CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Le lien entre migration et développement rural, en particulier au Sud, fait depuis longtemps l’objet d’une attention particulière en sciences sociales, notamment en économie, en sociologie et en géographie. Ce lien a été largement appréhendé au regard d’une triple conception dominante : une ruralité définie par sa fonction productive agricole, la migration entendue comme un changement définitif de résidence aux échelles nationales ou internationales, et le développement appréhendé en tant que processus de croissance économique dans des rapports centre-périphérie. Dans ce contexte, des grilles d’analyse ont été élaborées, tout au moins jusque dans les années 1980, selon une perspective dualiste. La première perspective, dans une lignée d’approches néoclassiques (Todaro, 1969 ; Lewis, 1954), considère que le fait migratoire – l’exode rural – renvoie à un transfert de main-d’œuvre excédentaire répondant à des logiques de push-pull (Ravenstein, 1985), nécessaire à la transition démo-économique dans un contexte d’industrialisation et d’urbanisation. La seconde, inscrite dans les perspectives historico-structuralistes, mobilise les théories postmarxistes de l’échange inégal, de la dépendance et de la domination des villes sur les campagnes (Wallerstein, 1979 ; Frank et Amin, 1978) et positionne la migration comme conséquence et cause de la déstructuration des sociétés paysannes et de la pauvreté rurale.

2 Malgré leur apport fondamental, le caractère partiel de ces perspectives est admis et, depuis les années 1990, d’autres travaux sur le lien migration-développement se sont attachés à repenser le fait migratoire. En donnant plus de place à l’acteur migrant, à ses choix, stratégies, intentionnalités ou projets, la nouvelle économie des migrations (Stark et Bloom, 1985) a projeté les recherches au-delà des décisions individuelles pour s’intéresser aux processus de décisions collectives dans des situations d'incertitude. La dimension stratégique de la migration, inscrite dans des projets de vie, des logiques de minimisation des risques économiques ou dans une quête d’ascension sociale, est alors analysée au regard du collectif familial. Ce renouvellement des approches s’est accompagné d’un dépassement des conceptions économicistes du développement vers un élargissement au développement humain qui positionne le bien-être humain en finalité, au-delà du seul progrès matériel. La migration n’est plus alors regardée du point de vue des gains économiques (revenus), mais de celui des formes d’organisation et du capital social. Nombre de travaux ont ainsi démontré le rôle fondamental des logiques de réseaux en tant que soubassement de la structuration et de la perpétuation à long terme des filières et des champs migratoires aux échelles internationales (de Haas, 2010 ; Guilmoto et Sandron, 2000 ; Massey, 1998). Ont émergé d’autres modes d’interprétation où les trajectoires de développement peuvent s’expliquer par la capacité des sociétés à mobiliser à distance et dans la dispersion des ressources économiques, sociales et spatiales. Cette rupture de paradigme tient, enfin, à un dépassement des conceptions classiques de la ruralité présupposant une homologie entre un territoire auquel est attaché un groupe social et une identité collective recouvrant une appartenance et un ancrage exclusif (Guétat-Bernard, 2007). Ce mythe d’une sédentarité paysanne utilisé comme métaphore de l’attachement au terroir, d’une représentation idéalisée et essentialiste d’un monde paysan enraciné, n’est pas sans lien avec la vision agrocentrée largement dominante dans la vision du monde rural au Sud. Or, la diversification des moyens d’existence hors de l’exploitation agricole des familles rurales, du terroir et de l’espace local, atteste, au contraire, de la prégnance ancienne et structurelle des migrations, de la pluriactivité et des relations au monde urbain dans les stratégies familiales (Lesourd, 1997), une tendance qui s’est amplifiée au cours des vingt dernières années (Sourisseau et al., 2012).

3 Notre contribution s’inscrit dans la continuité de ce changement de paradigme et propose une grille d’analyse du lien migration-développement à partir de la notion de « système familial multilocalisé » (SFM) dont la vocation est d’opérer un décentrage du regard porté sur les sociétés rurales au Sud marquées par les processus migratoires. La multilocalisation, notion au cœur de la proposition, élargit l’approche de la migration – généralement abordée tel que l’ensemble des déplacements internes et internationaux d’individus impliquant un changement de résidence de plus ou moins longue durée –, à la mobilité qui se définit en tant qu’ensemble de toutes les formes de déplacements, y compris ponctuels, parfois récurrents, liés au développement d’activités variées. La notion de SFM resitue ainsi les fonctionnements sociospatiaux des familles rurales qui se dispersent dans un enchevêtrement de lieux formant un « espace mobilitaire familial », se déployant dans un continuum social et temporel de situations de ruralités et d’urbanités à diverses échelles ne pouvant se comprendre que dans leurs interrelations. L’espace mobilitaire n’a pas pour simple effet la multilocalisation mais aussi, potentiellement, la production de liens et de circulations articulant les lieux de la dispersion. La question se pose donc de savoir en quoi le dispositif « fait système » et « ressource » pour la famille (Mercandalli, 2013 ; Cortès, 2008). C’est dans la compréhension de ces pratiques et de ces logiques que nous cherchons à comprendre la manière dont la migration – ou plus largement la mobilité – permet d’éclairer les enjeux du développement humain au Sud.

