CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le 04 novembre 2008, Barack Obama, 47 ans, est élu 44e président des États-Unis d’Amérique avec 52,5 % des suffrages contre 46,2 % pour son rival républicain John McCain (64 908 616 voix et 364 grands électeurs contre 57 083 294 voix et 162 grands électeurs). Il est le premier président noir de l’histoire des États-Unis. Officiellement investi le 20 janvier 2009, devant plus de deux millions de personnes venues participer à Washington à ce jour historique, Barak Obama commence sa présidence dans un contexte de guerre américaine en Irak et en Afghanistan, de conflit israélo-palestinien tendu et de grave crise financière et économique mondiale.

2Or, c’est de celui qui fut le candidat improbable que le monde attend le salut. Certes les républicains partaient avec le lourd handicap d’être du parti d’un président tombé à moins de 30 % dans les sondages. Mais du côté démocrate, Hillary Clinton semblait si inévitable qu’elle en paraissait imbattable. Les Américains auraient-ils vu en lui l’homme providentiel ?

3Le mot renvoie à « celui ou celle qui arrive à point nommé pour sauver une situation ou qui constitue une chance, un recours exceptionnel ». Parallèlement, c’est celui qui apparaît grâce à la providence, qu’elle soit voulue ou provoquée. Il y aurait donc des éléments voulus et organisés, un dessein supérieur mais aussi le rôle du hasard : être là au bon moment. Et à cet égard, Axelrod, son conseiller, a bien poussé Obama à ne pas attendre et à se présenter malgré la candidature d’Hillary Clinton. Car il ne fallait pas laisser passer une chance unique. Décision politique opportuniste ou intervention de la providence ?

4Les mythes auxquels Obama se rattache sont multiples et variés mais les plus importants sont le rêve américain, dont il est l’une des incarnations multiples, les valeurs fondamentales et les droits inaliénables (égalité, liberté et « poursuite du bonheur ») de la déclaration d’Indépendance.

5Sans reprendre vraiment la typologie de l’homme providentiel élaborée par Raoul Girardet [1], il apparaît qu’Obama ne relève pas du modèle Cincinnatus, vieil homme illustre et sage rappelé à la tête d’un peuple dans le malheur, ni du modèle Alexandre, conquérant fougueux et hardi même s’il est vrai qu’il « s’empare des foules qu’il subjugue », comme le jeune Bonaparte… Peut-être alors est-il un mélange de Moïse et de Solon, « l’homme d’État, le refondateur qui rompt avec le passé » et qui, pour cela, doit amener le Congrès à légiférer sur une multitude de questions de politique intérieure (système de santé, énergies nouvelles, lutte contre le réchauffement climatique, régulation économique et financière) et de politique étrangère. Il serait aussi Moïse, prophète dont le destin individuel s’identifie au destin collectif de la nation. Il est vrai que les références religieuses abondent et qu’Obama a été qualifié non seulement de Moise et d’« élu de Dieu » (The One) durant la campagne, même si ce fut de façon critique et caricaturale par les républicains exaspérés par l’adulation et l’enthousiasme qu’il suscitait ; républicains qui l’ont aussi accusé, afin de le décrédibiliser, d’être une célébrité, comme Britney Spears. Il serait alors celui qui guide le peuple et annonce des temps nouveaux. C’est ce que fait Obama qui, dans ses discours aux accents de prédicateur, appelle maintes et maintes fois à l’espoir, au changement et à la foi dans ce changement qui peut être le fait des Américains tous unis par ce qui les rapproche : « nous ne sommes ni blancs, ni noirs, ni riches ni pauvres… nous sommes tous américains ».

6On a beaucoup comparé Obama à plusieurs présidents qui ont pour caractéristique commune d’avoir été tous de grands communicants et lui-même a beaucoup encouragé ces comparaisons. Franklin Delano Roosevelt, confronté à la crise de 1929 et convainquant le Congrès d’adopter les lois du New Deal, s’était appuyé sur l’opinion publique par le truchement des désormais célèbres « conversations au coin du feu ». C’est Roosevelt qui a dit : « il ne faut rien craindre si ce n’est la crainte elle-même » et Obama a souvent adopté la même attitude, prônant l’action et redonnant confiance aux Américains, sans leur cacher néanmoins la gravité de la situation et que la crise serait durable. Obama a également été comparé à John F. Kennedy, élu lui aussi malgré sa jeunesse, sa religion (à l’époque aucun président catholique n’avait été élu et l’opposition était forte à un éventuel « papiste »). Obama a eu à résoudre un problème un peu différent puisque la droite a manié l’amalgame et laissé entendre qu’il était musulman [2] ; mais il a emprunté à Kennedy son slogan : « ne demandez pas ce que l’Amérique peut faire pour vous mais demandez ce que vous pouvez faire pour l’Amérique ». Plus paradoxal en apparence, Obama a souvent été comparé au républicain Reagan, chantre du moins d’État et du moins d’impôts ; mais Reagan est aussi le président qui a su rendre confiance aux Américains [3] et augmenter les impôts quand ce fut nécessaire.

