CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Avec l’essor des États-nations, l’agriculture a progressivement été délaissée par les villes au profit du niveau national, puis européen. Les États et l’Europe se sont clairement affirmés après la seconde guerre mondiale comme niveaux privilégiés de régulation du secteur agro-alimentaire (Friedmann, 1993) [1]. Dans le même temps, les villes se sont développées en considérant et utilisant les terres agricoles comme des réserves foncières au service de leur urbanisation future (Jarrige, Jouve et Napoleone, 2003). Le retour de la question agricole et alimentaire à l’agenda politique des territoires urbains est donc récent. Ce mouvement a émergé dans les années 1990 dans les pays anglosaxons autour de la question de l’accès à une alimentation abordable, saine et nutritive (Morgan et Sonnino, 2010 ; Sonnino, Moragues Faus et Maggio, 2014). La faim et la malnutrition, censées être des problématiques réservées aux pays en développement, sont en effet réapparues dès les années 1980 dans les villes d’Amérique du Nord paupérisées par la crise et le reflux des politiques fédérales. Face au retour de l’insécurité alimentaire, il s’agit alors de lutter contre la précarité alimentaire (Pothukuchi et Kaufman, 2000) et les food deserts caractéristiques des banlieues pauvres (Cummins et Macintyre, 2002). Les villes nord-américaines (comme Toronto ou Baltimore) ont mis en place des food policy councils (Stierand, 2012) dès les années 1990 pour répondre à des objectifs d’accès à la nourriture des populations les plus démunies. En France, les politiques alimentaires (re)viennent à l’agenda urbain plus tardivement, dans les années 2010 (Brand et al., 2017), avec un cadrage différent. Les politiques qui s’élaborent sont d’abord vues comme un moyen de reconnecter producteurs et consommateurs autour du « bien manger », par opposition à une alimentation issue du système alimentaire agro-alimentaire en proie à une série de crises environnementales et sanitaires (Fouilleux et Michel, 2020). La consommation de produits issus de l’agriculture locale se traduit par le développement de circuits courts et plus largement de l’approvisionnement des urbains en produits locaux issus d’une agriculture biologique ou écologique. Ces initiatives sont aussi valorisées en termes de marketing territorial par les collectivités qui investissent la question agri-alimentaire.

2 C’est dans ce contexte que la Métropole de Montpellier a développé depuis 2015 une Politique Agricole et Alimentaire (dite « P2A ») visant à réorienter pour partie les activités agricoles vers la production agroécologique et les circuits locaux de commercialisation. Un des objectifs de la P2A [2] est la mise à disposition de foncier public pour des agriculteurs. Il s’agit de promouvoir une agriculture « nourricière » définie comme devant produire une alimentation locale, saine et durable à destination des habitants du territoire métropolitain. Pour répondre à cet objectif, l’attribution de foncier public aux agriculteurs se fait sur appel à projets. Issu de la boîte à outils du New public management, l’appel à projets est devenu depuis une quinzaine d’années un instrument d’action publique qui s’est routinisé (Breton, 2014) mais dont l’usage à destination des agriculteurs est nouveau. Il se présente ainsi comme un nouveau « dispositif à la fois technique et social » (Lascoumes et Le Galès, 2004) pour organiser les rapports entre les agriculteurs et l’intercommunalité, porteur de représentations et significations propres. En effet, jusqu’à présent, le monde agricole n’était pas organisé sur un modèle d’agriculture multifonctionnelle mais selon une logique sectorielle (Muller, 1990 ; Trouvé, 2009). La production agricole s’est spécialisée par filière et par bassins de production régionalisés, raison pour laquelle les agricultures périurbaines sont davantage le reflet de ces bassins sectoriels que celui d’une agriculture remplissant des fonctions pour la ville. Le monde agricole a toutefois expérimenté la négociation avec des interlocuteurs locaux de plus en plus diversifiés, grâce, par exemple, au rôle consultatif des Chambres d’Agriculture dans les Plans Locaux d’Urbanisme, les Schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les grands projets d’aménagement. Cependant, ces expériences relèvent principalement des institutions représentatives du monde agricole (Chambre d’agriculture et SAFER en particulier) sans que l’agriculteur ou le collectif local ne soit l’interlocuteur direct des acteurs de l’aménagement. La P2A de Montpellier peut donc être vue comme un lieu où les agriculteurs sont convoqués, interpellés, et appelés à participer hors des cadres sectoriels déjà établis (Michel, Soulard et Chia, 2018). Se pose alors la question de savoir comment ils se saisissent des projets d’allocation foncière portés par la P2A de Montpellier.

3 L’hypothèse de cet article est qu’il existe un décalage entre les façons de faire des agriculteurs et de leurs représentants, et la façon dont l’offre de participation se présente à eux dans le cadre de la P2A. Nous faisons aussi l’hypothèse que ce décalage produit des effets différents selon les contextes socioprofessionnels et géographiques de leur mise en œuvre. Afin d’explorer ces hypothèses, l’article s’appuie premièrement sur une analyse rétrospective des relations entre acteurs agricoles et urbains de la région de Montpellier. Cette analyse montre comment un système agraire viticole a structuré ses relations au fil du temps avec le monde urbain. Ces résultats permettent alors d’approfondir notre question en analysant trois dispositifs d’allocation foncière mis en œuvre par la P2A. Si l’approche historique révèle le poids du système viticole local, cette approche par les dispositifs permet de révéler des stratégies différenciées, portées par des acteurs agricoles aux profils divers. Nos résultats ouvrent à une mise en perspective des spécificités de la participation agricole et de ses relations avec l’action publique locale.

L’hypothèse d’un décalage entre pratiques agricoles et offre de participation métropolitaine

4 L’offre de participation via la P2A vise à reconnecter les agriculteurs au territoire en les intégrant à un projet territorial. Or, le système alimentaire agro-industriel s’est construit sur une distanciation croissante entre les mangeurs et leur alimentation (Fischler, 1990). Cette distanciation est à la fois géographique, économique, cognitive et sociale (Bricas, Lamine et Casabianca, 2013). Ainsi, l’alimentation de la Métropole de Montpellier est fournie par des aliments dont l’origine est lointaine. Inversement, l’agriculture locale, dominée par la monoculture de la vigne, trouve majoritairement ses débouchés à l’extérieur de la région métropolitaine. Les viticulteurs sont inscrits dans des filières longues de plus en plus internationalisées. Dans les années 1970-1980, la crise de la viticulture languedocienne a été suivie par un arrachage massif des vignes en plaine et un virage qualitatif conduisant à privilégier la viticulture en coteaux. Les terres de plaine laissées ainsi vacantes dans la Métropole ont été investies par des cultures non pérennes (blé dur, fourrages, melon, fruits et légumes annuels) ou abandonnées (enfrichement). De même, de nombreuses conversions en agriculture biologique sont en cours [3], avec, en périurbain, un nombre significatif d’installations nouvelles en maraîchage [4]. Pourtant, ces nouvelles cultures plus proches de la demande urbaine, sont essentiellement commercialisées en dehors du marché local. En outre, une analyse en termes de métabolisme urbain (Barles, 2010) montre que, quand bien même la totalité des productions locales seraient consommées localement, elles ne parviendraient pas à nourrir la population de l’agglomération montpelliéraine. Et même si toutes les terres agricoles de la métropole étaient dédiées à des productions vivrières, elles n’y suffiraient pas [5]. L’approche territoriale portée par les élus urbains apparaît ainsi en décalage avec la logique sectorielle majoritaire des agriculteurs sur le territoire. Alors que la métropole attend des agriculteurs qu’ils répondent aux demandes alimentaires de proximité, on constate, comme dans d’autres régions urbaines tout aussi spécialisées, un décalage entre la demande en produits de proximité et la capacité des agriculteurs locaux à y répondre.

5 En outre, l’appel à la participation des agriculteurs au projet territorial de la Métropole se heurte à des modes de représentation et de participation du monde agricole spécifiques, via le syndicalisme majoritaire considéré comme le représentant unique des agriculteurs. En Languedoc, les viticulteurs [6] se sont organisés collectivement dès 1907 pour défendre leurs intérêts face à l’État via la Confédération générale des vignerons (CGV) (Martin, 1998) [7]. Bien que proches des socialistes, les leaders de la CGV ont intégré la FNSEA lorsqu’elle a été créée en 1946, tout en maintenant une très forte autonomie. Ses élus, liés à la SFIO [8], ont pris la tête de la FDSEA de l’Hérault (Dedieu, 1998). Malgré les lignes de fractures présentes dès l’origine dans le monde viticole héraultais (caves particulières versus caves coopératives entre autres), les viticulteurs ont construit un front uni, représenté par la CGV/FDSEA. Des relations solides et symbiotiques entre élus agricoles et élus locaux se sont institutionnalisées au service de la gestion des intérêts viticoles. À cette époque, les viticulteurs siègent dans les conseils municipaux, où ils représentent les intérêts agricoles. Les « élus du vin » (Dedieu, 1998), véritables porte-paroles de la viticulture et du milieu rural languedociens défendent ses intérêts à tous les niveaux, parlementaire en particulier, face à la concurrence montante notamment des vins d’Italie et d’Espagne.

