CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans son principe, la prévention des risques industriels nécessite d’arbitrer entre des intérêts difficilement conciliables a priori : la mise en sécurité des sites industriels (qui suppose des investissements continus) s’accommode en effet très mal des objectifs de rentabilité des entreprises concernées, tandis que les mesures de protection du voisinage vont rarement dans le sens du développement local et des attentes des riverains. Source inépuisable de conflits, cette politique publique s’est depuis longtemps ouverte aux procédures participatives, conçues comme des outils susceptibles de favoriser les échanges entre parties prenantes et renforcer l’adhésion du public aux enjeux de prévention. Suivant le mouvement de démocratisation de l’action publique (Blondiaux, Sintomer, 2002), un droit de la participation s’est progressivement concrétisé pour compléter les formes traditionnelles de consultation (enquête publique) prévues dans le cadre des procédures d’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : systématisation des campagnes d’information du public dans les années 1980, généralisation de la concertation pour la prise en compte des risques industriels dans l’aménagement et création des secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI) dans les années 1990. S’appuyant sur des groupes pluralistes de représentants des intérêts locaux concernés, ces différents dispositifs restent cependant dominés par les acteurs industriels et administratifs qui les envisagent moins dans leur dimension participative que dans leur capacité à légitimer des décisions toujours peu concertées (Lascoumes, 1998). Cette critique, qui resurgit avec force après la catastrophe d’AZF de 2001 (Bonnaud, Martinais, 2008), est à l’origine des ajouts les plus récents en la matière, qui visent là encore des objectifs d’intégration et de responsabilisation des acteurs les plus éloignés de la décision : introduction d’un principe d’association dans la procédure d’élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), création des comités locaux d’information et de concertation (CLIC) [1], prise en charge financière d’une partie des mesures de prévention par les voisins les plus proches des usines. Par ce renouvellement de l’offre institutionnelle de participation, il s’agit de faire émerger les riverains en tant qu’acteurs de la prévention, de fabriquer de meilleurs citoyens, plus éclairés, plus vertueux, plus empathiques avec les mesures qui les concernent, dans le but d’améliorer la sécurité, mais aussi de renforcer l’acceptabilité des sites industriels, notamment lorsqu’ils sont insérés en milieu urbain et particulièrement exposés aux réactions de rejet du voisinage.

2Ces dernières années, diverses recherches se sont intéressées aux effets de ces nouvelles obligations réglementaires sur la participation riveraine. Menées dans des contextes différents (les zones industrialo-portuaires du Havre et de Dunkerque, la vallée de la chimie lyonnaise, le pourtour de l’étang de Berre, etc.), elles montrent toutes que l’objectif d’intégration est encore loin d’être atteint. S’agissant des CLIC par exemple, plusieurs de ces enquêtes soulignent leur incapacité à former un public au-delà de quelques représentants qualifiés, du fait notamment d’un manque d’attente des riverains (Nonjon, 2009 ; Chambon et al., 2012) et des efforts déployés par les acteurs décisionnaires pour les maintenir à distance de ces lieux de discussion (Grembo et al., 2012). Le design local de ces nouveaux outils de concertation revenant aux acteurs dominants, notamment les services de l’État, la norme participative est systématiquement détournée pour s’adapter à leurs méthodes de travail, à leurs contraintes et stratégies (Le Blanc et al., 2009 ; Castel et al., 2010). Cet effet de cadrage joue à la fois sur la sélection des participants, le fonctionnement concret des dispositifs et les usages qui en sont faits. Certains auteurs notent ainsi que ces outils peuvent être « capturés » à leur profit par les groupes d’intérêts les mieux dotés (Suraud, 2013) et que, dans ces conditions, ils contribuent surtout à reproduire les asymétries de position et les rapports de force qui leur préexistent (Ferrieux et al., 2010 ; Frère et al., 2012). Nettement convergentes, ces observations rejoignent en fait les critiques usuellement adressées aux procédures participatives dans les domaines de l’aménagement et de l’environnement (Blatrix, 2002 ; Theys, 2002 ; Le Bourhis, 2012). Plus largement, elles témoignent de la persistance de ce que Rémy Barbier et Corinne Larrue appellent la « gestion néocorporatiste de l’environnement local », c’est-à-dire une gestion partagée par un nombre relativement limité et stable de représentants qualifiés des principaux groupes d’intérêt, donc peu ouverte aux riverains et acteurs associatifs, ou alors dans des proportions limitées à quelques interlocuteurs privilégiés ou permanents dont le mérite est d’avoir un comportement prévisible (Barbier, Larue, 2011).

3Cherchant plutôt à montrer le faible pouvoir intégrateur des CLIC et PPRT, la littérature précédemment citée ne dit pas grand-chose des effets de ces outils participatifs sur les conflits locaux, sinon que la création d’un CLIC ne réduit pas de façon mécanique les oppositions, voire qu’elle peut conduire dans certaines conditions à une radicalisation des points de vue (Suraud, 2009). Pour explorer plus avant cette dimension et contribuer utilement à la réflexion sur les relations entre participation et conflit dans le domaine des risques industriels, il convient donc d’élargir le point de vue pour s’intéresser à ce qui se passe en dehors ou à côté de ces dispositifs. Comment les riverains visés par la prévention de ces risques envisagent-ils les mesures qui les touchent directement ? Acceptent-ils d’être ainsi tenus à l’écart des instances de discussion, alors que les PPRT en cours d’élaboration peuvent conduire à des décisions d’expropriation ou les obliger à des travaux de renforcement de leur logement ? Ont-ils des intérêts à défendre et si oui, comment s’y prennent-ils pour les faire valoir et tenter de s’imposer dans ces décisions ? En quoi les CLIC et autres dispositifs d’association peuvent-ils leur être utiles dans cette optique ?

4Pour répondre à ces questions, nous proposons de suivre l’activité d’une cinquantaine d’associations (55 exactement) engagées depuis quelques années dans la lutte contre les PPRT (cf. encadré). Principalement formés d’habitants mécontents et fédérés en coordination nationale depuis 2011, ces collectifs locaux s’opposent aux mesures des PPRT qui les privent d’un certain nombre de droits auxquels ils se montrent particulièrement attachés (droit de vivre en sécurité, de jouir pleinement de leur maison, de circuler librement, etc.). Cette mobilisation, qui prend forme de façon éparse à l’échelle nationale (elle vise une quarantaine de PPRT disséminés un peu partout en France), sera présentée selon les trois principales phases de sa courte histoire. On verra tout d’abord que si elle émerge en réaction à l’élaboration des PPRT, elle se déploie en marge des procédures participatives associées à cette démarche, avec des motivations qui se situent moins sur le registre habituel de la défense du patrimoine que dans le rejet de l’identité de « riverain responsable » que le PPRT tente d’imposer aux voisins des usines à risques. Dans un deuxième temps, on montrera comment les associations contestataires s’y prennent pour faire reconnaître une identité concurrente de « citoyen en danger », puis comment ce travail de légitimation les conduit progressivement à redéfinir l’objet de leur lutte pour défendre un projet collectif de révision de la loi porteur, à leurs yeux, d’une conception plus égalitaire du PPRT. Enfin, on verra comment les efforts consentis pour promouvoir cette vision dissidente du PPRT, dans et surtout en dehors des dispositifs participatifs que certains ont fini par intégrer, contribuent à « l’ensauvagement » de la politique de prévention (Neveu, 2011) via certains ajustements réglementaires conçus pour améliorer leur condition de « citoyens en danger ».

Les collectifs contestataires objets de cet article ont été identifiés par le biais du site Internet de la Coordination nationale des associations riveraines des sites Seveso qui, dans sa rubrique « Les assos de la coordination », recense une cinquantaine de communes où des habitants sont engagés dans la lutte contre les PPRT (voir http://coordinationseveso.wordpress.com/les-assos-de-la-coordination). À chacune de ces communes correspond en général une association de riverains en colère, parfois deux ou trois comme au Havre, à Fos-sur-Mer ou à La Mède. Dans deux cas (Vitrolles, Bourogne), le collectif contestataire se réduit à une ou deux personnes qui se mobilisent en tant que simples voisins du site industriel à l’origine du PPRT, sans recourir au format associatif. Pour caractériser cette mobilisation éparse, retracer sa trajectoire et documenter ses modes d’action, plusieurs types de sources ont été mobilisés : les blogs ou sites Internet des associations qui, lorsqu’ils existent, présentent des argumentaires, rendent compte de leurs interventions (passées et à venir) et, parfois, précisent les circonstances de leur création ; les registres municipaux et préfectoraux de recensement des associations qui fournissent des renseignements précieux sur les raisons sociales des collectifs étudiés, leurs statuts et la localisation de leurs dirigeants ; tous les documents relatifs à l’élaboration des PPRT contestés (comptes rendus des réunions des personnes et organismes associés, dites réunions de POA, des réunions publiques et des CLIC correspondants) qui sont disponibles sur les sites dédiés (par exemple www.clic-rhonealpes.com en Rhône-Alpes) ou les sites des préfectures et directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) qui, dans chaque cas, permettent de situer l’émergence de la contestation et de suivre son évolution dans le temps (en termes de revendications, d’intégration aux discussions et de rapport aux acteurs décisionnaires notamment) ; et enfin, tous les articles de presse ou extraits de journaux télévisés qui donnent également à voir certaines de ces associations dans une partie de leurs actions revendicatives. Le recueil et l’exploitation de cet important matériau documentaire (dont le volume varie énormément d’un groupe à l’autre, certains étant très prolixes quand d’autres laissent peu de traces) ont ensuite été complétés par une vingtaine d’entretiens avec des représentants des collectifs habitants engagés dans la contestation d’une dizaine de PPRT (Ambès, Donges, Fos-sur-Mer, Gaillon, Lanester, La Mède, La Rochelle, Le Havre, Quéven, Saint-Pierre-des-Corps, Tersanne), dont une moitié est également fortement investie dans les activités de la Coordination nationale. Toutes les interviews, associées à des contextes et des formes de lutte divers, ont été réalisées in situ et souvent complétées par des visites commentées du site industriel concerné et des quartiers environnants. Huit de ces entretiens ont été réalisés et retranscrits par Oriane Reynier dans le cadre de son travail de fin d’étude de l’ENTPE (Reynier, 2014). Nous la remercions vivement pour cette contribution importante à l’enquête.