7Parmi ces références multiples et omniprésentes, il est un président qu’Obama a voulu à ses côtés en ce 20 janvier 2009, jour de son investiture : c’est bien sûr Lincoln [4] qui gagna la guerre de Sécession, que les Américains appellent « guerre civile ». Lincoln est à l’origine des trois amendements adoptés après la guerre : le XIIIe amendement qui abolit l’esclavage, le XIVe amendement qui contient les deux garanties fondamentales que sont l’égale protection de la loi et la clause de due process et bien sûr du XVe amendement qui interdit toute discrimination en matière de droit de vote. Et c’est sur la bible de Lincoln que le nouveau président prête serment le 20 janvier 2009 [5]. Obama a au moins deux points communs avec lui : un fort sens de l’empathie (qui avait permis à Lincoln de stigmatiser l’esclavage sans porter de jugement définitif sur les esclavagistes) et une foi inébranlable dans le pouvoir de la raison. Obama comprend aussi rapidement le pouvoir transformateur des mots, utilisant des phrases métaphoriques pour susciter une émotion ou restituer le ressenti de ceux qui l’écoutent. Les linguistes expliquent que cette maîtrise non directive des mots permet au public de se projeter intimement dans le discours sans être interpellé de façon trop directe. Obama a aussi la faculté, parfois critiquée, de manier l’ambiguïté, pas nécessairement pour éviter de répondre à une question – sur l’avortement par exemple – mais aussi parce que les questions et les problèmes posés ne sont jamais simples. Lorsque l’on compare Obama et Lincoln, le premier encourageant cette comparaison, il est bon de dépasser la question de la perception comme homme providentiel et se demander si l’un ou l’autre se voyait ainsi. Question impossible à trancher même si nous disposons de quelques éléments de réponse.
Lincoln était un déiste et dans son message au Congrès du 1er décembre 1862, un mois avant de signer la déclaration d’émancipation, il affirme sa conviction que les États-Unis sont le « meilleur espoir sur terre » [6] ; or c’est une expression qu’Obama a reprise en omettant la seconde partie de la phrase. La vision qu’avait Lincoln de la providence et de Dieu a évolué à cause du contexte de guerre ; il s’interroge sur sa double responsabilité d’homme au service de la volonté divine dans un écrit non destiné à être publié mais dont on trouve les échos dans son deuxième discours d’investiture « chaque partie affirme agir en conformité avec la volonté divine… L’une doit se tromper. Dieu ne peut être pour et contre la même chose au même moment. » [7] Et Lincoln se demande si finalement Dieu ne veut pas ce conflit car Il aurait pu sauver ou détruire l’Union sans aucun combat humain. Aussi ni l’un ni l’autre ne sont-ils interventionnistes même s’ils se déclarent prêts à agir pour protéger le peuple contre invasions ou violations flagrantes des droits fondamentaux.
Obama a pu et su aussi se situer dans la continuité du révérend Martin Luther King dont le 48e anniversaire du discours « I have a dream » tombait à point nommé le jour où Obama acceptait l’investiture du parti démocrate à Denver dans un stade rempli de 80 000 partisans enthousiastes.
Devant un tel mouvement il faut se demander pourquoi cet engouement, pourquoi cette élection. Comme souvent la raison est double. L’état de l’Amérique et du monde demandait un Sauveur et Obama lui-même par son histoire si atypique, son charisme et sa couleur a pu tout à fait incarner ce Sauveur qui saurait faire accepter aux Américains (et aux Israéliens, Africains, musulmans…) ce qu’aucun autre homme ou femme politique ne pourrait ou n’aurait pu leur faire accepter. Wall Street ne s’y est pas trompé, lequel a exprimé son soutien au candidat Obama, pourtant opposé à un jeu totalement libre du marché. Dans les dernières semaines, le candidat obtint non seulement de considérables contributions financières à sa campagne (un million de dollars du seul Goldman Sachs [8]) mais un éditorial de soutien en première page du Wall Street Journal. Le contexte est propice et les attentes énormes : il ne s’agit de rien moins que de sauver l’Amérique et la planète, mission finalement pas si éloignée de l’exceptionnalisme et du messianisme américains – or Obama a la grande chance de pouvoir attirer le vote religieux tout en représentant la diversité et le multiculturalisme du peuple américain, tout en jouissant d’un charisme indéniable et de la maîtrise parfaite des outils d’information et de communication.

L’état du monde et des États-Unis

8Lorsque les primaires démocrates et républicaines commencent en janvier 2008, le président Bush est au pouvoir depuis sept ans et de plus en plus d’Américains et le monde entier comptent les jours jusqu’au 20 janvier 2009, qui marquera la date de l’entrée en fonction de celui ou celle qui lui succédera. Revenons sur la politique suivie par l’administration Bush à l’intérieur comme à l’extérieur pour bien saisir l’ampleur de la catastrophe (tant financière qu’en terme d’image) et, par conséquence, des attentes que le candidat Obama finit par incarner. À l’intérieur, le président Clinton a quitté le pouvoir en laissant une présidence affaiblie par la procédure de destitution dont il a fait l’objet mais aussi le premier excédent budgétaire depuis deux décennies. Le président mal élu en 2000 (on se souvient de l’imbroglio juridique en Floride et de l’intervention de la cour suprême) a choisi comme vice-président Dick Cheney, un ancien de l’équipe Reagan (« l’État n’est pas la solution, c’est le problème »), bien déterminé à redonner à la présidence et à la branche exécutive la suprématie et la totalité des pouvoirs et des prérogatives, en violation des mécanismes de freins et contrepoids mis en place par les pères fondateurs et bien déterminé également à continuer de démanteler ce qui reste des dispositifs sociaux du New Deal. Les attentats terroristes du 11 septembre donnent l’alibi et les moyens de mettre le pays au pas tout en privilégiant le big business, les compagnies pétrolières, Halliburton, le groupe Carlisle, les laboratoires pharmaceutiques aux dépens de la Constitution et des libertés.