6 Ainsi, les liens entre élus locaux et viticulteurs sont historiquement très forts et axés sur la défense des intérêts sectoriels de la viticulture locale dans la concurrence nationale et internationale. La participation des agriculteurs à des projets de développement territoriaux [9] n’est alors pas un objet en soi, du fait de la présence encore significative d’agriculteurs dans les conseils municipaux d’une part et de la panoplie limitée des compétences alors dévolues par l’État aux collectivités d’autre part. Jusqu’aux années 1960, Montpellier est une « ville viticole » dont une grande partie de l’économie repose sur la rente viticole et sur le négoce des vins (Dugrand, 1963). Plus largement, Montpellier s’inscrit dans un système régional dominé par les paysages, activités et industries viticoles (Auriac, 1984).

7 À Montpellier, ce néo-corporatisme viticole a pris un tour nouveau avec la croissance urbaine à partir des années 1970. Dès les années 1960, avec l’accueil des rapatriés d’Algérie, se met en place un modèle d’action aménagiste basé sur la construction de logements, d’infrastructures, de services pour accueillir de nouvelles populations. Le développement rapide de cette dynamique résidentielle se traduit par une nouvelle forme de collaboration entre la ville et certains viticulteurs de l’agglomération, également propriétaires fonciers. S’établit un échange politique entre le soutien municipal à la filière viticole et la mutation urbaine d’une partie du foncier agricole [10] en retour. La Chambre d’Agriculture elle-même, en tant qu’organisation consulaire représentante des agriculteurs, adopte une attitude ambivalente. Elle affiche d’un côté un discours vigoureux de défense des terres agricoles et d’accès au foncier pour les jeunes agriculteurs. D’un autre côté, elle peut être amenée à accompagner le passage de terres agricoles en zones urbanisables, perçu comme une prime de retraite pour les agriculteurs (propriétaires) en fin d’activité :

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Nous notre métier c’est d’installer quelqu’un qui vit de son métier. On se centre sur l’agriculteur : la vivabilité de son activité (la qualité de vie), la viabilité de son entreprise. En même temps, les agriculteurs ont de si faibles retraites qu’avec la SAFER on doit garder sous le coude pour eux les possibilités de tirer parti de la vente de terrains à urbaniser pour améliorer leur condition… (Conseiller Chambre d’agriculture, 2018).

9 Du côté de la Métropole, il y a aussi un décalage entre l’injonction récente à construire des politiques agricoles et alimentaires (Brand et al., 2017) et sa capacité effective à s’engager dans cette construction complexe et risquée. Les métropoles se sont développées en tournant le dos à toute identité agricole. Elles n’ont a priori aucune compétence spécifique pour investir ce nouveau champ d’action publique : ni en matière agricole, ni en matière alimentaire. La cogestion de la politique agricole a historiquement été organisée à l’échelle nationale, sur la base d’un système fédéral de maillage départemental. De fait, le Département de l’Hérault joue un rôle ancien en matière agricole. Il s’est beaucoup investi pour soutenir la viticulture et accompagner sa reconversion. De même, au nom de sa compétence économique, la Région [11] a accompagné son virage qualitatif et international en créant la marque commune « Sud de France » (Cheriet et Aubert, 2012). L’EPCI urbain n’a donc pas de légitimité évidente à investir ce domaine : ni compétences légales, ni moyens, ni expertise. En outre, le paradigme aménagiste profondément enraciné au sein des élites politico-administratives locales a conduit à envisager les terres agricoles non comme un outil de production alimentaire mais comme une réserve d’urbanisation future. La consommation des espaces agricoles s’est ainsi poursuivie à un rythme effréné (200 ha/an en moyenne entre 1960 et 2000 [Jarrige et al., 2009]). Cet étalement urbain a contribué à accueillir une population croissante, la population de l’agglomération passant d’environ 183 000 habitants en 1968 à environ 830 000 en 2015 (source : INSEE, RGP). L’étalement urbain a été remis en question une première fois via la conception du nouveau Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) au début des années 2000. Il acte le passage d’un référentiel aménagiste à un référentiel aménagiste « durable », cherchant justement à fixer via le zoning des limites à l’étalement urbain (Jarrige et al., 2009 ; Perrin, Jarrige et Soulard, 2013).

10 Ainsi, si des relations entre les responsables politiques de Montpellier et ses agriculteurs existent, elles se sont historiquement constituées principalement autour du secteur de la la viticulture. Cependant, les référentiels d’aménagement et de développement évoluent rapidement. Après le test d’instruments permettant de limiter la croissance urbaine, l’EPCI est amenée à porter une nouvelle expérimentation à travers un angle plus économique et social : comment renouveler la population agricole locale nourrissant les urbains ? L’EPCI à travers sa P2A (2015-2020) promeut la vision d’un renouvellement agricole s’appuyant de façon privilégiée sur les demandes des urbains en matière d’environnement et d’alimentation.

11 Ainsi, « l’intégration de l’agriculture – autrement que comme réserve foncière – constitue une dimension inhabituelle pour les constructeurs de la ville. La participation à la logique urbaine ne va pas de soi pour le monde agricole » (Jarrige et al., 2009). Nous faisons l’hypothèse d’un décalage entre les nouveaux espaces de participation proposés par les territoires urbains en matière de gouvernance du foncier agricole périurbain et les modalités privilégiées de participation des viticulteurs, basées sur des organisations professionnelles représentatives. Cependant, les instances de représentation professionnelle sont majoritairement pilotées par des profils d’acteurs (viticulture, agriculture conventionnelle) qui ne correspondent pas à ceux attendus par le projet alimentaire métropolitain. Cette offre politique nouvelle trouverait a priori davantage d’écho auprès de profils d’agriculteurs alternatifs plus en phase avec les mots d’ordre urbains relatifs à la relocalisation alimentaire. Mais ces derniers sont peu nombreux sur le territoire métropolitain et intégrés pour partie à des organisations « alternatives » (CIVAM, ADEAR [12], etc.) qui elles-mêmes ne sont pas des interlocuteurs habituels et légitimes de la Métropole. En outre la Métropole, amenée à poursuivre la consommation de terres agricoles pour l’urbanisation et novice sur les questions d’agriculture et d’alimentation, doit construire sa légitimité (et sa compétence) pour intervenir sur ces questions. C’est alors par le biais du foncier qu’elle détient que la Métropole trouve un point d’entrée pour engager sa politique agroécologique et alimentaire. Elle élabore des dispositifs destinés à soutenir des installations agricoles sur des projets qu’elle veut multifonctionnels et respectant les principes de l’agroécologie. Nous en avons analysé trois, à partir d’une démarche qui conjugue analyse documentaire, observation participante et enquêtes par entretiens (encadré 1).

Encadré 1 : Contexte et démarche de recherche.

Cette recherche s’appuie sur une observation participante menée par deux de ses auteurs depuis 2013 et une thèse CIFRE (Convention industrielle de formation par la recherche [www.anrt.asso.fr]) réalisée par le troisième à la Métropole de Montpellier. Ce travail a permis d’observer et de participer à la conception et à la mise en œuvre de la nouvelle politique agricole et alimentaire lancée par l’EPCI de Montpellier en 2015. La thèse en particulier a ouvert l’accès aux éléments suivants : archives de l’EPCI (depuis sa création, en 1965) et travaux concernant l’aménagement (révision du SCoT ; mise en œuvre d’associations foncières agricoles) ou le développement (installation agricole ; redéploiement du pastoralisme ; structuration de filières alimentaires territorialisées). Elle a aussi permis de mettre en contexte et de suivre en situation plusieurs arènes de fabrique de la nouvelle politique publique et ainsi de réaliser les chroniques de dispositifs (Paoli et Soulard, 2003) mobilisées dans cet article. En complément, des entretiens ont été réalisés auprès d’agriculteurs (treize viticulteurs ; onze maraîchers ; six éleveurs et cinq autres agriculteurs), d’agents de développement (douze agents territoriaux, issus de communes et de l’EPCI ; neuf agents de développement agricole, dont cinq issus d’Organisations professionnelles agricoles (OPA) et quatre s’inscrivant dans le réseau « Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale » [InPACT] et d’élus, agricoles [six personnes] et territoriaux [quatre maires]).

12 Les trois sections suivantes restituent l’analyse de dispositifs d’allocation de foncier en examinant plus précisément la participation (institutionnelle ou non, visible ou discrète) des agriculteurs, plus spécifiquement dans la phase de conception et d’élaboration de démarches d’allocation de foncier public à visée agricole en région urbaine. Nous décrirons d’abord la mise en œuvre d’un « Agriparc » qui constitue un premier dispositif faisant appel aux agriculteurs de la Communauté d’Agglomération. Nous présenterons ensuite deux nouveaux dispositifs issus de la mise en place de la politique agri-alimentaire (P2A), dans le sillage de la création de la Métropole à partir de 2015 : l’un vise l’installation de « petites fermes nourricières », l’autre concerne la réintroduction du pastoralisme en garrigue.

