CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les organisations syndicales enseignantes se positionnent régulièrement à l’avant-garde des luttes contre les stéréotypes de genre dans les milieux scolaires, faisant la promotion de pratiques enseignantes non sexistes [1]. Elles affichent également un engagement fort en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail [2]. Cet engagement s’inscrit dans la longue histoire du syndicalisme enseignant. Si les travaux sociologiques ou historiques qui sont consacrés à l’histoire du syndicalisme enseignant ne font que peu ou pas mention de cet engagement (Robert, 1995), les recherches consacrées aux liens entre féminisme et syndicalisme (Zylberberg-Hocquard, 1978 ; Maruani, 1979) ont mis en lumière les apports décisifs et les originalités du syndicalisme des enseignantes dans la première moitié du xxe siècle. Dans un contexte où les luttes féministes et syndicales étaient envisagées comme incompatibles, les organisations syndicales féminines de l’enseignement ont revendiqué et obtenu de manière précoce l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes [3]. Dans la seconde moitié du xxsiècle, alors que les enseignements féminin et masculin se rapprochent et que les femmes intègrent les syndicats qui étaient jusque-là masculins, le féminisme perd du terrain dans les organisations enseignantes, l’inutilité d’une représentation féminine spécifique étant alors justifiée par des statuts professionnels exemplaires en matière d’égalité hommes-femmes. Aussi, au début des années 1990, la création d’une nouvelle Fédération syndicale dans le monde enseignant – la Fédération syndicale unitaire (FSU) [4] – a-t-elle été perçue par plusieurs militantes comme pouvant permettre un renouveau du féminisme au sein de l’espace syndical.

2Or leurs espoirs ne sont qu’en partie réalisés. La lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes et contre les stéréotypes de genre en milieu professionnel compte certes parmi les engagements forts des organisations syndicales, mais la FSU semble plus timide lorsqu’il s’agit de favoriser l’égalité au sein même des structures syndicales. L’enjeu est pourtant de taille dans les syndicats enseignants : les femmes demeurent sous-représentées dans les lieux de décision et de pouvoir au regard de la place qu’elles occupent dans les professions enseignantes et parmi les syndiquées [5].

3Ce texte se propose d’étudier la manière dont les combats féministes sont perçus par les militantes et les militants et la façon dont ils sont pris en charge lorsqu’ils concernent l’espace syndical. Il s’appuie sur une enquête par observations et entretiens réalisée entre novembre 2015 et novembre 2017 dans le cadre d’une thèse de doctorat consacrée à l’accès des femmes aux responsabilités syndicales et à la prise en charge des questions féministes au sein des syndicats de l’enseignement primaire et secondaire de la FSU [6]. Trente-deux entretiens biographiques ont été menés avec des femmes et des hommes syndiqués, présentant différents niveaux d’engagement. Des observations ont été réalisées lors des temps de réunion de deux sections académiques du SNES et du SNEP et d’une section départementale de la FSU, ainsi que lors des réunions d’instances nationales de ces organisations. Par ailleurs, une lecture détaillée et une analyse qualitative de différentes publications syndicales ont également été réalisées. Ce travail d’analyse s’est concentré sur les publications du secteur Femmes de la FSU, sur les textes issus des différents congrès syndicaux, ainsi que sur les bulletins syndicaux lorsqu’ils traitaient plus spécifiquement des questions liées aux femmes et au genre.

4Les observations recueillies lors des congrès fédéraux et syndicaux, aux niveaux départemental, académique et national, constituent le point de départ de cette contribution. La place des femmes aux différents niveaux des structures syndicales y a essentiellement été abordée à partir de l’opportunité de mettre en place des mesures contraignantes afin d’augmenter le nombre de femmes aux responsabilités syndicales. Un mot, celui de parité, a occupé une position centrale dans ces débats. Ces observations nous ont conduite à porter une attention particulière aux occurrences de ce terme lors des moments d’assemblée, dans les publications des organisations syndicales étudiées ou dans le cadre des entretiens réalisés avec des militants. Il s’agit de saisir les réalités multiples recouvertes par ce terme et les enjeux qui lui ont été associés. Le mot parité a régulièrement été le point focal de joutes verbales particulièrement vives. Il a tantôt été employé au sens de présence numérique égale des femmes et des hommes aux différents niveaux des organisations syndicales, tantôt mobilisé selon une acception élargie, que nous désignons ici, à la suite de Laure Bereni et Anne Revillard, par l’expression de « grammaire paritaire » (Bereni, Revillard, 2007) et qui renvoie à un système de représentations où l’égalité se mesure avant tout de façon arithmétique et où la lutte pour les droits des femmes passe par leur présence à tous les échelons du pouvoir « à parité » avec les hommes.

5On oppose souvent deux visions du militantisme : d’un côté, une lecture du « militantisme pensé comme neutre du point de vue du genre » et, de l’autre, une analyse du militantisme « à la fois comme un produit et comme un mode de (re)production des rapports de genre » (Bargel, Dunezat, 2020, p. 252). Nous verrons que ces deux visions se manifestent dans notre corpus mais qu’elles ne sont pas forcément structurantes. Les remises en question sous-jacentes à la revendication paritaire suscitent en effet des tensions qui tendent à en faire un enjeu pour la survie même du syndicat. Cette contribution abordera en premier lieu la manière dont les revendications paritaires se sont imposées comme un axe essentiel des combats féministes menés à l’intérieur de la Fédération et de ses syndicats, et ce dès sa création. Dans un second temps, elle présentera les deux grandes catégories d’arguments déployés contre l’instauration d’une contrainte paritaire.