9En matière de politique étrangère, le bilan est encore plus négatif et les attentes plus grandes ; en effet, le président Bush élu sur un message de modération, « de conservateur de compassion », mais poussé par les néoconservateurs, a lancé le pays dans deux guerres [9] (Afghanistan puis Irak en mars 2003) et plus largement une « guerre contre le terrorisme » qui a aliéné toutes les sympathies suscitées par les attentats terroristes de septembre 2001. Dans son discours sur l’état de l’Union de janvier 2002, il stigmatise les trois pays de l’axe du mal : Irak, Iran et Corée du Nord, et plus tard énonce la doctrine de guerre préventive. Le président Bush a conduit une politique non seulement unilatérale et destructrice mais il s’est aliéné les alliés traditionnels de l’Amérique et a détérioré l’image des États-Unis dans le monde et dans le monde musulman en particulier. Outre sa guerre de préemption, il a aussi refusé d’agir en matière de réchauffement climatique et s’est opposé à la plupart des conventions internationales. Les électeurs américains et le monde attendaient son successeur.

10Si l’opposition à la guerre en Irak, avec la lutte contre la corruption et le copinage utilisée comme cheval de bataille par les démocrates, a joué un rôle essentiel lors des élections de 2006, ce ne fut pas le cas en 2008. Certes, la position d’Obama pour un retrait programmé des troupes l’a aidé à emporter les primaires contre Hillary Clinton, qui avait elle voté en faveur de la guerre en Irak, sur la foi d’informations fallacieuses mises en avant par l’administration. Mais au moment des élections générales, c’est la crise économique et financière qui est au premier plan et les électeurs doivent se prononcer entre McCain, le héros septuagénaire de la guerre du Vietnam et le jeune candidat noir que personne ne connaissait quatre ans auparavant. Au moment des élections, le déficit budgétaire est creusé par le coût des guerres en Irak et Afghanistan et par les baisses d’impôts. Le pays est à la merci des Chinois qui ont financé ce mode de vie à crédit en achetant les bons du trésor américain et qui commencent à vouloir acheter des entreprises américaines. En parallèle, l’administration Bush a amplifié la dérégulation financière et bancaire amorcée certes dès avant 1999 [10] en limitant l’influence et les pouvoirs des agences de contrôle.
Dans ce climat, la culture du crédit a permis aux acteurs immobiliers et financiers de pousser des ménages à s’endetter pour acheter un bien immobilier alors qu’une simple étude de leur profil financier aurait dû les exclure de ces prêts trop incitatifs car à coût variable, quasi gratuit durant les premières années puis à taux progressif. La crise des crédits immobiliers risqués (subprime) a fait chuter les prix de l’immobilier et a déclenché la crise financière qui atteint un premier paroxysme en septembre 2008. McCain avait misé sur la politique étrangère et la crédibilité des républicains en matière de sécurité nationale et avoué qu’il n’y connaissait pas grand-chose en économie mais la crise a changé la donne. Et les électeurs confient leur destin à l’inconnu charismatique.
Et sur le plan politique, le climat est propice. Les républicains sont déconsidérés et donnés perdants dans tous les sondages. Ils sont empêtrés dans leurs contradictions entre valeurs morales et vie personnelle peu conforme, les nombreux scandales et la culture du favoritisme et du copinage qui place des incompétents aux postes-clés [11]. Dans une telle situation, seul un homme providentiel pouvait sauver l’Amérique…

Obama, l’homme providentiel ?

11Barack Hussein Obama [12] pour l’état-civil est né le 04 août 1961 à Honolulu (Hawaï). Son prénom “Barack” signifie “béni” en hébreu et en arabe et le nom “Obama” veut dire “lance enflammée” dans la langue swahilie de son père. En 2004, il était encore inconnu. Né d’une mère originaire du Kansas et d’un père kenyan venu étudier aux États-Unis, il vit les premières années de sa vie en Indonésie avec son beau-père et sa mère, puis à Hawaï avec ses grands-parents blancs qui ont joué un rôle important dans son évolution et la construction de ses valeurs profondes [13]. On connaît la suite : 1981, l’université de Columbia à New York où il obtient une licence (BA) de Sciences Politiques et Relations internationales. Il devient analyste d’affaires dans un grand cabinet financier à Chicago mais abandonne son début de carrière prometteur et lucratif pour travailler comme animateur social, payé 800 dollars par mois par une église chrétienne progressiste des quartiers défavorisés. C’est là qu’il rencontre le pasteur noir Jeremiah Wright, qui deviendra son ami, et qu’il devient Chrétien. En 1988, Barack Obama reprend ses études et obtient son diplôme de droit (Juris doctor) de la prestigieuse Harvard avec mention magna cum laude. Il travaille comme avocat dans un cabinet spécialisé dans les droits civiques avant de se lancer en politique dans l’État d’Illinois.

12Pour nous Européens, c’est un métis ; mais aux États-Unis, la règle « une goutte » (de sang noir) fait de lui un noir ; en revanche à la différence de son épouse, Michelle Robinson [14] rencontrée en 1989 lors d’un stage d’études, il n’est pas un Africain-Américain descendant d’esclaves. Et avant 2004, Obama est avant tout un écrivain à succès : en 1995, il a publié un essai autobiographique intitulé Dreams from My Father[15] dans lequel il raconte son parcours à la fois d’enfant en quête d’un père et de métis vu comme un noir par l’Amérique blanche. Il est aussi l’un des rares élus américains à participer à des manifestations pacifistes et à prendre clairement position en 2003 contre la guerre en Irak [16]. En juillet 2004, son charisme, son éloquence et son discours très remarqué en faveur d’une autre Amérique que celle de George W. Bush, font de lui la vedette de la convention démocrate réunie pour désigner John Kerry candidat à l’élection présidentielle. Le 2 novembre de la même année, il est élu sénateur démocrate de l’Illinois, avec 70 % des voix contre 27 % à son adversaire républicain, Alan Keyes. Seul afro-américain à siéger au Sénat, et troisième de toute l’histoire des États-Unis depuis 1865, il prend officiellement ses fonctions de sénateur le 5 janvier 2005. Grâce à la fluidité des institutions et mécanismes américains (les primaires et le rôle d’Internet) et à son discours très remarqué à la convention démocrate de 2004, il acquiert visibilité, puis progressivement crédibilité.

