CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Durant les mois dramatiques où s’est manifesté clairement le risque d’une fin de l’expérience et de la présence chrétienne au Levant d’importants intellectuels arabes chrétiens ont soutenu que justement les chrétiens, peu nombreux et persécutés, étaient en mesure de sauver la culture arabe. Un point de vue très intéressant, surtout si l’on considère que ses partisans partent d’une question que peu de gens se posent : qui sont en réalité ceux qui risquent de disparaître du Moyen-Orient ? Qui sont ceux que beaucoup nomment « Chrétiens d’Orient ?

2 Ces intellectuels jugent l’expression « Chrétiens d’Orient », en apparence inoffensive, pour le moins inopportune. Elle fait écho à la fameuse « question d’Orient », une question posée par l’Occident et les puissances militaires de l’époque. Comme l’a récemment expliqué à cet égard Antoine Courban, l’un des philosophes libanais les plus autorisés et enseignant à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. L’expression « Chrétiens d’Orient » se réfère aux différentes (et nombreuses) traditions chrétiennes dans des pays musulmans presque tous sunnites. Les chrétiens étaient organisés dans l’Empire ottoman (celui des réformes du Tanzimat de 1839 et de la réforme constitutionnelle de l’Islahat de 1856) à l’intérieur de millets, c’est-à-dire de « nations ». Les firmans du Sultan avaient doté toute juridiction ecclésiastique d’une personnalité morale de droit public. Quand les chrétiens évoquent leur présence au Levant, c’est à ce système qu’ils font inconsciemment référence. Le système des millets a donné à ces groupes humains des garanties et leur a permis de se sentir en quelque sorte protégés. « Chrétiens d’Orient » signifie aussi « Chrétiens de l’Islam ». Les millets/nations sont en termes séculiers des catégories internes du droit public musulman ; ces catégories étant des divisions et subdivisions produites par l’histoire mouvementée de l’Église et des juridictions apparues à la suite des disputes théologiques d’un lointain passé, sans compter le courant uniate (union avec Rome d’une partie des communautés ecclésiastiques grecques orthodoxes) des XVIIe/XVIIIe siècles. Les rivalités historiques qui opposaient ces juridictions ecclésiastiques entre elles sont connues et on sait qu’elles se sont souvent plus disputées entre elles qu’avec le pouvoir musulman.

3 La « protection des minorités » dont on parle tant depuis le début des révoltes syriennes peut donc traduire un désir de maintien du statu quo des « millets » comme ils existaient à l’époque ottomane et qui a survécu à l’Empire des Osmanlis. Comme si le dialogue islamo-chrétien, en Orient, devait rester accroché aux problèmes de droit public avant que d’aborder la discussion théologique connue de tous : Marie et Jésus dans le Coran. Tout se passe comme si les chrétiens ne réussissaient plus à sortir de la matrice identitaire millet/communauté/confession. Il y a comme une difficulté pour les chrétiens à abandonner cette matrice et à s’acheminer vers l’espace public citoyen qui leur garantirait les droits de chacun. La grande question à laquelle les « millets chrétiens » mais également les groupes musulmans évitent de répondre est la suivante : comment être des citoyens ? Qui suis-je à l’intérieur de l’espace public ? Suis-je moi-même, entièrement et pleinement ? Ou suis-je l’écho d’une réalité externe à moi-même ? Et s’agit-il du moi membre souverain au sein de mon groupe « ecclésial » ou bien du groupe qui vit à l’intérieur de moi ?

4 Le problème est de construire « la citoyenneté commune » ; c’est ce que soutient depuis longtemps l’Église catholique et remonte plus précisément à l’époque où le cardinal Achille Silvestrini assista le pape Jean-Paul II dans la préparation du premier et unique synode consacré à un seul pays, le Liban, une fois terminée la guerre civile. On peut lire dans l’exhortation apostolique post-synodale de 1997, Une espérance nouvelle pour le Liban, une phrase en forme de recommandation aux chrétiens qui indique un tournant « épochal » : ils sont invités « à considérer leur insertion dans la culture arabe, à laquelle ils ont tant contribué, comme un lieu privilégié pour mener, de concert avec les autres chrétiens des pays arabes, un dialogue authentique et profond avec les croyants de l’islam. Vivant dans une même région, ayant connu dans leur histoire des heures de gloire et des heures de détresse, chrétiens et musulmans du Moyen-Orient sont appelés à construire ensemble un avenir de convivialité et de collaboration, en vue du développement humain et moral de leurs peuples ». Ce n’est pas rien si l’on considère qu’un des principaux intellectuels libanais, Charles Corm, écrivait encore au XXe siècle dans le quotidien Le Jour : « Mon frère musulman, comprenez ma franchise ; Je suis le vrai Liban, sincère et pratiquant ».

