qui gouverna le pays du milieu du xixe siècle jusqu’en 1980 concevaient volontiers leur retour en Afrique comme une sorte de mission civilisatrice, un projet divin qui devait transformer les Africains, à travers l’expérience d’un certain nombre d’entre eux comme esclaves en Amérique du Nord, en hommes civilisés et pleinement chrétiens. En 1950 encore, William Tubman, président du Liberia le plus puissant et resté le plus longtemps au pouvoir, disait des colons venus en terre libérienne qu’ils « avaient chassé son obscurité morale et révélé aux millions de ses habitants aborigènes la profonde dégradation dans laquelle ils vivaient [14] ».

11Jusqu’au début du xixe siècle, l’étendue réelle du contrôle exercé par la République du Liberia n’allait guère au-delà d’une poignée d’enclaves côtières. Peu de Libériens éduqués et peu d’auteurs étrangers s’étaient aventurés à l’intérieur du pays avant cette date, et leurs récits restent souvent emprunts de l’idée typiquement victorienne du caractère primitif et superstitieux des Africains. De ce fait, les descriptions ethnographiques de certaines parties de l’intérieur du Liberia sont restées assez pauvres, et ce jusqu’à une date très récente [15]. Or, au moment même où les chercheurs, les missionnaires et les administrateurs prirent enfin la peine de s’enquérir systématiquement des pratiques, institutions et idées des gens de l’intérieur, celles-ci commencèrent à refléter l’extension de l’autorité gouvernementale. De plus, l’intérieur du Liberia était loin de constituer le lieu d’une culture homogène et unique ; il était au contraire habité par des communautés et des gens très divers, tant au niveau des langues que des croyances religieuses.

12Cela rend plus hasardeuse encore toute analyse des croyances spirituelles existant à l’intérieur du Liberia au moment où, à la fin du xixe siècle et au début du xxe, ces régions furent assujetties au pouvoir de l’élite coloniale basée à Monrovia. Cependant, nous avons quelques connaissances, sur la base desquelles je vais tenter de proposer un résumé rapide de la situation à cette époque [16]. En premier lieu, il semble clair que, pour la plupart des gens qui vivaient à l’intérieur avant l’arrivée de l’administration bureaucratique et de l’éducation missionnaire, les différentes catégories de personnes, animaux et choses étaient tout à fait perméables entre elles. Des récits fort bien documentés du début du xxe siècle relatent la croyance, largement répandue, selon laquelle les gens pouvaient se transformer en animaux ou, inversement, l’essence de certains animaux pouvait les pénétrer, produisant ainsi des hommes-léopards ou des hommes-crocodiles [17]. Cela dépassait le cadre du folklore dans la mesure où cette croyance constituait la base sur laquelle le contrôle politique et l’ordre cosmologique étaient maintenus dans ces sociétés humaines, principalement à travers des associations religieuses comme les sociétés Poro et Sande ou les sociétés secrètes des hommes-léopards [18]. De la même façon que certains éléments animaux et humains étaient considérés comme potentiellement capables de pénétrer les uns dans les autres, voire de s’assimiler, les aspects visibles et invisibles de la vie et de l’environnement étaient pensés comme échangeables. « La distance entre un homme et un animal est aussi faible que celle qui existe entre un homme vivant et un homme mort », écrivaient deux des premiers ethnographes, en montrant comment les gens de l’intérieur du Liberia avaient l’habitude de parler aux sauterelles dans l’espoir de les persuader de partir, ou considéraient que les morts continuaient à avoir une réelle existence, bien que le plus souvent désincarnée [19].

13Les nombreuses publications de George Way Harley, un Américain tout à la fois missionnaire chrétien, ethnographe et médecin qui vécut à Ganta, dans le nord du Liberia, entre 1926 et 1960, constituent sans doute le corpus de travaux le plus remarquable sur les idées cosmologiques subtiles et complexes qui semblent avoir existé, sous des formes diverses, dans la région forestière du Liberia au début du xxe siècle. Bien que les études de Harley soient principalement centrées sur les gens de Ganta, aujourd’hui considérés comme faisant partie du groupe ethnique mano, ses observations et commentaires peuvent sans doute nous aider à comprendre les autres communautés libériennes [20]. Chrétien orthodoxe muni d’une éducation scientifique, Harley avait noté que les gens de Ganta n’avaient « pas de concept du naturel, pas de connaissance des lois naturelles » qui, selon lui, gouvernaient le monde. Les personnes à qui il parlait tous les jours, qu’il soignait et dont il espérait sauver les âmes ne faisaient tout simplement pas la distinction entre ce qui, dans un autre système de classification, pouvait être distingué entre les éléments naturels, non naturels et supranaturels de leur vie. Le monde était tout simplement un. Cependant, Harley avait découvert que ses patients savaient penser et qu’ils étaient parfaitement logiques, exigeant une « cause pour tout effet ».