6L’analyse de l’itinéraire du terme parité et des revendications qu’il implique au sein des organisations étudiées permettra ainsi d’étudier la manière dont le combat féministe est porté (ou non) au sein même des structures syndicales.

Les mobilisations pour la parité dans la FSU

7La création de la FSU au début des années 1990 et le moment de flottement qui suit la mise en place des nouvelles institutions constituent une fenêtre d’opportunités dont se sont saisies les militantes féministes de la Fédération. Sans être totalement absentes, les questions liées aux femmes – englobées dans l’ensemble plus large des « affaires générales » – occupaient une place marginale dans les débats et les engagements des syndicats et des instances fédérales de l’ancienne FEN. Les militantes féministes, qui appartenaient le plus souvent aux tendances minoritaires de la Fédération, et notamment à l’École émancipée, ne siégeaient pas dans les instances exécutives de la FEN et pesaient peu dans les débats. Au contraire, la mise en place de la FSU donne aux militants des tendances minoritaires accès à la représentation :

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La création du SNUIPP et de la FSU change tout. […] On pouvait être à l’exécutif. On pouvait animer le travail femme, ce qui était inimaginable dans la précédente organisation syndicale, inimaginable. Si on était minoritaire, on était minoritaire. On n’avait rien. On ne faisait rien. (Tania, 59 ans, ancienne responsable nationale du SNUIPP et membre du secteur Femmes de la FSU, janvier 2016)

9La FSU se dote en effet d’un appareil statutaire à même de « garantir la représentation de la diversité des sensibilités dans les instances à tous les niveaux » (Collectif, 2013, p. 123), si bien que les tendances à faible effectif, comme l’École émancipée, bénéficient d’une « sur-représentation » (loc. cit.) dans les différentes instances. Les militantes féministes profitent de ces nouveaux équilibres pour diffuser plus largement leurs revendications. « La dimension féministe devait avoir une place dans le syndicalisme qu’on voulait construire » (Tania, 2016) : il s’agit, d’une part, d’impliquer la FSU et ses syndicats dans les mouvements féministes qui émergent au milieu des années 1990 et, d’autre part, de porter le combat féministe au sein même de la Fédération. Ce combat passe notamment par l’adoption de mesures garantissant une présence des femmes dans les postes à responsabilité. En mars 1994, dans les textes issus du congrès fondateur de Mâcon, la FSU affiche déjà sa volonté de mettre en place une « répartition équilibrée entre les hommes et les femmes » au niveau « des responsabilités fédérales », même si on ne parle alors pas encore de parité, ni de mesures contraignantes.

10En 1995, l’ampleur des mobilisations pour les droits des femmes modifie la manière d’envisager le féminisme. Porté par plusieurs figures de la scène politique, celui-ci perd « de son caractère subversif » (Picq, 2011, p. 446-448) et gagne en respectabilité.

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La FSU, elle naît avec un renouveau du mouvement féministe, même si tu as forcément des réticences au SNES et tout ça, tu as quand même cette vague. Et la FSU, ça fait aussi partie de sa carte d’identité, […], d’être là-dedans, d’une FSU moderne. (Brigitte, 60 ans, ancienne responsable nationale de la FSU, ancienne membre du secteur Femmes de la FSU, novembre 2017)

12Dans le prolongement du « backlash » des années 1980 (Faludi, 1991), la remise en question des acquis en matière de droits des femmes fait entrer le mouvement féministe dans une période de « (re)mobilisation » (Bergès, 2017, p. 18). L’accès à l’emploi des femmes est fragilisé par des mesures qui favorisent le travail à temps partiel et par une politique familiale qui incite les femmes à se retirer du marché du travail (Trat, 2007, p. 21). Des commandos d’extrême droite s’en prennent à des cliniques et des hôpitaux qui pratiquent l’IVG (Pavard et al., 2020, p. 389). Pour plusieurs militantes féministes, notamment celles qui participent à la construction de la nouvelle Fédération, il s’agit là d’un retour en arrière intolérable. Une enquêtée décrit d’ailleurs ainsi les réactions suscitées par ces atteintes contre les droits des femmes :

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Et ça les syndicats, et même les féministes qui étaient un peu… vont pas vouloir laisser passer ça. […] Pour moi, c’étaient des évidences. On est beaucoup à avoir été baignés dans ce qui était les revendications 68 et le Mouvement des femmes. La question du droit des femmes […], je pense que c’était une évidence. (Brigitte, 2017)

14De fait, on assiste au cours des années 1990 à un essor du militantisme féministe. Des associations et des collectifs sont créés (Picq, 2011, p. 446-448) et, en 1990, la CADAC [7] voit le jour. Elle réunit notamment le Planning familial ainsi que différentes associations et organisations syndicales, au nombre desquelles figure l’ancienne FEN, puis la FSU. La manifestation du 25 novembre 1995, organisée à l’initiative de la CADAC, mobilise quelque 149 organisations et constitue le point d’orgue de cette période de contestation. Plusieurs militantes de la FSU sont particulièrement actives dans ces mobilisations féministes de grande ampleur et parviennent à entraîner la jeune Fédération dans leur sillage.