Le rejet de l’identité prescrite de « riverain responsable »

5L’entrée en scène des habitants contestataires a lieu partout de la même façon : maintenus dans l’ignorance du PPRT pendant une grande partie de la procédure, ils sont subitement placés, sans information ni discussion préalables [2], devant des décisions quasi définitives ayant souvent des conséquences considérables sur leurs situations personnelles. Certains découvrent ainsi qu’une fois le PPRT approuvé, ils seront expropriés et devront quitter leur maison pour refaire leur vie ailleurs. D’autres auront à choisir entre partir en délaissant leur bien ou rester, en faisant des travaux de protection proportionnés aux dangers de l’usine voisine (création d’une pièce de confinement, renforcement des vitrages, des huisseries et des charpentes, etc.). D’autres encore, situés dans des secteurs un peu plus éloignés des installations à l’origine du PPRT, auront l’obligation (ou seront incités à) réaliser ces mêmes travaux, mais à la différence de leurs voisins bénéficiant du droit de délaissement, ils devront les financer en partie (ou totalement) sur leurs propres deniers [3].

6Lorsqu’on les interroge sur les motifs de leur opposition aux PPRT, les habitants contestataires évoquent d’emblée ce drôle de principe « pollué-payeur ». Comme le dit l’un d’eux : « La loi impose au riverain d’agir sur quelque chose qu’il ne maîtrise pas. Il habite à côté de l’usine mais ce n’est pas lui qui maîtrise le risque. Il subit le risque, la pollution, et on lui demande de payer, donc c’est normal qu’il refuse. » Puissant facteur de mobilisation (surtout pour les ménages les plus modestes), l’intérêt financier n’est cependant pas l’unique, ni même la principale motivation qui pousse les riverains contestataires au conflit [4]. Ce qui les incite à se mobiliser, c’est avant tout l’indignation face à une situation vécue comme une profonde injustice [5]. Tous les habitants interrogés témoignent ainsi de l’émotion, de la détresse ou de la colère suscitées par cette procédure qui fait « l’effet d’un coup de poing dans la figure » quand elle les met brutalement devant le fait accompli de décisions qui les atteignent directement dans leurs biens, mais également dans leurs droits et libertés (en les empêchant par exemple de disposer librement de leur maison). Comme dans la plupart des conflits d’aménagement, la mobilisation procède d’un chevauchement de dimensions conflictuelles qui se rapportent autant à la façon dont les décisions sont prises et annoncées, qu’à leurs conséquences pratiques et symboliques (Dziedzicki, 2004). On note cependant que l’indignation est d’autant plus forte qu’elle s’exprime par la voix d’habitants implantés de longue date, ayant le sentiment d’avoir toujours cohabité pacifiquement avec leur voisin industriel (parfois accueilli avec bienveillance) qui, en retour, leur fait payer bien cher sa présence à leurs côtés. Ainsi cette lettre lue en réunion publique par un riverain menacé d’expropriation à Tersanne dans la Drôme :

7

« Mesdames, Messieurs, Messieurs les industriels, vous qui êtes venus vous installer en 1967 en nous donnant des gages de sécurité, vous nous avez toujours dit que nous étions en sécurité et que les risques étaient pratiquement inexistants.
Depuis 1967, nous vivons en bon voisinage. J’ai vu depuis 45 ans, chaque année, cette usine s’agrandir. J’ai toujours eu de très bons contacts avec les personnes qui travaillaient dans cette usine. Vous me demandiez de stocker votre matériel dans ma cour. J’ai toujours accepté de bon cœur. Vous me demandiez d’héberger des caravanes de travailleurs pendant les travaux. J’ai toujours accepté de le faire. Vous m’avez demandé d’échanger des terres pour creuser vos puits. Je l’acceptais de bon cœur.
Que dois-je penser aujourd’hui de ce que je vois, de ce que je vis, de ce que vous me faites subir ? Ce que vous faites subir à mes enfants, à ma famille, à mes voisins, à mes amis ? Quel malheur d’arriver à 80 ans pour voir ça. Je me sens trahi.
Vous, Messieurs les représentants de l’usine Storengy, vous avez les moyens techniques de me redonner confiance. Simplement en déplaçant une tour de déshydratation de quelques centaines de mètres. Vous, Mesdames et Messieurs les représentants de l’État, vous avez les capacités en validant ce déplacement de redonner de l’espoir à des familles.
Messieurs, vous avez eu besoin de moi il y a 45 ans. Aujourd’hui, c’est moi qui vous demande : faites cet effort. Je vous ai toujours respecté. Je vous demande à votre tour de respecter mes valeurs[6]. »

8À l’image de cet exploitant agricole qui se retrouve bien malgré lui à parler au nom de sa famille, de ses amis et de ses voisins, les habitants contestataires ne sont pas forcément des professionnels de la revendication sociale. Ils ne sont pas non plus des militants expérimentés, prédisposés à la défense des causes environnementales ou à l’activisme anticapitaliste. Ils sont avant tout des voisins de sites industriels à qui le PPRT demande d’endosser le statut de riverain et d’accepter les obligations légales associées, qui partagent un même sentiment d’injustice face à cette situation largement subie et mettent à profit la solidarité de voisinage ainsi générée pour s’unir dans la défense d’une cause commune. Il n’existe donc pas de profil type pour caractériser les habitants contestataires. Selon les situations, ils peuvent être citadins, habiter dans un lotissement périurbain ou une maison ancienne à la campagne [7]. Actifs ou retraités, fonctionnaires, exerçant en libéral ou salariés du privé, ils couvrent à peu près toute la nomenclature des catégories socioprofessionnelles [8]. Si les ouvriers et les employés dominent dans les anciens quartiers et lotissements d’entreprise construits à proximité des sites de production, les professions intermédiaires et les cadres sont représentés dans de nombreux autres contextes moins industrieux. Dans cette diversité, certains cumulent le statut d’habitant avec une activité militante ou politique (de syndicaliste, de conseiller municipal ou de membre d’un parti politique), mais ceux-là sont loin d’être majoritaires. En fait, la seule caractéristique vraiment partagée par la totalité de ces habitants contestataires au moment de leur rencontre avec le PPRT est d’être propriétaire d’une maison individuelle qui représente l’essentiel (voire la totalité) de leur patrimoine.

9La mobilisation des habitants se caractérise également par la diversité des associations qui s’engagent dans la lutte. Trois ensembles se distinguent assez nettement parmi les 55 entités recensées. Le premier est formé d’une trentaine d’associations et de collectifs créés en réaction au PPRT par de petits groupes de résidents qui ne s’étaient encore jamais mobilisés pour la protection de leur bien et/ou la défense de leur cadre de vie [9]. Dans ces rassemblements, beaucoup de membres n’ont aucune expérience associative et s’essayent pour la première fois au jeu de la contestation sociale. Une quinzaine d’autres relève de cette même catégorie, centrée sur ce que Pierre Lascoumes (1994) appelle la défense d’un intérêt local ponctuel, mais à la différence de leurs homologues du premier ensemble, elles préexistaient au PPRT. Constituées quelques années auparavant, à l’occasion d’un projet d’aménagement (construction d’un terminal méthanier, implantation d’un site Seveso, etc.), d’une pollution ou d’un accident industriel, elles sont incitées à se mobiliser parce qu’une partie de leurs adhérents et/ou représentants sont directement touchés par les mesures du PPRT [10]. Le troisième groupe se compose enfin d’une dizaine d’associations de protection de l’environnement plus classiques et plus diversifiées dans leurs centres d’intérêt. Plus anciennes aussi, elles occupent en général une position de partenaire institutionnel reconnue des pouvoirs publics. Celles-ci ont d’ailleurs quasiment toutes découvert le PPRT par le biais des CLIC et POA [11] auxquels elles ont été naturellement conviées pour y représenter les populations locales. Un peu moins impliquées, elles interviennent le plus souvent en soutien des associations de défense, sauf lorsqu’un ou plusieurs de leurs membres actifs résident dans les secteurs visés par les mesures de prévention (comme à Gaillon dans l’Eure) [12].