14Chaque chose importante qui survenait – une mort ou une naissance, une fortune qui se faisait ou se défaisait – avait nécessairement sa cause, qui pouvait être immédiatement apparente ou moins évidente. Un certain degré d’ordre était maintenu dans cet univers par les personnes qui réussissaient à acquérir du pouvoir, à l’utiliser de façon à maintenir leur état, et à s’imposer dans un monde potentiellement indocile, y compris par la négociation ou l’intercession avec les forces ou pouvoirs invisibles, comme ceux occupant les êtres animés – tels les animaux – et même les objets, considérés par les scientifiques occidentaux comme inanimés. Harley avait observé que l’usage du nye, autrement dit une médecine ou un objet puissant, perçu comme incarnant une concentration de pouvoir, était l’un des principaux moyens d’y arriver. Quiconque possédait une substance nye détenait du pouvoir. Du fait de sa pratique médicinale, il ne fait aucun doute que Harley dut lui même être considéré par les gens de Ganta comme possédant le nye. Inversement, quiconque exerçait clairement un pouvoir sur les autres, sur les animaux et sur les plantes était censé posséder des médecines, des techniques et des objets qui contribuaient à ce pouvoir. La sorcellerie (witchcraft), selon ce qu’Harley avait appris des gens de Ganta, était « l’usage de nye pour produire des effets malins ». Les objets sorciers, notait-il, étaient généralement faits de parties de corps humain. De même, les objets de culte des puissantes sociétés secrètes devaient être « nourris » de sang humain pour garder leur pouvoir.

15Ainsi, les objets puissants étaient conçus de façon à être constamment alimentés pour que leur force se renouvelle, exactement comme des organismes vivants. Toujours selon la définition d’Harley, un sorcier (witch) était « quelqu’un qui exerce un contrôle sur les crises de la vie et de la mort ou qui possède le savoir de l’usage contrôlé de certaines substances, drogue ou poison, capables de produire un effet inhabituel, qu’il soit bon ou mauvais », et la sorcellerie (witchcraft) « l’art de la médecine pervertie [21] ». Cela était quelque peu contradictoire dans la mesure où le sorcier (witch) était, dans la lecture même qu’Harley faisait de la cosmologie mano, quelqu’un dont les effets pouvaient être bons ou mauvais. Il était donc illogique de décrire la sorcellerie (witchcraft) comme quelque chose de perverti, ce qui posait la question de savoir qui devait juger si une action était bonne ou mauvaise, pervertie ou non, et selon quels critères.

16D’après les premiers récits, il semble clair que dans le Liberia précolonial (comme d’ailleurs dans toutes les sociétés du monde), le fait de répandre du sang humain n’était mal jugé, ou considéré comme inconvenant, que lorsque cet acte n’était pas exécuté par les autorités adéquates ni selon les formes prescrites. Durant les temps prérépublicains, dans de nombreuses sociétés sans État des régions forestières libériennes, l’autorité était le plus souvent un attribut de l’âge ; cependant, l’autorité suprême résidait généralement dans le monde spirituel, qui était contrôlé et transmis aux humains grâce aux prêtres et aux oracles, à l’instar des prêtres des sociétés Poro. Ces derniers possédaient tout à la fois le savoir spirituel et une compétence dans les médecines et les poisons, ce qui faisait d’eux à la fois des guérisseurs et des tueurs potentiels [22]. Des récits rapportent que les prêtres les plus puissants devaient, pour leur initiation, sacrifier la vie d’un proche, voire celle d’un de leurs propres enfants. Les sociétés des hommes-léopards pratiquaient certainement des tueries rituelles de façon régulière pour obtenir du sang et de la graisse humaine, avec lesquels ils oignaient leurs objets de culte. Mais le Poro n’était pas une association d’hommes mauvais, et les sociétés d’hommes-léopards semblent même avoir été, avant l’avènement du gouvernement républicain et de l’éducation chrétienne, des conclaves de notables.