L’amenagement d’un agriparc : la reorientation du projet territorial par les acteurs de la viticulture

13 À Montpellier, le SCoT – document fondateur de l’EPCI en termes d’aménagement – approuvé en 2006 propose une « inversion du regard » entre urbanisme et agriculture. La montée des questions environnementales (et du vote vert à Montpellier) amène par la suite la Communauté d’Agglomération de Montpellier (CAM) à se lancer en 2010 dans une démarche d’Agenda 21 Local. À cette occasion, l’EPCI approfondit son nouveau regard sur les terres agricoles en y inscrivant le concept « d’Agriparc » en vogue dans les villes européennes. Il s’agit de l’aménagement de sites agricoles et naturels destinés à répondre aux nouvelles fonctions attendues par les urbains : paysage, recréation, mais aussi alimentation de proximité (Jarrige et Perrin, 2017).

14 En 2010, la CAM acquiert le domaine de Viviers situé au Nord de Montpellier dans une perspective de réserve foncière conforme au référentiel aménagiste dominant à Montpellier (Hasnaoui Amri, 2018). Au même moment l’Agenda 21 affiche le concept d’Agriparc comme solution de « durabilité » pour l’EPCI mais manque de réalisations concrètes. La décision de faire sur le domaine de Viviers un Agriparc répond ainsi moins à un problème clairement défini, qu’à la rencontre fortuite entre ces deux approches au départ totalement distinctes. Ce processus illustre assez bien le modèle de la poubelle [13] (Cohen, March et Olsen, 1972), une solution dans l’air du temps (Agriparc) rencontrant fortuitement un problème (que faire de Viviers ?). Cette question se pose car le domaine est situé en limite de SCoT. Il est grand et constitué de bois, de terres agricoles et d’un bâti. Les élus se servent du domaine pour signifier la limite proposée dans le SCoT, entre une partie au Sud temporairement agricole car située à proximité du continuum urbain, et une partie au Nord destinée à être agricole dans la durée, de façon à marquer une limite urbaine. La CAM entend donner corps au concept d’Agenda 21 Local mais ne dispose pas alors d’un projet concret plus précis. En effet, en interne, la CAM ne dispose pas de compétences pour opérationaliser le projet de l’Agriparc. La CAM définit l’Agriparc comme un espace multifonctionnel, destiné à répondre aux attentes variées des urbains, autant environnementales, alimentaires que ludiques (CAM, 2011) [14].

15 La CAM veut plus précisément une protection agricole à deux vitesses : à long terme via l’installation pérenne de viticulteurs ; à plus court terme via l’octroi temporaire de terres potentiellement urbanisables à des producteurs de cultures annuelles (fourrages ; céréales ; melons). Elle s’appuie sur ses partenaires habituels, représentants du néo-corporatisme agricole local : la Chambre d’agriculture et la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) à laquelle elle délègue la tâche de gérer l’allocation des terres. La SAFER soutient la viticulture locale en réservant les meilleures terres à des « professionnels » de manière à garantir la rentabilité des exploitations. Un des arguments justifiant ces critères de sélection est celui du nécessaire renouvellement générationnel : les coopérateurs sont vieillissants, et les jeunes (viticulteurs) ont des difficultés pour accéder à du foncier. La seconde catégorie d’agriculteurs sélectionnés par la SAFER concerne des agriculteurs « nomades » en grandes cultures. Il s’agit d’agriculteurs cherchant à valoriser des espaces agricoles vacants dont ils ne sont pas propriétaires, même s’ils ne sont disponibles que temporairement [15]. Surveillant toutes nouvelles opportunités foncières qui pourraient s’ouvrir sur leur territoire d’activité, ils argumentent sur l’aspect visuel « propre » des cultures installées, et sur leur dimension « temporaire » (ne présentant pas un frein à l’urbanisation future). Il s’agit donc d’une « clientèle » agricole habituée à négocier avec les propriétaires fonciers périurbains, tant publics que privés, en lien avec la SAFER et la Chambre. Elle est aussi parfaitement ajustée au paradigme aménagiste : elle valorise visuellement des espaces en bordure urbaine et n’obère pas une urbanisation future.

16 Enfin, à côté de ces acteurs traditionnels, deux projets maraîchers ont été retenus. Le premier est porté par un jeune couple de maraîchers en installation. Le second projet maraîcher est porté par TerraCoopa, un espace-test agricole créé en 2010 par une association agricole s’occupant d’installation d’agriculteurs hors cadre familial. L’installation de la couveuse est utilisée comme argument de communication politique de la collectivité. Ainsi, des « néo-agriculteurs » porteurs de projets agricoles alternatifs « agroécologiques » vont être accueillis sur l’Agriparc, et ce à grand renfort de communication dans la presse locale [16].

17 Il est maintenant intéressant d’analyser les effets de cette captation du projet d’Agriparc par les acteurs de la cogestion, sur l’allocation des terres agricoles (tableau 1). Sur l’ensemble de ce domaine (192 ha), seules les terres agricoles (111 ha) sont proposées aux agriculteurs. Ni les zones classées « naturelles » (environ 80 ha), ni le bâti (à l’abandon) ne sont proposés, pour des raisons légales (enjeux de sécurité) et de stratégie de développement urbain : attente d’investisseurs potentiels intéressés, issus d’autres sphères que l’agriculture. L’espace activé est donc centré sur les terres arables. Au total, seulement 20 % des terres sont dédiées à des cultures vivrières qui correspondent potentiellement à la demande des urbains et 80 % des productions sont issues d’une agriculture conventionnelle et sont écoulées via des filières longues. C’est donc une logique de production agricole conventionnelle qui l’emporte sur les objectifs d’alimentation de proximité. En outre, aucun dispositif n’a été prévu pour vérifier que le système de culture mis en place corresponde à ce qui était annoncé ou prenne en compte les objectifs environnementaux ou pédagogiques prévus au cahier des charges de l’Agriparc.

18 Tout s’est passé comme dans un cas traditionnel d’allocation de foncier agricole privé par la SAFER, à l’exception de l’installation des jeunes maraîchers, de l’espace test agricole (22 ha) et de l’exigence de la pratique d’une agriculture « raisonnée [17] » dans les baux à long terme.

19 Ce cas montre le poids local de la logique corporatiste qui a guidé l’octroi de foncier dans le projet d’Agriparc. Le dispositif d’allocation du foncier public est capté par les acteurs locaux de la cogestion qui appliquent des critères de sélection excluant les agriculteurs « alternatifs ». L’appel à participation des agriculteurs a ainsi largement favorisé l’implication de la profession viticole, relayée par les OPA. Concernant la viticulture, cette logique est redoublée par la mobilisation de réseaux interpersonnels entre viticulteurs, élus locaux et techniciens de la collectivité. Au final, cet octroi de foncier réactualise l’échange politique entre la CAM et le monde viticole : soutien à la viticulture contre maintien du référentiel aménagiste.

20 Malgré sa crise, le monde viticole structure toujours la trame du système agraire local. Les vignerons bénéficient des meilleures terres et baux, soumis aux contraintes très limitées de l’agriculture raisonnée (Mayance, 2019). Le syndicat majoritaire a ainsi réussi à réorienter le projet d’Agriparc au profit de l’agriculture conventionnelle dans une logique sectorielle de production agricole, en décalage avec le projet initial.

21 Toutefois, un projet agricole alternatif (TerraCoopa) plus en adéquation avec le discours tenu sur la multifonctionnalité a réussi à obtenir une part (10 % environ) du foncier alloué. Même si cette part est faible, elle constitue une brèche pour de « nouveaux » agriculteurs plus en phase avec un projet agricole et alimentaire territorial. Peut-on considérer le choix d’ouvrir les attributions de foncier à de « nouveaux » publics agricoles (10 % de jeunes – moins de 45 ans – parmi l’ensemble des bénéficiaires de foncier) comme une amorce de transition ? C’est ce que nous allons voir dans la suite.