10En dépit de cette grande diversité de formes et de profils, les groupes d’habitants contestataires ont en commun de se mobiliser sur un terrain qu’ils ne connaissent pas (ou très mal). Tous sont à ce moment-là ignorants du PPRT et peu se sont déjà frottés d’aussi près aux procédures de prévention des risques industriels. L’entrée en conflit suppose donc une exploration préalable de cette terra incognita que constitue à leurs yeux l’objet contre lequel ils entendent lutter [13] : il s’agit de se former, de comprendre ce qu’est un PPRT, la façon dont il fonctionne, pour savoir ensuite comment agir, mais aussi être capable d’informer les voisins, de paraître crédible pour susciter des adhésions et nourrir la mobilisation. Beaucoup passent ainsi de longues heures sur Internet à rechercher des informations et lire tout ce qui peut les aider à se familiariser avec le sujet, notamment les documents mis en ligne par les services de l’État instructeurs des PPRT au plan local [14]. Quelques-uns suivent les formations spécifiques que France Nature Environnement (FNE) organise pour les membres de son réseau. Certains profitent également des connaissances capitalisées par ceux qui les ont précédés dans ce travail d’exploration, via les blogs et sites Internet qu’ils alimentent en continu [15] ou en prenant directement conseil auprès d’eux.

11Outre qu’elle permet aux habitants contestataires de gagner en compétences, cette immersion dans la mécanique du PPRT confirme à tous que la façon dont cette procédure les définit en tant que « riverain » ne coïncide pas avec l’idée qu’ils se font de leur place et de leur rôle. En décortiquant la procédure, beaucoup découvrent en particulier l’existence de ces CLIC et réunions de POA où les orientations du PPRT se discutent sans eux, mais en présence de tous les autres acteurs directement concernés (en particulier les industriels et les représentants des collectivités locales). Ils découvrent également comment le PPRT les expose à des dangers « graves » ou « très graves pour la vie humaine [16] » qui ne cadrent ni avec leur expérience vécue du lieu ni avec le discours de la maîtrise auquel ils étaient habitués jusque-là [17]. Ils découvrent enfin que si ce statut de victime potentielle leur ouvre des droits (d’être informés des risques encourus, d’être aidés financièrement pour la réalisation de travaux de protection et dédommagés en cas d’expropriation et de délaissement), il implique en contrepartie qu’ils se « responsabilisent » en prenant leur part d’obligations en matière de prévention (se conformer aux consignes à suivre en cas d’accident, réduire la vulnérabilité de son habitation et accepter de déménager lorsque le danger est trop important).

12Dans les conflits d’aménagement classiques, l’expérience démocratique des « citoyens en tant que riverains » consiste souvent à déplacer la critique, du projet à l’origine de la mobilisation vers les critères qui cantonnent les protagonistes dans des rôles sociaux préétablis par les procédures (Fourniau, 2007). Dans le cadre du PPRT, les habitants contestataires font précisément ce cheminement pour découvrir que s’ils s’opposent à la procédure, c’est avant tout parce qu’elle les contraint à endosser une identité de « riverain responsable » qui va à l’encontre de leurs aspirations en termes de participation et de prévention. Leur entrée en conflit consiste donc principalement à se défaire de cette assignation en focalisant les dénonciations sur les dimensions de la procédure qui tendent justement à les fixer dans ce rôle incohérent du riverain à la fois victime potentielle de son voisin industriel, exécutant passif de décisions prises par d’autres et entrepreneur de sa propre prévention. Symboliques de cette identité de « riverain responsable », les travaux prescrits sont particulièrement visés par ces dénonciations. Les groupes contestataires leur reprochent notamment d’exonérer les industriels de leurs obligations en reportant sur les habitants la responsabilité d’une exposition au risque largement subie. Comme cette association caennaise, ils dénoncent en même temps l’inégalité des parties prenantes devant ces responsabilités, c’est-à-dire « le fait que des propriétaires, souvent peu argentés, se trouvent dans l’obligation d’exécuter [ces] travaux, parfois onéreux, alors que le fauteur de trouble réalise des profits colossaux qu’il distribue sans états d’âme à ses dirigeants et actionnaires » [18]. Une partie des arguments produits à ce moment-là consiste également à signaler l’inanité de ces mesures. Ainsi ce voisin de la raffinerie de Donges en Loire-Atlantique :

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« Même si demain on change nos fenêtres, on ne sera pas forcément mis en sécurité. Si on prend le cas précis de Donges, un certain nombre de maisons sont impactées par un risque de surpression qui oscille entre 35 et 50 mbar. L’argument qu’on avance, c’est que 50 mbar, ça correspond à une pression de 500 kg sur un m2. Donc sur une façade de maison de 20 m2, ça fait une pression de plusieurs tonnes. L’équivalent d’un camion lancé à pleine vitesse ! Vous imaginez ? Et on veut nous faire croire qu’on sera protégés parce qu’on aura changé nos vitres ? On n’est pas complètement abrutis, on a vu ce qui s’est passé à Lac-Mégantic au Canada. Ou AZF à Toulouse. On a tous vu les dégâts occasionnés par des explosions de ce genre. Donc nous laisser croire que le fait de changer nos fenêtres nous mettrait en sécurité, c’est un peu se moquer du monde quoi. »

14L’entrée en conflit passe également par des attaques visant le caractère peu participatif de la procédure. Les associations dénoncent le rôle d’exécutant passif dans lequel les habitants sont maintenus, qui leur interdit concrètement de s’associer à la définition des mesures qui leur sont pourtant destinées. Toutes réclament de ne plus être tenues à l’écart de ces décisions et dans cette optique, exigent d’être intégrées aux CLIC et réunions de POA qu’elles perçoivent comme les lieux où se discutent les orientations du PPRT [19]. Par cette revendication commune, les groupes contestataires cherchent non seulement à se faire accepter comme acteurs à part entière de la démarche de prévention, mais également à donner de l’ampleur à la mobilisation en créant les conditions de son importation au cœur même de la procédure, au plus près des acteurs décisionnaires.

La définition d’une identité concurrente de « citoyen en danger »

15Même si le droit qui régit la prévention des risques industriels lui reconnaît un rôle croissant, le riverain n’est pas un interlocuteur privilégié des services administratifs chargés de l’instruction des PPRT. Les agents des DREAL et DDT [20] concernés sont habitués à travailler avec les industriels, les élus locaux et certaines associations environnementales, mais pas avec les habitants qu’ils envisagent surtout comme des problèmes et pas vraiment comme des partenaires utiles à la décision (Coanus et al., 1999). Pour les groupes contestataires, cette absence de savoir-faire des services de l’État en matière de participation est le plus souvent synonyme de difficultés incontournables pour intégrer le jeu d’acteurs. Quelques-uns se voient ainsi refuser l’accès aux CLIC et réunions de POA malgré des demandes réitérées. D’autres ne sont admis qu’au CLIC [21]. Quant au reste, qui obtient (parfois de haute lutte [22]) le droit de participer à ces deux instances, c’est le plus souvent pour se rendre compte qu’une place aux côtés des autres parties prenantes ne garantit pas une reconnaissance automatique en tant que contributeur légitime. Cette expérience participative peut même s’avérer cruelle lorsque les représentants des habitants, qui pensent avoir des choses importantes à dire, sont méthodiquement renvoyés à leur condition d’acteurs de second rang (prises de parole empêchées, procès en incompétence et en irrationalité, etc.) [23].

16N’accédant pas à la reconnaissance par la voie des CLIC et POA, les groupes contestataires sont contraints de faire admettre leur droit à parler par d’autres moyens. Le premier de ces recours consiste à construire et mettre en scène la représentativité du collectif, à montrer qu’il ne peut pas être considéré comme quantité négligeable dans la mesure où ses membres s’expriment, sinon au nom de tous, tout du moins de la plupart des habitants concernés par les PPRT [24]. Il s’agit alors pour chaque association de défense de constituer un public le plus large possible et de donner à voir ce public par toutes sortes d’actions qui empruntent aux « classiques » des mouvements sociaux : organisation de réunions publiques et rassemblements festifs, pétitions, manifestations de rue, campagnes d’affichage sauvage, publication de bulletins d’information, pressions sur les candidats aux élections locales, invitations des médias locaux, etc. Beaucoup sollicitent également des rencontres avec les représentants administratifs (préfets, services instructeurs), les exploitants industriels et les élus locaux (maires, conseillers généraux et régionaux, députés). Le soutien de ces derniers est tout particulièrement recherché, dans le but de constituer des coalitions de causes à même de concurrencer les acteurs décisionnaires du PPRT.

17Un autre moyen pour les associations de défense de gagner en légitimité est d’affronter ces mêmes acteurs décisionnaires sur leur propre terrain. Pour cela, elles technicisent leurs revendications et s’efforcent de produire des arguments conçus dans le langage expert des industriels qui fabriquent les études de dangers et des services instructeurs qui les exploitent pour dimensionner le contenu des mesures de prévention [25]. Chaque groupe met alors à contribution ses représentants les plus qualifiés [26] pour tenter de décoder les justifications administratives venant en appui des décisions qui sont prises aux différentes étapes d’élaboration des PPRT [27]. Certains demandent également à consulter les études de dangers pour se faire une idée plus précise des méthodes employées pour prendre ces décisions et chercher d’éventuelles failles dans les raisonnements qui conduisent à délimiter les zonages les plus problématiques pour les habitants. Menées de façon plus ou moins approfondie, ces investigations visent à mettre en forme des revendications susceptibles d’affaiblir les justifications techniques des services instructeurs, mais également de résister à la critique de ces mêmes services. La plupart du temps, elles se contentent de questionner les conventions et les choix arbitraires qui sont à la base du travail d’analyse des risques. Mais parfois, elles vont un peu plus loin en suggérant de reprendre des pistes de travail abandonnées en cours de route, voire en découvrant des possibilités non exploitées. Dans tous les cas, elles invitent les services instructeurs à faire preuve de davantage de considération à l’égard des représentants des habitants. Ce qu’explique ce membre d’un collectif des Bouches-du-Rhône :