13

« Nous sommes à un de ces moments uniques, un moment où notre nation est en guerre, notre économie dans la tourmente et le rêve américain est à nouveau menacé. C’est le rêve américain qui a toujours fait de ce pays un pays différent. Si on travaille dur et que l’on fait des sacrifices, chacun d’entre nous peut atteindre son rêve et au-delà, se rassembler dans la grande famille américaine pour s’assurer que la prochaine génération pourra à son tour poursuivre ce rêve. » [17]

14Obama serait-il alors un homme providentiel, tout à la fois candidat peu probable, expression du rêve américain et symbole de diversité ? C’est un candidat à l’image de l’Amérique de 2008, une Amérique au sein de laquelle la proportion de blancs non-hispaniques diminue progressivement et à l’image du monde qui n’est plus uniquement composé des pays riches de l’OCDE.

15

« J’ai fréquenté les meilleures écoles d’Amérique et vécu dans un des pays les plus pauvres du monde. J’ai épousé une noire américaine qui porte en elle le sang des esclaves et de leurs maîtres, un héritage que nous avons transmis à nos deux chères filles […] J’ai des frères, des sœurs, des nièces, des neveux des oncles et des cousins, de toute race et de toute teinte, dispersés sur trois continents, et tant que je serai en vie, je n’oublierai jamais que mon histoire est inconcevable dans aucun autre pays. » [18]
Les résultats des élections de 2008 parlent d’eux-mêmes : la quasi-totalité (95 %) des noirs ont voté pour lui ainsi que 67 % des Hispaniques et Asiatiques et 68 % des femmes. Les minorités, qui jusqu’ici considéraient que leur vote ne comptait pas ne s’y sont pas trompées et ont voté massivement pour lui [19]. Et ce fut d’autant plus facile qu’Obama n’est pas un démocrate comme les autres. Non seulement il est resté marié à la même épouse mais il est beaucoup moins à gauche que les progressistes « liberals », les candidats comme Kerry ou Howard Dean ou les électeurs et lecteurs du mensuel The Nation, cibles permanentes des républicains qui stigmatisent leur élitisme, le « trop d’État », le trop de dépenses (Big Spenders) et leur absence de valeurs morales. De surcroît, même si ses relations privilégiées avec le pasteur Wright ont un temps posé problème à Obama [20], il a un sentiment religieux authentique, fait de fréquentes références à Dieu et l’électeur sent bien que ce n’est pas forcé. Or aux États-Unis, compte tenu de l’omniprésence de la religion [21] et du fait qu’à peine 10 % d’Américains se déclarent athées (c’est récent), il est impossible de remporter une élection sans attirer l’électorat religieux modéré et en particulier les Hispaniques [22].
L’amalgame était visible chez G. W. Bush, suivi par la droite religieuse et les Born Again. Mais il faut noter que Dieu est présent dans tous les discours politiques de tous les présidents, de même que l’opposition entre le bien et le mal. À titre d’exemple, Lincoln, qui pourtant n’a jamais appartenu officiellement à une Église, a prononcé l’un des plus beaux discours associant politique et religion. Dans les 701 mots de son deuxième discours d’investiture, il prononce le nom de Dieu 14 fois, cite la Bible quatre fois et invoque la force de la prière trois fois. Obama partage cette proximité avec Dieu et ce serait une erreur de se souvenir uniquement des distances qu’il a prises vis-à-vis de son pasteur J. Wright. Son ouvrage L’Audace d’espérer comporte une réflexion poussée sur la foi. Pour lui, certes, la Déclaration des droits et le Ier amendement codifient la séparation entre l’Église et l’État, mais les Américains en tant que peuple religieux n’ont jamais séparé politique et religion. Sa propre histoire, partie du scepticisme, l’a amené à adopter la foi chrétienne et à prendre conscience du pouvoir de la foi dans la vie des Américains. De même que Lincoln a utilisé un langage rassembleur, « tout lisent la même Bible et prient le même dieu », de même Obama s’est appuyé sur les valeurs religieuses et morales qui sont le fondement historique de la société américaine, multiculturelle aujourd’hui, de façon à rassembler tous les croyants dans le grand projet de la renaissance et du renouveau américains. Même si Obama ne prône ni ne prêche le nation building et la démocratisation exportée, comme les néoconservateurs, ses discours portent bien la trace du messianisme et de l’exceptionnalisme américains [23]. Et l’élection de 2008 est un renversement total par rapport à la campagne de 2000, durant laquelle le candidat républicain parlait sans arrêt de son expérience religieuse et le candidat démocrate Al Gore avait quelques difficultés. En 2008, c’est le candidat républicain McCain qui est mal à l’aise et Obama qui apparaît comme un véritable homme de foi. Sa maîtrise de la Bible et du langage biblique est perceptible dans de nombreux discours. Comme George Bush, il a une histoire de conversion, narrée dans ses livres et qu’il sait exprimer en public et dans des termes qui résonnent dans l’esprit des croyants. Cette capacité à évoquer ses convictions religieuses en public lui a permis de mettre en valeur une foi vécue et de conquérir l’indispensable vote religieux.

Charisme et maîtrise des outils d’information et de communication

16À ce qui précède, il faut ajouter sa grande taille, son élégance et bien sûr son charisme indéniable et son talent pédagogique ; car Obama n’hésite pas à répéter, à expliquer, à porter le message lui-même à Capitol Hill (siège du Congrès) à expliciter dans les médias et devant les électeurs ; et c’est vrai que lorsque l’on cherche à sauver l’économie, mettre en place des énergies renouvelables et réformer le système de santé, il vaut mieux être bon pédagogue. Il va jusqu’à participer à cinq émissions de télévision un dimanche matin de septembre 2009 et à écrire un éditorial dans le New York Times. À cet égard, il est bien l’homme providentiel, « pédagogue de la nation en péril » qui va aider la nation « à dépasser ses difficultés ».