17L’usage que Harley faisait du mot anglais witchcraft pour désigner certains aspects des croyances et pratiques religieuses mano se mêlait ainsi à ses propres idées chrétiennes sur ce qui constituait un comportement correct. De façon générale, il semble que les premiers auteurs aient considéré certains types de comportements rituels comme immoraux. Les idées libériennes indigènes sur ce qui constituait l’usage propre et impropre de la violence étaient en réalité fort différentes de celles de Harley, et plus différentes encore des vues de la plupart des missionnaires, officiers de l’armée et administrateurs américano-libériens qui avaient tendance à regarder toutes ces croyances indigènes comme diaboliques. La sorcellerie (witchcraft) devint ainsi un terme attrape-tout désignant n’importe quelle croyance mystique jugée inacceptable selon les standards chrétiens orthodoxes, à l’exception de l’islam, qui avait gagné quelque estime parmi l’élite américano-libérienne et était considéré comme une religion « semi-civilisée ». Dans le christianisme orthodoxe, tout comportement jugé suffisamment déviant pour être perçu comme mauvais faisait automatiquement partie de la province de Satan, le prince de l’Enfer. C’est pourquoi, sous l’influence chrétienne, la figure centrale du Poro fut baptisée le « diable de la brousse », nom qui attribuait à cette figure un caractère méchant qui n’était pas présent chez les initiés Poro [23]. La consommation de chair humaine par les prêtres ou les hommes-léopards fut appelée « cannibalisme ». Harley lui-même, malgré sa connaissance sensible et savante de la pensée mano, semble avoir comparé les cultes des hommes-léopards, notamment sous la forme qu’ils prirent durant l’administration républicaine, aux assemblées de sorciers telles que les représentaient les pourfendeurs de sorciers européens et américains du xviie siècle, la grande période occidentale de la chasse aux sorcières. Il faisait référence à l’existence de « cultes sorciers, dont la participation exigeait le sacrifice d’un enfant comme rétribution initiatique par le groupe ou la classe initiée à un même rite [24] » ; il semble en fait désigner ainsi les sociétés léopards, dont on sait qu’elles survécurent jusqu’au milieu du xxe siècle en dépit de leur interdiction à partir de 1912 [25].

18Les ethnographes du Liberia ancien, de même que les missionnaires, les soldats et les administrateurs, avaient tendance à conceptualiser en termes dualistes ce qui était moralement juste et faux, et à l’insérer dans une vision particulièrement statique de la loi. Autrement dit, ils considéraient les principales formes de violence (tels le fait de prendre des vies humaines ou les actes de guerre) comme devant être des monopoles étatiques, et, par conséquent, toute violation de ce monopole comme une grave offense. En même temps, les observateurs chrétiens (ce qu’étaient presque invariablement les fonctionnaires américano-libériens) avaient tendance à voir dans les rituels qui n’étaient pas clairement chrétiens ni musulmans des pratiques de nature satanique, notamment s’ils contenaient une forme ou une autre de sacrifice. La transformation de l’anglais libérien comme forme de communication de masse au xxe siècle a provoqué la diffusion et l’usage extensif de ce vocabulaire caractéristique d’une certaine censure. Il est peu surprenant que, comme le notait un anthropologue dans les années 40, « le terme sorcier (witch) […] est très largement utilisé au Liberia [26] ». Non seulement la sorcellerie (witchcraft) restait un concept fort vague, mais celui-ci était, à cette époque-là, déjà supplanté par des synonymes comme « science africaine » et « juju[27] ». La banalisation du terme sorcellerie (witchcraft) fut l’une des principales conséquences de cette évolution. Le terme fut appliqué à toutes sortes de techniques mystiques qui n’avaient traditionnellement jamais été conçues comme particulièrement mauvaises lorsqu’elles étaient utilisées dans des circonstances appropriées. C’est ce qui explique l’impossible conciliation avec la conception européenne, courante depuis les premiers temps modernes, de la sorcellerie comme la quintessence du mal.

L’histoire d’une pratique

19Les régions intérieures sur lesquelles la République du Liberia proclamait sa souveraineté sans grande conviction depuis 1847, et qui échappaient en réalité largement à son autorité avant le début du xxe siècle, rassemblaient un grand nombre de groupes linguistiques et des noyaux de population très divers. C’est au cours du xxe siècle que ces divers groupes furent rationalisés en termes de « tribus » distinctes, chacune d’entre elles se voyant attribuer une place dans le système de l’indirect rule selon lequel Morovia administrait l’intérieur du pays.