4 Notre proposition, méthodologique et analytique, s’organise en trois temps. Nous exposerons une synthèse des travaux ayant participé au renouvellement des approches de la ruralité au Sud. Nous expliciterons, ensuite, le cadre théorique et méthodologique de la grille des SFM. Enfin, nous appliquerons cette grille à un terrain d’étude au Nicaragua et présenterons les résultats de travaux en cours. Nous conclurons sur les apports de la grille et des éléments critiques pour envisager des pistes d’amélioration.

1. LE RENOUVELLEMENT DES APPROCHES DE LA RURALITÉ ET DE LA MIGRATION AU SUD

1.1 De l’exploitation agricole aux systèmes d’activités

5 La représentation emblématique d’un monde paysan enraciné à un territoire-terroir, distinct de la société globale et a-historique, relève d’une construction sociale et idéologique façonnée en France, mais aussi pour les sociétés non européennes dans le contexte colonial (Mbembe, 2005). Cette vision exclusive, au Nord et au Sud, s’est par ailleurs constituée autour d’une activité unique – l’agriculture – et s’est ensuite renforcée au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La modernisation de l’agriculture devant jouer un rôle déterminant dans le développement, il s’est agi de substituer la figure de l’exploitant familial spécialisé à celle du paysan.

6 Ainsi, en particulier en France dans les années 1970-80, les recherches en géographie et en économie rurale se sont centrées sur la modélisation systémique du fonctionnement des exploitations agricoles et l’établissement de typologies pour lire les transformations des processus productifs dans l’agriculture dans le temps long des sociétés rurales. La mobilisation de ces outils, centrés sur le concept de système agraire (Cochet, 2011), présuppose que les logiques des producteurs s’expliquent par la dotation en facteurs (terre, travail, capital financier) et les performances techniques et économiques se mesurent à l’aune de la maximisation de la production agricole et des résultats monétaires.

7 Des recherches ont pourtant montré que les logiques des familles agricoles ne pouvaient s’entendre qu’à la lumière de stratégies plus vastes inscrites dans un métasystème que Paul et al. (1994) appellent système d’activités et qu’il était nécessaire d’incorporer des éléments structurant tels que la mobilité spatiale (Ancey et Fréguin-Gresh, 2014 ; Cortès, 2011) et la pluriactivité (Laurent, 2005) dans les analyses de la ruralité. Suivant une autre logique, le cadre de référence des moyens d’existence ruraux et durables (Sustainable Rural Livelihoods, SRL) propose de caractériser les stratégies de moyens d’existence des familles rurales par leur dotation en capitaux (physique, financier, humain, social et naturel), intégrant la diversification rurale aux activités agricoles, mais aussi la durabilité et les dimensions non marchandes (Chambers et Conway, 1991). Enfin, même s’ils n’ont pas eu l’audience qu’ils méritaient, d’autres travaux proposent de s’intéresser aux liens intrafamiliaux et aux articulations entre résidence, consommation, production et accumulation (Couty, 1987). Toutefois, en s’appuyant sur une unicité de lieu renvoyant à un idéal-type paysan mendrassien [5], la plupart de ces travaux n’ont traité la mobilité qu’en creux et n’ont pas désancré les analyses du lieu de la production agricole, ne saisissant qu’indirectement la plurirésidence, l’éclatement de la consommation et l’accumulation dans leurs dimensions spatiales (Sourisseau et al., 2012).

1.2 Vers la reconnaissance des dispositifs réticulaires et des circulations

8 Après des travaux précurseurs sur les relations villes-campagnes (Amselle et al., 1978), les années 1990 ont vu se multiplier les recherches sur les articulations entre ancrage et mobilités dans les sociétés au Sud, remettant en cause le mythe de la sédentarité et de l’immobilité paysannes (Skeldon, 1990). Une géoéconomie des relations villes-campagnes (Chaleard et Dubresson, 1999) et des interdépendances organisée autour de la mobilité des personnes, des échanges et des revenus (Peemans, 1995) s’est alors développée en parallèle de l’impulsion d’analyses en termes de territoires-archipels liés aux processus de mondialisation (Veltz, 1996). Ces travaux ont montré l’existence de relations se tissant entre les unités familiales, l’agriculture et l’ailleurs vers lequel se déplace une partie de la famille, dont l’une des traductions est le poids des remises migratoires dans la constitution des revenus des ruraux.

9 Dans cette lignée de recherches, des géographes (Baby Collin et al., 2009, Cortès, 2000) ont mis en évidence l’existence de dispositifs réticulaires fondés sur une dispersion des individus, ne signifiant pas pour autant une rupture entre les lieux et une fragmentation de la cohésion de la famille. Ces travaux se sont inspirés du changement de paradigme dans l’étude de la migration qui a cessé d’être regardée tel un transfert définitif d’individus d’un lieu vers un ou plusieurs autres. En parallèle, d’autres recherches en anthropologie ont mobilisé la notion de transnationalisme, analysant la migration internationale par l’examen des liens que les migrants maintiennent avec les individus et les groupes restés à l'origine (Glick Schiller et al., 1992) et ouvrant la voie à l’analyse des familles transnationales (Cortès, 2011). Malgré les critiques adressées à ces approches (Kivisto, 2001), elles ont été d’un apport majeur à la compréhension des processus migratoires. Convergentes mais non tout à fait équivalentes, d’autres recherches ont privilégié la notion de circulation migratoire (De Tapia, 2007), parfois associée à la perspective transnationale (Cortès et Faret, 2009). Elles ont mis l’accent sur le rôle majeur des liens entre des lieux distants, en particulier par la mise en œuvre de circulations matérielles et immatérielles qui structurent un champ migratoire (Simon, 2008) et un champ social (Faist, 2000). Enfin, d’autres travaux ont analysé les liens entre les membres de familles vivant dans des lieux dispersés pour comprendre les incidences de la migration sur les dynamiques rurales, notamment sur la constitution d’un patrimoine foncier lequel, tout en motivant la dispersion, conditionne les modalités des liens intergénérationnels et donne naissance à des économies familiales en archipel (Quesnel et Del Rey, 2005).