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« Au début, la DREAL se présentait comme l’autorité qui détient la vérité et en fait, en fouillant un peu dans leurs rapports et dans les présentations qu’ils font en réunion, on a compris qu’ils n’étaient pas si sûrs de leurs affirmations que ça. Parce qu’on a fait des découvertes… Et eux avec nous. Du coup, ils ont dû revoir un certain nombre de choses, reprendre les études pour regarder des points qu’ils avaient laissés de côté. Alors comment on a procédé ? Ben on s’est entouré d’experts. Quand je dis experts, ce sont des retraités qui occupaient des postes importants dans ces industries, donc qui pouvaient parler d’égal à égal avec les ingénieurs de la DREAL. On a épluché les dossiers avec eux, on s’est renseigné de-ci, de-là, sur Internet, dans la littérature, on a posé des questions dans les instances officielles comme les POA et les CLIC, on a attendu les réponses. Tout ça fait que petit à petit on a acquis un savoir qu’ils n’imaginaient pas. Maintenant qu’ils savent, ils ne peuvent plus dire n’importe quoi. »

19Dans ses travaux consacrés aux débats publics, Sandrine Rui (2004) observe que le droit à parler des participants s’établit en fonction de trois critères : leur représentativité, leur niveau de compétence et enfin, le degré de généralité des intérêts qu’ils défendent. Pour les opposants aux PPRT, le regroupement en collectifs départementaux puis en coordination nationale est le moyen d’accéder à ce troisième critère qui, contrairement aux deux autres, fait globalement défaut à chacun des groupes pris individuellement. Soutenue par quelques représentants désireux de donner un cadre plus formel à leurs échanges, la mise en réseau des mouvements contestataires dans la Coordination nationale des associations riveraines des sites Seveso [28] permet à chaque groupe mobilisé d’élargir sa base revendicative, de se faire le porte-parole d’intérêts sociaux supérieurs à ceux des individus qu’il représente et de développer, dans ces conditions, des arguments de portée plus générale, plus difficilement attaquables par les pouvoirs publics. L’élargissement de la mobilisation permet en même temps de compenser les limites structurelles sur lesquelles finissent par buter toutes les associations de défense, notamment le manque de moyens et la difficulté à maintenir leurs actions dans la durée. Ainsi ce membre actif du collectif PPRT 13 [29] :

20

« À un moment donné, les riverains individuellement ne pèsent pas en face d’une loi. En revanche, quand ils sont regroupés au niveau départemental ou national, ils peuvent poser les problèmes collectivement au niveau où ils doivent l’être, c’est-à-dire au niveau des principes d’application de la loi et d’élaboration de la loi elle-même. C’est ce qu’on a fait en créant la Coordination nationale. Par les relations personnelles des uns et des autres, on est arrivé petit à petit à prendre connaissance de qui s’organisait sur place. Dans la Coordination nationale, on a d’ailleurs des gens extrêmement divers, qui n’ont pas toujours les mêmes positions et qui ne défendent pas forcément les mêmes choses. On a des gens qui arrivent un peu de tous les horizons, mais ils sont tous d’accord pour poser le problème fondamental des principes de cette loi. »

21En se coordonnant au niveau national, la mobilisation change à la fois de forme et d’objet : aux combats isolés de chaque groupe contestataire s’ajoute (ou se substitue selon les cas) un combat commun qui concerne moins les conséquences pratiques du PPRT que son cadrage législatif et réglementaire. Ce déplacement vient principalement de ce que les problèmes qui résultent de la démarche de prévention ne sont plus uniquement appréhendés à travers les situations propres à chaque association. S’extirpant du cadre restreint des conflits localisés, le mouvement contestataire est conduit à rattacher la question du PPRT à de nouveaux enjeux politiques et institutionnels, tandis que la révision de la loi Bachelot de 2003 s’impose comme le but principal à atteindre collectivement. Pour ce faire, de nouveaux arguments sont mis en forme, qui élargissent la base revendicative de la contestation [30]. Au sujet des travaux prescrits par exemple, la critique initiale du principe pollué-payeur s’accompagne progressivement de dénonciations plus élaborées, insistant sur l’état d’insécurité dans lequel les habitants sont maintenus et l’incapacité du PPRT, dans ses principes, à résoudre ce problème. L’argument consiste à envisager les travaux de protection comme un droit accordé aux industriels d’exposer leurs voisins immédiats à des risques importants en faisant porter l’effort de prévention, non pas sur leurs installations (dans une logique de réduction des risques à la source), mais sur les cibles potentielles que sont les habitants (dans une logique de réduction de la vulnérabilité). Or ces mêmes habitants ne croient pas en la capacité des travaux préconisés (filmage des fenêtres, remplacement des huisseries, etc.) à les protéger complètement des accidents pris en compte pour mesurer et figurer les risques qui les concernent. Plusieurs raisons objectives les empêchent d’adhérer à cette idée : le fait que la loi limite ces travaux à 10 % de la valeur vénale des biens à protéger et plafonne leur prise en charge à 20 000 euros par logement [31] ; le fait également que ce mode de protection n’intègre pas la diversité des usages des populations concernées qui lorsqu’elles exercent la profession d’agriculteur ou lorsqu’elles résident dans un pavillon en Provence, sont plus souvent à l’extérieur de leur logement qu’abritées à l’intérieur ; le fait enfin que les protections envisagées ne sont pas prévues pour résister aux effets des accidents les plus dévastateurs que le PPRT ne prend pas en compte, mais qui restent malgré tout dans le domaine du possible (comme l’ont bien montré plusieurs catastrophes récentes [32]).

22Forts de ces objections, les habitants contestataires concluent logiquement que lorsqu’il prescrit des travaux, le PPRT crée l’illusion de la prévention en obligeant les voisins des sites industriels à des dépenses inutiles qui ne les mettront pas en sécurité vis-à-vis de dangers laissés inchangés. Poussant le raisonnement, ils demandent que le PPRT renonce à ce moyen d’action qui fait l’effet « d’un cautère sur une jambe de bois » pour privilégier l’autre voie possible, c’est-à-dire la réduction des risques à la source, considérée comme l’unique moyen de mettre les habitants en sécurité à coup sûr. Plusieurs exemples de PPRT ayant conduit les industriels à suivre cette voie (en déplaçant par exemple des stockages installés trop près des habitations voisines ou en les confinant dans des enceintes de béton) appuient cette revendication collective. Cependant, d’autres exemples montrent que ces actions de réduction des risques à la source ne sont pas systématiques et qu’elles peuvent être empêchées par deux dispositions réglementaires qui, dans certaines conditions, autorisent les industriels à limiter les investissements de sécurité et donc à faire passer les objectifs de rentabilité avant la prévention. Le premier de ces verrous est institué par le droit des installations classées qui subordonne toute démarche de prévention à une double exigence : qu’elle soit techniquement faisable et surtout, économiquement supportable par l’entreprise concernée [33]. Le second verrou est quant à lui inscrit dans la loi de 2003 qui précise que le PPRT ne peut retenir les solutions de réduction des risques à la source qu’à partir du moment où elles contribuent à supprimer des secteurs d’expropriation et de délaissement pour un coût inférieur à leur mise en œuvre. Le projet de révision de la loi soutenu par le mouvement contestataire s’adresse donc à ces deux principes qui, trop souvent au goût des associations de défense, conduisent les acteurs décisionnaires à se détourner des possibilités de réduction des risques à la source pour se contenter des mesures foncières et autres travaux de confortement. Toutes exigent la réécriture de ces deux dispositions afin de rétablir la responsabilité pleine et entière de l’industriel vis-à-vis des dangers qu’il produit [34]. Pour les habitants contestataires, il en va tout simplement de leur reconnaissance en tant que citoyens de plein droit, méritant d’être traités à l’égal des autres parties prenantes, dont les intérêts en termes de sécurité valent autant que ceux du développement économique. Ainsi ce représentant d’un collectif rochelais qui, comme la plupart de ces homologues, vit le PPRT comme une atteinte à sa citoyenneté :

23

« Le problème, c’est que nous les habitants, nous sommes considérés comme des enjeux secondaires. Pourtant, il n’y a pas de PPRT sans la question primordiale des enjeux que sont les habitants. Les riverains, c’est l’enjeu principal des PPRT. Mais dans les faits, l’État et l’industriel nous réduisent à l’état d’enjeux secondaires parce qu’on passe après l’intérêt de l’industriel. Et ça, c’est proprement insupportable ! Donc ce que l’on demande, c’est que l’on tienne compte véritablement de notre présence, innocente, qui n’a rien à voir avec… Ce n’est pas nous qui avons créé le risque, c’est la négligence de l’État qui a permis aux dépôts d’hydrocarbures de s’installer à côté de nos maisons. Tout ça laisse quand même l’idée qu’on est dans un combat du pot de terre contre le pot de fer. On nous réduit à l’état de pot de terre et c’est inacceptable. Nous ne voulons pas être considérés comme pot de terre, nous voulons être considérés à parts égales avec les industriels, les collectivités, etc. »

24Cette image du riverain innocent sacrifié sur l’autel du développement économique par la faute d’une loi mal faite est significative du travail de reformulation des thèmes de la contestation que les associations de défense entreprennent pour gagner l’attention des acteurs décisionnaires et s’imposer dans les discussions sur le contenu des PPRT. Confrontés partout au même déficit de légitimité, les groupes contestataires sont conduits à mettre en scène leur représentativité, à techniciser leurs interventions et à se coordonner à l’échelle nationale pour tenter de monter en généralité du point de vue des intérêts défendus. Mais en cherchant ainsi à se rendre crédibles aux yeux de leurs interlocuteurs, ils redéfinissent l’enjeu de la mobilisation : comme le montre le précédent extrait, une fois le conflit installé, l’objectif n’est plus (ou plus seulement) de défendre les intérêts particuliers de propriétaires soucieux de préserver leur cadre de vie et la valeur de leurs maisons, mais d’inciter l’État à recadrer sa politique de prévention de façon à restaurer les droits fondamentaux d’habitants atteints dans leur citoyenneté. Dans leur lutte pour se débarrasser des assignations en termes de « riverains responsables », les habitants contestataires sont donc amenés à promouvoir une identité concurrente de « citoyens en danger » associée à une conception du PPRT plus respectueuse de leurs attentes en termes de sécurité. Prenant un tour beaucoup plus politique, la contestation cherche alors à se déployer sur tous les fronts où cette conception peut être défendue en vue de décisions plus favorables aux habitants. L’enjeu consiste notamment à faire émerger des « forums dissidents » [35] de la politique de prévention des risques industriels, c’est-à-dire des espaces de débat où le bien-fondé, les attendus et les effets de cette politique peuvent être discutés et, le cas échéant, redéfinis.