15Un secteur Femmes est ainsi créé au sein de la FSU en 1996, ce qui donne une autre dimension au féminisme dans la Fédération et dans ses syndicats : l’engagement pour la cause des femmes n’est dès lors plus seulement tributaire des initiatives individuelles de quelques militantes convaincues mais, pris en charge par une instance spécifique, il devient un élément ordinaire du fonctionnement de l’organisation. La création d’un bulletin, intitulé Pour Elles Info, facilite en outre la diffusion des discours féministes au sein de la Fédération et rend plus visible l’engagement de l’organisation en faveur de la cause des femmes sur la scène publique.

16Parallèlement, la cause de la parité en politique apparaît et progresse rapidement, au point de déboucher sur le vote de la loi dite de la parité, le 6 juin 2000. Fruit d’une intense mobilisation, le discours sur la parité s’enracine alors. En 2015, Laure Bereni note ainsi qu’il s’est désormais banalisé :

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Quinze ans après le vote de la loi du 6 juin 2000, le discours de la parité est presque devenu une doxa. Rares sont ceux qui en contestent ouvertement le principe, au risque d’apparaître archaïques et ringards. Les résistances à la règle paritaire, toujours nombreuses, doivent désormais se faire discrètes : elles sont passées de la scène aux coulisses politiques. (Bereni, 2015, p. 273)

18Le bulletin du secteur Femmes de la FSU, Pour Elles Info, rend compte de sa diffusion au sein du secteur syndical. Plusieurs numéros ont été ainsi consacrés à la question de la parité. S’appuyant sur des enquêtes statistiques qui rendent compte de la sous-représentation des femmes au sommet de l’organisation et sur différents exemples de syndicats qui ont opté pour la mise en place de mesures contraignantes, ils présentent l’inscription de la parité dans les statuts de la Fédération comme une étape nécessaire afin d’atteindre l’objectif en matière d’égalité hommes-femmes que s’est fixé la Fédération en 1994. Ces publications ainsi que les prises de parole en assemblée des militantes du secteur Femmes participent à la diffusion de la « grammaire paritaire » (Bereni, Revillard, 2007) et du « principe d’une représentation arithmétique de l’égalité » (Bereni, 2015, p. 275) au sein de la FSU et de ses syndicats.

19Dans la FSU, loin de se faire en « coulisses » (Bereni, 2015, p. 273), ces débats se font au grand jour, dans les publications des syndicats ou lors des congrès nationaux, temps forts de la vie démocratique de la Fédération, qui possèdent une « fonction démonstrative » (Béroud, Denis, 2015, p. 7). Narrant un épisode du congrès national du SNES de mars 2014, Isabelle fait part lors d’un entretien des enjeux qu’a pu revêtir le terme même de parité.

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Moi je suis à l’École émancipée et on propose à tous les congrès la parité dans le syndicat. […] On a présenté une modification statutaire d’École émancipée qui disait : « les syndicats s’attachent à une représentation des femmes et je sais pas quoi et s’attachent à tendre vers la parité. » On a présenté ça comme ça, avec « tendre » hein, et on a gagné. En mars 2014, c’est dans les statuts du SNES. Grosse bataille. On a fait péter le champagne en plein milieu du congrès. (Isabelle, 42 ans, militante au SNES, ancienne membre du groupe Femmes du SNES, du secteur Femmes de la FSU, avril 2017)

21Ainsi, la construction identitaire de la FSU et son affirmation dans le paysage syndical se sont déroulées parallèlement à la « bataille de la parité » (Bereni, 2015). Si les féministes de la FSU ont dans une large mesure importé cette bataille au sein de la Fédération, sa progression et les enjeux qu’elle revêt dans l’espace syndical demeurent cependant sensiblement différents de ceux qu’elle représente dans l’espace politique.

« Ce n’est pas une question de sexe » : un désengagement paradoxal

Un syndicalisme exemplaire

22L’ouvrage publié par le SNES en 2016 à l’occasion du cinquantième anniversaire du syndicat, qui s’intitule SNES : 50 ans en images et qui se propose d’exposer une culture syndicale sans jamais recourir à la « langue de bois » [8], formule explicitement le rejet par le syndicat de cette « grammaire paritaire », pourtant largement diffusée dans les milieux politiques et parmi les militantes du secteur Femmes. On pouvait ainsi lire dans le chapitre intitulé « Militant se décline aussi au féminin » : « Les mots “quotas”, “parité” restent tabous, même si dans les faits une attention de plus en plus grande est portée à la place des femmes dans les instances et responsabilités syndicales » (Dekleermaeker, 2016, p. 29). L’idée de parité n’a cependant jamais fait l’objet d’attaques frontales. Les dirigeants de la FSU et de ses syndicats ne peuvent en effet faire abstraction d’un contexte où « ne pas réserver un bon accueil à la parité » équivaudrait à aller « à contresens de la “modernité” » (Achin, Paoletti, 2002, p. 36-37). La mise à distance de la contrainte paritaire passe plutôt par la mise en évidence de son inadaptabilité au contexte syndical ; comme si celui-ci constituait une bulle qui, contrairement aux autres espaces sociaux, ne serait pas régie par les normes de genre.