2. CONCEPTUALISATION ET PRINCIPES DE LA GRILLE ANALYTIQUE DES SFM

10 Les approches renouvelées de la ruralité et de la migration dans divers champs disciplinaires constituent le soubassement d’une conceptualisation des systèmes familiaux multilocalisés ». Nous définissons ces systèmes tels des espaces de dispersion et de circulation de ressources humaines, sociales et économiques au sein desquels évoluent des familles rurales afin de sécuriser, de maintenir ou d’améliorer leurs moyens d’existence. Mobiliser les SFM revient à juger de la capacité des familles à maintenir dans le temps la dispersion et la mise en circulation afin d’améliorer leur bien-être. Il s’agit d’étudier les relations de complémentarité, de solidarité et d’intérêts partagés au sein du groupe familial, selon une triple logique de dispersion, de circulation et d’articulation (Cortès, 2008).

2.1 Saisir la morphologie de l’espace de dispersion et de circulation familial

11 Nous positionnons la mobilité (parmi laquelle la migration) au cœur des stratégies d’acquisition de moyens d’existence (livelihoods) des familles rurales, sans avoir d’a priori sur les conséquences, négatives ou positives, qu’elle peut avoir sur le bien-être et les changements sociaux et/ou économiques dans les espaces d’origine. En optant pour l’analyse de l’ensemble des mobilités (quotidiennes, saisonnières, temporaires, définitives), c’est-à-dire de la multiplicité des lieux fréquentés par les ruraux, nous cherchons à embrasser la complexité et la diversité des stratégies familiales. La mobilité répondant à des motivations individuelles et collectives, il s’agit donc de comprendre ses diverses formes d’expression spatiales et temporelles, quels que soit le lieu, la distance ou la durée des déplacements.

12 En considérant la famille en tant qu’unité sociale « qui fait sens », nous postulons qu’elle est à la fois une sphère d’appartenance, de dépendance et de domination, mais aussi de complémentarité et de solidarité. D’un côté, l’individu peut rarement échapper à son environnement familial qui s’inscrit dans un contexte socio-culturel spécifique, impliquant normes, valeurs, obligations et engagements plus ou moins contraignants ; de l’autre, il peut jouer sur la cohésion sociale du collectif pour en faire un support de sa stratégie individuelle, impliquant ou non la mobilité. Un des défis méthodologiques soulevé par les SFM est donc d’articuler la morphologie de la famille multilocalisée avec celle des flux et des rapports sociaux qui relient les lieux de la dispersion.

2.2 Décrypter les stratégies de moyens d’existence visant à sécuriser, maintenir ou améliorer le bien-être familial

13 Le cadre de référence des moyens d’existence ruraux et durables envisage trois dimensions fondamentales et interdépendantes du développement humain : les capabilités, l’équité et la durabilité (Chambers et Conway, 1991). Les ruraux visent alors à optimiser la combinaison de moyens d’existence en fonction de leurs nécessités, mais aussi de leurs choix délibérés à mobiliser des ressources pour sécuriser, maintenir et améliorer leur bien-être. Ces choix s’opèrent sous des contraintes plus ou moins fortes et se fondent sur un accès sélectif aux ressources, une perception spécifique des risques et des opportunités, et selon des aspirations individuelles.

14 Des travaux utilisant le cadre SRL proposent une démarche pour l’opérationnaliser, afin de caractériser la dotation en capitaux et d’étudier la diversification des activités et des revenus générés (Bosc et al., 2015). Nous cherchons à aller plus loin, en étudiant les capacités des individus et de leur famille à mettre à profit leurs dotations en ressources matérielles et sociales pour développer des activités [6] et se mettre en mobilité. Mobiliser le cadre SRL permet ainsi de comprendre l’expression des choix dans la réalisation de systèmes d’activités dans plusieurs lieux entre lesquels circulent des ressources. Il offre une clef de lecture du fonctionnement des systèmes de normes, des relations sociales intrafamiliales en œuvre et des mécanismes d’accès aux ressources au cours du cycle de vie des individus (Ellis, 1998).

2.3 Les capabilités circulatoires : interpréter les SFM dans une perspective de développement humain

15 Des recherches sur la migration (de Haas, 2010 ; de Haas et Rodriguez, 2010) se sont d’ores et déjà appuyées sur l’approche par les capabilités en s’inspirant des travaux de Sen (Sen, 2000) qui propose une distinction entre les capabilités, qui seraient les libertés réelles de se comporter (actes ou choix envisagés), les fonctionnements (accomplissements ou choix qui sont faits) et les ressources (ce que l’on possède réellement). Cette précision terminologique, d’apparence simple, permet d’appréhender le lien migration-développement du point de vue des libertés effectives de choix et d’action des individus. La distinction entre fonctionnements et capabilités permet de concevoir l’analyse en termes d’accès potentiel à la mise en circulation. La distinction entre potentialités et capacités, quant à elle, ouvre la voie à une approche de la mobilité des individus qui peut être conçue telle une façon d’exercer des capabilités.