17Obama a remporté l’élection et espère gagner de même les batailles de la santé et des énergies renouvelables car tous ses discours, se caractérisent par un réel talent oratoire et ce même s’il utilise souvent des téléprompteurs. Il sait manier les outils rhétoriques, tels que la métaphore ou la métonymie ; il recourt au procédé du déplacement qui consiste à remplacer un nom, une idée par une image parlante ; au lieu de parler écologie avec des chiffres, il évoque les usines responsables de la fonte de la calotte glaciaire. Au lieu de détails techniques sur les éoliennes, il claironne : « nous dompterons le soleil, le vent, le sol ». Maître dans l’art du contraste, il affirme : « fini le temps des bavardages, voici venu le temps de l’action ». Et surtout, Obama manie parfaitement l’art et la technique du Story Telling[24], du récit, non seulement dans le détail de ses discours mais dans le script entier de sa campagne. Il cite l’histoire d’Ashley atteint du cancer et sans couverture médicale, ou encore celle d’Ann Nixon Cooper qui, à 106 ans, est allée voter, convaincue qu’il s’agissait bien d’une élection historique. Et Obama scande son message autour des idées clés de l’espoir, du changement (découlant de la capacité du peuple américain à s’inventer, à innover, à réaliser l’impossible) et de l’unité nécessaire autour des valeurs fondatrices pour réussir ce changement. Il est l’héritier de la tradition oratoire des grands tribuns comme Franklin D. Roosevelt et John F. Kennedy doublée des accents du prédicateur, ceux des pasteurs noirs et de Martin Luther King. Obama est donc un rassembleur qui sait mettre les outils de la rhétorique au service de sa cause, en s’appuyant sur les credo de la nation américaine : l’unité dans la diversité (E Pluribus Unum), la liberté, l’égalité, le rêve américain, la foi dans l’avenir et les institutions.

18

« C’est pourquoi, dans l’ombre du vieux Capitole où Lincoln appela une maison divisée à s’unir, où les espoirs et les rêves communs continuent de vivre, je vous annonce aujourd’hui ma candidature à la présidence des États-Unis. » [25]
« C’est une histoire qui ne fait pas de moi le candidat le plus plausible. Mais c’est une histoire qui a gravé au plus profond de moi l’idée que cette nation est plus que la somme de ses parties, que de plusieurs nous ne faisons qu’un. » […]
« J’ai choisi de me présenter aux élections présidentielles à ce moment de l’histoire parce que je crois profondément que nous ne pourrons résoudre les problèmes de notre temps que si nous les résolvons ensemble, que nous ne pourrons parfaire l’union [26] que si nous comprenons que nous avons tous une histoire différente mais que nous partageons de mêmes espoirs, que nous ne sommes pas tous pareils et que nous ne venons pas du même endroit mais que nous voulons aller dans la même direction, vers un avenir meilleur pour nos enfants et petits-enfants.
Cette conviction me vient de ma foi inébranlable en la générosité et la dignité du peuple Américain. Elle me vient aussi de ma propre histoire d’Américain. Je suis le fils d’un noir du Kenya et d’une blanche du Kansas. J’ai été élevé par un grand-père qui a survécu à la Dépression et qui s’est engagé dans l’armée de Patton pendant la Deuxième Guerre mondiale, et une grand-mère blanche qui était ouvrière à la chaîne dans une usine de bombardiers quand son mari était en Europe. » [27]

19À des Américains désespérés, Obama a su communiquer espoir, optimisme et foi en l’avenir en s’inscrivant dans le passé et en se rattachant aux documents fondateurs et à la constitution adoptée en 1787.

20

« Au cours de l’histoire, seule une poignée de générations ont été confrontées à des défis aussi graves que ceux que nous affrontons aujourd’hui. Notre nation est en guerre. Notre économie est en crise. (…) En dépit de l’énormité de la tâche qui s’annonce, je me tiens aujourd’hui devant vous en étant plus que jamais persuadé que les États-Unis résisteront, qu’ils l’emporteront et que le rêve de nos pères fondateurs perdurera. » [28]

21Si l’on fait exception de son discours sur la race prononcé en mars 2008 afin de clarifier sa position, Obama ne gouverne pas et n’a pas fait campagne en candidat noir et certainement pas une campagne agressive comme d’autres candidats noirs ont pu en mener ou souhaiter qu’il le fasse. Pourtant, il ne nie pas le problème racial, la persistance de la blessure raciale ni le fait que la constitution n’avait pas aboli l’esclavage ; c’était impossible à l’époque et la constitution n’aurait jamais été adoptée [29]. Il ne nie pas non plus la longue histoire de la ségrégation et rappelle que malgré les trois amendements adoptés après la guerre de Sécession, celle-ci a perduré avec toutes ses conséquences économiques, sociologiques, psychologiques jusqu’aux années 1960. Sa mission, avec l’aide de tous les Américains, consiste à continuer sur cette voie vers l’égalité, cette égalité des chances qui ne doit pas être uniquement juridique.

22

« C’est l’une des tâches que nous nous sommes fixées au début de cette campagne – continuer la longue marche de ceux qui nous ont précédé, une marche pour une Amérique plus juste, plus égale, plus libre, plus généreuse et plus prospère. » [30]

23En dernier lieu, Obama a gagné aussi parce qu’il a su optimiser l’utilisation des médias, des publicités [31], des technologies de l’information et d’Internet en particulier [32]. Et sa campagne a été très bien financée [33] car le camp Obama ne s’est pas contenté de collecter des fonds sur Internet, mais a mobilisé également par SMS, via les blogs et en particulier les réseaux sociaux comme Facebook. Et jamais il n’a dévié de son scénario : le changement, le changement, le changement possible, « Yes We Can ».