23Ainsi, lors des débats consacrés à l’accès des femmes aux responsabilités syndicales qui se sont déroulés lors du congrès national du SNEP en mars 2017, les propositions des militants de l’École émancipée en faveur de mesures contraignantes ont suscité de vives tensions. Pour beaucoup d’intervenants, l’accès aux responsabilités, « ce n’est pas une question de sexe », comme l’affirme un responsable d’une section départementale. Pour apaiser les échanges, une responsable nationale le répète :

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On a fait des efforts conséquents depuis plusieurs années. Moi, je suis très confiante. Je me sens femme et homme, je ne sais jamais et je vais très bien. Je suis militante du SNEP avec mes camarades. Et bah, à camarade, il n’y a pas de sexe associé ! Voilà, on est dans la bonne voie. (Observation réalisée lors d’un débat en plénière dans le cadre du congrès national du SNEP, 16 mars 2017)

25Des échanges comparables ont lieu lors du congrès national du SNES qui s’est déroulé la même année ; la majorité des militants présents, parmi lesquels figuraient des responsables de l’organisation, y ont défendu l’idée que l’activité militante et l’espace syndical seraient le lieu d’un dépassement des assignations à une identité de sexe. De fait, les militants et militantes sont régulièrement confrontés à des exemples de femmes qui occupent des positions de pouvoir et qui, lors de prises de parole publiques, affirment leurs convictions idéologiques, transgressant ainsi les normes comportementales traditionnellement associées à leur sexe. Lors des entretiens, l’organisation syndicale elle-même n’a d’ailleurs presque jamais été désignée comme pouvant jouer un rôle dans le mode d’accès des femmes aux instances de décision.

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J’ai l’impression qu’il y a une réelle égalité, enfin une réelle possibilité. Après peut-être que les femmes ne s’y engagent pas parce qu’elles se donnent… parce qu’elles n’ont pas envie de diminuer le temps passé à la maison, ou en famille. Voilà c’est un choix secondaire mais, en tout cas, dans l’accès au militantisme syndical au niveau académique, c’est tout à fait possible. C’est pas le bureau qui bloque. (Ophélie, 41 ans, militante au SNEP, novembre 2015)

27Ainsi, le fait que les femmes soient plus faiblement représentées que les hommes dans les positions de responsabilité n’est pas imputé à l’existence de normes organisationnelles qui leur seraient défavorables (Guillaume, 2007, p. 58), mais au primat qu’elles accorderaient à l’engagement familial et domestique. Les contraintes liées à l’articulation des temps sociaux, frein majeur à l’engagement des femmes (Le Quentrec, Rieu, 2003), revêtent une dimension particulière dans le champ professionnel de l’enseignement : en raison de ses plus faibles contraintes horaires, l’enseignement serait particulièrement adapté aux mères de famille. « Même s’il est maintenant a posteriori récusé par une partie des professeurs eux-mêmes » (Chapoulie, 1987, p. 74), ce stéréotype peut renforcer le caractère genré et inégalitaire de la division du travail domestique (Jarty, 2009 ; Moreau, 2011). Or, le temps libre est l’une des conditions premières de l’engagement militant (Sainsaulieu, Surdez, 2012, p. 17).

28Depuis quelques années, on assiste ainsi à l’émergence d’une réflexion collective au sein des espaces militants sur les spécificités de l’engagement des femmes et à une remise en question d’un certain modèle de militantisme, particulièrement chronophage (Fillieule, Pudal, 2010, p. 180). Ce modèle, qualifié de « sacrificiel » (Teste, 2016, p. 3), a été identifié comme un obstacle majeur à l’engagement et à la montée en responsabilité des femmes. Ainsi, les textes votés lors des congrès syndicaux appellent à la mise en place de « mesures facilitatrices », comme la prise en charge des frais de garde d’enfants, l’optimisation du travail syndical, l’instauration d’horaires compatibles avec une vie de famille.

Une question marginalisée

29Cependant, les modalités de mise en application de ces principes restent vagues et bien souvent aléatoires. Lors de l’enquête de terrain, il est ainsi apparu que l’existence de ces mesures était mal connue des militantes ou qu’elles n’osaient pas s’en emparer. Au cours d’un entretien, Noémie, jeune militante au SNES, souligne le peu de place occupée par la question de l’articulation des engagements familiaux et syndicaux dans les temps de discussion au sein de sa section départementale :

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C’est plutôt entre nous, entre filles de temps en temps. […] C’est pas une discussion qu’on a au bureau où on se dit : « il faut qu’on discute de comment faire ». Peut-être c’est arrivé une fois, quoi. Mais c’est plutôt des discussions informelles sur : « oh là là, au CA il y a machine qui a dit qu’elle ne pouvait pas venir parce qu’elle avait ses enfants. C’est quand même embêtant des réponses comme ça », « Bah ouais, c’est gênant […] ». Tu vois, c’est plutôt ce genre de discussions informelles […] plus entre femmes. (Noémie, 28 ans, militante au SNES, novembre 2015)

31Autrement dit, les difficultés très concrètes auxquelles sont confrontées les militantes pour poursuivre ou mener plus avant leur engagement syndical ne pénètrent pas dans l’espace des discussions formelles qui se déroulent dans les instances syndicales. Ces difficultés ne sont donc pas considérées comme des sujets pouvant faire l’objet d’une réflexion plus large et d’une éventuelle prise en charge collective, comme s’il s’agissait de problèmes de femmes qui devaient se régler entre femmes. Lors des différentes observations réalisées, cette question n’a presque jamais été évoquée lors des débats en assemblée consacrés à la question de l’égalité entre les sexes. Ceci tend à confirmer que la réduction de ces débats à la mise en place d’une contrainte paritaire « détourne l’attention des inégalités structurelles qui perdurent » (Duru-Bellat, 2017, p. 252).