L’affrontement de deux conceptions du bien commun

25Dans leur quête de reconnaissance et de légitimation, les habitants contestataires ne font pas que se découvrir une nouvelle identité de « citoyens en danger ». Ils parviennent également à inventorier et hiérarchiser les règles de mise en œuvre du PPRT, à comprendre comment elles se manifestent dans les décisions locales et à isoler celles qui produisent des effets contraires à leurs attentes. L’investigation ne se limite cependant pas à la critique et à la dénonciation de ces règles jugées iniques. Les habitants contestataires cherchent dans le même temps des solutions aux problèmes posés par leur application. Ils conçoivent des alternatives et font des propositions pour rendre la démarche de prévention plus acceptable à leurs yeux. Comme le rappelle un des leaders de la Coordination nationale : « Nous ne sommes pas contre les PPRT, considérant qu’il est normal qu’un État se soucie de la sécurité des riverains des sites à risques. Nous sommes opposés aux modalités d’application des plans, à l’absence de prise en compte des exigences de ces mêmes riverains. » Le but des associations de défense n’est pas de faire obstacle à l’action publique, mais bien de promouvoir de nouvelles règles de fabrication des PPRT qui tiennent davantage compte de la situation particulière des habitants.

26Une fois fixée sur cet objectif, la mobilisation conduit à opposer deux conceptions concurrentes de la prévention des risques industriels. D’un côté, le PPRT instaure un monde où les objectifs de réduction des risques sont subordonnés aux enjeux de préservation de l’appareil de production industriel, au détriment des voisins qui doivent s’accommoder des risques résiduels qui ne sont pas toujours pris en charge par les mesures de prévention [36]. De l’autre, les associations de défense proposent une vision plus égalitaire selon laquelle les industriels s’efforceraient, avec l’aide de la collectivité si besoin [37], de contenir l’intégralité des dangers qu’ils engendrent dans les limites de leurs établissements, afin de préserver le voisinage des conséquences néfastes de leurs activités et de créer les conditions d’une cohabitation harmonieuse avec les populations riveraines. Alors que le sens du PPRT est d’assurer les conditions du développement économique par la prévention (Bonnaud, Martinais, 2008), c’est-à-dire pérenniser les activités industrielles en garantissant la sécurité des populations riveraines (via les mesures de renforcement du bâti notamment), les habitants contestataires invitent finalement les acteurs décisionnaires à reconsidérer cet ordre des finalités (défense des intérêts industriels vs sécurité des populations riveraines) en révélant les « angles morts » de la démarche, c’est-à-dire les effets potentiellement dommageables des mesures de prévention sur les territoires vécus et les personnes les plus directement concernées. Comme leurs homologues « inondables » qui depuis deux décennies contribuent par ce même procédé à redéfinir la politique de prévention des risques naturels (Bayet, 2003), les « citoyens en danger » des territoires industriels poussent les pouvoirs publics à envisager tous les effets possibles de leur action (au-delà des seules questions de sécurité) et, le cas échéant, à en tenir compte pour réorienter leurs décisions ou réviser leurs objectifs. Ces infléchissements s’observent sur les deux fronts de la mobilisation : les situations locales où les PPRT continuent de s’élaborer d’une part, la scène nationale où se décident les évolutions réglementaires jugées utiles à l’exécution du programme PPRT d’autre part.

27Examinons tout d’abord ce qui se joue sur le premier front. Localement, la mobilisation cherche principalement à peser sur les procédures d’élaboration des PPRT pour inciter les industriels et les services de l’État à tendre vers la conception habitante de la prévention, c’est-à-dire privilégier la voie de la réduction des risques à la source en recherchant des solutions techniques à même de faire disparaître les dangers justifiant les mesures foncières et travaux prescrits. Dans la plupart des cas, le travail de légitimation du mouvement contestataire crée des opportunités qui permettent aux associations de faire valoir leurs arguments et pousser à la prise en compte de telles solutions techniques : qu’elles soient ou non admises dans les CLIC et POA, toutes finissent en effet par obtenir l’écoute des autres parties prenantes (notamment du préfet et des services instructeurs) et l’accès aux informations et documents supports des décisions. La pression qu’elles continuent d’exercer par ailleurs en usant de tous les registres d’expression à leur disposition (manifestations, pétitions, interventions dans les médias, etc.) aide également à la prise en considération de leurs demandes et/ou propositions. Beaucoup obtiennent ainsi la mise à l’étude d’options de réduction des risques à la source qui n’avaient pas été envisagées dans un premier temps ou délibérément écartées faute d’entrer a priori dans le cadre de l’économiquement acceptable. Pour une part, ces demandes sont rapidement satisfaites. C’est surtout vrai lorsque les mesures envisagées sont synonymes d’économies substantielles pour les financeurs principaux du PPRT et que l’opération a des chances d’être rentable pour l’industriel [38]. Lorsque le gain financier est plus incertain, les associations de défense doivent en général batailler un peu plus pour faire accepter leurs propositions. À Saint-Pierre-des-Corps par exemple, le collectif des riverains du site Primagaz a dû attendre presque trois ans pour que sa suggestion de délocaliser une partie des activités de l’établissement vers un autre site nettement moins urbanisé soit finalement prise au sérieux et mise à l’étude par l’industriel. De la même façon, l’association RESPIRE de La Rochelle a dû multiplier les interventions pour obtenir l’examen de sa proposition de réorganisation du site de stockage d’hydrocarbures et de recul des cuves les plus proches du quartier d’habitation voisin, considéré comme l’unique moyen de mettre en sécurité les populations riveraines [39].

28La mise à l’étude de telles propositions n’est cependant pas toujours synonyme de victoire pour les associations. Les interventions sur ce registre de la réduction des risques à la source connaissent en effet des fortunes diverses selon les situations. Parfois, elles sont couronnées de succès comme à Gaillon dans l’Eure, où le déplacement d’un stockage de liquide inflammable permet de maintenir la circulation sur deux routes que le PPRT prévoyait de fermer. Parmi la quarantaine de PPRT contestés, on dénombre une dizaine de cas où l’action des habitants contestataires conduit l’exploitant à engager des réorganisations internes ou des relocalisations sur des sites plus propices à son activité, faisant ainsi disparaître tout ou partie des mesures de réduction de la vulnérabilité (expropriations, délaissements ou travaux prescrits) [40]. Dans d’autres cas, les associations de défense n’atteignent que partiellement leur objectif, comme à La Mède où les propositions du Collectif PPRT 13 [41] ne conduisent qu’à une réduction limitée des risques en présence, maintenant plusieurs dizaines d’habitations dans les secteurs d’expropriation et de délaissement. Enfin, il arrive que les habitants, en dépit de propositions sensées, n’obtiennent rien du tout. C’est le cas à La Rochelle où la proposition de recul des cuves n’est finalement pas retenue à cause de son coût nettement supérieur au montant prévisible des mesures foncières [42]. De même, à Tersanne dans la Drôme, la stratégie de réduction des risques à la source promue par l’association de défense bute sur la volonté de l’industriel de ne pas aller au-delà de ses obligations légales, de façon à limiter sa participation financière au strict minimum [43].

29Ces deux derniers exemples montrent qu’en dépit des efforts déployés par les associations de défense et la qualité de leurs contributions, le pouvoir de décision reste malgré tout du côté des industriels et des services de l’État. Toujours dominés sur les aspects techniques et réglementaires, systématiquement limités par les deux verrous de l’économiquement acceptable et du coût estimé des mesures foncières, les habitants contestataires ne luttent pas à armes égales et, dès lors que le contexte ne leur est pas favorable, sont le plus souvent contraints de s’incliner devant le pouvoir de la loi, les objectifs de rentabilité des industriels et les enjeux du développement économique. Une partie des PPRT contestés est ainsi approuvée « contre » la volonté de ses principaux bénéficiaires, justifiant en réaction plusieurs recours en annulation devant le tribunal administratif [44]. La procédure étant coûteuse (plusieurs milliers d’euros de frais d’avocat) et les moyens financiers des associations de défense quasi inexistants (à de rares exceptions près), une partie seulement peut s’engager dans cette voie contentieuse. Pour les autres, le dernier espoir réside alors dans le combat collectif visant la modification de la loi.