24Maintenant, si l’on admet qu’Obama est bien un homme providentiel, il faut se demander s’il peut exister dans la durée et « sauver le monde » alors que les invariants internes et extérieurs de l’époque Bush n’ont pas changé. Le risque pour l’homme providentiel est l’épreuve du pouvoir et la confrontation avec la réalité ; le sauveur risque alors d’être désacralisé et son salut ne peut venir que du recours aux classiques armes de la crainte et de la manipulation afin de détourner l’attention des foules. À cet égard, Obama a été assez peu populiste pendant la campagne et se montre relativement transparent (l’une de ses promesses…) maintenant qu’il est au pouvoir. Il n’a pas caché au peuple américain la gravité de la crise ; il l’a appelé à faire des sacrifices et à être patient. Mais si les sondages pendant les six premiers mois ont montré que les électeurs dans leur ensemble (si l’on excepte quelques irréductibles républicains) voulaient qu’il réussisse, la donne a changé durant l’été 2009 avec la révolte contre le plan de santé, les dures réalités de la vie politique à Washington, le poids de l’administration et la puissance des lobbies.

25À cet égard la réforme du système de santé est un test. Le président est omniprésent, en personne directement et indirectement, au Congrès et dans les médias, mais cela peut-il suffire ? Car il est non seulement attaqué par les républicains mais il est aussi contesté par certains démocrates, les Blue Dog democrats qui s’inquiètent du déficit budgétaire, d’autres qui ont peur pour leur réélection en novembre 2010 et plus largement par les indépendants et les mécontents au sens large (les manifestants Tea Party en souvenir de la lutte contre les anglais en 1775 [34]). Alors se pose la grande question soulevée par Machiavel expliquant que le vrai leader doit être aimé et craint. Obama est encore aimé (malgré sa chute dans les sondages fin 2009 et début 2010 et les deux défaites de novembre 2009 [35]), mais est-il suffisamment craint au plan international par l’Iran, la Chine, Israël ou la Corée du Nord et à l’intérieur par les membres de son parti dont il a besoin pour faire adopter les réformes ? La réponse est non sans que ce soit uniquement de son fait.
Au plan international, Obama est prisonnier de son héritage et les États-Unis peinent à retrouver leur leadership dans un monde multipolaire sur lequel planent les menaces nucléaires et au sein duquel émergent les nouvelles puissances économiques [36]. Et à l’intérieur, la relative impuissance du président est due au système politique américain qui n’est pas parlementaire [37]. Les Blue Dog Democrats, et plus largement tous les membres du Congrès, n’ont pas besoin du président mais ils se doivent de satisfaire leurs électeurs s’ils veulent être réélus, en leur apportant le « bacon », selon l’expression traditionnelle, c’est-à-dire des petits cadeaux que sont créations d’emplois et constructions diverses, nécessaires ou non. Il leur faut coller aux préoccupations de leur électorat et celui-ci, dans certains États, s’inquiète du déficit budgétaire, des licenciements qui continuent, du projet de réforme de santé qualifié de « socialiste » et de Wall Street qui s’est remise à distribuer des bonus. Or, les élections de mi-mandat sont dans moins d’un an. Les 435 membres de la chambre et un tiers des sénateurs devront se représenter devant les électeurs et tenter de se faire réélire…
Pourtant, au moment où il se débat et se démène, Obama obtient le prix Nobel de la paix et ce, de façon bien prématurée, disent ses adversaires. Faut-il y voir une preuve supplémentaire que les hommes d’Oslo ont eux aussi voulu récompenser l’homme providentiel, l’homme qui a su rendre l’espoir au monde et à l’Amérique, l’homme qui à défaut de décréter la paix d’un coup de baguette magique a su créer un nouveau climat pour la politique internationale, de nouveau centrée sur le dialogue, la main tendue, le multilatéralisme et l’ONU ?
La notion d’échec est relative et subjective mais si Obama devait échouer, que resterait-il ? Beaucoup sans doute et deux choses au moins. Il restera un changement d’image de l’Amérique qui ne peut plus aussi facilement être qualifiée de grand Satan et la gigantesque bouffée d’oxygène d’un Président qui ressemble au monde que décrit Fareed Zakaria dans son ouvrage. Et surtout, toute une génération aux États-Unis et dans le reste du monde grandira en tenant pour acquis que la plus haute fonction politique dans la plus grande démocratie du monde peut être occupée par un Afro-Américain [38] et que finalement le rêve américain, si décrié récemment, existe encore bel et bien.