32En revanche, la FSU et ses syndicats sont très attentifs à l’égalité hommes-femmes dans la fonction publique, et ce alors même que l’entrée dans la profession par le concours, l’existence de barèmes et de différentes règles bureaucratiques pour réguler les niveaux de revenus et la progression dans les carrières ont « jusqu’à une date récente fait écran à la reconnaissance des discriminations » (Marry et al., 2017, p. 13). Dès 1975, un numéro spécial de L’Université syndicaliste (L’US), le bulletin du SNES, consacré à « la condition des femmes », s’intéressait « aux idées fausses […] encore exprimées à propos de la situation des femmes dans la fonction publique et l’enseignement » (SNES-FEN, 1975, p. 28), soulignant que « sous prétexte que l’égalité des droits est acquise, légalement dans le Statut de la Fonction publique, bien des gens affirment hâtivement qu’il existe une égalité réelle entre les hommes et les femmes qui travaillent dans ce secteur » (loc. cit.). De surcroît, plusieurs publications et prises de position plus récentes de la FSU et de ses syndicats sont consacrées à la place des femmes dans la fonction publique [9]. Ainsi, sans s’en tenir à une « représentation arithmétique de l’égalité » (Bereni, 2015, p. 275), la FSU et ses syndicats se sont attachés très tôt à analyser, au-delà des garanties apportées par les textes réglementaires, la façon dont le genre participe à l’organisation du monde du travail et des sphères éducatives.

33Dans ce contexte, comment expliquer que les discours associés à la parité suscitent aujourd’hui autant de réticences auprès d’une large partie des militants de la FSU ? Pourquoi la Fédération et les syndicats étudiés ne sont-ils pas passés « des déclarations d’intention » à « une obligation de résultat » (Marry et al., 2017, p. 14), comme cela a été le cas dans la fonction publique ?

Argumenter contre la parité

Un autre combat féministe

34Les prises de distance exprimées lors des débats en assemblée à l’égard de la parité, assimilée à l’instauration de mesures contraignantes pour garantir une plus forte présence des femmes aux différents niveaux des organisations syndicales, ne reposent pas nécessairement sur des stéréotypes de genre mais s’inscrivent, pour partie, dans une démarche de défense de la cause des femmes. Ces arguments sont de deux ordres : la parité participerait, d’une part, au renforcement des catégories de sexe et relèverait, d’autre part, de la mise en scène et du déploiement d’un féminisme de façade. L’instauration d’un nouveau cadre réglementaire reposant sur la division des militants en deux catégories définies selon leur sexe est ainsi considérée comme une remise en question du principe d’universalisme qui prévaut dans la représentation syndicale et comme une régression pour certaines militantes qui se sont affranchies des normes de genre et ont gravi les échelons des structures militantes. En élevant les catégories de sexe au rang des multiples contraintes qui régissent déjà, avec l’organisation en courants de pensée et la représentativité territoriale, l’accès aux instances syndicales, l’instauration de la parité donnerait à la différence des sexes une importance que plusieurs militantes s’efforcent de combattre depuis des années. Réjane Sénac a souligné les conséquences, en termes d’assignation identitaire, de la contrainte paritaire : « Inclus.es pour la plus-value de leur singularité, les femmes et les racialisé.es sont en effet enjoint.es de performer leur.s différence.s, au sens à la fois de les rentabiliser et de les théâtraliser » (Sénac, 2015, p. 30).

35Par ailleurs, la diffusion de la « grammaire paritaire » au sein des structures étudiées, c’est-à-dire d’une appréhension de l’égalité des sexes à travers l’arithmétique, pèse déjà sur le fonctionnement des structures syndicales. Sans être contraignante, elle enjoint aux organisations syndicales d’afficher, à la tribune par exemple, une répartition des femmes et des hommes qui ne soit pas trop éloignée des proportions observées dans les syndicats et dans la Fédération. Mais cette démarche ne semble pas toujours constituer une réponse aux inégalités structurelles qui existent dans les organisations.

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Souvent, il y a la parité en tribune et il n’y a que les hommes qui prennent la parole. Les filles font potiches. Moi, on m’a fait monter très jeune à la tribune du SNEP, mais qu’est-ce que je faisais là ? Je ne servais à rien. Je ne servais à rien. Souvent, c’est une façon de dire : regardez comme on est bien paritaire. C’est une vitrine. Mais dans les instances, dans la structure, ce n’est pas ça du tout. Les femmes s’écrasent. Elles s’écrasent. (Entretien réalisé avec Caroline, 52 ans, militante au SNEP, juillet 2017)

37Caroline, comme d’autres militantes rencontrées au cours de l’enquête, exprime ainsi le sentiment d’avoir été instrumentalisée par son organisation syndicale et installée à la tribune, non pour prendre réellement part au processus de prise de décisions et pour orienter les échanges, mais simplement en raison de son sexe. La formule « d’affichage paritaire » semble ici pertinente (Achin, Paoletti, 2002, p. 36). Comme cela a été observé dans d’autres structures militantes(Monney et al., 2013), l’attention portée à la mise en place d’une répartition équilibrée des femmes et des hommes en situation d’assemblée vise à construire une image positive du syndicat plus qu’à participer à une remise en question de l’ordre genré en vigueur dans l’organisation et à une « réelle transformation de la vie quotidienne » (Duru-Bellat, 2017, p. 252).