L’installation de fermes nourricières : une participation de néo-agriculteurs maraîchers basée sur des réseaux affinitaires

22 En 2014, une nouvelle équipe politique est élue à la CAM. Le nouveau maire de Montpellier soigne ses relations avec les communes environnantes dans le cadre de la mise en œuvre d’un « Pacte de Confiance » entre la ville centre et les trente communes périurbaines, condition incontournable pour solliciter auprès de l’État le passage en « Métropole » [18]. La question agri-alimentaire est alors actionnée comme ressource politique pour favoriser des alliances entre Montpellier et les communes périurbaines et rurales de son territoire. La maire d’une commune de la deuxième couronne périurbaine est désignée comme Vice-présidente (VP) en charge des questions agricoles. Nouvellement élue, issue du milieu agronomique universitaire et de sensibilité écologiste, elle profite de cette opportunité pour concevoir une nouvelle politique alimentaire et agroécologique (P2A), votée en 2015 [19]. Parmi les six axes opérationnels de cette politique territoriale, le premier vise à consolider le tissu des fermes nourricières en agroécologie. Le cadrage alimentaire, de même que la dimension environnementale des pratiques agricoles, est affiché de façon plus marquée encore que pour l’Agriparc en 2010. Le concept central « d’agroécologie nourricière » est mis en avant, traduisant la volonté d’écologiser la production agricole locale, tout en l’orientant vers les attentes urbaines d’une production locale « nourricière ». Une telle ambition est inédite. Il s’agit de montrer qu’il est possible de redéployer du foncier pour des fonctions écologiques et alimentaires attendues par les urbains, en mettant en avant la figure de l’agriculteur lié à la ville, car issu de la ville et œuvrant en réponse aux demandes urbaines. Ce positionnement implique de dé-sectoriser l’approche agricole instituée et témoigne de la volonté d’une prise de distance des élus urbains vis-à-vis de l’agriculture conventionnelle et de ses acteurs.

23 Le choix est ainsi fait d’attribuer à nouveau du foncier agricole appartenant à la Métropole (14 ha sur deux domaines à l’abandon, des friches agricoles dont une part est en attente d’urbanisation) à des agriculteurs pour installer des micro-fermes maraîchères. Le dispositif proposé prend également très clairement le contre-pied de celui retenu pour l’Agriparc. Au lieu de déléguer aux OPA la sélection des agriculteurs bénéficiaires, la nouvelle VP décide de gérer en interne l’allocation des terres et lance un appel à candidatures. Elle court-circuite la Chambre, le renouvellement de la convention récurrente la liant à la collectivité étant mis en attente. Le nouveau dispositif s’adresse directement aux agriculteurs par un appel à projet publié sur le site de la Métropole. Il appelle une participation individuelle ou de petits collectifs ad hoc. Il s’oppose en apparence en tout point aux modes de représentation en vigueur dans la gestion corporatiste. Il se présente ainsi comme une mise à l’épreuve des représentants institués de la parole agricole (Rui, 2006 ; Mazeaud, 2012). Il donne à voir au grand jour les fragmentations du monde agricole et des positionnements antagonistes sur les réponses à apporter aux critiques du modèle agricole dominant (Lémery, 2003).

24 Toutefois, ne disposant pas de compétence en interne pour réaliser son ambition, la Métropole s’appuie sur la mobilisation temporaire de ressources extérieures alternatives à la Chambre. Un ingénieur agronome – un des auteurs de cet article – est intégré dans le cadre d’une thèse Cifre. Il contribue à la rédaction de l’appel d’offres et au cadrage des profils recherchés en mobilisant les compétences et réseaux issus de son expérience dans des organisations non majoritaires [20]. Parallèlement, un expert lui aussi alternatif aux OPA majoritaires est recruté en Assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) : il est agriculteur biologique, maraîcher diversifié, pratique l’accueil à la ferme, et commercialise intégralement ses produits en vente directe. Par le biais de l’appel d’offres, il met la Métropole en relation avec d’autres maraîchers bio de la région, mais également avec des stagiaires « porteurs de projets » en maraîchage [21], et des salariés agricoles ayant une expérience (souvent eux-mêmes porteurs de projets). En effet, de par son système, il est amené à travailler de façon régulière avec d’autres producteurs (pour s’approvisionner en intrants ou compléter sa gamme commerciale) et à recevoir de nombreux stagiaires sur sa ferme. Enfin, la Métropole fait également appel à un juriste spécialisé en droit rural pour bénéficier de conseils relatifs aux différents baux possibles et d’une relecture des contrats.

25 Ce nouvel appel d’offres est plus ouvert et intègre la dimension multifonctionnelle du projet de territoire. Il demeure néanmoins essentiellement dans une approche de production agricole. En outre, le cadrage des profils et la diffusion de l’information se fait davantage via de nouveaux filtres, ceux des réseaux liés aux nouveaux experts mobilisés, que par les canaux institutionnels prévus à cet effet. Quels sont les effets de ce nouveau dispositif ? Il aboutit à mobiliser essentiellement des acteurs inscrits dans la filière « fruits et légumes » et à écarter d’autres profils. Ainsi, un agriculteur céréalier, viticulteur, et éleveur de taureaux, préalablement bénéficiaire d’un bail précaire a été exclu du processus de sélection. Malgré la pression du maire de sa commune et l’argument du caractère écologique et nourricier de la production de taureaux, l’éleveur n’a finalement pas pris part à ce nouveau dispositif [22].

26 Le résultat final de l’appel à projet révèle une sélection basée sur des réseaux affinitaires. Cette forme affinitaire de participation s’appuie sur un privilège donné au cercle des proches, voisins géographiques et proches avec lesquels sont partagées des valeurs, comme la critique du modèle productiviste (Le Guen et Ruault, 1994). Cette forme rejoint l’idée de reconnaissance « affective », par les proches, proposée par Axel Honneth (2001), dans une déclinaison de la reconnaissance incluant également les reconnaissances juridique et politique, ces deux dernières dimensions étant encore en construction concernant les agriculteurs alternatifs. Le maraîcher choisi est un des deux candidats déjà installés, vendant à une Amap de Montpellier depuis 2009. Son expérience et son professionnalisme sont reconnus, et il est en situation de fin de bail en 2018 sur la parcelle qu’il utilise. Il est repéré et sélectionné pour sa capacité à mettre rapidement en culture la parcelle octroyée mais aussi parce qu’il travaille régulièrement avec l’AMO. Le second site est alloué à un collectif constitué de sept jeunes qui présentent des compétences complémentaires. Ils sont accueillis à l’espace test TerraCoopa depuis 2016 et saisissent l’opportunité de cet appel à projets pour changer d’échelle.

27 Ainsi, le réseau de l’agriculteur recruté comme expert a fourni la plupart des réponses à l’appel à projet. À l’inverse, le faible nombre de dossiers émanant d’agriculteurs professionnels en activité indique qu’une telle procédure génère aussi de l’exclusion, le milieu agricole conventionnel ayant été peu mobilisé ou dissuadé. In fine, l’appel à projet a eu pour effet l’éviction des acteurs de la cogestion au profit de nouveaux réseaux, les réseaux affinitaires de l’agriculture non conventionnelle, mais sur un espace très limité (14 hectares) dans des interstices dont une part est en attente d’urbanisation. Ces interstices sont peu recherchés par les acteurs de l’agriculture conventionnelle, car peu adaptés à une conduite mécanisée à large échelle. Les OPA majoritaires n’ont cependant pas manqué de critiquer ce nouveau dispositif mettant en doute les capacités réelles de l’EPCI à jouer ce rôle nouveau de médiateur « agri-urbain » (Soulard, 2014b). En effet, le manque de routine institutionnelle et la remise en état des sites proposés et du bâti [23] ont fait durer la procédure d’attribution plus de quatorze mois. Les deux unités d’activité agricole n’ont ainsi pu démarrer leur activité sur les sites identifiés qu’au printemps 2017. On perçoit également la fragilité de cette dynamique : côté bénéficiaires, les agriculteurs installés demeurent dans une situation de marginalité et de précarité. Côté Métropole, la situation est également très fragile pour la VP – depuis congédiée [24] – et les techniciens mobilisés sur l’appel à projet, qui n’ont pas été renouvelés. La marginalité à tous égards de cette opération apparaît au final en fort décalage avec l’importante communication politique déployée autour d’elle par la Métropole.

Le redéploiement pastoral en garrigue : une participation des éleveurs fondée sur la transaction entre production et environnement

28 Une troisième situation concerne l’appel à la participation des éleveurs ovins pour la gestion des garrigues dans une optique de protection de la biodiversité en contexte périurbain. Contrairement aux deux cas précédents, elle concerne des zones considérées comme non productives, délaissées depuis longtemps par l’agriculture. En outre, elle n’est pas issue d’une offre émanant de la Métropole, mais d’une suite de luttes locales – des formes de « participation sauvage » (Mermet, 2007) – pour préserver ces espaces ouverts de l’ouest montpelliérain de projets d’aménagement. Cet exemple montre comment les éleveurs intégrés dans des réseaux de solidarité professionnelle négocient leur participation aux politiques locales avec un large panel d’acteurs institutionnels dont il s’agit aussi de concilier les objectifs hétérogènes avec leur propre viabilité économique.

29 Dans cet exemple le cadrage initial n’est ni agricole, ni alimentaire. La participation d’éleveurs n’arrive que de façon incidente comme solution à des programmes d’aménagement qui lui sont totalement extérieurs.