20Bien que, durant la période prérépublicaine, certaines parties de l’intérieur du pays aient connu l’avènement et la chute de sociétés politiques autonomes dominées par un homme fort, voire l’émergence de plus larges confédérations, ces entités répondaient dans l’ensemble assez bien au label anthropologique de « sociétés sans État [28] ». Dans ces régions, les pratiques ou organisations religieuses telles les sociétés masculines d’initiation Poro ou les sociétés secrètes des hommes-léopards revêtaient une grande importance. Le Poro, qui s’étendait dans tout le nord du Liberia et dans les régions voisines qui font aujourd’hui partie du Sierra Leone et de la Guinée, recouvrait un ensemble de pratiques et de croyances rituelles dans lesquelles les garçons arrivant à l’âge de la puberté étaient initiés à la vie adulte et apprenaient à se comporter en hommes (le Sande constituant la société équivalente pour les femmes). Ces institutions étaient plus que de simples organisations religieuses dans la mesure où elles jouaient un rôle clé dans la reproduction de l’ordre social général. Gouverné par des prêtres qui maniaient de formidables pouvoirs à travers les rituels de masques, le Poro était perçu comme une forme institutionnelle et rituelle dans laquelle le pouvoir du monde invisible était canalisé ; Harley le définissait comme « une tentative pour réduire tout le monde spirituel à une organisation dans laquelle l’homme pouvait rentrer en contact avec le monde spirituel et en offrir une interprétation aux gens, où les hommes devenaient des esprits et assuraient le rôle de divinités [29] ». Le Poro était un système d’ordre par excellence, dans des sociétés qui ne connaissaient d’autres institutions civiques fortes que celles qui se structuraient occasionnellement autour d’individus puissants. En termes purement fonctionnels, il permettait de réguler le comportement des entrepreneurs individuels qui prospéraient à la faveur des incessantes querelles et raids locaux, caractéristiques de beaucoup de régions de l’intérieur du Liberia à la fin du xixe siècle, et dont les ambitions personnelles auraient risqué de perturber l’ordre de la société.

21Dans les temps anciens, le Poro semble avoir été considéré comme particulièrement approprié pour encourager, lorsque les circonstances étaient favorables, les jeunes hommes à entreprendre des raids sur les villes rivales, généralement dans un but de pillage ou de revanche. L’intérieur de ce qui allait devenir le Liberia connaissait des raids réguliers, de faible intensité et saisonniers. En fait, la guerre était une forme de régulation politique et économique [30]. La pratique et l’idéologie religieuses jouaient un rôle clé dans le contrôle de la guerre, comme l’atteste le fait que les combattants qui s’apprêtaient à partir en campagne étaient avant tout soucieux d’acquérir les pouvoirs spirituels appropriés pour se protéger et pour nuire. Ces « médecines » devaient être transmises par ceux qui en détenaient l’autorité, c’est-à-dire les prêtres et les aînés. Elles contenaient souvent des parties de corps humain [31]. La guerre prérépublicaine, bien que meurtrière et récurrente, n’était « pas […] aussi terrible que ce qu’on suppose généralement », pour reprendre l’appréciation d’un consul britannique [32], et ce en partie en raison du faible nombre de personnes habituellement impliquées et de l’absence de batailles rangées, en partie parce que les aînés arrivaient à éviter que cette activité, caractéristique de la formation des jeunes hommes, ne s’étende de manière incontrôlable. Cependant, durant la période prérépublicaine, des cycles de guerre à grande échelle ont certainement existé et furent responsables de grands bouleversements du paysage politique. Tel est le cas des campagnes du grand chef de guerre malinké Samory dans les années 1880 [33] ou de la période de la confédération Condo dans les années 1820 [34].

22Lorsque les fonctionnaires de la République du Liberia commencèrent à occuper les territoires de l’intérieur sur lesquels ils avaient des prétentions, leur premier mouvement fut de supprimer les associations religieuses qu’ils y découvrirent, et notamment celles qui détenaient des pouvoirs de vie et de mort. Une loi de 1912 interdit un certain nombre de ces sociétés [35]. Sans prohiber totalement le Poro et le Sande, l’administration chercha sans aucun doute à en saper les fondements. Pour les chrétiens américano-libériens qui dirigeaient les institutions de la République, de telles pratiques étaient sataniques en termes théologiques ; et, en termes politiques, elles défiaient l’État dans sa volonté d’exercer le monopole de la violence sur son territoire souverain. Le pouvoir de la violence, inhérent aux grands prêtres et aux grands guérisseurs, était désormais déclaré monopole gouvernemental et assujetti à la théologie officielle chrétienne, dans laquelle tout le bien provenait de Dieu et tout le mal de Satan [36].