30Sur ce deuxième front, les principales actions visent à interpeller le personnel politique et administratif susceptible de contribuer aux modifications réglementaires et législatives défendues par les associations. De très nombreux courriers sont adressés aux députés et sénateurs des circonscriptions concernées, aux présidents des groupes parlementaires et aux différents ministres qui se sont succédé à l’écologie ces dernières années. À deux reprises (octobre 2012 et septembre 2013), des représentants de la Coordination nationale sont reçus au ministère pour exposer leurs demandes et préciser leurs attentes s’agissant de la réécriture de la loi. Dans le même temps, les associations de défense s’efforcent de relayer localement ces revendications collectives auprès des députés et sénateurs de leur secteur, des conseillers généraux et régionaux et des maires. Ce qu’explique ce membre actif de la coordination :

31

« Tout un tas d’initiatives ont été prises, tantôt avant les élections législatives, tantôt pendant, après les élections législatives, avant les élections présidentielles, pendant et après. Je pourrais vous montrer le nombre de dossiers qu’on a pu adresser à l’ensemble des députés et sénateurs. On s’est également adressé aux candidats des élections municipales, puis aux élus, pour les alerter sur les difficultés rencontrées par les riverains et l’injustice qu’est pour eux cette loi Bachelot. Il faut malheureusement reconnaître que le problème du risque technologique n’a pas toujours une grande écoute tant au niveau des parlementaires qu’au niveau d’un certain nombre d’élus. Mais on a quand même persévéré. Chacun faisant un petit peu le même boulot au niveau de son secteur. »

32Alors que les parlementaires restent dans l’ensemble difficiles à intéresser, les élus des collectivités locales, notamment les maires et présidents d’intercommunalité [45], se montrent en revanche plus attentifs à la situation de leurs administrés « victimes » des PPRT. Même s’ils ne partagent pas toujours les mêmes façons de voir, élus locaux et associations de défense peuvent malgré tout s’allier pour défendre les intérêts du territoire dans le face-à-face avec l’État garant de la loi. Comme les habitants, les édiles se préoccupent en effet des conséquences potentiellement dommageables du PPRT sur les finances locales, le développement urbain ou l’attractivité de leurs communes. Certains, qui résident dans le voisinage des sites industriels, se reconnaissent également dans l’identité de « citoyen en danger » promue par les associations de défense et partagent de fait un certain nombre de leurs revendications, notamment celles concernant le financement des travaux prescrits. Sensibles aux arguments développés par le mouvement contestataire, mais plus sûrement concurrencés dans leur monopole de représentation des intérêts locaux, de nombreux maires se font alors les relais et porte-parole des associations de défense auprès des services de l’État, préfectures et ministères. Pour aider à la prise en compte des problèmes rencontrés par les riverains, une partie de ces élus adhère également à l’association Amaris qui, depuis la fin des années 2000, porte les intérêts des collectivités locales auprès des autorités ministérielles chargées de la prévention des risques industriels [46].

33Suivant le canal de cette association d’élus, une partie des revendications des habitants accède ainsi à l’instance nationale de suivi mise en place par les services du ministère de l’Écologie pour accompagner l’exécution du programme PPRT [47]. C’est le cas notamment des demandes de modification des règles de financement des travaux prescrits, qui conduisent cette instance à défendre plusieurs années de suite des projets rectificatifs à la loi de finances, jusqu’à obtenir une prise en charge de 90 % du montant de ces travaux plafonné à 20 000 euros (contre 15 % avec un plafonnement à 10 000 euros au départ) [48]. Sur ce point précis, les habitants contestataires obtiennent donc à peu près satisfaction : presque entièrement déchargés du coût de la mesure, ils continuent toutefois de s’opposer au principe du plafonnement qui revient, selon eux, à considérer que « la vie du riverain ne vaut pas plus de 20 000 euros ». Ils déplorent également le soutien sélectif des élus locaux et leur propension à réduire la mobilisation à cette seule question financière en restant sourds à leurs autres revendications, notamment celles qui concernent la réduction des risques à la source. Ainsi, ce membre actif de la Coordination nationale qui souligne à juste titre la difficulté des représentants des collectivités locales à s’engager totalement du côté des habitants pour jouer contre les intérêts industriels et les enjeux du développement local :

34

« En général, dans les lieux où il y a des PPRT, les élus soutiennent les riverains. Mais les maires, ils ne peuvent pas affronter directement l’industriel comme nous. En général, ils sont absolument d’accord pour dire que le riverain ne doit rien payer, qu’il ne doit pas débourser un euro. Ça tout le monde est d’accord. Mais le danger de l’industriel, il est toujours là. Et là ce n’est pas partagé. Ce n’est pas partagé parce que ça voudrait dire qu’ils s’affrontent avec l’industriel. Et l’industriel est quand même une ressource. Ils peuvent avancer jusqu’à un certain point, mais pas plus quoi. Il ne faut pas en attendre beaucoup plus. »

35Se renforçant dans le cours du conflit, ce désaccord sur l’objet même de la contestation est à l’origine d’inévitables tensions entre les associations et la plupart de leurs soutiens politiques. Nombreuses sont celles qui prennent alors leurs distances avec des municipalités jugées « trop frileuses », « peu solidaires » ou « dépourvues de sens politique ». En retour, le soutien des élus locaux perd de sa consistance, notamment pour ceux qui considèrent avoir répondu aux attentes en aidant à régler le problème du financement des travaux. Au final, seuls quelques édiles restent mobilisés aux côtés des associations de défense, notamment la sénatrice-maire de Saint-Pierre-des-Corps et le député-maire de Martigues, tous deux communistes, qui acceptent avec quelques membres de leurs groupes parlementaires de mettre en forme une proposition de résolution parlementaire destinée à faire débattre le Sénat et l’Assemblée nationale des revendications des habitants. Préparée avec quelques membres de la Coordination nationale et déposée sur le bureau des deux assemblées courant 2013, cette demande consiste en un moratoire d’un an sur la mise en œuvre des PPRT et la création d’une commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner dans ce délai les possibilités de révision de la loi de 2003 [49]. Pour l’occasion, un long argumentaire est envoyé à tous les parlementaires, exposant point par point les propositions soutenues par les associations. Certains sont même directement approchés, mais sans grand succès. Ce qu’explique ce représentant du collectif PPRT 13 :

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« Le dépôt de la proposition de résolution parlementaire, c’est l’idée d’atteindre le niveau où la modification de la loi peut vraiment se décider. Bon pour l’instant, le drame, c’est que l’UMP et l’UDI sont aux abonnés absents et que les députés socialistes qui connaissent un peu ces questions sont sur les positions d’Amaris. Amaris, c’est l’association des maires Seveso : on est donc sur des positions d’élus, que je qualifierais d’emplâtres sur une jambe de bois. C’est-à-dire : “On va vous aider à payer”, point barre. Ils ne sont pas sur le fond du problème. Après, il y a les députés et sénateurs Front de Gauche qui portent la démarche. Donc eux, ils soutiennent forcément. Les députés écologistes contactés ont fait des réponses complètement évasives, donc on ne sait pas où ils en sont. Ceux qui sont le plus loin disent : “De toute façon, les industries c’est dangereux, il faut aller vers la décroissance”. Enfin bon, je passe… Ici la vie de la région c’est l’industrie lourde et notamment la pétrochimie, vous dites décroissance, on voit tout de suite moins d’emplois, faut pas rêver. »

37Massivement rejetée lors de son examen au Sénat fin 2014 [50], cette proposition de résolution marque toutefois une étape importante de la mobilisation, à savoir la reconnaissance de ses propositions par la représentation nationale. Convaincus depuis longtemps du bien-fondé de leur combat, les habitants contestataires ont désormais l’assurance que leur vision du bien commun peut être portée politiquement et débattue dans les plus hautes sphères de l’État. Certes, l’objectif de révision de la loi reste pour le moment hors d’atteinte parce qu’il est loin de faire l’unanimité au plan politique. De même, les associations n’ont pas encore réussi à créer les conditions d’un compromis entre leur conception de la prévention et celle portée par l’État et ses partenaires (industriels et élus des collectivités locales). Mais elles peuvent malgré tout se satisfaire d’avoir déjà contribué à réorienter certains principes de cette politique publique, dans sa définition comme dans sa mise en œuvre, d’avoir révélé aux pouvoirs publics des dimensions de l’intérêt général négligées par la démarche PPRT, d’avoir soulevé la question de son efficacité sur le long terme et enfin, d’avoir enrichi les débats sur la manière de mieux articuler la prise en compte des enjeux de préservation des sites de production industrielle avec les attentes citoyennes en termes de sécurité d’une part, de participation d’autre part.

Conclusion

38Si la fin de l’histoire reste à écrire, les premiers épisodes de cette mobilisation habitante invitent toutefois à ne pas considérer conflit et participation comme deux dimensions séparées de l’action publique (Blondiaux, 2008). Comme l’ont déjà montré certains travaux (Melé, 2013), le conflit apparaît ici comme une forme de participation à part entière, plus ou moins autonome des dispositifs institutionnalisés (notamment les CLIC et POA), qui permet de faire reconnaître un point de vue légitime et le cas échéant, d’orienter la décision publique. Pour les habitants contestataires, la lutte contre les PPRT n’est pas la manifestation d’une opposition frontale à la prévention des risques industriels. Elle n’est pas non plus l’expression de revendications égoïstes ou d’attentes irrationnelles, encore moins d’un rejet de l’industrie (ce dont ils sont pourtant régulièrement accusés). Elle est tout simplement le seul moyen de satisfaire à la fois leurs attentes en termes de participation et leurs désirs de contribuer, au même titre que les autres parties prenantes, à la définition de l’intérêt général.