30 Au début des années 2000, la CAM envisage d’implanter une décharge sur le site du « domaine de Mirabeau », au sud-ouest de Montpellier. Ce site est historiquement dédié à la polyculture-élevage et a subi depuis les années 1960 un abandon des surfaces peu productives au profit de vignes et céréales implantées sur les surfaces les plus faciles à exploiter mécaniquement [25]. En 2005, l’association « les Gardiens de la Gardiole [26] » est créée pour lutter contre la décharge, obtenant l’abandon du projet en 2012. Au moment où le foncier du domaine est ainsi libéré, un nouveau besoin de foncier environnemental émerge sur le secteur. En effet, la construction de nouvelles infrastructures d’envergures nationales au sud de Montpellier oblige légalement – du fait de l’application de la séquence Eviter Réduire Compenser (dite « ERC ») [27] – les entreprises de travaux publics réalisant ces grands chantiers à compenser les surfaces impactées par l’acquisition et la gestion de surfaces « au moins équivalentes » à des fins de protection de l’environnement. En 2012, ces entreprises identifient le Conservatoire des espaces naturels (CEN) [28] comme opérateur de compensation. Le CEN joue ainsi le rôle de courtier proposant aux entreprises d’acquérir du foncier en zone Natura 2000 dans le secteur de Mirabeau, pour gérer ces terres à des fins environnementales. La solution de l’élevage pastoral, autrefois présent mais depuis abandonné sur cet espace, est proposée pour l’entretien de ces terres.

31 Le dispositif retenu est le plus ouvert des trois analysés. Il est multi-acteurs et intègre les sphères agricoles, environnementales et aménagistes. Il mobilise les acteurs de la cogestion comme les réseaux alternatifs. À partir de 2015, le CEN organise une réflexion destinée à constituer des lots fonciers de grande taille pour permettre une gestion en pâturage. Du fait du morcellement important du foncier, même en garrigue, le CEN fait appel à la SAFER pour réaliser une animation foncière. En zone de garrigue, l’importance de propriétaires absentéistes, de biens vacants sans maîtres, et la forte part de terres en gestion publique ou d’intérêt commun amènent le CEN à envisager la constitution d’une Association foncière agricole (AFA) libre pour une « gestion agroécologique des garrigues » (statuts de l’AFA, 2016). Cette AFA est conçue pour faciliter l’installation d’éleveurs sur la zone. Avec l’appui d’un groupe d’experts, issus des organisations agricoles majoritaires, le CEN rédige fin 2015 un appel à projets visant le choix d’un ou deux éleveurs en mesure de s’installer localement pour valoriser les milieux naturels incluant les garrigues de la Gardiole, les ripisylves et friches de la plaine, et les salines du littoral. La diffusion de l’offre mobilise à la fois les réseaux agricoles majoritaires et alternatifs. Vingt candidats envoient une réponse : « c’étaient vraiment des projets portés par des gens qui avaient soit un peu d’expérience, soit une vraie volonté » (animateur CEN, 2016).

32 Les dossiers de candidatures sont analysés d’abord par un comité technique restreint mais pluraliste, composé du CEN et d’organisations agricoles conventionnelles et alternatives. Les critères de sélection sont issus d’un scoring mêlant les composantes de faisabilité économique, technique, sociale et personnelle du projet. Ce comité retient trois candidatures qui sont soumises à un second comité, celui de la SAFER [29]. Au final, deux projets sont sélectionnés, en donnant la priorité au projet individuel « élevage ovin viande », suivi par un projet familial d’« élevage ovin lait » (qui avortera). Les OPA sont ainsi mises à contribution comme experts agricoles.

Figure 1 : Berger installé sur les garrigues périurbaines de l’ouest de Montpellier / Shepherd installed on the peri-urban scrubland of the west of Montpellier

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Figure 1 : Berger installé sur les garrigues périurbaines de l’ouest de Montpellier / Shepherd installed on the peri-urban scrubland of the west of Montpellier

Crédit photo: Laura Etienne, 2017

33 En 2017, l’éleveur ovin viande s’installe (figure 1). Il est soutenu par un réseau d’éleveurs transhumants, membre d’un seul et même groupe pastoral. Ces éleveurs ont pour certains d’entre eux des trajectoires d’installations soutenues par les collectivités territoriales [30].

34

« Je savais où j’allais car [deux autres éleveurs locaux] ont aussi bénéficié du même type d’appel à candidatures : comme ils sont aussi passés par là, ils m’ont expliqué comment ça pouvait se passer » (éleveur en cours d’installation, 2017).

35 L’installation réussit et l’éleveur commence progressivement à prendre ses marques sur le territoire. Les parcours mis à disposition sont activés progressivement : « Je travaille seul, avec un petit troupeau [52 brebis mères] : on découvre le terrain, avec nos moyens ».

36 Ce troisième cas d’étude illustre une autre forme de participation agricole aux politiques locales. L’élevage pastoral est attendu à la fois pour sa contribution potentielle à la gestion des milieux ouverts périurbains et, accessoirement à l’approvisionnement de circuits alimentaires de proximité. L’intendance territoriale [31] s’inscrit dans un espace fortement morcelé, du fait de la densité importante d’infrastructures de communication liées à la proximité urbaine. Cette conciliation d’objectifs variés n’est pas aisée et suppose des arrangements entre des acteurs nombreux. Nous qualifions cette participation de « transactionnelle » au sens de Remy (1994) : il s’agit d’un processus social situé de « confrontation d’une pluralité d’acteurs en négociation pour déterminer des zones d’accord en fonction de leur capacité de pression respective ». Dans ce cas, chacune des deux parties ne sait pas véritablement à l’avance si le contrat est tenable. Le CEN émet l’hypothèse d’une conciliation possible d’une gestion active de la biodiversité et d’une activité d’élevage viable. L’éleveur découvre le métier et le territoire. Il construit progressivement son système d’élevage et d’activités, en étant vigilant à disposer de souplesse dans la lecture du contrat de façon à pouvoir négocier et adapter les conditions proposées au fur et à mesure du déploiement de son projet.

37 La participation des éleveurs est discrète. Elle bénéficie d’un soutien entre éleveurs pastoraux à l’échelle régionale. Ce soutien est à la fois moral, technique et matériel. Ce cas montre aussi les caractéristiques du monde professionnel de l’élevage transhumant en Languedoc. Il est organisé autour d’un groupement pastoral bénéficiant de baux environnementaux via l’activation de mesures Natura 2000 ou Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEc) de la PAC. Il fait preuve d’une solidarité organique liée à la marginalité de la production dans l’Hérault, en comparaison aux dynamiques pré-alpines ou pyrénéennes. Il est en outre inséré dans les instances majoritaires, conventionnelles, de gestion de l’agriculture. Ce réseau d’entraide entre éleveurs est un peu plus formalisé que celui des maraîchers, mais beaucoup moins structuré pour la défense de ses intérêts que celui des viticulteurs. Les éleveurs ont intérêt à être plus nombreux dans le secteur car de leur densité dépend le maintien d’outils collectifs structurants comme les groupements pastoraux ou les abattoirs. Cet exemple illustre un consensus rare entre organisations majoritaires, agriculteurs alternatifs et organisations environnementales. Ce consensus entre professionnels et partenaires repose sur un certain partage du territoire : l’élevage pastoral se développe sur les marges de l’espace agraire, les garrigues, là où se créent des opportunités de foncier regroupé. Ces espaces de garrigues intéressent moins (voire pas du tout) les agriculteurs conventionnels et leurs organisations, qui focalisent leurs efforts sur les terres fertiles, soit l’ager irrigué. De même, les aménageurs trouvent là une solution a priori facile pour compenser l’artificalisation massive générée par la construction de leurs infrastructures.

38 Dans ce troisième cas, la Métropole participe à une démarche d’installation qui s’effectue sous l’égide d’un ensemble d’institutions environnementales, agricoles et de collectivités qui coopèrent sur le projet. L’intercommunalité y est interrogée dans son rôle ensemblier. L’EPCI est amenée à s’engager dans un effort de mise en réseau, d’animation territoriale, sans savoir exactement ce que cet effort pourra rendre. Les éleveurs abordent leur participation à cette démarche de façon transactionnelle, car la demande est forte et ils se savent attendus à la fois par les organismes de conservation de l’environnement et les collectivités.

39 À travers ces trois cas, on voit que la différenciation de participation chez trois types d’agriculteurs se double d’une différenciation spatiale. Elle oppose des espaces productifs à haute valeur ajoutée, où se joue la négociation institutionnelle sur le modèle de la cogestion État-Profession, et des espaces marginaux qui peuvent être dédiés à des projets agroécologiques (maraîchage nourricier) ou environnementaux (pastoralisme).

Appels à participation des agriculteurs et transformation de l’action publique : mainstream versus marginalité ?

40 Les initiatives étudiées mettent en lien des acteurs urbains et agricoles, publics et privés, autour de la gestion de foncier périurbain. Portées par des appels à projets favorisant une participation directe des agriculteurs, ces initiatives apparaissent fragmentées et marginales. Elles restent prisonnières des arrangements existants et des rapports de force qui se jouent autour de l’accès au foncier. Une analyse de leurs effets dans la durée révèle cependant des effets plus diffus en termes de recomposition professionnelle.