23À partir de la présidence d’Arthur Barclay (1904-1912), le gouvernement républicain tenta d’administrer l’intérieur du pays par un système de gouvernement indirect (indirect rule) imité des administrations coloniales britanniques de l’Afrique de l’Ouest. Dès lors, les raids, qui faisaient partie de la vie normale de l’intérieur, furent considérés comme des rébellions, et à ce titre sévèrement réprimés. Mais, très rapidement, les officiers de district et autres fonctionnaires de terrain se rendirent compte que la logique de l’indirect rule, qui s’exerçait grâce au truchement des chefs les plus prestigieux, se combinait difficilement avec une application rigoureuse de l’interdiction de certaines sociétés secrètes. Revenant sur la condamnation initiale du Poro et du Sande, le gouvernement vit en eux des institutions culturelles appréciables (valuable cultural institutions, selon les termes officiels) qui pouvaient servir à conforter le pouvoir des chefs dans les régions qui connaissaient le Poro. Ailleurs, certaines des sociétés secrètes associées à des cultes meurtriers, comme les hommes-léopards, furent secrètement tolérées par les fonctionnaires qui comprenaient que ces cultes pouvaient être utiles à la création de chefferies fortes. Ainsi, non seulement de nombreux ruraux continuèrent à pratiquer en secret des rituels qui étaient officiellement mal vus, voire interdits, mais, plus important encore, certains de ces rituels furent assimilés dans le système de l’indirect rule créé par le gouvernement pour diriger l’intérieur du pays. La société Poro, bien que dépouillée de son pouvoir de vie et de mort sur les hommes, devint un appui majeur du système de gouvernement par les chefs tout puissants. De même, les sociétés léopards, plus secrètes (et meurtrières), continuèrent à exister sous une forme quasi ou pseudo traditionnelle jusque dans les années 50, voire plus tard encore, et ce malgré leur interdiction légale.

24Jusqu’au lancement de la politique d’unification en 1963-1964, la plupart des habitants de l’intérieur du pays étaient considérés comme non civilisés et par conséquent incapables de bénéficier des pleins droits de la citoyenneté. Ils étaient cependant incorporés dans le système politique national à travers des rapports de patronage qui sous-tendaient le mode de gouvernement du True Whig Party. Cela étant, un certain processus d’« assimilation réciproque » prit corps [37]. Surtout après l’accession au pouvoir du président William Tubman (1944-1971), qui était issu d’une famille de colons mais avait grandi dans la commune rurale de Harper et non à Monrovia, les hommes politiques nationaux cherchèrent de plus en plus à étendre leurs propres réseaux clientélistes aux régions rurales. Parallèlement, les notables de familles « rurales » ou « tribales » cherchèrent dans l’alliance avec les hommes politiques nationaux un moyen de renforcer leurs propres bases de pouvoir local. Ce processus s’accompagna de récits et de rumeurs croissantes selon lesquels les hommes politiques nationaux rejoignaient les sociétés secrètes traditionnelles. Les anciennes descriptions du Poro, telles celles proposées par Harley, suggèrent que les sacrifices rituels d’êtres humains durant la période prérépublicaine étaient perpétrés par les prêtres les plus âgés. Mais, à partir des années 50, les hommes politiques de Monrovia, impatients de s’élever au sein des sociétés Poro sans pour autant passer par les différentes étapes de la hiérarchie ni attendre de nombreuses années, en vinrent à considérer le sacrifice humain comme un moyen d’accès immédiat au pouvoir. C’est pourquoi l’on peut parler d’assimilation mutuelle des pratiques et de certains éléments de l’idéologie, d’une part des populations de l’intérieur et, d’autre part, de l’élite chrétienne américano-libérienne. De plus en plus, les hommes politiques nationaux furent considérés comme possédant des objets cultes puissants, sources de leur pouvoir. Très rarement, certains durent comparaître devant la justice pour avoir acheté des parties de corps humain à des vendeurs indépendants, connus sous le nom d’« hommes de cœur » (heartmen[38]). Ce qui amena un commentateur libérien à noter que « les meurtres rituels au Liberia sont principalement associés aux hommes politiques qui font des sacrifices humains dans le but de garder ou d’obtenir un poste gouvernemental. Par essence, il s’agit d’une forme “civilisée” de witchcraft traditionnelle ou encore d’une pratique carnivore vicieuse adoptée par des individus “civilisés” [39] ».