16 Sans reprendre intégralement l’approche par les capabilités, nous mobilisons le concept de capabilités circulatoires qui renvoie au pouvoir, savoir et vouloir circuler et faire circuler des ressources au sein de l’espace mobilitaire familial. Au-delà des potentialités à mettre en mobilité, nécessairement dépendantes d’un cadre d’opportunités et de contraintes endogènes et exogènes, les capabilités circulatoires consistent à se penser apte à être mobile, ce qui suppose la prise en compte des contextes de construction de la subjectivité, c’est-à-dire des positions des sujets-acteurs, de leurs capacités à choisir et à agir, y compris dans des contextes de dépendance et de domination.

3. APPLICATION DE LA GRILLE DES SFM AU NICARAGUA

17 Nous avons mis à l’épreuve la grille des SFM en l’appliquant à une étude de terrain menée dans une région rurale du Nord du Nicaragua. Les travaux, encore en cours, proposent de tester la pertinence de la grille dans un contexte géographique et historique adapté à notre approche.

3.1 Démarche d’application des SFM dans une région illustrative des mobilités et des enjeux de développement au Nicaragua

18 Au Nicaragua, la ruralité a connu des mutations intenses au cours des dernières décennies. Conflits armés, tentatives de réforme agraire et changements structurels dans l’agriculture ont favorisé les migrations depuis le Pacifique, région historique de peuplement, vers l’intérieur du pays, les villes ou l’étranger (Baumeister, 2006). Ces migrations se sont renforcées avec l’émergence d’emplois ruraux non agricoles en réponse à la crise du secteur après sa libéralisation. Malgré l’ancienneté de la pluriactivité et l’importance des migrations au Nicaragua (un million de personnes circuleraient hors des frontières), les recherches sur ce phénomène sont peu nombreuses et s’attachent surtout à caractériser les profils sociodémographiques des migrants ou à estimer la valeur des remises [7] et leur incidence sur la pauvreté. En revanche, les logiques sociales et spatiales ne sont abordées que par de rares travaux (Prunier, 2013).

19 Nos travaux portent sur une région au Nord du pays, située à la frontière avec le Honduras (terrestre) et le Salvador (maritime), considérée par les statistiques nationales en tant que rurale [8]. La sélection de cette région répond à plusieurs critères : 1) un développement tourné vers l’agriculture, en particulier autour de formes familiales de production insérées dans des filières stratégiques nationales et d’exportation ; 2) la proximité de marchés de produits, services et emplois offrant des opportunités locales non agricoles ; 3) la proximité de frontières créant un espace complexifié par la combinaison de marchés ruraux et urbains, nationaux ou non.

20 La région concerne six communes [9] connues comme étant des refuges paysans du corridor sec méso-américain, à l’interface de la plaine du Pacifique, la plus fertile mais aussi la plus inégalitaire du pays, et d’une zone montagneuse aux conditions agro-écologiques et socio-économiques contraignantes (qualité des sols variables, fortes pentes, aléas climatiques, catastrophes naturelles, pauvreté et malnutrition). Si une position d’interface fait que l’agriculture est restée attractive pour les ruraux, les conditions contraignantes les ont aussi obligés depuis longtemps à diversifier leurs activités hors exploitation et à migrer.

21 Entre 2012 et 2015, nous avons mené une enquête auprès de familles rurales dans cette région. Il convient de préciser que la famille, en tant qu’unité sociale d’analyse, est définie ici par un couple fondateur (génération 1), duquel se déploie un réseau descendant basé sur la parenté (sur les trois générations suivantes), les alliances (mariage, concubinage) ou d’autres liens de proximité (adoption informelle). Cet ensemble forme ce que nous appelons « la sphère familiale », elle-même constituée de « groupes familiaux » définis par les fratries de la deuxième génération et leurs descendances. Nous avons sélectionné de manière raisonnée un échantillon de 17 sphères familiales, regroupant au total 54 groupes et 556 individus de tous âges, dont certains sont mobiles et/ou ont une expérience passée de mobilité.

22 L’enquête permet de caractériser la composition de la majorité des sphères familiales et la localisation d’une grande partie des membres [10]. Nous avons aussi réalisé des entretiens approfondis et des récits de vie avec près de 200 individus de ces sphères familiales dans la région et plusieurs lieux de l’espace mobilitaire de ces familles au Nicaragua, au Costa Rica et en Espagne. Les informations collectées permettent de répondre à trois objectifs interdépendants : définir les espaces mobilitaires familiaux ; analyser les capabilités circulatoires au regard de la dispersion et des liens familiaux ; analyser les moyens d’existence qui sous-tendent les capabilités circulatoires et, plus largement, les SFM.

3.2 Un espace de dispersion multipolaire, entre villes et campagnes

23 Nous présentons ici la morphologie de la dispersion à l’échelle de tout l’échantillon, puis au niveau d’une famille illustrative de l’une des communes de la région d’étude (Somotillo), de manière à décrypter de façon plus fine les résultats de l’application de la grille SFM. Pour l’échantillon, l’espace mobilitaire se déploie dans 20 groupes de lieux que nous avons positionnés selon les critères de la distance-temps à la région de référence, de l’attractivité migratoire et du degré d’ancienneté de la polarisation du lieu (figure1).