Les agriculteurs : participations fragmentaires et nouvelles alliances

41 Les dispositifs de la P2A contribuent à segmenter et à mettre en concurrence des agriculteurs. Dès le développement de l’Agriparc, il ne s’agit pas de favoriser un projet collectif mais de distribuer individuellement des terres. Lors de l’attribution de foncier pour des installations « nourricières » (3M, 2015), comment la collectivité peut-elle arbitrer entre un projet maraîcher bio et une activité d’élevage de taureaux de Camargue, dont la viande peut, tout comme les fruits et légumes, intégrer les menus des restaurants scolaires municipaux ? L’outil proposé, l’appel à projets, vient de la Direction du développement économique habituée à cet instrument d’action publique pour la gestion des très nombreuses ZAC de Montpellier. Issu de la boîte à outils du New public management, il convoque le recours à la mise en concurrence pour gérer le foncier public. Ce recours à la concurrence ne favorise pas a priori la mise en réseau des agriculteurs détenteurs de foncier périurbain et l’échange avec des agriculteurs « sans terres » mais ayant un projet répondant aux attentes urbaines. Par ailleurs, l’allocation de foncier par sa structure même consiste à « placer » des agriculteurs sur des « parcelles ». Le processus se base donc sur la relation agriculteur / propriétaire de foncier (ou mandataire du propriétaire, comme la SAFER dans le cas de la première allocation). Il ne favorise pas les relations horizontales entre agriculteurs, qui cherchent chacun à bénéficier du plus de foncier possible, de la meilleure qualité possible.

42 Cependant, ces effets de l’appel à projet sont à nuancer. On peut proposer une lecture de ces dispositifs qui les replace dans un contexte historique, social et spatial élargi et qui montre des effets d’apprentissage entre ces publics agricoles segmentés par les appels d’offres. Par exemple, la première allocation de foncier sur le domaine de Viviers a mis en co-présence, au nord du domaine, des viticulteurs coopérateurs, un vigneron indépendant voisin, et de jeunes maraîchers. Les enquêtes compréhensives auprès de ces agriculteurs révèlent l’importance des liens qui se sont établis entre les agriculteurs sur le site. Le vigneron indépendant, cherchant à diversifier ses productions pour élargir la gamme proposée au sein de son caveau de vente, s’est rapproché de la coopérative d’activités agricoles pour suivre les profils de « nouveaux » maraîchers bio et tester leur activité sur le site. Au bout de trois ans, le vigneron a proposé à l’un d’eux – jeune ingénieur agronome, préalablement animateur au sein du réseau départemental d’agriculteurs bio – de venir s’installer chez lui, sur des parcelles de vignes arrachées, en bord de ruisseau ou à proximité des garrigues. Ce rapprochement s’est opéré sur la base de la reconnaissance de normes professionnelles partagées – la vaillance et la compétence – le jeune maraîcher étant capable de « se lever tous les matins, tôt, pour aller travailler » (vigneron, 2015). Même si la collectivité n’a pas réalisé de mise en réseau active des entrepreneurs qu’elle a contribué à installer sur ce site, les agriculteurs ont fait connaissance et établi des arrangements d’abord informels (échanges d’outils, de matériel) puis formels (signature d’un bail long pour le jeune maraîcher installé au sein du domaine viticole voisin). Dans le même esprit, des arrangements informels se dessinent entre l’éleveur installé par le CEN et des viticulteurs, qui, à l’instar de leurs voisins provençaux (Dupré, Lasseur et Sicard, 2017), voient l’intérêt agronomique et commercial de la présence ponctuelle de moutons dans leurs vignes. L’allocation de foncier peut alors être vue plus largement que comme simple « distribution de ressources » : elle a aussi un rôle – pas forcément prévu ni recherché à l’avance – de catalyseur, car elle met des agriculteurs divers en interaction.

43 La participation agricole semble se spécifier du fait de la nature de l’activité : les agriculteurs sont des entrepreneurs spatiaux, ils habitent leur espace de travail, créant ainsi de multiples occasions d’échanges, entre eux et avec d’autres acteurs. C’est par les pratiques quotidiennes que des normes professionnelles circulent d’un monde agricole à l’autre, révèlent des intérêts communs, expliquant comment, malgré les différences, de nouvelles alliances s’inventent, sur la base du partage de valeurs professionnelles qui transcendent les clivages classiques (Ruault, 1995).

À l’échelle métropolitaine : une participation réticulaire qui relie micro-projets et stratégies institutionnelles

44 Les expériences menées ne concernent que des espaces « marginaux » au sens de l’agriculture conventionnelle productiviste : soit parce qu’il s’agit de terres agricoles délaissées, en friche, soit parce que ce sont des espaces naturels comme les bois et garrigues [32].

45 Les zones urbanisées sont denses autour de la ville centre. Cependant la progression de la tâche urbaine est limitée par les protections environnementales d’une part (protection des aires de captage, de la biodiversité, des zones humides ou des garrigues dont une part importante en risques incendies) et par les aires agricoles protégées de l’autre (aires d’appellation viticoles essentiellement). De même, socialement, à part les viticulteurs coopérateurs et les agriculteurs nomades bénéficiaires de baux à l’occasion de la première attribution de foncier en 2012, les agriculteurs visés par les dispositifs décrits sont marginaux dans le monde agricole local : ce sont des néo-agriculteurs allochtones [33] ayant eu pour la plupart une ou des expériences professionnelles préalables à leur installation.

46 Du point de vue de l’action publique territoriale, les instruments mis en œuvre sont nouveaux sous certains aspects mais marginaux au regard de leur impact. La première allocation est menée dans le sens d’une mise en attente de foncier périurbain potentiellement mobilisable pour des extensions urbaines. La principale contribution de l’EPCI est la mobilisation de la SAFER. La seconde allocation a demandé plus d’implication, car elle a mobilisé un personnel élargi au sein de la Métropole, renforcé par l’appel à des experts extérieurs. Ces moyens restent toutefois très faibles en comparaison à d’autres secteurs d’intervention de l’EPCI, comme les transports, la gestion des espaces publics et la gestion des déchets [34]. La mise en place d’une AFA par le CEN s’appuie elle sur des moyens issus d’un autre secteur d’activité qu’elle récupère via l’application récente de la règlementation Éviter-Compenser-Réduire. Elle se déploie sur des espaces – les garrigues – qui intéressent peu le monde viticole languedocien dominant.

47 Cependant, là encore nous proposons d’élargir la focale pour traiter cette question de la dialectique marginalité – mainstreaming. En effet, la chronique de ces dispositifs détaille la combinaison d’acteurs sur des actions spécifiques. Ce faisant, elle porte moins le regard sur l’interaction de ces dispositifs avec d’autres instruments et arènes plus larges. Le processus de révision du SCoT – et la part qu’il réserve aux espaces agricoles – est un bon terrain pour observer les effets de la P2A.

Tableau 1 : Chronique des allocations de foncier public pour des projets agricoles par l’intercommunalité de Montpellier (2010-2020) / Chronicle of public land allocations for agricultural projects by the Montpellier intermunicipality (2010-2020)

Année20102012201520182020
Cadre initialEPCICommunauté d’Agglomération de Montpellier (CAM)Montpellier Méditerranée Métropole (3M)
  • Politique
  • Cadre (dispositif)
  • Agenda 21
  • Agriparcs
  • Politique Agroécologique et Alimentaire (P2A)
  • Tissu de fermes nourricières en agroécologie
Biens publics concernésDomaine de Viviers : 111 ha de SAU (dont 54 ha en baux longs et 57 ha en baux courts, attribués à céréaliers / fourragers)
  • Domaine de Viviers (5 ha)
  • Domaine de la Condamine (bâti à rénover + 9 ha SAU)
ERC aménagements périurbains de Montpellier AFA de la Lauze (bâti à rénover + 300 ha SAU)
Re-cadrageSAFER / Chambre AgricoleÉquipe ad-hoc P2APilotage par le CEN
ViticulteursTrame du système agraireCave coopérative SAFERSAU obtenue (en ha) (en %)31 ha 58 %0 ha0 %0 ha0 %
Participation néocorporatisteNb de bénéficiaires1000
MaraîchersIntersticesRéseau local de micro-fermesSAU obtenue (en ha) (en %)22 ha 41 %14 ha100 %0 ha0 %
Participation affinitaireNb de bénéficiaires220
ÉleveursMarges Réseau régional d’éleveurs SAU obtenue (en ha) (en %)0 ha0 %0 ha0 %300 ha100 %
Participation transactionnelleNb de bénéficiaires001
Effets du dispositifEspace activé / Potentiel 111/192 ha58 %9,5/14 ha 68 %140/300 ha47 %
Non activé
  • Bâti
  • Bois et garrigues
  • Bâti
  • Bois et garrigues
  • Bâti
  • Terres arables (SAU)
Innovation1er espace test agricole Hérault (maraîchage biologique diversifié)11 ha, 10 placesProcessus de sélectionFerme urbaine multi-activités (La Condamine)Intendance territoriale publique / privée (AFA)