25Au fur et à mesure que le processus d’unification du Liberia au cours du xxe siècle permettait une « assimilation réciproque des élites », il introduisait l’usage des cultes basés sur les sacrifices humains dans la politique moderne. Cependant, pour des chrétiens orthodoxes tels que ceux appartenant aux élites coloniales d’origine américaine, ces cultes restaient toujours des actes condamnables et illégaux. Les « meurtres rituels », comme on disait à l’époque, étaient classés dans la catégorie witchcraft, qui désignait tout rite indigène non approuvé par les idéologies nationales officielles émanant du christianisme et de la civilisation de style américain.

La renaissance de la guerre

26L’extension du contrôle de Monrovia à l’ensemble du territoire national fut le plus souvent achevée grâce à l’utilisation des moyens militaires les plus durs par la Liberian Frontier Force (Force libérienne frontalière), fondée en 1908, qui fut renommée Armed Forces of Liberia (Forces armées du Liberia) dans le contexte de l’unification des années 60 menée par le gouvernement national avec les anciennes juridictions de l’intérieur [40]. Dès le début de la conquête de l’intérieur, au xxe siècle, la République du Liberia déploya de grands efforts pour renforcer le monopole national de la violence, sous la pression des administrations coloniales britanniques et françaises qui entouraient le pays de trois côtés. Les guerres non autorisées furent l’objet de répressions impitoyables. Mais les simples soldats de la Frontier Force étaient des hommes de l’intérieur originaires des nouvelles régions conquises, et qui avaient grandi au sein de communautés qui considéraient que faire la guerre pour des raisons économiques était normal. Les méthodes de la Liberian Frontier Force rappelaient celles des anciennes unités de guerriers – notamment la propension à piller, qui allait devenir l’empreinte caractéristique des Forces armées du Liberia [41]. Les forces armées républicaines étaient cependant dominées par le corps des officiers américano-libériens chrétiens qui, officiellement, ne tolérait pas l’usage de « médecines » dans leurs campagnes militaires. Mais de telles médecines de guerre continuèrent à être utilisées par ceux qui combattaient contre le gouvernement républicain au cours des dernières campagnes de résistance à l’intégration dans la République, dans les années 30, comme nombre de jeunes hommes allaient s’en rappeler soixante ans plus tard [42].

27Les militaires, qui non seulement avaient donné des emplois aux hommes de l’intérieur, mais avaient également assimilé certaines de leurs idées sur les manières de faire la guerre, acquirent après avril 1980 une place centrale dans la politique libérienne, lorsqu’un coup d’État militaire renversa le gouvernement du True Whig Party et amena pour la première fois au pouvoir un homme de l’intérieur, Samuel Doe. À partir de là, on assista à l’effondrement rapide du système établi au cours du temps par les élites américano-libériennes. L’usage de la violence dans la vie politique devint plus commun, tournant finalement à une guerre nationale alors que les hommes politiques rivaux bataillaient pour contrôler l’État, en utilisant toutes les ressources à leur disposition, qu’elles soient politiques, militaires ou spirituelles. Pour la première fois depuis le début du xxe siècle, les hommes politiques nationaux incitèrent les Libériens à prendre les armes pour défier le gouvernement, reconnu internationalement, de leur pays. Les jeunes hommes, en ranimant des pratiques à moitié oubliées du passé, cherchèrent une protection spirituelle à utiliser pendant la guerre. D’où une renaissance, ou une réinvention, d’anciennes techniques religieuses. Dans la mesure où de nombreuses médecines de guerre utilisaient depuis fort longtemps des parties de corps humain, elles furent automatiquement rangées sous le label général de witchcraft dans l’anglais libérien des années 90.

28Plus généralement, on assista à une renaissance de vieilles techniques spirituelles, ou à une réapparition de techniques qui s’étaient perpétuées dans la clandestinité en tant que face cachée du politique, encore une fois sous la forme de ce que nombre de Libériens appellent witchcraft. Dans le contexte de la guerre, ce terme ne renvoyait pas à l’usage secret et individuel de techniques ésotériques destinées à porter préjudice aux autres à des fins de gain personnel, selon les définitions anthropologiques classiques. L’expression fut utilisée pour désigner l’ensemble des usages de techniques indigènes ou traditionnelles de communication religieuse ou de manipulation des forces spirituelles associées à la violence ou, au contraire, de protection contre cette dernière. C’est en ce sens que les journalistes et observateurs rapportèrent que la sorcellerie (witchcraft) resurgit de façon massive pendant la guerre civile.