24 Près de 60 % des individus à la date de l’enquête sont dans la région d’étude, la plupart dans les localités rurales. Le reste des individus se dispersent dans un espace multipolaire aux échelles nationales et internationales. Les destinations les plus représentées concernent des pôles migratoires anciens, proches de la région d’étude (ville de Chinandega), au Costa Rica (San José et ses campagnes alentours) ou dans les campagnes du Salvador. Elles concernent aussi les régions Sud et Nord-Est des États-Unis (8 %), pôle traditionnel s’étant affirmé dans les années 1980 pendant les conflits. Certains lieux de migration ancienne voient leur attractivité décliner (les villes de Choluteca, Tegucigalpa et les campagnes de la région frontalière au Honduras) [11], tandis que d’autres sont en émergence (Saragosse ou Séville en Espagne, Panama) [12]. De fait, le choix des destinations dépend des aménités du lieu (marché d’emplois, sécurité, possibilité de légalisation) et des conditions d’accès aux emplois (secteur d’activité, salaires, formalité).

Figure 1

Morphologie de la dispersion des familles de la région d’étude (471 individus [13], 2012-2015)

figure im1

Morphologie de la dispersion des familles de la région d’étude (471 individus [13], 2012-2015)

auteurs (enquêtes : A. Trousselle).

25 Un seul lieu peut être animé par différentes formes et rythmes de mobilité. Toutefois, dominent des migrations résidentielles pour plusieurs années qui n’excluent pas des retours ponctuels dans la région d’origine, notamment depuis le Panama, Salvador ou Costa Rica, et plus encore depuis les villes proches de Chinandega ou León. Certains lieux polarisent des migrations saisonnières de courte durée (Santa Rosa de Lima au Salvador, San José au Costa Rica, San Carlos au Nicaragua), tandis que des mobilités quotidiennes (aller-retour sur un ou plusieurs jours) s’opèrent au sein de l’espace de proximité, au Nicaragua et au Honduras.

3.3 De l’espace de dispersion aux capabilités circulatoires : étude de cas

26 La sphère familiale de Somotillo (figure 2) est constituée de 6 groupes familiaux et de 55 individus. Elle indique un degré de dispersion plus marqué que pour l’échantillon global avec 70 % des membres hors de la zone de référence. Les destinations se concentrent dans trois groupes de lieux : la ville de Chinandega et ses campagnes alentours, où plusieurs groupes ont construit des ancrages (30 % des individus), la ville de San José au Costa Rica et des villes aux États-Unis. La migration indique ici peu de différenciation par le genre, dans la mesure où elle engage pour la plupart des cas l’ensemble de la famille nucléaire (un seul foyer vit une séparation conjugale) [14]. Sont aussi lisibles les destinations émergentes (Panama, Chinandega). Parmi les six groupes (figure 2), deux sont entièrement localisés hors région d’étude (GF1, GF3), la migration s’opérant à l’international ou dans la ville proche de Chinandega. Tous les autres groupes (GF2, GF4, GF5, GF6) ont la plupart de leurs membres dans une même communauté des campagnes de Somotillo (certains vivant sous le même toit), tandis que d’autres migrent aux États-Unis et au Costa Rica.

27 Nous avons limité l’étude des activités à l’emploi, la scolarisation et aux charges domestiques au foyer (figure 2) qui se répartissent de façon différenciée selon les lieux. L’activité agricole apparaît logiquement dominante dans les campagnes du Nicaragua, mais n’exclut pas la pluriactivité (commerce, construction, transport). Les services à la personne, emploi exclusivement féminin, s’observent dans la ville de Chinandega (pour d’autres sphères familiales, l’activité est récurrente en Espagne), tandis qu’au Panama et aux États-Unis, les hommes travaillent dans la construction et la restauration. Ce sont dans les lieux de concentration des membres que se lit la diversité d’activités (campagnes de Somotillo, Chinandega et San José).

Figure 2

Morphologie de la dispersion d’une sphère familiale de Somotillo (55 membres, 2014-2015)

figure im2

Morphologie de la dispersion d’une sphère familiale de Somotillo (55 membres, 2014-2015)

enquête en cours, A. Trousselle.
Figure 3

Morphologie de la circulation de la sphère familiale de Somotillo (55 membres, 2014-2015)

figure im3

Morphologie de la circulation de la sphère familiale de Somotillo (55 membres, 2014-2015)

auteurs (enquêtes : A. Trousselle).

28 Les entretiens approfondis ont permis de capturer la densité, la nature, la fréquence et la direction des circulations qui s’opèrent au sein de cette sphère familiale. Nous ne représentons ici que les circulations (figure 3) matérielles ou monétaires (argent ou prêts), celles de biens consommables (aliments, vêtements, médicaments, etc.) ou d’intrants et de matériels agricoles (semences, plantes, animaux, outils), sachant qu’elles sont systématiquement accompagnées de circulations immatérielles (transferts de compétences, expériences, savoirs et savoir-faire, obligations et droits, etc.). Ne sont pas prises en compte non plus les circulations suprafamiliales (filières de recrutements, réseaux de voisinages ou associatifs), généralement liées à une appartenance géographique (la communauté rurale, le village), alors même que nous avons pu relever leur importance lors des entretiens.