5 Donc ce qu’affirme le professeur Courban répond bien à la vision conciliaire qui règle notoirement ses comptes avec une ferme opposition des disciples de monseigneur Lefebvre, la Fraternité Saint-Pie X laquelle a refusé les innovations en profondeur dont le Concile Vatican II s’est fait le porte-parole et dont l’exhortation apostolique pour le Liban est une traduction moyen-orientale.

6 Il fallait évidemment, pour surmonter le scepticisme à l’égard des musulmans, un « cercle politique vertueux » et une nouvelle interprétation culturelle des maux qui affligent le monde arabe. C’est ce qu’a cherché à faire le fameux « Printemps des cèdres » au Liban, une action antitotalitaire partagée entre musulmans et chrétiens. Ce printemps s’accompagnait de la vision exprimée par un autre grand intellectuel arabe chrétien, Samir Kassir, assassiné à Beyrouth en 2005 : la citoyenneté ne jouit dans aucun pays arabe du minimum de garanties indispensable pour lancer un changement démocratique ; mais ce serait une erreur que d’imputer cette crise du concept de citoyenneté à une prédisposition culturelle alors qu’elle est en premier lieu l’effet d’une autre crise, celle qui investit l’État [2].

7 On trouve ici une vision claire qui propose une réponse extrêmement importante : le problème du monde arabe n’est pas « la nature intime de l’islam » mais l’échec étatique du nationalisme des « grands despotes laïcs » qui avaient pensé durant la première moitié du XXe siècle accélérer l’histoire et ont fini par accélérer seulement l’histoire des fondamentalismes. Ce n’est pas un hasard si le leader maronite Samir Geagea s’était justement rangé avec le musulman sunnite Rafic Hariri derrière le slogan « l’État d’abord ».

8 Or, au cours des années qui précèdent le cercle politique, au lieu de se faire vertueux, est devenu encore plus vicieux. L’invasion de l’Irak a objectivement fini par promouvoir au contraire de la démocratisation le démantèlement des États, abandonnant le terrain au seul confessionnalisme et à ses « zones homogènes ». Le professeur Sami Nader, maronite, avait clairement pris position à partir de son bureau à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth avant l’horreur de Mossoul, et ce avec une grande capacité de synthèse et de vision : « Depuis 2003 on laisse impunément éliminer physiquement et politiquement la direction sunnite modérée. Mais s’ils éliminent tous les modérés, qui restera-t-il ? ».

9 Ignorer que l’« islam éclairé » était fauché ou bien l’accepter, c’était d’une part favoriser les fondamentalismes, et de l’autre le « syndrome du millet » dans le camp chrétien où se renforçait l’idée qu’il y avait là une seule et unique possibilité de se préserver et en même temps la seule forme de vie possible en « Terre d’Islam ». Une certitude répandue, même si ce n’est pas ce que nous enseigne l’histoire et alors que la pensée conciliaire avait pleinement en mémoire l’expérience transjordanienne de Karak : y était en vigueur en pleine période ottomane un système tribal absolument dépourvu de référence à l’appartenance confessionnelle, au point qu’étant donné l’analphabétisme répandu les prêtres chrétiens remplissaient souvent les fonctions de cadi (juges musulmans).

10 Ce point de vue permet de s’orienter dans une perspective conciliaire quant aux faits récents. Et il convient à cet égard de ne pas partir de l’horrible conclusion du 21 juillet 2014, soit le jour où les communautés chrétiennes qui résidaient depuis des millénaires à Mossoul, l’antique Ninive, furent expulsées avec barbarie par les terroristes de l’État islamique, mais de commencer le 10 septembre 2013 c’est-à-dire la date cruciale pour le salut du régime syrien après l’attaque à l’arme chimique aux portes de Damas. Un salut que certains, même chrétiens, ont revendiqué comme un minimum dû à un régime « ami » lequel avait à leur avis subi un affront cynique et provocateur de la part de « rebelles ». Le nonce apostolique à Damas, monseigneur Mario Zenari, exprime une tout autre opinion dans l’interview qu’il m’a accordée : l’accord du 10 septembre 2013 sur la destruction de l’arsenal chimique de l’armée syrienne prouvait non seulement que Damas était en possession d’armes chimiques qu’il avait toujours nié posséder, mais qu’il acceptait qui plus est de les détruire en quelques heures. Ce qui confirmait de son point de vue qu’une communauté internationale unie aurait pu facilement obtenir beaucoup plus du régime syrien, à commencer par le respect des droits de l’homme : en faisant par exemple entrer de la nourriture et des médicaments dans les quartiers assiégés où l’on mourait littéralement de faim, « à quelques kilomètres à peine des pâtisseries de Damas, pleines à craquer de tous les produits ».