Tableau 1 : Chronique des allocations de foncier public pour des projets agricoles par l’intercommunalité de Montpellier (2010-2020) / Chronicle of public land allocations for agricultural projects by the Montpellier intermunicipality (2010-2020)

48 Nous émettons l’hypothèse que les expérimentations de mise à disposition de foncier (tableau 1), bien que ne concernant que marginalement l’agriculture conventionnelle, renforce paradoxalement la participation des acteurs conventionnels majoritaires comme Personne Publique Associée (PPA), dans le cadre de la révision en cours du SCoT. En effet, la Chambre d’Agriculture, en tant qu’organisation consulaire, est en charge de la défense des intérêts de la profession. Dans le cadre de la révision du SCoT, les élus de la Chambre priorisent la protection des espaces agricoles les plus productifs : ceux qui sont situés en plaine, irrigués et inscrits dans des périmètres d’indications géographiques protégées (AOC viticoles en particulier). Or, la mise en œuvre d’expérimentations de petite échelle (9,5 ha de terres allouées en 2017, pour deux unités agricoles) a été fortement médiatisée, via la presse institutionnelle et locale. La P2A est affichée, communiquée, mobilisée comme ressource pour le marketing territorial. La Chambre d’agriculture, en tant que PPA, peut alors arguer du fait que l’EPCI mette la focale sur ces « petites tâches » de redéploiement agricole nourricier pour mieux faire « passer la pilule » de l’extension urbaine par ailleurs sur les terres « les plus fertiles » (président des JA [35] 34, 2018). L’affichage marketing d’une politique agricole urbaine par la Métropole a ainsi offert des ressources aux organisations majoritaires pour négocier la suppression de la mise à l’urbanisation de deux secteurs de terres cultivées hautement productifs. Au-delà de leur caractère marginal, les dispositifs décrits mettent ainsi à l’épreuve la collectivité territoriale et l’engagent. Ce contexte d’expérimentations a donc pour effet de renforcer le poids de la consultation règlementaire des PPA agricoles dans la révision particulièrement stratégique du SCoT à l’échelle intercommunale.

Conclusion

49 Ce travail permet d’apporter une réponse nuancée à notre hypothèse de départ d’un décalage entre l’offre de participation métropolitaine et les pratiques et formes d’organisation des agriculteurs. Confronté aux défis de la gouvernance élargie du foncier périurbain, le monde agricole apparaît divisé : certains défendent leurs intérêts sectoriels pendant que d’autres s’appuient sur leurs réseaux de proximité. Leurs trajectoires et orientations technico-économiques amènent les agriculteurs à établir des stratégies relationnelles (postures de dialogue avec la Métropole) et spatiales (type de terres recherchées) différenciées. D’une part, les acteurs traditionnels de la cogestion viticole ont été en capacité de capter l’offre de foncier de la Métropole sur les terres les plus fertiles et bénéficiant des baux d’exploitation les plus pérennes. Ils ont en quelque sorte réussi à investir un projet territorial pour renforcer leurs stratégies sectorielles. L’action a donc eu comme effet imprévu de favoriser l’agrandissement d’exploitations qui commercialisent l’essentiel de leur production hors du marché métropolitain. Ce sont les viticulteurs qui ont principalement bénéficié de l’octroi de foncier public lors du premier appel à projet, jouant de ce décalage à leur profit. En l’absence de compétences agricoles internes à la collectivité, une fois le foncier acquis, le projet a été en quelque sorte délégué aux acteurs de la cogestion agricole. Nous avons qualifié cette participation de néo-corporatiste car toutes les institutions de la cogestion viticole ont été activées : depuis la Chambre d’agriculture et la SAFER chargée de l’appel à projet, jusqu’aux réseaux politiques relais de la viticulture dans l’institution intercommunale (avec ses élus et techniciens) en passant par les syndicats majoritaires.

50 A contrario, des agriculteurs néo-ruraux davantage tournés vers la multifonctionnalité requise par le projet de territoire ont été les principaux bénéficiaires du second appel à projet, au détriment des agriculteurs conventionnels, globalement moins intéressés par des terres – friches agricoles en attente d’urbanisation – proposées en baux précaires. Ces acteurs agricoles nouveaux ne sont pas intégrés aux réseaux et institutions de l’agriculture conventionnelle dominante. Ils gravitent dans des réseaux alternatifs. Ils ont bénéficié d’une fenêtre d’opportunité politique, ouverte par le passage en Métropole qui a favorisé le vote d’une politique agricole et alementaire métropolitaine. Leur participation est affinitaire : elle résulte de contacts inter-individuels et bénéficie du soutien d’élus sensibles aux questions d’écologie et de ruralité. Elle répond au projet « alimentaire et agroécologique » territorial de la Métropole dans ses principes, mais sur une surface foncière très marginale. La situation de ces néo-agriculteurs urbains apparaît en outre précaire à long terme, à l’image des élus et réseaux affinitaires qui les soutiennent, faiblement ancrés dans les institutions.

51 Enfin, ce sont les éleveurs itinérants qui ont capté les terres les moins productives – les garrigues – peu prisées pour la production viticole ou maraichère. Minoritaires dans la profession locale mais dotés d’organisations professionnelles propres, ils apparaissent en position de force dans un contexte de réglementation environnementale renforcée face à une grande variété d’institutions en demande de solutions pastorales pour gérer des espaces périurbains délaissés et présentant potentiellement des risques variés, raison pour laquelle nous avons qualifiée cette participation de « transactionnelle ». Bien que non issue de problématiques agricoles et alimentaires – ou pour cette raison même – cette forme de participation est celle qui correspond le plus aux promesses de désectorisation requise par le projet territorial.

52 En définitive, notre étude de cas montre que l’allocation de foncier agricole est au croisement d’intérêts de moins en moins sectoriels. En s’inscrivant dans une logique de bien commun, l’allocation de foncier public suscite une diversité de stratégies agricoles, privilégiant la continuité de la viticulture au cœur de l’espace productif agricole, ou s’ouvrant à des usages multifonctionnels, de façon plus marquée dans les zones marginales ou peu productives. Cependant, des formes de coopérations, d’interactions, de dialogue entre les diverses logiques socio-spatiales apparaissent aussi, laissant entrevoir de nouvelles formes de construction de « communs » collectifs, aux interfaces entre systèmes évoluant dans des sphères sociopolitiques différentes.

Les auteurs remercient l’Agence nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) et la Métropole de Montpellier, qui financent les recherches menées dans le cadre du projet Cifre no 2015/0420. Ces travaux n’auraient pas vu le jour sans la contribution active des élus, agents de développement (territorial et agricole), agriculteurs et éleveurs.
 
Article reçu le 6 novembre 2020, définitivement accepté le 20 septembre 2021 • Suivi éditorial : Antonin Margier

