CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Au cours d’une folle nuit, le 4 août 1789, l’Assemblée nationale constituante abolit les privilèges sur lesquels était fondée la société d’Ancien Régime. Les séances de nuit et les débats nocturnes sont effectivement nés avec le régime parlementaire et ont toujours constitué une pratique solidement établie au sein des assemblées législatives. Conséquence de la liberté de parole accordée à l’orateur, cette pratique a toutefois rapidement été entachée d’une mauvaise réputation : celle d’un temps propice à l’activité législative furtive et à l’adoption d’amendements à la sauvette.
Elle est en fait au cœur d’une problématique récurrente de l’histoire parlementaire : comment assurer un meilleur fonctionnement de l’institution sans porter atteinte à la libre expression des forces politiques ? Ainsi, sous la IIIe République, le premier règlement de la Chambre (1876) tendait moins à cadrer les débats, à l’image des standing orders britanniques, qu’à garantir le droit des élus dont rien ne devait venir entraver la souveraineté. Clemenceau résumait à sa façon les enjeux de cette question. Jeune député, il proclamait, le 4 juin 1888, à la tribune de la Chambre : « Gloire aux pays où l’on parle ». Devenu président du Conseil vingt ans plus tard, il déplorait : « On perd trop de temps en de trop longs discours, et une grande économie de temps pourrait être faite dans cette assemblée. » La volonté de rationaliser le travail parlementaire, qui s’exprime de manière forte durant l’entre-deux-guerres, vise ainsi plutôt à réduire l’emprise du « parlement de l’éloquenc…

Français

La lourdeur croissante de l’activité législative impose fréquemment aux députés de vivre quelques nuits blanches dans l’exercice de leur mandat. Il en résulte d’inévitables crispations, voire des jugements critiques, de la part des acteurs eux-mêmes, sur la qualité du travail parlementaire produit. Depuis le milieu des années 1990, les tentatives de réforme visant à améliorer le fonctionnement de l’institution se sont multipliées, mais sans parvenir à faire disparaître les séances de nuit. Pour comprendre la persistance de ce phénomène, il convient, au-delà de l’analyse conjoncturelle, de replacer le temps du débat nocturne dans une perspective historique plus large afin de mettre en relief la spécificité des comportements et pratiques politiques individuels et collectifs qu’il génère.

  • séance nocturne
  • travail parlementaire
  • rationalisation
  • règlement
  • obstruction
English

Should there be an end to sleepless nights at the Palais-Bourbon? The impossible reform of the last thirty years

The increasing heaviness of legislative activity often means that MPs have to spend a few sleepless nights in the exercise of their mandate. This inevitably leads to tension, and even to critical judgements, on the part of the members themselves, about the quality of the parliamentary work produced. Since the mid-1990s, attempts to improve the functioning of the institution have multiplied, but have failed to eliminate the night sessions. To better understand the persistence of this phenomenon, it is necessary to go beyond the conjunctural analysis and place the time of nocturnal debate in a wider historical perspective in order to highlight the specificity of the individual and collective political behavior and practices that it generates.

  • nighttime session
  • parliamentary work
  • streamlining process
  • regulation
  • filibustering
François Dubasque
Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Poitiers, Criham
francois.dubasque arobase univ-poitiers.fr
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Il vous reste à lire 96 % de cet article.
Acheter cet article 4,00€ 15 pages, format électronique
(html et pdf)
add_shopping_cart Ajouter au panier
Autre option
Membre d'une institution ? business Authentifiez-vous
Mis en ligne sur Cairn.info le 21/06/2022
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Rennes © Presses universitaires de Rennes. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...