29 La figure 3 met au jour une très forte densité de flux, à caractère multidirectionnel. Autrement dit, les circulations ne convergent pas seulement vers le lieu de référence, tel qu’on aurait pu l’imaginer dans un schéma classique de transfert depuis les lieux de destinations migratoires vers l’origine, et des villes vers les campagnes. Les circulations mettent en réseau de façon réciproque l’ensemble des groupes de lieux de la dispersion. Certes, les flux financiers irriguent davantage les localités rurales de Somotillo, et ce en provenance de la quasi-totalité des lieux de mobilité (les États-Unis et San José étant les plus gros émetteurs de remises). Mais les circulations monétaires interurbaines, entre Costa Rica, États-Unis, Panama et Nicaragua, aussi significatives, témoignent de solidarités intrafamiliales en termes de ressources monétaires plus complexes.

30 Un autre élément notable est la densité des circulations de biens consommables. Apportés lors des allers et venues des individus mobiles ou envoyés par transport terrestre, la circulation d’aliments, de vêtements ou de médicaments, y compris depuis ou vers les lieux éloignés (San José ou Panama), témoigne du rôle important des échanges non monétaires. La circulation d’intrants et de matériels agricoles est cruciale dans le soutien à l’agriculture à Somotillo ou Chinandega, visant en partie l’amélioration des performances techniques et l’innovation. Les ruraux fournissent semences, plantes ou animaux aux membres installés dans les villes qui agrémentent leur jardin ou cultivent des parcelles dans les campagnes environnantes (Choluteca, Panama ou Chinandega).

31 Au-delà de leur spatialisation, les capabilités circulatoires doivent aussi se lire au regard des relations interindividuelles, intra ou intergénérationnelles. Les circulations, malgré leur densité et leur caractère multidirectionnel, ne mettent pas en lien l’ensemble des individus. Les liens les plus forts, selon les récits de vie, s’opèrent au sein même des groupes familiaux, impliquant les circulations les plus denses (volumes et fréquence). Particulièrement intenses, les circulations intergénérationnelles se traduisent par le transfert d’argent visant la subsistance quotidienne des parents et l’appui à certaines activités. Sont également lisibles des solidarités fortes et des circulations entre les fratries de la troisième génération.

32 Entre les groupes familiaux, les capabilités circulatoires s’expriment entre les fratries de la deuxième génération et les cousins de la troisième génération. Les liens se traduisent par des transferts monétaires ou des prêts d’argent, entre cousins surtout, lorsque les migrants financent la mise en mobilité d’un des leurs, mais aussi mettent à leur disposition des biens immatériels (informations, logement, etc.). De même, ce sont les circulations de biens consommables ou d’intrants et d’équipements agricoles qui caractérisent les solidarités intergroupes. Certains individus jouent un rôle « pivot » dans la cohésion familiale. Ainsi, au sein du groupe familial 2 localisé dans une localité de Somotillo, l’une des filles a initié la filière migratoire vers Chinandega et a été, pendant plusieurs années, le relai d’entraide pour les autres membres partis vivre dans cette ville. Depuis son retour, elle contribue aux circulations matérielles par ses « circulations-visites » récurrentes au sein de l’espace de dispersion de la famille. Dans de rares cas, les circulations intergroupes sont géographiquement sélectives, dans la mesure où elles ne mettent en relation que les membres d’une même localité rurale (cas du groupe 4).

33 Au final, les capabilités circulatoires se déploient au travers de liens à géométrie variable, largement déterminés par des rapports de solidarités, d’entraide et d’obligation morale. Le « faire système », qui émane de ce savoir, pouvoir et vouloir faire circuler, surgit d’un certain degré de cohésion sociale au sein, ou entre, les groupes familiaux, au-delà de la distance géographique. En quoi, dès lors, dispersion et circulation « font-elles ressource » ? Et selon quelles configurations ?

3.4 « Faire ressource » : une lecture par les stratégies de moyens d’existence et les systèmes d’activités

34 Il s’agit ici d’interpréter les capabilités circulatoires au regard des stratégies de moyens d’existence qui les sous-tendent. Nous analysons ce lien au regard des systèmes d’activités déployés dans les lieux de la dispersion, pour en saisir leur mode d’articulation et ce, en fonction des dotations en capitaux à disposition ou acquis dans la multilocalisation. Nous considérons différentes manières de « faire ressource », selon le degré plus ou moins fort de complémentarités entre les systèmes d’activités et de renforcement des dotations individuelles et collectives. L’analyse de la sphère familiale permet de dégager trois configurations-types décryptées exclusivement à l’échelle des groupes familiaux. La première renvoie à une organisation interne du groupe familial fondée sur de fortes complémentarités et interdépendances des systèmes d’activités avec la mise en commun des capitaux, mais aussi des intérêts partagés en termes de stratégies individuelles. Il s’agit là de la forme la plus aboutie du « faire ressource », dans la mesure où le collectif organise sa multilocalisation au bénéfice de chacun, impliquant membres mobiles et non mobiles, et sur les bases de la complémentarité des lieux. Le SFM fait pleinement partage, et augmente les dotations individuelles et collectives en capitaux. Les groupes familiaux 4 et 6 développent cette logique d’interdépendance s’exprimant dans le lien à l’agriculture pratiquée à Somotillo. Dans le premier cas, les migrants aux États-Unis, par les revenus procurés dans la restauration ou la construction, contribuent au renforcement des dotations liées à l’activité agricole des parents (financement de la main-d’œuvre, de matériel, d’animaux ou de terres) et, en même temps, tirent une épargne de leur propre activité agricole sur les terres de leurs parents, gérée par la famille sur place. Les stratégies passent par une réciprocité des liens et des intérêts, et la multilocalisation des systèmes d’activités se fait tant à l’échelle de l’individu que du groupe. La configuration est identique pour le groupe 6 dans un contexte de plus forte proximité spatiale (migrations à San José et Chinandega) et de moindre accumulation (dotations en terres plus importantes dans le premier cas).