39Comme souvent dans les conflits d’environnement et d’aménagement (Jobert, 1998), les habitants contestataires de la politique de prévention des risques industriels dépassent très vite le stade de la défense de leurs intérêts strictement personnels pour investir le champ politique et mettre en question les choix d’organisation de la vie collective qui s’imposent aux territoires industriels. Même s’ils continuent d’être intéressés par les effets concrets du PPRT sur leurs biens et leurs cadres de vie, tous aspirent en même temps à un monde plus égalitaire dans lequel les industriels ne mettraient pas en péril la vie de leurs voisins en ayant le choix de ne pas totalement sécuriser leurs installations alors que, dans le même temps, ils font des profits importants, voire considérables. Mais à partir du moment où ces ambitions démocratiques ne trouvent pas à s’exprimer dans les dispositifs de participation pourtant prévus à cet effet (les CLIC et POA, mais aussi l’enquête publique qui clôt la procédure PPRT et qui est unanimement vécue comme une mascarade par les associations de défense), la contestation reste la seule issue possible pour s’imposer dans les discussions auxquelles les habitants ne sont pas conviés, forcer les portes des lieux où se prennent les décisions, contraindre les acteurs dominants à reconnaître et entendre leurs revendications, dans l’espoir de peser un tant soit peu sur les choix qui les concernent individuellement et collectivement.

40Alors que certains pourraient considérer ces contestations comme un dysfonctionnement de l’action publique, nous soutenons qu’elles constituent au contraire une modalité de sa mise en œuvre, un moyen pour les individus mobilisés de s’instituer comme interlocuteurs, de conquérir l’espace politique (Melé, 2004), de vérifier leur qualité de citoyen et l’égalité qu’elle proclame (Fourniau, 2007). Ainsi considéré, le conflit élargit considérablement le registre de la participation, qui ne se rapporte donc plus seulement aux institutions de la démocratie participative, mais comme le suggère Camille Goirand (2013), à des combinaisons d’actions, dont les modalités peuvent aller de la contestation à la négociation voire à la coopération avec les autorités, éventuellement dans des assemblées, mais également dans d’autres arènes. Cet élargissement du champ de la participation invite en retour à considérer ce qu’elle peut avoir d’exigeant pour des associations d’habitants qui, avec très peu de moyens (financiers, matériels, humains), dépensent une énergie considérable pour couvrir en même temps tous ces registres d’action. Mais sans doute est-ce là le prix à payer aujourd’hui pour participer au débat démocratique dans le domaine de la prévention des risques industriels ?