Notes

  • [1]
    Voir le récit de cette guerre in S. Ellis, The Mask of Anarchy: the Destruction of Liberia and the Religious Dimension of an African Civil War, Londres/New York, Hurst & Co./New York University Press, 1999.
  • [2]
    Ibid. pour les parties historiques ; pour des récits antérieurs, voir J. Sibley et D. Westermann, Liberia-Old and New, Londres, James Clark, s. d. p. 207.
  • [3]
    Cité in S. Ellis, The Mask of Anarchy…, op. cit., p. 263.
  • [4]
    T. Suah, « In pursuit of one man », The Inquirer (Monrovia), avril-juillet 1996, pp. 2-4.
  • [5]
    J. Youboty, Liberian Civil War: a Graphic Account, Philadelphia PA, Parkside Impressions, 1993, pp. 342-343.
  • [6]
    Selon un recensement de 1986, 75 % des Libériens adhéraient à des religions locales, 15 % étaient chrétiens et 10 % musulmans. Cependant, en 1999, le Département d’État américain a donné, dans son rapport sur les pratiques des droits de l’homme au Liberia en 1998 (Liberia Country Report on Human Rights Practices for 1998), un chiffre de 40 % de chrétiens. De plus, beaucoup de personnes maintiennent simultanément leur appartenance à plusieurs systèmes de croyances. Voir S. Ellis, The Mask of Anarchy…, op. cit., pp. 226-228.
  • [7]
    Voir K. Cain, « The rape of Dinah: human rights, civil war in Liberia, and evil triumphant », Human Rights Quarterly, 21 (2), 1999, p. 283.
  • [8]
    Voir le renouveau de l’intérêt pour cette question parmi les anthropologues, notamment J. et J. Comaroff (eds), Modernity and its Malcontents. Ritual and Power in Postcolonial Africa, Chicago, University of Chicago Press, 1995, et P. Geschiere, Sorcellerie et politique en Afrique. La viande des autres, Paris, Karthala, Paris, 1995.
  • [9]
    G. Deleuze, cité par J.-F. Bayart, L’Illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996, p. 138.
  • [10]
    Voir B. Hallen et J. O. Sodipo, Knowledge, Belief and Witchcraft: Analytic Experiments in African Philosophy, Londres, Ethnographica, 1986.
  • [11]
    E. E. Evans-Pritchard, Witches, Oracles and Magic among the Azande, Oxford, Oxford University Press, 1937, pp. 9-10.
  • [12]
    Voir la discussion in P. Geschiere, Sorcellerie et politique…, op. cit., pp. 279-286.
  • [13]
    Pour un aparté intéressant sur la notion de « science africaine » en tant que corollaire de la science occidentale, voir A. Ashforth, « Réflexion sur l’insécurité spirituelle dans une ville africaine moderne (Soweto) », Politique africaine, n° 77, mars 2000, pp. 143-169, surtout pp. 160-162.
  • [14]
    Cité par J. Martin, The Dual Legacy: Government Authority and Mission Influence among the Glebo of Eastern Liberia, 1834-1910, thèse de doctorat, Boston University, 1968, pp. 290-291.
  • [15]
    Les premiers travaux classiques d’ethnographie sur le Liberia intérieur comprennent ceux de sir Harry Johnston, Liberia, 2 vol., Londres, Hutchinson, 1906 ; G. Schwab (ed. G. W. Harley), Tribes of the Liberian Hinterland, Cambridge, Peabody Museum, 1947 ; et Sibley et Westermann, Liberia…, op. cit.
  • [16]
    Pour un résumé plus complet, voir S. Ellis, Mask of Anarchy…, op. cit., chap. 5 et 6.
  • [17]
    Voir par exemple D. Mills, Through Liberia, Londres, Duckworth, 1926, pp. 118-121, et 170 et 172 les photos d’hommes-léopards emprisonnés.
  • [18]
    Voir S. Ellis, Mask of Anarchy…, op. cit., chap. 5 et 6. L’une des recherches les plus approfondies sur les sociétés des hommes-léopards a été menée par les autorités coloniales britanniques au Sierra Leone. Sir K. J. Beatty, Human Leopards, 1915, rééd. New York, AMS Press, 1978.
  • [19]
    J. Sibley et D. Westermann, Liberia…, op. cit., p. 188.
  • [20]
    Les principaux travaux de G. W. Harley sont Notes on the Poro in Liberia, Cambridge, Peabody Museum, XIX, 1941 ; Native African Medicine, with Special Reference to its Practice in the Mano Tribe of Liberia, 1941, rééd. Londres, Frank Cass, 1970 ; Masks As Agents of Social Control in Northeast Liberia, Cambridge, Peabody Museum, 1950. Harley a également publié la contribution de G. Schwab, Tribes of the Liberian Hinterland, et s’est révélé une source d’informations pour de nombreux auteurs. Voir par exemple G. Greene, Journey Without Maps, Londres, Pan Books, 1947, pp. 156-168.