35 La seconde configuration concerne une organisation familiale reposant non pas sur des interdépendances croisées et la mise en commun des ressources, mais sur une captation des circulations par les membres localisés dans un seul lieu. Cette logique caractérise le groupe 1 qui s’est désengagé de l’activité agricole après avoir vendu les terres héritées lors de sa migration à San José et Chinandega. Les groupes du Costa Rica sont les pivots des circulations ayant permis le renforcement de dotations des membres vivant au Nicaragua (installation d’un commerce).

36 La dernière configuration renvoie à une organisation familiale ne reposant pas sur l’articulation des systèmes d’activités multilocalisés entre ménages. Les activités sont assez autonomes dans les lieux de la dispersion et les stratégies ne passent pas par la mise en commun des capitaux. Toutefois, l’absence d’interdépendance n’exclut pas le maintien du lien social et des solidarités, même si les circulations en œuvre sont moins denses. Dans le groupe 3, dispersé entre les campagnes de Chinandega, le Honduras et Panama, seul un migrant, par ses retours récurrents, maintient un lien avec l’activité agricole des parents et de ses sœurs au Nicaragua. Ici, le SFM ne fait pas tant ressource à l’échelle collective du groupe, mais plutôt au sein de chaque ménage [15].

37 Les formes les plus abouties des SFM, par le développement de capabilités circulatoires, sont les moins courantes dans notre échantillon. De fait, le vouloir, pouvoir et savoir circuler suppose de surmonter de multiples contraintes, tensions, risques et parfois souffrances. Tel qu’en témoignent les récits de vie, le vécu parfois douloureux de la distance, de l’obligation familiale inscrite dans des rapports de domination (conjugaux ou intergénérationnels), les aspirations d’émancipation de certains (les fils sur l’exploitation agricole) affectent la cohésion familiale. De même, les risques de passage des frontières liés au durcissement des politiques migratoires – la plupart des migrants étant en situation illégale aux États-Unis, au Costa Rica et au Panama – la précarité et l’informalité des emplois relativisent ici la portée sociale et le sens à donner au faire ressource.

CONCLUSION : LIMITES ET PERSPECTIVES

38 La grille d’analyse des SFM appliquée au Nicaragua ouvre la voie à une réflexion plus large sur des enjeux d’ordre méthodologique, et sur sa pertinence au regard des politiques publiques de développement rural au Sud. Son intérêt est qu’elle permet de reconsidérer le lien migration-développement au regard d’une ruralité qui n’est pas circonscrite au seul territoire de référence et d’intégrer la diversification rurale, la multilocalisation et les circulations, en resituant les fonctionnements des familles dans un enchevêtrement de lieux qui articule le rural et l’urbain, le Sud et le Nord.

39 Une analyse en termes de SFM n’est cependant pas sans difficulté et exige des affinements méthodologiques. Son application montre plusieurs verrous. Comme toutes les approches systémiques et multidimensionnelles, les informations à renseigner sont nombreuses et complexes, ce qui implique des dispositifs de collecte spécifiques aux contextes étudiés, mais délicats et coûteux. Les temporalités multiples (cycle de vie ou trajectoires générationnelles) et les changements d’échelles (de l’individuel au collectif, du local à l’international) sont également difficiles à capter. L’approche diachronique s’avère alors impérative et appelle à l’inventivité en matière d’expérimentations méthodologiques. Enfin, les critiques quant à la subjectivité des approches du développement en termes de capabilités (Farrington et al., 1999) trouvent ici une réponse dans la transposition du concept à l’espace socio-spatial des circulations, mais dont le décryptage exige une ethnologie fine et multisituée des liens et des échanges qui se jouent entre tous les individus. L’analyse des capabilités circulatoires constitue, en ce sens, une voie prometteuse pour une meilleure compréhension des complexités mobilitaires dans leurs liens au développement.

40 Par ailleurs, la grille permet d’envisager de nouvelles pistes pour l’action. Les réalités rurales marquées par des mobilités inscrites de façon structurelle et ancienne dans les sociétés, telles qu’observées au Nicaragua et dans d’autres régions au Sud, constituent un défi pour les politiques de développement rural. Si celles-ci tendent à dépasser une vision sectorielle, force est de reconnaître qu’elles conçoivent la territorialisation de leur action telle que centrée sur l’espace local. Comment intégrer les effets de multilocalisation familiale, c’est-à-dire le spectre élargi du champ d’activité des familles et leur espace de mobilité ? Comment mettre à profit pour le développement les capabilités circulatoires, en accompagnant ou en captant les flux monétaires ou matériels, mais aussi ceux d’ordre social ou immatériel ? Le cas du Nicaragua confirme que les capabilités circulatoires sont déterminantes dans la maîtrise de la dispersion, et que celles-ci constituent un élément fort de différenciation du maintien de l’agriculture, mais plus largement des états de bien-être humain, des perspectives de sortie de la pauvreté, voire d’ascension socio-économique. Cela étant, il ne s’agit pas de laisser aux populations le soin de déployer seules leurs leviers d’action pour leur développement. La question demeure celle de la responsabilité des politiques publiques quant aux conditions structurelles au sein desquelles les familles évoluent, à savoir les dotations en capitaux et leur distribution sociospatiale, et plus amplement, aux conditions mêmes du pouvoir circuler, mais aussi du pouvoir rester.