11 L’atroce expulsion des chrétiens de Mossoul s’était produite depuis peu quand le professeur Antoine Courban a adressé une lettre ouverte aux patriarches orientaux dans L’Orient-Le Jour : « Le support du discours chrétien en période de troubles, de guerres et de tribulations, c’est toujours la croix de la victime innocente, de toute victime innocente. Il y a deux mille ans, Jésus de Nazareth ne fit aucune distinction entre lui-même et le bandit crucifié à ses côtés, dont nous ignorons à quelle religion il appartenait » [3]. Sa préoccupation est évidente : dès les premiers jours du Printemps arabe, en 2011, le christianisme oriental se trouva à un carrefour entre la « permanence de millets éternels » et la « recherche de pleine citoyenneté » et coupé en deux : d’une part il y avait ceux qui appréhendaient le mouvement comme une chance unique ; de l’autre ceux qui le considéraient avec scepticisme sinon avec suspicion, convaincus que la phase romantique serait inévitablement suivie d’un gel fondamentaliste. Le patriarche chaldéen Louis Sako n’a pas voulu, pour sa part, se plier à pareille résignation ; tout de suite après le traumatisme des événements de Mossoul avec sa communauté persécutée et chassée par les terroristes du soi-disant État islamique début septembre 2014, il a souhaité participer à la rencontre religieuse promue par la Communauté de Sant’Egidio à Anvers afin de demander aux leaders musulmans de renoncer à toutes les interprétations littérales du Coran et d’embrasser une nouvelle herméneutique capable de sauver l’Islam, pour souligner ensuite que la guerre en cours n’était pas une guerre de religion et qu’elle infligeait aussi aux musulmans qui ne voulaient pas accepter la vision malade des terroristes d’atroces souffrances.

12 Il est évident qu’avec sa lettre ouverte aux patriarches le professeur Courban se faisait le porte-parole d’un camp chrétien qui voyait dans les massacres de Deraa, de Homs, de Hama, d’al-Qusayr, de Yarmouk, de la Ghouta, d’Idlib et de Yabroud des pages d’horreur à dénoncer et à condamner autant que l’atroce persécution des chrétiens de Mossoul. Tout compte fait, le pape Benoît XVI s’était adressé au cours de son voyage au Liban à de jeunes Syriens le 15 septembre 2012 en ces termes : « J’ai su qu’il y a parmi vous des jeune venus de Syrie. Je veux vous dire combien j’admire votre courage. Dites-le chez vous à vos parents et à vos amis, le pape ne vous oublie pas. Dites autour de vous que le pape est attristé à cause de vos souffrances et de vos deuils » [4]. Même les guerres balkaniques n’avaient pas atteint l’horreur de plus de 13 millions de personnes déplacées, soit la donnée rapportée pour la seule Syrie, un pays qui compte 22 millions d’habitants. Quelle peut être ici la solution ?

13 Tous ceux qui ne sont pas convaincus que la solution doit être recherchée dans les différents totalitarismes et despotismes n’ont pas hésité à appréhender dans l’empathie la signification profonde des Printemps arabes.

14 La Conférence épiscopale d’Afrique du Nord, par exemple, a immédiatement perçu en eux un « tournant historique » destiné à finaliser la « revendication de liberté et de dignité, en particulier de la part des nouvelles générations de notre région, et qui se traduit dans une volonté de reconnaître toutes les personnes comme des citoyens et des citoyens responsables » [5].

15 Comme les autres églises, de fait, les églises maghrébines disposaient de tous les éléments pour saisir l’énormité de ce qui s’était passé et la signification « politique » des événements ; le Printemps arabe, du fait de la substitution historique du slogan « le peuple veut » à « Dieu est le plus grand », répondait exactement à ce qu’indiquaient les évêques moyen-orientaux dans le document qu’ils avaient préparé pour le synode sur le Moyen-Orient convoqué avec une grande « vision » par le pape Benoît XVI au Vatican en 2009 : « La modernité pénètre de plus en plus profondément dans la société ; l’accès aux chaînes télévisées du monde et à Internet a introduit dans la société civile et parmi les chrétiens de nouvelles valeurs mais aussi une perte des valeurs. En réaction ce sont toujours plus les groupes islamistes fondamentalistes qui se répandent. Le pouvoir réagit par l’autoritarisme, le contrôle de la presse et des médias alors que la majorité aspire à une véritable démocratie (...) Dans de nombreux pays, l’autoritarisme, c’est-à-dire la dictature, pousse la population, y compris les chrétiens, à tout supporter en silence pour sauver l’essentiel » [6].

16 Ce texte rédigé par les évêques du Moyen-Orient avait quelque chose de visionnaire qui anticipait sur le sens du Printemps de 2011 alors imminent : les panarabismes et les panislamismes ne pouvaient plus suffire, les opinions publiques voulaient autre chose et surtout la redécouverte de soi-même en tant qu’individu détenteur de droits inaliénables.