  • [21]
    G. W. Harley, Native African Medicine…, op. cit., p. 11, 14, 21, 23 et 27.
  • [22]
    D’où le titre d’un travail de référence sur le Poro : B. Bellman, Village of Curers and Assassins: on the Production of Fala Kpelle Cosmological Categories, La Haye, Mouton, 1975.En ligne
  • [23]
    N. Kwiawon Taryor, « Religions in Liberia », Liberia-Forum, 5 (8), 1989, p. 6.
  • [24]
    G. W. Harley, Native African Medicine…, op. cit., p. 23.
  • [25]
    Revised Laws and Administrative Regulations Governing the Hinterland, art. 69, Department of the Interior, Government of Liberia, 1949, Monrovia, National Documentation Center.
  • [26]
    G. Schwab, Tribes of the Liberian Hinterland, op. cit., p. 331.
  • [27]
    E. D. Furbay, Top Hats and Tom-Toms, Chicago, New York, Ziff-Davis, 1943, pp. 127-128.
  • [28]
    De façon générale, sur les sociétés sans État, voir R. Horton, « Stateless societies in the history of West Africa », in J.-F. Ade Ajayi et M. Crowder (eds), History of West Africa, 2 vol., 3e éd., Harlow, Longman, 1985, I, pp. 87-128.
  • [29]
    Cité in K. Little, « The political function of the Poro », Africa, XXXV (4), 1965, p. 355.
  • [30]
    Voir R. Fulton, « The kpelle traditional political system », Liberian Studies Journal, I (1), 1968, p. 15, et J. Martin, « Dual legacy… », art. cit., pp. 25-26.
  • [31]
    G. Schwab, Tribes of the Liberian Hinterland, op. cit., pp. 232-234.
  • [32]
    R. F. C. Maugham, The Republic of Liberia, Londres, George Allen & Unwin, 1920, p. 248.En ligne
  • [33]
    Y. Person, Samori. Une révolution dyula, 3 vol., Dakar, IFAN, 1968-1975.
  • [34]
    S. Holsoe, « The Condo Confederation in Western Liberia », Liberian Historical Review, 3 (1), 1966, pp. 1-28.
  • [35]
    S. H. Cordor, The Study of Africa: an Introductory Course in African Studies for Liberian Schools, Monrovia, Liberian Literacy and Educational Publications, 1979, p. 12.
  • [36]
    Pour plus de détail, voir S. Ellis, Mask of Anarchy…, op. cit., chap. 5 et 6.
  • [37]
    Expression de J.-F. Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, pp. 193-226.
  • [38]
    Le cas le plus connu, qui date des années 70, est décrit par J. Thomas-Queh, « La politique de contrôle social dans un pays en voie de développement : analyse des lois, des institutions judiciaires et l’application de la justice pénale au Liberia », thèse de doctorat, Paris-II Sorbonne, 1986, pp. 411-447.
  • [39]
    J. Thomas-Queh, « Capital and corporal punishments in Liberia (1971-1985) », Liberia-Forum, 3 (5), 1987, p. 58, note 2.
  • [40]
    H. Oladunjoye Akingbade, « The role of the military in the history of Liberia, 1822-1947 », thèse de doctorat, Howard University, 1977 ; A. Sawyer, The Emergence of Autocracy in Liberia: Tragedy and Challenge, San Francisco, Institute for Contemporary Studies, 1992, pp. 205-207.
  • [41]
    A. Sawyer, Effective Immediately. Dictatorship in Liberia 1980-1986: a Personal Perspective, Bremen, Liberia Working Group, paper n° 5, 1987, p. 5.
  • [42]
    Entretiens.
Français

La guerre de 1989 à 1997 au Liberia a constitué un observatoire des pratiques de violence, y compris dans le domaine de l’invisible. Certaines techniques utilisées par les guerriers, telles l’utilisation d’amulettes ou les pratiques d’anthropophagie, ont été qualifiées par les Libériens de « sorcellerie ». Ce terme semble avoir changé de sens au fil du xxe siècle. Cet article étudie ces changements et montre comment la constitution d’un pouvoir oligarchique est allée de pair avec la redéfinition de certaines représentations religieuses.

Stephen Ellis
Afrika Studiecentrum, Leiden
Traduction de 
Béatrice Hibou
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.079.0066
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