38Ainsi, les prises de distance à l’égard de la parité peuvent-elles s’exprimer en termes de défense de la cause des femmes, soit à partir d’un refus de toute assignation identitaire, soit au nom de l’inefficacité de la règle paritaire en matière de lutte contre les inégalités de genre. Mais, comme on va le voir, ces distanciations sont plus souvent justifiées par la sauvegarde du combat syndical lui-même.

La survie du syndicat au prix du féminisme

39Dans notre corpus, les opposants à la mise en place de mesures contraignantes insistent le plus souvent sur les difficultés associées à l’instauration d’une nouvelle contrainte, celle-ci étant présentée comme « insupportable » ou « jouant contre nous » – à savoir le syndicat lui-même. Dans un contexte où les sections locales doivent régulièrement composer avec les difficultés associées à l’érosion des effectifs militants, la complexification des règles de représentativité rendrait l’exercice d’un mandat syndical plus difficile, tout en risquant de susciter des tensions susceptibles de déstabiliser la cohérence de l’organisation syndicale (Nicourd, 2009, p. 14). La parité pourrait ainsi constituer un frein à l’engagement des militants.

40La cohésion interne est d’autant plus menacée que la question de la parité met le syndicat face à ses contradictions. Lors de différentes réunions, des militantes du secteur Femmes ont entrepris de compter à la fois le nombre de femmes présentes dans les instances et la répartition du temps de parole entre hommes et femmes. Il s’agissait de mettre au jour l’implication concrète des femmes dans les processus de prises de décisions :

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Je ne sais pas comment ça se passe ailleurs, en gros on ne met pas en pratique les valeurs qu’on défend par ailleurs. Et je pense qu’il n’y a pas qu’au SNEP, le plus révélateur, ça a été un jour où on avait chronométré le temps de parole des hommes et des femmes sur une journée. Et à la fin de la journée, quand on était en train de terminer le machin, j’ai dit : avant qu’on s’en aille, avant qu’on lève la séance, je voudrais donner une information. J’ai annoncé tant d’hommes, tant de femmes dans notre assemblée aujourd’hui et le temps de parole des hommes et le temps de parole des femmes. Et là, ça été une levée de boucliers, ça a été hyper agressif de la part de camarades hommes. […] ça les a tellement… Ils étaient pris la main dans le pot à confiture. Du coup une agressivité pour dire que si, si, ils étaient féministes. Ils n’ont pas supporté. C’est la même chose je pense : on a les valeurs, je fais les courses, j’étends la lessive, il y a le partage des tâches mais dans le syndicalisme, les postes à responsabilité, ça, ils n’ont pas envie de le partager. Je vois ça comme ça. Et ce qui me fait dire ça aussi, c’est qu’on les enquiquine, et ça on le sait parce qu’on nous l’a dit. (Wanda, 49 ans, militante au SNEP, membre du secteur Femmes de la FSU, octobre 2017)

42Les militantes du secteur Femmes de la FSU ont pleinement intégré le malaise suscité par la mise au jour des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes dans les instances syndicales et par l’instauration de mesures contraignantes. On pouvait ainsi lire sur la première page du bulletin Pour Elles Info de janvier 2014 :

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Exiger que femmes et hommes soient représentés de façon égalitaire dans les instances de pouvoir dérange toujours car cela nécessite d’admettre des réalités gênantes : l’égalité des sexes est loin d’être réalisée dans la sphère syndicale et l’on ne peut attendre une évolution rapide des mentalités à ce sujet. Poser la question de la parité dans les statuts, c’est certes s’imposer une contrainte, mais les règles de fonctionnement de la FSU sont elles aussi contraignantes comme les 70 % et c’est cette contrainte qui nous permet d’arriver à faire la synthèse dans notre fédération. (FSU, Pour Elles Info, janvier 2014, p. 1)

44Avec retard au regard des évolutions réglementaires déjà intervenues dans la fonction publique, le champ de la politique et d’autres organisations syndicales, l’instauration de mesures contraignantes à la FSU reviendrait à reconnaître que les inégalités entre les sexes ne se construisent pas seulement en dehors des structures syndicales, mais que celles-ci ont également une part de responsabilité. Comme le dit Margaret Maruani, « la rencontre entre féminisme et syndicalisme est souvent conflictuelle parce qu’elle dévoile au grand jour, elle alimente, elle fait éclater un certain nombre de contradictions internes le plus souvent pudiquement masquées » (Maruani, 1979, p. 244).