17 Mais la peur que tous ces développements novateurs ne soient qu’illusion et qu’allait suivre la plus atroce des désillusions ne pouvait pas ne pas être absente dans nombre d’esprits : mieux valait donc ne pas s’illusionner. Un choix que beaucoup jugent aujourd’hui logique et prudent devant l’horrible « réalité de l’État islamique ». Ce qui n’a pas empêché Michel Hajji Georgiou, prix Gébrane Tuéni (du nom de l’intellectuel et homme politique chrétien bien connu et assassiné en 2005 à Beyrouth) d’écrire dans L’Orient-Le Jour justement alors que l’horreur de Mossoul était imminente : « D’abord, au niveau des faits, ce ne sont pas seulement les minorités, et les chrétiens, qui sont la cible de l’intégrisme sunnite, essentiellement représenté, sous sa forme la plus brute et la plus brutale, par Daech. Les populations syrienne et irakienne dans leur ensemble sont des victimes. La preuve en est que des tribus sunnites hostiles aux terroristes sont annihilées sans aucune pitié par les takfiristes [jetant l’anathème sur d’autres musulmans, ndlr], dont le premier ennemi reste le sunnite qui ne pense pas comme eux, qui n’a pas de place dans leur islam et qui doit donc mourir. En Syrie les opposants (notamment sunnites) de la société civile les plus hostiles au régime Assad ont été kidnappés ou liquidés par les milices islamistes, notamment Daech, ces dernières années (...) Encourager la montée de l’extrémisme était en effet le meilleur moyen d’ostraciser l’opposition, de lui ôter toute empathie et toute crédibilité aux yeux de l’opinion publique mondiale, et de la présenter progressivement, aux yeux de l’Occident, comme un monstre extrémiste assoiffé de sang. On comprend mieux, dans ce contexte, pourquoi le président Assad a amnistié en 2011 les futurs chefs extrémistes, laissant ensuite les événements suivre leur cours et le monstre Daech émerger, avec le financement et l’aide d’une multitude de parties aux agendas pas nécessairement convergents » [7].

18 Il faut donc comprendre ce que fut l’agenda de Bachar el-Assad quand les événements se précipitèrent et qu’il n’y avait pas encore de trace évidente de l’État islamique. Ziad Majed a présenté dans son précieux volume Syrie, la révolution orpheline[8] les six principes – ou les six commandements – de cet agenda dicté au régime syrien par ses alliés iranien et russe.

19 Le premier principe découle de l’impossibilité de reprendre les régions orientales et septentrionales du pays. D’où la nécessité de ravitailler les bases militaires, et surtout celles de la région d’Alep, par la voie aérienne le plus longtemps possible pour empêcher les insurgés de créer une continuité territoriale et faire obstacle au déploiement de leurs forces dans une région ou une autre.

20 Le second principe est de poursuivre les bombardements à longue distance, aériens et terrestres, des régions totalement libérées où le régime ne disposait plus de bases militaires, de sorte à leur infliger des dommages considérables et un coût humain extrêmement élevé, laissant les populations aussi souvent que possible privées de services publics, d’électricité, d’eau.

21 Le troisième principe consistait à concentrer l’offensive militaire dans quatre zones à reconquérir ou à détruire : les deux Ghouta à la périphérie de Damas, Homs et alentours, la route de Deraa à la frontière jordanienne, la région du Qalamoun jusqu’à la frontière libanaise. De la sorte seraient protégé Damas, ville symbole de la capacité du régime à faire front, et l’autoroute Damas-Homs-littoral, vital du point de vue militaire, maintenu sous contrôle, et qui menait à la région alaouite soit l’hinterland clanique des el-Assad.

22 le quatrième principe était de renforcer les « Forces de défense nationale » (nouvelle organisation paramilitaire) et les chabiha, ces supplétifs funestes, des bandes de jeunes alaouites fidèles au régime eux aussi une véritable formation paramilitaire habilitée à quelque action contre les civils que ce soit.

23 Le cinquième principe était l’envoi en Syrie de miliciens chiites des Hezbollahs libanais et irakien pour protéger les positions sensibles. Comme le relève Ziad Majed ailleurs dans son livre, avec l’intervention massive du Parti de Dieu libanais et celle de la milice irakienne – significativement nommée d’après le frère de l’Imam Hussein, Abou al-Fadl al-Abbas (lui aussi tué aux origines de l’Islam lors de la fameuse bataille de Karbala, fondatrice de la rupture entre chiites et sunnites) – on avait fait le choix de conférer une valeur religieuse d’affrontement entre sunnites et chiites à la guerre qui était menée en Syrie.