Notes

  • [1]
    Depuis 2012, les CLIC sont devenus les commissions de suivi des sites (CSS). Par commodité, nous privilégierons l’emploi du terme CLIC tout au long de l’article.
  • [2]
    Si la réglementation recommande « d’organiser au minimum deux ou trois réunions publiques » pendant la procédure d’élaboration, un comptage systématique réalisé sur l’ensemble des plans approuvés en 2013 (soit environ 230) montre qu’en moyenne un seul rendez-vous avec le public est organisé, le plus souvent en toute fin de procédure (Dussouillez, 2013). Ce défaut d’information des populations locales s’explique de plusieurs manières : manque de disponibilité des services instructeurs qui sont accaparés par les aspects plus techniques de la procédure, absence de savoir-faire des agents administratifs et méconnaissance des publics à qui ils destinent les mesures de prévention, crainte de susciter des inquiétudes injustifiées ou des réactions incontrôlables susceptibles d’ajouter des complications à une procédure qui en compte déjà beaucoup, compte tenu de la multiplicité des parties associées et des intérêts en présence.
  • [3]
    Selon que ces travaux sont prescrits ou recommandés, la règle de financement diverge. Dans le premier cas, les habitants bénéficient d’une aide (aujourd’hui 90 % de la facture plafonnée à 20 000 euros par logement). Dans le second cas, ils financent la totalité sans aucune aide.
  • [4]
    Ce que montre l’écart entre le nombre de PPRT prescrivant ou recommandant des travaux de protection, soit environ deux tiers des quatre cents et quelques qui sont aujourd’hui approuvés ou en passe de l’être, et la quarantaine effectivement contestée par des riverains fédérés en associations de défense.
  • [5]
    Ce qu’illustrent les noms donnés à certaines associations, tels le collectif pour l’environnement des riverains Élysiques (COL.E.R.E. Narbonne) ou le mouvement d’aide aux riverains sur les risques pour l’environnement (M.A.R.R.E 56).
  • [6]
    Cet extrait de la réunion publique du 7 février 2013 peut s’écouter sur le site Internet de l’association des riverains du stockage de gaz de Tersanne à l’adresse : http://riverainsgaztersanne.free.fr/download.php?lng=fr (consulté la 1er décembre 2014).
  • [7]
    Tous les PPRT contestés ne sont pas associés à des contextes urbains. On observe même une grande diversité de situations, du stockage de gaz implanté en rase campagne dont le voisinage n’est constitué que de quelques fermes à l’immense plateforme industrielle installée en bordure de la ville, comme au Havre ou sur le pourtour de l’étang de Berre.
  • [8]
    Pour illustrer cette diversité, il suffit de considérer les professions de la vingtaine de représentants rencontrés au cours de l’enquête : agent municipal, fonctionnaire des impôts, artiste, agriculteur, informaticienne, aide-soignant hospitalier, intermittent du spectacle, enseignants du secondaire, conducteur d’appareil de la chimie, employés de l’armement, instituteur.
  • [9]
    Dans ce premier ensemble, on distingue deux cas particuliers : une association du Havre qui se crée non pas à l’initiative des habitants du quartier qu’elle représente mais du maire de la commune ; une association de Sisteron, formée non pas de riverains habitants, mais de riverains commerçants.
  • [10]
    Dans ce deuxième ensemble, quatre associations cumulent ces actions de défense avec une activité d’animation du quartier, comme les Amis de Kergrenne de Quéven dans le Morbihan (56) et le comité du quartier des Neiges du Havre en Seine-Maritime (76) qui gère aussi une banque alimentaire pour les familles les plus défavorisées.
  • [11]
    Les réunions des personnes et organismes associés (POA), qui scandent la procédure d’élaboration du PPRT, sont la traduction concrète du principe d’association mentionné en introduction. Mobilisant les principaux protagonistes (État, industriels, collectivités locales), ces réunions visent à favoriser la concertation et la confrontation des points de vue en vue de décisions mieux partagées.
  • [12]
    Intervenant pour la plupart à l’échelon communal, ces associations de défense de l’environnement sont majoritairement composées d’habitants des secteurs visés par les PPRT. Même si elles sont moins directement concernées, elles ont malgré tout tendance à se comporter comme les associations de défense et à les suivre dans leurs revendications.
  • [13]
    Même les plus aguerris d’entre eux, parmi les associations environnementales et les associations « déjà-là » en partie formées à la lutte contre les pollutions et les risques, sont contraints à cette exploration préalable dans la mesure où le PPRT procède d’un ensemble d’opérations techniques qui n’existaient pas auparavant (définition des aléas, caractérisation des enjeux, diagnostics de vulnérabilité, etc.) et que les méthodes employées pour produire ces données (analyses probabilistes) ne sont pas d’un accès facile, loin de là.
  • [14]
    Comme indiqué en introduction, les documents relatifs à l’élaboration des PPRT (rapports administratifs, cartographies, comptes rendus des POA et des réunions publiques, etc.) sont à la disposition du public sur des sites ou des pages Internet dédiés.
  • [15]
    Plusieurs de ces ressources Internet sont très bien documentées, comme la page Facebook « PPRT et riverains » créée par des habitants du pourtour de l’étang de Berre. Certains proposent également des billets didactiques et des conseils pratiques pour aider les habitants à y voir un peu plus clair dans cette procédure très compliquée. Pour un bon exemple, voir le blog de l’association SOS Calix de Caen à l’adresse : http://soscalix.eklablog.com.
  • [16]
    C’est précisément dans ces termes que la loi du 30 juillet 2003 instaurant le PPRT désigne les secteurs visés par les mesures d’expropriation et de délaissement.
  • [17]
    Depuis toujours, la communication des industriels et des services de l’État en matière de risques industriels se veut rassurante, minimisant (parfois jusqu’à l’excès) les potentialités accidentelles des installations concernées (Goepfert et al., 2012).
  • [18]
    Billet mis en ligne le 23 avril 2012 : http://soscalix.eklablog.com/recent/26 (consulté le 5 décembre 2014).
  • [19]
    Si le CLIC est d’emblée perçu comme un lieu stratégique par les associations de défense, son rôle est en fait purement consultatif. Contrairement aux POA, il n’a pas vocation à prendre part à l’élaboration du PPRT, il doit seulement produire un avis sur son contenu en fin de procédure, juste avant l’enquête publique.
  • [20]
    Les directions départementales des territoires (DDT), issues des fusions en 2010 des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture (DDE et DDA), sont aux côtés des DREAL les services co-instructeurs des PPRT. Elles sont plus particulièrement chargées de qualifier les enjeux, de conduire les diagnostics de vulnérabilité, de réaliser les estimations financières des mesures foncières et des travaux de protection et enfin, d’écrire les règlements des plans.
  • [21]
    Au total, un tiers des collectifs recensés n’intègre pas les réunions de POA au prétexte que la réglementation, contrairement aux industriels et collectivités locales, ne les désigne pas explicitement comme des personnes et organismes associés.
  • [22]
    On pense à l’association M.A.R.R.E 56 de Lanester qui, après plusieurs refus, a finalement obtenu le droit de faire partie du CLIC en investissant de force la salle dans laquelle il était réuni.
  • [23]
    D’autres expériences du même type sont évoquées par les habitants contestataires interrogés : refus de transmission d’information ou de documents publics, demandes de rendez-vous non satisfaites, courriers restant sans réponse, etc.
  • [24]
    De fait, les associations recensées font preuve de capacités de mobilisation importantes. Avec un nombre moyen d’adhérents qui se situe autour de 150 (mais qui peut aller jusqu’à 400), elles représentent systématiquement la majorité des habitants concernés par les PPRT.
  • [25]
    L’étude de dangers est un document technique qui décrit et quantifie les effets des accidents (explosions, incendies, émanations de gaz toxiques, etc.) que les installations à risques peuvent faire subir à leur environnement urbain. Principale source d’information sur les risques en présence, elle participe à l’essentiel des décisions en matière de prévention : autorisation et contrôle des établissements à risques, information du public, planification des secours, maîtrise de l’urbanisation dans le cadre du PPRT (Martinais, 2011).
  • [26]
    Selon les contextes, il peut s’agir d’un voisin professeur de SVT, d’un adhérent chercheur au CNRS ou d’un ami ingénieur en mécanique. Les anciens salariés, qui connaissent bien le fonctionnement des installations, sont également fréquemment mobilisés pour cette exploration des fondements techniques des PPRT.
  • [27]
    Ces justifications figurent notamment dans les dossiers, les rapports ou les supports de présentation mis en ligne sur les sites Internet dédiés aux PPRT.
  • [28]
    Officialisée courant 2011, l’existence de la Coordination nationale repose sur quelques membres actifs du réseau, dont une « vigie » qui capte sur Internet toutes les informations utiles à la mobilisation, un « animateur » qui s’occupe de diffuser ces informations et quelques « rédacteurs » occasionnels chargés des contributions écrites. La Coordination nationale existe également à travers les rencontres régulières de ses membres (une à deux par an), l’organisation d’actions collectives et la création d’un site Internet : https://coordinationseveso.wordpress.com.
  • [29]
    Ce collectif, créé en avril 2010, regroupe aujourd’hui la quinzaine d’associations mobilisée contre les PPRT du pourtour de l’étang de Berre (Osadtchy, 2014).
  • [30]
    Cette base revendicative est détaillée sur le site de la Coordination nationale, à l’adresse : https://coordinationseveso.wordpress.com/a-propos-de-la-coordination.
  • [31]
    Que faire en effet quand les risques en présence imposent des travaux dont le coût dépasse largement ces deux limites (ce qui est souvent le cas) ? Faut-il y renoncer ? Ou accepter de se protéger à moitié ? Mais dans ce cas, quelle moitié privilégier et comment être sûr d’avoir choisi la bonne ?
  • [32]
    Outre l’explosion de l’usine AZF de Toulouse de 2001, les habitants citent fréquemment les accidents de Buncefield en Angleterre (2005) et de Lac-Magentic au Canada (2013).
  • [33]
    Cette limite n’est pas fixée a priori, elle résulte d’un accord entre l’industriel et l’autorité de contrôle en partie fondé sur la situation financière de l’entreprise et ses capacités d’investissement.
  • [34]
    Régulièrement accusées de vouloir la fermeture des usines à l’origine des PPRT en les poussant à des dépenses inconsidérées, les associations de défense objectent que les coûts des mesures de réduction des risques à la source susceptibles de mettre à coup sûr les voisins hors de danger représentent en général un infime pourcentage des bénéfices réalisés par les entreprises gestionnaires de ces établissements.
  • [35]
    Cette notion de « forum dissident » a été forgée par Jacques Lolive pour décrire les mobilisations associatives contre la construction du TGV Méditerranée (Lolive, 1997).
  • [36]
    Cette orientation industrialiste de la prévention des risques industriels a été mise en évidence par de nombreux travaux, notamment d’historiens (Le Roux, 2011).
  • [37]
    S’inspirant du rapport de la commission d’enquête parlementaire constituée après AZF (Loos, Le Déaut, 2002), les associations de défense proposent notamment la création d’un fonds de prévention des risques technologiques, alimenté conjointement par l’État et les industriels, pour aider les exploitants à financer les mesures de réduction des risques à la source une fois dépassée la limite de l’économiquement acceptable.
  • [38]
    À Marseille Saint-Menet par exemple, les mesures étudiées sous la pression des habitants s’élèvent à 1,25 million d’euros pour une économie attendue de 2,5 millions d’euros sur les mesures foncières et 1,4 million d’euros sur les travaux de protection, soit un gain de près de 1 million d’euros pour l’industriel.
  • [39]
    Ce combat de longue haleine est parfaitement décrit sur le blog de l’association à l’adresse : http://association-respire-la-rochelle.org.
  • [40]
    Le plus souvent, ces « victoires » habitantes concernent des dépôts de gaz ou d’hydrocarbures qui sont plus faciles à reconfigurer ou déplacer que les usines chimiques et les raffineries, du fait d’une infrastructure plus légère, d’un personnel nettement moins nombreux et d’un ancrage territorial plus faible.
  • [41]
    Dans cette procédure, les associations de défense ont obtenu la réouverture des études de dangers et contraint TOTAL à étudier la mise sous talus de ses sphères de GPL, un changement de procédé de son unité d’alkylation, une nouvelle répartition de ses productions dans ses cuves et une éventuelle diminution de ses stockages de gaz.
  • [42]
    Dans ce cas, l’industriel est autorisé à rejeter la mesure en s’abritant derrière la disposition législative décrite précédemment comme le second verrou contribuant à limiter les actions de réduction des risques à la source dans le cadre du PPRT.
  • [43]
    Pour plus de détails, voir le blog de l’association (http://riverainsgaztersanne.blogspot.fr) et les comptes rendus des réunions de POA disponibles sur le site www.pprtrhonealpes.com.
  • [44]
    Sur la quarantaine de PPRT contestés, on compte pour le moment sept recours dont deux, à Redon en Ille-et-Vilaine et Céré-la-Ronde en Indre-et-Loire, se sont soldés par l’annulation de la procédure (les autres attendent encore leur jugement).
  • [45]
    Les intercommunalités sont fortement intéressées par les PPRT dans la mesure où elles doivent participer à leur financement aux côtés des industriels et de l’État.
  • [46]
    L’association Amaris est le principal outil de lobbying des collectivités locales intervenant dans le champ du PPRT. Elle compte aujourd’hui une centaine d’adhérents, dont une part importante des communes confrontées aux contestations habitantes.
  • [47]
    Cette instance, qui associe également des représentants des fédérations patronales de la chimie et pétrole (UIC et UFIP) et de France Nature Environnement (FNE), aide concrètement à la résolution de tous les problèmes rencontrés par les acteurs de terrain chargés de la mise en œuvre de la loi de 2003. Depuis sa constitution en 2008, elle est à l’origine de nombreux ajouts ou modifications au corpus de règles régissant la fabrication locale des PPRT (Martinais, 2014).
  • [48]
    Modifiée par touches successives depuis 2009, la règle de financement des travaux prescrits prévoit désormais un partage des coûts entre l’État (via un crédit d’impôt couvrant 40 % de la dépense), les industriels et les collectivités (qui complètent à hauteur de 50 %) et les habitants qui gardent la charge des 10 % restants.
  • [49]
    Le texte de cette proposition de résolution, enregistrée les 12 septembre et 18 octobre 2013, est disponible sur les sites du Sénat et de l’Assemblée nationale.
  • [50]
    Le compte rendu de cette séance du 11 décembre 2014 et les résultats du vote (309 contre et 18 pour) sont consultables en ligne sur www.senat.fr
Français

Cet article s’intéresse aux contestations riveraines qui, depuis le tournant des années 2010, visent la politique de prévention des risques industriels. Il porte plus précisément sur la mobilisation d’une cinquantaine d’associations d’habitants en colère qui s’opposent à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) instaurés par la loi du 30 juillet 2003 suite à la catastrophe d’AZF de Toulouse (2001). L’immersion au cœur de ce vaste mouvement contestataire est l’occasion d’une analyse des relations entre conflit et participation qui conduit à considérer le premier comme une modalité spécifique de la seconde.

Mots-clés

  • prévention des risques industriels
  • PPRT
  • contestations riveraines
  • conflits locaux
  • participation citoyenne

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Emmanuel Martinais
Emmanuel Martinais est géographe. Ses travaux portent sur les suites de la catastrophe d’AZF de 2001, la réforme législative et réglementaire que cet événement a suscitée et les effets produits sur la politique de prévention des risques industriels. Dans ce cadre, il s’intéresse tout particulièrement à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), ainsi qu’au fonctionnement des comités locaux d’information et de concertation (CLIC). Sur le sujet, il a récemment publié : « Les collectivités locales à l’épreuve du PPRT : une redéfinition du rôle pour des décisions plus concertées », Les Cahiers de la sécurité industrielle, 9, 2014 ; « Écrire la loi. Un travail de bureau pour hauts fonctionnaires du ministère de l’Écologie » (avec Laure Bonnaud), Sociologie du travail, 55 (4), 2013, p. 475-494.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/01/2016
https://doi.org/10.3917/parti.013.0089
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