Notes

  • [1]
    Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Le Seuil, 1986.
  • [2]
    Obama a dû préciser qu’il est chrétien, semblant ainsi se démarquer de l’Islam ou même le désavouer ce qui lui a été reproché par les Musulmans.
  • [3]
    Les États-Unis étaient frappés par l’affaire du Watergate et embourbés dans la crise des otages en Iran à laquelle une terne présidence Carter n’avait su trouver d’issue.
  • [4]
    Richard Carwardine, Lincoln: A Life of Purpose and Power, Kindle Edition, 2004 ; Olivier Fraysse, Lincoln, Land, and Labor, 1809-60, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988 ; Bernard Vincent, Abraham Lincoln - L’homme Qui Sauva Les États-Unis, Paris, éd. L’Archipel, 2009.
  • [5]
    Sur le rapprochement entre Obama et Lincoln, voir infra Alexandre Borrell, « Peut-on greffer le visage d’une icône ? Abraham Obama », pp. 177-129 (NDLR).
  • [6]
    “We – even we here – hold the power, and bear the responsibility. In giving freedom to the slave, we assure freedom to the free – honorable alike in what we give, and what we preserve. We shall nobly save, or meanly lose, the last best hope of earth. Other means may succeed; this could not fail. The way is plain, peaceful, generous, just – a way which, if followed, the world will forever applaud, and God must forever bless.”
  • [7]
    “The will of God prevails. In great contests each party claims to act in accordance with the will of God. Both may be, and one must be, wrong. God cannot be for and against the same thing at the same time. […] By his mere great power, on the minds of the now contestants, He could have either saved or destroyed the Union without a human contest. Yet the contest began. And, having begun He could give the final victory to either side any day. Yet the contest proceeds.” Meditation on the Divine Will, Washington D.C., septembre 1862.
  • [8]
    Voir le site www.opensecrets.org.
  • [9]
    La guerre en Afghanistan est un échec car Ben Laden court toujours et les talibans reconstituent leur puissance et leurs bastions. La guerre en Irak continue avec plus de 4 000 morts du côté américain à l’été 2009 et de nombreux blessés très graves dont le système hospitalier américain destiné aux anciens combattants ne s’occupe que très mal.
  • [10]
    Abrogation de la loi Glass Steegal votée en 1934 qui avait pour objet de maintenir une cloison étanche entre banques de dépôt et banques d’affaires.
  • [11]
    Ce fut le cas pour le directeur de l’organisme chargé de gérer les catastrophes nationales, FEMA qui ne fit rien pour apporter des réponses adéquates à la catastrophe humaine causée par l’ouragan Katrina.
  • [12]
    Barack Obama, Les Rêves de mon père, Paris, Points, 2008 et L’Audace d’espérer, Paris, Presses de la Cité, 2007 ; Jacques Portes, Obama, Biographie, Paris, Payot, 2008 ; Pierre Varrod, « Les trois leviers rhétoriques d’Obama », Esprit, mai 2009, pp. 188-190. En ligne
  • [13]
    Ses parents, étudiants à l’Université de Hawaï sont Barack Hussein Obama Sr. (1936-1982), Kenyan noir originaire de l’ethnie Luo, élevé dans la tradition musulmane mais non pratiquant et sa mère, Stanley Ann Dunham (1942-1995), blanche américaine de religion chrétienne originaire du Kansas, lointaine descendante de Jefferson Davis. Agé de six ans, Barack Obama suit sa mère, qui s’est remariée avec un cadre supérieur indonésien du pétrole, L. Soetoro. Il passe à Djakarta (Indonésie) quatre années de son enfance, de 1967 à 1971, effectuant deux ans de scolarité dans une école musulmane puis deux autres dans un établissement catholique. Puis il est envoyé chez ses grands-parents maternels à Honolulu et scolarisé au collège de Punahou, un établissement privé plutôt réservé aux enfants de l’élite blanche.
  • [14]
    Issue d’une famille ouvrière noire du South Side de Chicago, elle est diplômée de Princeton et de Harvard, et mène une brillante carrière d’avocate chargée notamment des relations extérieures et communautaires de l’hôpital universitaire de Chicago. Figure du parti démocrate local, elle a beaucoup aidé son mari à conquérir les réseaux politiques du maire de Chicago, Richard M. Daley, dont elle est proche.
  • [15]
    Puis une grande maison d’édition lui offre 1,9 million de dollars pour écrire trois livres sur son parcours et ses convictions politiques. Le premier volume, The Audacity of Hope, Thoughts on Reclaiming the American Dream (L’Audace d’espérer, Une nouvelle conception de la politique américaine), est sorti en octobre 2006 et est, depuis, devenu un best-seller.
  • [16]
    Rappelons qu’à l’époque, il ne siège pas encore au Sénat des États-Unis.
  • [17]
    Discours d’acceptation de Barack Obama à la convention démocrate de Denver le 28 août 2008.
  • [18]
    « Discours sur la race » prononcé par Barack Obama, le 18 mars 2008, à Philadelphie pour répondre aux attaques concernant son pasteur J. Wright.
  • [19]
    Incidemment, si les Européens et les citoyens de nombreux pays avaient pu voter, Obama aurait été élu avec 80 % des voix. Son message a donc été entendu à l’intérieur comme à l’extérieur des États-Unis.
  • [20]
    Obama répond aux critiques avec beaucoup d’honnêteté, sans nier le rôle important que le révérend Wright a joué dans sa vie mais il montre aussi l’usage abusif qui a été fait de quelques phrases effectivement prononcées par le pasteur. Et surtout il demande que cette polémique orchestrée n’éloigne pas de la résolution des vrais problèmes. « Discours sur la race », prononcé le 18 mars 2008 à Philadelphie.
  • [21]
    86 % de la population disent croire en Dieu et plus de 70 % croient à l’existence des anges et du diable (sondage Gallup). Voir Camille Froidevaux-Metterie, Religion et politique aux États-Unis, Paris, La découverte, 2009 ; Isabelle Richet, La Religion aux États-Unis, Paris, PUF, Que sais-je, 2002.
  • [22]
    Sébastien Fath, « Le poids géopolitique des évangéliques américains : le cas d’Israël », Hérodote, n° 119, 2005 ; Ariane Zambirase, « La religion dans les élections du 4 novembre 2008 aux États-Unis : une nouvelle donne », Revue française d’études américaines, n° 119, 2009 ; Denis Lacorne, De la Religion en Amérique : essai d’histoire politique, Paris, Gallimard, 2007.
  • [23]
    On trouve toujours l’association entre religion et exceptionnalisme au cœur de la théorie de la mission puritaine élaborée par Perry Miller en 1952. Ce dernier place au centre de l’idée de mission « la ville sur la montagne » qui renvoie à l’idéal religieux auquel aspiraient les puritains de la grande migration de 1630-1635. La cité idéale, lumière du monde est là pour guider la chrétienté vers la perfection. Les colons de la Nouvelle Angleterre continuaient d’affirmer le caractère exceptionnel de la société dont les fondements institutionnels (le contrat, covenant) ont perduré après que la foi et le système puritain eurent perdu de leur force à la fin du XVIIe siècle. La religion faisait donc partie intégrante du programme colonial chez les puritains comme chez les catholiques ou les anglicans. Tout projet de colonisation avait une composante « évangélisatrice » et les colons étaient convaincus que « les pauvres créatures de là-bas » les attendaient et les imploraient de venir les sauver. L’exceptionnalisme fait référence à une série de valeurs qui façonnent la culture politique américaine et à une tradition d’assimilation associée à la croyance des Américains que ce qui est américain est toujours mieux. Que ce soit le mode de vie (vestimentaire, alimentaire ou culturel) ou bien sûr le système politique, d’où cette grande tendance à vouloir apporter la démocratie dans des pays qui ne sont pas démocratiques selon les définitions occidentales : ce qu’on appelle le « nation- building ».
  • [24]
    Michel Meyer, La Rhétorique, Paris, PUF, Que sais-je, 2009 ; Christian Salmon, Story Telling : la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2008.
  • [25]
    Annonce de sa candidature à la présidence le 12 février 2007. Obama, qui s’exprime depuis les marches du Capitole de Sprinfield (Illinois), fait référence à ce lieu, d’où Lincoln lança en 1858 sa campagne pour l’abolition de l’esclavage.
  • [26]
    Le terme « union » souvent écrit avec une majuscule en anglais renvoie au système fédéral, à l’Union entre les États fédérés. C’est elle qui était contestée et a été sauvée par Lincoln.
  • [27]
    « Discours sur la race » prononcé le 18 mars 2008.
  • [28]
    Discours d’investiture prononcé le 20 janvier 2009 à Washington.
  • [29]
    « Ils finirent par signer le document rédigé, non encore achevé. Ce document portait le stigmate du péché originel de l’esclavage, un problème qui divisait les colonies et faillit faire échouer les travaux de la convention jusqu’à ce que les pères fondateurs décident de permettre le trafic des esclaves pendant encore au moins vingt ans, et de laisser aux générations futures le soin d’achever le travail [à savoir l’abolition]. Bien sûr, la réponse à la question de l’esclavage était déjà en germe dans notre constitution, une constitution dont l’idéal de l’égalité des citoyens devant la loi est le cœur, une constitution qui promettait à son peuple la liberté et la justice, et une union qui pouvait et devait être perfectionnée au fil du temps. » (« Discours sur la race » prononcé le 18 mars 2008 à Philadelphie).
  • [30]
    Idem.
  • [31]
    La télévision a joué un rôle important et, grâce aux sommes collectées, Obama a pu être présent via de nombreux spots télévisés, durant les primaires comme durant l’élection générale. Il a même pu s’offrir un spot de publicité de 30 mn pour expliquer la crise et les politiques qu’il envisageait de mettre en place pour y remédier.
  • [32]
    Le rôle d’Internet avait commencé en 2000, et pris une vitesse de croisière en 2004 sous l’égide d’Howard Dean qui était parvenu à collecter des sommes importantes par ce moyen.
  • [33]
    Il a refusé l’argent public lors de l’élection générale de façon à ne pas devoir limiter ses dépenses électorales. Il a donc pu aussi faire appel à de nombreux spécialistes, ce qui explique la qualité de ses discours et de son scénario immuable.
  • [34]
    C’est ce soulèvement sous-estimé par les démocrates qui explique en janvier 2010 la perte très symbolique et lourde de conséquences politiques du siège occupé par le sénateur Kennedy pendant plus de 40 ans au Massachussetts.
  • [35]
    Deux postes de gouverneurs, en Virginie et dans le New Jersey, passent aux Républicains en grande partie parce que les électeurs, jeunes en particulier, qui ont porté Obama au pouvoir ne se sont pas mobilisés.
  • [36]
    Voir Fareed Zakaria, L’Empire américain : l’heure du partage, Paris, Saint-Simon, 2009.
  • [37]
    Anne Deysine, Les États-Unis aujourd’hui, Paris, La Documentation française, 2006 ; Justine Faure et Pierre Melandri, dir. « l’Amérique de George Bush », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n°97, 2008.
  • [38]
    Les esprits avaient été préparés par Hollywood.
Français