24 Le sixième principe consistait dans le lancement d’une bataille médiatique contre la révolution afin de la « jihadiser » aux yeux du monde. Le régime devait apparaître comme toujours plus aux prises avec al-Qaïda et les groupes associés : conséquence logique de cette transformation du conflit, Assad était seul à pouvoir « protéger » la minorité chrétienne.

25 On voit que l’utilisation des peurs chrétiennes était fondamentale dans la stratégie du régime qui faisait émerger la présence d’une compréhensible « défiance » vis-à-vis de l’Islam et l’« utilisait ». C’est ici qu’on peut déterminer une convergence avec ceux qui dans le camp chrétien sont ouvertement hostiles à la nouveauté du concile contenue dans la déclaration Nostra Aetate par laquelle l’Église catholique se pose le problème du rapport avec les autres religions non chrétiennes, affirmant que le genre humain entier a son origine en Dieu dont le dessein du salut s’étend à tous et que toutes les religions ont donc en commun la quête de réponses aux interrogations de l’homme.

26 Revenons à l’une des pages centrales de la tragédie syrienne, le siège de Homs durant lequel d’innombrables édifices – entre autres de nombreuses églises chrétiennes – furent bombardés et détruits. Un seul témoin étranger a assisté jusqu’aux derniers moments à ce siège féroce, le jésuite Frans Van der Lugt, assassiné quelques heures avant que le régime parvienne à reconquérir le cœur de la ville où il était resté durant 600 jours.

27 Parlant justement du début de ce siège et de ces bombardements un autre jésuite, le père Paolo Dall’Oglio, expulsé peu après de Syrie par le régime d’Assad, allait me délivrer en juin 2012 la reconstruction suivante : « Les églises ont été détruites par des bombardements indiscriminés de l’armée syrienne, voilà une évidence absolue niée seulement par les gens de mauvaise foi qui poursuivent un objectif politique ».

28 Le jésuite romain s’était précisément rendu dans la région avant d’être expulsé pour obtenir que soient relâchées des personnes de sa connaissance séquestrées.

29 « J’ai vu », me déclara-t-il dans les propos recueillis à Beyrouth aussitôt après son retour, « un des leaders de la révolution crier et faire crier devant quinze dépouilles de son village natal, de parents du reste sunnites “une seule Syrie pour les sunnites, pour les chrétiens, pour tous”. Mais l’islamisme militant et clandestin a été inoculé dans le contexte moyen-oriental. Le tout aggravé par le fait que de nombreux chrétiens redoutant l’islamisme se sont alignés sur la répression, faisant complètement abstraction des droits de l’homme ».

30 À qui se référait Paolo Dall’Oglio. Certainement pas à Basel Shehadeh, chrétien de Homs dont Alberto Savioli a raconté l’histoire tragique sur le site web Siria-libano[9] : « En mai 2012 mourut Basel Shehadeh, tué par un bombardement de l’artillerie du régime alors qu’il filmait et documentait les conditions humanitaires et ce qui se passait dans le quartier de Bab Sba’ à Homs. Basel Shehadeh était un jeune réalisateur – chrétien – et expert en informatique. Sur YouTube on l’a appelé « le martyr de la communauté chrétienne » afin de répéter face au régime que la révolution n’était pas confessionnelle dès lors que Basel se trouvait bien que chrétien aux côtés des présumés « terroristes » et vivait avec eux. La messe à sa mémoire aurait dû se dérouler le 31 mai dans l’église de Saint-Cyrille du quartier de Bab Tuma à Damas. Mais les services de sécurité du régime en ont empêché la célébration. Ils ont empêché la famille de prier pour le garçon assassiné. Et ils ne s’en sont pas tenus là : ils ont aussi arrêté quelques personnes arrivées pour suivre la messe. Amis et connaissances se sont toutefois rassemblés à l’extérieur de l’église et ont commencé à prier ; immédiatement entourés par les moukhabarats omniprésents et accusés d’être des « provocateurs ». Sans se laisser intimider ils ont continué à prier, allant jusqu’à entonner l’hymne national pour finir par entendre des coups de feu et par s’en aller. Par contre, une manifestation loyaliste a été mise en scène juste devant la maison de Basel Shehadeh et on en entonné le chœur bien connu : « Allah Surya Bashar w bas » (Dieu, la Syrie, Bachar et c’est tout).

31 Récit totalement différent de celui fourni en juin 2012 par monseigneur Philippe Tournyol Clos, « archimandrite catholique » et « témoin des massacres de chrétiens à Homs », envoyé à quantité d’organes de presse catholiques. Il écrivait à propos de la ville martyre définie comme telle : « Les forces d’opposition ont occupé deux quartiers, Bustan al-Diwan et Hamidieh où sont toutes les églises et les évêchés. Le spectacle est pour nous la désolation absolue. L’église Mar Elian est à moitié détruite et celle de Notre Dame de la Paix encore occupée par les rebelles. Le quartier de Hamidieh est toujours un refuge inexpugnable de groupes armés indépendants les uns des autres, dotés d’armes lourdes et financés par le Qatar et l’Arabie saoudite. Tous les chrétiens (138 000) ont fui à Damas et au Liban, d’autres se réfugiant dans les campagnes alentour. Un prêtre a été tué et un autre blessé à l’abdomen par trois projectiles. Il en reste une poignée mais les cinq évêques ont dû se réfugier à Damas et au Liban ».

