CAIRN.INFO : Matières à réflexion

« Pour moi [le CDI], c’était un peu le cadenas. » Cette phrase, lâchée par l’une des 55 mompreneurs rencontrées entre 2011 et 2015, interroge nécessairement un∙e sociologue du travail, a fortiori attaché∙e aux propriétés affiliatrices de l’emploi. Comment le salariat a-t-il pu devenir un tel repoussoir, et tout particulièrement dans le cadre de cette enquête, pour des femmes situées en haut des classes moyennes et en bas des classes supérieures ? S’intéresser aux parcours de ces créatrices d’entreprise d’un genre nouveau permettait d’examiner non seulement la revalorisation de l’indépendance du côté des femmes, mais aussi les désordres du salariat contemporain. Si notre intérêt a d’abord été suscité par les transformations du travail suggérées par les parcours de ces femmes, nous avons également porté une attention soutenue aux engagements familiaux qui s’y nouent parallèlement aux trajectoires professionnelles.
Si celles qui s’identifient aux mompreneurs se rassemblent autour d’un même récit fédérateur et valorisant, faisant de leur sortie du salariat un choix fort, leurs parcours dessinent trois lignes de fuite hors du salariat. Les moins qualifiées d’entre elles n’ont ainsi régulièrement jamais réussi à s’y insérer de manière pérenne, comme le résume par exemple Nathalie, titulaire d’un DUT Communication suivi en formation continue :« C’est là que j’ai dit : plus jamais de contrats salariés qui t’épuisent, qui te prennent tout, qui te ramènent à l’ANPE, plus jamais le retour à l’ANPE, parce que t’as face à toi des gens qui ne comprennent pas ce que t’as fait, ce que tu veux faire, on repart de zéro, on fait des papiers, le formulaire machin il est où, HHAAA, non, et puis en plus pour avoir des prestations vraiment minables…

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Apparu en France dans les années 2010, le phénomène des Mompreneurs (pour « mamans entrepreneures ») repose sur la triple promesse d’une conciliation de la vie professionnelle et familiale, d’une souplesse plus grande dans l’aménagement des temps du travail, d’une indépendance nouvelle capable de donner ou redonner du sens à un travail salarié souvent vécu dans la souffrance. L’article, à partir d’une série d’entretiens avec des « mompreneurs », fait le point sur le passage des attentes à la réalité : qu’en est-il de la conciliation entre vie familiale et professionnelle ? L’indépendance à l’égard d’un patron ne se paie-t-elle pas de nouvelles dépendances à l’égard des client∙e∙s (qu’il faut chercher, qu’il faut satisfaire) ? Les protections liées au salariat ne se révèlent-elles pas mieux assurées que les gains d’une indépendance moins vécue que rêvée ?

Julie Landour
Sociologue, Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales, Université Paris-Dauphine.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2021
https://doi.org/10.3917/mouv.106.0082
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