Résumé

Cet article plonge dans les valeurs politiques et religieuses de l’histoire constitutionnelle américaine et dans l’histoire récente (crise économique et implication des États-Unis dans deux guerres) pour expliquer une partie du « phénomène Obama ». L’autre partie de l’explication tient à l’homme lui-même, ce qu’il représente, sa foi authentique ainsi que ses multiples talents, oratoires en particulier, faisant usage des outils de la rhétorique et des technologies de l’information (TIC).

Mots-clés

  • changement
  • exceptionnalisme
  • multiculturel
  • religion
  • technologies de l’information (TIC)
English

Obama, the providential man?

Abstract

This article questions whether Obama can be called providential, by analysing the various ways in which he could fit the description. He was a very unlikely candidate that emerged after seven years of a disastrous Republican administration resulting in two wars and a deep economic crisis. Other factors have to do with the American dream, the manifest Destiny and exceptionalism, in which religion plays a central role and with Obama ‘rhetorical skills as well as his mastery of all the tools of information technologies.

Keywords

  • change
  • exceptionalism
  • religion
  • multicultural
  • rhetorical
  • information technologies (IT)
Anne Deysine
Professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Centre de recherches anglophones (EA 370)
anne.deysine arobase u-paris10.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/05/2010
https://doi.org/10.3917/parl.013.0087
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