32 Quelques jours plus tard, donc en juin 2012, s’est tenue au Vatican la rencontre annuelle de l’Assemblée de la réunion des œuvres d’aide aux églises orientales (ROAEO) avec le pape Benoît. Un participant fit savoir à certains organes de presse italiens et français que « monseigneur Philippe Tournyol Clos n’était pas archimandrite catholique, qu’il ne faisait plus partie de la hiérarchie catholique, qu’il n’avait jamais été à Homs et qu’il racontait des choses qui ne correspondaient pas à la réalité ».

33 Suite du communiqué de la source lors de la rencontre : « il s’est indubitablement avéré qu’il y a en Syrie des éléments infiltrés de fondamentalisme islamique et violent, mais l’écrasante majorité des insurgés n’en font pas partie et témoignent quotidiennement de leur solidarité et de leur proximité à la population chrétienne ».

34 Quelques jours plus tard je réalisai une interview avec monseigneur Mario Zenari, le nonce apostolique, lequel déclara : « Je me dois depuis longtemps de le préciser, la communauté chrétienne de Syrie n’a rien à voir en tant que telle avec ce conflit, mais parce quelle se trouve dans le même bateau ; les chrétiens sont eux aussi victimes des bombes et des attentats, mais je serais très attentif dans cette situation à ne pas tomber dans l’alarmisme et à ne pas parler des chrétiens de façon trop préoccupée. J’ai répété à plusieurs reprises que la Syrie n’est pas l’Égypte et qu’elle n’est pas l’Irak. Jusqu’ici – je dis bien jusqu’ici – les chrétiens souffrent comme tous, je ne vois pas de persécutions ou de discriminations particulières ; il y a dans le pays des hommes d’église vénérés par les musulmans. En outre dès lors que nous sommes dans une période de douleur et d’inquiétude il y a aussi le revers de la médaille et c’est le moment pour les chrétiens de témoigner de leur solidarité et de leur altruisme, le moment où l’Église et les chrétiens, les pasteurs en tête, peuvent s’adresser par leurs actes à la communauté de façon à ce que soit apportée de l’aide, comme le font beaucoup de sœurs, de religieux et ainsi de suite. Il n’y a pas de conflit interreligieux entre chrétiens et musulmans ; même si c’est une tout autre affaire pour d’autres composantes du pays, reste le fait que qu’en Syrie à la base les rapports entre chrétiens et musulmans sont depuis toujours très bons, que règnent la coexistence et la tolérance. Laissez-moi vous raconter un seul épisode, une des multiples “fleurs du désert”, quant aux témoignages chrétiens des mois qui précèdent et que je voudrais un jour recueillir dans un livre. La semaine passée le Saint-Siège a fait des démarches pour que les droits de l’homme soient respectés à Homs et afin de sauver les civils restés pris au piège dans une partie de la ville ; je sais que trois pères se donnent beaucoup de mal, qui cherchent à dialoguer avec les parties en conflit et ont réussi à mettre à l’abri des civils chrétiens et musulmans » [10].

35 Le témoignage du « faux archimandrite » a eu beaucoup d’écho. Mais qui est en réalité monseigneur Philippe Tournyol du Clos ? Le périodique français d’inspiration chrétienne La Vie a vérifié qu’il s’agit d’un adepte de monseigneur Lefebvre. Il a fait par le passé partie de la Fraternité de Saint-Pie X et il est un des fondateurs du groupe traditionaliste « Fraternité sacerdotale Saint-Pierre ». Il est également l’auteur d’études sur l’exorcisme et un partisan convaincu dès 2010 de la thèse d’un présumé génocide des chrétiens du Liban. En novembre 2011 – relate La Vie – il manifeste à Toulouse contre le spectacle blasphématoire de l’Italien Romeo Castellucci intitulé « Sur le concept du visage du fils de Dieu » ; se retrouvant à l’occasion en compagnie de groupes ultratraditionalistes catholiques, parmi lesquels évidemment les adeptes de monseigneur Lefebvre, mais aussi des salafistes français de Forsane Alizza donc d’une organisation qui sera dissoute peu après pour avoir incité ses propres disciples à la guerre sainte, et de groupes antisionistes pro-Iran soi-disant « défenseurs du visage de Jésus-Christ.