Notes

  • [1]
    Сentre internаtionаl de reсherсhe аgronomique pour le développement (СIRAD), UMR Aсteurs, ressourсes, territoires pour le développement (ARТ-Dev), Niсаrаguа. freguin@сirаd.fr
  • [2]
    Université Pаul Vаlerу Montpellier, UMR ARТ-Dev. genevieve.сortes@univ-montp3.fr et аnаis.trousselle@univ-montp3.fr
  • [3]
  • [4]
    Université de Тoulouse, Еnfа, Lаborаtoire Dуnаmiques rurаles. helene.guetаt-bernаrd@eduсаgri.fr
  • [5]
    Mendrаs (1976) définit le pауsаn en quаtre саrасtères : аutonomie relаtive pаr rаpport à lа soсiété englobаnte, importаnсe struсturelle des logiques domestiques, аutаrсie relаtive, forсe des rаpports d’interсonnаissаnсe аu sein de lа soсiété
  • [6]
    Lа notion d’асtivité s’entend dаns une ассeptаtion lаrge qui inсlut le trаvаil rémunérаteur ou non, les études, les асtivités réсréаtives, les soins, le bénévolаt, аutаnt d’éléments сritiques pour interroger le développement humаin.
  • [7]
    Еn сonstаnte аugmentаtion, elles sont estimées pаr lа Ваnque interаmériсаine de développement à plus de 1 milliаrd de dollаrs pаr аn, soit près de 15 % du PIВ.
  • [8]
    Le reсensement de 2005 сonsidère сomme loсаlités rurаles сelles de moins 1 000 hаbitаnts et qui ne possèdent аuсune struсture urbаnistique.
  • [9]
    Villаnuevа, Ѕomotillo, Ѕаnto Тomás del Norte, Ѕаn Јuаn de Сinсo Pinos, Ѕаn Pedro del Norte et Ѕаn Frаnсisсo del Norte, inсluаnt 25 сommunаutés rurаles.
  • [10]
    Pour huit sphères fаmiliаles, tous les groupes fаmiliаuх n’ont pаs pu être identifiés. Ѕur 556 membres, nous аvons obtenu l’informаtion sуstémаtique pour 471 individus (85 % de notre éсhаntillon), dont 70 % ont plus de 15 аns.
  • [11]
    Le déсlin de сertаins lieuх se fаit аu profit d’аutres plus ассessibles. Le déсlin de pôles аttrасtifs dаns les аnnées 1980 (Guаtemаlа сitу et Ѕаn Ѕаlvаdor) est lié à lа situаtion d’inséсurité.
  • [12]
    L’аttrасtion réсente du Pаnаmа s’eхplique pаr lа forte demаnde en mаin-d’œuvre liée à l’élаrgissement du саnаl interoсéаnique et de lа сonstruсtion du métro. Lа migrаtion vers l’Еspаgne dаte du début des аnnées 2000, аveс le développement d’une filière vers Ѕаrаgosse. Lа sаturаtion et lа détériorаtion des emplois dаns сette ville depuis 2008 entrаînent un redéploiement vers l’Andаlousie.
  • [14]
    Plusieurs ménаges ont véсu сependаnt une sépаrаtion сonјugаle аu сours de leur сусle migrаtoire. De même, сertаins enfаnts en bаs âge sont сonfiés аuх grаnds-mères ou аuх tаntes, surtout lors d’un premier dépаrt en migrаtion.
  • [15]
    Еn revаnсhe, les strаtégies de sсolаrisаtion des enfаnts pour lа quаtrième générаtion sont réсurrentes et touјours prioritаires, susсitаnt des сirсulаtions et des solidаrités сroisées аu sein, et entre, les groupes fаmiliаuх.
Français

Cet article propose une grille analytique et méthodologique du lien entre migrations et développement rural au Sud à partir de la notion de système familial multilocalisé. Les stratégies de moyens d’existence et les capabilités des familles sont analysées au prisme de leur espace de mobilité et des circulations qui articulent villes et campagnes, aux échelles nationales et internationales. L’application de la grille d’analyse aux campagnes du Nicaragua permet d’en tester la pertinence.

Mots-clés

  • migrations
  • multilocalisation
  • circulation
  • familles
  • ruralité
  • capabilités
  • Nicaragua

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Sandrine Fréguin-Gresh [1]
  • [1]
    Сentre internаtionаl de reсherсhe аgronomique pour le développement (СIRAD), UMR Aсteurs, ressourсes, territoires pour le développement (ARТ-Dev), Niсаrаguа. freguin@сirаd.fr
Geneviève Cortès [2]
Anaïs Trousselle [2]
Jean-Michel Sourisseau [3]
Hélène Guétat-Bernard [4]
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/12/2015
https://doi.org/10.3917/med.172.0013
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