Notes

  • [1]
    En France la politique de soutien aux prix agricoles (subventions) a été déléguée au niveau européen avec la mise en place effective de la politique agricole commune (PAC) en 1962.
  • [2]
    Pour une présentation plus complète, voir Hasnaoui Amri, Michel et Soulard (2020).
  • [3]
    La région Occitanie est la première région (en surface et production) en agriculture biologique (Source : Agreste, 2018).
  • [4]
    D’après l’association Terres Vivantes (entretien, 2015), qui accompagne des porteurs de projets agricoles dans l’Hérault, le territoire de la métropole de Montpellier attire, par rapport au reste du département de l’Hérault, « en moyenne davantage de projets sur de petites surfaces, en maraîchage diversifié et petits élevages, axés sur les circuits courts ». Entre 2010 et 2015, sur 22 projets accompagnés par l’association sur la métropole de Montpellier, la moitié (50 %) est en maraîchage biologique diversifié sur petites surfaces (SAU inférieure à 2 ha).
  • [5]
    Voir le « Portrait agricole et alimentaire du territoire » (in Soulard et al., 2015).
  • [6]
    Les viticulteurs représentent la majeure partie du monde agricole, malgré un déclin marqué des micro-viticulteurs (SAU < 5 ha) pluriactifs dans la seconde moitié du 20e siècle (Gavignaud-Fontaine, 1998) : les 122 274 exploitations viticoles en 1955 (Aude, Hérault et Gard) sont réduites à 64 009 vingt ans plus tard, en 1975.
  • [7]
    Après les affrontements violents de Narbonne.
  • [8]
    Section française de l’internationale ouvrière.
  • [9]
    Le virage qualitatif opéré dans la viticulture a renforcé cette tendance tout en profitant aux nouveaux groupements de production dans lesquels les coopérateurs ne sont plus que des producteurs de matière première (Roger, 2011).
  • [10]
    Passage d’environ 9 000 ha urbanisés en 2000 à 10 000 ha en 2004 soit une augmentation de 1 000 ha en quatre ans (autant que la superficie consommée de la création de la ville à 1960) (Jarrige et al., 2009).
  • [11]
    Languedoc Roussillon, fusionnée avec la région Midi Pyrénées en 2014, pour donner naissance en 2016 à la nouvelle région « Occitanie Pyrénées Méditerranée » ou « Occitanie ».
  • [12]
    CIVAM : Centres d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural [www.civam.org] ; ADEAR : Association de Développement de l’Emploi Agricole et Rural (voir aussi [www.agriculturepaysanne.org]).
  • [13]
    En anglais « garbage can » : en situation, les décideurs sont confrontés à des problèmes, des contraintes, des solutions, des participants… La « poubelle » est utilisée comme image pour signifier l’absence d’ordre dans les processus de décision : problèmes, solutions, participants se rencontrent de façon fortuite. Les solutions peuvent être disponibles (comme dans le cas de l’agriparc) avant que des problèmes ne se posent (dans notre cas la gestion de foncier public vacant).
  • [14]
    Extraits du « guide des Agriparcs » (CAM, 2011) : « Un Agriparc n’est pas un espace vert urbain, fût-il planté d’espèces culturales. Ce n’est pas non plus un espace agricole protégé de l’urbanisation. Un Agriparc doit se définir comme un espace par essence multi-fonctionnel qui doit concilier fonctions urbaines et fonctions agricoles dans une stratégie gagnant-gagnant. Plus précisément, on peut définir quatre fonctions permettant d’encadrer le concept : la fonction de production en tant qu’activité économique et humaine, qu’il convient de préserver des risques de disparition auxquels peut l’exposer la spéculation ; la fonction de consommation permettant de fournir aux citadins des produits alimentaires locaux de qualité grâce à des circuits courts de commercialisation (marchés, paniers, jardins familiaux) ou par l’intermédiaire de la restauration collective ; la fonction environnementale des espaces agricoles en tant que valeur patrimoniale et paysagère et leur contribution à la biodiversité par le maintien des continuités écologiques ; la fonction ludo-éducative en constituant des lieux de loisir, de promenade ou de découverte, tant récréatifs que pédagogiques ».
  • [15]
    Dans le périurbain de Montpellier, ce sont essentiellement des céréaliers et des melonniers (Soulard, 2014a).
  • [16]
    Consultation de la presse régionale (journaux : quotidien « Midi Libre » et hebdomadaire « La Gazette de Montpellier »).
  • [17]
    [Le preneur] « déterminera avec soin la dose à épandre afin d’éviter tous risques de fertilisation excessive et toute pollution du milieu ». Art.10-8, Bail à long terme CAM / viticulteur cave coopérative (Source : Office notarial de Baillargues, 18/12/2012).
  • [18]
    Montpellier ne remplissait pas les conditions pour entrer dans le décret de création des premières Métropoles par l’État et devait donc obtenir un vote du Conseil d’agglomération pour solliciter sa création.
  • [19]
    Délibération no 13043 du 29 juin 2015, 3M. Pour une analyse plus détaillée de la construction de la P2A voir Hasnaoui Amri, Michel et Soulard, 2020.
  • [20]
    Ingénieur agronome ayant préalablement travaillé douze années localement dans le développement agricole (CIVAM).
  • [21]
    L’AMO étant lui-même tuteur de stage, reconnu comme « maître agricole » par la Chambre d’Agriculture et par le Lycée agricole d’Agropolis, dans le cadre des formations Brevet de professionnalisation Responsable d’exploitation agricole (BPREA) Maraîchage bio initiées dans l’Hérault en 2009.
  • [22]
    La viande de taureau de Camargue bénéficie d’une Appellation d’origine protégée (AOP), à laquelle un cahier des charges est associé, avec des critères environnementaux. Cette viande est bien destinée à la consommation alimentaire.
  • [23]
    Dans le cas de la Condamine (le bâti a nécessité une remise à neuf car il était préalablement à l’abandon).
  • [24]
    En juillet 2017, le Président congédie sept Vice-Présidents (voir à ce sujet [https://objectif-languedoc-roussillon.latribune.fr/politique/elus/2017-07-05/philippe-saurel-renvoie-7-vice-presidents-de-la-metropole-742975.html consultée le 5 juillet 2017]).
  • [25]
    Source : entretien Maire de la commune (avril 2016).
  • [26]
    Du nom de la colline où se situe le domaine de Mirabeau.
  • [27]
    Mentionnée dans la loi française dès 1976, la séquence ERC a été relancée par les lois dites Grenelle de l’environnement de 2009 et 2010, concrétisée dans un décret d’application en décembre 2011 et renforcée par la loi Biodiversité du 8 août 2016. Les aménageurs doivent proposer dans le cadre de l’étude d’impact des mesures pour éviter les impacts environnementaux, les réduire s’ils ne peuvent les éviter et les compenser en dernier ressort.
  • [28]
    Le CEN intervient à l’échelle régionale comme acteur de la conservation et protection de l’environnement, en mobilisant l’acquisition de foncier et la contractualisation pour garantir une gestion des milieux favorable aux espèces remarquables.
  • [29]
    Organisé en deux commissions : locale (syndicats agricoles, coopératives, communes… organisés par « région agricole ») puis départementale (de nombreuses structures, dont les services déconcentrés de l’État, les Collectivités, les Consulaires, les Syndicats, etc.).
  • [30]
    Le Département, via les Espaces naturels sensibles (ENS) ; les Communes, la Région et l’Europe, via la lutte contre les incendies de forêts.
  • [31]
    Traduction du terme consacré de “land stewardship” dans la littérature anglo-saxonne.
  • [32]
    Voir à ce sujet la carte des enjeux agricoles produite à l’occasion de la révision du SCoT en 2017 : [https://www.montpellier3m.fr/sites/default/files/t1_6carte_enjeux_agri.pdf consultée le 21/09/2021].
  • [33]
    Ils sont arrivés dans la région pour leurs études ou pour leur activité professionnelle.
  • [34]
    En 2017, le budget primitif de la Métropole de Montpellier est de 511,9 millions d’euros (Source : Budget primitif 2017, Montpellier Méditerranée Métropole). 23,4 % de ce budget est alloué aux « transports et mobilités » ; 19,5 % à la « gestion des espaces publics » ; 14,2 % à « l’environnement et la gestion des déchets ». Le budget de la politique agroécologique et alimentaire s’inscrit dans celui du « développement économique, tourisme et industrie, numérique, santé, universités » (qui représente 11,5 % du budget primitif). 348 000 € sont attribués à la P2A, soit 0,59 % du budget alloué au développement économique (en comparaison, le projet « Capitale Santé » s’est vu allouer 2 millions d’euros, soit 3,40 % du budget « développement économique »).
  • [35]
    Syndicat professionnel agricole des Jeunes Agriculteurs (créé en 1957).
Français

La participation des agriculteurs à l’action publique d’une métropole en matière d’alimentation locale est une question nouvelle. Elle met en relation une diversité d’acteurs agricoles et des acteurs urbains porteurs de nouvelles attentes environnementales et alimentaires qui doivent élaborer des solutions négociées. En s’appuyant sur l’analyse comparée de trois initiatives d’allocation de foncier agricole et naturel en périurbain de Montpellier, l’article met en évidence des formes variées de participation agricole à une politique agri-alimentaire territoriale. Une géographie de la participation agricole à l’alimentation urbaine est ébauchée : elle met en évidence le rôle de l’espace vécu des agriculteurs dans leurs façons de participer à une action publique locale. Elle souligne aussi le poids des modes d’action propres aux collectivités locales, notamment dans le champ de l’action d’aménagement.

  • agriculture
  • aménagement
  • politique publique
  • gouvernance alimentaire
  • foncier agricole
  • diversité
English

Renewing the dialogue between farmers and urban areas through the issue of access to agricultural land. The case of Montpellier (France)

The participation of farmers to the urban food policies is a new issue. Urban and periurban municipalities are facing the discrepancies between various agricultural and urban stakeholders carrying new environmental and food expectations. This article offers a comparative study of three sequences of natural and agricultural land allocations to new farmers in the periurban area of Montpellier (France). Our results show various forms of farmers’ participation to the urban agri-food policy. A geography of farmers’ participation to the urban food policy is sketched. It highlights the role of the farmers’ lived spaces in shaping their pathways of participation to the local governance.

  • agriculture
  • urban planning
  • public policy
  • farmland
  • food governance
  • diversity
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Nabil Hasnaoui Amri
Auteur correspondant, UMR Innovation (Inrae, Cirad, Institut Agro), Montpellier, France (nabil.hasnaoui@gmail.com) UMR Innovation (Inrae, Cirad, Institut Agro), Montpellier, France (christophe.soulard@inrae.fr)
Laura Michel
Université de Montpellier, UMR Cepel, France (laura.michel@umontpellier.fr) UMR Innovation (Inrae, Cirad, Institut Agro), Montpellier, France (christophe.soulard@inrae.fr)
Christophe-Toussaint Soulard
UMR Innovation (Inrae, Cirad, Institut Agro), Montpellier, France (christophe.soulard@inrae.fr)
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 09/05/2022
https://doi.org/10.4000/norois.11798
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