36 Donc, quand l’« agenda syrien » exposé par Ziad Majed fut mis en pratique avec l’intervention du Hezbollah et des autres milices khomeynistes en Syrie, la pression sur l’opinion publique catholique pour qu’elle reconnaisse dans les faits syriens le produit d’un conflit islamo-chrétien était forte. Ce n’est pas un hasard si le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, a voulu le marteler avec son habituelle clarté à l’occasion du consistoire consacré au Moyen-Orient et convoqué par le pape François le 20 octobre 2014 : « Les catholiques, ce petit troupeau, ont vocation de levain dans la masse. Unis entre eux et avec les fidèles des autres Églises et confessions chrétiennes, tout en collaborant avec ceux qui appartiennent à d’autres religions, avant tout les musulmans, ils sont appelés à être les artisans de paix et de réconciliation et ils doivent, sans céder à la tentation de chercher à se faire protéger et défendre par les autorités politiques et militaires du moment pour « garantir » leur propre survie, offrir une contribution irremplaçable aux sociétés respectives se trouvant dans une processus de transformation en direction de la modernité, de la démocratie, de l’État de droit et du pluralisme » [11].

37 Voilà la question qui se pose actuellement au monde catholique : croire en une « Alliance des minorités », ce qui risque de semer la méfiance entre sunnites et chrétiens et par là d’aggraver les conditions de part et d’autre, ou bien défendre la voie culturelle indiquée dès l’époque de Jean-Paul II et du cardinal Achille Silvestrini, celle de chrétiens qui se font en tant que citoyens de leurs pays les promoteurs naturels d’une société d’égalité citoyenne.

38 Les partisans de la seconde thèse rappellent que le Printemps syrien, comme les autres printemps, était né non-violent et doté d’un agenda non islamiste. Précieux témoignage, le livre de Sofia Amara « Infiltrée dans l’enfer syrien » [12]. C’est un récit en prise directe qui désigne deux jeunes femmes nommées Zeituni et Atassi, animées par une vision laïque de la société, comme les principaux promoteurs de la révolte.

39 La gestion du conflit semblait tendre à l’islamisation de cette société : on avait commencé par éliminer le leadership modéré sunnite avec l’attentat contre Hariri en 2005, puis on était passé au nettoyage ethnique de toute la vallée de l’Oronte, enfin avec l’amnistie de 2012 en Syrie et les évasions des pénitenciers irakiens de l’époque Maliki on avait favorisé l’émergence de l’État islamique. Des développements auxquels avaient sûrement contribué sur le versant opposé les monarchies du Golfe désireuses de transformer le Printemps arabe en une insurrection islamiste contre Assad par peur évidente d’une contagion démocratique. Il n’y a pratiquement pas de reconstruction de l’histoire de ces dernières années qui omette de rappeler les armes et les valises pleines de liquide transportées à partir du Golfe à destination de quiconque s’offrait à les récupérer le long de la frontière turco-syrienne et remises par la suite aux groupes islamistes de Liwa al-Tawhid, Ahrar al-Cham et Jaysh al-Islam. Une horrible réalité perpétuée avec les financements de l’État islamique lui-même par des milieux nantis de l’extrémisme wahhabite du Golfe pour la pure et simple raison qu’ils partagent, indépendamment des orientations de leurs gouvernements, le projet du calife.

40 A été de la sorte créée une situation d’affrontement sectaire dont ne pouvaient que sortir renforcées les deux grandes hérésies déterminées par Olivier Carré : le khomeynisme et le wahhabisme.

41 Reste-t-il à ce stade aux chrétiens une autre perspective que la quête de « protection » ? Les paroles du cardinal Pietro Parolin semblent mener dans la cohérence et avec courage à une réponse affirmative : les chrétiens ont un rôle à jouer en tant que chrétiens au Liban, en Syrie et en Irak ; ce rôle consistant à empêcher que cette tragédie dégénère en guerre civile totale entre sunnites et chiites. Et de quelle façon ? Le patriarche chaldéen Louis Sako, justement, nous indique avec tout autant de courage la route à suivre : travailler à créer un front commun avec les musulmans contre les fondamentalistes. Ce qui revient en substance à l’engagement pour recréer « la citoyenneté », c’est-à-dire un tissu et une perspective communs, la société du vivre-ensemble ; nous sauver nous-mêmes, donc, en sauvant la Syrie ainsi que le Liban et l’Irak. Dans les termes de Samir Kassir, construire les États comme États de tous.