45Dans les discours de plusieurs militants, la contrainte paritaire est désignée comme un danger pour l’unité de l’organisation syndicale, car elle risquerait de diviser les femmes et les hommes en deux camps antagonistes et d’engager le syndicat dans un processus de culpabilisation des hommes particulièrement risqué dans un contexte de désyndicalisation. Ce passage extrait des textes du congrès du SNEP de 2017, qui fixe les grandes orientations du syndicat pour les années à venir, semble leur être tout particulièrement destiné :

46

Nous avons à travailler pour permettre aux femmes de prendre, à égalité avec les hommes, toute leur place au SNEP. Le processus mis en œuvre associera les hommes, sans discours culpabilisateur. La question de l’engagement des femmes n’est pas une contrainte supplémentaire mais un point d’appui pour un engagement plus large. (SNEP-FSU, 2017, p. 4)

47L’extrait est ambigu : la mise en exergue de la notion de culpabilité et la mention de l’inclusion des hommes, tout en se voulant rassurantes, limitent la portée de la déclaration en faveur de l’égalité hommes-femmes. La dénégation tend en effet, implicitement, à rendre les hommes responsables de ces inégalités, sinon à associer féminisme et culpabilisation des hommes. Pourtant, pour les militantes féministes, il ne s’agit pas tant de s’en prendre à des individus en dénonçant le sexisme de tel ou tel militant que de s’attaquer aux inégalités structurelles en mettant en lumière le rôle des mécanismes genrés dans le fonctionnement des organisations syndicales.

48La distance est grande entre l’ambition du féminisme défendue, au cours des années 1990, par les militantes de la FSU et ce timide appel du congrès de 2017. L’évolution du contexte peut, pour partie, en être responsable. L’enthousiasme des débuts de la FSU – alors qu’elle supplantait les organisations syndicales concurrentes, en nombre d’adhérents, en visibilité sur la scène publique et en légitimité à porter la voix de l’ensemble des enseignants – a laissé place à des inquiétudes qui traversent l’ensemble du paysage syndical français. Même si les services publics ont été moins affectés que d’autres secteurs professionnels par la crise qui touche les organisations syndicales depuis les années 1980, la FSU est également confrontée à la question de la désyndicalisation et de la baisse de son influence. Ce « processus de défection des adhérents » (Fillieule, 2009, p. 181) pèse sur ses marges de manœuvre : il s’agit non seulement de ménager les sensibilités idéologiques des adhérents, mais également d’être attentif aux contraintes organisationnelles que les militants sont en mesure d’accepter pour maintenir leur engagement.

49Le renouvellement générationnel des militants féministes de la FSU et des syndicats, mais aussi, plus largement, les transformations du paysage féministe ont également pesé sur la diffusion de leurs revendications au sein de la FSU et sur leur réception par les militants. Si les liens tissés entre la FSU et les associations féministes au cours des années 1990 sont encore vivaces, le mouvement féministe a changé : il est désormais dominé par des collectifs faiblement structurés ou des mouvements qui n’ont parfois pas d’existence institutionnelle. La FSU et ses syndicats se font généralement le relais de leurs revendications. Mais la différenciation des modes d’organisation entre syndicats et mouvements féministes rend la construction de passerelles plus difficile.

50Or la distension des liens entre les militants siégeant dans les structures syndicales dédiées à la cause de femmes et la scène féministe actuelle limite la pénétration des idées féministes au sein de la FSU et pèse également sur les dimensions idéologiques de la mise en place de mesures contraignantes pour garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux syndicats enseignants.

51La transformation des modalités organisationnelles converge ici avec celle des modalités d’engagement des militants. La multiplication des engagements – sur la scène féministe, politique et syndicale – des anciennes militantes et responsables du secteur Femmes a laissé place à un resserrement des engagements de la nouvelle génération militante autour de combats essentiellement corporatistes. En ancrant le féminisme dans le paysage institutionnel de la Fédération et en instaurant dans le calendrier syndical plusieurs rendez-vous associés à la cause des femmes, les militantes féministes de la FSU en font un élément routinier et bien établi dans la vie de leur organisation. Cependant, « l’institutionnalisation implique aussi des formes de dépolitisation, à travers l’euphémisation ou la négation de la dimension politique de la revendication de l’égalité des sexes » (Blanchard et al., 2018, p. 9).

52*

53Les tensions suscitées au sein de la FSU et des syndicats étudiés par la notion de parité, entendue comme l’égale représentation de chaque sexe au sein des instances syndicales, ou renvoyant à l’instauration de mesures contraignantes pour garantir cette égalité, mettent au jour les divergences entre les différentes visions du féminisme et de l’égalité qui coexistent au sein des organisations militantes. La focalisation sur une conception arithmétique de l’égalité évacue des discussions collectives les autres manifestations, moins visibles, des rapports sociaux de sexe. Pour les militantes féministes qui ont pris part à la construction de la FSU, l’instauration de règles contraignantes pour garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités syndicales viendrait consacrer une certaine conception du syndicalisme, attentive aux inégalités structurelles qui traversent les organisations militantes. Pour d’autres militants, la mise en place de mesures coercitives s’inscrit en décalage à la fois avec les multiples contraintes que le tarissement des ressources militantes fait peser sur l’organisation, et avec la neutralité supposée de l’espace syndical du point de vue du genre. Si la fréquence des références à la notion de parité rend compte d’une relative banalisation des enjeux féministes au sein de la FSU, les prises de distance qu’elles provoquent peuvent quant à elles renvoyer à une évacuation des enjeux politiques associés au paritarisme.