42 En somme les chrétiens, outre qu’ils sont des « Arabes » comme leurs concitoyens sunnites et chiites, n’ont pas de milices ni d’autorités militaires de référence. Ils sont donc les seuls et uniques honest brokers (honnêtes courtiers) présents sur le terrain ; les seuls à pouvoir au nom d’un dessein de paix solliciter du monde, dans la connaissance et l’estime réciproques entre toutes les communautés, une initiative internationale destinée à désarmer les hégémonismes opposés. Quelle en serait la formule ? Elle est désormais ancienne, c’est celle de Taef : même si elle n’a jamais été pleinement appliquée à cause du diktat syrien, elle a sauvé le Liban d’une guerre civile qui durait depuis quinze ans. Il suffit d’en prendre connaissance et de la soumettre à la communauté internationale ainsi qu’aux communautés moyen-orientales en tant que voie de la sagesse pour construire les États du vivre-ensemble.

43 Taef apportait beaucoup d’éléments nouveaux puisque l’architecture politique élaborée envisageait pour le Liban une Chambre élue selon le principe one man, one vote, de façon à intégrer les droits de l’individu dans l’agenda politique, et un Sénat des communautés élu sur base paritaire entre chrétiens et musulmans afin de placer le Liban hors de « France » et hors de la Terre d’Islam. Comme me l’a dit Samir Frangié qui fut l’un des principaux artisans des accords de Taef : « En ouvrant une fenêtre non totalitaire dans cette région, le Liban s’est fait messager arabe en direction du Levant arabe et avec un message très simple. Il ne suffit plus de coexister parce qu’on peut aujourd’hui coexister en tant que séparés dans une même demeure. L’amère leçon de la guerre civile est que nous devons apprendre à vivre ensemble. Une société complexe où les différentes communautés sont appelées à être reconnues non pas comme « minorités » mais comme composantes culturelles de la société a besoin de la démocratie consensuelle pour rassurer les différentes communautés religieuses. C’est seulement ainsi que les différentes traditions retrouveront une valeur et un poids sociaux, avec des individus qui ne les perçoivent plus comme en danger ou en tant que casernes. Voilà le message... La guerre du Liban a été riche d’enseignements parce que la violence n’obéit pas aux normes connues. Et de fait notre guerre n’a pas été une guerre d’indépendance, ni une guerre identitaire, non plus qu’une guerre ethnique ou une guerre communautaire. Il est difficile de la classer parce qu’elle intégrait toutes ces catégories à la fois. Elle a été une guerre entre États, mais aussi une guerre de libération nationale, une guerre communautaire entre chrétiens et musulmans, mais également une guerre à l’intérieur des communautés. Elle a été la guerre d’Israël au nom de son projet d’alliance des minorités contre la majorité musulmane, mais aussi la guerre de la Syrie au nom de la Grande Syrie dans ses frontières historiques. Les dénominations permettant de classer cette guerre varient en outre d’une phase à l’autre, l’unique constante étant la violence elle-même alimentée par une mémoire “historique” chargée de tous les maux du passé. C’est pourquoi le terme de “violence” est toujours forclos. On parle d’agression, de réaction, de complot, de représailles, de légitime défense, de résistance, de vendetta... afin de masquer une réalité que personne ne veut reconnaître. Même les concepts que nous autres “de gauche” utilisons habituellement comme “lutte de classe”, “guerre de libération nationale”, “violence révolutionnaire” ont révélé leurs limites. Le fait est que la violence a un caractère mimétique, comme l’explique René Girard, de sorte que chacun devient le double spéculaire de son adversaire. La violence se fonde sur la réciprocité, tout en étant la somme de moments qui ne sont pas réciproques parce que les protagonistes n’occupent jamais la même position au même moment mais successivement... C’est alors que seul l’abandon inconditionnel de la “violence” peut nous sauver de la “violence mimétique”. Ces idées de René Girard ont donné une nouvelle orientation à mon engagement pour le dialogue. Entre chrétiens et musulmans, entre Libanais et Libanais, entre Libanais et Syriens. Pour arrêter la violence, en vérité, que devons-nous faire ? Obtenir un cessez-le-feu ? Faire la paix ? Mais quelle paix ? Une paix “glorieuse”, la paix des braves, ou une paix banale, mesquine ? Et dans ce cas que deviendront les grands principes au nom desquels nous nous sommes allègrement massacrés les uns les autres pendant des décennies ?

44 Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre que le contraire de la violence n’est pas la paix, la paix entre communautés, mais le lien, le lien entre individus appartenant à différentes communautés et différents groupes. J’ai ainsi compris que l’objectif de notre dialogue, une fois le pays pacifié, ne devait plus être la recherche d’un compromis mais la définition d’un projet de vie en commun. C’est l’idée du vivre-ensemble, profondément différente de celle de la coexistence communataire » [13].

Notes

Riccardo Cristiano [1]
  • [1]
    Journaliste à la Rai, expert du Moyen-Orient. Communication au Centro Astalli, section italienne du Jesuit Refugee Service (JRS), 14 janvier 2014.
Traduit de l’italien par
Esther Baron
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/11/2015
https://doi.org/10.3917/oute1.044.0055
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