Notes

  • [1]
    Le numéro de septembre 2013 de la revue Contrepied (revue publiée par le SNEP et le Centre EPS et société), intitulé Égalité !, donne par exemple des conseils très pratiques aux enseignants d’EPS sur la manière d’interagir avec les élèves ou d’aborder telle ou telle activité sans reproduire les assignations de genre liées aux différentes pratiques sportives.
  • [2]
    Les syndicats participent à la production de données sur la fabrique des inégalités professionnelles : le SNES a par exemple impulsé une recherche-action intitulée Trajectoires et rapports de genre dans l’enseignement du second degré (Cau-Bareille, Jarty, 2014). Au SNEP, le collectif « Femmes et STAPS » a lancé une enquête pour mieux comprendre la défection des étudiantes des filières STAPS, qui constituent une des voies d’accès aux postes d’enseignant en EPS, et cherche à alerter le Haut Conseil à l’égalité ainsi que les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur.
  • [3]
    Après une campagne active menée par les groupements professionnels d’institutrices auprès des parlementaires, le principe de l’égalité salariale est voté au Parlement le 25 janvier 1910. Il faut cependant attendre 1919 pour que cette loi, qui constitue la première loi en matière d’égalité salariale, devienne effective. Du côté de l’enseignement secondaire, le principe de l’égalité salariale est adopté par le Parlement en 1926, ici aussi dans la continuité des mobilisations des organisations professionnelles des enseignantes.
  • [4]
    Depuis les années 1980, la Fédération de l’Éducation nationale (FEN), qui dominait le paysage enseignant depuis 1947, est en crise. Les tensions internes aboutissent, en 1992, à l’exclusion du SNES (Syndicat national des enseignants du second degré) et du SNEP (Syndicat national de l’éducation physique de l’enseignement public), mettant fin à plusieurs décennies d’unité. En 1993, la Fédération syndicale unitaire (FSU) est créée. Elle rassemble les syndicats exclus de la FEN, ainsi que les tendances minoritaires, et de nouvelles organisations syndicales comme le SNUIPP (Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général de collège).
  • [5]
    En 2015-2016, les femmes représentaient 58,3 % des enseignants du secondaire, 63,3 % des adhérents du SNES, 42 % des secrétaires départementaux et 41 % des membres du secrétariat national. Concernant l’EPS, les femmes représentaient 41 % des enseignants, 43,3 % des adhérents du SNEP, 37 % des secrétaires départementaux et 30 % des membres du secrétariat national.
  • [6]
    Zoé Haller, Genre et syndicalisme : trajectoires militantes et prise en charge des questions féministes dans les syndicats enseignants de la FSU, thèse en cours sous la direction de S. Devineau, université de Rouen.
  • [7]
    Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception.
  • [8]
    Voir la présentation de l’ouvrage SNES : 50 ans en images sur le site « ADAPT – SNES Éditions »,
    http://www.adapt.snes.edu/Snes-50-ans-en-Images.html (consulté le 13/12/2020).
  • [9]
    Les mobilisations contre la réforme des retraites ont par exemple été l’occasion de pointer le caractère discriminant de ces mesures à l’égard des femmes (voir FSU, 2019).
Français

À partir d’une analyse des discours portant sur la parité au sein de la Fédération syndicale unitaire (FSU) et de deux syndicats enseignants qui lui sont affiliés, ce texte propose d’étudier la manière dont les combats féministes sont perçus par les militants et pris en charge par les organisations syndicales. Cette contribution s’appuie sur une enquête par observations et entretiens ainsi que sur l’examen des textes issus des différents congrès syndicaux et fédéraux et des bulletins publiés par la Fédération, les syndicats et le secteur Femmes de la FSU.

  • genre
  • parité
  • syndicalisme
Español

Mencionar la desigualdad y asumir la lucha feminista en los sindicatos

A partir del análisis del discurso sobre la paridad en el seno de la Fédération syndicale unitaire (FSU) y de dos de sus sindicatos de profesores afiliados, este artículo se propone estudiar la forma en que las luchas feministas son percibidas por los militantes y asumidas por las organizaciones sindicales. Esta contribución se basa en una investigación basada en observaciones y entrevistas, así como en el examen de los textos de los distintos congresos sindicales y federales y de los boletines publicados por la Federación, los sindicatos y el sector «Mujeres» de la FSU.

  • igualdad
  • género
  • sindicalismo
  • Corpus

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    • Dekleermaeker Brigitte éd., 2016, SNES : 50 ans en images, Paris, ADAPT-SNES Éditions.
    • FSU, 2019, « Réforme des retraites : un projet défavorable aux femmes », article publié sur le site de la FSU le 2 décembre 2019, https://fsu.fr/reforme-des-retraites-un-projet-defavorable-aux-femmes/ (consulté le 15 décembre 2020).
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    • SNEP-FSU, 2013, Égalité ! [numéro thématique], Contrepied, hors-série no 7.
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Zoé Haller
Université de Rouen, laboratoire Dysolab
Camille Noûs
Laboratoire Cogitamus / Cogitamus Laboratory
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 21/06/2021
https://doi.org/10.4000/mots.28603
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